Intoxications par les champignons : principaux syndromes et traitement Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Les intoxications par champignons sont responsables chaque année
d’un nombre non négligeable d’appels aux centres antipoison (CAP)
et (ou) d’hospitalisations.
En 1998, les CAP français ont enregistré
1 675 appels pour intoxications par champignons, et l’auteur de cet
article estime l’incidence annuelle en France à 8-10 000.
Ces
intoxications sont dues, le plus souvent, à une confusion avec des
espèces comestibles ou à l’utilisation de notions empiriques ou
traditionnelles de reconnaissance.
Bien qu’il n’existe en Europe qu’une cinquantaine d’espèces
toxiques, les intoxications sont fréquentes, et parfois graves.
Il s’agit
souvent d’intoxications collectives, survenant principalement de
juillet à octobre, et dont le pronostic est fonction du champignon
responsable.
On distingue différents types d’intoxications, classés d’après
des symptômes qui vont permettre, a posteriori dans la plupart des
cas, l’identification du champignon vénéneux confondu avec un
champignon comestible.
Cette dernière décennie a été marquée par
l’émergence de nouveaux syndromes et par la découverte de
nouvelles espèces toxiques.
La durée d’incubation entre l’ingestion des champignons et
l’apparition des premiers troubles permet de distinguer deux
grandes catégories d’intoxications :
– celles à durée d’incubation longue (supérieure à 6 heures)
potentiellement graves et nécessitant une prise en charge en milieu
de réanimation ;
– celles à durée d’incubation courte (1/2 heure à 3 heures), de
pronostic généralement favorable.
De très rares cas d’intoxications
graves, parfois mortelles ont été rapportés.
Néanmoins, cette règle peut être prise en défaut dans deux
situations : lors de la consommation de champignons à plusieurs
repas successifs, ou lors de la consommation de mélanges d’espèces
(une espèce à « délai court » pouvant masquer l’espèce à « délai
long »).
Syndromes à durée d’incubation
longue :
Il s’agit d’intoxications généralement graves, en rapport
principalement avec un syndrome phalloïdien, plus rarement avec
un syndrome gyromitrien ou orellanien, ou encore avec un nouveau
syndrome identifié durant cette dernière décennie, à savoir :
syndrome proximien, syndrome acromélalgien ou rhabdomyolyse.
A - SYNDROME PHALLOÏDIEN
:
1- Espèces en cause
:
Ce sont des variétés d’amanites, de lépiotes et de galères : Amanita
phalloides (amanite phalloïde), Amanita verna (amanite
printanière), Amanita virosa (amanite vireuse), Lepiota
helveola, Lepiota brunneoincarnata, Lepiota josserandii, Galerina
autumnalis, Galerina venenata, Galerina marginata.
2- Toxines
:
Parmi les toxines identifiées (amatoxines, phallotoxines,
virotoxines, phallolysines, …) les amatoxines, et principalement
l’alpha-amanitine, sont responsables de l’hépatite toxique.
Les amatoxines sont des octapeptides d’environ 1 000 Da, chimiquement
et thermiquement stables, facilement absorbées au niveau du tractus
gastro-intestinal.
Les amatoxines sont excrétées par la bile et
subissent un cycle entérohépatique. Leur élimination est
principalement urinaire, sous forme inchangée.
Elles sont
excrétées dans le lait ; le passage transplacentaire est discuté (chez
une femme de 22 ans, enceinte de 11 semaines, l’hépatite toxique
phalloïdienne était sans conséquence pour le foetus).
Elles exercent une action cytotoxique par inhibition de l’acide ribonucléique (ARN)
polymérase II, avec pour conséquence un blocage de la synthèse de
l’ARN messager et donc de la synthèse protéique.
Toutes les cellules
sont atteintes, mais préférentiellement celles ayant une intense
activité de synthèse protéique, c’est-à-dire les cellules digestives,
hépatiques et rénales.
3- Symptômes
:
L’intoxication phalloïdienne évolue classiquement en plusieurs
phases :
– phase de latence de 6 à 24 heures (10-12 heures en moyenne) ;
– phase gastro-intestinale avec vomissements importants et
diarrhées profuses pouvant entraîner rapidement, en l’absence de
traitement, une déshydratation avec hypovolémie et insuffisance
rénale fonctionnelle.
La survenue d’une insuffisance rénale est un
facteur aggravant de l’intoxication ;
– phase d’atteinte hépatique qui débute généralement vers la
36e heure avec élévation des transaminases pouvant dépasser
10 000 UI/l.
L’intoxication est sévère quand les alanines aminotransférases (ALAT) dépassent 1 000 UI/l.
Les signes
d’insuffisance hépatocellulaire apparaissent dès la 48e heure avec
diminution des facteurs du complexe prothrombinique (en
particulier la prothrombine et le facteur V).
Dans les formes graves,
à partir du 4e-5e jour, apparaissent une hémorragie digestive, une
encéphalopathie hépatique, une hypoglycémie, une coagulopathie
de consommation et une insuffisance rénale aiguë organique.
Le pronostic est lié à la gravité de l’hépatite (10 % de mortalité
environ).
Il n’est pas corrélé à la valeur des transaminases, mais à la
présence de facteurs péjoratifs qui sont le jeune âge (mortalité 2 à 3 fois plus élevée chez l’enfant), des taux de facteur V et de
prothrombine inférieurs à 10 %, l’insuffisance rénale et
l’encéphalopathie.
* Données analytiques
:
Le dosage des amatoxines dans les liquides biologiques n’est pas
utile dans la conduite du traitement.
Il aurait, en revanche, un intérêt
dans le cadre d’une étude prospective large afin de :
– tenter d’établir une corrélation entre une concentration
d’amanitine (sanguine ou urinaire) et un risque potentiel de gravité
en fonction du délai de prélèvement par rapport à l’ingestion du
champignon ;
– valider ou infirmer, avec des données cinétiques précises,
l’efficacité des nombreuses thérapeutiques empiriques proposées par
bon nombre d’auteurs.
Les amatoxines peuvent être identifiées et dosées par des méthodes
radio-immunologiques ou par chromatographie liquide à haute
performance.
Les études cinétiques des alpha- et bêta-amanitines réalisées chez
l’homme ont montré que les amatoxines étaient présentes dans le
plasma à de faibles concentrations et seulement pendant 24 à
48 heures suivant l’ingestion, et à de fortes concentrations dans les
urines et les selles.
4- Traitement
:
Le traitement de l’intoxication phalloïdienne est avant tout
symptomatique ; il comporte, en urgence, une compensation des
pertes hydroélectrolytiques et le maintien d’une hydratation et d’une
fonction rénale correctes avec surveillance des paramètres
hémodynamiques et hydroélectrolytiques.
La survenue d’une
insuffisance rénale fonctionnelle est certainement un facteur
aggravant de l’intoxication, dans la mesure où les reins constituent
le principal émonctoire des amatoxines.
La diarrhée, riche en toxines doit être respectée.
L’interruption du cycle entérohépatique des amatoxines par
l’administration répétée de charbon activé peut être proposée, mais
est rendue difficile du fait de l’intolérance digestive.
Parmi les nombreux traitements « antitoxiques » proposés, seule la
pénicilline G (avec une posologie recommandée variant de 300 000 à
1 MU·kg-1·j-1 en IV, en sachant que des doses massives sont
susceptibles d’induire des effets neurologiques centraux) ou la
silibinine, à raison de 20 à 30 mg·kg-1·j-1 (Légalont injectable,
délivré sous autorisation temporaire d’utilisation [ATU] nominative)
ont donné quelques résultats intéressants expérimentaux ou
cliniques.
Néanmoins, en l’absence d’étude clinique contrôlée,
l’efficacité de ces traitements n’a pu être établie.
Plus récemment, a été proposée la N-acétyl cystéine dont l’intérêt
mérite, là aussi, d’être confirmé.
Les techniques d’épuration extrarénale (dialyse péritonéale,
hémodialyse, plasmaphérèse, hémoperfusion), ne sont probablement
d’aucun intérêt malgré l’enthousiasme et la conviction empirique
de certains auteurs.
Le traitement de l’hépatite est symptomatique.
L’acmé des
anomalies biologiques hépatiques est en général observée vers le
4e-5e jour.
La régénération hépatique peut être appréciée par le
dosage de l’alphafoetoprotéine.
En cas d’insuffisance hépatique
sévère, la transplantation hépatique doit être envisagée, la difficulté
principale étant de cerner précocement les facteurs pronostiques de
l’irréversibilité de l’atteinte hépatique.
B - SYNDROME GYROMITRIEN
:
1- Espèce en cause
:
C’est essentiellement la Gyromitra esculenta (gyromitre) qui peut être
confondue avec les morilles.
2- Toxines
:
Il s’agit de la gyromitrine, toxine thermolabile et volatile qui est la
N-méthyl-N-formyl hydrazone de l’acétaldéhyde, hydrolysée en
monométhylhydrazine, responsable de la toxicité du champignon.
La monométhylhydrazine inhibe les systèmes enzymatiques
pyridoxinodépendants, entraînant une diminution du taux d’acide
gamma-aminobutyrique (GABA) intracérébral à l’origine de
convulsions.
Elle engendre par ailleurs une activation métabolique
au niveau hépatique conduisant à la production de radicaux réactifs.
3- Symptômes
:
L’intoxication se caractérise par une grande variabilité de la
susceptibilité inter- et intra-individuelle.
Les troubles initiaux sont digestifs (vomissements, douleurs
abdominales, diarrhée) et surviennent après un délai de 6 à
24 heures, ce qui pourrait évoquer un syndrome phalloïdien.
Cependant, le caractère printanier de l’intoxication, la description
même grossière du champignon ainsi que la présence de céphalées
et d’une fièvre peuvent être des éléments évocateurs.
Une atteinte
hépatique apparaît au 2e ou 3e jour.
Elle est cytolytique,
généralement modérée, et peut s’accompagner d’une hémolyse qui
peut se compliquer d’une insuffisance rénale.
En cas d’intoxication
sévère, on note la survenue de troubles neurologiques (agitation,
coma, convulsions).
4- Traitement
:
Il est avant tout symptomatique : compensation des pertes hydroélectrolytiques, traitement des convulsions, surveillance
pluriquotidienne des paramètres biologiques (ionogramme,
transaminases, créatininémie, taux de prothrombine, bilirubine,
hémogramme).
L’administration de vitamine B6 en perfusion i.v. à la dose de
25 mg/kg en 15 à 30 minutes peut être proposée en cas de troubles
neurologiques.
C - SYNDROME ORELLANIEN
:
1- Espèces en cause
:
Ce sont : Cortinarius orellanus (cortinaire des montagnes),
Cortinarius speciosissimus, Cortinarius orellanoides et peutêtre
Cortinarius splendens (pour ce dernier, les preuves de sa toxicité
comme de son innocuité manquent).
2- Toxines
:
Il s’agit de l’orellanine, composé bipyridylé non volatile et
thermostable.
La cellule cible est l’épithélium du tubule proximal.
3- Symptômes
:
Le syndrome orellanien se caractérise par une période de latence
très longue pouvant aller de 36 heures à 17 jours, ce qui explique les
difficultés de diagnostic étiologique.
Les troubles digestifs peuvent
apparaître 24 à 36 heures après l’ingestion ; ils ne sont jamais sévères
et peuvent manquer ou passer inaperçus.
D’autres signes peuvent
coexister : asthénie, anorexie, douleurs lombaires, soif, frissons,
céphalées, myalgies, paresthésies des extrémités.
Si un bilan
biologique est réalisé à ce moment-là, il révèle une insuffisance
rénale rapidement évolutive.
Il s’agit d’une atteinte tubulointerstitielle
pouvant évoluer soit vers la guérison soit vers une
insuffisance rénale chronique (50 % des cas environ).
4- Traitement
:
Il est uniquement symptomatique. L’insuffisance rénale aiguë est
traitée par épuration extrarénale. Le furosémide aggrave les lésions
chez l’animal.
En cas d’évolution vers une insuffisance rénale
chronique, une transplantation rénale peut être indiquée ; celle-ci
doit être réalisée tardivement, du fait de la lenteur du rétablissement
spontané de la fonction rénale.
D - SYNDROME PROXIMIEN
:
Une quarantaine de cas a été rapportée dans le sud de la France.
Le champignon responsable est l’Amanita proxima, responsable
du même type de syndrome que l’Amanita smithiana présente
sur le continent américain.
Ce syndrome est caractérisé par la
survenue d’une hépatonéphrite 1 à 4 jours après la consommation
du champignon, précédée de troubles digestifs apparaissant après
un délai de 8 à 14 heures.
L’hépatite cytolytique reste modérée et la
néphropathie tubulo-interstitielle évolue toujours favorablement.
Du
fait d’une importante variabilité interindividuelle de la sensibilité
aux effets de cette espèce, il convient de mesurer la créatininémie
plasmatique chez tous les convives même asymptomatiques.
E - SYNDROME ACROMÉLALGIEN
:
Sept cas ont été publiés en France.
L’espèce en cause est le Clitocybe amoenolens, « cousin français » du Clitocybe acromelalga japonais.
Le
syndrome se caractérise par la survenue, 24 heures après la
consommation du champignon, d’une sensation de fourmillements
puis de brûlures très douloureuses des mains et des pieds, évoluant
par crises paroxystiques, déclenchées essentiellement par la chaleur
et accompagnées localement, au moment des crises, d’un érythème
et d’un oedème.
Ces manifestations peuvent persister plusieurs
semaines voire mois, et ne sont calmées que par des bains prolongés
dans l’eau glacée.
Les toxines sont des acides acroméliques qui sont
des aminoacides excitateurs, agonistes puissants du système du
glutamate et responsables chez le rat de lésions médullaires, en
particulier de l’interneurone.
Le traitement est purement
symptomatique.
F - RHABDOMYOLYSE
:
Depuis 1993, dans la Gironde, ont été rapportés 12 cas de
rhabdomyolyse consécutifs à la consommation en quantité excessive
(trois à six repas consécutifs) d’un champignon comestible : le
Bidaou ou Tricholome équestre (Tricholoma auratum).
Un à 3 jours
après le dernier repas, sont apparus des myalgies à la racine des
membres inférieurs, une asthénie musculaire et parfois des sueurs
profuses sans hyperthermie, des nausées, un érythème du visage et
une polypnée.
Les créatines phosphokinases (CPK) étaient très
élevées (> 100 000 UI/l dans quatre cas).
Trois patients sont décédés
dans un contexte d’insuffisance cardiaque réfractaire au traitement.
L’histologie a montré une nécrose des muscles striés du diaphragme
et du myocarde.
Aucune toxine n’a été identifiée à ce jour.
En 2002,
deux cas ont été rapportés en Pologne après neuf repas consécutifs
de Tricholome équestre.
G -
ATTEINTE DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL
:
Le champignon incriminé est l’Hapalopilus rutilans responsable en
Allemagne de trois cas d’intoxication caractérisés par la survenue
de troubles digestifs tardifs et d’urines de couleur violette.
Un enfant
de 7 ans a présenté dans un délai de 12 heures une atteinte
hépatorénale biologique (augmentation des ALAT et de la
créatininémie) et neurologique centrale (vertiges, ataxie, somnolence,
troubles visuels et altération du tracé de l’électroencéphalogramme
[EEG] compatible avec un oedème cérébral).
Cette symptomatologie,
attribuée à la présence de fortes concentrations d’acide polyporique
dans ce champignon, a été en partie reproduite chez le rat.
Syndromes à durée d’incubation
courte :
Ils représentent en France trois quarts des intoxications aiguës par
champignons.
A - SYNDROME MUSCARINIQUE (OU SUDORIEN
OU CHOLINERGIQUE)
:
1- Espèces en cause
:
Ce sont certaines variétés de clitocybes (C. dealbata, C. rivulosa, C.
cerussata) … et d’inocybes (I. patouillardi, I. fastigiata, I. geophylla).
2- Toxines
:
Il s’agit de la muscarine, substance parasympathomimétique.
Bien
que la muscarine ait été découverte dans l’amanite tue-mouches
(Amanita muscaria), ce champignon ne provoque pas de syndrome
muscarinien, la muscarine n’y étant présente qu’en très faible
quantité.
3- Symptômes
:
Ils apparaissent après un délai bref de 30 minutes à 2 heures, et
associent un ou plusieurs des signes cliniques suivants :
– sueurs profuses, hypersécrétion salivaire et bronchique ;
– bradycardie, hypotension ;
– myosis.
4- Évolution et traitement
:
La symptomatologie est généralement spontanément résolutive en
quelques heures.
La compensation des pertes hydroélectrolytiques
peut être nécessaire.
Les intoxications avec retentissement
cardiovasculaire justifient une surveillance en milieu de réanimation.
Le traitement spécifique consiste en l’administration
IV de sulfate
d’atropine (0,5 à 1 mg) à répéter toutes les 15 minutes en fonction
du tableau clinique.
B - SYNDROME PANTHÉRINIEN (OU MYCOATROPINIEN)
:
1- Espèces en cause
:
Ce sont l’amanite tue-mouches (Amanita muscaria) et l’amanite
panthère (Amanita pantherina).
2- Toxines
:
Il s’agit principalement d’isoxazoles (acide iboténique, muscimol,
muscazone responsables des effets neurologiques centraux) et
probablement d’autres toxines non encore identifiées.
3- Symptômes
:
Ils apparaissent entre 30 minutes et 3 heures après le repas et
comportent :
– des troubles digestifs (nausées, vomissements) modérés ;
– des troubles neurologiques : agitation, confusion, délire,
hallucinations, convulsions chez l’enfant.
L’effet
psychodysleptique est parfois à l’origine d’une ingestion volontaire
à des fins récréatives ;
– une tachycardie ;
– une mydriase.
4- Traitement
:
L’évolution est généralement spontanément favorable en 12 à
24 heures.
Une agitation importante peut nécessiter une sédation par
benzodiazépines.
C - SYNDROME COPRINIEN
:
1- Espèce en cause
:
C’est essentiellement le coprin noir d’encre (Coprinus atramentarius).
2- Toxines
:
La toxine du coprin noir d’encre est la coprine, dont le métabolite
(1-aminocyclopropanol) est un puissant inhibiteur de l’aldéhyde
déshydrogénase.
Ainsi, l’ingestion d’alcool pendant ou après
(jusqu’au 3e jour) un repas de coprins provoque un effet antabuse
par inhibition du métabolisme de l’éthanol au stade de
l’acétaldéhyde.
3- Symptômes
:
Trente minutes à 1 heure après la prise d’alcool apparaissent :
vasodilatation périphérique prédominant au niveau de la face,
bouffées de chaleur, céphalées, sueurs, tachycardie, parfois
hypotension.
4- Traitement
:
L’évolution est dans la majorité des cas spontanément favorable en
quelques heures.
D - SYNDROME NARCOTINIEN
:
1- Espèces en cause
:
Plus de 120 espèces hallucinogènes ont été identifiées dans le
monde.
En France, il s’agit principalement de psilocybes
(P. semilanceata, P. bohemica, P. cyanescens), et de panéoles (Paneolus
subalteatus).
2- Toxines
:
La psilocine, dérivé indole, métabolite de la psiIocybine, agit au
niveau des récepteurs sérotoninergiques ; le mécanisme d’action
précis n’est pas bien compris.
3- Symptômes
:
Ils apparaissent après 30 minutes à 1 heure, durent pendant 2 à
4 heures, puis rétrocèdent en 12 à 48 heures.
Ils se caractérisent par :
– des troubles de l’humeur (euphorie ou anxiété) ;
– des hallucinations principalement visuelles ;
– des troubles de la perception temporospatiale.
Des manifestations somatiques peuvent être associées : tachycardie,
mydriase, vasodilatation périphérique, nausées.
Des complications
graves (convulsions, coma, infarctus, décès) ont été
exceptionnellement rapportées et sont toujours liées à une ingestion
massive.
Il est à noter que les ingestions de champignons
hallucinogènes sont généralement volontaires.
4- Traitement
:
Les symptômes régressent spontanément en quelques heures.
L’administration d’un sédatif peut être nécessaire en cas d’anxiété
importante.
E - SYNDROME GASTRO-INTESTINAL (OU RÉSINOÏDIEN)
:
1- Espèces en cause
:
De nombreux champignons sont responsables de gastroentérites de
gravité variable.
L’agaric jaunissante, le clavaire doré, la russule
émétique, l’hypholome en touffe, … entraînent des troubles digestifs
bénins, alors que d’autres espèces comme le clitocybe de l’olivier
(Omphalotus olearius), l’entolome livide (Entoloma lividum), le bolet
satan (Boletus satanas), le tricholome tigré (Tricholoma pardinum) sont
responsables d’un syndrome dysentérique grave.
2- Toxines
:
Elles sont pour la plupart non identifiées, et il est vraisemblable que
pour un grand nombre de ces espèces, les symptômes soient autant
liés à la nature indigeste du champignon qu’à la présence d’une
toxine.
Différentes situations ou circonstances peuvent occasionner
une gastroentérite :
– ingestion d’un champignon comestible en quantité excessive ;
– ingestion de champignons comestibles crus démasquant l’action
de toxines thermolabiles (morilles) ;
– consommation de champignons contaminés par un microorganisme
après macération dans un sac plastique ;
– réaction « idiosyncrasique » avec certains champignons (Lepista
nebularis, Armillaria mellea) ;
– déficit en tréhalase à l’origine d’une diarrhée osmotique ou de
fermentation après consommation de champignons riches en
tréhalose (exemple : jeunes rosés des prés) ;
– présence effective d’une toxine dans le champignon (exemple :
bolet satan).
3- Symptômes
:
Il s’agit d’une gastroentérite avec nausées, vomissements, diarrhées
survenant 30 minutes à 2 heures après le repas et régressant en
quelques heures.
Le risque dépend de l’intensité des symptômes
(risque de déshydratation) et du terrain (enfant, personne âgée,
antécédents cardiaque ou rénal).
4- Traitement
:
Il est symptomatique (antispasmodique, antiémétique,
réhydratation).
Caractères de gravité
Les intoxications par bolet satan sont particulièrement sévères, et se
caractérisent par des diarrhées profuses, de la fièvre et parfois une
hypertension artérielle transitoire.
Les intoxications par entolome
livide peuvent induire une cytolyse hépatique modérée.
L’ingestion de paxille enroulée (Paxillus involutus) crue ou mal cuite
est responsable d’un syndrome digestif banal, mais la survenue
d’une anémie hémolytique aiguë a été rapportée ; une
plasmaphérèse a été proposée ; la toxine est inconnue mais des
anticorps « anti-extrait paxillien » ont été mis en évidence.
Ce
syndrome exceptionnellement rapporté porte le nom de syndrome paxillien.
Conclusion
:
La survenue de troubles digestifs au décours d’un repas de
champignons doit faire suspecter une intoxication dont la gravité est
fonction de la durée de la période de latence.
Toute intoxication à
période de latence longue (supérieure ou égale à 6 heures), doit être
considérée, jusqu’à preuve du contraire, comme une intoxication grave,
et imposer l’hospitalisation du patient ainsi que de tous les convives
ayant partagé le même repas.
Lorsque la période de latence est courte, qu’il n’existe ni syndrome atropinique, ni syndrome muscarinique et que les troubles digestifs sont
modérés, un traitement symptomatique peut être mis en route, à
condition de s’assurer de la régression des troubles digestifs dans les
heures suivantes.
En effet, la persistance de ces troubles, voire leur
aggravation, peut faire craindre une intoxication mixte par deux
variétés de champignons.
Par ailleurs, la vigilance des cliniciens à détecter tout événement
inhabituel doit être constante ; en effet, vu l’importance actuelle de la
consommation de champignons sauvages, il est à craindre que de
nouvelles espèces toxiques puissent être consommées et occasionner des
troubles dont l’origine alimentaire pourrait être méconnue.
Enfin,
l’identification botanique des espèces en cause par des mycologues
devrait être systématique.