cortisol et aldostérone,
secondaire à une atteinte des deux glandes surrénales.
L’insuffisance corticotrope, d’origine hypothalamohypophysaire,
n’entraîne qu’un déficit de production de
cortisol, les glandes surrénales étant normales et assurant
la production d’aldostérone.
Sur le plan étiologique, il existe 4 circonstances
cliniques différentes à l’origine d’une insuffisance
surrénale aiguë.
A - Insuffisance surrénale aiguë
d’origine surrénale :
1- L’insuffisance surrénale chronique
est connue et traitée :
Il s’agit d’une maladie d’Addison quelle qu’en soit
l’origine (auto-immune le plus souvent), et l’on doit
impérativement rechercher un facteur déclenchant la
décompensation aiguë :
– arrêt inopiné du traitement par le patient lui-même ;
– régime désodé ;
– effort physique majeur ;
– perte de sel : vomissements, diarrhée, sueurs abondantes
dans un contexte de chaleur excessive ;
– syndrome infectieux (grippe souvent) ;
– traumatisme ;
– chirurgie ;
– grossesse évolutive ;
– stress de toute nature ;
– origine médicamenteuse : diurétiques, laxatifs, opiacés,
sédatifs et médicaments inducteurs enzymatiques
[rifampicine (Rifadine), phénobarbital (Gardénal), phénylhydantoïne
(Di-Hydan)].
Cette situation est évitable par la prévention et l’éducation
du patient.
Les troubles de l’hormonosynthèse surrénale (bloc
en 21 hydroxylase) sont connus depuis l’enfance, traités
et peuvent donner dans les mêmes circonstances une
insuffisance surrénale aiguë.
Chez l’adulte, ces blocs
enzymatiques surrénaux ne sont jamais découverts dans
ce contexte.
2- L’insuffisance surrénale chronique
est méconnue :
Elle doit être suspectée par l’interrogatoire à la
recherche d’une symptomatologie évocatrice d’insuffisance
surrénale lente pouvant évoluer depuis des mois
voire des années et par l’examen clinique qui retrouve
une mélanodermie importante.
La décompensation
aiguë de la maladie latente se fait le plus souvent à l’occasion
d’un des facteurs déclenchants décrits ci-dessus.
L’origine en est le plus souvent auto-immune, confirmée
par la recherche d’anticorps anti-surrénaux, plus rarement
d’origine tuberculeuse.
3- L’insuffisance surrénale aiguë est brutale
(lésions bilatérales aiguës des 2 surrénales) :
• Hémorragies et (ou) hématomes bilatéraux des surrénales
: ils sont rares et gravissimes, souvent liés à un
trouble de l’hémostase :
– coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ;
– thrombopénie à l’héparine ;
– traitement anticoagulant (lors de l’institution d’un
traitement par antivitamines K) ;
– lupus ;
– syndrome des antiphospholipides ;
– maladie thrombotique (cancers, hémopathies).
Exceptionnellement, ils peuvent survenir dans un
contexte traumatique : traumatisme thoraco-abdominal
ou crânien sévère.
• Les métastases bilatérales des surrénales sont fréquentes
au cours de l’évolution des pathologies cancéreuses.
Elles sont le plus souvent asymptomatiques mais
peuvent parfois se manifester sous forme d’une insuffisance
surrénale aiguë.
• Certaines infections opportunistes au cours d’un sida
avéré peuvent se localiser au niveau des surrénales :
mycose, cytomégalovirus…
• L’insuffisance corticotrope aiguë peut être d’origine
hypophysaire : 1ere manifestation d’un panhypopituitarisme,
ancien et méconnu, quelle qu’en soit la cause
(tumeur hypophysaire, syndrome de Sheehan…).
Il
existe habituellement un facteur déclenchant qui aggrave
la carence en cortisol et induit une insuffisance corticotrope
aiguë : tous les types de stress ou d’affections
intercurrentes.
Les autres signes de panhypopituitarisme,
en particulier de déficit gonadotrope, sont faciles à
retrouver par l’interrogatoire.
Mais l’insuffisance corticotrope
peut être récente dans certaines pathologies hypophysaires
comme l’apoplexie hypophysaire.
Elle peut
être également isolée, seule manifestation du déficit
hypophysaire.
Après chirurgie hypophysaire pour un macro-adénome,
le risque est faible, car le traitement substitutif est mis
en oeuvre d’emblée.
• Sevrage d’une corticothérapie au long cours : l’insuffisance
surrénale aiguë apparaît lors d’un arrêt brutal de la
corticothérapie ou lors d’une dégression trop rapide des
doses de corticoïdes.
Elle peut également apparaître à
distance du sevrage, lors d’une affection intercurrente.
En pratique, lorsqu’un sevrage d’une corticothérapie au
long cours est programmé, il convient de diminuer les
doses de corticoïdes jusqu’à l’équivalent de 30 mg/j
d’hydrocortisone (environ 7 mg/j de prednisone,
Cortancyl), de les remplacer par l’hydrocortisone à la
posologie de 30 mg/j et de proposer une alimentation
normosodée.
Une surveillance clinique et hormonale est
nécessaire pour envisager le sevrage définitif.
• Les cause iatrogéniques lors du traitement d’un syndrome
de Cushing : lors d’un traitement médical par anticortisoliques
de synthèse [aminoglutéthimide, Orimétène
(risque immédiat), op’DDD, Mitotane (après une quinzaine
de jours de traitement), kétoconazole, Nizoral, à fortes
doses (après quelques jours)], un traitement par hydrocortisone
doit systématiquement être associé.
Après traitement chirurgical d’un syndrome de Cushing
tel que l’ablation d’une tumeur surrénalienne unilatérale
sécrétante, la surrénalectomie totale bilatérale ou l’adénomectomie
hypophysaire dans une maladie de
Cushing, l’insuffisance corticotrope est classique par
inertie de l’axe corticotrope.
Un traitement par hydrocortisone
doit systématiquement être institué dès l’acte
chirurgical.
Diagnostic :
Le diagnostic doit être évoqué dès l’examen clinique
afin de démarrer le traitement d’urgence.
Les signes biologiques
viendront étayer l’hypothèse diagnostique, qui
est confirmée définitivement par les dosages hormonaux
reçus ultérieurement.
A - Signes cliniques :
Ils s’installent rapidement en quelques heures, d’emblée
ou après une phase prodromique parfois longue
(quelques mois voire années) d’insuffisance surrénale
lente.
Quatre signes majeurs caractérisent le tableau d’insuffisance
surrénale aiguë.
1- Signes digestifs
:
Nausées, vomissements, diarrhée parfois cholériforme
évoluent dans un contexte de douleurs épigastriques ou
abdominales diffuses.
L’examen clinique abdominal est
normal.
Le tableau peut évoquer un aspect pseudochirurgical.
2- Troubles psychiques :
Ils sont variables. L’asthénie évolue vers une adynamie
extrême puis un coma.
Parfois un tableau psychiatrique
peut apparaître sous forme d’agitation, de délire ou de
confusion.
L’examen neurologique ne retrouve aucun
signe de localisation.
3- Troubles tensionnels :
La tension artérielle s’abaisse jusqu’au collapsus, avec un
pouls petit, filant et rapide.
Les extrémités sont froides.
4- Perte de poids :
Elle est intense, accompagnée d’une déshydratation
extracellulaire majeure : un pli cutané et une hypotonie
des globes oculaires sont constants.
5- Autres troubles :
Des douleurs diffuses sont fréquentes : myalgies,
arthralgies et céphalées.
Une hyperthermie peut exister,
sans signes infectieux.
À ce stade, le diagnostic d’insuffisance surrénale aiguë
doit être évoqué, après avoir recherché une mélanodermie
ou une phase prodromique d’insuffisance surrénale lente
et un facteur déclenchant.
Dès lors le traitement doit être
institué.
S’il s’agit d’une insuffisance corticotrope, les signes cliniques
sont pauvres : asthénie, anorexie, douleurs
vagues à type de céphalées ou d’arthralgies, sensation
de malaise général.
Les hypoglycémies cliniques sont
rares, de type organique.
Ces signes cliniques peuvent
être évocateurs dans un contexte de sevrage de corticothérapie,
d’autant qu’ils contrastent avec un faciès évocateur
de syndrome de Cushing.
B - Signes biologiques :
Le bilan biologique doit être fait d’urgence, en même
temps que débute le traitement.
Ce bilan doit comporter :
– dans le sang : numération formule sanguine (NFS), glycémie,
ionogramme, urée, créatinine, protides et gaz du sang ;
– dans les urines : ionogramme sur un échantillon.
Ces examens biologiques donnent les résultats
suivants :
• dans le sang, la natrémie est basse, parfois inférieure
à 120 mmol/L ; l’hyperkaliémie peut être menaçante
impliquant la réalisation d’un électrocardiogramme
(ECG), la chlorémie est abaissée.
Les gaz du sang mettent
en évidence une acidose d’origine métabolique.
L’hypoglycémie est constante, majorant les signes psychiques.
La numération formule sanguine montre une hyperéosinophilie classique, peu spécifique.
Les signes
d’insuffisance rénale fonctionnelle sont constants
(déshydratation extracellulaire) : élévation des taux
d’urée, de protides et de l’hématocrite ;
• dans les urines, la natriurèse est élevée par fuite sodée
et la kaliurèse est basse, témoignant du déficit en aldostérone
(en l’absence de prise de diurétiques « épargneurs
» de potassium).
Dans l’insuffisance corticotrope, les signes biologiques
liés au déficit minéralocorticoïde sont absents, seule
l’hypoglycémie est présente.
Parfois, une hyponatrémie
de dilution est observée.
C - Diagnostic hormonal :
Dès la suspicion du diagnostic d’insuffisance surrénale
aiguë, il faut effectuer des prélèvements sanguins pour
dosages plasmatiques du cortisol, de l’ACTH (adrenocorticotrophic
hormone), de la rénine et de l’aldostérone.
Il ne faut pas attendre les résultats de ces examens pour
traiter.
Les résultats confirment définitivement le
diagnostic devant des taux effondrés de cortisol et
d’aldostérone, et des taux élevés d’ACTH et de rénine.
Dans l’insuffisance corticotrope, le taux plasmatique de
cortisol est bas, le taux d’ACTH normal ou bas.
Prévention :
La prévention repose sur l’éducation du patient dès
qu’un diagnostic d’insuffisance surrénale est posé.
Elle
permet ainsi d’éviter ce type de décompensation.
Les
principes sont les suivants :
– information du patient et de son entourage ;
– alimentation normalement sodée ;
– proscrire les régimes sans sel, les diurétiques, les
laxatifs ;
– en cas de stress ou d’affection intercurrente, doubler
voire tripler les doses quotidiennes d’hydrocortisone ;
– en cas de troubles digestifs, utiliser la voie intramusculaire
pour l’injection d’hémisuccinate d’hydrocortisone ;
– prévenir l’anesthésiste en cas d’intervention chirurgicale.
L’ensemble de ces principes doit être inscrit sur la carte
d’insuffisant surrénal donnée au patient.
Sur cette carte,
doivent également figurer les noms de son médecin traitant
et de son spécialiste ainsi que le traitement habituel.
Conduite à tenir en situation
d’urgence avec la posologie
médicamenteuse
:
Le pronostic vital est mis en jeu à court terme.
Cela
nécessite, si besoin est (gravité du tableau clinique, éloignement
du centre hospitalier), une prise en charge à
domicile sous forme d’une injection intraveineuse de
100 mg d’hémisuccinate d’hydrocortisone et une hospitalisation
en milieu spécialisé pour mise en place du
traitement.
Le traitement comporte 2 volets essentiels :
corriger les désordres hydro-électrolytiques et compenser
le déficit hormonal.
A - Mise en condition du patient
:
Une voie d’abord veineuse périphérique ou centrale,
selon la gravité clinique, est mise en place.
Les soins de
nursage seront prescrits avec une prévention des
complications de décubitus par héparine de bas poids
moléculaire (Lovenox).
Au niveau des examens
complémentaires, on réalise des prélèvements bactériologiques
systématiques ainsi qu’un électrocardiogramme.
Un test de grossesse doit être demandé s’il s’agit d’une
femme jeune.
B - Recharge volémique et sodée
:
S’il existe un collapsus, une perfusion de solutés macromoléculaires
est mise en place sous contrôle de la pression
veineuse centrale.
La réhydratation comporte une perfusion de 4 à 6 L de
sérum glucosé à 10 % pour les premières 24 heures : 2 à
3 L pendant les 6 premières heures, 2 à 3 L dans les 18
heures suivantes, avec 4 à 6 g de chlorure de sodium par
litre sans adjonction de potassium.
C - Traitement hormonal :
Si l’injection intraveineuse de 100 mg d’hémisuccinate
d’hydrocortisone n’a pas été faite à domicile, un bolus
de 100 mg doit être injecté par voie veineuse et relayé
par 300 mg par 24 heures d’hémisuccinate d’hydrocortisone
également par voie veineuse, à la seringue électrique,
pour les 24 premières heures.
D - Traitement du facteur déclenchant :
Le traitement antibiotique est quasi systématique après
les prélèvements bactériologiques.
Une grossesse doit
être systématiquement recherchée chez une femme
jeune.
E - Éléments de surveillance :
La surveillance clinique implique de noter : l’état de
conscience ; le pouls ; la pression artérielle ; la fréquence
respiratoire ; la température ; le poids ; la diurèse.
On y associe la surveillance biologique des ionogrammes
sanguins et urinaires, de la glycémie et des
taux d’urée et de créatinine plasmatiques, toutes les
3 heures au début.
L’électrocardiogramme doit également être surveillé.
F - Évolution
:
L’amélioration clinique est rapide, en moins de 24 h.
La posologie d’hémisuccinate d’hydrocortisone par
voie veineuse à la seringue électrique peut être réduite
à 200 mg/24 h le lendemain, puis 100 mg/24 h et
dégression progressive jusqu’à la posologie d’entretien
de 30 à 40 mg d’hydrocortisone.
Cette dégression est
faite par voie orale dès que l’état du patient le permet.
La fludrocortisone est introduite dès que la voie orale est
possible à raison de 50 mg/j le matin.
L’éducation du patient est systématiquement revue avant
sa sortie.