Intoxications aiguës de l’enfant
(Suite) Cours de
réanimation - urgences
Intoxications aiguës
par les produits
domestiques ménagers
et industriels
:
Les intoxications aiguës par les produits
ménagers restent toujours aussi fréquentes
avec 25 % de l’ensemble des intoxications de
l’enfant.
Leur première cause réside dans le
transvasement de nombre de ces produits
dans des bouteilles d’eau minérale ou
d’autres flacons de boisson (jus de fruit, Coca-Colat) ou des récipients à usage
alimentaire (gobelet, bol, assiette, boîte de
conserve).
Les produits domestiques
industriels concernent 5 % des intoxications,
le plus souvent des produits pétroliers ou
des produits dérivés du pétrole.
L’intoxication par l’eau de Javel vient très
largement en tête, suivie par les produits de
lavage pour lave-vaisselle automatique, très
basiques (pH entre 11 et 13), les produits à
base de soude caustique et notamment les
déboucheurs de canalisation, puis les
produits de lavage à la main (vaisselle,
linge) et les poudres pour le linge en
machine, les détartrants pour les sanitaires,
les antirouille, les détachants pour le linge et
bien d’autres produits.
Chaque année, le
service ORL d’urgence pour la région Île-de-France de l’hôpital Necker-Enfants Malades
recense entre 55 et 65 produits différents sur
l’ensemble des malades qui viennent en
consultation, le plus souvent adressés en
seconde main par des hôpitaux
périphériques de Paris.
Beaucoup de produits ménagers sont
simplement irritants pour le tube digestif,
entraînant quelques douleurs abdominales et
des selles un peu liquides, parfois
graisseuses, mousseuses et nauséabondes.
Il
suffit d’attendre 3 à 4 heures avant de
redonner boisson et aliment à l’enfant.
En revanche, le danger vient des produits
caustiques, des produits pétroliers et de
l’antigel.
Les produits ménagers caustiques
donnent des lésions à type de brûlures des
muqueuses de la bouche, du carrefour pharyngolaryngé (hypopharynx, épiglotte,
margelle laryngée), de l’oesophage et même
de l’estomac dans 8 % des situations.
Elles
sont maximales en quelques minutes selon
la concentration du produit, ce qui rend
illusoire toute tentative de neutralisation.
On reconnaît les brûlures de grade I
touchant la muqueuse et la sous-muqueuse,
de grade II avec atteinte superficielle de la
musculeuse donnant des ulcérations
saignant facilement et recouvertes de fausses
membranes, et de grade III où les lésions
intéressent la quasi-totalité de l’épaisseur de
l’oesophage donnant, en fibroscopie, un
aspect ulcérobourgeonnant et nécrotique de
la lumière oesophagienne.
Les lésions sont
habituellement multifocales, plus ou moins
étendues, parfois circonférentielles avec un
risque majeur de sténose cicatricielle et de
troubles de la contractilité oesophagienne.
Les bases dissolvent les matières
albuminoïdes des épithéliums et saponifient
les graisses, réalisant une nécrose de
liquéfaction, tandis que les acides entraînent
une coagulation de ces matière s
albuminoïdes.
A - PRINCIPAUX PRODUITS
MÉNAGERS EN CAUSE
:
1- Eau de Javel
:
L’eau de Javel reste le premier produit
ménager absorbé accidentellement par les
jeunes enfants (25 à 42 % selon les études), en raison de son fréquent
transvasement dans des récipients
alimentaires ou des bouteilles et de la
négligence des parents.
L’enquête menée pendant 9 mois, du 15 mai
1990 au 15 février 1991, par le Centre
d’information et de rencontres pour la
prévention des accidents d’enfants (CIRPAE)
à la requête du syndicat des fabricants d’eau
de Javel et de produits connexes est toujours
d’actualité.
Elle a rassemblé 158 dossiers d’accident de
l’enfant avec de l’eau de Javel enregistrés
aux urgences pédiatriques de cinq hôpitaux
parisiens et dans les services ORL de Paris.
En voici les principales caractéristiques :
– prédominance des garçons 61 % ;
– 50 % âgés de 12 à 30 mois ; 18 % au-delà
de 4 ans ;
– 30 % d’enfants migrants (population
migrante à Paris 18 %) ;
– ingestion accidentelle 88 %, projection 2 %,
berlingot mordillé par un nourrisson 10 % ;
– 64,5 % d’eau de Javel diluée à 12° chlorométrique ou moins ;
– 35,5 % d’eau de Javel concentrée ou de
comprimés solubles ;
– adulte à proximité 90 % ;
– transvasement de l’eau de Javel et
déconditionnement 60 % ;
– erreur de la part des parents, qui ont
donné à boire de l’eau de Javel diluée, après
transvasement méconnu ou oublié 9,5 % ;
– erreurs comportementales des adultes
95,5 %.
Une vingtaine de fibroscopies ont été
effectuées.
Elles n’ont montré que des
brûlures de grade I, qui ont toutes guéri sans
séquelles.
L’eau de Javel est une solution
d’hypochlorite de sodium, qui contient du
chlorure de sodium et libère de l’oxygène en
milieu alcalin.
C’est la présence d’un peu de
soude (1 g/L dilué à 12° chlorométrique,
donc 4 g dans la forme concentrée en
berlingot à 48° chlorométrique) qui assure
l’alcalinité et serait responsable des lésions,
leur intensité étant proportionnelle au degré
chlorométrique et à la durée d’exposition.
L’adjonction de corps tensioactif dans le
produit (exemple : Javel Plust) augmente le
temps de contact et d’action du produit,
mais il n’a pas été observé de lésions
oesophagiennes autres que de grade I avec
guérison complète sans séquelles.
De janvier 1988 à mai 1989, sur 100 patients
ayant consulté aux urgences ophtalmologiques
de l’Hôtel Dieu à Paris, 17 % concernaient des enfants âgés de 8 mois à
4 ans qui avaient mordillé dans un berlingot.
L’évolution a été favorable rapidement en
48 heures dans tous les cas, sauf un.
Intoxication par inhalation de vapeurs de
chlore, provoquées par le mélange d’eau de Javel
avec un détartrant acide : en dehors de
l’hyperhémie conjonctivale et de céphalées,
elle se caractérise par une toux
spasmodique, mais elle peut déclencher une
crise d’asthme ou, exceptionnellement, un OAP lésionnel.
2- Produits de nettoyage
:
* Caustiques basiques
:
Ils sont représentés par les décapants de
fours contenant 3 % de soude caustique, les
déboucheurs de canalisations (35 à 40 % de
soude caustique) et l’ammoniaque (alcali
du commerce).
Le Destopt est vendu à 7 000 000 d’unités
chaque année, représentant 88 % du marché
français de ce type de produit pour
déboucher les canalisations, notamment
sanitaires.
C’est un produit liquide, mais il
existe aussi des déboucheurs sous forme de
poudre ou de paillettes.
Ces produits provoquent des brûlures
oesophagiennes, parfois gastriques, étendues,
multiples, selon les trois grades déjà
mentionnés.
S’il existe des lésions de
grade II ou de grade III, une sonde
nasogastrique en silicone est mise en place
pour plusieurs semaines afin de permettre
l’alimentation de l’enfant tout en assurant le
calibrage de l’oesophage pour éviter les
sténoses cicatricielles rétractiles.
Si la sténose est unique et peu étendue, on
peut la dilater avec des bougies de calibre
croissant, mais ces séances de dilatation sont
très gênantes pour l'enfant, car
hebdomadaires, puis bimensuelles,
mensuelles pendant des mois, voire 1 à
2 ans.
Il y a toujours un risque de
perforation de la paroi oesophagienne,
fragile au cours de ces manoeuvres, avec médiastinite et pleurésie purulente.
Lorsque l’oesophage est complètement
détruit et inutilisable en raison de multiples
sténoses, il faut se résoudre à effectuer une oesophagoplastie colique avec du côlon
transverse en retirant la quasi-totalité de
l’oesophage, qui n’est plus qu’une poche de
pus et de fibrose.
Cette intervention difficile
est grevée de complications postopératoires
et cette réparation constitue un certain
handicap pour l’enfant.
En dehors des lésions digestives, on peut
observer des brûlures cutanées ou oculaires
par projection, ou des atteintes pharyngolaryngées qui ne sont pas toujours
de bon pronostic, passé le stade initial, car
la cicatrisation peut se faire vers une sténose
laryngée, un entonnoir de l’hypopharynx ou
une destruction de l’épiglotte.
Quelques enfants doivent donc être trachéotomisés ou présentent des troubles de
la déglutition avec fausses routes et des
troubles de la parole.
En 1979-1980, une action concertée corps
médical - pouvoirs publics - associations de
consommateurs, a permis d’obtenir du
fabricant cinq modifications du produit :
couleur violet indigo au lieu de vert
émeraude, introduction d’ammoniaque
comme répulsif, fermeture à l’épreuve des
enfants de moins de 4 ans, remplissage du
flacon de 1 L à 900 mL pour éviter toute
projection lors de l’ouverture, amélioration
du pictogramme et du libellé des conseils
d’utilisation et en cas d’accident.
Depuis 1981, les centres antipoisons ont
enregistré une baisse de 45 % des appels
concernant ce produit.
Le service d’urgence
ORL de la région Île-de-France, situé à
l’hôpital Necker-Enfants Malades, a vu
chuter de 75 % en 3 ans le nombre d’enfants
hospitalisés après une absorption
accidentelle de ce produit. Alors que
42 enfants subissaient en 1980 une
fibroscopie pour absorption accidentelle de
Destopt, depuis 1995, le chiffre annuel
oscille entre trois et cinq cas.
Ces résultats confirment l’efficacité des
mesures prises, qui ne peuvent supprimer
cependant tous les risques : enfant jouant à
proximité de conditionnement laissé ouvert,
produit transvasé dans une bouteille ou un
récipient à usage alimentaire, pièce non
condamnée alors que le produit stagne dans
le sanitaire.
Il faut aussi bien rincer l’appareil
sanitaire après utilisation.
* Caustiques acides
:
Ce sont des détrartrants pour WC et tous les
acides utilisés à l’état pur ou dilué (acide
chlorhydrique [Mirort, Argentilt] ,
sulfurique, nitrique, acétique).
Ils présentent
les mêmes risques que les caustiques
basiques, quel que soit l’organe atteint.
Ils
concernent 8 % des produits.
* Poudres, gels ou tablettes de lavage
pour lave-vaisselle
:
Ces produits sont des caustiques basiques
puissants dont le pH est compris entre 11 et
13,5.
Ces intoxications chez le jeune enfant
étaient en pleine expansion jusqu’en 1989,
du fait des circonstances habituelles de ces
absorptions accidentelles et de l’accroissement
régulier du parc des lave-vaisselle
dans les foyers français (54 % actuellement),
alors que les ménagères ne sont pas
suffisamment conscientes que ces produits
utilisés régulièrement sont dangereux.
C’est au moment de l’introduction du
produit dans la machine ou à l’ouverture de
la porte avant de celle-ci (réservoir ouvert),
plus souvent que lors du stockage, que
l’accident se produit habituellement.
Dans
d’autres cas, l’enfant s’empare d’un peu de
poudre et porte sa main à la bouche, alors
que le conditionnement est ouvert à sa
portée ou qu’on a utilisé un intermédiaire
(gobelet, verre…) pour remplir le réservoir.
L’enfant, dans 30 % des cas, récupère un peu
de résidu de poudre humide, qui peut rester
dans le réservoir ouvert, alors que l’adulte
range la vaisselle, le programme achevé.
Les produits de lavage pour machine à laver
la vaisselle représentent actuellement 35 000
tonnes par an, sous forme de poudre (40 %),
de gel liquide (20 %) et de tablettes (40 %),
présentation qui a permis de diminuer
fortement les intoxications accidentelles.
Dans les années 1986-1990, l’augmentation
progressive du nombre d’enfants intoxiqués
par ces produits a entraîné une nouvelle
action concertée corps médical-pouvoirs
publics-industriels.
Dès 1990, avant même
l’arrêté du 1er juin 1991 qui transposa en
droit français une directive européenne
obligatoire, les industriels ont commercialisé
en France, la société Sun la première, des
produits munis de systèmes de fermeture à
l’épreuve des enfants de moins de 4 ans.
Comme pour le Destopt, dans les 2 ans qui
suivirent, le nombre d’admissions dans le
service d’urgence ORL de la région Île-de-
France chuta de 70 %, passant de 72 cas en
1989 à 30 en 1992, puis 23 en 1994 et ne
cessant de chuter depuis lors (18 en 1995, 11
seulement en 1998).
Bien entendu, ces systèmes ne sont pas la
panacée ; il faut y associer une bonne
information continue des consommateurs,
des notices très explicatives et des
pictogrammes simples à comprendre.
* Produits antirouille pour le linge
:
Ce sont des solutions aqueuses d’acide
fluorhydrique comme la Rubiginet ou de
l’acide oxalique, très toxiques, dont le pH
est entre 1 et 2.
Les lésions caustiques digestives s’observent
entre 4 et 8 heures, mais d’emblée il existe
des douleurs buccales, rétrosternales,
épigastriques et des vomissements, qui
peuvent être sanglants.
Ils chélatent rapidement le calcium, à
l’origine d’une hypocalcémie aiguë, dès la
première heure, responsable de convulsions
et de troubles du rythme cardiaque (à
l’électrocardiogramme, allongement de
l’espace QT et ondes T amples et pointues).
Pour les oxalates, le dépôt de cristaux
d’oxalate dans les tubules rénaux peut
conduire à l’anurie.
Si l’intoxiqué est vu rapidement, il est
procédé à une évacuation gastrique
prudente, bien qu’il s’agisse d’un caustique.
La recharge calcique s’adresse au gluconate
de calcium à forte dose (5 g pour 250 mL de
soluté glucosé à 5 % en 1 heure) sous
surveillance électrocardiographique stricte,
avec dosages répétés de la calcémie.
* Assouplissants textiles
:
Ce sont des produits tensioactifs comprenant
des alcools (isopropanol, parfois méthanol)
en faible quantité.
Ils donnent quelques
troubles digestifs (vomissements, douleurs
abdominales, diarrhée) en cas d’absorption
minime.
On prescrit l’arrêt de toute boisson
ou alimentation pendant au moins 3 heures.
En cas d’absorption massive, on procède à
une aspiration du contenu gastrique en
milieu hospitalier, sans aucun lavage, puis à
une fibroscopie pour un bilan des lésions,
s’il s’agit de produits contenant des tensioactifscationiques en forte
concentration, caustiques pour le tube
digestif.
* Détartrants pour cafetières et fers à repasser
:
Les intoxications avec ces produits qui
contiennent des acides sont de plus en plus
fréquentes. Absorbés, ils sont irritants,
excepté pour ceux qui contiennent de l’acide
phosphorique qui peut entraîner des
brûlures digestives (fibroscopie nécessaire).
* Produits d’entretien des meubles, parquets
et bois
:
Encaustiques : leur ingestion est dangereuse
par la présence de solvants, essence de
térébenthine ou autres dérivés pétroliers
comme le white-spirit, qui donnent une
pneumopathie d’inhalation.
* Produits d’entretien des cuirs
:
Les cirages ont souvent la même
composition que les encaustiques et en
partagent la symptomatologie et la toxicité.
Ils peuvent contenir aussi du nitrobenzène
et de l’aniline, deux produits méthémoglobinisants
ou de l’alcool méthylique dont la
toxicité oculaire est bien connue (amaurose,
cécité).
Certains blancs à chaussure contiennent du
trichloréthylène, dont les effets toxiques sont
neurologiques (céphalées, vertiges,
démarche ébrieuse, coma et convulsions) et
cardiaques (troubles du rythme).
Les
assouplisseurs du cuir sont à base d’éthylène
glycol.
3- Autres produits
:
* Colles :
La toxicité dépend de la composition de la
colle.
Du fait de très faibles quantités,
l’ingestion accidentelle est négligeable.
Les
solvants peuvent être dangereux
(hydrocarbures pétroliers, alcools, cétones...).
Les colles se polymérisent à l’application
(cyanoacrylates) ; on observe alors
fréquemment un collage des doigts.
Il ne
faut rien tenter et attendre quelques heures
que la colle se détache spontanément,
quelquefois facilitée par un bain prolongé
d’eau tiède savonneuse.
* Antimites et désodorisants solides
:
Les antimites sont présentés en petites
boules ressemblant à des friandises, qui
peuvent être sucées ou croquées par de
jeunes enfants, ou en blocs dont certains sont
inclus dans des contenants plastiques.
À
base de naphtalène ou de paradichlorobenzène,
les troubles sont essentiellement
neurologiques avec un état de mal convulsif
et un coma.
Les blocs de désodorisants solides pour WC
contiennent aussi du paradichlorobenzène.
Le naphtalène peut provoquer aussi une
hémolyse aiguë chez les sujets porteurs d’un
déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase
et le paradichlorobenzène, une
hypoplasie médullaire.
B - PRODUITS INDUSTRIELSÀ USAGE
DOMESTIQUE
:
1- Combustibles ménagers
:
Qu’il s’agisse d’essence, de mazout ou de
pétrole lampant, ces produits exposent à un
triple risque : des troubles digestifs par
irritation immédiate, une pneumopathie
d’inhalation, une atteinte neurologique
depuis l’ébriété et l’obnubilation jusqu’au
coma.
La pneumopathie débute par une
toux avec dyspnée, qui peuvent être
régressives temporairement, puis s’installe
une détresse respiratoire avec signes de
lutte, tandis que la radiographie pulmonaire
montre des foyers dans les deux poumons,
prédominant du côté droit.
Le risque réside
dans la surinfection bactérienne et
l’emphysème bulleux.
Dans l’immédiat, il faut déshabiller l’enfant
qui en a renversé sur ses vêtements et faire
couler de l’eau sur sa peau irritée.
Il ne faut pas provoquer de vomissements
qui aggraveraient l’inhalation d’essences
volatiles et de particules liquides.
Il ne faut rien donner à boire et surtout pas
de lait, qui aggraverait l’absorption de ces
produits lipophiles.
Dans tous les cas, le transport se fait en
position latérale de sécurité vers les urgences
hospitalières, avec surveillance de l’état
respiratoire. Une oxygénothérapie par sonde
nasale, lunettes ou masque peut être
nécessaire selon l’oxymétrie de pouls.
L’importance de la détresse respiratoire
conduit à l’intubation avec assistance
respiratoire mécanique du malade et son
passage en unité de réanimation.
L’alcool à brûler contient de 75 à 95 %
d’alcool, du méthanol, de l’isopropanol, des
glycols et des cétones.
2- Peintures
:
Les peintures ont pour solvants de l’essence
minérale, de l’essence de térébenthine
(peintures mates), de l’huile de lin (peintures
brillantes) à toxicité pulmonaire, ou tout
simplement de l’eau (peintures vinyliques
ou à l’eau).
Le pourcentage de plomb doit
être inférieur à 1 %.
Les teintes des peintures sont dues à des
pigments et à des colorants à base d’aniline,
qui peuvent entraîner une méthémoglobinémie
à traiter par le bleu de méthylène par
voie intraveineuse.
Une intoxication aiguë par les essences
volatiles dégagées par les peintures peut se
produire lors de travaux dans une pièce
insuffisamment aérée (céphalées, vertiges,
démarche ébrieuse, somnolence).
3- « White-spirit »
:
Très utilisé comme diluant de peintures ou
solvant pour nettoyer pinceaux ou rouleaux,
son absorption accidentelle provoque une
pneumopathie d’inhalation, parfois très
sévère ; 1 mL/kg pourrait entraîner la mort
d’un jeune enfant de moins de 4 ans.
Le plus souvent, l’intoxication est secondaire
à un phénomène de transvasement dans une
bouteille d’eau minérale ou une boîte de
conserve.
4- Métaldéhyde
:
Ce produit sert à allumer un feu (barbecue,
cheminée).
Il se présente actuellement sous
la forme d’une pâte de couleur brune, qui
peut faire penser à une friandise.
L’absorption accidentelle aiguë entraîne des
vomissements blanchâtres, caillebotteux, des
convulsions et un coma. Le traitement est
symptomatique.
5- Antigels
:
L’éthylène glycol en est le principal
constituant et sa toxicité résulte de
l’initiation de son métabolisme par l’alcool
déshydrogénase hépatique.
Après une phase initiale de somnolence ou
d’ébriété, avec souvent polyurie osmotique,
apparaît une acidose métabolique liée à
l’accumulation d’acide glycolique,
métabolite de l’éthylène glycol.
L’insuffisance rénale organique, le coma
convulsif et l’insuffisance circulatoire sont
dus à la métabolisation de l’acide glycolique
en acide oxalique.
Les sels d’oxalate
précipitent sous forme de cristaux dans les
reins, le cerveau et le coeur, et leur présence
dans les urines authentifie l’intoxication par
l’éthylène glycol.
Il peut exister une
hypocalcémie sévère.
Il s’agit d’une intoxication grave dont le
traitement associe en urgence une
évacuation gastrique et l’administration
d’antidote, l’éthanol ou le 4-méthylpyrazole.
Ces produits bloquent le métabolisme
activateur de l’éthylène glycol par l’alcool
déshydrogénase.
L’épuration extrarénale est utile et souvent
mise en oeuvre devant l’acidose métabolique
majeure, pour augmenter l’élimination de
l’éthylène glycol à la phase aiguë et traiter
l’anurie provoquée par les dépôts d’oxalate
dans les tubules rénaux.
Le reste du traitement est symptomatique :
intubation et ventilation mécanique assistée,
contrôle des convulsions.
Le transvasement
de l’antigel dans des bouteilles ou récipients
à usage alimentaire (eau minérale, Coca- Colat, jus de fruit) est responsable de
nombreuses intoxications accidentelles, quel
que soit l’âge de l’enfant (biberon du
nourrisson ou boisson rafraîchissante au
retour des activités de jeux ou sportives).
Le décret obligatoire de 1994 a imposé aux
industriels la présence dans tous les antigels
d’une substance très amère, le benzoate de dénatonium ou Bitrext, qui empêche
l’enfant de boire le produit, car la grande
amertume du Bitrext l’oblige à le recracher
aussitôt après l’avoir mis en bouche.
6- Raticides
:
Les raticides actuellement utilisés dans les
habitations collectives ou individuelles sont
à base de coumarine, présentés sous forme
de poudre, de semoule ou de pâte de
couleur rose ou rouge, parfois parfumée,
attirant les très jeunes enfants.
Cette intoxication nécessite la surveillance
du taux de prothrombine, dont la chute est
retardée de 48 heures en moyenne après
l’ingestion, ce qui laisse le temps à la
vitamine K1 donnée per os ou par voie
intraveineuse d’agir pour contrecarrer
l’action du raticide sur les facteurs de la
coagulation vitamine K-dépendants.
Intoxication alcoolique
:
Cette intoxication est devenue assez rare.
Quatre circonstances peuvent s’observer : les
jeunes enfants terminent les verres à apéritif,
qui ont été laissés sur une table basse,
pendant que les adultes passent à table et
que les enfants sont censés jouer dans une
autre pièce ; absorption de vin chez des
enfants qui ont l’habitude d’en boire un peu
avec leurs parents, même additionné de
beaucoup d’eau ; absorption de produits de
toilette (eau de toilette ou parfum) qui
contiennent de fortes quantités d’alcool pur ;
chez l’adolescent, il s’agit le plus souvent
d’une intoxication suraiguë après absorption
d’une dose massive d’alcool à la suite d’un
pari stupide ou d’une tentative d’autolyse polymédicamenteuse bien arrosée.
L’éthanol est absorbé en 15 minutes par le
tube digestif et diffuse rapidement ; il est
principalement oxydé par l’alcool
déshydrogénase hépatique (95 %).
La dose
létale chez l’enfant est de 3 g d’alcool absolu
par kilogramme de poids (1 cL d’alcool pur
correspond à 0,8 g).
Il est donc urgent de
doser l’alcoolémie, maximale à la première
heure, en sachant qu’elle est abaissée d’un
tiers si l’estomac contient des aliments gras
et sucrés.
L’intoxication aiguë alcoolique comporte
trois phases :
– première phase : troubles du comportement
(somnolence) et de l’humeur
(logorrhée) ; troubles visuels ; syndrome
cérébelleux (ataxie, tremblement des
extrémités) et vestibulaire (vertiges) ;
– deuxième phase : agitation psychomotrice
importante avec vomissements fréquents,
sueurs profuses et parfois crises convulsives
par hypoglycémie ;
– troisième phase : coma ; d’abord agité, le
coma devient calme, hypotonique sans signe
de localisation, pupilles dilatées et sphincters
relâchés ; l’hypothermie est constante,
parfois profonde.
Sur le plan biologique, en dehors de
l’hypoglycémie majeure, il existe une acidose
mixte à prédominance métabolique et une hyperlactacidémie.
Le traitement repose d’abord sur
l’évacuation gastrique.
Le resucrage en cas
d’hypoglycémie est rapide, massif et
prolongé par une perfusion de glucosé
hypertonique (10 à 15 %) en contrôlant le
Dextrostix toutes les 2 heures et la glycémie
toutes les 6 heures.
Le coma nécessite une
intubation avec ventilation mécanique
assistée, effectuée avant l’évacuation
gastrique.
Le réchauffement est progressif
par une couverture de survie aluminée ou
un matelas chauffant.
L’évolution peut être fatale si la situation a
été sous-estimée pour un adolescent (simple
« cuite »).
Intoxication cosmétique
:
La grande variabilité de composition de ces
produits oblige à se renseigner rapidement
auprès du centre antipoisons régional.
Ces
intoxications arrivent actuellement en
troisième position, car les formes des flacons,
leurs packagings, leurs couleurs, leurs
odeurs, sont très attirantes pour les jeunes
enfants, et les parents en revanche ne
soupçonnent pas habituellement le danger
potentiel que certains peuvent recéler.
Il s’agit d’eaux de toilette, de parfums, de
déodorants et de lotions après rasage ou
capillaires, de produits moussants (savons,
mousses, shampooings et sels de bains), de
produits pour les ongles, de produits de
maquillage et de démaquillage.
La toxicité de ces produits est liée à la
présence :
– d’agents propulseurs dont l’inhalation
involontaire ou volontaire (aérosols,
vaporisateurs) peut entraîner des troubles de
la conscience et une hyperexcitabilité
cardiaque ;
– de formaldéhyde (durcisseur pour ongles)
dont l’ingestion en forte quantité, ce qui ne
se voit pas, entraînerait des lésions
caustiques ;
– de produits moussants et irritants : il suffit
de ne rien donner pendant au moins 3 à
4 heures et de reprendre boissons et
alimentation passé ce délai ; ils entraînent
de petits troubles digestifs, douleurs
abdominales, diarrhée.
Ce ne sont pas les principes actifs qui sont
habituellement dangereux pour l’enfant qui
n’en prend qu’une très faible quantité.
Le
risque réside dans la quantité d’alcool que
contiennent les produits de parfumerie et de
toilette, entre 60 et 95 % volume d’alcool pur.
On peut donc observer, à la suite
d’absorption massive de ces liquides, une
intoxication alcoolique sévère avec coma
éthylique d'installation rapide,
hypoglycémie et hypothermie profondes,
état de mal convulsif.
Intoxication par le
monoxyde de carbone
:
Elle ne représente plus que 0,5 % des
intoxications de l’enfant, mais sa fréquence
varie selon les régions, la rigueur des
intempéries et certaines variations
climatiques brutales.
C’est une
intoxication familiale ou collective ; les
enfants de moins de 15 ans représentent
26,2 % des personnes hospitalisées (âge < 2 ans : 3,3 % ; 2-4 ans : 5,4 % ; 5-14 ans :
17,5 %) selon un rapport établi en 1999 par
le Service général informatique et réseaux
de la direction régionale de la santé
concernant 526 affaires d’intoxication par le
CO survenues en France en 1998 dans
67 départements impliquant 2 275 personnes,
dont 1 317 ont été hospitalisées
(58 %) et 40 décès rapportés ; 65 % des
affaires sont survenues en période froide :
janvier, février, novembre et décembre.
Vingt pour cent des affaires traitées dans ce
rapport concernent des appareils à gaz
raccordés à un conduit d’évacuation des
produits de combustion, 22 % des chauffeeau.
Dans la moitié des affaires, il n’y a pas
d’aération ou bien celle-ci est obturée, ce qui
entraîne une mauvaise combustion du gaz,
du fait d’une arrivée d’oxygène insuffisante,
même si le chauffe-eau est raccordé à un
conduit d’évacuation.
Certains conduits sont également fissurés et
non étanches, ou non réglementaires dans
plus de la moitié des cas.
Les chauffe-bain sont responsables dans
7,4 % des cas, les appareils de chauffage
fonctionnant au fuel ou au charbon dans
5,7 %, un poêle dans 5,1 %, une cuisinière
dans 3,4 %.
Certaines causes classiques sont devenues
rares : brasero dans un local fermé (2,3 %),
ventilation mécanique contrôlée-gaz (1,9 %),
panneau radiant (1,3 %), gaz d’échappement
d’automobile (1,3 %).
Enfin, les incendies d’habitation fournissent
un lot important d’intoxiqués par le CO
(10,4 %).
Dans cette enquête nationale de 1998, 21,4 %
des personnes impliquées ont été traitées en
caisson hyperbare, 4 % admises en
réanimation et 1,7 % décédées (40 décès).
En raison d’une certaine stabilité dans les
départements qui signalent des affaires à la
Direction générale de la santé (DGS) depuis
1996, les données recueillies en 1998
permettent d’autres constatations, qui ont
une certaine valeur :
– le nombre d’affaires signalées est en
diminution constante (815 en 1996, 526 en
1998) ;
– le pourcentage des hospitalisations est en
diminution également (79 % en 1997 et 58 %
en 1998) ;
– le pourcentage de décès, qui était élevé en
1992 et 1994 (3,9 et 3,5 % des personnes
impliquées respectivement) a chuté de
moitié ces 3 dernières années (1,8 % en 1996 ;
1,6 % en 1997 ; 1,7 % en 1998).
A - RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE
:
Le CO est produit lors de la combustion
incomplète de toute substance carbonée,
donc de tout combustible. C’est un gaz
inodore, incolore, très diffusible du fait de
sa densité proche de l’air (0,97), pénétrant
dans l’organisme par voie respiratoire.
La quantité de CO retenue dans l’organisme
dépend principalement de la concentration
de CO dans l’air inhalé, de la durée
d’exposition, du débit ventilatoire, qui est
élevé chez l’enfant, ce qui accélère les
échanges gazeux.
Dans le sang, le CO se fixe à 85 % sur
l’hémoglobine pour laquelle il a une affinité
230 fois supérieure à celle de l’oxygène.
On peut déterminer la présence de CO dans
l’atmosphère du local incriminé.
Les
médecins d’urgence, les équipes de Smur et
les sapeurs-pompiers sont désormais
équipés de ces détecteurs au cours de leurs
missions.
On peut déterminer le taux de CO dans le
sang en mL/100 mL de sang ou en mmol/L
de sang et le taux de carboxyhémoglobine
(HbCO) exprimé en pour-cent de
l’hémoglobine totale.
Dans les conditions habituelles, pour 14 à
15 g/dL d’hémoglobine, une conversion
entre les deux dosages peut être fondée sur
la relation suivante :
– 1 mL CO/100 mL de sang = 5 % HbCO.
Le CO traverse la barrière placentaire ; il
peut entraîner une mort foetale précoce, une
embryopathie ou des séquelles neurologiques
si l’intoxication survient après le
quatrième mois de grossesse.
B - CLINIQUE
:
La susceptibilité individuelle au CO étant
extrêmement variable, il n’y a pas de
parallélisme entre le taux sanguin de CO et
les signes cliniques.
Chez le nourrisson, les anomalies de la
conscience sont difficiles à apprécier et
l’intoxication doit être suspectée devant des
pleurs inexpliqués associés à une pâleur et à
des vomissements.
Il peut s’agir aussi de
troubles du comportement inexpliqués avec
agitation et incohérence.
Chez l’enfant plus grand, les premiers signes
sont des céphalées, des nausées et des
vomissements, des vertiges avec un grand
état de fatigue.
Puis surviennent des troubles
de la conscience, de l’humeur et du
jugement qui précèdent la syncope et le
coma.
Il s’agit d’un coma anoxique, hypertonique
aux quatre membres en règle avec trismus,
compliqué de crises convulsives (5 à 10 %
des cas) spécifiques de l’intoxication chez
l’enfant.
Des signes cardiovasculaires existent très
fréquemment : troubles de la repolarisation
à type d’ischémie sous-épicardique ou sus-endocardique
intéressant surtout les parois
antérieure et latérales du myocarde et
parfois le septum : les troubles du rythme
sont beaucoup plus rares ; un collapsus
cardiovasculaire est fréquent dans les
intoxications graves et parfois rapidement
réversible sous oxygénothérapie.
Sa
correction par un remplissage macromoléculaire
trop rapide expose au risque d’OAP,
plus fréquent chez l’enfant que chez l’adulte.
Les phlyctènes cutanées et les troubles
musculaires par compression prolongée avec rhabdomyolyse sont rares.
L’évolution est habituellement favorable,
mais les décès (sept à dix par an) sont plus
nombreux que ceux observés dans toutes les
autres intoxications réunies.
Cependant, la survenue d’un syndrome
secondaire n’est pas exceptionnelle chez
l’enfant, même après une intoxication qui
paraissait bénigne (crise convulsive, cécité
transitoire, ataxie) ; il a une évolution
favorable en 15 à 45 jours.
La recherche d’une intoxication par CO doit
être entreprise lors d’une mort subite du
nourrisson pendant la période automnohivernale,
surtout si les parents présentent des
céphalées, des nausées ou vomissements, ou
si l’accident est survenu dans un véhicule
(gaz d’échappement).
Des séquelles peuvent survenir même après
une intoxication réputée peu grave : troubles
de la mémoire, troubles du comportement,
céphalées, hypoacousie et comitialité.
La tomodensitométrie cérébrale a également
montré des séquelles cérébrales de leucomalacie périventriculaire bilatérale avec
atrophie corticale et dilatation ventriculaire.
C - TRAITEMENT
:
Le traitement de l’intoxication oxycarbonée
est double : étiologique par l’oxygène et
symptomatique.
1- Traitement étiologique
:
Le retrait de l’intoxiqué de l’atmosphère
viciée par des sauveteurs protégés du risque
est du ressort des sapeurs-pompiers.
On
recherche la source de CO qui est
neutralisée.
Dans l’attente des secours, l’entourage peut
parfois entreprendre les premiers gestes de
sauvetage, comme le déplacement de la
victime de la pièce où elle se trouve, la
désobstruction oropharyngée au doigt, la
mise en décubitus latéral de sécurité, plus
rarement le bouche-à-bouche et le massage
cardiaque externe.
Qu’il s’agisse d’une équipe du Smur ou des
sapeurs-pompiers, l’oxygénothérapie isobare
est appliquée chez tous les enfants au
masque ou grâce à un Hood (les lunettes ou
la sonde nasale sont insuffisants) ; il faut que
l’enfant respire de l’oxygène pur pendant au
moins 3 heures.
L’oxygénothérapie hyperbare est indiquée
chez les enfants qui ont perdu connaissance,
et ce sans attendre les résultats des
prélèvements qui ont pu être effectués
(dosage de HbCO et de CO dans le sang).
Les enfants sont rapidement dirigés vers un
caisson hyperbare.
Une séance de 1 heure à
2 atmosphères absolues est habituellement
suffisante.
Pour éviter les risques de
convulsions, il faut administrer du Valiumt
intrarectal à l’enfant sur la base de
0,5 mg/kg jusqu’à 20 kg de poids et 10 mg
pour les enfants de plus de 20 kg.
Chez la femme enceinte, le traitement par
oxygène hyperbare, le plus rapidement possible, permet de corriger chez le foetus
l’anoxie et accélère la dissociation de l’oxyde
de carbone dans le sang foetal par
l’intermédiaire du placenta.
2- Traitement symptomatique
:
Il comporte une intubation nasotrachéale et
une assistance mécanique respiratoire pour
assurer une ventilation suffisante chaque fois
qu’il existe un trouble de la commande
respiratoire et/ou un encombrement des
voies respiratoires.
La correction d’une
déshydratation est prudente en raison du
risque d’oedème pulmonaire. Quand le
collapsus cardiovasculaire résiste au
remplissage macromoléculaire , la dobutamine est l’inotrope de choix. Un
traitement barbiturique est prescrit
systématiquement chaque fois qu’il y a des
anomalies électroencéphalographiques en
raison du risque convulsif.
Pour tous les intoxiqués peu graves, le repos
strict en milieu hospitalier s’impose avec
surveillance électrocardiographique.
3- Signalement aux services
compétents
:
Devant toute intoxication oxycarbonée
domestique en dehors des incendies, il faut
alerter le bureau municipal d’hygiène ou le
service d’hygiène de la Direction des affaires
sanitaires du département. Pour Paris et les
départements 92, 93, 94, c’est le laboratoire
central de la Préfecture de police, 39 bis, rue
de Dantzig, 75015, qu’il faut joindre.
Ces
services ont un but commun, mener une
enquête technique au domicile ou dans les
locaux suspects pour identifier l’installation
responsable de la production de CO et
imposer les modifications indispensables à
une mise en conformité des appareils et des
installations avec la réglementation
existante.
D - PRÉVENTION DE L’INTOXICATION
AU MONOXYDE DE CARBONE
:
Comme en témoignent les données des
enquêtes menées dans différentes régions en
France (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, région
Centre, Île-de-France), la
plupart des affaires d’intoxications par le CO
concerne actuellement les appareils de
production d’eau chaude et de chauffage à
gaz raccordés à un conduit de cheminée.
Cela revient à dire que le problème majeur
réside dans des erreurs de comportement
des consommateurs ou une insuffisance de
l’information envers certaines catégories de
population défavorisées.
Les appareils de production d’eau chaude
doivent être installés par des professionnels
qualifiés, agréés, et utilisés conformément
aux instructions données par les notices, qui
doivent être rappelées, voire expliquées aux
consommateurs.
Les arrivées d’air frais du local où se trouve
l’appareil et la grille d’évacuation du gaz de
combustion ne doivent jamais être obturées
ou condamnées, ce qui est malheureusement
observé dans de nombreuses affaires
enregistrées par l’enquête de 1998.
Tous les appareils de production d’eau
chaude, quel que soit le combustible qu’ils
utilisent, doivent répondre aux normes
françaises (NF) et porter l’estampille NF.
Pour les chauffe-eau de cuisine, non
raccordés, appareils de faible puissance à
usage intermittent mais qui doit être
inférieur à 7 min/h, l’arrêté du 3 mai 1978
impose deux dispositifs de sécurité, une
sécurité d’encrassement du corps de chauffe
(bloc à lamelles situé à la partie supérieure
de l’appareil) et une sécurité d’atmosphère,
qui arrête la distribution du gaz si la teneur
du local en CO dépasse 50 ppm.
On estime qu’il existe encore en France
300 000 chauffe-eau qui ont été fabriqués
avant la réglementation obligatoire de 1978
et qui sont toujours en service.
Ce sont
surtout les familles de bas niveau
socioéconomique et vivant dans des habitats
précaires qui les possèdent.
Cependant, en
10 ans, le parc d’appareils non conformes a
régressé de 70 % grâce à des actions menées
en multipartenariat pour le résorber.
Les chaudières et les chauffe-eau doivent
être vérifiés une fois par an au minimum
grâce à un contrat d’entretien.
Il faut faire
ramoner, au moins une fois par an, les
conduits de cheminée pour s’assurer qu’ils
ne sont pas fissurés, obstrués par des débris
de tuiles, d’ardoises, des végétaux ou des
nids d’oiseaux... et vérifier que le tirage des
tuyaux de poêle est correct.
L’information sur les intoxications au CO
concerne aussi bien les professionnels
(chauffagistes) que les consommateurs.
Un
groupe de travail a été constitué à la DGS
pour analyser les statistiques, les
circonstances de ces intoxications, donner
des orientations aux campagnes
d’information et de sensibilisation que
mènent les pouvoirs publics et les
organismes de tutelle et faire progresser la
réglementation.
C’est ainsi qu’ont été identifiées deux
nouvelles causes d’intoxication par le CO :
l’utilisation d’un groupe électrogène dans un
local fermé et sans évacuation des gaz brûlés
d’une part, l’utilisation de machines
destinées à lisser la glace dans les patinoires
d’autre part.
Depuis 1996, des campagnes nationales
d’information et de prévention contre les
risques d’intoxication dus au CO ont été
lancées chaque année au début de
l’automne, intitulées « Pour vivre en
sécurité, mon habitation doit respirer ».
Menées par les directions départementales
de la sécurité civile, le ministère de la Santé
(DGS), Gaz de France et Charbonnages de
France, ces campagnes se sont appuyées sur
de nombreux supports : affiches, dépliants,
dossiers de presse repris par les médias
(télévision, radios, presse nationale et
régionale, courriers locaux), journées
d’information des professionnels de santé,
réunions d'information avec les
consommateurs et les professionnels,
opérations de sécurisation des installations
de gaz dans le parc habitations à loyer
modéré, opérations d’élimination des
appareils non conformes (50 000 en 1999).
D’autres organismes ont créé leurs propres
supports comme les assureurs (association assureurs-prévention-santé), les services de
secours (sapeurs-pompiers) ou des
associations de consommateurs.
C’est bien entendu la répétition des
messages d’alerte et de mise en garde à
chaque saison et tout au long de la période automnohivernale qui est fondamentale.
Intoxication à l’acide
cyanhydrique
:
Au cours des incendies d’habitation, la
combustion lente de produits textiles
naturels (laine, soie) et l’inflammation rapide
de certains produits plastiques et
synthétiques contenant de l’azote
(polyuréthanes, polyamides, polyacrylonitriles)
génère de l’acide cyanhydrique
contenu dans les fumées épaisses noirâtres
inhalées par les victimes.
L’ion cyanure est un poison cellulaire ; en se
liant au fer ferrique de la cytochrome
oxydase, il bloque la chaîne respiratoire
mitochondriale, d’où une anoxie.
L’inhalation d’acide cyanhydrique est
immédiatement suivie de céphalées,
vertiges, agitation et confusion.
Très souvent
en cas d’incendie, les victimes sont
découvertes en coma profond, d’installation
rapide, avec des convulsions et un collapsus cardiovasculaire.
L’intoxiqué peut mourir en
quelques minutes d’un arrêt respiratoire,
puis cardiaque.
Une réanimation immédiate peut permettre
une guérison complète, sur les lieux du
sinistre par l’injection lente intraveineuse de
80 mg/kg de poids de l’enfant d’hydroxocobalamine
(vitamine B12), en utilisant le
Cyanokitt, utilisable aussi chez les adultes.
Sur le plan biochimique en milieu
hospitalier, il existe une corrélation
significative entre la lactacidémie et la
concentration sanguine en cyanure, dont le
dosage sanguin n’est pas de pratique
courante.
Intoxication
par les métaux lourds :
A - SATURNISME
:
L’intoxication chronique par le plomb chez
l’enfant, ou saturnisme, est un problème de
santé publique, notamment dans les grandes
agglomérations et les villes ouvrières depuis
1985.
L’origine des intoxications est triple :
– absorption digestive d’écailles d’anciennes
peintures au plomb (céruse) interdites en
1948, mais existant encore sur certains murs,
huisseries et ferronneries d’habitats vétustes,
humides, délabrés ou insalubres ; cette
absorption est favorisée par une conduite
alimentaire culturelle, dénommée pica, dans
les populations africaines ;
– eau des canalisations municipales au
plomb datant souvent de plus d’un siècle,
dont la minéralisation est faible et le pH
acide ;
– pollution industrielle et atmosphérique en
milieu urbain près des grands axes de
circulation.
Le pourcentage de plomb résorbé par voie
digestive est de 50 %.
Après son absorption,
le plomb se fixe électivement sur les
hématies et le squelette, où il s’accumule, et
le rein.
Au début, les signes cliniques sont non
spécifiques et, en l’absence de notion
d’exposition au risque, le diagnostic peut
être méconnu.
– neuropsychiques : instabilité, agressivité,
troubles de l’humeur et du comportement,
troubles du sommeil, retard psychomoteur ;
– pâleur, asthénie.
Les formes évoluées associent une
hypertension artérielle, une encéphalopathie
aiguë avec hypertension intracrânienne
(convulsions, voire état de mal convulsif,
ataxie, apathie, vomissements) pouvant
conduire au coma et au décès, une tubulopathie aiguë.
Dans la série de 3 000 cas diagnostiqués à
Paris depuis 1985, presque exclusivement
des Africains noirs âgés de 1 à 7 ans, on
relève quatre décès et une trentaine
d’enfants porteurs d’encéphalopathie,
présentant une épilepsie ou une insuffisance
rénale.
Les données paracliniques reposent sur la
radiologie et la biochimie.
En radiographie, les particules de plomb
ingérées, radio-opaques, sont nettement
visibles dans l’intestin sur un abdomen sans
préparation ; on note des bandes denses
métaphysaires sur les os longs, les crêtes
iliaques, les omoplates, témoignant du
stockage du métal.
La demi-vie du plomb
accumulé dans les tissus, notamment dans
l’os, est de 20 ans.
Il existe un relargage à
partir de l’os dans certaines situations
(immobilisations, grossesse) comportant des
risques spécifiques : signes d’intoxication
aiguë, passage transplacentaire et toxicité
foetale.
Les signes biologiques affirment le
diagnostic.
La plombémie donne une
évaluation du plomb soluble circulant et non
pas de la quantité de plomb stockée par
l’organisme.
En dessous de 250 μg/L,
l’intoxication est minime. De 250 à 500 μg/L,
elle est modérée, au-dessus de 500 μg/L elle
est sévère et au-dessus de 700 μg/L, on peut
aboutir à l’encéphalopathie saturnine.
L’élévation des protoporphyrines
érythrocytaires témoigne du blocage
enzymatique de la synthèse de l’héme par le
plomb ; un seuil de 350 μg/L est
pathologique.
La plomburie provoquée est un bon reflet
du stock de métal contenu dans l’organisme.
Elle impose une diurèse suffisante et un
recueil d’urines sur 8 heures dans un pot
décalcifié suivant une injection de
500 mg/m2 de surface corporelle de calcitétracémate disodique (EDTA) calcique.
Les troubles hématologiques associent une
anémie microcytaire hypochrome avec
carence martiale associée et la présence de
granulations spécifiques dans les hématies
(hématies ponctuées).
La prise en charge d’un enfant intoxiqué par
le plomb est déterminée par la valeur de la
plombémie.
Il faut le soustraire de la source
d’intoxication, qui doit être déterminée par
une enquête des services d’hygiène
municipaux.
Le cas de saturnisme doit être déclaré au
médecin inspecteur de la Direction
départementale des affaires sanitaires et
sociales ou au médecin responsable de PMI,
ainsi qu’à l’Institut national de veille
sanitaire pour toute plombémie supérieure à
100 μg/L.
Des mesures doivent être prises au niveau
du logement (réhabilitation du logement,
relogement de la famille pendant la durée
des travaux de réfection ou relogement
définitif dans un autre habitat) pour éviter
la réexposition.
Traitement
:
Le traitement médical est basé sur
l’utilisation de chélateurs dont l’objectif est
de mobiliser le plomb des tissus et
d’augmenter son excrétion urinaire.
Il s’adresse à trois chélateurs : le British Anti
Lewisite (BAL), l’EDTA calcique, d’utilisation
parentérale exclusive, et l'acide
dimercaptosuccinique (DMSA), commercialisé
sous le nom de Succimert utilisable
par voie orale :
– pour une plombémie comprise entre 400
et 700 μg/L, on peut proposer une chélation
orale par le DMSA ;
– au-dessus de 700 μg/L, on effectue
habituellement une chélation double DMSA
et EDTA ;
– au-dessus de 1 000 μg/L et/ou en
présence de signes d’encéphalopathie, on
associe l’EDTA et le BAL.
L’EDTA est utilisé à la dose de 1 000 mg/m2
de surface corporelle en quatre perfusions
de 10 minutes pendant 5 jours.
Ce traitement
est poursuivi sous forme de cinq cures de
5 jours, séparées par des intervalles de
1 semaine imposés par le risque de toxicité
rénale.
Le BAL s’utilise par voie intramusculaire à
la dose de 300 mg/m2 de surface corporelle
en quatre injections par 24 heures.
Par ailleurs, l’hypertension artérielle et
l’encéphalopathie aiguë convulsivante
nécessitent un traitement symptomatique.
Devant la résurgence du saturnisme à Paris,
favorisée par les mauvaises conditions
d’habitat dans certains milieux africains
migrants, un dépistage systématique a été
mis en place dans les centres de PMI des
arrondissements les plus touchés (nord-est
de Paris), ainsi qu’une information ciblée de
la part de la Caisse primaire d’assurance
maladie et des services médicosociaux de la
capitale pour les populations à risque
(affiches, dépliants, cassette vidéo mettant en
scène des familles africaines).
Le dépistage systématique du saturnisme a
été étendu à d’autres villes (Lille, Lyon,
Marseille) ou d’autres départements
(Seine-Saint-Denis).
B - MERCURE
:
C’est une intoxication désormais
exceptionnelle.
Le mercure est toxique sous
forme de sels, oxycyanure de mercure,
chlorure mercurique.
L’absorption
intestinale est très rapide en moins de
1 heure.
Ces sels de mercure entrent dans la
composition de produits caustiques
industriels et d’antiseptiques à usage
externe.
En revanche, le mercure métal des anciens
thermomètres à mercure, interdits désormais
à la vente depuis le 1er avril 2000 pour des
problèmes de pollution de l’environnement,
n’est pas absorbable ; il est donc non
toxique.
Intoxications en milieu
rural et par les végétaux :
Les intoxications par les produits
phytosanitaires en milieu agricole sont peu
fréquentes, mais graves en raison de la forte
toxicité des produits utilisés.
En revanche,
trop de citadins, notamment lors des weekends
ou des vacances, n’entreposent pas
correctement leurs produits usuels de
jardinage dans des placards adaptés hors de
portée des jeunes enfants.
Les absorptions
de produits sont donc relativement
fréquentes mais peu graves en règle.
A - INSECTICIDES ORGANIQUES
DE SYNTHÈSE
:
1- Organochlorés
:
Insecticides d’ingestion ou de contact très
utilisés, le dichloro-diphényl-trichloréthane
(DDT), le paradichlorobenzène ou le lindane
sont très liposolubles, ce qui leur confère une
grande toxicité neurologique, en
s’accumulant dans les graisses du système
nerveux central.
La symptomatologie
clinique comprend agitation, hyperexcitabilité,
désorientation, ataxie, crises
convulsives et coma.
En cas d’absorption
digestive, on note en plus des troubles
digestifs avec diarrhée et vomissements.
En
cas d’accident de pulvérisation, il faut
décontaminer l’enfant au plus vite en le
déshabillant et en le douchant avec
savonnage abondant.
L'ingestion
accidentelle réclame une évacuation
gastrique indispensable : les lipides sont
proscrits de l’alimentation pendant
48 heures.
Le traitement symptomatique
s’adresse au coma et aux convulsions.
2- Organophosphorés
:
Ceux-ci sont des substances anticholinestérasiques,
très toxiques et très liposolubles,
comme le parathion.
Les premiers signes cliniques sont digestifs :
nausées, vomissements, douleurs
abdominales et diarrhée.
Puis apparaissent
des signes muscariniques (myosis,
hypersialorrhée, bradycardie, hypotension)
et des signes nicotiniques se traduisant par
des fasciculations, des crampes musculaires,
des mouvements involontaires et une
paralysie qui atteint rapidement les muscles
respiratoires.
L’accumulation d’acétylcholine
dans le système nerveux central entraîne un
état confusionnel, une ataxie, un coma
convulsif et la paralysie des centres
respiratoires.
La mort peut survenir par
insuffisance respiratoire avec défaillance
cardiaque.
Le parathion est mis en évidence par son
produit de dégradation, le paranitrophénol,
dans les urines.
Le diagnostic biologique des autres
o rganophosphorés se fait par la
détermination du taux d'activité cholinestérasique.
Les cholinestérases, en
effet, dégradent l’acétylcholine en choline et
en acide acétique, dont la libération en un
temps donné est directement proportionnelle
à l’activité cholinestérasique.
Le traitement de l’intoxication par le parathion fait appel à un antidote spécifique,
le Contrathiont, qui régénère les
cholinestérases en déplaçant les
organophosphorés de leur site.
Le Contrathiont (pralidoxime) est administré
en perfusion lente de 200 mg dilués dans du
sérum salé isotonique à 0,9 % toutes les
6 heures les premiers jours.
B - HERBICIDES ORGANIQUES
DE SYNTHÈSE
:
Il s’agit essentiellement du paraquat,
ammonium quaternaire, herbicide puissant,
très utilisé en Europe et en France. Il est
commercialisé sous le nom de Gramoxonet
liquide à 20 %.
Produit très toxique et
caustique, son absorption accidentelle est
rarissime, car les agriculteurs en connaissent
le danger et l’entreposent habituellement en
sécurité.
L’intoxication peut se produire par
voie cutanée, muqueuse, respiratoire et
digestive.
Si l’intoxication est
exceptionnelle chez le jeune enfant, en
revanche, ce produit est utilisé dans un but
d’autolyse par les adolescents et les adultes.
Une dose de 15 mL peut être fatale (trois cas
mortels ont été répertoriés en 10 ans en Îlede-
France chez les adolescents de 14-15 ans).
L’intoxication aiguë se déroule en trois
phases :
– initialement, des lésions caustiques
digestives, oesophagogastriques, très
douloureuses ;
– puis, une insuffisance rénale par tubulopathie aiguë oligoanurique après
24 heures d’évolution ;
– enfin, une fibrose pulmonaire progressive
s’installe en 4 à 10 jours, aggravée par
l’oxygénothérapie, aboutissant à une
hypoxémie réfractaire irréversible et au
décès en quelques jours.
D’autres atteintes sont notées, hépatique et
myocardique.
Le dosage du paraquat s’adresse à la
méthode radio-immunologique, sensible et
rapide d’interprétation, appréciant la gravité
de l’intoxication et permettant de suivre
l’élimination du toxique. Proudfoot, Steward
et al ont établi, en 1979, une courbe
pronostique en fonction de la concentration
plasmatique du paraquat à l’admission à
l’hôpital et du temps écoulé depuis
l’ingestion, permettant d’identifier les
probables survivants des cas mortels.
L’efficacité du traitement dépend en partie
de la rapidité de sa mise en route.
Bien qu’il s’agisse d’un caustique, le
pronostic mortel de cette intoxication
autorise son élimination digestive par tous
les moyens, car il est peu absorbé et surtout
éliminé par les fèces : aspiration du contenu
gastrique sans lavage, administration par la
sonde gastrique d’un adsorbant, soit 500 mL
de terre de Fowler à 30 %, disponible dans
les centres antipoisons, à répéter toutes les
4 heures (le paraquat est inactivé dans la
terre), purgation saline répétée toutes les
6 heures.
Certaines équipes ont tenté de traiter la
fibrose pulmonaire par un mélange oxygènehélium
avec des survies, mais aussi des
séquelles d’insuffisance respiratoire de type
restrictif.
Les lésions digestives caustiques nécessitent
la mise en place d’une grosse sonde nasogastrique en silicone pour calibrage de
l’oesophage et alimentation entérale pendant
plusieurs semaines.
Par l’arrêté du 25 août 1987, les pouvoirs
publics ont obligé les fabricants à introduire
une substance répulsive odorante et une
substance émétisante dans le paraquat pour
provoquer des vomissements précoces et
spontanés en cas d’ingestion massive.
Le
produit est aussi sévèrement réglementé à la
vente et des instructions très draconiennes
sont formulées aux utilisateurs pour le
stockage et l’utilisation.
C - HERBICIDES MINÉRAUX
:
Après ingestion accidentelle, les chlorates de
sodium et de potassium, qui sont de
puissants oxydants, entraînent des nausées,
vomissements et douleurs épigastriques en
raison de leur causticité digestive.
Ils
donnent aussi une méthémoglobinémie
intense avec hémolyse et tubulopathie aiguë
anurique.
Le traitement comprend l’injection
intraveineuse lente de bleu de méthylène (1
à 2 mg/kg) en cas de méthémoglobinémie
(sang prélevé de couleur marron ne se
modifiant pas après oxygénation).
Si
l’hémolyse est menaçante, on procède à une exsanguinostransfusion ; la tubulonéphrite
anurique nécessite une dialyse péritonéale.
D - INTOXICATIONS PAR LES VÉGÉTAUX
(FEUILLES, TIGES, BAIES)
:
Beaucoup de plantes, d’arbustes, leurs
feuilles, leurs tiges ou leurs baies, quels que
soient leur couleur et leur agencement, sont
dangereuses pour les jeunes enfants, qui
explorent leur environnement avec leurs
mains pour ensuite tout porter à la bouche,
lécher, sucer ou croquer.
À l’extérieur de la maison, certaines plantes
sont bien connues pour leur toxicité, comme
le marron, le laurier rose, la digitale pourpre,
les graines des pois de senteur, l’arum, l’if et
le chèvrefeuille (ces trois dernières ont des
baies rouges), la belladone (baies noires), le
gui (baies blanches).
Mais bien des jardins présentent un danger :
muguet, houx, fusain, vigne vierge, lierre,
troène, cytise avec ses grappes de fleurs
jaunes et ses gousses contenant des graines
toxiques.
Les premiers troubles sont presque toujours
digestifs : nausées, vomissements, coliques,
diarrhée.
Ils s’accompagnent de signes
variables selon la baie ingérée :
– troubles neurologiques, tremblements,
convulsions, délire, perte de connaissance,
coma ;
– troubles musculaires, crampes ou
fasciculations ;
– troubles du rythme cardiaque à type
d’hyperexcitabilité ;
– troubles respiratoires ;
– mydriase ou myosis ;
– sécheresse de la bouche et des muqueuses.
La gravité dépend de la nature, de l’état de
maturité et de la quantité de baies ingérées.
En raison de la diversité des plantes et des
baies absorbées et de la variété des signes
observés, en cas d’absorption accidentelle :
– appeler le centre antipoison régional ;
– tenter de décrire très exactement la plante
en cause, sa forme, la couleur, l’architecture
et la disposition de ses feuilles sur les tiges,
le groupement, la grosseur et la couleur des
baies ;
– décrire les troubles déjà présentés par
l’enfant intoxiqué ;
– se conformer aux décisions du médecin
du centre antipoison ;
– conduire l’enfant aux urgences
hospitalières, si possible avec un gros
fragment de la plante incriminée.
E - PLANTES D’APPARTEMENT
:
Nombre de plantes et de fleurs dans nos
maisons renferment des produits toxiques,
dont le simple contact ou l’absorption
accidentelle peuvent provoquer de sérieux
troubles chez les jeunes enfants.
Les plantes allergiques sont nombreuses : la
sève du dieffenbachia, plante au feuillage
vert plus ou moins tacheté de jaune au
centre des nervures, est toxique, sous la
forme de gouttelettes de suc, qu’il ne faut en
aucun cas toucher.
Porter ensuite ses doigts
à la bouche et c’est un risque d’asphyxie
d’installation très rapide, par le gonflement
brutal et majeur de la langue.
Frotter son
oeil et c’est la conjonctivite avec oedème
monstrueux des paupières.
L’appel au 15 ne
se discute pas pour procéder à une injection
de corticoïdes et d’antihistaminique par voie
intraveineuse.
Le latex blanc de la poinsetta, plante
reconnaissable par ses feuilles inférieures
vert sombre contrastant avec des feuilles
supérieures d’un rouge vif, donne des
irritations oculaires et des muqueuses.
La sève du croton est également toxique.
Plante commune d’appartement, ses feuilles
découpées combinent le vert avec le jaune,
l’orange, le rouge et le violet, les nervures
étant bien dessinées.
D’autres plantes sont dangereuses :
l’ingestion de pétales de tulipe ou de feuilles
d’azalée provoque des troubles digestifs
(douleurs abdominales, vomissements) ; les
bouquets de fleurs et de plantes séchées très
décoratives peuvent aussi renfermer des
dangers, comme les capsules de datura
contenant de nombreuses petites graines
noires, qui peuvent tomber au moindre choc,
ou les baies du fusain d’Europe, dites
« bonnet de cardinal » en raison de leur
forme, constituées de trois à cinq graines,
dont l’absorption provoque des troubles
digestifs et des convulsions.
F - INTOXICATION AIGUË
PAR LES CHAMPIGNONS :
Cinq espèces de champignon sont mortelles
et une vingtaine d’autres sont dangereuses
et non comestibles.
Les espèces mortelles sont :
– les amanites (vireuse, phalloïde,
printanière) comportant des signes de
reconnaissance communs : anneau
floconneux ou membraneux blanc sous le
chapeau, volve membraneuse persistante,
épaisse et blanchâtre, au pied ;
– le cortinaire des montagnes avec son
chapeau roux ;
– la lépiote brune confondue aisément avec
la coulemelle.
Dans une intoxication aiguë par les
champignons, les premiers signes cliniques
sont presque toujours des troubles digestifs.
Le délai d’apparition des symptômes fait
distinguer des intoxications plutôt bénignes
à courte période d’incubation, moins de 6
heures, des intoxications graves à période
d’incubation longue de 6 à 48 heures, ce qui
nécessite une hospitalisation d’au moins
48 heures.
Les signes d’apparition précoce sont une
gastroentérite intense avec vomissements
incoercibles, diarrhée profuse et vives
douleurs abdominales, entraînant des
perturbations hydroélectrolytiques, un
syndrome atropinique ou un syndrome
muscarinique.
L’intoxication par les champignons
hallucinogènes peut être responsable
d’hyperthermie et de convulsions chez le
jeune enfant.
Le syndrome d’apparition tardive concerne
surtout l’hépatite toxique due à l’amanite
phalloïde.
Elle comporte un risque de
mortalité de 10 à 25 %.
La toxine,
essentiellement l’alpha-amanitine, inhibe
l’acide ribonucléique polymérase ; sa fixation
est très rapide, surtout au niveau du foie.
Après un temps de latence de 6 à 48 heures
apparaît une diarrhée cholériforme ; les
signes d’atteinte hépatique apparaissent en
36 heures et l’insuffisance hépatocellulaire
est maximale au troisième jour.
Le traitement
est symptomatique (correction de la
déshydratation et des troubles hydroélectrolytiques).
Dans les formes extrêmes, une
transplantation hépatique peut être tentée.
Intoxications par les
animaux et les insectes :
Elles concernent :
– les morsures de vipères ;
– les piqûres d’arachnides et d’insectes ;
– les piqûres ou les contacts avec les
animaux aquatiques.
A - MORSURES DE VIPÈRES
:
En France, le seul serpent venimeux est la
vipère et ses quatre espèces autochtones, qui
appartiennent toutes au genre Vipera,
rattaché à la famille des Vipéridés (aspis,
berus, ursinii et latastei).
Les principales
actions du venin sont fibrinolytique et
anticoagulante, hémolytique et nécrosante,
neurotrope et contracturante sur les muscles
lisses.
Le diagnostic de morsure est en règle facile
devant les signes locaux, la main, les doigts
et la cheville étant des localisations
préférentielles :
– douleur minime initiale, mais augmentant
d’intensité après 5 à 15 minutes ;
– traces de la morsure visibles sous la forme
de deux points noirs entourés d’une aréole
ecchymotique violacée de 1 à 2mm de
diamètre, les points étant distants de 4 à
6 mm ;
– réaction oedémateuse ecchymotique avec
phlyctènes notées de 15 minutes à 2 heures
après la morsure ; celle-ci va s’étendre
progressivement en remontant vers la racine
du membre en prenant un aspect nécrotique
superficiel souvent très impressionnant.
Quant au syndrome général d’envenimation,
il associe des troubles digestifs
(vomissements), une hypo- ou une
hyperthermie, un collapsus, une oligoanurie,
des signes neurologiques (agitation,
prostration, tremblements, diplopie,
dysesthésies) et un OAP lésionnel
particulièrement grave.
Le danger d’une morsure de vipère chez le
jeune enfant dépend de la quantité de venin
injectée par l’animal en fonction du poids de
l’enfant, de l’effraction vasculaire directe par
un crochet venimeux, du délai écoulé entre
la morsure et la reconnaissance de celle-ci,
de la rapidité des signes d’envenimation.
S’il n’y a pas de signes d’envenimation, il
n’est pas nécessaire de faire autre chose que
l’évacuation rapide vers un centre
hospitalier en utilisant le moyen le plus
approprié, voiture personnelle, ambulance,
véhicule de secours sapeurs-pompiers.
En
effet, il existe un délai de plusieurs heures
avant que n’apparaissent des complications
graves.
En cas d’envenimation, commencer la
sérothérapie avec le sérum antivenimeux en
utilisant obligatoirement la méthode de Besredka, car il s’agit d’un produit animal
(cheval).
On injecte en intramusculaire
0,1 mL, puis 0,2 mL, enfin 0,5 mL en
espaçant les injections de 5 minutes pour
dépister les réactions allergiques avant
d’injecter le reste de l’ampoule moitié dose
près de la morsure et moitié dose dans la
cuisse ou la fesse.
Pour le transport en milieu hospitalier de
ces cas avec envenimation, dans certains
lieux géographiques d’accès particulièrement
difficiles, la Gendarmerie ou la
Protection civile interviennent au moyen de
matériels autotractés ou héliportés avec
l’équipe médicale du Samu.
À l’hôpital, l’héparinothérapie, à la dose de
2 à 4 mg/kg/j en intraveineuse, est mise en
oeuvre en cas d’envenimation et de
coagulation intravasculaire disséminée
biologiquement prouvée.
Devant un collapsus, on débute un
remplissage prudent avec des substances
macromoléculaires (Plasmiont) ou de
l’albumine diluée de moitié (1 g/kg)
associées à des inotropes positifs en cas de
choc cardiogénique associé : dobutamine
(10 μg/kg/min) ou dopamine (5 à
10 μg/kg/min).
S’il existe un OAP lésionnel, l’intubation
avec ventilation mécanique contrôlée et PEP
est nécessaire.
Si l’hypoxie réfractaire est
incontrôlable par la ventilation classique, on
peut proposer l’assistance respiratoire
extracorporelle, méthode d’exception.
On vérifie la validité de la vaccination
antitétanique et une antibiothérapie par la
pénicilline G prévient le risque de gangrène
gazeuse aux autres anaérobies.
B - PIQÛRES D’ARACHNIDÉS
ET D’INSECTES :
1- Scorpions
:
En France, seul le scorpion jaune, Buthud
occitanus, est dangereux pour le jeune
enfant.
La piqûre est suivie d’une vive
douleur au point d’inoculation sans signes
locaux inflammatoires importants.
Après
2 heures, on note des sueurs, une agitation
avec angoisse, des signes digestifs
(vomissements, diarrhée) et une chute tensionnelle.
Le traitement comporte une désinfection
locale au Dakint, une immobilisation du
membre avec pose d’une large bande
Velpeau, bien serrée, au-dessus de la piqûre
et remontant vers la racine du membre.
Les autres espèces de scorpions en France
donnent des signes locaux inflammatoires,
qui réclament des topiques locaux
comportant des anti-inflammatoires et
parfois des antiprurigineux.
S’il existe des signes généraux, le traitement
est symptomatique.
2- Araignées
:
Leurs piqûres peuvent entraîner une
douleur notable et une tuméfaction
inflammatoire importante avec des
microvésicules, dont le grattage peut
conduire à la sur infection et à
l’impétiginisation.
3- Hyménoptères
:
Les piqûres d’hyménoptère sont très
fréquentes, habituellement peu graves
(abeille, guêpe, frelon).
Ils injectent leur
venin au moyen d’un dard, mais seule
l’abeille l’abandonne dans la peau.
Il faut le
retirer sans appuyer sur le sac à venin, avant
de désinfecter la piqûre et d’administrer un
anti-inflammatoire et un sédatif
(paracétamol).
Les piqûres de guêpe sont fréquentes, car
ces insectes se trouvent dans les fruits et
sont attirés par toutes les substances sucrées.
La piqûre est désinfectée, la douleur et
l’inflammation atténuées par un antiinflammatoire
local.
En fait, les accidents graves sont liés aux
piqûres multiples par un essaim d’abeilles,
au lieu d’inoculation exceptionnel endobuccal ou pharyngolaryngé, mais
surtout au risque de choc anaphylactique,
plutôt chez l’enfant de plus de 6-8 ans,
allergique.
Le choc anaphylactique est
caractérisé par un collapsus du fait d’une vasoplégie brutale due à la libération
massive d’histamine et une perte de
connaissance.
On s’adresse à l’adrénaline par
voie intramusculaire ou intraveineuse lente
en injectant une ampoule de 1 mg diluée
dans 9 mL de sérum physiologique, millilitre
par millilitre, jusqu’à récupération d’une
hémodynamique satisfaisante, de pouls bien
frappés et de la reprise de la conscience.
On
peut être amené à injecter plus de 1 mg
d’adrénaline en cas d’inefficacité et à
effectuer un remplissage vasculaire
secondaire avec de l’Elohest à 6 %
(15 mL/kg).
C - INTOXICATION
PAR LES ANIMAUX MARINS :
– Parmi toutes les espèces de vives, l’espèce
Trachinus draco est la plus dangereuse ; c’est
un poisson très courant d’environ 10 à 15 cm
de long qui vit dans les baies sableuses,
s’enfouit dans le sol pour ne laisser dépasser
qu’une partie de la tête et ses épines dorsales
et operculaires possédant des glandes à
venin.
Le venin de la vive déclenche aussitôt
une douleur très violente qui diffuse à la
racine du membre, voire syncopale, et
s’accompagne de signes généraux (lipothymie, vertige, nausées ou
vomissements, agitation).
La zone de piqûre
est plus pâle, devient oedémateuse, puis
inflammatoire et peut évoluer vers
l’ischémie et la formation d’une plaque de
nécrose circonscrite de près de 1 cm.
Le venin étant thermolabile à 50 °C, on
recommande un bain prolongé en eau
chaude ou l’approche immédiate près du
site de piqûre du bout incandescent d’une
cigarette allumée.
La zone de piqûre doit
être désinfectée et la douleur calmée par un
antalgique par voie générale.
En cas de
malaise général ou de syncope, coucher
l’enfant en position latérale de sécurité, tête
légèrement plus basse que le reste du corps
en attendant les services de secours.
– La rascasse est hérissée de piquants très
résistants et possède un appareil venimeux
formé de 12 épines dorsales et de trois
épines anales.
Le venin est thermolabile et
les envenimations prennent un caractère
clinique très semblable à celui de la vive.
– Le contact avec les méduses déclenche une
sensation immédiate de cuisson ou de
douleur, suivie de l’apparition de lésions urticariennes souvent linéaires, d’évolution
vésiculobulleuse ou parfois purpurique.
Les
tentacules sont tapissées de cellules
venimeuses équipées d’une sorte de
filaments urticants invaginés qui se
déroulent lors du contact.
Il est recommandé
de rincer la peau à l’eau de mer ou avec une
solution formolée sans frotter car la friction
risque de faire éclater les cellules urticantes
résiduelles collées à la peau. Ensuite, on
peut utiliser un antiseptique, une pommade
anti-inflammatoire et un antihistaminique.
– Les piquants d’oursins noirs ont tendance
à se fractionner à l’intérieur du derme et
peuvent être emprisonnés par les muscles
avec grande difficulté d’extraction
immédiate.
Il faut savoir attendre quelques
jours avant de tenter d’enlever certains
d’entre eux.
La désinfection des zones
d’implantation doit être rapide pour éviter
une surinfection.