Infections urinaires au cours de la grossesse Cours de
Gynécologie
Les infections urinaires sont les pathologies infectieuses
bactériennes les plus fréquentes de la grossesse.
Elles
touchent 5 à 10 % des femmes enceintes.
Elles se distinguent par la grande fréquence de leurs
formes asymptomatiques.
Elles ne sont pas plus
fréquentes que chez la femme « non enceinte » mais
peuvent avoir des répercussions graves chez la mère
et l’enfant.
On distingue 3 cadres nosologiques :
– la bactériurie asymptomatique ;
– la cystite aiguë ;
– la pyélonéphrite aiguë.
Diagnostic :
A - Examen cytobactériologique des urines :
Une infection urinaire est affirmée par la positivité de
l’examen cytobactériologique des urines (ECBU).
Le diagnostic d’infection urinaire repose sur la présence
d’au moins 104 leucocytes et de 105 germes par mL
d’urine.
L’ECBU doit être fait dans de bonnes conditions d’asepsie
après toilette locale soigneuse, en milieu de jet et recueil
des urines dans un récipient stérile.
La toilette périnéale, réalisée à 2 reprises à l’aide d’un
antiseptique, a pour but d’éliminer les contaminations
de l’ECBU par des germes vulvo-vaginaux et (ou)
digestifs.
Le prélèvement en milieu de jet, quant à lui, permet
d’éliminer les germes urétraux présents dans le début
du jet.
Le sondage vésical doit être évité.
Les urines doivent être ensemencées immédiatement ou
conservées à 4 °C.
Les résultats sont obtenus après 48 h
de mise en culture et comprennent l’identification du
germe responsable et un antibiogramme.
L’infection urinaire est classiquement monomicrobienne
et la présence de plusieurs germes doit faire remettre en
cause la bonne réalisation de l’ECBU.
De même l’existence isolée d’une leucocyturie ou d’une
bactériurie ne permet pas d’affirmer l’infection urinaire.
Elle doit faire considérer le contexte clinique, l’existence de
signes fonctionnels et impose de recommencer l’examen.
B - Bandelettes urinaires :
Le dépistage des infections urinaires peut être effectué
au lit du malade ou en consultation, au moyen de
l’utilisation de bandelettes réactives urinaires (Uritest 2,
Multitest).
Elles permettent, si elles sont négatives, d’éliminer le
diagnostic d’infection urinaire de manière quasi certaine.
Lorsqu’elles diagnostiquent la présence de leucocytes et
de nitrites dans les urines l’infection est très probable.
La sensibilité des bandelettes urinaires est de 92 %.
Elles permettent donc, en cas de négativité, d’éviter la
réalisation d’ECBU inutile mais celui-ci doit être réalisé
en cas de dépistage par la bandelette de sang, de leucocytes
ou de nitrites.
La loi rendant obligatoire la recherche mensuelle d’albuminurie
et de glycosurie, l’utilisation de bandelettes
urinaires permet facilement d’effectuer dans le même
temps cette recherche et le dépistage des infections
urinaires.
C - Bactériurie asymptomatique :
On la définit par la persistance, à 2 ECBU distincts,
d’une bactériurie supérieure ou égale à 105/mL et
l’absence de signes fonctionnels.
Le diagnostic est suspecté le plus souvent au décours
d’un dépistage par bandelette urinaire.
La fréquence de la bactériurie asymptomatique augmente
avec le terme de la grossesse.
Elle est de 0,8 % à
12 semaines d’aménorrhée et de 1,93 % en fin de grossesse
avec un maximum à 16 semaines d’aménorrhée.
Cela justifie son dépistage systématique par bandelette à
16 semaines d’aménorrhée.
La bactériurie asymptomatique non traitée se complique,
dans 40 % des cas, de pyélonéphrite aiguë et seulement
dans 2,3 % des cas quand elle est traitée ; le traitement
des bactériuries asymptomatiques ne modifie pas la
survenue des cystites.
D - Cystite :
La cystite est une infection du bas appareil urinaire.
On la définit par l’association d’une symptomatologie
vésicale et d’un ECBU positif.
La patiente est apyrétique.
Elle apparaît dans 0,3 à 2% des grossesses, ce qui est
très proche de la fréquence chez la femme « non enceinte ».
Les signes fonctionnels sont des signes vésicaux :
– brûlures mictionnelles, surtout en fin de miction ;
– pollakiurie ;
– plus rarement, hématurie terminale.
Les signes fonctionnels de cystite sont facilement
atténués pendant la grossesse, ce qui doit toujours faire
évoquer son diagnostic.
Le diagnostic est affirmé par l’ECBU (présence d’au
moins 104 leucocytes et de 105 germes par mL d’urine).
Non traitée, elle peut évoluer vers la pyélonéphrite.
E - Pyélonéphrite aiguë :
La pyélonéphrite aiguë est une infection du haut
appareil urinaire ; c’est une infection urinaire fébrile.
Le tableau classique comporte :
– un début brutal ;
– une fièvre à 39-40 °C, avec frissons et altération de
l’état général.
1- Signes fonctionnels :
Une douleur lombaire, le plus souvent à droite, irradie
vers la fosse iliaque et les organes génitaux.
La douleur
est intense, permanente avec paroxysmes.
Les signes vésicaux sont souvent au second plan :
brûlures mictionnelles, pollakiurie, hématurie ; parfois,
il existe une douleur isolée de la fosse iliaque.
2- Examen clinique :
À l’examen clinique, il existe une douleur à la palpation
de la fosse lombaire, parfois une douleur à la palpation
de la fosse iliaque.
Souvent, le tableau est incomplet ; le début est progressif,
la fièvre peut se limiter à une fébricule, la douleur peut
être absente.
Il faut savoir éliminer une urgence chirurgicale :
appendicite, cholécystite, sigmoïdite.
L’évolution est le plus souvent favorable sous traitement
avec disparition des douleurs, de la fièvre et stérilisation
des urines.
3- Complications maternelles :
• Choc septique : complication redoutable des pyélonéphrites,
notamment à bacille gram-négatif, elle
nécessite une prise en charge en soins intensifs.
Il associe :
– un collapsus circulatoire ;
– une insuffisance respiratoire aiguë ;
– une insuffisance rénale aiguë.
Il complique plus fréquemment les pyélonéphrites sur
obstacle, le plus souvent un calcul urétéral et peut
parfois démasquer une malformation urinaire méconnue.
En cas d’obstacle, il impose un drainage chirurgical des
urines en urgence par néphrostomie percutanée ou sonde JJ.
• L’abcès du rein et l’abcès périnéphrétique : ils sont
rares et se diagnostiquent à l’échographie rénale.
Leur
traitement repose sur le drainage percutané associé à
l’antibiothérapie.
4- Complications foetales
:
La pyélonéphrite est une cause d’accouchement prématuré.
La présence de contractions utérines est fréquente,
lors d’épisodes fébriles et notamment de pyélonéphrites.
La présence de contractions utérines impose fréquemment
le recours à une tocolyse.
Conduite à tenir devant
une pyélonéphrite aiguë gravidique :
Un examen obstétrical complet doit être effectué ainsi
que des examens complémentaires.
• Bilan infectieux et fonction rénale :
– numération formule sanguine, protéine C réactive ;
– ionogramme sanguin, urée et créatinine plasmatique ;
– hémocultures si température supérieure ou égale
à 38,5 °C et (ou) si frissons, au moins 3 avec recherche
de Listeria ;
– prélèvement vaginal ;
– échographie rénale ;
– urographie intraveineuse (UIV) s’il existe une suspicion
d’obstacle à l’échographie rénale (3 clichés) ou uroscanner.
• Bilan foetal : enregistrement du rythme cardiaque
foetal (selon le terme) ; échographie obstétricale.
Traitement
:
A - Préventif :
Le traitement préventif repose par la surveillance des
patientes à risque par la réalisation bihebdomadaire de
bandelettes urinaires et d’un dépistage des bactériuries
asymptomatiques systématique chez toutes les patientes
à 16 semaines d’aménorrhée.
Conseils hygiéno-diététiques : boissons suffisantes,
mictions après les rapports, mictions régulières,
essuyage d’avant en arrière après les mictions…
B - Curatif
:
Le traitement curatif repose sur l’antibiothérapie que
l’on débute après réalisation des prélèvements bactériologiques.
Celle-ci doit répondre à 3 critères :
– une bonne diffusion urinaire ;
– une innocuité pour le foetus ;
– être bactéricide.
Le tableau ci-dessous reprend les utilisations possibles
des différentes classes d’antibiotiques suivant le terme
de la grossesse.
Les quinolones sont éventuellement utilisables en cas
d’impératifs bactériologiques au 2e trimestre de la grossesse.
C - Bactériurie asymptomatique
et cystite aiguë
:
C’est une monothérapie par voie orale :
– amoxicilline (mais beaucoup d’E. coli sont résistants) ;
– amoxicilline + acide clavulanique : Augmentin ou C1G ;
– ou une C3G si résistance : céfixime (Oroken) ;
– les quinolones (et pas les fluoroquinolones qui sont
contre-indiquées) peuvent être utilisées au 2e trimestre
en cas d’impossibilité des traitements précédents,
nitrofurantoïne (Furadantine).
La durée du traitement est courte (3 jours) ou classique
(10 jours).
Un examen cytobactériologique des urines
de contrôle doit être réalisé dans les 15 jours.
La surveillance peut se poursuivre par la réalisation
bihebdomadaire de bandelettes urinaires.
D - Pyélonéphrite aiguë :
Une hospitalisation est indispensable, avec une antibiothérapie
débutée après réalisation des prélèvements
bactériologiques.
L’administration se fait par voie parentérale jusqu’à
obtention de 48 h d’apyrexie, puis per os pour une durée
totale de 3 semaines.
L’antibiotique doit être de bonne diffusion urinaire,
bactéricide, adapté secondairement à l’antibiogramme :
– céphalosporines de 3e génération de première intention
en monothérapie : céfotaxime (Claforan) ; ceftriaxone
(Rocéphine) ;
– amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin) ;
– rifampicine ou fosfomycine en cas d’impossibilité des
précédents.
L’adjonction d’un aminoside est possible si le pronostic
vital est en jeu ou si les signes cliniques ne s’amendent
pas rapidement.
En cas d’obstacle, un drainage chirurgical des urines
s’impose en urgence par néphrostomie percutanée ou le
plus souvent par sonde JJ.
On associe à l’antibiothérapie des antalgiques et antipyrétiques
(prodafalgan) ainsi qu’un traitement tocolytique.