Infections cutanées bactériennes : impétigo, furoncle, érysipèle
Cours de dermatologie
Impétigo
:
L’impétigo est une dermo-épidermite superficielle infectieuse.
C’est une pathologie de l’enfant, elle est le plus souvent
bénigne.
A - Étiologie
:
L’impétigo est la plus fréquente des infections cutanées de
l’enfant.
Les deux germes en cause sont le Streptococcus pyogenes
(streptocoque du groupe A de type b-hémolytique) et le
staphylocoque doré.
Dans la forme classique d’impétigo,
le caractère clinique des lésions ne permet pas de dire quel
est le germe responsable ; ils sont d’ailleurs souvent associés
au sein d’une même lésion.
C’est une pathologie contagieuse par contact direct avec
une lésion cutanée, responsable de petites épidémies scolaires
et familiales.
Elle est également auto-inoculable par
grattage.
L’impétigo est favorisé par une hygiène défectueuse et la sous-médicalisation ; il est par conséquent plus fréquemment
observé dans les pays pauvres et dans les classes
sociales défavorisées.
Il faudra toujours penser à rechercher une dermatose prurigineuse
sous-jacente, surtout dans les formes de l’adulte.
L’impétigo n’est pas une maladie immunisante, expliquant
la fréquence des récidives.
B - Diagnostic
:
Le diagnostic d’impétigo est clinique.
La lésion élémentaire
est une vésico-bulle flasque sur une peau inflammatoire, dont le contenu va se troubler secondairement.
Rapidement cette bulle fragile va se rompre sous les
frottements et les manoeuvres de grattage.
Elle laisse alors
place à une croûte dite mellicérique car la couleur jaunâtre
de l’exsudat séché rappelle celle du miel.
Plusieurs éléments
d’âges différents coexistent, apparaissant de proche
en proche par décollement de l’épiderme en périphérie de
la lésion.
Le siège classique de début des lésions est péri-orificiel
(nez et bouche), puis le cuir chevelu, les mains et les zones
accessibles au grattage sont atteintes.
La disposition
linéaire, le long de lignes de grattage est évocatrice.
C - Formes cliniques
:
1- Impétigo croûteux :
C’est la forme typique ; elle est la plus fréquente chez l’enfant
avant 10 ans.
L’impétigo est souvent primitif, sans dermatose sousjacente
le plus souvent.
Le siège est péri-orificiel.
L’examen peut retrouver des adénopathies satellites, mais
il n’existe pas de signes généraux.
Le prurit est peu intense.
Les principaux diagnostics différentiels sont la varicelle et
l’herpès.
L’évolution est rapidement favorable, les lésions guérissent
sans cicatrice.
2- Impétigo
bulleux :
C’est la forme
du nouveau-né
et du nourrisson.
Elle réalise de
grandes bulles
de 1 à 2 cm de
diamètre ,
flasques, sur
peau érythémateuse.
Rapidement les
phlyctènes laissent
place à de
vastes érosions
d’extension
rapide.
Le siège des
lésions est périgénital
et périanal,
favorisées
par la macération
dans les
couches et le
contact avec
l’urine.
Il n’y a pas de signes généraux.
Il s’agit d’une forme très contagieuse ; l’infection est manuportée,
responsable d’épidémies dans les maternités et les
crèches.
Le décollement bulleux réalise une forme localisée de Staphylococcal
Scalled Skin Syndrom (SSSS).
Le clivage épidermique
est dû à la sécrétion d’une toxine appelée exfoliatine,
par le staphylocoque doré du groupe phagique II.
Cette forme était dénommée improprement « pemphigus
épidémique ».
3- Impétiginisation :
C’est la forme la plus fréquente chez l’adulte.
Le germe
pénètre à travers la barrière cutanée à l’occasion d’une
lésion de grattage.
On recherchera systématiquement une
dermatose sous-jacente prurigineuse telle qu’une gale, une
pédiculose, un eczéma, un herpès ou une varicelle.
4- L’echtyma :
C’est un impétigo creusant, nécrotique, recouvert d’une
épaisse croûte noirâtre et entouré d’un halo inflammatoire,
siègeant sur les membres inférieurs.
Il s’agit d’une forme de l’adulte, favorisée par la mauvaise
hygiène, l’immunodépression, le diabète ou l’éthylisme
chronique.
Le germe responsable est le streptocoque.
Les lésions guérissent lentement et laissent des cicatrices.
D - Évolution
:
C’est une dermatose en générale bénigne.
Les lésions
régressent en quelques jours sous traitement, sans laisser
de cicatrice sauf dans l’echtyma.
Les récidives sont possibles car ce n’est pas une maladie
immunisante.
Les complications sont rares.
Les complications peuvent être locales à type d’abcès, de
pyodermites, de lymphangite, plus rarement ostéomyélite
et arthrite septique.
Les complications générales infectieuses sont des bactériémies,
des septicémies, et des pneumonies.
La glomérulonéphrite aiguë due au streptocoque du
groupe A est une complication immunologique : elle survient
surtout chez l’enfant entre 3 et 7 ans et confirme la
nécessité d’une antibiothérapie générale.
On recherchera
systématiquement une protéinurie par une bandelette urinaire
3 semaines après l’infection.
L’impétigo ne donne jamais de rhumatisme articulaire aigu.
E - Traitement
:
Le traitement de l’impétigo nécessite des mesures d’hygiène,
un traitement local et un traitement général.
1- Mesures d’hygiène :
– L’éviction scolaire est nécessaire quelques jours après la
mise en route des antibiotiques.
– Les ongles doivent être coupés ras et fréquemment brossés.
– On conseille des douches pluriquotidiennes avec un savon
antiseptique (Cytéal).
– Les vêtements, en coton, doivent être amples pour éviter
les frottements et la macération.
2- Traitement local :
– On prescrira des applications pluriquotidiennes de solution
antiseptique à base d’hexamidine (Hexomédine) ou de
nitrate d’argent à 0,5 %.
– On ramollira les croûtes avec des antibiotiques locaux en
pommade (Fucidine pommade).
3- Traitement général
:
Le traitement par voie générale est systématique.
L’antibiotique utilisé doit être actif sur le streptocoque du
groupe A et sur le staphylocoque doré.
Le plus souvent on
utilise la pristinamycine (Pyostacine), par voie orale, à la
dose de 2 g/j chez l’adulte et 50 à 100 mg/kg/j chez l’enfant.
La durée du traitement est de 10 jours.
On peut également proposer d’autres antibiotiques comme
des pénicillines M (oxacilline, Bristopen ou cloxacilline,
Orbénine), des macrolides (érythromycine, Érythrocine).
Il faut également penser à rechercher et traiter les sujets
contacts, un foyer ORL responsable du point de départ de
l’infection, et une dermatose sous-jacente.
Érysipèle
:
L’érysipèle est une dermo-hypodermite
aiguë d’origine infectieuse,
très souvent
streptococcique, généralement
bénigne.
Depuis une dizaine
d’années, il semble que
l’incidence de la maladie
augmente dans les
pays industrialisés de
façon sporadique.
La
moyenne d’âge des
sujets atteints est de
60 ans, le sex-ratio
de 1.
A -
Étiologie :
Le streptocoque b-hémolytique du groupe
A (Streptococcus pyogenes)
est le germe le plus souvent isolé, suivi des streptocoques des groupes G,
C et B.
Les érysipèles non streptococciques sont rares, dus à des
germes variés (staphylocoque doré en premier lieu).
• La porte d’entrée cutanée du germe doit être systématiquement
recherchée :
– aux membres inférieurs : intertrigo interdigitoplantaire,
plaie traumatique, ulcère veineux ;
– au visage : lésion excoriée d’un orifice narinaire ou d’une
oreille.
• Le facteur favorisant principal est l’oedème des membres
inférieurs (d’origine veineuse, cardiaque ou lymphatique),
mais aussi l’alcoolisme, le diabète et la désocialisation.
La
prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens favorise la survenue
de complications.
B - Diagnostic
:
Le diagnostic d’érysipèle est clinique.
1- Diagnostic positif :
• Cliniquement : le mode de début est brutal avec fièvre
élevée et frissons.
L’examen cutané retrouve un placard
érythémateux et oedémateux, chaud, douloureux, d’évolution
centrifuge, bien limité.
Il existe souvent une
adénopathie locorégionale et une lymphangite satellite.
• La localisation aux membres inférieurs est la plus fréquente,
favorisée à ce niveau par les troubles circulatoires.
Le tableau réalisé est celui d’une « grosse jambe rouge
aiguë fébrile ».
L’érysipèle de la face, plus rare actuellement, a pour particularités
:
– son caractère bilatéral fréquent ;
– l’importance de la réaction oedémateuse ;
– la présence d’un bourrelet périphérique classique, traduisant
le caractère superficiel de l’infection.
• Les examens complémentaires.
Certains sont réalisés
systématiquement et avant le début du traitement : hémocultures,
prélèvements bactériologiques au niveau de la
porte d’entrée.
Leur rendement est
faible.
D’autres
sont réalisés exceptionnellement
en
cas de doute diagnostique
ou de
forme grave : ponction-aspiration profonde,
biopsie avec
immunofluorescence,
imagerie en
résonance magnétique.
Les sérologies
streptococciques
(ASLO,
a n t i s t r e p t o d o r -
nases) sont utiles
rétrospectivement
malgré leur manque
de spécificité.
2- Diagnostic
différentiel :
• Aux membres
inférieurs, il faut
éliminer en premier lieu la fasciite nécrosante
mais également :
– un eczéma aigu ;
– une thrombose veineuse profonde (problème fréquent en
cas de troubles trophiques vasculaires préexistants) ;
– une lymphangite ;
– un syndrome de loge (ischémie musculaire par oedème
au niveau de la loge externe de jambe).
• Au visage, on évoquera toutes les causes d’oedème aigu
du visage :
– la staphylococcie maligne de la face doit être reconnue
rapidement du fait de sa gravité ;
– un eczéma aigu (importance du prurit) ;
– un zona ophtalmique (unilatéral) ;
– un oedème de Quincke (sans érythème).
Évolution :
• L’évolution est habituellement simple sous traitement
adapté, l’apyrexie est obtenue rapidement et les signes
locaux régressent en quelques jours.
En cas de mauvaise réponse au traitement, il faut craindre
une complication locale sous la forme d’une dermo-hypodermite
profonde (abcès, fasciite nécrosante).
Une thrombose veineuse profonde peut venir compliquer
un érysipèle, un écho-doppler veineux sera réalisé en cas
de doute clinique.
Cette complication semble toutefois rare
et ne justifie pas une anticoagulation à dose efficace systématique.
• Les complications générales sont : la décompensation
d’une tare sous-jacente (diabète, éthylisme chronique) et
le choc septique streptococcique.
• La complication tardive majeure est la récidive.
L’érysipèle
aggrave ou fait apparaître un lymphoedème qui favorise la récidive des épisodes infectieux (25 % des érysipèles
correspondent à des récidives).
La glomérulonéphrite
post-streptococcique est exceptionnelle mais justifie la
recherche d’une protéinurie 3 semaines après l’épisode
aigu.
Traitement
:
1- Traitement curatif :
• L’antibiothérapie : le traitement classique repose sur une
antibiothérapie précoce administrée par voie intraveineuse,
en milieu hospitalier : pénicilline G (12 à 20 millions d’unités/
24 h) jusqu’à l’obtention de l’apyrexie et la diminution
des signes inflammatoires locaux (environ 6 jours).
Un
relais par une antibiothérapie orale (pénicillineV, 4 millions
d’unités/24 h) doit être poursuivi pendant 8 jours.
La
durée totale du traitement ne doit pas être inférieure à
10 jours.
En cas d’allergie aux b-lactamines, un traitement par
macrolides par voie intraveineuse est justifié (érythromycine,
3 g/24 h).
• Les traitements associés comprennent :
– le traitement de la porte d’entrée (intertrigos) ;
– la prévention de la maladie thrombo-embolique (héparine
de bas poids moléculaire à dose isocoagulante, ex. :
Fraxiparine 0,3 mL sous-cutané/j) ;
– la prévention de la décompensation de tares (diabète,
éthylisme chronique) ;
– la vérification de la vaccination antitétanique.
2- Traitement préventif
:
La prise en charge d’une insuffisance veino-lymphatique
est essentielle (surélévation des membres inférieurs,
contention élastique).
L’efficacité d’une antibiothérapie au long cours est démontrée
chez les patients multirécidivants (benzylpénicilline :
Extencilline, 2,4 millions d’unités/3 semaines ou phénoxyméthylpénicilline
: Oracilline, 4 à 6 millions d’unités
par jour).
Ce traitement n’est que suspensif et sa durée n’est
pas définie, il est réservé aux patients très motivés.
Furoncle
:
C’est une folliculite
aiguë profonde, nécrosante.
A - Étiologie
:
1- Bactériologie :
Le staphylocoque doré
est le germe le plus
souvent en cause, ce
n’est pas un hôte habituel
de la peau, toutefois
on le retrouve au
niveau du périnée et
des fosses nasales chez
des sujets sains.
Son
implantation sur la
peau est favorisée par
l’existence de lésions
cutanées (plaie, cicatrices)
qui représentent
des réservoirs potentiels,
sources de récidives.
Il existe un
risque d’auto-inoculation
par les mains.
2- Les facteurs favorisants
:
Ils sont :
– locaux : la macération (zone des plis, fortes chaleurs), les
traumatismes locaux (vêtements serrés, rasage), les défauts
d’hygiène, la corticothérapie locale ;
– généraux : diabète, obésité. Un déficit immunitaire est
exceptionnellement retrouvé.
B - Diagnostic
:
1- Diagnostic positif :
Le furoncle se présente cliniquement comme un nodule
érythémateux surmonté d’une pustule.
La lésion est centrée
par un poil.
En quelques jours le nodule devient fluctuant,
très douloureux, la pustule se rompt en laissant s’éliminer
le bourbillon (produit de la nécrose du follicule
pilo-sébacé).
Les signes généraux sont absents.
Les zones pileuses et de frottement (ceintures) sont le plus
souvent atteintes.
Les examens complémentaires sont inutiles en routine.
2- Diagnostic différentiel
:
• Les folliculites sont des infections superficielles du follicule
pilo-sébacé d’origine fréquemment staphylococcique.
Cliniquement il s’agit de pustules centrées par un
poil dont l’évolution est favorable sous traitement antiseptique
local, sans cicatrice.
La coalescence de folliculites du
visage au niveau des zones pileuses réalise le sycosis staphylococcique,
d'évolution chronique.
Plus rarement, les dermatophytes occasionnent une atteinte inflammatoire des
follicules pileux réalisant un tableau de sycosis trichophytique.
• L’acné associe des lésions inflammatoires (nodules) et rétentionnelles (microkystes, comédons) siégeant au
visage, à la région médio-thoracique et au dos.
• L’hydrosadénite est une infection staphylococcique des
glandes sudoripares apocrines.
Elles siègent aux aisselles
et aux plis inguinaux.
• Un kyste épidermique surinfecté se différenciera du
furoncle par la notion d’une lésion préexistante à l’épisode
inflammatoire.
Enfin, on éliminera facilement les pustuloses non folliculaires
(psoriasis pustuleux, pustulose exanthématique aiguë
généralisée) et la pseudo-folliculite de la maladie de
Behçet.
C - Évolution
:
Le furoncle guérit habituellement en 15 jours en laissant
une cicatrice déprimée.
1- Complications aiguës :
• L’anthrax : placard inflammatoire formé d’un agglomérat
de plusieurs furoncles, en relief, douloureux, fébrile,
souvent localisé à la nuque.
• La staphylococcie maligne de la face est rare.
Elle vient
compliquer la manipulation d’un furoncle médio-facial.
Le
tableau clinique est celui d’une dermo-hypodermite profonde
du visage (placard rouge sombre extensif, mal limité)
avec signes généraux marqués.
L’évolution vers une thrombophlébite
du sinus caverneux gravissime est possible.
Le
traitement repose sur une antibiothérapie antistaphylococcique
par voie intraveineuse, associée à une anticoagulation.
2- Complications générales
:
Elles sont rares : septicémie à staphylocoque, décompensation
de tare.
3- La complication chronique
:
C’est la furonculose, définie par la récidive de furoncles
pendant des mois ou des années.
Dans ce cas, on doit réaliser
des prélèvements bactériologiques locaux chez le
patient et son entourage pour rechercher un portage chronique
au niveau de gîtes bactériens (nasal surtout).
Le
typage du germe sera effectué en fonction de son antibiogramme.
D - Traitement
:
1- Traitement du furoncle
:
• Antisepsie locale biquotidienne : chlorhexidine : Diaseptyl
sur les lésions, à poursuivre une semaine après la guérison
de la lésion.
• Des soins d’hygiène doivent être respectés : douche quotidienne,
lavage fréquent des mains, linge propre et personnel.
• L’excision du bourbillon ne peut être effectué qu’au stade
de fluctuation de la lésion, suivi de l’application d’une compresse
antiseptique afin de limiter la diffusion du germe.
• L’antibiothérapie générale est indiquée dans les formes
compliquées, la localisation au visage ou sur terrain débilité
: pristinamycine, Pyostacine, 2 g/j.
2- Traitement spécifique de la furonculose
:
En cas de portage chronique de staphylocoque doré, on
procède à une désinfection des gîtes bactériens chez le
patient et son entourage : antibiothérapie locale 2 fois par
jour sur les gîtes (narines, cicatrices de furoncles, anus) une
semaine par mois pendant 6 mois à 1 an (ex. : Fucidine
pommade).
Une antibiothérapie orale est parfois associée : rifampicine
(Rifadine) 600 mg 2 fois/j pendant 5 jours ou clindamycine
(Dalacine) 1 à 2 g/j pendant 10 jours.