Explorations du système lymphatique : épreuve au bleu, lymphographies directes, lymphoscintigraphies, autres méthodes

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Introduction :

Il faut différencier les méthodes qui explorent le système lymphatique sur le plan anatomique ou fonctionnel et celles qui explorent les conséquences du dysfonctionnement lymphatique.

Les méthodes directes ou indirectes d’exploration du système lymphatique peuvent aider au diagnostic positif.

Certaines techniques analysant les conséquences de la dysfonction lymphatique peuvent donner des arguments indirects de dysfonctions lymphatiques.

Analyse anatomique et /ou fonctionnelle des lymphatiques :

A – LYMPHOGRAPHIE DIRECTE OU LYMPHANGIOGRAPHIE :

1- Technique :

Explorations du système lymphatique : épreuve au bleu, lymphographies directes, lymphoscintigraphies, autres méthodes

La lymphographie directe est l’étude morphologique des vaisseaux et des ganglions lymphatiques après injection d’un produit de contraste liposoluble dans un lymphatique dénudé.

Cette méthode nécessite un opérateur entraîné capable de cathétériser un tronc lymphatique trouvé après incision cutanée.

L’injection du produit de contraste dans une vésicule lymphatique permet parfois de visualiser le réseau lymphatique sus-jacent.

2- Résultats :

Ils sont incomparables pour l’étude de l’architecture ganglionnaire et malgré l’avènement de techniques comme la scanographique ou l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM), la lymphangiographie peut être encore utile pour le diagnostic d’une pathologie maligne lymphatique.

On observe plusieurs troncs lymphatiques à partir du point d’injection du fait de la structure anatomique particulière de ce système : division et anastomose des troncs tout au long de leur ascension vers la racine du membre.

Apparaissent ensuite les ganglions (opacités homogènes de formes arrondies ou réniformes réunies par les troncs lymphatiques) le long du membre et à sa racine puis au niveau de l’abdomen, du thorax et souvent le canal thoracique à sa terminaison.

Dans le cas d’un oedème, la réalisation de cette exploration est délicate.

La découverte d’un tronc lymphatique peut s’avérer impossible.

Par ailleurs, la dénudation d’un lymphatique est un acte dangereux (risque d’infection, lymphorrhée, destruction d’un seul vaisseau encore fonctionnel).

3- Indications :

Compte tenu des risques, la lymphographie directe n’est plus indiquée dans le diagnostic positif d’une dysfonction lymphatique.

Il est deux cas de figures où la lymphographie directe pourrait être encore utile :

– un oedème pour lequel une pathologie tumorale doit être éliminée (mais valeur de l’ultrasonographie ou de la scanographie) ;

– le bilan préopératoire d’un lymphoedème.

B – LYMPHOGRAPHIES INDIRECTES :

C’est l’étude du drainage lymphatique spontané d’une substance particulaire inerte injectée au niveau du derme ou de l’hypoderme.

1- Test au bleu :

* Technique :

C’est la plus simple et la plus ancienne des lymphographies indirectes : injection de moins de 1 mL d’un colorant vital (bleu patent violet ou bleu Evans) dans le derme de la région à étudier (généralement le premier espace interdigital des orteils).

* Résultats :

L’examen normal montre très rapidement un canalicule lymphatique.

L’absence de canalicule, la diffusion sur place ou à distance sont pathologiques.

Il existe cependant des erreurs possibles d’interprétation : faux positif ou négatif.

* Indications :

Ce test était pratiqué avant la lymphographie directe de façon à faciliter la découverte d’un canal lymphatique et sa canulation.

Il est remplacé par la lymphoscintigraphie qui donne des informations plus complètes.

Cette technique présente quelques inconvénients : coloration bleue persistante, absence de renseignement sur le réseau lymphatique plus haut situé et quelques rares effets secondaires (choc au colorant) conduisant à une élémentaire prudence (surveillance et médicaments disponibles pour traiter le choc).

2- Microlymphangiographie de fluorescence :

* Technique :

Cet examen consiste en une injection d’isothiocyanate de fluorescéine mélangée à un dextran (poids moléculaire 150 000 Da) dans le derme superficiel, observation sous microscope à fluorescence et idéalement enregistrement vidéographique.

* Résultats :

Elle permet d’observer la diffusion du marqueur dans les collecteurs initiaux et les précollecteurs sur quelques centimètres.

Dans une certaine mesure, elle donne des informations sur la partie toute initiale du réseau lymphatique au niveau de la jonction des espaces prélymphatiques et les collecteurs initiaux.

On étudie la diffusion du produit fluorescent dans les différents axes à partir du point d’injection ainsi que l’aspect du réseau maillé sous-épidermique.

* Indications :

Technique trop lourde pour être utilisée en routine, elle paraît utile pour la recherche.

3- Lymphographie indirecte au produit de contraste :

* Technique :

Cette méthode utilise un produit de contraste iodé (Isovist 300t) soluble dans l’eau, injecté dans le derme superficiel à l’aide d’une seringue électrique au moyen d’un cathéter et à travers une aiguille épicrânienne à la vitesse de 0,1 mL/min. La prise de clichés toutes les 5 minutes, sur des films de mammographies, à l’aide d’un appareil de radio standard, pendant 20 minutes permet une étude de la diffusion du produit de contraste.

* Résultats :

Il apparaît une tache arrondie se prolongeant par quelques petits spicules en profondeur sur de courtes distances.

De là partent un à deux troncs lymphatiques et plus rarement des précollecteurs.

Les capillaires ne sont pas vus.

* Indications :

Cette technique donne des informations sur la structure anatomique de l’arbre lymphatique à son origine et peut être utile pour apprécier l’état lymphatique à différents niveaux d’un membre.

La tolérance est très bonne.

4- Lymphographie isotopique indirecte :

Des particules inertes marquées par un isotope radioactif, le technétium 99m de durée de vie courte, sont injectées dans le derme ou l’hypoderme.

La taille des particules est fondamentale pour une résorption lymphatique exclusive.

Différents colloïdes ont été proposés.

Le sulfocolloïde de rhénium a une taille moyenne particulaire après marquage de 40 nm, parfaitement convenable pour l’étude du système lymphatique.

* Technique :

Une quantité maximale de 0,2 mL de colloïdes marqués (activité globale de 74 MBq (2 mCi) est injectée au niveau du tissu interstitiel du premier espace interdigital (pied ou main) dans l’hypoderme.

– Le premier temps de l’examen peut être une étude fonctionnelle par l’enregistrement de l’activité des points d’injection avec une gammacaméra dont le champ est partagé en deux plages distinctes et reliées à un ordinateur d’imagerie.

La disparition du colloïde radioactif suit une loi monocompartimentale pendant les 20 minutes de l’examen.

À partir des courbes, les paramètres mesurés sont la demi-vie et la clairance interstitielle du colloïde injecté, selon la classique formule : Ccol en mL/min = Q / a (t) dt où Ccol est la clairance colloïdale, a (t) dt est la surface sous la courbe et Q l’activité volumique injectée.

Le champ de détection de la caméra est suffisamment grand pour déterminer une zone d’intérêt à 20 cm du point d’injection et enregistrer la courbe d’apparition de la radioactivité dans cette zone.

Nous pouvons mesurer la vitesse circulatoire de migration lymphatique du colloïde : VCL en cm/min = d / t où d = 20 et t est le temps mis par le colloïde pour atteindre la zone.

– Le deuxième temps de l’examen se situe à 60 minutes après l’injection et la mobilisation du sujet.

– D’autres sites d’injections peuvent être choisis : site d’injection profond ou superficiel, sous-cutané ou sous-épidermique, au niveau de l’extrémité distale du membre ou au niveau d’une zone particulière.

Ordinairement l’injection est faite par voie sous-cutanée.

– L’étude en corps entier permet l’analyse des quatre membres au même moment.

L’activité musculaire peut être standardisée : 10 minutes de repos après l’injection suivies de 20 minutes de contraction musculaire, marche sur un tapis roulant (vitesse de 3,2 km/h).

Il est possible également de prendre des images à plusieurs moments après l’injection : de 10 minutes à plusieurs heures.

* Résultats :

+ Résultats morphologiques :

– Les troncs lymphatiques ne sont pas individualisables mais visibles sous forme de traînées noirâtres représentant plusieurs lymphatiques suivant les trajets anatomiques.

– Les ganglions sont visibles sous forme de taches sombres sur le trajet des voies lymphatiques ou à la racine des membres au niveau des lymphocentres.

– Pour le membre supérieur, l’aspect normal est un trajet lymphatique suivant le bord interne du membre et visualisant les relais ganglionnaires épitrochléens, huméraux, axillaires inférieurs et supérieurs, et les relais sus-claviculaires.

– Pour le membre inférieur, l’interprétation des examens est faite selon les critères proposés par Franco.

Le choix de 40 minutes comme critère de normalité est un bon moyen de repérer une pathologie lymphatique.

L’aspect normal après injection dans le premier espace interdigital du pied se résume en un axe lymphatique superficiel principal suivant le trajet de la veine saphène interne pour aboutir aux premiers relais inguinaux.

+ Résultats fonctionnels :

– La fonction du système lymphatique initial est abordée avec l’étude de la disparition du colloïde radioactif injecté dans le tissu interstitiel des pieds ou des mains.

Celle-ci est lente et suit une loi monoexponentielle.

Le transport intralymphatique est apprécié par la mesure de la vitesse de circulation du colloïde entre deux points.

– La reproductibilité de la méthode a été appréciée sur un groupe de 30 volontaires masculins non porteurs de pathologie veineuse ou lymphatique et explorés deux fois à 8 jours d’intervalle au niveau des membres inférieurs.

– Les résultats des tests cinétiques lymphatiques en fonction de l’âge montrent qu’il existe une diminution progressive de la fonction lymphatique avec l’accroissement de l’âge.

* Autres techniques :

Analyse factorielle de séquences d’images dynamiques : c’est une méthode plus récente et encore en évaluation.

À partir d’une analyse informatique sophistiquée comme l’analyse multifactorielle d’images et leur condensation, des informations spatiales et temporales sur le comportement du colloïde radioactif sont obtenues.

La technique de lymphoscintigraphie est la même mais le temps d’enregistrement doit être de 40 minutes.

L’étude morphologique est effectuée dans un deuxième temps. L’analyse factorielle permet de décomposer la série dynamique en facteur de probabilité et de dégager différents comportements dynamiques du radiocolloïde.

Les images condensées, en revanche, sont un reflet global en deux dimensions de l’évolution de la radioactivité dans le membre exploré pendant le temps de l’enregistrement.

Ces méthodes sophistiquées sont encore des méthodes de recherche.

Captation ganglionnaire : de nombreuses méthodes de mesures ont été proposées.

Il semble difficile de différencier totalement un lymphoedème débutant d’une fonction normale sans ce type de paramètre. En effet, la captation initiale peut être préservée alors que la captation ganglionnaire est très réduite, cause primitive de la lymphostase.

La mesure de la captation ganglionnaire au premier relais, en pourcentage de l’activité injectée, est une bonne méthode, s’ajoutant à l’étude fonctionnelle initiale.

Une variante à ce type de mesure a été proposée avec l’enregistrement continu de l’activité axillaire ou inguinale.

L’analyse des courbes obtenues permet une évaluation cinétique et quantitative du colloïde dans les ganglions.

Après une captation régulière de la radioactivité, un plateau est obtenu qui indique la capacité maximale du ganglion intéressé.

Critiques des méthodes d’exploration lymphatique :

Toutes ces méthodes reposent sur l’observation de la diffusion d’un marqueur à partir du point d’injection.

En réalité, les conclusions obtenues ne sont valables que pour ce point étudié.

Le plus souvent, cela suffit pour aider au diagnostic mais il faut toujours reclasser les observations dans le cadre de la clinique et se souvenir qu’une injection à quelques distances aurait peut-être donné des résultats différents.

Tous les examens proposés peuvent donner des informations sur les insuffisances lymphatiques mécaniques ou lymphoedèmes, mais leur valeur dans l’exploration des insuffisances lymphatiques dynamiques (comme les oedèmes de l’insuffisance veineuse) est limitée et discutable.

Seules les méthodes dynamiques isotopiques pourraient peut-être apporter quelques éléments mais l’étude de leur intérêt en clinique reste à faire.

A – ARGUMENTS INDIRECTS :

Certains examens fournissent des arguments indirects de la dysfonction lymphatique par l’étude des modifications tissulaires.

– L’ultrasonographie permet l’analyse de l’état du derme et du tissu.

– La tomographie axiale transverse et l’IRM permettent une analyse des altérations du conjonctif : fibrose ou engraissement.

Bien évidemment, tomographie et IRM ont un intérêt majeur dans la recherche d’une extension tumorale responsable de l’apparition d’un lymphoedème ou d’un « redux ».

Les régions axillaires sus- et sous- claviculaires, le petit bassin et l’abdomen sont ainsi explorés en fonction des données cliniques.

– La négativité des explorations vasculaires veineuses (échographie, doppler, phlébographie directe ou isotopique) n’a aucune valeur pour affirmer le caractère lymphatique d’un oedème.

B – REMARQUES GÉNÉRALES CONCERNANT LES EXPLORATIONS EN LYMPHOLOGIE :

En pratique, le diagnostic d’une insuffisance lymphatique est clinique.

Les explorations veineuses pourraient être utiles en cas de doute sur une pathologie veineuse associée ou pour un diagnostic différentiel dans les thromboses aiguës de cette région.

La lymphoscintigraphie peut s’avérer utile pour lever un doute clinique (comme dans les insuffisances lymphatiques à leur début, dans les lymphoedèmes suspendus ou pour l’analyse d’un membre controlatéral sain cliniquement ou encore la place éventuelle du lymphatique dans un tableau complexe).

De tous les examens disponibles, la lymphographie isotopique est de loin la méthode de choix, à la condition de se souvenir que les informations obtenues ne concernent que ce qui se passe à partir de ce point d’injection et de ce point uniquement.

Les techniques explorant la structure tissulaire ne donnent que des arguments indirects de dysfonction lymphatique encore que certaines modifications permettent dans une certaine mesure d’aider à déterminer le niveau de cette dysfonction.

Le bon sens clinique basé sur une bonne analyse de l’anamnèse et un bon examen évitent bien des erreurs.

Les techniques récentes de microlymphangiographie indirecte devraient permettre de repenser nombre de manifestations morbides dans lesquelles le système lymphatique au niveau de son réseau initial se trouve impliqué peut-être beaucoup plus que l’on pouvait le penser.

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