Traitement immunosuppresseur en transplantation rénale Cours de Néphrologie
Introduction
:
Le traitement immunosuppresseur en transplantation rénale a pour
but de prévenir le développement d’un rejet aigu du greffon.
Cet
événement représente un facteur de risque majeur de perte du
greffon rénal, soit par rejet incontrôlable, soit ultérieurement par
rejet chronique.
Certains principes généraux doivent guider le choix du traitement
immunosuppresseur :
– le risque de rejet aigu est le plus élevé pendant les 3 premiers
mois après la greffe.
Il est maximal durant le premier mois, peutêtre
parce que l’inflammation consécutive à l’ischémie du greffon
augmente son pouvoir immunogénique.
L’immunosuppression
doit donc être la plus intense à cette période et peut être
progressivement réduite ensuite ;
– tout patient transplanté reste toutefois soumis au risque de
présenter un épisode de rejet, même de nombreuses années après la
transplantation, au cas où son traitement immunosuppresseur est
soit réduit, soit arrêté.
Ceci peut se produire lorsque le patient ne
prend plus son traitement par incompliance, ou lorsque les médecins
estiment nécessaire de diminuer l’immunosuppression ;
– les mêmes schémas immunosuppresseurs ne doivent pas être
administrés à tous les patients.
En effet, les patients transplantés sont
différents non seulement face au risque de rejet, mais aussi quant
aux dangers de l’immunosuppression.
Une immunosuppression plus intense doit être administrée aux patients présentant un risque
accru de rejet, tels ceux qui ont rejeté rapidement une greffe
préalable ou ceux qui présentent dans leur sérum des taux élevés
d’anticorps anti-human leucocyte antigens (HLA).
À l’inverse,
certaines catégories de patients, tels les patients âgés ou encore les
receveurs de reins provenant de donneurs vivants identiques pour
les antigènes HLA, présentent moins fréquemment des crises de rejet
et peuvent ainsi bénéficier d’un allégement du traitement
immunosuppresseur ;
– chacune des drogues immunosuppressives utilisées en
transplantation rénale contribue à une réduction de la résistance aux
infections ainsi qu’au risque de développer un cancer.
Ces deux
effets secondaires majeurs du traitement immunosuppresseur ne
résultent pas d’une drogue en particulier, mais reflètent plutôt la
quantité totale d’immunosuppression administrée.
Médicaments immunosuppresseurs
:
Plusieurs classes de médicaments immunosuppresseurs sont
actuellement disponibles.
Chaque classe inhibe une ou
plusieurs étapes distinctes de l’activation du lymphocyte T, qui est
la cellule effectrice principale du rejet.
Pour cette raison, les
protocoles immunosuppresseurs associent souvent plusieurs
drogues appartenant à des classes différentes pour augmenter
l’efficacité antirejet. Nous allons dans un premier temps décrire le
mode d’action et les effets secondaires principaux des médicaments
immunosuppresseurs, pour exposer ensuite les différentes
associations thérapeutiques utilisées actuellement.
A - MODULATEURS DE CYTOKINES
:
1- Inhibiteurs de la calcineurine (ICN)
:
Les représentants de cette classe constituent la pierre angulaire du
traitement immunosuppresseur des patients transplantés.
Deux
drogues sont actuellement disponibles : la ciclosporine A (CsA) et le tacrolimus (TRL).
Ces deux molécules se lient à des récepteurs
intracellulaires ubiquitaires, les immunophilines. La CsA se fixe sur
la cyclophyline, et le TRL sur la FK-binding-protein (FKBP)-12.
Les immunophilines complexées lient et inhibent la calcineurine, une
phosphatase qui active les promoteurs de la transcription de gènes
de cytokines tels que l’interleukine (IL)2, l’interféron gamma ou le
facteur de nécrose tumorale au sein des lymphocytes T activés.
- Effets secondaires.
À part les inconvénients cosmétiques, tels hirsutisme et hypertrophie
gingivale pour la CsA ou alopécie pour le TRL, deux complications
métaboliques retiennent l’attention : l’hypercholestérolémie et le
diabète, induits respectivement par la CsA et le TRL. Ainsi, la
proportion de patients hypercholestérolémiques (cholestérol total
> 200 mg/dL) 1 an après greffe rénale s’élève à 67 % sous CsA,
contre 26 % sous TRL.
Cette augmentation se produit aux dépens
du low density lipoproteins (LDL)-cholestérol, dont les taux sont en
moyenne supérieurs de 50 mg/dL sous CsA.
La conversion au TRL, chez des patients transplantés hypercholestérolémiques sous
CsA, permet le plus souvent de corriger ce trouble métabolique.
L’incidence des pathologies cardiovasculaires étant très accrue chez
les patients greffés, l’absence d’effet hypercholestérolémiant du TRL
pourrait donc s’avérer bénéfique au long cours.
À l’inverse, l’incidence du diabète de novo apparaissant après la
transplantation, défini comme la nécessité d’administrer de l’insuline
pendant au moins 1 mois, est plus élevée sous TRL que sous CsA.
Ainsi, dans l’étude prospective européenne, cette complication se
rencontre chez 8 % des patients traités par TRL contre 2 % sous CsA.
Si une réduction des doses de TRL et de corticoïdes permet
fréquemment l’arrêt de l’insuline, jusqu’à 50 % des patients ayant
présenté un diabète de novo requièrent encore de l’insuline à 1 an,
laissant suspecter que cette complication peut être irréversible.
Une vigilance soutenue et la conversion du TRL à la ciclosporine
aux premiers signes d’intolérance glucidique après la greffe devrait
permettre de limiter considérablement l’incidence de cette
complication.
En ce qui concerne l’hypertension artérielle, effet secondaire bien
connu de la ciclosporine, elle serait moins fréquente et moins sévère
sous TRL.
En revanche, il semble clair aujourd’hui que les deux
drogues sont tout aussi néphrotoxiques.
La néphrotoxicité des ICN
se caractérise d’une part par des altérations fonctionnelles
réversibles, liées à une vasoconstriction des artérioles afférentes des
glomérules.
D’autre part, ces drogues peuvent aussi induire, lors
d’un usage prolongé, des lésions chroniques, irréversibles, du
parenchyme rénal, caractérisées histologiquement par une hyalinose
artériolaire et une fibrose interstitielle.
La toxicité chronique des ICN semble ainsi participer chez certains patients à la faillite
progressive de la fonction du greffon.
2- Inhibiteurs de l’action des cytokines
:
* Sirolimus (SRL)
:
Le SRL, ou rapamycine, dont la structure biochimique ressemble à
celle du TRL, se lie à la même immunophiline, le FKBP-12.
Toutefois,
à la différence du TRL, le SRL agit à une étape ultérieure de
l’activation lymphocytaire : il n’inhibe pas la calcineurine mais bien
une molécule (mammalian target of rapamycin [mTOR]), impliquée
dans la prolifération induite par des cytokines telles l’IL2, l’IL4, l’IL7
ou encore l’IL15.
- Effets secondaires.
Ils consistent principalement en :
– une hypertriglycéridémie et une hypercholestérolémie : près de la
moitié des patients inclus dans les essais cliniques où le SRL est
utilisé comme drogue principale ont dû recevoir un médicament
hypolipémiant ;
– une thrombocytopénie ;
– des arthralgies, dont la cause pourrait être des fractures épiphysaires similaires à celles rencontrées sous CsA.
L’avantage majeur du SRL réside dans le fait que, à l’inverse des
ICN, cet immunosuppresseur est dépourvu d’effet néphrotoxique et
ne provoque pas d’hypertension artérielle.
* « Rapamycine-derivative » (RAD)
:
Le RAD est une molécule presque identique au SRL. Une discrète
modification biochimique a pour effet principal de réduire la très
longue durée de demi-vie qui caractérise le SRL.
Une récente
étude pilote de phase I a montré que le RAD présente le même
spectre d’effets secondaires que la rapamycine.
B - ANTIPROLIFÉRATIFS
(ANTIPURINES) :
Ils inhibent la
synthèse de l’acide désoxyribonucléique (ADN), et par conséquent la
prolifération des lymphocytes T et B.
1- Azathioprine (AZA)
:
C’est un dérivé de la 6-mercaptopurine, molécule analogue aux
purines, capable d’inhiber la synthèse des nucléotides puriques. Il
est utilisé en transplantation rénale depuis environ 30 ans.
Les effets
secondaires sont une toxicité médullaire (surtout une leucopénie) et
hépatique (sous forme de cholestase et parfois d’une maladie veinoocclusive).
Il est à noter que l’AZA est dégradé par la xanthine
oxydase.
Cette enzyme est inhibée par l’allopurinol, médicament hypo-uricémiant.
L’association d’allopurinol et d’AZA est à éviter,
sous peine de provoquer une grave toxicité de l’AZA.
2- Mycophénolate mofétil (MMF)
:
Cette molécule inhibe l’enzyme inosine-monophosphate
déshydrogénase, impliquée dans la synthèse de novo des purines.
Le MMF bloque plus spécifiquement les lignées cellulaires dont la
prolifération dépend de cette voie de synthèse : les lymphocytes T
et B et les monocytes.
De plus, l’inhibition de cette enzyme interfère
avec la synthèse des molécules d’adhésion. Les effets secondaires
principaux du MMF sont la leucopénie et la diarrhée.
Ainsi, la dose
de MMF a dû être réduite chez près de 25 % des patients pour
leucopénie.
La diarrhée touche 10 à 20 % des patients et répond
le plus souvent, soit à un fractionnement de la dose en plusieurs
prises, soit à une réduction de la dose.
Il faut noter que le MMF
est dépourvu des effets secondaires rencontrés avec les ICN, le SRL
ou les corticoïdes, tels l’hypertension, l’hyperlipémie, le diabète, la
néphrotoxicité ou les complications osseuses.
C - ANTICORPS ANTILYMPHOCYTAIRES
:
1- OKT3 et « antithymocyte globulins » (ATG)
:
L’OKT3 est un anticorps monoclonal de souris dirigé contre le
complexe CD3, série de protéines associées au récepteur à l’antigène
des lymphocytes T.
Les préparations polyclonales d’ATG sont
obtenues en immunisant des lapins ou des chevaux à l’aide de
lymphocytes humains.
Elles contiennent des anticorps dirigés contre
de nombreux antigènes membranaires dont certains sont représentés
uniquement sur les cellules T.
Le mécanisme d’action principal de
l’OKT3 et de l’ATG consiste en une déplétion du sang circulant en
lymphocytes T.
En ce qui concerne les effets secondaires, tant
l’OKT3 que l’ATG entraînent un syndrome de relargage de cytokines
après la première dose.
Les principaux symptômes cliniques
consistent en fièvre, myalgies, nausées, vomissements et céphalées.
En outre, tant l’OKT3 que l’ATG peuvent entraîner, chez le receveur,
la synthèse d’anticorps dirigés contre les immunoglobulines
étrangères injectées.
Ceci peut avoir pour conséquence possible une
neutralisation avec perte d’efficacité en ce qui concerne l’OKT3, et
une maladie sérique en ce qui concerne l’ATG.
Enfin, l’ATG
provoque fréquemment une leucopénie et une thrombopénie
transitoires.
2- Anticorps antirécepteurs à l’interleukine 2
(AC anti-IL2R)
:
La prolifération des lymphocytes T induite par l’IL2 constitue une
étape importante à l’origine du rejet d’allogreffe.
Les AC anti-IL2R
entraînent une immunosuppression plus spécifique que l’OKT3 ou
l’ATG.
En effet, la chaîne a du récepteur à l’IL2 n’est exprimée que
sur les cellules T activées.
Deux anticorps monoclonaux dirigés
contre la chaîne a du récepteur à l’IL2 (AC anti-IL2R) ont été
récemment étudiés en transplantation rénale : le daclizumab ou
dacliximab (Zenapaxt), un anticorps humanisé, et le basiliximab
(Simulectt), un anticorps chimérisé.
Ces anticorps ne retiennent des
anticorps murins parentaux que les régions variables responsables
de la liaison au récepteur de l’IL2.
Leur durée de vie est beaucoup
plus longue que celle des anticorps de rongeurs.
En effet, à l’inverse
des immunoglobulines humaines, les anticorps de rongeurs
présentent des sites glycosylés contre lesquels nous possédons des
anticorps naturels.
En outre, la réduction de leur charge antigénique
globale permet aux anticorps chimériques et humanisés de ne pas
susciter chez l’hôte la formation d’anticorps neutralisants, à l’inverse
des immunoglobulines murines comme l’OKT3.
Finalement, la
chaîne a du récepteur à l’IL2 ne possédant pas la capacité de
« transduire » un signal d’activation, les AC anti-IL2R n’entraînent
pas le syndrome de libération de cytokines observé avec l’OKT3 ou
l’ATG, et sont donc très bien tolérés.
Ainsi, à ce jour, il n’y a pas
d’effets secondaires associés à l’usage des AC anti-IL2R.
D - CORTICOSTÉROÏDES
:
Ils possèdent des propriétés anti-inflammatoires considérables et
entraînent à doses élevées une importante déplétion des
lymphocytes du sang circulant.
En outre, les corticostéroïdes
inhibent la transcription des gènes de cytokines, tant au sein des
cellules T que des macrophages.
Ils sont encore aujourd’hui utilisés
en traitement d’entretien chez la majorité des patients et restent le
traitement de première intention (en bolus intraveineux) lors de la crise de
rejet.
Leurs effets
secondaires sont toutefois multiples : hypertension artérielle,
diabète, hyperlipémie, ostéoporose.
Nous verrons que de nouvelles stratégies visent actuellement à
limiter leur usage.
Choix des associations thérapeutiques
:
A - PRÉVENTION DU REJET
:
1- Associations thérapeutiques classiques
:
Les traitements administrés durant les premiers mois de la greffe
comportent en général une association de trois médicaments :
– un ICN (CsA ou TRL), qui constitue la base du traitement ;
– un antiprolifératif (MMF ou AZA), ou un inhibiteur de l’action
des cytokines (SRL ou RAD) ;
– des corticoïdes.
En outre, on peut y associer au cours des premières semaines de la
greffe un traitement par des anticorps antilymphocytaires, soit
OKT3-ATG, soit AC anti-IL2R.
Un tel traitement est appelé
« induction ».
Un traitement d’induction semble utile lors de greffes
présentant un risque accru de rejet.
Les facteurs de risque
immunologique classiques sont la présence d’incompatibilités HLA-B et HLA-DR avec le donneur, le jeune âge du receveur, la
race noire, la présence de taux élevés d’anticorps anti-HLA, ou
encore le fait d’avoir perdu rapidement une greffe préalable par
rejet.
Plusieurs de ces facteurs peuvent bien évidemment être
présents chez un même receveur.
Les nouvelles drogues apparues au cours des dernières années (TRL, SRL, MMF, anti-IL2R), associées à celles disponibles auparavant, ont
permis d’évaluer de nouvelles stratégies d’immunosuppression.
* Immunosuppresseur principal : CsA ou TRL ?
L’introduction de la CsA, vers le milieu des années 1980, a permis
d’accroître la survie des greffons rénaux de plus de 10 % par rapport
à l’AZA.
La CsA a été depuis universellement prescrite, du moins
durant les premiers mois de greffe, à tous les transplantés rénaux.
Quel est, dans ce contexte, la place du TRL, l’antagoniste de la
calcineurine récemment disponible ?
Deux grandes études prospectives, randomisées, ont comparé
l’efficacité du TRL et de la CsA en greffe rénale, études réalisées
avec l’ancienne préparation de CsA, le Sandimmunt, dont
l’absorption digestive était occasionnellement erratique, ce qui
pouvait entraîner une imprégnation en CsA insuffisante et donc une immunosuppression inadéquate.
La proportion des patients
présentant un épisode de rejet s’élevait à près de 45 % sous CsA,
contre 25 à 30 % sous TRL.
De même, l’incidence des rejets les plus
sévères, nécessitant un traitement de sauvetage par des anticorps antilymphocytaires, était deux fois moins fréquente sous TRL.
Depuis quelques années, la CsA est disponible sous la forme d’une
microémulsion, le Néoralt, dont la biodisponibilité est
considérablement accrue.
Deux études prospectives, randomisées,
ainsi qu’une méta-analyse, indiquent que le Néoralt prévient mieux
la survenue des rejets de greffe rénale que le Sandimmunt.
Ainsi, l’amplitude du bénéfice associé à l’utilisation du Néoralt
devient similaire à celle observée avec le TRL : ces deux drogues
permettent d’éviter le rejet chez 15 % des patients par rapport à ceux
traités par Sandimmunt.
En l’absence d’essai comparant de façon
directe la CsA (Néoralt) et le TRL, ces deux ICN peuvent être
considérés aujourd’hui comme étant de puissance équivalente.
Le
choix entre ces deux molécules doit donc plutôt être guidé par leur
spectre d’effets indésirables.
* Traitements associés aux ICN
:
+ MMF
Trois grands essais cliniques ont évalué, durant la première année
de la transplantation rénale, le MMF en association avec de la CsA
et des corticoïdes.
Le MMF était donné à la dose de 2 ou 3 g/j, les
groupes témoins recevant soit un placebo, soit de l’AZA.
Ces trois études ont fourni des résultats similaires qui ont été
récemment agrégés.
À 1 an, l’incidence des patients ayant
présenté un épisode de rejet était de 41 % dans les groupes n’ayant
pas reçu de MMF (patients traités par placebo ou AZA), pour 20 et
17 % chez les patients ayant reçu 2 et 3 g de MMF, respectivement.
En outre, l’incidence des rejets sévères nécessitant un traitement de
sauvetage par des anticorps antilymphocytaires était plus basse chez
les patients traités par MMF.
Cet effet bénéfique a permis de réduire
de moitié les pertes du greffon par rejet irréversible.
Le MMF a aussi
été utilisé en association avec le TRL dans deux essais prospectifs,
randomisés, avec des résultats similaires : l’incidence de rejet,
qui s’élevait à 45 % dans les groupes traités par TRL et corticoïdes,
était de 20 à 25 % lorsque le MMF était associé au traitement.
Le
bénéfice, en termes de réduction du risque de rejet, semble donc
équivalent lorsque le MMF est adjoint, soit à la CsA, soit au TRL.
Il
faut noter que la CsA présente une interaction pharmacocinétique
avec le MMF, ayant pour conséquence une réduction des taux
d’acide mycophénolique (MPA) sanguins.
Ainsi, les doses de MMF requises lors de l’administration concomitante de CsA sont de
2 à 3 g/j, contre 1 à 2 g/j lorsque le MMF est associé au TRL.
Ceci
pourrait constituer un avantage pharmacoéconomique en faveur de
l’association TRL-MMF. Il est clair aujourd’hui que le risque de rejet
aigu est étroitement corrélé à l’imprégnation en MPA
- métabolite
actif du MMF
- mesurée par l’aire sous la courbe de la concentration
sérique au cours du temps.
Une association significative, bien que
moins nette, existe entre l’incidence de rejet et les taux résiduels de MPA.
Il semble donc raisonnable de s’assurer que les patients à plus
haut risque immunologique
- jeune âge, race noire, compatibilité
HLA médiocre, etc
- présentent, au cours des 3 premiers mois de la
greffe, un taux résiduel de MPA supérieur à 2 mg/L.
+ SRL :
En association avec de la CsA et des corticoïdes, il a été comparé à
l’AZA en termes de prévention du rejet aigu au cours des 6 premiers
mois après la transplantation.
Les incidences de rejet prouvées par
biopsie atteignaient 30 % sous AZA contre 17 et 12 % avec le SRL,
selon la dose prescrite (2 ou 5 mg/j ; p < 0,01 pour les deux doses).
À 1 an, la survie des greffons et des patients était similaire dans les
différents groupes.
Il faut noter, toutefois, qu’à 1 an, la fonction
rénale des patients traités par l’association CsA + SRL était moins
bonne que celle du groupe témoin qui avait reçu CsA + AZA.
La
raison en est encore obscure, mais un tel effet secondaire s’observe
aussi lorsque la CsA est associée au RAD.
Ainsi, l’autorisation
d’utilisation en Europe ne permet l’usage de la combinaison CsA
+ SRL que durant les 3 premiers mois de greffe, et pas au-delà.
Les taux résiduels de SRL, qui sont très bien corrélés à l’aire sous la
courbe, présentent une variabilité interpatients considérable lors de
l’utilisation des doses fixes.
Des données récentes indiquent que
l’obtention d’un taux résiduel compris entre 5 et 15 ng/mL permet
d’optimiser le rapport efficacité/toxicité du SRL lors de la période
initiale de la transplantation.
* Synthèse :
En résumé, il semble que les associations ICN + MMF + corticoïdes
et CsA + SRL + corticoïdes présentent un pouvoir immunosuppresseur
équivalent : seuls 15 à 20 % des patients vont présenter
un épisode de rejet aigu, ce qui constitue un progrès considérable
par rapport aux 50 % observés avec l’association CsA (Sandimmunt)
+ corticoïdes. Les données les plus robustes publiées à ce jour ont
trait à l’association ICN + MMF + corticoïdes qui représente
probablement aujourd’hui le traitement de référence en greffe rénale,
en dehors de circonstances particulières associées au donneur ou au
receveur.
Les essais comparant ces deux associations de façon directe
permettent de mieux apprécier leurs mérites respectifs.
Une telle
étude est en cours, non pas avec le SRL mais avec le RAD.
* Anticorps antilymphocytaires
:
+ OKT3 et ATG :
Leur efficacité dans le traitement du rejet aigu a conduit à leur
utilisation pendant 1 à 2 semaines durant la période postopératoire
immédiate, une stratégie appelée « induction », ayant comme
objectif d’utiliser les immunosuppresseurs les plus puissants au
moment où le risque de rejet est le plus grand, c’est-à-dire durant
les premières semaines de greffe.
Des données provenant d’études
prospectives, randomisées, ainsi que des registres indiquent
que l’induction par l’OKT3 ou par l’ATG permet non seulement de
réduire considérablement l’incidence du rejet, mais aussi
d’augmenter la survie du greffon à long terme de ± 5 % par rapport
aux patients recevant l’association CsA (Sandimmunt) + AZA
+ corticoïdes.
Chez les groupes à plus haut risque immunologique,
tels les enfants, les patients de race noire ou les patients présentant
des taux élevés d’anticorps anti-HLA, le bénéfice était encore bien
plus considérable, atteignant parfois 20 % d’amélioration de survie
du greffon après 3 à 5 ans.
Que penser des traitements d’induction par l’OKT3/ATG à l’ère du
CsA (Néoralt), du TRL et du MMF ?
Même avec ces nouveaux
immunosuppresseurs, l’adjonction d’ATG ou d’OKT3 permet une
diminution supplémentaire des taux de rejet.
Il est clair
toutefois que dans cette indication - prévenir au mieux le rejet aigu
-, les AC anti-IL2R sont tout aussi efficaces et moins toxiques.
Il faut néanmoins garder à l’esprit que les patients à haut risque
immunologique, tels ceux ayant perdu un ou plusieurs greffons
préalables ou ceux hautement sensibilisés contre les antigènes HLA,
n’ont pas été inclus dans les essais cliniques évaluant les
AC anti-IL2R. Des études prospectives sont nécessaires afin de comparer AC
anti-IL2R et OKT3/ATG chez ces patients.
Dans cette attente,
l’induction par l’ATG ou l’OKT3 constitue la stratégie de choix dans
cette indication, en association avec un ICN, du MMF et des corticoïdes.
+ AC anti-IL2R
:
Leur administration durant les premières semaines après la
transplantation permet de diminuer l’incidence de rejet sans surcroît
de toxicité, quelle que soit l’immunosuppression de base.
Ainsi, une
étude prospective, randomisée, a comparé l’administration de Simulectt à un placebo chez des transplantés rénaux recevant CsA
+ corticoïdes.
L’incidence de rejets aigus au cours des 6 premiers
mois était de 30 % dans le groupe Simulectt contre 44 % dans le
groupe placebo (p = 0,01).
Des résultats virtuellement identiques ont
été obtenus chez des patients traités par Zenapaxt, suggérant que
les deux préparations possèdent une efficacité similaire.
De même,
l’adjonction d’AC anti-IL2R à des patients recevant l’association CsA
+ AZA + corticoïdes permet d’obtenir une réduction de l’incidence des rejets au cours des 6 premiers mois de 39 % à 25 % (p = 0,04).
Enfin, l’incidence des rejets aigus passe de 20 % à 12 % lorsque l’on
ajoute un AC anti-IL2R à l’association CsA + MMF + corticoïdes.
Ainsi, les AC anti-IL2R présentent un excellent rapport
efficacité/toxicité en greffe rénale lorsqu’ils sont administrés avec
les combinaisons CsA + corticoïdes ou CsA + AZA + corticoïdes.
Les données préliminaires indiquent que des taux de rejet très
faibles sont observés avec la combinaison AC anti-IL2R + ICN
+ MMF + corticoïdes, dont l’usage pourrait devenir fort répandu.
En outre, un traitement d’induction par les AC anti-IL2R pourrait
contribuer à limiter les doses d’ICN et de corticoïdes durant la
période initiale de transplantation.
2- Peut-on limiter l’usage des ICN au début
de la transplantation ?
La disponibilité récente de trois classes d’agents dépourvus d’effets néphrotoxiques
- les AC anti-IL2R, le MMF, le SRL
- a incité un
certain nombre d’investigateurs à réduire, voire à tenter d’éviter
complètement l’usage des ICN après la transplantation.
Cette
approche semble aujourd’hui particulièrement à propos au vu de
l’âge sans cesse croissant, tant des donneurs que des receveurs de
greffe rénale.
En effet, les reins provenant de donneurs âgés sont
plus susceptibles à la néphrotoxicité des ICN.
Par ailleurs, le risque
de rejet diminue considérablement avec l’âge, ce qui devrait
permettre un allégement des doses d’ICN sans encourir de risques
excessifs. Plusieurs stratégies ont été récemment évaluées.
* MMF + corticoïdes, avec une induction par l’ATG
:
Un groupe a étudié l’association d’ATG avec du MMF, donné à la
dose de 3 g/j, et des corticoïdes, chez 17 patients à faible risque
immunologique, ayant reçu un rein de donneurs marginaux.
Les
taux de retard de reprise de fonction et de rejet étaient bas : 12 et
24 % respectivement.
La CsA a dû être introduite chez 24 % des
patients.
À 6 mois, la créatininémie moyenne de l’ensemble des
patients était 1,8 mg/dL.
Une approche similaire a été suivie dans
une autre étude pilote où 12 patients à bas risque immunologique,
âgés de plus de 50 ans, ont reçu des reins de donneurs âgés
(moyenne : 60 ans).
L’immunosuppression consistait en ATG,
MMF (2 g/j) et corticoïdes, dont la dose d’entretien était de 20 mg/j.
Un retard de reprise de fonction s’est produit chez 40 % des patients,
un taux habituel avec des donneurs âgés. Seul un patient a présenté
un rejet.
La fonction du greffon s’est avérée excellente, la créatinine
étant de 1,3 mg/dL à 6 mois.
En résumé, les données de ces deux
études pilotes suggèrent que des patients à faible risque
immunologique qui reçoivent des reins provenant de donneurs
marginaux peuvent bénéficier d’un protocole dépourvu d’ICN, grâce
à l’association ATG + MMF + corticoïdes.
* MMF + corticoïdes, avec une induction par les AC anti-IL2R
:
Le MMF à la dose de 3 g/j, avec des corticoïdes, a aussi été évalué
en association avec un AC anti-IL2R (dacliximab), chez 98 receveurs
d’un premier greffon.
Après un suivi médian de 6 mois, 45 % des
patients avaient développé un rejet aigu prouvé par biopsie. Un ICN
a été introduit chez la majorité de ces patients.
L’article ne contient
pas de données sur la fonction rénale.
Donc, bien que la survie du
greffon à 6 mois soit excellente, et bien que près de 60 % des patients
aient pu éviter l’usage d’un ICN, les taux de rejets observés avec
cette approche semblent prohibitifs.
* SRL + inhibiteur des purines + corticoïdes
:
Le SRL, en association à l’AZA et aux corticoïdes, a été comparé à la
CsA dans un essai prospectif, randomisé.
Le retard de reprise de
fonction étant un critère d’exclusion, il n’a pas pu être évalué.
L’incidence des rejets s’est avérée similaire : près de 40 % dans les
deux bras. Les taux de créatinine sérique étaient discrètement plus
bas dans le groupe SRL à 4 mois (1,4 mg/dL contre 1,7 dans le bras
CsA) et à 1 an (1,3 contre 1,5 dans le bras CsA).
Ces premiers
résultats encourageants ont conduit à la réalisation d’un second essai
clinique où le SRL a de nouveau été comparé à la CsA, cette fois-ci
en association avec le MMF et des corticoïdes.
L’incidence du
retard de reprise de fonction n’était pas plus faible dans le groupe SRL (25 % contre 24 % dans le bras CsA).
Comme attendu, les taux
de rejet étaient plus bas que sous AZA. On notait toutefois une
tendance à une incidence accrue des rejets prouvés par biopsie dans
le groupe SRL (27 % contre 18 % dans le bras CsA).
Malgré cela, à
1 an, la fonction rénale était discrètement meilleure chez les patients
sous SRL (créatinine sérique : 1,4 mg/dL contre 1,6 mg/dL sous
CsA). Ainsi, en association avec le MMF
- le meilleur inhibiteur
actuel de la synthèse des purines
- et des corticoïdes, le SRL apparaît
un peu moins efficace que la CsA. En outre, aux doses requises
comme immunosuppresseur de base, le profil de toxicité du SRL est
non négligeable et il semble peu probable que l’usage de
l’association SRL + MMF + corticoïdes au cours de la période
postgreffe immédiate devienne fort répandu.
Malgré leurs limitations, ces premiers essais indiquent que la
transplantation rénale avec des doses réduites, voire sans ICN,
pourrait devenir une réalité clinique.
Les stratégies
d’immunosuppression sans ICN pourraient associer une induction
par l’ATG ou les AC anti-IL2R avec du SRL, du MMF et des
corticoïdes.
Les protocoles incorporant des doses réduites d’ICN
combineront une induction par ATG ou AC anti-IL2R, du MMF ou
du SRL, et des corticoïdes. De tels essais cliniques sont soit en cours,
soit en préparation.
3- Peut-on limiter l’usage des corticoïdes au début
de la transplantation ?
L’usage des corticostéroïdes a été incontournable à l’époque ou seul
l’AZA était disponible, et ils sont restés très largement utilisés à
l’époque de la CsA.
Leurs effets secondaires sont néanmoins
nombreux et ils partagent avec les ICN l’hypertension,
l’hypercholestérolémie et la tendance au diabète.
Ces complications
contribuent certainement, au long cours, à la mortalité
cardiovasculaire élevée observée chez les transplantés. Les
conclusions des expériences cliniques d’arrêt des corticoïdes en
greffe rénale varient de « clairement bénéfique » à « mitigé », voire « catastrophique » en ce qui concerne la survie du greffon
à long terme.
Il est probable que l’intensité de l’immunosuppression
associée constitue un facteur important permettant de
limiter le risque de rejet aigu lors de l’arrêt progressif des
corticoïdes.
Ainsi, une étude récente a montré qu’en association avec la CsA et
le MMF, l’utilisation de doses réduites de corticoïdes durant 3 mois,
suivie de leur arrêt complet, ne s’accompagnait que d’une
augmentation modeste des taux de rejets aigus prouvés par biopsie
(15 % à 6 mois sous doses usuelles de corticoïdes et 25 % sous doses
réduites/arrêt).
L’augmentation du taux de rejet sous doses
réduites de corticoïdes survient principalement au cours des
15 premiers jours.
Ce risque accru n’était pas présent dans le sousgroupe
des patients ayant reçu un traitement d’induction par OKT3
ou ATG.
À 1 an, la survie des patients et des greffons était de 98 et
94 % dans le groupe à doses réduites/arrêt des corticoïdes, contre
97 % et 93 % chez les témoins.
Les patients ayant reçu des doses
réduites présentaient un profil cardiovasculaire plus favorable
(moins d’hypertension, taux plus bas de lipides) ainsi qu’une
meilleure densité osseuse.
L’arrêt précoce des corticoïdes sous traitement immunosuppresseur
par CsA + MMF est toutefois à considérer avec prudence chez les patients à
risque immunologique accru, comme les receveurs de race noire.
En effet,
ceux-ci présentent un taux élevé, avoisinant 40 %, d’incidence de
rejet à l’arrêt des corticoïdes.
Il est probable que les associations TRL + MMF et CsA + SRL
permettront aussi de réaliser un sevrage rapide en corticoïdes, avec
une pénalité minime en termes d’épisodes de rejet.
Un suivi à long
terme de la survie des patients et des greffons sera essentiel pour
évaluer la validité de cette approche.
B - TRAITEMENT DU REJET
:
De nos jours, un épisode de rejet aigu est le plus souvent
asymptomatique, suspecté uniquement sur la base d’une élévation
du taux de créatinine plasmatique.
Dans les cas les plus sévères, le
patient peut rapporter une diminution de la diurèse, une prise de
poids, ou encore de la fièvre ou une sensibilité au niveau du greffon.
Une biopsie du greffon est généralement pratiquée lors de la
suspicion d’un rejet.
Cet examen confirme, le cas échéant, le
diagnostic et permet de quantifier histologiquement la sévérité du
rejet.
Si le rejet est modéré, il est traité par des injections
intraveineuses de méthylprednisolone pendant quelques jours.
En
cas de résistance à la corticothérapie, indiquée par la persistance de
l’accroissement de la créatinine, un traitement dit « de sauvetage »
par les anticorps antilymphocytaires OKT3 ou ATG peut être
administré. Si le rejet aigu est d’emblée sévère, le traitement
antilymphocytaire peut être instauré immédiatement.
À défaut, il
semble que l’administration de TRL à hautes doses permette aussi
de traiter efficacement les rejets sévères.
Conclusions, Perspectives
:
L’avènement de nouveaux médicaments immunosuppresseurs au
cours des 5 dernières années a permis de réduire l’incidence du rejet
aigu de plus de deux tiers.
Il est important de noter que ceci s’est
produit sans majorer significativement le risque infectieux, ce qui
est attesté par l’absence de pénalité au niveau de la survie des
patients ayant reçu les nouvelles drogues.
Ce contrôle du risque infectieux, malgré une majoration de
l’immunosuppression, est probablement dû à une réduction
considérable du nombre de patients nécessitant des bolus de
corticoïdes ou des anticorps antilymphocytaires pour traiter un rejet.
Par ailleurs, une meilleure prophylaxie des infections à
cytomégalovirus grâce au valaciclovir ou au ganciclovir, ou des
infections à Pneumocystis carinii grâce à la généralisation de la
prophylaxie antibiotique, a permis de limiter considérablement le
risque infectieux associé à une immunosuppression plus intense.
Le fait que la diminution des taux de rejet aigu ne s’est pas encore
traduite par une amélioration de la survie du greffon peut
s’expliquer par deux raisons :
– d’une part, les essais cliniques des nouveaux immunosuppresseurs
ont inclus un nombre suffisant de patients pour
démontrer, au plan statistique, une réduction du risque d’un
événement fréquent, le rejet aigu, mais pas celui d’un événement
beaucoup plus rare, telle la perte du greffon à 1 an.
Cette seconde
approche requiert l’inclusion d’un nombre beaucoup plus grand de
patients ;
– d’autre part, les suivis actuels des études initiales ne dépassent
pas 3 ans, ce qui est sans doute insuffisant pour mettre en évidence
une diminution des pertes de greffon au long cours par rejet
chronique.
Un suivi au long cours est aussi particulièrement important pour
évaluer l’impact des stratégies de minimisation/arrêt des ICN ou
des corticoïdes, pratiques qui pourraient devenir plus répandues
grâce aux nouveaux immunosuppresseurs.
Ainsi, 10 années de suivi
ont été nécessaires pour mettre en évidence un effet favorable du
remplacement précoce de la CsA par l’AZA sur la survie des
greffons rénaux et des patients, malgré un taux accru d’épisodes de
rejet lors de l’arrêt de la CsA.