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Ophtalmologie
Maladie de Eales
Cours d'Ophtalmologie
 
 
 

Introduction :

La maladie de Eales fut initialement décrite entre 1880 et 1882 par Henry Eales, ophtalmologiste britannique.

Il retrouva la maladie chez plusieurs hommes jeunes, âgés de 14 à 29 ans, et présentant des épisodes récurrents d’hémorragies rétiniennes.

Ces patients présentaient des antécédents de céphalées, anomalies circulatoires périphériques, constipation chronique et épistaxis.

Au siècle suivant, la maladie fut décrite à nouveau par plusieurs auteurs.

Elliot, le premier, retrouva l’existence d’une inflammation des veines de la rétine qu’il décrivit comme une périphlébite rétinienne.

Secondairement, plusieurs auteurs retrouvèrent l’existence d’une inflammation à la fois veinulaire et artériolaire.

L’étiologie précise de la maladie de Eales étant toujours indéterminée, la maladie devrait actuellement être étiquetée comme un syndrome ayant des signes cliniques spécifiques et une évolution qui lui est propre.

Le patient présente initialement une périvascularite rétinienne touchant de façon préférentielle la périphérie de la rétine (stade inflammatoire).

On retrouve ensuite une sclérose des veines rétiniennes, signe d’une ischémie rétinienne (stade ischémique), et finalement une néovascularisation rétinienne ou prépapillaire avec hémorragies intravitréennes récurrentes, avec ou sans décollement de rétine (stade néovasculaire).

Une mise à jour des connaissances concernant la maladie de Eales est nécessaire pour deux raisons.

Premièrement, la définition et l’étiologie de la maladie de Eales ne sont pas précisément établies.

Deuxièmement, les recherches cliniques et fondamentales de ces dernières années ont fourni des éléments importants pour la compréhension de la clinique et de l’étiologie de la maladie de Eales, en particulier pour la description de l’anatomie chirurgicale, les résultats à long terme de la vitrectomie, l’étude des antigènes du groupe HLA et de l’autoimmunité rétinienne, la présence du génome de Mycobacterium (M.) tuberculosis dans le liquide de vitrectomie et les membranes épirétiniennes des patients ayant une maladie de Eales, et le rôle des médiateurs des radicaux libres dans le sérum et le vitré de ces patients.

Le but de cet article est d’étudier les éléments actuels permettant de comprendre l’étiopathogénie de la maladie de Eales, à travers des études cliniques, biochimiques, immunologiques, et de biologie moléculaire. Le diagnostic différentiel et la prise en charge y sont également étudiés.

Épidémiologie :

La maladie de Eales fut initialement décrite au Royaume-Uni mais plusieurs séries ont ensuite été décrites aux États-Unis, au Canada, en Allemagne, en Grèce, en Corée et en Turquie.

De plus, plusieurs cas isolés dans d’autres pays ont été rapportés.

Actuellement, on retrouve la maladie de façon plus fréquente dans le sous-continent indien.

Dans un institut ophtalmologique en Inde, on retrouvait la maladie chez un sur 135 à 200 patients d’ophtalmologie.

La maladie de Eales touche plus communément les adultes jeunes en bonne santé.

Une prédominance masculine a été rapportée dans la plupart des séries (jusqu’à 97,6 % des cas).

Dans une série d’Amérique du Nord, une prévalence égale entre les deux sexes a été rapportée.

Dans la majorité des cas, les patients ont entre 20 et 30 ans à l’apparition des premiers symptômes.

Le patient le plus jeune chez lequel la maladie a été rapportée avait 10 ans, et l’âge moyen de début de la maladie est de 26 ans.

L’âge le plus avancé au début de la maladie a été rapporté chez des patients d’Amérique du Nord (34 ans pour les hommes, 40 pour les femmes), et en Allemagne (41 ans chez les hommes, 43 ans pour les femmes).

Signes cliniques :

A - SIGNES FONCTIONNELS ET ACUITÉ VISUELLE :

La maladie de Eales est considérée comme une entité syndromique spécifique ayant des signes cliniques, un aspect angiographique, et une évolution caractéristiques.

Au stade initial de périvascularite rétinienne, les patients sont souvent asymptomatiques.

Certains sujets peuvent présenter des corps flottants, un flou visuel ou même une baisse d’acuité visuelle importante, due à une hémorragie intravitréenne massive.

Dans une série de patients atteints de maladie de Eales, on retrouvait des myodésopsies ou des corps flottants chez 75 % des patients, et 60 % se plaignaient de flou visuel.

L’acuité visuelle chez ces patients peut aller d’une valeur normale à « voit bouger la main », ou même à une perception lumineuse seule.

L’atteinte est fréquemment bilatérale (50 à 90 % des cas).

Les manifestations cliniques de cette maladie sont liées à trois mécanismes étiopathogéniques principaux : inflammation (périvascularite rétinienne périphérique), ischémie (non-perfusion des capillaires rétiniens périphériques) et néovascularisation rétinienne ou prépapillaire, conduisant fréquemment à l’hémorragie intravitréenne.

1- Segment antérieur :

L’uvéite antérieure est rare dans la maladie de Eales.

Cependant, au stade de périphlébite active et sévère, on peut retrouver des signes d’inflammation antérieure.

Cette atteinte n’est jamais granulomateuse : l’existence d’une uvéite antérieure granulomateuse devra faire envisager le diagnostic d’uvéite sarcoïdosique mimant une maladie de Eales.

De la même façon, on ne retrouve pas d’hypopion dans la maladie de Eales, et son existence devra faire évoquer une maladie de Behçet.

2- Fond d’oeil :

Le fond d’oeil dans la maladie de Eales peut montrer des aspects très variables en fonction du stade de la maladie.

Les artérioles adjacentes aux veines sont parfois atteintes.

Typiquement, on retrouve une périvascularite active, avec des exsudats périveineux, affectant un ou plusieurs quadrants.

Ces exsudats sont souvent associés à des hémorragies rétiniennes superficielles.

L’aspect de la périvascularite active au fond d’oeil dans la maladie de Eales peut faire évoquer une occlusion de branche veineuse de la rétine (OBVR) de forme oedémateuse.

On peut différencier l’OBVR liée à la maladie de Eales de l’OBVR isolée, grâce au fait que cette dernière reste systématisée à un seul quadrant, alors que dans la maladie de Eales, on retrouve des signes de vascularite active ou cicatricielle et/ou des altérations vasculaires dans les autres quadrants.

Dans une série, on ne retrouvait de périvascularite active que dans 5 % des cas.

La périvascularite cicatricielle se présentait fréquemment sous forme d’engainement veineux.

On pouvait retrouver d’autres anomalies vasculaires, telles qu’une sclérose veinulaire, une irrégularité du calibre veineux, une pigmentation périveinulaire, des veinules tortueuses, des anastomoses vasculaires anormales, et des veines attirées dans la cavité vitréenne.

On ne retrouve pas de signes de choroïdite, ni active, ni cicatricielle dans la maladie de Eales.

En présence de ces signes, il faut rechercher l’existence d’une maladie simulant une maladie de Eales, telle qu’une sarcoïdose, une tuberculose ou une syphilis.

Cependant, on peut observer de petites taches atrophiques choriorétiniennes peu nombreuses, proches des vaisseaux rétiniens.

L’existence d’une périphlébite rétinienne centrale est particulièrement rare par rapport à celle d’une périphlébite rétinienne périphérique.

L’atteinte centrale est souvent limitée à un ou quelques troncs veineux.

Elle a été décrite comme une « maladie de Eales centrale », variante de la maladie de Eales classique.

Cependant, une telle localisation n’a pas été observée dans beaucoup de séries, et devant une localisation centrale des lésions, on doit rechercher d’autres causes de vascularite rétinienne.

Les modifications maculaires sont assez rares.

Dans une série récente (données non publiées), on retrouvait des anomalies maculaires dans 18 % des yeux.

L’anomalie la plus fréquemment retrouvée était l’oedème maculaire.

On peut également observer des exsudats maculaires et des membranes épimaculaires. Rarement, on peut observer une hémorragie rétrohyaloïdienne, un trou maculaire et une fibrose sous-maculaire.

La néovascularisation de la rétine périphérique est plus fréquente, retrouvée, dans 36 à 84 % des cas.

La néovascularisation prépapillaire est particulièrement rare, observée dans 9 % des cas d’une série.

La densification du vitré est peu courante dans la maladie de Eales.

Cependant, un léger trouble vitréen peut être retrouvé dans la zone de vascularite rétinienne active.

Les hémorragies intravitréennes à répétition sont souvent le sceau de la maladie.

Dans une étude, le fond d’oeil était non analysable chez 36,9 % des patients en raison d’une hémorragie intravitréenne dans l’oeil atteint.

L’hémorragie intravitréenne est fréquemment liée au saignement d’un néovaisseau prérétinien ou prépapillaire, mais elle peut également être secondaire à la rupture de capillaires ou de grosses veinules en phase d’ inflammation active.

Dans ce dernier cas, après résolution de l’hémorragie intravitréenne, l’examen clinique et l’angiographie ne retrouvent pas de néovascularisation.

Dans une série, on retrouvait une néovascularisation superficielle ou des fronts néovasculaires intravitréens dans 50 % des yeux.

Une étude réalisée chez des patients chez lesquels une chirurgie vitréenne était pratiquée, retrouvait un décollement de rétine tractionnel dans 38,9 % des cas, et mixte (tractionnel et rhegmatogène) dans 11,1 % des cas.

Dans le décollement de rétine mixte, on retrouvait une déchirure à la base de la prolifération néovasculaire.

On a récemment étudié l’anatomie chirurgicale des adhésions vitréorétiniennes en peropératoire.

Dans les 18 yeux vitrectomisés, on retrouvait un décollement postérieur du vitré incomplet.

Des adhésions rétiniennes multifocales ont été observées dans 83,3 % des yeux.

Un pli tractionnel radiaire allant de la papille à la périphérie a été observé dans 16,7 % des yeux.

B - ANGIOGRAPHIE À LA FLUORESCÉINE :

Plusieurs études ont retrouvé des éléments angiographiques permettant fréquemment de distinguer cette pathologie d’autres maladies vasculaires rétiniennes.

Bien qu’elle ne soit pas toujours nécessaire en routine pour reconnaître tous les cas de maladie de Eales, l’angiographie à la fluorescéine (AF) est particulièrement utile au stade d’ischémie pour délimiter les zones de non-perfusion capillaire, et mettre en évidence les néovaisseaux rétiniens et/ou prépapillaires ou un éventuel oedème maculaire.

En cas de vascularite rétinienne active, on peut observer une imprégnation des veines aux temps précoces, avec extravasation du colorant aux temps tardifs, ce qui est très caractéristique d’une inflammation vasculaire rétinienne active.

Il peut y avoir une augmentation de la perméabilité vasculaire de la rétine adjacente, et des diffusions étendues. Au stade cicatriciel, on ne retrouve qu’une imprégnation des parois vasculaires, sans diffusions aux temps tardifs.

L’occlusion et la stase veineuses peuvent bien être observées en AF, qui montre selon les cas une non-perfusion complète (OBVR), ou une dilatation et une tortuosité des veines en amont de la stase.

Aux stades ischémiques, on peut également retrouver des zones d’occlusion capillaire, des capillaires engorgés et tortueux, et des anastomoses veinoveineuses.

L’AF permet également de déterminer l’extension et la localisation de la néovascularisation de façon précise.

La néovascularisation, si elle est présente, peut être tout à fait caractéristique, montrant un aspect d’éventail de mer (sea fan) avec hyperfluorescence intense aux temps précoces de l’angiographie.

Une telle néovascularisation entraîne généralement des diffusions aux temps tardifs.

Une néovascularisation très périphérique peut passer inaperçue sur une AF, à moins qu’on n’utilise une lentille grand angle.

Dans ces cas-là, l’angioscopie du fond d’oeil avec fluorescéine peut avoir une utilité.

L’AF est également utile pour délimiter et localiser les zones ischémiques qui seront traitées par photocoagulation au laser.

Lors des visites de suivi, elle aide également à juger de l’efficacité de la photocoagulation et de la nécessité d’un nouveau traitement par photocoagulation.

Une étude a démontré l’utilité de l’AF pour rechercher des modifications maculaires subtiles telles qu’un oedème maculaire, une membrane épimaculaire, ou une autre anomalie.

Palmer et al ont utilisé l’AF pour différencier les formes ischémiques et non ischémiques de vascularite rétinienne.

La vascularite rétinienne de type ischémique avait un moins bon pronostic visuel que la forme non ischémique.

L’utilité de ces classifications angiographiques dans la maladie de Eales est encore à confirmer.

Une autre étude retrouvait une association entre vascularite rétinienne de type ischémique et maladies systémiques sur un suivi de 5 ans.

Cependant, d’autres études ne retrouvent pas ce type d’association chez les patients atteints de maladie de Eales.

C - ÉCHOGRAPHIE :

L’échographie est utilisée lorsque les milieux ne sont plus transparents, pour éliminer un décollement de rétine tractionnel, rhegmatogène ou mixte.

Si on retrouve une telle lésion, une chirurgie vitréorétinienne rapide est indiquée.

L’échographie retrouve généralement des échos d’intensité variable selon que l’hémorragie intravitréenne est collectée ou non.

On peut retrouver des échos sous-hyaloïdiens, des décollements postérieurs du vitré complets ou incomplets, avec ou sans décollement de rétine tractionnel, des membranes dans le vitré, un vitréoschisis, ou une prolifération fibrovasculaire.

Un décollement de rétine associé, généralement tractionnel ou mixte, est parfois retrouvé.

Évolution :

L’évolution spontanée de la maladie de Eales est variable.

Classiquement, la phase de périvascularite active se prolonge par une phase ischémique, suivie d’une néovascularisation rétinienne avec hémorragies intravitréennes récurrentes.

Chez certains patients, une baisse d’acuité visuelle significative peut être liée à ces épisodes récurrents d’hémorragie intravitréenne, à des modifications maculaires ou à un décollement de rétine tractionnel ou mixte intéressant la macula.

Chez d’autres patients, une régression temporaire ou définitive de la maladie peut être observée. La cécité liée à la maladie de Eales est rare.

Dans une étude concernant 800 patients (1 214 yeux), seuls quatre yeux (0,33 %) avaient une vision de moins de 20/200, et 8 % des yeux avait une acuité visuelle comprise entre 20/100 et 20/200.

La maladie de Eales a été divisée en quatre stades par Charmis :

– stade I : très précoce dans l’évolution, caractérisé par une périphlébite modérée des petits vaisseaux rétiniens périphériques visible au fond d’oeil, intéressant capillaires, artérioles et veinules ;

– stade II : périvascularite diffuse du système capillaire veineux ; atteinte des veines de plus gros calibre et des artérioles adjacentes ; vitré trouble ;

– stade III : néovascularisation avec hémorragie rétinienne et intravitréenne massive ;

– stade IV : décollement de rétine tractionnel, rétinite proliférante, conséquences évolutives des hémorragies intravitréennes massives et récurrentes.

Cette classification est peu utilisée, car en pratique clinique on peut retrouver plusieurs stades de façon concomitante.

D’autres auteurs ont proposé un système différent de classification de la maladie de Eales, dépendant de la gravité et de l’extension de la microangiopathie, de la néovascularisation, et des hémorragies intravitréennes.

Celui-ci fut proposé pour juger de l’efficacité du traitement.

Cependant, à ce jour, aucune classification n’a été acceptée et utilisée.

Les hémorragies intravitréennes se résorbent fréquemment en 4 à 8 semaines de façon spontanée, mais elles peuvent également persister, s’organiser, et former de multiples adhésions et tractions vitréorétiniennes, entraînant un décollement de rétine.

Les néovaisseaux peuvent également régresser spontanément, laissant place à du tissu glial.

On peut avoir une atteinte maculaire dans les stades précoces, mais plus fréquemment dans les stades tardifs de la maladie. Malgré l’inflammation intraoculaire et les hémorragies intravitréennes persistantes, le cristallin peut rester clair.

Dans les stades tardifs avec néovascularisation avancée, on retrouve rarement des lésions ischémiques de l’iris (rubéose irienne), avec glaucome secondaire.

Le mode évolutif de la maladie est variable, car les patients sont vus initialement à différents stades de la maladie, et différents traitements sont utilisés.

Une étude clinique prospective randomisée serait utile pour comprendre l’évolution et l’efficacité des différents traitements dans la maladie de Eales.

Étiopathogénie :

L’étiopathogénie de la maladie de Eales reste peu claire, en dépit des nombreuses études cliniques et de recherche fondamentale réalisées à ce jour.

L’association avec des maladies systémiques, en particulier la tuberculose, a été décrite dans plusieurs études cliniques.

Cependant, cette association n’a pas été retrouvée dans une série comprenant un grand nombre de patients.

A - TUBERCULOSE :

L’association entre la maladie de Eales et la tuberculose a été évoquée par plusieurs auteurs.

La mise en évidence anatomopathologique du bacille de Koch a été faite par Gilbert en 1935 et par Stock en 1937.

Cependant, déjà en 1924, Finnoff avait injecté le bacille de Koch dans la carotide interne de 46 animaux de laboratoire, entraînant une périphlébite homolatérale chez seulement l’un d’entre eux.

Dans une étude clinique concernant 700 patients d’un sanatorium, Awashi et al n’ont retrouvé de manifestations ophtalmologiques liées à la tuberculose que chez 1,3 % des patients.

Dans une étude similaire concernant 1 005 patients atteints de tuberculose pulmonaire et extrapulmonaire, aucun cas de maladie de Eales n’a été retrouvé.

Dans une étude de biologie moléculaire sur des échantillons de vitré de patients atteints de maladie de Eales et opérés pour hémorragie intravitréenne ou décollement de rétine, la polymerase chain reaction (PCR) a retrouvé de l’acide désoxyribonucléique (ADN) de M. tuberculosis dans cinq échantillons sur 12 (41,7 %).

Une autre étude retrouvait le génome de M. tuberculosis dans 11 membranes épirétiniennes sur 23 yeux opérés et atteints de maladie de Eales, après recherche par PCR.

Cependant, aucune mise en évidence de M. tuberculosis n’a pu être faite après mise en culture des échantillons de vitré.

Il semblerait que les patients atteints de maladie de Eales ne soient pas porteurs d’organismes vivants, mais puissent être les hôtes d’organismes non vivants ou d’ADN de M. tuberculosis dans un nombre de cas non négligeable.

Le rôle du génome de M. tuberculosis dans la pathogénie de la maladie de Eales est encore à déterminer.

Nous supposons que la faible prévalence de la maladie de Eales aux États-Unis et dans les pays occidentaux peut être liée à la prévalence relativement faible de l’infection par M. tuberculosis dans ces populations.

B - HYPERSENSIBILITÉ À LA TUBERCULINE :

Plusieurs auteurs, dans le passé, ont considéré qu’une réaction d’hypersensibilité à la tuberculine était responsable de la maladie.

Une intradermoréaction à la tuberculine (IDR) positive (hypersensibilité à la tuberculine) a été retrouvée dans 42 à 98 % des cas de maladie de Eales dans différentes séries.

Dans une étude cas-témoin récente réalisée en Inde, aucune différence significative dans la réaction à la tuberculine n’a été retrouvée entre les patients atteints de maladie de Eales et le groupe témoin.

De plus, 67 à 90 % des adultes sains en Inde avaient une IDR positive.

La maladie de Eales a également été retrouvée chez des patients ayant une IDR à la tuberculine négative.

Ces études mettent en doute le rôle de l’hypersensibilité à la tuberculine dans la maladie de Eales, hypothèse longtemps soutenue.

Les tests de prolifération lymphocytaire induite par des extraits protéiques purifiés ne montraient pas non plus de différence significative entre les deux groupes.

Cependant, les études d’immunoabsorption enzymatique montraient un taux d’immunoglobulines (Ig) M significativement plus élevé chez les sujets atteints que chez les sujets contrôles.

C - INFECTIONS PARASITAIRES :

Du fait de la prévalence élevée d’infections parasitaires dans le souscontinent indien, Wania et al ont suggéré la possibilité d’une association de la maladie de Eales avec Ascaris lumbricoides.

Les taux sanguins d’anticorps dirigés contre les antigènes de Toxocara caniis et ascaris ont été dosés sur 18 échantillons de sérum de patients atteints de maladie de Eales, et 18 échantillons de sujets sains contrôlés par enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa).

Il n’y avait pas de différence significative entre les niveaux des IgM et IgG dirigés contre les antigènes de Toxocara caniis et ascaris entre les deux groupes.

D - ATTEINTE NEUROLOGIQUE :

Diverses maladies neurologiques telles que la sclérose en plaques, les myélopathies aiguës ou subaiguës, les anomalies multifocales de la substance blanche, les accidents vasculaires cérébraux, l’ophtalmoplégie internucléaire, la paraparésie spastique, la myélopathie chronique progressive non compressive et l’hémiplégie, ont été rapportées dans la maladie de Eales.

Les cas de trois patients ayant une maladie de Eales avec manifestations neurologiques ont été rapportés ; deux d’entre eux avaient des convulsions d’apparition antérieure aux manifestations ophtalmologiques, le troisième des convulsions apparues après le diagnostic de maladie de Eales.

Deux d’entre eux avaient des migraines, et un avait également une paralysie partielle du III.

E - AUTRES MALADIES SYSTÉMIQUES ASSOCIÉES :

On a suspecté plusieurs maladies systémiques ou infectieuses d’être associées à la maladie de Eales, parmi lesquelles les infections locales, et les désordres hématologiques tels que l’acanthocytose ou les anomalies morphologiques des globules rouges. Récemment, Eller et son équipe ont rapporté le cas d’une maladie de Eales associée à une mutation du facteur V de Leiden.

Les auteurs pensaient qu’une telle anomalie pouvait être responsable de la thrombose des vaisseaux rétiniens et de l’occlusion du lit capillaire de la rétine périphérique.

Une telle anomalie pourrait probablement être responsable également de certains cas de maladie de Eales avec accident vasculaire cérébral.

Dans une étude nordaméricaine, des troubles vestibulocochléaires ont été rapportés dans un groupe de patients atteints de maladie de Eales.

Cependant, dans une étude cas-témoin concernant des patients atteints de maladie de Eales en Inde, aucune anomalie vestibulocochléaire n’a été retrouvée.

F - IMMUNOLOGIE ET IMMUNOPATHOLOGIE DANS LA MALADIE DE EALES :

Plusieurs auteurs ont supposé l’existence de mécanismes immunologiques dans la maladie de Eales.

En dehors de l’hypersensibilité à la tuberculine, l’existence de réactions immunologiques systémiques ou auto-immunes par des autoantigènes rétiniens a été évoquée.

De plus, des études récentes ont retrouvé l’association de groupes HLA de classes I et II à la maladie.

La chirurgie vitréorétinienne de pointe a également permis l’étude immunohistochimique du vitré et des membranes épi- et sous-rétiniennes dans la maladie de Eales.

Les études microscopiques et immunohistochimiques des membranes épirétiniennes (MER) et des membranes sous-rétiniennes (MSR) dans la maladie de Eales ont retrouvé une infiltration lymphocytaire, avec une prédominance de cellules T.

Cette étude indiquait qu’une réaction immunitaire à médiation cellulaire pouvait jouer un rôle dans la phase proliférative de la maladie, avec formation d’une membrane à la surface de la rétine.

Récemment, Saxena et son équipe ont étudié la prolifération lymphocytaire en réponse à une stimulation par l’antigène S (antigène S), ses peptides uvéitopathogènes, le peptide levure-histone H3 (yeast histone H3) et les fragments uvéitogènes de l’interphotoreceptor retinoid bindingprotein (IRBP).

Sur 24 patients atteints de maladie de Eales, on a retrouvé une prolifération lymphocytaire significative en réponse à l’antigène S, à ses fragments uvéitogènes et à l’IRBP chez six d’entre eux.

Aucun des sujets du groupe contrôle ne montrait de réponse contre les antigènes rétiniens ou l’IRBP.

Cependant, une telle réponse immunitaire contre les antigènes rétiniens et ses fragments a été retrouvée chez des patients atteints de maladie de Behçet, de rétinochoroïdopathie de Birdshot, de pars planite, de sarcoïdose oculaire, d’ophtalmie sympathique et de maladie de Vogt-Koyanagi-Harada.

Il s’agit probablement d’une réponse non spécifique, liée à la rupture de la barrière hématorétinienne exposant ainsi le système immunitaire à ces autoantigènes rétiniens.

Les résultats expérimentaux suggèrent également un mécanisme auto-immun pour l’étiopathogénie de la vascularite rétinienne.

Stanford et al ont obtenu une vascularite rétinienne expérimentale chez le rat Lister (black hooded lister rat) en inoculant l’antigène S.

Ces vascularites expérimentales avaient des similitudes cliniques, angiographiques et histopathologiques avec les vascularites rétiniennes observées chez l’humain.

Bien que les modèles animaux expérimentaux n’aient pas présenté d’atteinte de la rétine périphérique comme on en voit dans la maladie de Eales, le rôle de l’auto-immunité dans la pathogénie de la maladie de Eales doit être considéré.

Ces études montrent que l’immunité à médiation cellulaire joue un rôle important dans la phase de périvascularite active.

Le traitement à ce stade pourrait donc reposer sur une corticothérapie systémique ou des agents immunosuppresseurs, comme dans d’autres cas de vascularite rétinienne.

G - ÉTUDES BIOCHIMIQUES :

Plusieurs études biochimiques ont été pratiquées, sur des échantillons de sérum et de vitré de patients atteints de maladie de Eales.

Pratap et al ont retrouvé une augmentation du taux d’aglobulines et une diminution du taux d’albumine sérique chez les patients atteints de maladie de Eales.

Rengarajan et al ont formellement identifié une protéine de poids moléculaire situé autour de 23 kDa dans le sérum de patients atteints de maladie de Eales.

Les auteurs pensaient que cette protéine pourrait avoir des propriétés angiogéniques et jouer un rôle dans la pathogénie de la maladie de Eales.

Sen et al ont retrouvé un taux élevé d’a-1 glycoprotéine acide sérique chez les patients atteints de maladie de Eales.

Plusieurs études expérimentales réalisées in vitro et in vivo ont révélé le rôle de certains facteurs de croissance comme le platelet derived growth factor (PDGF), l’insulin-like growth factor (IGF), l’epidermal growth factor (EGF), le transforming growth factor (TGF) et le vascular endothelial growth factor (VEGF), et de certaines enzymes comme l’urokinase et la métalloprotéase dans la néovascularisation oculaire.

Cependant, leur rôle dans la maladie de Eales n’a pas été étudié.

Le stress oxydatif a été impliqué dans l’étiopathogénie de différentes pathologies.

Dans l’uvéite, les dégâts sur les tissus oculaires liés aux espèces réactives à l’oxygène ont été rapportés par Rao et al.

Armstrong et al ont retrouvé un taux élevé de peroxydes lipidiques dans des cas de rétinopathies diabétiques néovascularisées non inflammatoires.

Les auteurs ont envisagé un mécanisme selon lequel les peroxydes lipidiques (lipid peroxyd) induiraient la synthèse de cytokines et de facteurs de croissance dans la rétine, lors de la néovascularisation.

À partir des observations précédentes, il a été déduit que, dans la maladie de Eales avec inflammation et néovascularisation, les dérivés des radicaux libres et des peroxydes lipidiques pouvaient s’accumuler, suite à un stress oxydatif dépassant les défenses antioxydantes.

L’accumulation de substances réactives à l’acide thiobarbiturique (TBARS) était un indice de la production excessive d’oxydants, alors qu’un déficit en vitamines C et E était un signe d’affaiblissement des défenses antioxydantes.

Un déficit en vitamine E pourrait causer un déficit en vitamine A nécessaire à la physiologie rétinienne.

Les dosages des TBARS et des vitamines E, C et A dans les érythrocytes des patients atteints de maladie de Eales ont montré un taux de vitamines antioxydantes diminué et une accumulation de peroxydes lipidiques.

Par la suite, Sulochana et al ont retrouvé une accumulation des peroxydes lipidiques et une diminution de l’activité de la superoxyde dismutase et de la gluthation peroxydase, avec une déplétion simultanée en gluthation dans le vitré des patients atteints de maladie de Eales, par rapport aux sujets contrôles.

Ces résultats suggèrent fortement le rôle joué par le stress oxydatif dans la pathogénie de la maladie de Eales.

Récemment, Sulochana et al ont retrouvé par immunochimie la molécule de carboxy-méthyl lysine (CML), produit terminal de la glycation (AGE : advanced glycation end product), dans les MER enlevées chirurgicalement chez des patients atteints de maladie de Eales.

Le CML est un marqueur de la glyco-oxydation, qui est une auto-oxydation du glucose sous l’action d’intermédiaires oxygènes réactifs (IOR), la réaction étant catalysée par des ions métal comme Fe3+ et Cu2+.

L’oxydation du glucose induit la synthèse de novo de molécules AGE, qui interviennent dans la pathogénie de la néovascularisation.

Par conséquent, les découvertes concernant l’accumulation de CML chez les patients atteints de maladie de Eales suggèrent fortement le rôle du stress oxydatif dans la pathogénie de la maladie.

Sulochana et son équipe ont identifié, purifié et caractérisé une protéine de 88 kDa à partir du sérum et du vitré de patients atteints de maladie de Eales.

L’étude de la séquence N-terminale de cette protéine (28 acides aminés) a démontré son caractère unique.

Il s’agit d’une glycoprotéine ayant une activité anti-TBARS in vitro.

La fabrication d’anticorps polyclonaux dirigés contre cette protéine purifiée a permis de mettre en évidence le fait que la protéine de 88 kDa, présente de façon variable dans le vitré et dans le sérum des patients atteints de maladie de Eales, était immunologiquement identique.

Cependant, des recherches restent à faire pour déterminer si cette même protéine est présente ou non dans d’autres maladies oculaires inflammatoires.

Chez les patients ayant un stress oxydatif profond, prouvé par une diminution du taux de vitamines antioxydantes C et E et une augmentation de l’accumulation des peroxydes lipidiques, la supplémentation en antioxydants pourrait donc être bénéfique.

Diagnostic différentiel et examens complémentaires :

Le diagnostic différentiel de la maladie de Eales dépend du stade de présentation de la maladie.

La présentation clinique peut être l’une des suivantes :

– périvascularite rétinienne périphérique uni- ou bilatérale ;

– prolifération néovasculaire rétinienne ou papillaire, avec périvascularite rétinienne périphérique homo- ou controlatérale ;

– hémorragie intravitréenne, avec périvascularite rétinienne périphérique homo- ou controlatérale. Dans les deux derniers cas, chez un adulte jeune en bonne santé et dans le sous-continent indien, une forte suspicion clinique de maladie de Eales est tout à fait justifiée.

Le diagnostic de maladie de Eales au stade de périvascularite active peut parfois être plus difficile.

Un interrogatoire détaillé concernant les antécédents de maladies systémiques et une batterie d’examens de laboratoires sont souvent nécessaires pour éliminer d’autres causes de vascularites rétiniennes.

Cependant, il a été prouvé que ces examens sont non contributifs s’ils sont réalisés devant toute vascularite rétinienne en l’absence d’antécédents médicaux évocateurs de maladie systémique sous-jacente.

La sarcoïdose peut souvent mimer une maladie de Eales en phase inflammatoire active.

Ainsi, les investigations à la recherche d’une sarcoïdose devraient faire partie de la liste des examens à pratiquer devant une maladie de Eales.

Devant une hémorragie intravitréenne, les examens à pratiquer peuvent être limités, de façon à exclure un diabète (notamment un diabète juvénile), une drépanocytose, une sarcoïdose et une leucémie.

Dans une pars-planite, on peut avoir une périphlébite rétinienne à proximité des exsudats de la pars-plana.

Cependant, on ne retrouve ni hémorragies rétiniennes, ni altérations vasculaires, ni néovascularisation rétinienne (fréquemment retrouvées dans la maladie de Eales).

L’AF est un examen complémentaire important dans la maladie de Eales et est nécessaire aux stades ischémique et prolifératif de la maladie.

Les aspects angiographiques ont été décrits précédemment dans cet article.

L’incidence élevée du développement de maladies systémiques au cours des vascularites rétiniennes avec signes évocateurs d’ischémie a été remarquée.

Sur 22 patients présentant une vascularite rétinienne ischémique, Palmer et son équipe ont noté le développement d’une maladie systémique chez 13 d’entre eux, parmi lesquels des accidents vasculaires périphériques et cérébraux et des infarctus du myocarde.

De la même façon, l’échographie B est souvent nécessaire en cas d’hémorragie intravitréenne empêchant la visualisation du fond d’oeil.

Les tests répertoriés dans cette liste ne doivent pas être systématiquement réalisés dans tous les cas de suspicion de maladie de Eales : les investigations peuvent être sélectionnées en fonction des éléments cliniques et du stade de la maladie.

Prise en charge de la maladie de Eales :

La prise en charge de la maladie de Eales dépend du stade de la maladie.

Au stade de périphlébite cicatricielle ou d’hémorragie intravitréenne récente, on peut opter pour une abstention thérapeutique avec suivi régulier ; au stade de périvascularite active, pour un traitement corticoïde oral ou local (périoculaire) ; en cas de néovascularisation de la rétine ou de la papille ou de non-perfusion capillaire diffuse, on peut réaliser une photocoagulation au laser.

La chirurgie du vitré est indiquée dans les hémorragies intravitréennes non résolutives (généralement à plus de 3 mois).

Tout décollement de rétine associé justifie cependant une chirurgie vitréorétinienne précoce.

Le rôle de l’oxygénothérapie hyperbare et du traitement antituberculeux demeure controversé.

Anciennement utilisées, la radiothérapie et la diathermie de surface ont été abandonnées.

Plusieurs études concernant la prise en charge de la maladie de Eales à ses différents stades ont été faites.

Cependant, en l’absence d’étude clinique castémoin randomisée, aucune conduite à tenir précise n’est définie.

Les différentes options de prise en charge sont : la surveillance clinique, le traitement médical, la photocoagulation et la chirurgie vitréorétinienne.

Un même patient peut avoir besoin d’un ou plusieurs traitements au même moment, du fait que le deuxième oeil est fréquemment à un stade différent de la maladie.

A - SURVEILLANCE :

Les patients ayant une vascularite rétinienne inactive peuvent être surveillés de façon régulière, tous les 6 mois à 1 an.

Les patients ayant une hémorragie intravitréenne récente sont également surveillés toutes les 4 à 6 semaines, si la rétine sous-jacente est à plat cliniquement ou à l’échographie B. Les hémorragies intravitréennes se résorbent généralement en 6 à 8 semaines.

B - TRAITEMENT MÉDICAL :

La corticothérapie reste le traitement principalement utilisé dans la maladie de Eales au stade de périvascularite active.

L’efficacité des corticoïdes a été prouvée dans la périvascularite rétinienne idiopathique.

Il n’y a pas de recommandations précises concernant les doses de la corticothérapie orale au stade de vascularite rétinienne dans la maladie de Eales : le dosage doit être adapté à chaque patient en fonction de la sévérité de l’inflammation (nombre de quadrants de la rétine impliqués).

Dans la majorité des cas, la prednisolone orale à 1 mg/kg de poids est nécessaire.

La dose est diminuée de 10 mg par semaine sur 6 à 8 semaines.

Chez certains patients, on peut avoir besoin de maintenir une dose de prednisolone orale de 15 à 20 mg/j pendant 1 à 2 mois.

En cas d’oedème maculaire associé, on peut ajouter une injection périoculaire de corticostéroïdes. L’efficacité des corticoïdes utilisés par voie systémique ou périoculaire au stade inflammatoire de la maladie de Eales a été analysée dans des études cliniques non randomisées.

L’efficacité de la voie systémique (1 mg/kg de poids) associée à l’injection sousténonienne de corticoïdes (acétonide de triamcinolone) a été prouvée s’il y a atteinte de trois quadrants avec oedème maculaire cystoïde.

La corticothérapie systémique seule était utile quand deux quadrants étaient atteints.

En cas d’atteinte d’un seul quadrant, une injection périoculaire de corticoïdes était pratiquée ; l’évolution de la maladie de Eales demeurait alors inchangée, en dépit de la corticothérapie.

Aucune différence dans la réponse au traitement n’a été retrouvée entre le groupe de patients ayant une IDR positive et le groupe de ceux ayant une IDR négative.

En règle générale, dans les différentes études, la réponse aux corticoïdes est très satisfaisante.

En conséquence, l’utilisation de ciclosporine ou d’autres immunosuppresseurs est rarement nécessaire chez les patients atteints de maladie de Eales.

Chez les patients ne répondant pas aux corticoïdes ou chez lesquels les effets secondaires sont trop importants, l’utilisation d’agents immunosuppresseurs comme la ciclosporine ou l’azathioprine est recommandée.

Greenwood et on équipe ont rapporté l’efficacité de l’azathioprine en association avec les corticoïdes dans les vascularites rétiniennes de différentes étiologies.

Du fait que l’hypersensibilité à la tuberculine est considérée par certains comme un facteur étiologique de la maladie de Eales, le traitement antituberculeux (TAT) a été utilisé de façon empirique.

Le TAT consiste généralement en la prise de deux molécules (rifampicine 450 mg et isoniazide 300 mg une fois par jour) pour une période de 9 mois.

Ce protocole de TAT a été utilisé dans une étude concernant un groupe de patients atteints de maladie de Eales et ayant une périphlébite rétinienne aiguë avec infiltrats massifs, nodules et oblitération complète de segments veineux.

Chez les patients ayant une IDR positive et une périvascularite active, certains auteurs ont recommandé un traitement associant une corticothérapie orale et un traitement antituberculeux.

Cependant, le rôle du TAT dans cette maladie demeure controversé, la maladie ayant une évolution variable, et connue pour être autolimitée.

Une étude randomisée est nécessaire pour définir quel groupe de patients atteints de maladie de Eales pourraient bénéficier d’un TAT.

C - PHOTOCOAGULATION :

La photocoagulation est la base du traitement au stade néovascularisé de la maladie de Eales.

En cas de non-perfusion des gros capillaires, la photocoagulation peut également être envisagée.

Cependant, contrairement au cas de la rétinopathie diabétique, aucune étude clinique randomisée n’est disponible. Anciennement, Meyer Schwiekerath a d’abord utilisé le laser au xénon dans la maladie de Eales. Secondairement, d’autres ont rapporté l’efficacité de la photocoagulation au stade prolifératif de la maladie de Eales.

La photocoagulation au laser xénon dans la zone paracentrale, associée à une cryopexie rétinienne antérieure, a été utilisée avec succès.

Actuellement, on utilise surtout la photocoagulation au laser, en raison de son avantage évident de pouvoir atteindre la rétine périphérique, où l’ischémie et les néovaisseaux rétiniens sont généralement localisés.

Bien qu’on utilise surtout le laser vert argon, en présence d’une cataracte importante ou d’une hémorragie intravitréenne modérée, le laser rouge krypton peut être utilisé de façon efficace.

Le traitement peut être fait à la lampe à fente ou à l’ophtalmoscope indirect.

Après vitrectomie, on peut également utiliser une sonde d’endolaser ou un laser à l’ophtalmoscope indirect, pour compléter le traitement sur la table d’opération.

Le but de la photocoagulation, dans la maladie de Eales, est de réguler la circulation en détournant le sang des zones ischémiques vers la rétine saine (diminuant ainsi la formation de facteurs vasoprolifératifs), d’oblitérer la néovascularisation de surface, et de détruire les anomalies microvasculaires intrarétiniennes à l’origine de diffusions.

Chez les patients ayant une néovascularisation rétinienne, on propose un traitement direct par des impacts confluents de puissance moyenne.

En cas de néovascularisation importante, on réalise une photocoagulation du vaisseau nourricier(ou feeder vessel) en amont du néovaisseau.

Les anévrysmes et shunts artérioveineux sont traités de la même façon.

Devant une non-perfusion capillaire importante, on propose une photocoagulation focale par impacts non confluents.

En cas de néovascularisation de la papille, une photocoagulation panrétinienne est nécessaire.

L’efficacité et la technique de la photocoagulation ont été décrites dans plusieurs études.

La photocoagulation peut avoir des complications minimes.

On peut avoir des hémorragies rétiniennes dans quelques cas, mais un saignement important est peu fréquent lorsque l’intensité et les autres paramètres sont réglés de façon adaptée lors de la photocoagulation.

Parfois, après la photocoagulation, une gliose rétinienne liée à la régression des néovaisseaux entraîne des rétractions, responsables de diverses complications rétiniennes telles que des déformations maculaires dues à la formation de membranes épimaculaires, ou des déchirures rétiniennes entraînant un décollement de rétine.

On déconseille de pratiquer la photocoagulation au laser en phase inflammatoire, en raison du risque d’aggravation de la néovascularisation lié à la libération de plusieurs facteurs angiogéniques.

Une fois l’inflammation raisonnablement contrôlée par les traitements anti-inflammatoires comme les corticoïdes, la photocoagulation au laser peut être réalisée.

D - CHIRURGIE VITRÉORÉTINIENNE :

La vitrectomie, seule ou associée à d’autres gestes chirurgicaux vitréorétiniens, est souvent nécessaire dans la maladie de Eales.

Les hémorragies intravitréennes sont fréquentes, et sont la première cause de baisse d’acuité visuelle.

La vitrectomie est rarement nécessaire lors du premier épisode hémorragique.

On peut conseiller aux patients de surélever leur tête en dormant, ce qui permet à l’hémorragie de sédimenter.

Les antifibrinolytiques n’ont pas prouvé leur efficacité dans la résorption de l’hémorragie.

L’hémorragie intravitréenne se résorbe généralement en 6 à 8 semaines.

Un décollement de rétine associé doit toujours être éliminé par un examen échographique.

En cas de non-résorption de l’hémorragie intravitréenne avec altération de la vision centrale après 3 mois, on peut proposer une vitrectomie.

D’après Kumar et al, les résultats visuels après vitrectomie sont meilleurs si elle est réalisée entre 3 et 6 mois, que si elle est réalisée après 6 mois.

En présence d’un décollement de rétine tractionnel, de membranes intravitréennes extensives ou d’une membrane épimaculaire, une vitrectomie précoce doit être proposée.

La chirurgie du vitré peut être facilitée et a moins de complications si l’échographie préopératoire retrouve un décollement postérieur du vitré complet.

La chirurgie du vitré permet le nettoyage des opacités vitréennes et l’observation du fond d’oeil, à la recherche d’une néovascularisation.

La photocoagulation au laser peut être réalisée dans le même temps que la vitrectomie, par endophotocoagulation, ou ab externo, par ophtalmoscopie indirecte.

La vitrectomie dans la maladie de Eales présente moins de complications que dans la rétinopathie diabétique.

Cependant, on peut avoir une baisse d’acuité visuelle brutale suite à une chirurgie de décollement de rétine liée à une maladie de Eales.

La vitrectomie à trois voies à la pars plana est la méthode de choix.

L’ablation de la hyaloïde postérieure et de l’hémorragie rétrohyaloïdienne est nécessaire.

Les membranes épirétiniennes peuvent être pelées après vitrectomie. Plusieurs études retrouvent de bons résultats visuels après vitrectomie dans la maladie de Eales.

La vitrectomie est nécessaire pour 6 à 18% des yeux atteints de maladie de Eales.

Badrinath et son équipe ont décrit l’anatomie chirurgicale des adhésions vitréorétiniennes.

En peropératoire, on retrouvait un décollement postérieur du vitré incomplet dans tous les yeux, et des adhésions vitréorétiniennes multifocales dans 83,37 % des yeux.

On retrouvait une prolifération fibrovasculaire dans dix yeux, et une prolifération fibreuse dans huit yeux.

Dans trois yeux, on retrouvait un pli tractionnel radiaire, étendu de la papille jusqu’à la périphérie rétinienne.

Chez quelques patients, les tractions vitréorétiniennes donnaient un aspect de membrane à double épaisseur.

Les résultats visuels après vitrectomie chez les patients atteints de maladie de Eales étaient généralement bons : en effet, 77 à 88,6 % des patients avaient une amélioration de l’acuité visuelle. Après suivi à plus long terme, on retrouvait une acuité visuelle supérieure ou égale à 20/200 chez 62,4 % des patients à 2 mois, et chez 71,8 % d’entre eux à 6 mois.

Par rapport à leur acuité visuelle à 2 mois postopératoire, 78,5 % des patients avaient conservé ou amélioré leur acuité visuelle.

Chez les patients ayant eu une chirurgie vitréenne seule, 81,8 % à 2 mois et 87,8 % à 6 mois de suivi avaient amélioré leur acuité visuelle.

Les complications postopératoires de la chirurgie du vitré pouvant être retrouvées sont : récidive de l’hémorragie intravitréenne, cataracte, rubéose irienne et glaucome néovasculaire.

Une récidive hémorragique survient 2 mois après la chirurgie dans 7,8 % des yeux.

Les patients ayant le moins de récidives hémorragiques et ayant bénéficié d’une photocoagulation au laser en préopératoire avaient un meilleur pronostic visuel.

E - CRYOAPPLICATION :

La cryoapplication a été utilisée avec succès sur des yeux ayant une hémorragie intravitréenne liée à une rétinopathie diabétique proliférante.

Dans la maladie de Eales, elle est généralement utilisée en complément de la photocoagulation au laser, mais on peut l’utiliser en première intention en cas de nondilatation pupillaire, de trouble des milieux oculaires en raison d’une cataracte, ou en cas d’hémorragie intravitréenne résiduelle.

Conclusion :

La maladie de Eales est une pathologie vitréorétinienne présentant des traits cliniques et angiographiques caractéristiques.

La maladie peut mimer plusieurs autres pathologies oculaires et systémiques se présentant comme une vascularite rétinienne ou une rétinopathie vasculaire proliférante.

Depuis la première description de la maladie de Eales, plusieurs auteurs ont considéré la tuberculose (hypersensibilité à la tuberculine) comme la cause primitive de la maladie.

Les études immunologiques, biochimiques et de biologie moléculaire récentes sont en faveur d’une probable étiologie multifactorielle.

Le groupe HLA, l’auto-immunité rétinienne, le génome de M. tuberculosis et les dégâts liés aux radicaux libres jouent un rôle dans l’étiopathogénie de la maladie.

Bien que l’étiopathogénie demeure incertaine, les modalités de prise en charge sont bien établies.

La corticothérapie systémique a prouvé son efficacité au stade de périvascularite active.

La photocoagulation est indiquée en cas de nonperfusion des gros capillaires ou de néovascularisation rétinienne.

Les résultats de la vitrectomie en cas de non-résorption d’une hémorragie intravitréenne, avec ou sans décollement de rétine, sont satisfaisants.

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