Bookmark and Share                    Rechercher dans le site  |   Devenir membre
      Accueil       |      Forum     |    Livre D'or      |     Newsletter      |      Contactez-nous    |                                                                                                          Envoyer par mail  |   Imprimer
loading...

 
Réanimation-Urgences
Intoxications aiguës de l’enfant
Cours de réanimation - urgences
 

 

 

Introduction :

À l’aube du troisième millénaire, que sont devenues les intoxications aiguës de l’enfant de moins de 15 ans ?

Force est de constater que le nombre d’appels les concernant aux 13 centres antipoisons de France sont toujours aussi nombreux qu’il y a 10 ans.

Et pourtant, les choses ont changé : la mortalité est très faible, un seul décès en 1997 en dehors de l’intoxication par le monoxyde de carbone, que l’on doit classer plutôt dans les intoxications familiales ou collectives.

Il faut rappeler à ce propos que le nombre de décès par intoxication aiguë de l’enfant s’élevait à 27 en 1982, 15 en 1988 et 13 en 1992.

La morbidité a fortement chuté ; on compte sur les doigts de la main les enfants désormais admis en unité de réanimation pédiatrique après une intoxication aiguë, qu’elle soit d’origine accidentelle ou volontaire, alors que les causes iatrogènes par erreur médicale ou paramédicale qui restent peu fréquentes causent le plus de soucis aux réanimateurs.

Pour ce qui est des produits ménagers, par exemple, dans le service oto-rhinolaryngologique (ORL) pédiatrique de l’hôpital Necker-Enfants Malades, service d’urgence pour les départements de l’Île-de- France et quelques départements limitrophes provinciaux, le nombre d’enfants devant subir un examen ORL et une fibroscopie pour une absorption accidentelle de substance caustique a baissé de 287 en 1982 à 154 en 1998. En outre, les lésions observées sont plus souvent des brûlures de grade I et II, guérissant sans séquelles, que des brûlures de grade III, qui génèrent presque 50 % de séquelles.

Les firmes pharmaceutiques, en collaboration avec les pouvoirs publics, ont poursuivi leurs efforts préventifs.

À côté du blister, des flacons de médicaments concentrés avec compte-gouttes soudé sur le col des flacons et d’exceptionnels piluliers sécurité, plus fréquemment répandus dans le nord de l’Europe, les premiers systèmes de fermeture de sécurité pour les enfants de moins de 4 ans sont apparus sur certains médicaments présentés en flacons (sirop), dans lesquels la dose totale du produit peut être dangereuse.

Il en est ainsi du Dolipranet à 2,4 % administré à la pipette par kilogramme de poids de l’enfant commercialisé en septembre 1999 ; la généralisation de ces pipettes est également un plus pour les parents, puisque la dose nécessaire et utile par prise a été calculée en fonction du poids de l’enfant.

Faut-il croire que tout est parfait ?

Bien évidemment non, car trois écueils subsistent :

– l’automédication avec des parents qui reprennent d’anciennes prescriptions ou les adaptent sans connaître les effets secondaires des médicaments ;

– le laisser-aller qui augmente le risque d’intoxication accidentelle avec des médicaments qui ne sont plus rangés et traînent partout, car l’armoire de toilette et l’armoire à pharmacie sont devenues de belles images d’Épinal, et la négligence de certains parents qui ne lisent pas ou ne relisent pas les notices, se trompent de médicaments, administrent des produits adultes, surdosent facilement ;

– enfin, le transvasement a de beaux jours encore devant lui, notamment dans la bouteille d’eau minérale pour l’eau de Javel, qui reste le leader des absorptions accidentelles de produits ménagers chez le petit enfant de moins de 4 ans.

Quelques notions épidémiologiques :

Les intoxications ou absorptions accidentelles restent largement majoritaires avec 93 % des cas, contre 2 % d’intoxications iatrogènes et 5 % d’intoxications volontaires chez les moins de 15 ans. L’enfant de moins de 4 ans est préférentiellement touché en raison de son développement psychomoteur ; il touche à tout, est curieux de tout, jouant avec toute chose, découvrant ainsi progressivement son environnement, imitant l’adulte ou les grands, explorateur à ses heures.

Il aime ensuite goûter ou boire ce qu’il a trouvé et pris.

L’odeur, la couleur, peu lui importe quand il s’agit d’un liquide ; ce qu’il reconnaît, c’est d’abord le contenant, le flaconnage et rien de plus facile que de le porter, souvent maladroitement, à la bouche. Dans l’enquête européenne European Home and Leisure Accident Surveillance System (EHLASS) à laquelle participe la France depuis 1986 avec huit hôpitaux enregistrant à leurs urgences tous les accidents de la vie courante survenus à des adultes et à des enfants qui s’y présentent, les intoxications accidentelles des moins de 4 ans représentent 73 % de l’ensemble des intoxications accidentelles dans la population en France, mais 85 % des moins de 15 ans.

Les moins de 2 ans en concernent la moitié.

Il y a presque une équivalence de sexe avec une légère prédominance du garçon (54 %), mais rien de comparable avec les 60 % notés pour l’ensemble des accidents domestiques.

Très souvent un adulte est à proximité immédiate de l’enfant (80 %), ce qui ne permet pas habituellement au jeune enfant d’en prendre trop.

Les intoxications sont essentiellement d’ordre domestique, à la maison (95 %), mais il existe aussi des intoxications en milieu scolaire (3 %) et d’autres sur les lieux de jeux, de promenade ou de déplacement des enfants (2 %).

On les appelait les intoxications de poubelle ; elles pouvaient être graves, car les produits pouvaient être méconnus et/ou multiples, avec une reconnaissance tardive et des signes cliniques inquiétants.

Il existe des horaires préférentiels de prise accidentelle médicamenteuse, le plus souvent avant que les parents ne prennent eux-mêmes leurs médicaments, soit avant le repas de midi (11 h-13 h), avant le repas du soir et dès le retour des enfants au foyer (18 h-21 h).

Moins de 20 % des intoxiqués sont hospitalisés et, pour 90 % d’entre eux, pour moins de 48 heures.

Selon toutes les études publiées en France, les intoxications médicamenteuses restent les plus fréquentes, entre 45 et 60 %, suivies par les produits ménagers qui restent stables , concernant un quart des intoxications, malgré la réglementation obligatoire qui impose depuis juin 1992 des systèmes de fermeture à l’épreuve des enfants de moins de 4 ans pour tous les produits classés très toxiques et caustiques, à la suite d’une directive européenne.

Les produits cosmétiques, produits destinés à la toilette, à l’hygiène ou aux soins corporels et de beauté arrivent désormais en troisième position avec 9 % des cas, parce que beaucoup trop de parents, mal informés ou pas informés du tout, ne s’en méfient pas.

Les autre s intoxications ont des pourcentages très variables selon les régions en raison de la prédominance des zones rurales ou semi-rurales ou au contraire du tissu urbain ; c’est le cas des intoxications par les végétaux, les produits phytosanitaires (insecticides, herbicides, pesticides), l’intoxication par le monoxyde de carbone (CO), certains métaux lourds comme le plomb (saturnisme), les produits pétroliers ou dérivés du pétrole.

Les intoxications en milieu scolaire ont plusieurs causes : soit l’enfant, le plus souvent un garçon, apporte un des médicaments de ses parents et en fait la distribution au cours de la récréation à l’insu des surveillants, soit il découvre un produit dangereux et en fait la distribution ou incite d’autres enfants à en prendre (baies de végétaux, raticide mélangé à des céréales, eau de Javel imprudemment transvasée dans une bouteille de boisson bien connue des enfants …)

Pour un médecin, c’est le généreux donateur et ses meilleurs copains qui doivent être examinés en priorité, car ce sont eux qui présentent le plus de risques potentiels, d’autant que la reconnaissance de l’intoxication peut être retardée.

Quels sont les médicaments en cause ?

Les tranquillisants et notamment la famille des benzodiazépines, les hypnotiques et les neuroleptiques caracolent toujours en tête, loin devant les anti-inflammatoires, les antithermiques, les antibiotiques, les antitussifs et les produits à usage externe (gouttes auriculaires, collyres, produits crèmes, lotions pour la peau).

Il faut se méfier des huiles essentielles dont la fréquence augmente car leur composition n’est pas toujours parfaitement connue ; on rappelle que les terpéniques sont tous dangereux.

Mais il existe aussi des médicaments très dangereux comme les antiarythmiques, la quinine, la théophylline, la digoxine, la colchicine, heureusement désormais exceptionnels.

Quelquefois, une intoxication nouvelle apparaît comme celle à la méthadone, utilisée largement dans la désintoxication pour toxicomanie.

L’essor de l’homéopathie en pédiatrie, près de 15 % des prescriptions actuellement, explique l’augmentation des appels, aux centres 15 notamment, pour absorption accidentelle de granules de produits homéopathiques, ce qui permet de rassurer tout le monde.

L’utilisation quotidienne de produits fluorés pour diminuer le risque de caries dentaires de l’enfant permet à quelques enfants d’en absorber une bonne quantité vu leur présentation, mais habituellement sans aucun danger.

L’augmentation croissante du nombre de femmes prenant des pilules anticonceptionnelles et les laissant dans leurs sacs ou leur table de nuit permet de fructueuses explorations, également sans danger.

Quels sont les produits ménagers ?

Ils ont peu évolué en 10 ans.

L’eau de Javel reste largement en tête avec 40 à 45 % des absorptions accidentelles, pour les deux tiers avec du produit dilué, dont la concentration est inférieure à 12° chlorométrique, produit habituellement utilisé pour le ménage.

Il y a heureusement des concentrations plus faibles de 6 à 9%, selon la quantité d’eau ajoutée aux 250 mL du berlingot à 48° chlorométrique, beaucoup d’adultes utilisant désormais des bouteilles d’eau minérale de 1,5 L, ce qui n’entraîne qu’une légère irritation de l’oesophage, sans lendemain.

Ces enfants ne doivent pas encombrer les urgences pédiatriques, ni même être renvoyés en service ORL spécifique.

Au contraire, l’eau de Javel concentrée est toxique et caustique (48° chlorométrique) par absence de dilution de tout ou partie du produit, malheureusement transvasé dans une bouteille de boisson ou des récipients à usage alimentaire, bol, assiette creuse, gobelet, verre…

Les produits pour lavage de lave-vaisselle automatique arrivent en deuxième position, malgré les efforts des industriels qui ont, soit abaissé le pH de leurs produits de 13 à 11, qui passent alors de la catégorie très toxique à toxique, soit multiplié ou amélioré les systèmes de fermeture à l’épreuve des enfants de moins de 4 ans.

Les produits caustiques sont en régression, ce qui satisfait tout le monde, et notamment ceux contenant de la soude caustique (le Destopt est toujours là, maintenant ses ventes au premier rang en France avec 80 % des produits déboucheurs de canalisations et de tuyauteries sanitaires), de la potasse, de l’ammoniaque et des acides (détartrants acides de sanitaires et WC).

Dans le service ORL d’urgence de l’Île-de- France de l’hôpital Necker-Enfants Malades, on dénombre chaque année entre 55 et 65 produits ménagers différents responsables.

À noter que de grandes chaînes de magasins ont introduit du Bitrext, produit très amer, dans certains produits ménagers-maison, pour limiter le risque accidentel.

Produits industriels en cause :

Ils sont largement dominés par les produits pétroliers ou dérivés du pétrole : essence, pétrole lampant, alcool à brûler, white-spirit, détachants pour le linge (Eau écarlatet, K2Rt, Claritet), mais aussi les cires et encaustiques, l’essence de térébenthine.

Pour ce qui est de l’antigel (mono- ou diéthylène glycol) à la belle couleur et au bon goût, deux dispositions récentes l’ont fait très fortement reculer : d’abord des flaconnages spécifiques, ensuite l’obligation réglementaire d’y introduire du Bitrext (décret obligatoire de 1994), substance fortement amère, qui dissuade l’enfant d’en boire, même s’il porte le produit à sa bouche.

Conduite à tenir :

A - DANS CETTE SITUATION, QUELLE DÉCISION PRENDRE ?

Dans plus de 60 % des appels actuellement, la décision médicale consiste à laisser l’enfant sur place, parce qu’il n’existe aucun risque, soit en fonction du médicament, soit en raison d’une dose infratoxique, qui ne réclame qu’une simple surveillance.

À l’inverse, il existe des médicaments très dangereux qui sont vite absorbés par la muqueuse digestive.

À condition que l’enfant soit bien conscient, ce qui est alors le cas, on demande à l’entourage de le faire vomir immédiatement, bien penché audessus des toilettes, avant que les parents ne parviennent aux urgences ou qu’on envoie une ambulance, paramédicalisée avec une infirmière ou médicalisée du Service mobile d’urgence et de réanimation (Smur).

C’est le cas de la digoxine, la quinine, la colchicine ou la théophylline.

Dans 35 % des cas, la dose est potentiellement dangereuse ou ne peut être précisée ; l’enfant est adressé aux urgences pédiatriques du secteur, les parents s’y rendant par leurs propres moyens (voiture personnelle, taxi), parfois avec un premier secours des sapeurs-pompiers ou une ambulance avec des secouristes Croix rouge et de la Protection civile, uniquement le week-end dans les grandes villes.

B - AUX URGENCES HOSPITALIÈRES :

Dans de très nombreux cas, on procède à l’administration de charbon végétal adsorbé sous forme liquide, à raison de 0,5 à 1 g/kg comme le Carbomixt, administré per os ou en gavage, sur lequel se fixe le médicament avant son absorption par la muqueuse digestive.

Les substances les mieux adsorbées par le charbon sont les médicaments hydrosolubles.

Dans quelques cas désormais, suite à la conférence de consensus de 1992, on procède à un lavage d’estomac, qui permet de récupérer 50 % du produit dans la première heure après l’absorption, mais seulement entre 30 et 10 % avant la deuxième heure, excepté pour certains antidépresseurs tricycliques, formant une boue sur les parois de l’estomac, où le lavage d’estomac est efficace même 24 à 36 heures plus tard.

Il en est de même pour les carbamates qui forment des conglomérats gastriques.

1- Lavage d’estomac :

Les passages sont de 100 mL par 100 mL dans la tulipe, jusqu’à concurrence de 100 mL/kg de poids de l’enfant, celui-ci ayant une canule de Guedel en bouche pour éviter qu’il n’écrase la sonde gastrique et ne gêne ainsi l’évacuation gastrique. On peut identifier des débris de comprimés ou de gélules.

On arrête le lavage quand le liquide de recueil est identique au liquide de remplissage.

Il n’est pas nécessaire de rechercher le toxique dans le liquide de recueil, s’il est unique et identifié.

En revanche, si le produit n’est pas connu, on envoie au laboratoire le liquide de passage aux fins d’identification toxicologique.

Dans quelques cas, on utilise une diurèse osmotique en perfusant du sérum glucosé à 10 % ou une diurèse alcaline (aspirine, barbituriques) avec du sérum bicarbonaté isotonique à 1,4 %.

2- Antidotes :

Quant aux antidotes, leur nombre est restreint.

Ils sont utilisés, soit comme un test diagnostique lorsque l’intoxication est supposée mais non encore affirmée devant tels ou tels signes cliniques présentés par l’enfant, comme une injection d’Anexatet pour les benzodiazépines ou de Narcant pour les opiacés, soit pour déplacer le corps toxique de sa liaison avec l’organisme et l’éliminer sous forme de complexe neutre ou non dangereux avec le toxique comme les produits utilisés dans les intoxications par les métaux (mercure, plomb), soit pour empêcher la dégradation du médicament en cause et faciliter son élimination grâce à une compétition au niveau de la chaîne métabolique, comme pour la N-acétylcystéine (NAC) dans le cas de l’intoxication par le paracétamol.

La NAC protège de l’hépatotoxicité par production de cystéine, un précurseur du glutathion, et par apport de groupes thiols qui se lient directement aux métabolites réactifs et les piègent.

L’Isuprelt (isoprénaline) est un traitement spécifique des intoxications par les bêtabloquants, en raison de son action bêtamimétique.

D’autres médicaments sont utilisés, comme les fragments Fab pour les intoxications digitaliques ou à la digoxine, la vitamine K pour les anticoagulants, le bleu de méthylène pour les poisons méthémoglobinisants.

Certaines techniques d’évacuation du toxique ne sont plus utilisées en France.

Le sirop d’ipéca, à raison de 1 cuillère à café pour 10 kg de poids, soit 5 mL chez le nourrisson, 10 mL chez le petit enfant et 15 mL de 7 à 10 ans, entraîne des vomissements en 30 minutes.

L’apomorphine, à raison de 100 c/kg par voie sous-cutanée, intramusculaire ou intraveineuse, entraîne en quelques minutes des vomissements violents, incoercibles, qui peuvent être sanglants.

3- Intoxication méconnue :

Rarement, l’absorption médicamenteuse a été méconnue dans un premier temps, quand brutalement l’enfant bien portant jusque-là présente quelques symptômes digestifs, respiratoires ou neurologiques.

L’adulte peut alors se rappeler qu’il a vu l’enfant jouer avec une boîte ou un flacon de médicament, ou retrouver ceux-ci à proximité.

L’interrogatoire cherche alors à bien préciser :

– les signes présentés par l’enfant : vomissements et ses caractères, diarrhée et douleurs abdominales, présence ou non de fièvre et son importance, pauses respiratoires, voire apnées ou arrêt respiratoire prolongé, convulsions, état d’apathie, de somnolence inhabituelle ou au contraire d’agitation ; le groupement de certains de ces signes peut orienter vers telle ou telle intoxication ;

– l’heure probable de la prise médicamenteuse, c’est-à-dire le moment où l’enfant a été laissé seul un certain temps pour déterminer ainsi le délai d’apparition des troubles après la découverte ;

– le nom du ou des médicament(s) ;

– la quantité possible absorbée ;

– la vacuité ou non de l’estomac et l’heure du dernier repas ;

– le poids de l’enfant.

Dans cette situation, tandis qu’on demande à l’entourage de coucher l’enfant sur le côté, éventuellement de lui faire le bouche-àbouche en position dorsale, épaules surélevées et tête modérément défléchie en arrière, une équipe du Smur se déplace pour aller chercher l’enfant, assurer les premiers soins sur place en fonction de son état en préservant les fonctions vitales cardiorespiratoires et neurologiques, avant de le conduire, soit en unité de réanimation pédiatrique, soit aux urgences-porte de pédiatrie, après accord du service par l’intermédiaire du régulateur du Service d’aide médicale urgente (Samu).

C - EN MILIEU DE RÉANIMATION :

Il peut s’agir de poursuivre un traitement symptomatique si l’enfant est dans le coma et/ou présente des troubles respiratoires, par la ventilation mécanique assistée après intubation, de corriger un collapsus par la perfusion de substances macromoléculaires (Plasmiont, Elohest 6 %), de traiter un état de mal convulsif (Valiumt, Gardénalt, Dilantint) ou des troubles du rythme cardiaque.

En dehors de la diurèse osmotique ou bicarbonatée qui garde des indications très limitées à quelques médicaments, il est parfois nécessaire de recourir à des techniques spécifiques d’épuration du toxique.

L’épuration extrarénale est envisagée dans deux circonstances :

– taux toxique dans une zone critique, voire mortelle, en fonction de l’heure du prélèvement, ce qui permet de calculer la dose probable de médicament ingéré ; peuvent en bénéficier les intoxications sévères aux salicylés, au phénobarbital ou à la théophylline ;

– insuffisance rénale aiguë, en raison de la toxicité directe du médicament sur le rein avec oligoanurie de constitution rapide (exemple : Colimycinet).

La dialyse péritonéale, en raison de sa facilité à mettre en oeuvre, reste le procédé préférable.

L’hémofiltration par passage du sang de l’intoxiqué sur colonne de charbon ou de résine n’a que des indications très limitées et sa supériorité par rapport à la dialyse péritonéale ou à l’hémodialyse n’est pas prouvée.

Actuellement, moins de 3 % des enfants intoxiqués se retrouvent en réanimation ; 40 % des enfants qui se présentent aux urgences pour une intoxication sont gardés de quelques heures dans les lits-porte à moins de 48 heures pour la plupart ; 92 % des enfants hospitalisés sont gardés moins de 24 heures et 6 % moins de 48 heures.

Intoxications médicamenteuses les plus fréquentes :

A - ANXIOLYTIQUES :

Les anxiolytiques sont des médicaments symptomatiques à utiliser lors des anxiétés pathologiques, soit aiguës, soit chroniques.

Ils sont largement prescrits ou utilisés par la population française qui en fait une trop large consommation, d’où la fréquence des intoxications accidentelles chez le jeune de moins de 5 ans (un quart de toutes les intoxications médicamenteuses) et des intoxications volontaires chez les adolescents, en association parfois avec d’autres médicaments.

1- Benzodiazépines :

Elles ont des propriétés anxiolytiques, sédatives, anticonvulsivantes, myorelaxantes et amnésiantes.

La dose toxique est en général élevée (1,5 mg/kg) sauf pour certaines molécules d’action rapide où elle est faible (Halciont, Rohypnolt, Mogadont) et qui ont aussi des propriétés hypnotiques avec possibilité de coma profond.

L’Halciont a une demi-vie brève de 3 à 4 heures.

L’absorption des benzodiazépines est rapide, le pic plasmatique est atteint en moins de 1 à 2 heures ; la fixation aux protéines plasmatiques est importante (95 %), le métabolisme hépatique complexe aboutissant dans un premier temps à une conservation d’activité, puis à une inactivation. L’élimination urinaire sous forme inchangée est inférieure à 1 %.

Les diazépines les plus en cause sont le Tranxènet (chlorazépate), le Témestat (lorazépam) et le Lexomilt (bromazépam).

* Clinique :

L’intoxication se traduit au début par une démarche ébrieuse avec chutes répétées du fait d’une hypotonie musculaire plus marquée aux membres inférieurs.

Puis surviennent des troubles de la vigilance avec somnolence et un coma calme, hypotonique, aréflexique. Une dépression respiratoire peut s’observer avec bradypnée et pauses.

En revanche, dans les formes sévères avec le flunitrazépam (Rohypnolt) d’action rapide, on peut avoir un coma profond avec une dépression respiratoire franche, une bradycardie sinusale, voire une hypotension.

L’électroencéphalogramme montre des rythmes rapides médicamenteux.

Le pronostic est favorable en règle.

Il existe des méthodes rapides de recherche semiquantitative des benzodiazépines qui peuvent être réalisées sur les urines ou le plasma.

* Traitement :

Chez les malades conscients, l’administration du charbon activé est seule nécessaire ; une simple surveillance suffit.

Le lavage d’estomac n’est indiqué qu’en cas d’intoxication massive ou de produits d’action rapide et après intubation, s’il existe des troubles de la conscience ou respiratoires.

Une injection de flumazénil (Anexatet) à raison de 10 μg/kg ne se justifierait que comme test diagnostique, neutralisant rapidement les effets hypnotiques et sédatifs de la benzodiazépine circulante.

Si l’éveil est rapide, il est transitoire ; il en est de même pour la ventilation ; les pauses réapparaîtront.

En effet, la demi-vie du flumazénil est plus courte que celle des benzodiazépines habituellement en cause.

Dans les formes comateuses prolongées, cela nécessite une perfusion d’entretien au pousse-seringue électrique (10 μg/kg/h).

2- Carbamates :

Le méprobamate (Mépronizinet chez l’enfant, Équanilt) et l’Atriumt chez l’adulte, sont les plus prescrits.

L’absorption digestive est rapide, mais irrégulière et prolongée en raison de la formation de conglomérats gastriques.

Le métabolisme est hépatique à 90 % avec formation de métabolites inactifs éliminés par les urines.

L’intoxication aiguë débute par une somnolence avec ébriété, puis un coma calme, hypotonique. Les pupilles sont en mydriase et l’hypothermie fréquente.

Une intoxication sévère se caractérise par un collapsus par hypovolémie avec vasoplégie ou un choc cardiogénique.

Il existe une relation entre le taux plasmatique et la profondeur du coma.

La dose toxique chez l’enfant est de 50 mg/kg.

Le traitement est symptomatique : lavage gastrique abondant, répété, même retardé, en raison de l’existence de conglomérats médicamenteux intragastriques, après intubation en raison des troubles de conscience.

Le traitement du collapsus fait appel à un remplissage prudent par substance macromoléculaire en surveillant l’apparition de signes d’oedème aigu pulmonaire (OAP) et d’un gros foie en faveur d’une myocardiopathie, qui nécessite la prescription d’inotrope positif comme la dobutamine (Dobutrext), en commençant à 5-10 μg/kg/min et en augmentant progressivement sous couvert d’un contrôle de la pression veineuse centrale.

3- Hydroxyzine (Ataraxt) :

Ce médicament présente des propriétés sédatives, anticholinergiques, antihistaminiques et des effets quinidine-like ; il est utilisé dans les manifestations mineures de l’anxiété à raison de 1 mg/kg/j.

L’intoxication aiguë est à l’origine d’un coma, de convulsions, d’une dépression respiratoire et d’un syndrome atropinique avec sécheresse buccale, mydriase, tachycardie, fièvre.

Des collapsus ont été observés. Le traitement de l’intoxication est symptomatique, associé à l’évacuation gastrique : ventilation mécanique assistée en cas de coma, de dépression respiratoire et de convulsions, bien contrôlées par le Valiumt.

C - HYPNOTIQUES :

Ils sont largement employés dans les familles, car il est plus facile de donner un médicament que de réfléchir à l’aspect psychologique et aux erreurs éducatives familiales, aux distorsions relationnelles intrafamiliales, qui génèrent nombre de troubles de l’endormissement.

En dehors des benzodiazépines déjà vues, il s’agit des antihistaminiques H1, notamment du Nopront, moins prescrit actuellement, et du Théralènet.

1- Niaprazine (Nopront) :

C’est un antihistaminique utilisé pour ses propriétés sédatives et hypnotiques.

Il peut provoquer des pauses, voire des apnées.

C’est aussi un dépresseur du système nerveux central qui entraîne des myoclonies et des convulsions.

2- Cyproheptadine (Périactinet), alimémazine (Théralènet) :

L’intoxication aiguë est sévère chez l’enfant, à l’origine de troubles neuropsychiatriques (agitation, ataxie, hallucinations), de convulsions avec coma et d’un syndrome atropinique.

Le traitement symptomatique comporte l’assistance respiratoire (coma), le diazépam (convulsions) et un remplissage vasculaire en cas d’hypotension avec vasoplégie.

D - ANTALGIQUES, ANTIPYRÉTIQUES :

1- Paracétamol :

L’intoxication est fréquente en raison de sa grande diffusion et de sa bonne tolérance à dose thérapeutique (60 à 80 mg/kg/j), de l’existence de nombreux médicaments composés qui en renferment et de la négligence des adultes, qui utilisent les comprimés ou gélules à 500 mg ou 1 g.

Plus de cinquante spécialités pharmaceutiques contiennent du paracétamol isolément ou en association avec d’autres principes actifs.

Les plus utilisés sont le Dolipranet , l’Efferalgant, l’Algotropylt au-dessus de1 an en raison de son association avec la prométhazine qui pourrait ne pas permettre à l’enfant de se réveiller normalement et de se manifester (cris, pleurs, gémissements, agitation…) en cas d’affection fébrile ou non…

Depuis 1999, le Rinutant est interdit avant 30 mois et l’Actifedt avant 12 ans.

Le paracétamol est métabolisé par le foie en dérivés sulfo- ou glycuroconjugués atoxiques (90 %).

Une faible fraction est transformée par le cytochrome P 450 en un radical fortement réactif qui est inactivé par le glutathion.

À dose toxique, le système protecteur du glutathion est dépassé, les radicaux libres se lient aux protéines hépatiques qu’ils dénaturent, aboutissant à une hépatite centrolobulaire.

La dose toxique est évaluée à 100 mg/kg en une seule prise par certains et à 150 mg/kg pour d’autres.

Le traitement épurateur par la NAC ne serait efficace que dans les 8 premières heures après l’ingestion.

* Clinique :

Au début, l’intoxication peut être asymptomatique ou se manifester par des nausées et des vomissements, alors qu’on observe une élévation des alanineaminotransférases et des aspartateaminotransférases, qui sont à leur maximum au troisième jour.

L’hépatite cytolytique toxique doit être suivie sur la chute des facteurs de coagulation, notamment du facteur V.

Elle s’associe à des douleurs abdominales dans l’aire hépatique et peut se compliquer d’une encéphalopathie et d’un oedème cérébral avec risque d’engagement cérébral. L’atteinte rénale rare réalise un tableau de tubulonéphrite aiguë.

Le pronostic peut être évalué par la mesure du taux sanguin de paracétamolémie après la quatrième heure après l’ingestion selon le normogramme établi par Prescott.

Si la paracétamolémie est inférieure à 120 mg/L, le risque d’atteinte hépatique est nul, il est de 60 % au-dessus de 250 mg/L et de 90 % au-dessus de 300 mg/L.

* Traitement :

Sans attendre le dosage de paracétamolémie, il faut évacuer rapidement le toxique et prévenir l’atteinte cytolytique hépatique.

Actuellement, l’administration de charbon activé est recommandée dans les 2 heures suivant l’ingestion d’une dose potentiellement hépatotoxique.

Mais cette méthode n’est pas souhaitable, si l’on veut donner de la NAC par voie buccale sous forme de Mucomystt de la Pharmacie centrale des Hôpitaux présenté en ampoules de 2 g ou 5 g ou en sachets de 200 mg (Fluimucilt).

En cas d’administration par sonde gastrique, le protocole suivant est proposé : 140 mg/kg en première dose suivie de doses de 70 mg/kg espacées chacune de 4 heures.

Certains pratiquent encore le lavage gastrique lors d’une ingestion d’une dose massive, suivi de l’administration de charbon activé, puis de NAC par voie intraveineuse, selon le protocole suivant :

– dose initiale de 150 mg dans 200 mL de sérum glucosé isotonique, perfusée en 30 minutes ;

– perfusion de 50 mg/kg dans les 4 heures suivantes dans 200 mL de sérum glucosé à 5 % ;

– perfusion de 100 mg/kg dans 500 mL de sérum glucosé à 5 % dans les 16 heures suivantes. Au total, 300 mg/kg sont administrés en 20 heures.

La voie veineuse est également utilisée en cas d’intolérance gastrique absolue.

Certaines hépatites cytolytiques aboutissent à une transplantation hépatique.

Quand le taux de prothrombine est inférieur à 40 %, il faut contacter une équipe spécialisée dans les transplantations hépatiques pour discuter d’une greffe éventuelle.

À savoir : la diurèse forcée n’augmente pas l’excrétion rénale du paracétamol en raison de son métabolisme hépatique ; l’épuration extrarénale n’a pas d’intérêt.

2- Ibuprofène :

Utilisé dans les douleurs d’intensité légère à modérée et dans les états fébriles, sa prescription a nettement augmenté en pédiatrie depuis quelques années en parallèle avec les mises en garde pour l’utilisation de l’aspirine dans les états fébriles viraux chez les jeunes enfants et ses contre-indications classiques (sujets allergiques ou ayant des troubles de la coagulation).

L’ibuprofène est prescrit chez l’enfant sous forme de sirop (Advilt, Nureflext 20 mg/mL), à raison de 30 mg/kg/j en trois prises, soit 10 mg/kg/8 h, et chez l’adulte (Nurofent 500 mg).

* Clinique :

Les troubles digestifs sont au premier plan avec des nausées, des vomissements, des gastralgies, des douleurs abdominales et une hématémèse.

Exceptionnellement, l’ibuprofène peut donner des troubles hématologiques (thrombocytopénie, anémie hémolytique, agranulocytose, aplasie médullaire), cardiovasculaires (hypotension, collapsus), rénaux (protéinurie, hématurie, insuffisance rénale aiguë), neurosensoriels (céphalées, vertiges, hallucinations, diplopie).

L’administration de charbon végétal activé est seule recommandée.

3- Salicylés :

L’utilisation de l’aspirine ayant fortement chuté, tant en pédiatrie que chez l’adulte, au profit de l’ibuprofène et du paracétamol, les intoxications aiguës aux salicylés sont devenues très rares.

Cependant, cela reste une intoxication classique dont les points principaux doivent être rappelés.

L’acide acétylsalicylique (aspirine) a des propriétés antalgiques, antipyrétiques, mais aussi anti-inflammatoires et antiagrégantes plaquettaires.

Si l’enfant peut absorber plusieurs comprimés ou dragées à usage adulte dosés à 300 ou 500 mg, il peut s’agir de surdosage de la part des parents, d’erreurs de préparation magistrale (vaseline salicylée à 30 % au lieu de 3 % pour une maladie de Leiner-Moussous) ou de l’administration prolongée percutanée de pommade salicylée sur des dermatoses rebelles, étendues et récidivantes.

Plus de 100 spécialités contiennent des salicylates et leur présence peut ne pas être connue des parents.

La dose thérapeutique habituelle est de 70 mg/kg/j, soit six prises de 12 mg/kg espacées d’au moins 4 heures.

Elle peut atteindre 100 mg/kg/j dans les affections rhumatismales.

La toxicité peut apparaître dès 100 à 120 mg/kg/j, sans méconnaître la sensibilité particulière de certains enfants. L’absorption digestive est rapide et complète en moins de 1 heure, sauf pour les formes à délitement retardé dans le grêle en raison d’un double noyau et le s formes tamponnées.

Dans le sang, l’acide acétylsalicylique est rapidement hydrolysé en acide salicylique libre et fixé sur l’albumine.

Le métabolisme est hépatique, 25 % sont oxydés, 75 % sont éliminés sous forme d’acide salicylique dans les urines et de dérivés combinés au glycocolle (acide salicylurique) ou à l’acide glucuronique, hydrosolubles.

L’excrétion urinaire de l’acide salicylique, acide faible, dépend du pH urinaire ; l’alcalinisation des urines augmente l’ionisation de l’acide et diminue la réabsorption tubulaire, facilitant son excrétion. L’élimination urinaire des salicylés est multipliée par 5 si le pH urinaire est supérieur à 7,5.

L’acide salicylique traverse les méninges ; le taux de salicylate libre dans le liquide céphalorachidien est le tiers ou la moitié du taux de salicylémie.

Par son action toxique sur la mitochondrie, il augmente fortement les processus d’oxydation cellulaire avec consommation accrue d’oxygène et production importante de dioxyde de carbone.

L’augmentation de la thermogenèse peut conduire les parents à administrer des doses répétées d’aspirine devant l’hyperthermie persistante, tandis que la stimulation directe du centre respiratoire bulbaire provoque une hyperpnée, une hyperventilation et une alcalose respiratoire.

* Clinique :

L’intoxication par les salicylés évolue de façon biphasique, d’abord une stimulation bulbaire respiratoire, avec alcalose gazeuse, puis une acidose métabolique lactique et pyruvique.

Dans l’intoxication modérée, on observe des troubles digestifs (gastralgies, gastrite hémorragique, vomissements fréquents, parfois sanglants), neurologiques (agitation et hyperexcitabilité neuromusculaire, puis troubles de la conscience avec obnubilation) et respiratoires (hyperpnée). Dans la forme sévère, la toxicité directe de l’acide salicylique sur la cellule hépatique entraîne une cytolyse hépatique, avec défaut de synthèse hépatique des facteurs vitamino- K-dépendants, notamment de l’acarboxyprothrombine, précurseur de la prothrombine.

Le coma est profond avec convulsions, l’hyperthermie est majeure avec sueurs, la déshydratation, souvent globale, extra- et intracellulaire traduit les pertes par vomissements, hyperpnée, fièvre et sueurs, et l’hypoxie réfractaire traduit le poumon de choc.

Sur le plan biologique, l’hyperventilation entraîne une alcalose respiratoire initialement ; puis, une acidose métabolique apparaît par production d’acides organiques.

Il ne faut pas se laisser abuser par un coma acidocétosique diabétique, car l’hyperglycémie et la glycosurie sont très modérées. Sur le liquide gastrique, on peut faire un Phénistixt ; dans les urines, il est facile de rechercher l’acide salicylurique par le papier Phénistixt qui vire au violet mais, si le pH urinaire est acide, le Phénistixt peut être négatif. Les corps cétoniques et l’acide salicylurique donnent tous les deux une coloration violette à la réaction de Gerhardt, mais le chauffage fait disparaître les corps cétoniques et la persistance de la coloration affirme la présence de l’acide.

La sévérité de l’intoxication est directement fonction de la salicylémie maximale qui peut être déterminée par le diagramme de Done ; il permet d’extrapoler le taux qu’aurait atteint la salicylémie au temps 0 (So), si l’absorption digestive était totale et immédiate, connaissant l’heure probable de l’ingestion toxique et la salicylémie au moment du prélèvement par rapport au délai écoulé.

En cas d’administration prolongée d’aspirine à des doses de 80 à 100 mg/kg/j en prises fractionnées (maladies inflammatoires), le traitement est arrêté si le taux de prothrombine chute en dessous de 70 %.

* Traitement :

Si l’enfant a ingéré ou est seulement suspecté d’avoir absorbé une dose infratoxique de salicylés, on ne s’adresse qu’au charbon végétal activé et on installe une diurèse osmotique accentuée par l’alcalinisation des urines.

Si la dose est toxique, on préfère d’abord un lavage d’estomac, suivi de charbon activé.

Si l’enfant arrive tard après l’ingestion, il faut rétablir une ventilation correcte (l’intubation peut être nécessaire pour préserver également la liberté des voies aériennes, dans la crainte de fausses routes trachéobronchiques, d’un OAP et d’une hypoxie réfractaire), corriger les troubles de l’équilibre acidobasique par la perfusion de bicarbonate isotonique à 1,4 % (20 à 30 mL/kg), lutter contre la déshydratation, les convulsions, l’hyperthermie et l’état de choc.

L’épuration extrarénale par dialyse péritonéale se justifie pour des salicylémies supérieures à 100 mg/100 mL.

E - AUTRES SUBSTANCES :

1- Nicotine :

Cette intoxication est relativement fréquente chez les moins de 18 mois.

La nicotine est un alcaloïde toxique, principal agent actif pharmacologique des cigarettes et des cigares.

Une cigarette contient entre 10 et 25 mg de nicotine, un cigare de 15 à 40 mg et un mégot de cigarette de 3 à 7mg.

Le tiers environ de la quantité totale de nicotine contenue dans une cigarette se retrouve dans le mégot.

La toxicité semble variable selon l’enfant ; si, en dessous de 0,5 mg/kg, l’absorption accidentelle est asymptomatique, dès 0,5 mg/kg on note des nausées et des vomissements, et des signes graves ont été observés entre 1,4 et 1,9 mg/kg de nicotine. L’absorption de la nicotine se fait par la muqueuse buccale, d’où le risque d’un simple mâchage.

L’intoxication donne d’abord des signes digestifs et buccaux (brûlures de la bouche, salivation profuse, nausées, vomissements, douleurs abdominales), puis des signes d’atteinte du système nerveux central (céphalées, agitation, incoordination motrice, confusion) qui peuvent aboutir à des convulsions et un coma en 30 à 60 minutes.

D’autres signes cholinergiques sont notés : myosis, larmoiement, augmentation des sécrétions bronchiques.

Cette phase de stimulation s’accompagne de tachypnée et de tachycardie.

Dans l’intoxication grave, apparaissent ensuite des signes de blocage de la jonction neuromusculaire et de dépression cardiorespiratoire : hypotonie musculaire, fasciculations, hyporéflectivité tendineuse, paralysie musculaire qui peut toucher les muscles respiratoires, arythmie cardiaque (fibrillation atriale paroxystique et collapsus), bradypnée et cyanose pouvant conduire à l’arrêt respiratoire, voire au décès.

Sur 2 166 cas d’intoxication à la nicotine enregistrés dans la banque de données du centre antipoisons Fernand Widal à Paris, seulement 660 (30,5 %) ont été marqués par des signes d’intoxication mineurs et 20 autres par des myoclonies et/ou des convulsions, en raison de la faible quantité habituellement absorbée par l’enfant.

Le traitement est symptomatique :

– Valiumt et Gardénalt pour contrôler l’agitation et les convulsions ;

– Atropinet, 20 μg/kg par voie souscutanée, intramusculaire ou intraveineuse, en cas d’hypersécrétion bronchique intense ;

– intubation et assistance ventilatoire mécanique devant une dépression respiratoire ou un coma.

Une surveillance en milieu hospitalier de 12 à 24 heures est souvent nécessaire.

2- Métoclopramide :

On rencontre de plus en plus souvent des intoxications au Primpérant en raison de sa large prescription dans les gastroentérites aiguës infectieuses et le reflux gastrooesophagien.

Il peut s’agir de surdosage, d’intoxication accidentelle stricto sensu, mais aussi de susceptibilité particulière de l’organisme de l’enfant.

L’intoxication aiguë se manifeste par des dystonies : dyskinésie faciale, déviation conjuguée des yeux, nystagmus, trismus, crises oculogyres, torticolis, opisthotonos, hypertonie extrapyramidale des membres avec roue dentée à la mobilisation du bras.

Ces accidents devraient rendre prudente son utilisation par les pédiatres et les médecins généralistes.

3- Opiacés :

Qu’il s’agisse de codéine, de codéthyline, de pholcodine, les alcaloïdes de l’opium entrent dans la composition de très nombreuses médications antitussives, largement utilisées chez l’adulte et le grand enfant et sont interdits aux enfants de moins de 30 mois.

Ils entraînent une dépression respiratoire plus ou moins importante selon le produit, avec bradypnée, puis survenue d’apnées avec cyanose, enfin d’arrêt respiratoireparfois par bronchospasme.

Les pupilles sont en myosis serré.

On observe également des troubles digestifs (nausées, vomissements), des troubles neurologiques (somnolence, ataxie, vertige, coma), des troubles vasomoteurs à type de rash érythémateux diffus.

Le traitement tente d’abord de rétablir une ventilation efficace en cas d’apnée ou d’arrêt respiratoire par la ventilation au masque avec un insufflateur manuel en oxygène pur, puis d’adapter la concentration de l’oxygène dans l’air inspiré selon la saturation du sang artériel en oxygène.

On peut être amené rapidement à intuber l’enfant et à le soumettre à une ventilation mécanique contrôlée pour assurer la liberté des voies aériennes hautes et basses, une oxygénation et une ventilation suffisantes.

Parallèlement, on peut injecter du Narcant ou naloxone sur la base de 10 μg/kg, qui permet de corriger provisoirement la dépression respiratoire.

En fait, sa brièveté d’action obligerait à faire des injections répétées ou à installer une perfusion continue (10 μg/kg/h), qui ne peut être surveillée qu’en unité de réanimation.

4- Méthadone :

L’hydrochloride de méthadone est un opioïde de synthèse liposoluble dont l’effet analgésique est proche de celui de la morphine.

Utilisée dans le sevrage à la morphine et à l’héroïne, elle se présente en poudre cristalline blanche, très amère, souvent diluée dans des sirops sucrés attirant les enfants.

Après absorption orale, elle est bien absorbée par la paroi digestive et ses effets apparaissent entre 1 et 4 heures.

La méthadone est métabolisée par le foie et son excrétion urinaire (très longue demi-vie) est augmentée par l’acidification des urines.

On l’utilise dans le syndrome de sevrage du nouveau-né, dans le sevrage aux morphiniques à tout âge et dans le traitement des douleurs chroniques.

Selon les séries, on retrouve un consommateur dans la famille de l’intoxiqué dans 50 à 75 % des cas.

L’intoxication donne une dépression respiratoire sévère qui peut dépasser 48 heures, une somnolence, un coma, un myosis sévère, des convulsions, une hypothermie, des troubles hémodynamiques (hypotension, bradycardie, choc).

La dose ingérée est très variable, de 1,3 à 12,3 mg/kg, mais la dépression respiratoire peut être induite chez le jeune enfant par une dose unique journalière pour un adulte. Le seuil de concentration plasmatique toxique n’est pas connu.

Tout enfant suspect d’intoxication par méthadone doit donc être hospitalisé pour une période d’observation, étant donné le risque de dépression respiratoire prolongée non corrélé à une concentration plasmatique précise.

La méconnaissance qu’ont les parents, extoxicomanes traités par méthadone, des effets toxiques de ce produit chez le jeune enfant, explique le retard à la prise en charge médicale jusqu’à l’apparition de troubles respiratoires, d’ébriété, voire de troubles de la conscience.

* Traitement :

– Rétablir la perméabilité des voies aériennes et ventiler l’enfant.

– Antagoniser l’opiacé par la naloxone qui agit sur la dépression respiratoire, le myosis, l’analgésie et l’hypotension par compétition au niveau des récepteurs morphiniques.

L’action de la naloxone (0,1 mg/kg) administrée par voie intraveineuse débute après 30 secondes à 2 minutes et dure de 30 à 45 minutes.

La dose unitaire maximale est de 2 mg, à répéter si nécessaire toutes les 3 à 5 minutes jusqu’à une dose totale de 10 mg.

Une perfusion continue à la dose de 0,1 à 0,15 mg/kg/h peut être débutée devant la reproduction des symptômes.

– Traiter l’oedème pulmonaire par la ventilation mécanique assistée et une pression expiratoire positive (PEP).

– Réchauffer l’enfant.

– Traiter les convulsions par le diazépam, mais elles peuvent s’arrêter avec la naloxone.

5- Zymafluort :

Le fluorure de sodium, sel d’acide fluorhydrique, est utilisé pour la prévention de la carie dentaire.

Dissocié en NaCl et en acide fluorhydrique dans l’estomac en milieu acide, il est rapidement absorbé par l’intestin.

L’acide fluorhydrique a une forte affinité pour le calcium et peut provoquer, à forte dose, une hypocalcémie, facteur de spasme laryngé, de convulsions, de coma et de troubles électrocardiographiques à type d’hyperexcitabilité.

La large prescription du Zymafluort chez l’enfant et sa présentation en pilulier de quelques centaines de microcomprimés à 0,25 et à 1 mg expliquent la fréquence croissante des appels aux centres antipoisons et aux centres 15 pour absorption accidentelle de quelques dizaines de microcomprimés, qu’il est facile d’avoir en main.

Cependant, le risque s’observe audessus de 50 mg, et cette dose toxique est rarement atteinte.

On recommande habituellement, devant l’absorption d’une faible dose, de ne rien faire et de poursuivre l’alimentation normalement, riche en produits laitiers contenant du calcium en grande quantité.

Devant une forte dose, on conseille de donner du charbon activé plutôt qu’un lavage d’estomac, puis d’administrer du calcium per os en comprimés (5 g/j).

Intoxications médicamenteuses rares, mais très dangereuses :

A - ANTIDÉPRESSEURS TRICYCLIQUES :

Les médicaments antidépresseurs exercent une action favorable sur l’humeur (Élavilt, Laroxylt).

Les imipraminiques (imipramine, domipramine, amitriptyline) sont des bases faibles.

Leur demi-vie plasmatique est très prolongée, de l’ordre de 10 à 20 heures pour l’imipramine. Leur élimination urinaire est accrue par une acidification des urines.

Les antidépresseurs tricycliques subissent un métabolisme hépatique important, qui peut aboutir à une conservation d’activité dans un premier temps, avant une perte d’activité.

L’intoxication se caractérise par un temps de latence de 1 à 4 heures entre la prise médicamenteuse et l’apparition des premiers signes, qui associe un syndrome anticholinergique, des troubles neurologiques et cardiovasculaires.

Le coma, observé dans 60 % des cas, s’accompagne d’agitation, de clonies, de syndrome pyramidal et de convulsions répétées, voire d’un état de mal convulsif.

Les troubles cardiovasculaires sont des anomalies de l’électrocardiogramme et une dépression de la contractilité myocardique.

Le syndrome anticholinergique associe une agitation, un tremblement fin des extrémités, un délire, un faciès vultueux avec sécheresse de la bouche, une mydriase bilatérale avec tachycardie, rétention d’urine et constipation.

Le traitement associe un lavage gastrique, en raison de la gravité potentielle de cette intoxication et du syndrome atropinique qui ralentit l’évacuation gastrique.

Le charbon activé présente deux avantages, celui d’adsorber le médicament stagnant dans le tube digestif et l’interruption du cycle entérohépatique.

Pour le reste, le traitement symptomatique vient à bout du coma, des convulsions, du syndrome anticholinergique et du collapsus.

B - ATROPINE, BELLADONE :

Cette intoxication peut être sévère chez l’enfant en raison de l’absorption accidentelle de collyre, avec agitation, confusion mentale, hallucinations, manifestations délirantes et convulsions.

La mydriase avec paralysie de l’accommodation est souvent le premier signe de l’intoxication avec la sécheresse de la bouche.

L’hyperventilation et une tachycardie sinusale, l’hyperthermie pouvant atteindre 41 °C, l’aspect vultueux du visage et du cou, complètent le tableau.

Au maximum survient une dépression du système nerveux central avec coma convulsif et apnées.

Le traitement associe le charbon végétal activé en urgence et, en cas de gravité, une assistance ventilatoire mécanique après intubation, une réhydratation et une rééquilibration hydroélectrolytique, enfin une sédation et le contrôle des convulsions par les benzodiazépines.

C - BARBITURIQUES :

L’intoxication par les barbituriques est devenue exceptionnelle, du fait de l’utilisation de la Dépakinet pour l’épilepsie essentielle de l’enfant et les convulsions à répétition, et de l’usage des benzodiazépines pour les tentatives d’autolyse des adolescent(e)s.

Elle concerne surtout le phénobarbital (Gardénalt, Alepsalt), barbiturique lent ayant une absorption digestive prolongée, une fixation sur les protéines tissulaires (20 % après 24 heures), ce qui explique que le taux sanguin puisse augmenter pendant les 48 premières heures.

Demi-vie très longue (100 heures), métabolisme hépatique, élimination rénale essentielle (90 %) dont 30 % sous forme inchangée, c’est un acide faible, totalement ionisé en milieu alcalin, dont l’excrétion croît avec le volume de la diurèse.

La dose toxique est de 25 mg/kg.

1- Clinique :

L’absorption accidentelle de phénobarbital entraîne une dépression respiratoire et cérébrale centrale avec trouble de la thermorégulation.

Le coma est progressif, calme, hypotonique, aréflexique ; la bradypnée aggravée rapidement par un encombrement trachéobronchique conduit à la pneumopathie de déglutition et aux troubles de la ventilation avec surinfection.

2- Traitement :

Le traitement comprend le lavage d’estomac, suivi de l’administration de charbon activé, avec assistance respiratoire après intubation et diurèse osmotique alcaline en associant, à part égale, sérum glucosé à 10 % et sérum bicarbonaté à 1,4 % sur la base de 100 mL/kg/24 h.

La surveillance porte sur l'état hémodynamique, l’équilibre hydroélectrolytique (kaliémie, calcémie) et la diurèse horaire.

Dans les formes graves, on peut recourir à une épuration extrarénale par dialyse péritonéale.

Les autres barbituriques d’action rapide intermédiaire (Binoctalt) dont les demi-vies sont courtes, de 4 à 10 heures, ne nécessitent qu’un traitement symptomatique pendant 24 à 36 heures.

D - BÊTABLOQUANTS :

Il s’agit le plus souvent de Sectralt, Avlocardylt, Lopressort, Viskent.

En dehors d’une intoxication asymptomatique qui réclame une administration de charbon activé, le pouls et la pression artérielle restant normaux, l’intoxication avec simple bradycardie sans modification de la pression artérielle nécessite d’accélérer le rythme cardiaque par une perfusion continue d’isoprotérénol (Isuprelt) sur la base de 0,1 à 1 μg/kg/min.

Si l’intoxication s’accompagne d’un collapsus, il faut d’abord assurer un remplissage vasculaire par substance macromoléculaire (Plasmiont 20 mL/kg) et administrer de la dobutamine (10 μg/kg/min) dont les doses sont rapidement augmentées.

Si la réponse hémodynamique est insuffisante, on associe du Glucagont à raison de 1 mg/kg/h.

E - BUTYROPHÉNONES :

Ce sont des neuroleptiques (Droleptant, Haldolt).

Ils donnent un syndrome extrapyramidal diffus ou faciotronculaire (spasmes péribuccaux, protrusion linguale, trismus, crises oculogyres ) , une hyperthermie, une dépression respiratoire et un collapsus par vasoplégie.

Le traitement associe un lavage d’estomac et si nécessaire une assistance respiratoire mécanique après intubation, un remplissage vasculaire.

Les troubles extrapyramidaux requièrent l’administration de Lepticurt par voie intramusculaire.

F - MÉDICAMENTS TERPÉNIQUES : CAMPHRE, MENTHOL, EUCALYPTOL, TERPÈNE :

Ce sont des stimulants du système nerveux central.

L’intoxication survient après ingestion, inhalation et application percutanée.

Les signes d’intoxication par le camphre apparaissent de 5 à 90 minutes après l’ingestion, car son absorption digestive est rapide et favorisée par les lipides ; son métabolisme est hépatique.

En raison de son élimination pulmonaire, l’haleine évoque le diagnostic, confirmé ensuite par la recherche dans les urines du camphre et de ses métabolites.

C’est un produit très dangereux pour le jeune enfant, qui entraîne des nausées, des vomissements, une agitation, un syndrome confusionnel, un délire, un coma avec état de mal convulsif, une hyperthermie avec collapsus.

Le camphre est interdit chez les enfants de moins de 30 mois ; la Biogazet qui en renferme ne doit pas être utilisée chez l’enfant de moins de 8 ans en cas de plaie ou de brûlure, ou comme cataplasme (automédication).

Le traitement est symptomatique, associé à une évacuation gastrique précoce.

G - CHLOROQUINE :

L’intoxication aiguë par la 4-aminoquinoléine, antipaludéen de synthèse, peut être mortelle (troubles du rythme cardiaque d’apparition précoce et brutale) en raison d’une absorption digestive complète en moins de 3 heures (pic sanguin atteint entre 1 et 4 heures) par tachycardie ventriculaire et torsades de pointe.

Les manifestations neurosensorielles associent flou visuel, diplopie, vertiges, hypoacousie.

Après une agitation anxieuse, des convulsions s’observent.

Les manifestations cardiovasculaires traduisent l’effet stabilisant de membrane de cet antipaludéen à dose toxique.

Les troubles électrocardiographiques associent aplatissement de l’onde T, allongement de l’espace QT de grande valeur annonçant les troubles du rythme.

Le traitement associe une intubation et une assistance mécanique assistée systématique en raison du risque d’arrêt cardiaque brutal, et l’administration intraveineuse continue au pousse-seringue électrique de diazépam, 2 mg/kg en 30 minutes, puis 1 à 2 mg/kg/24 h pendant 2 jours, véritable « antidote » de la chloroquine bien qu’on ne connaisse pas son mode d’action.

L’adrénaline est le traitement de choix lorsqu’il existe un collapsus (dose initiale 0,25 μg/kg/min au pousse-seringue électrique).

Le lactate de sodium molaire est prescrit en cas d’élargissement majeur des complexes QRS au-delà de 0,12 s.

H - ANTIGOUTTEUX :

C’est la colchicine qui est dangereuse, car son absorption digestive est rapide et l’intoxication, redoutable, est dosedépendante, pouvant entraîner un décès.

Si la dose est faible (< 0,5 mg/kg), les principaux troubles observés sont des troubles digestifs à type de vomissements et de diarrhée profuse, avec douleurs abdominales, facteur de déshydratation extracellulaire.

La diarrhée doit être respectée car elle peut éliminer beaucoup de colchicine.

Le délai asymptomatique de 3 à 6 heures peut être plus important en cas d’ingestion de Colchimaxt, spécialité qui associe la colchicine à du phénobarbital, un atropinique (tiémonium) et de la poudre d’opium, qui retarde l’expression digestive.

Le lavage gastrique doit être réalisé dans tous les cas, même tardif.

La surveillance hématologique doit être prolongée 7 jours.

I - DIGITALIQUES :

L’intoxication par la digitoxine ou la digoxine est redoutable du fait des troubles cardiaques.

La mortalité n’est pas nulle, mais inférieure à 10 % avant 15 ans.

L’absorption digestive est très rapide, surtout s’il s’agit d’une présentation liquide, leur demi-vie sérique très prolongée (120 heures pour la digitoxine, 33 heures pour la digoxine) et leur liaison protéique élevée.

L’intoxication aiguë se caractérise par trois séries de troubles :

– digestifs : vomissements presque constants (80 %), quelquefois douleurs abdominales et diarrhée ;

– neurosensoriels : obnubilation ou somnolence, mais aussi agitation et angoisse, voire délire confusionnel et hallucinations, vision floue, scotomes, dyschromatopsie ;

– cardiaques : troubles de la conduction (bradycardie sinusale, asystolie, foyers de suppléance démasqués), troubles de l’automatisme (extrasystoles ventriculaires très précoces, arythmies ventriculaires, bloc auriculoventriculaire).

Sur le plan biologique, il semble qu’une hyperkaliémie soit de mauvais pronostic du fait d’une déplétion cellulaire en potassium par inhibition des adénosine-triphosphatases membranaires.

Le traitement est très urgent :

– vomissements provoqués immédiats ;

– lavage d’estomac, surtout si l’intoxiqué est vu tôt ;

– médicaments antiarythmiques, qui ne dépriment pas ou peu la conduction auriculoventriculaire ;

– l’atropine sous forme de sulfate ou le glucagon sont utilisés dans les bradycardies sinusales, les blocs sinoauriculaires et les blocs auriculoventriculaires (20 μg/kg par voie intraveineuse directe, relayée par une perfusion continue de 1 mg/kg/h) ;

– la lidocaïne dans les troubles du rythme d’origine ventriculaire secondaires à un hyperautomatisme ou à des réentrées en cas d’intoxication grave ;

– prendre contact d’emblée avec le centre antipoison régional qui dispose d’anticorps spécifiques dits « fragments Fab ».

La neutralisation curative de toutes les molécules de digitaliques présentes dans l’organisme ou équimolaires s’adresse aux intoxiqués pour lesquels il existe un risque vital immédiat.

La quantité de digitalique (Q) à neutraliser peut être déterminée par calcul à partir de la dose supposée ingérée ou à partir de la concentration plasmatique en digitalique.

L’effet est rapide sur tous les signes de l’intoxication.

Les anticorps antidigitaliques sont disponibles sous forme de Digidott en flacon de 80 mg de Fab neutralisant 1 mg de digitalique. Ils sont administrés dilués dans du sérum physiologique en perfusion de courte durée (15 à 30 minutes).

La perfusion est précédée d’une dose test afin de dépister l’apparition d’une réaction allergique, car il s’agit de protéines ovines.

J - PERMANGANATE DE POTASSIUM :

Cette intoxication a en revanche pratiquement disparu.

Elle était presque toujours due à une mauvaise compréhension de la prescription médicale ; la poudre, les paillettes présentées en sachets, exceptionnellement les comprimés, étaient donnés par la bouche, alors que le permanganate de potassium avait été prescrit pour des bains de siège et des affections dermatologiques.

Il entraîne des brûlures buccales et pharyngolaryngées, le produit adhérant fortement aux muqueuses, une sialorrhée réactionnelle et parfois des lésions digestives (Lésions des produits ménagers caustiques).

Le comprimé est une présentation très dangereuse, car il s’incruste dans la muqueuse gastrique, pouvant la perforer et entraîner un choc mortel.

Opaque aux rayons X et repéré sur une radiographie d’abdomen sans préparation, on favorise son expulsion par l’injection de 0,1 mg/kg d’apomorphine par voie sous-cutanée.

En cas d’échec, une fibroscopie est nécessaire pour voir les lésions et tenter de l’éliminer par aspiration ou oesogastroscopie.

Actuellement, dans nombre de centres de Protection maternelle et infantile (PMI), le personnel procède lui-même au traitement de l’enfant ou montre à la mère comment diluer et utiliser le produit, ce qui a fait fortement reculer le risque.

K - QUINIDINE :

Chef de file des antiarythmiques stabilisants de membrane, la quinidine a une absorption digestive rapide et une métabolisation hépatique.

L’intoxication aiguë est marquée par des troubles :

– digestifs : vomissements presque constants ;

– neurosensoriels : vertiges, vision floue, diplopie ;

– cardiaques, particulièrement graves : troubles de la repolarisation, les premiers à apparaître (ondes T aplaties, QT long, élargissement des complexes QRS), troubles de l’excitabilité avec accès de tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire, torsades de pointe.

Ces troubles peuvent survenir avec un seul comprimé.

L - BASES XANTHIQUES (THÉOPHYLLINE, CAFÉINE) :

Des erreurs de dilution ou de prescription sont presque toujours à l’origine de cette intoxication redoutable, à tel point que nombre d’équipes pédiatriques en ont abandonné l’usage dans le traitement de la crise aiguë sévère d’asthme.

La théophylline est un bronchodilatateur, mais il est également utilisé en néonatologie (par le biais de sa dégradation en caféine) comme stimulant respiratoire pour lutter contre les apnées d’origine centrale, ce qui explique certains surdosages en milieu hospitalier malgré les dosages sanguins.

L’absorption de la théophylline est prolongée, ainsi que sa demi-vie plasmatique, le pic plasmatique se situant 6 à 12 heures après la prise.

L’intoxication aiguë associe des troubles :

– digestifs : nausées, vomissements importants, diarrhée ;

– neurologiques : agitation, convulsions ;

– thermiques : hyperthermie ;

– cardiovasculaires : tachycardie sinusale constante, extrasystoles ventriculaires, collapsus, tachycardie ou fibrillation ventriculaire ;

– rénaux : tubulopathie avec polyurie ;

– métaboliques du fait de la déshydratation par hypovolémie et de la résultante des troubles cliniques précédents : acidose métabolique de type lactique, hypokaliémie, hyperglycémie.

Le traitement associe un lavage d’estomac même tardif, du charbon activé, la réhydratation, la correction des troubles hydroélectrolytiques et de l’acidose, l’arrêt des convulsions (diazépam), le remplissage vasculaire en cas de collapsus, l’intubation avec ventilation mécanique assistée devant un coma, qu’il soit convulsif ou non, et le traitement des troubles du rythme graves (choc électrique en cas de fibrillation ventriculaire).

La gravité de l’intoxication aiguë vient essentiellement des injections parentérales où aucune élimination du toxique n’est possible.

C’est dans cette forme qu’ont été rapportés des cas mortels, car l’intoxication iatrogène fut méconnue dans un premier temps.

Prévention des intoxications médicamenteuses :

La négligence des parents dans le rangement adéquat des médicaments après leur prise et donc dans leur stockage dans un milieu approprié inaccessible aux jeunes enfants de moins de 5 ans rendent compte de la majorité des intoxications accidentelles.

On rappelle que, dans 80 % des cas, les parents sont à côté de l’enfant lorsque l’accident survient.

On voit également les médicaments de l’enfant laissés sur sa table de nuit.

Enfin, des parents se trompent de doses ou de produits, quand il ne s'agit pas d’automédication.

Et pourtant, la mortalité et la morbidité se sont effondrées dans la dernière décennie. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Les conditionnements sécuritaires se sont multipliés :

– plaquette monoalvéolaire plastique avec feuille d’aluminium thermoformée par dessus relativement résistante, dit blister, qui empêche le jeune enfant d’absorber trop de comprimés, de gélules ou de tablettes, malgré ses efforts ; ce « jeu » semble trop difficile à l’enfant qui l’abandonne ;

– flacon de produit concentré muni d’un système compte-gouttes soudé sur le col du flacon, qui ne permet la distribution des gouttes que si le flacon est renversé à 180° ;

– pilulier sécurité où bouchon et corps du pilulier doivent être disposés d’une certaine façon pour pouvoir ensuite, d’un coup de pouce, ouvrir le bouchon ; ce conditionnement est utile pour les microcomprimés qui ne peuvent être mis sous forme blister ;

– système de fermeture à l’épreuve des enfants de moins de 4 ans, comme celui qui oblige à exercer une pression et à tourner en même temps pour dévisser le bouchon et désenclencher la sécurité (exemple : Dolipranet en sirop à 2,4 %) ; un jeune enfant ne peut coordonner ces deux mouvements.

À défaut d’armoire à pharmacie dans les familles, qui reste une belle image d’Épinal, il devrait y avoir au moins une armoire de toilette fermée à clef pour les médicaments.

Ceux destinés aux enfants doivent être bien séparés de ceux utilisés par l’adulte.

Seuls les parents sont habilités à donner les médicaments à l’enfant, même les quotidiens (Zymafluort, vitamine D).

La surconsommation médicamenteuse familiale est source d’intoxication accidentelle, voire récidivante.

Les parents doivent se méfier des réunions familiales ou entre amis, où tous les sacs à main et les manteaux sont réunis dans une même pièce, ou des tables de nuit des grands-parents.

Mais d’autres mesures doivent concourir à diminuer le risque d’intoxication accidentelle ; elles ont été rappelées encore en 1999 dans un bulletin du Conseil de l’Ordre des médecins.

Le médecin a un rôle essentiel :

– mention du nom et du prénom de l’enfant, de son âge et de son poids sur l’ordonnance ;

– prescription lisible, écrite en toutes lettres, en indiquant de façon claire et précise les posologies, le mode et les horaires d’administration, en l’expliquant aux parents et en les informant des risques potentiels dus à certains médicaments ;

– respect des spécialités pédiatriques, des formes galéniques bien adaptées à l’usage pédiatrique, des posologies en fonction du poids ;

– mise en garde des parents contre toute automédication ;

– respect de la durée du traitement. Pour le pharmacien, s’il existe un doute sur la prescription médicale ou des médicaments incompatibles en fonction de l’âge de l’enfant, il est préférable de téléphoner au médecin prescripteur pour se mettre d’accord sur la prescription avant la délivrance du médicament.

Le pharmacien réexplique aux parents la teneur de la prescription et peut inscrire sur les emballages les posologies, les horaires et les conditions d’administration.

suite

  Envoyer par mail Envoyer cette page à un ami  Imprimer Imprimer cette page

Nombre d'affichage de la page 1809

loading...

Copyright 2018 © MedixDz.com - Encyclopédie médicale Medix