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Hématologie
Infections graves chez l’immunodéprimé en oncohématologie
Cours d'hématologie
 


 

Introduction. Stratégie globale :

Bien que les agents et les protocoles de chimiothérapie aient peu évolué au cours des dernières années, le recours à des doses de plus en plus élevées, dans de nouvelles indications telles que les cancers du sein, ou encore la prise en charge de stades toujours plus avancés de la néoplasie, ont conduit à l’émergence de pathologies infectieuses nouvelles ou plus sévères.

De nouvelles techniques de greffe de cellules-souches hématopoïétiques (CSH) ou l’introduction de nouveaux immunosuppresseurs dans l’arsenal thérapeutique, comme les analogues des purines, peuvent induire des altérations profondes de l’immunité cellulaire, aux conséquences infectieuses graves et prolongées.

Les infections nosocomiales sont jusqu’à deux fois plus fréquentes chez les malades d’oncohématologie (9 à 12 %) que chez les malades non cancéreux (6 à 7 %).

L’infection représente, chez les malades d’oncohématologie, une cause majeure de décès : c’est pourquoi il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique.

La survenue d’une complication infectieuse chez un malade immunodéprimé (ID), atteint d’une hémopathie maligne ou d’une tumeur solide, pose des problèmes diagnostiques et thérapeutiques complexes que seule une démarche rigoureuse doit permettre de résoudre.

Le diagnostic d’infection de l’ID s’appuie sur l’analyse précise de données anamnestiques et cliniques, de façon à dégager un profil de risque et une hiérarchie de probabilités diagnostiques.

Ces données sont la néoplasie, le traitement immunosuppresseur et ses toxicités, la clinique, les aspects radiologiques, et le terrain.

La « probabilité » émanant de cette analyse guide alors le choix des investigations complémentaires, prélèvements microbiologiques ou imagerie, à pratiquer.

La présentation radioclinique est cependant souvent trompeuse dans ce contexte, ce qui donne toute son importance au développement de nouvelles techniques diagnostiques.

Ce chapitre, centré sur les complications infectieuses, aborde également les causes non infectieuses à l’origine de défaillances viscérales chez l’ID : une atteinte tumorale ou toxique peut mimer une pathologie infectieuse ou s’y associer.

Mais l’essentiel de l’effort du clinicien doit porter sur l’identification des causes infectieuses, majoritaires et susceptibles de déboucher sur un traitement.

Caractérisation de l’immunodépression :

Étape préalable à toute démarche diagnostique, l’anamnèse précise le type d’ID lié à la maladie tumorale ou au traitement, prédisposant à différents types d’infections : neutropénie, déficit humoral ou cellulaire.

Elle identifie en outre les facteurs de risque d’atteinte tumorale spécifique ou toxique.

A - RÔLE DE LA NÉOPLASIE SOUS-JACENTE :

Les tumeurs solides sont responsables de complications mécaniques par obstruction tumorale, bronchique ou digestive, ou par perforation/rupture : péritonite par perforation diastatique en amont d’une tumeur occlusive, ou pyopneumothorax par perforation oesophagienne.

En particulier, devant une pneumopathie survenant chez un patient porteur d’une tumeur digestive, la responsabilité de bactéries à Gram négatif de la flore digestive, en plus des germes de la flore oropharyngée, doit être évoquée.

Les tumeurs solides se compliquent plus fréquemment d’infections urinaires ou du site opératoire, alors que bactériémies ou pneumopathies sont davantage observées au cours des leucémies ou des lymphomes.

Les complications infectieuses diffèrent selon le type d’hémopathie en cause.

Si le type d’hémopathie a valeur d’orientation, les différents déficits sont souvent intriqués et les tableaux réalisés souvent complexes.

Schématiquement, les déficits de l’immunité humorale sont liés à une atteinte des immunoglobulines, au cours d’hémopathies touchant les lymphocytes B, comme la leucémie lymphoïde chronique (LLC) ou la maladie de Waldenström, ou les plasmocytes, comme le myélome.

L’asplénisme, qu’il soit anatomique ou fonctionnel, est à rapprocher des déficits humoraux et expose à un risque infectieux, plus élevé au cours des atteintes hématologiques qu’après splénectomie post-traumatique.

Les leucémies aiguës réalisent préférentiellement une atteinte de la fonction phagocytaire macrophagique et des polynucléaires.

Enfin, une ID de type cellulaire prédominant s’observe au cours des lymphomes, hodgkiniens ou non, ou des LLC.

La situation immunologique est, de plus, profondément modifiée par l’influence des thérapeutiques.

La néoplasie peut en outre être à l’origine d’atteintes non infectieuses, détaillées dans les différents chapitres.

B - EFFETS SECONDAIRES DES TRAITEMENTS :

1- Chimiothérapie anticancéreuse :

* Infections :

La chimiothérapie anticancéreuse prédispose, de façon très générale, aux infections par diminution de la bactéricidie, de la phagocytose et du chimiotactisme des polynucléaires.

La neutropénie induite par la chimiothérapie favorise les infections bactériennes et mycotiques.

Les neutropénies courtes, moins de 7 à 10 jours, prédisposent aux infections à bactéries à Gram négatif (BGN), d’origine digestive, à Gram positif, issus de la sphère otorhino-laryngologique (ORL) ou cutanée, et à Candida spp.

Les neutropénies prolongées, plus de 7 à 10 jours, prédisposent en outre à l’aspergillose et aux candidoses disséminées.

La neutropénie favorise également les infections récurrentes à virus Herpès.

Le risque infectieux est corrélé à la durée et à la profondeur de la neutropénie : moins de 500/mm3, risque multiplié par 2,5 ; moins de 100/mm3, risque multiplié par 10.

Les translocations bactériennes à partir du tube digestif, en particulier à BGN, observées en aplasie sont favorisées par la fragilisation de la muqueuse digestive par certaines chimiothérapies.

La procalcitonine semble être un marqueur précoce et discriminant des causes bactériennes de fièvre en aplasie, mais son intérêt en pratique clinique est peu clair.

Le traitement de l’infection en aplasie est abordé dans le chapitre des « Traitements antibactériens ».

Certains médicaments sont à l’origine d’une ID de type plus particulièrement cellulaire.

En particulier, le méthotrexate semble un facteur favorisant de pneumocystose pulmonaire, quoique de façon beaucoup moins nette que la corticothérapie.

Les taxanes diminuent la réponse lymphocytaire T cytotoxique et natural killer (NK), mais les conséquences en termes d’infection ne sont pas évaluées.

* Toxicités spécifiques de la chimiothérapie :

La toxicité pulmonaire de la chimiothérapie n’a aucune spécificité radioclinique ou histologique.

Elle est évoquée par élimination des autres causes, infectieuses ou tumorales, et confirmée par l’amélioration après arrêt du médicament suspecté, seul susceptible de permettre la guérison.

On distingue plusieurs atteintes.

La fibrose pulmonaire par toxicité directe est liée à la dose cumulée, apparaît souvent après plusieurs mois d’utilisation, est peu corticosensible ; les médicaments concernés sont la bléomycine, la mitomycine, les alkylants et les nitroso-urées.

Au cours de l’hypersensibilité retardée au méthotrexate ou à la procarbazine, le tableau est souvent aigu, sans relation effet/dose, plutôt réversible sous corticoïdes.

Enfin, un oedème lésionnel précoce est décrit sous cytarabine à forte dose.

L’oedème aigu pulmonaire (OAP) hémodynamique doit être recherché devant une atteinte alvéolaire aiguë au décours immédiat d’une chimiothérapie.

Une détresse respiratoire peut également s’observer lors des traitements de leucémie aiguë myéloïde (LAM)3, promyélocytaires, par acide touttransrétinoïque, constituant le syndrome rétinoïque (« ATRA syndrome »), qui associe en outre fièvre, épanchements pleuropéricardiques, prise de poids, oedèmes périphériques, pathologies thromboemboliques ou hypotension.

Des fièvres d’origine médicamenteuse sont attribuées à la bléomycine ou au méthotrexate.

D’autres toxicités de la chimiothérapie sont classiques, comme la toxicité cardiaque des anthracyclines, la toxicité rénale du cisplatine, ou d’autres.

2- Greffe de cellules-souches hématopoïétiques :

Les complications infectieuses de l’autogreffe sont moindres que celles de l’allogreffe.

Les greffes de CSH périphériques sont associées à un risque infectieux proche de celui des autogreffes médullaires, quoique la durée de neutropénie, qui dépend du nombre de cellules CD34+ transfusées, soit un peu plus courte (10 à 12 jours) que pour les autogreffes (12 à 15 jours).

L’allogreffe expose à des complications infectieuses et immunologiques majeures ; trois phases se succèdent :

– Aplasie médullaire.

Au cours de cette première phase, les risques infectieux sont liés à la neutropénie profonde, inférieure à 100 polymorphonucléaires (PMN), et prolongée (20 jours), à la présence de cathéters veineux centraux, et à celle d’une mucite diffuse exposant à un risque de translocation digestive.

Au cours de cette phase précoce, le risque infectieux, principalement bactérien, fongique, voire herpétique, est directement corrélé à la profondeur de la neutropénie et à l’utilisation d’une antibiothérapie prophylactique ou systémique empirique.

La greffe de CSH expose également à une atteinte de la fonction phagocytaire, macrophagique, qui dépasse largement la période d’aplasie.

En outre, les manifestations infectieuses respiratoires peuvent être aggravées par une hémorragie intraalvéolaire, favorisées par la thrombopénie.

– Après l’aplasie.

Entre les deuxième et quatrième à sixième mois, l’ID est surtout de type cellulaire, liée à l’expression de la maladie du greffon contre l’hôte (MGCH) et, à un degré moindre, à la prophylaxie de la MGCH par ciclosporine, méthotrexate et corticoïdes.

Les infections sont principalement dues à Pneumocystis carinii, ou aux germes intracellulaires : cytomégalovirus (CMV), Aspergillus sp., voire adénovirus ou Toxoplasma gondii.

À cette période, différentes atteintes, notamment respiratoires, se surajoutent aux complications infectieuses : syndrome de pneumopathie interstitielle, favorisé par l’irradiation corporelle totale et la MGCH aiguë, peu sensible à la corticothérapie, ou bronchiolite oblitérante avec organisation pneumonique, corticosensible.

– Après le quatrième ou sixième mois.

La survenue d’une MGCH chronique, parfois à l’origine de « pneumopathies interstitielles tardives » corticosensibles, peut nécessiter une immunosuppression au long cours, à l’origine d’infections à germes opportunistes, en particulier à virus varicellezona.

Il existe en outre à cette période une asplénie fonctionnelle, due à l’irradiation.

La reconstitution immunitaire est d’autant meilleure et rapide que la MGCH est contrôlée ou absente.

* Nouveaux types de greffes :

Les allogreffes de CSH « déplétées » en cellules T, par exemple par sélection positive CD34+, sont plus riches en cellules hématopoïétiques.

La lymphopénie CD4 pourrait majorer le risque théorique d’infection opportuniste.

Au cours des dernières années sont apparus des régimes de conditionnement myéloablatif atténué (minigreffes), associant fludarabine, agents alkylants, anticorps monoclonaux ou encore sérum antilymphocytaire, la prophylaxie de la MGCH étant ensuite assurée par la ciclosporine.

Les infections observées seraient ainsi plutôt liées à une ID de type cellulaire, la neutropénie étant atténuée.

Les allogreffes non apparentées font appel à des donneurs sur fichier.

Non seulement le risque de rejet ou de MGCH est plus élevé, mais le risque infectieux est aussi deux à trois fois supérieur.

La reconstitution immunitaire, notamment CD4, est ralentie.

Les greffes haplo-identiques font appel à des donneurs de la famille non géno-identiques, la prise de greffe sans MGCH n’étant assurée que par une immunosuppression et une déplétion T lourdes.

Ces deux caractéristiques majorent de façon importante, respectivement, les complications infectieuses et le risque de lymphoprolifération.

L’utilisation de sang placentaire (de cordon) s’accompagne d’une meilleure tolérance immunologique, mais d’un risque infectieux élevé lié à une neutropénie prolongée, due à la faible quantité de cellules CD34+ et à une reconstitution immunitaire retardée.

3- Corticoïdes :

Les corticoïdes sont à l’origine d’une atteinte de la fonction phagocytaire, qui constitue la première ligne de défense antifongique, et d’une ID cellulaire.

Ils sont un facteur de risque majeur de pneumocystose et, à fortes doses, exposent à la survenue d’aspergillose, de nocardiose, voire d’anguillulose maligne.

4- Irradiation :

La radiothérapie favorise une ID locale.

L’irradiation corporelle totale, souvent associée au conditionnement précédant l’allogreffe, favorise la neutropénie.

À l’étage thoracique, la radiothérapie peut être en outre à l’origine de pneumopathie radique aiguë précoce, corticosensible, et de fibrose radique tardive, par toxicité directe, avec fibrose interstitielle et syndrome restrictif.

À l’étage abdominopelvien, l’irradiation favorise la survenue d’entérite ou cystite radiques.

5- Splénectomie :

La splénectomie, anatomique ou fonctionnelle (par exemple après irradiation), est responsable d’une ID humorale. Elle favorise les infections à germes encapsulés (Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, méningocoques), à salmonelles, à colibacilles, voire la survenue d’infections dues à Capnocytophaga canimorsus, Babesia sp. ou, en zone endémique, à Plasmodium.

6- Immunothérapie :

L’immunothérapie par interleukine 2 a été associée à des infections à Staphylococcus aureus chez des patients porteurs de cathéter veineux central, traités pour cancer du rein ou mélanome malin.

L’interleukine 2 peut être en outre responsable d’oedème pulmonaire par fuite capillaire ou défaillance cardiaque, d’épanchements pleuraux ou de bronchospasmes.

7- Autres immunosuppresseurs :

La ciclosporine, l’azathioprine ou le sérum antilymphocytaire exposent à une ID de type cellulaire.

Les immunosuppresseurs « classiques », également utilisés dans le traitement des maladies de système, peuvent être classés par ordre de risque infectieux décroissant :

– cyclophosphamide per os ;

– cyclophosphamide intraveineux séquentiel ;

– méthotrexate, azathioprine ;

– ciclosporine.

Parmi les analogues des purines, la fludarabine, indiquée en deuxième intention dans les syndromes lymphoprolifératifs de bas grade, induit une déplétion lymphocytaire CD4 et CD8 profonde durant plusieurs mois.

Les risques d’infection fongique, virale, de mycobactériose, de pneumocystose ou de listériose sont au premier plan, en particulier en cas de stade avancé de la maladie ou de corticothérapie associée.

La 2-chloro-désoxy-adénosine (2-CDA), indiquée dans la leucémie à tricholeucocytes, voire les lymphomes ou les LLC en rechute, induit une suppression cellulaire T, en particulier responsable d’infections herpétiques.

Certains anticorps monoclonaux sont de plus en plus utilisés : les anti-CD20 (rituximab), utilisés dans les lymphomes folliculaires, créent une déplétion lymphocytaire B pendant environ 3 mois, sans risque infectieux notable cependant.

Les anti-CD52 (Campath-1H), proposés dans les lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) ou les LLC, induisent une lymphopénie profonde et prolongée et un risque accru de pneumocystose, d’infection au virus de l’Herpès simplex (HSV) ou CMV.

En pratique, il est difficile, en pathologie humaine, de faire la part de ce qui revient à la maladie sous-jacente, à la chimiothérapie et individuellement à chaque médicament, à la corticothérapie ou à la radiothérapie.

Les principes énoncés ici ont surtout valeur d’indication, et doivent être resitués dans un contexte souvent complexe.

Tableaux cliniques. Principaux syndromes :

A - ATTEINTES RESPIRATOIRES :

À l’interface air-sang, les poumons sont le lieu propice au développement d’infections chez l’ID.

Ils possèdent leur propre système de défense, aux niveaux alvéolaire, interstitiel et vasculaire.

Le rôle de l’épithélium respiratoire, agressé par de nombreux facteurs comme les infections virales aiguës ou l’irradiation, participe également à la physiopathologie des atteintes respiratoires.

Les infections respiratoires sont les plus fréquentes et associées à la mortalité la plus élevée chez l’ID, en particulier après greffe de CSH.

Les atteintes non infectieuses sont cependant souvent intriquées : une infiltration tumorale, une hémorragie intraalvéolaire, parfois aussi liée à une infection (aspergillose, CMV...), une leucostase, par blocage de myéloblastes dans les capillaires pulmonaires lorsque leur nombre dépasse 50 000/mm3, ou encore une protéinose alvéolaire, par accumulation dans les alvéoles d’un matériel protéinacé, peuvent être responsables d’une atteinte pulmonaire.

1- Clinique :

* Signes respiratoires. Mode d’installation :

Les signes respiratoires peuvent être évocateurs, selon que l’évolution est suraiguë (pneumocoque, germes figurés), aiguë (germes figurés, pneumocystose, herpès, rarement CMV ou anguillulose), ou subaiguë (infections fongiques, virales).

L’aspergillose est parfois responsable d’un tableau pseudoembolique, avec douleur thoracique due à une atteinte endovasculaire.

La survenue d’un pneumothorax spontané doit faire rechercher une pneumocystose, notamment sous pentamidine en aérosol, voire une infection à mycobactérie, une aspergillose ou une fibrose.

Le tableau est cependant souvent très aspécifique, parfois limité à une fièvre et une hypoxémie.

La distinction entre atteinte infectieuse ou non est parfois malaisée.

* Signes extrarespiratoires :

On recherche des signes neurologiques évocateurs d’abcès cérébral (aspergillose, nocardiose) ou de méningoencéphalite (toxoplasmose, zona, cryptococcose, human herpes virus [HHV]-6) ; un syndrome confusionnel est possible en cas de légionellose ou de leucostase.

Des signes cutanés peuvent être évocateurs d’atteinte bactérienne (nocardiose, bacille pyocyanique, S. aureus) ou virale (varicellezona, HHV-6), d’infiltration cutanée au cours d’une MGCH, ou d’urticaire associé à une pneumopathie d’hypersensibilité.

Les atteintes ORL peuvent être évocatrices de mucite (herpès) ou d’atteinte sinusienne (aspergillose, mucormycose, HHV-6).

Des troubles hépatodigestifs sont décrits au cours de légionellose, maladie à CMV ou MGCH.

Enfin, une atteinte rénale se rencontre au cours de candidose disséminée.

2- Apports de l’imagerie :

* Radiographie pulmonaire :

La radiographie pulmonaire (RP) est l’examen complémentaire de base.

Il est fondamental de reprendre toutes les RP antérieures, depuis le début des signes respiratoires.

Les images radiologiques manquent cependant souvent de spécificité.

La possibilité d’observer une image thoracique normale en cas d’atteinte respiratoire débutante souligne l’intérêt de la scanographie.

En cas de pneumopathie bactérienne en aplasie, la RP peut être normale, des images alvéolaires n’apparaissant qu’en sortie d’aplasie du fait de l’afflux de leucocytes.

Parmi les atteintes infectieuses, une image alvéolaire évoque en priorité une cause bactérienne, voire une infection à virus Herpès simplex, responsable d’un aspect « pseudobactérien » ; une image interstitielle évoque une pneumocystose, avec atteinte diffuse secondairement alvéolaire, ou une infection virale, notamment à CMV, virus respiratoire syncytial (VRS), ou HHV-6 ; une image nodulaire et/ou abcédée évoque une infection à Aspergillus sp., Nocardia ou S. aureus.

Une atteinte pleurale ou médiastinale permet de suspecter ou, au contraire, d’exclure certains diagnostics.

* Scanographie thoracique :

La scanographie thoracique a trois intérêts potentiels.

– Elle visualise des anomalies parenchymateuses non vues sur la RP, notamment lors des atteintes interstitielles, médicamenteuse ou radique, grâce aux coupes millimétriques.

La scanographie est peut être d’un apport considérable dans l’aspergillose, à l’origine d’une image ronde hydrique centrant un halo périphérique, ou d’une image aérique en « grelot », quasi pathognomonique, ou la mucormycose.

Au cours de la toxoplasmose, la scanographie peut mettre en évidence des opacités nodulaires avec composante alvéolaire, et des images en « verre dépoli » associées.

En dehors de ces situations, les autres signes sont totalement aspécifiques et ne permettent pas de diagnostic scanographique de l’infection.

La scanographie a peu d’intérêt dans la pneumocystose ou la pneumopathie à CMV.

Dans la pneumopathie à staphylocoque, elle peut mettre en évidence des nodules multiples, parfois abcédés.

Le scanner peut retrouver un aspect évocateur de bronchiolite oblitérante avec organisation pneumonique (BOOP), de métastases, de lymphangite, ou encore de certains lymphomes.

Les images à la scanographie sont plus précises que la RP pour suivre l’évolution sous traitement et prononcer, le cas échéant, l’échec d’un traitement de première intention.

– Elle précise l’existence d’un épanchement pleural ou d’adénopathies médiastinales : la scanographie distingue adénopathies médiastinales et atteinte parenchymateuse, en particulier au cours de la maladie de Hodgkin.

Elle est utile en cas de suspicion de mycobactériose ou de cryptococcose, des adénopathies nécrotiques évoquant plus particulièrement une tuberculose, voire un lymphome. Adénopathies et pleurésie éliminent quasiment une pneumocystose ou une pneumopathie à CMV.

– Elle précise la topographie des lésions et guide les prélèvements à visée microbiologique ou anatomopathologique : lavage bronchoalvéolaire (LBA) dans les atteintes localisées, biopsies en cas d’image nodulaire pouvant évoquer une localisation tumorale, une aspergillose ou une nocardiose, ou encore repérage d’adénopathies avant médiastinoscopie.

La scanographie spiralée analyse précisément les vaisseaux, notamment proximaux.

Son utilité, probable en cas d’embolie pulmonaire, reste à préciser dans l’analyse des pneumopathies de l’ID.

La scanographie spiralée est très sensible pour la mise en évidence de micronodules et permet l’étude d’un syndrome cave supérieur, distinguant la composante tumorale endo- et extracave.

* Autres techniques d’imagerie :

L’imagerie par résonance magnétique (IRM), de réalisation difficile chez le malade ventilé, est surtout utile pour l’analyse du médiastin.

Enfin, la place de la tomographie par émission de positons, utile pour différencier les atteintes malignes des atteintes bénignes ou fibreuses, reste à définir dans la pathologie infectieuse : des lésions infectieuses ou granulomateuses pourraient en effet être responsables de faux positifs.

La place de l’imagerie associée à l’injection de gallium ou d’indium n’est pas clairement précisée.

3- Prélèvements respiratoires :

* Expectoration, aspiration trachéale :

Leur intérêt réside dans l’isolement de Legionella, Nocardia, Mycobacterium tuberculosis ou kansasii, Strongyloides stercoralis, voire P. carinii, pathognomoniques d’infection due à l’un de ces germes.

En dehors de ces situations, la contamination pharyngée rend l’analyse de l’expectoration aléatoire.

* Fibroscopie bronchique, prélèvements distaux :

L’aspect des bronches et des sécrétions peut être évocateur en cas d’aspergillose bronchique (enduits blanchâtres adhérant à la muqueuse) ou pulmonaire invasive (sécrétions collantes brunes), de tuberculose (granulome, compression ganglionnaire extrinsèque, nodule fistulisé avec caséum), d’atteinte herpétique (trachéobronchite vésiculeuse et ulcérée), tumorale (lymphangite...) ou radique.

L’intérêt des prélèvements distaux protégés (PDP) a été évalué au cours des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique ; l’interprétation des résultats chez l’ID ne constitue qu’une extrapolation.

Brosse et PDP proprement dit sont considérés comme positifs lorsque la culture est supérieure à 103 U formant colonie (UFC)/mL.

Cependant, même en deçà de ce seuil, en particulier en cas d’aplasie, on peut éventuellement tenir compte des germes identifiés pour l’adaptation de l’antibiothérapie.

Le LBA permet le diagnostic d’infection, d’hémorragie alvéolaire ou de protéinose.

Les autres diagnostics sont évoqués par exclusion des précédents.

Au cours des pneumopathies diffuses, la rentabilité du LBA est maximale dans la bronche lobaire moyenne ou la lingula ; dans les atteintes localisées, le LBA est effectué en territoire pathologique, éventuellement guidé par le scanner.

L’aspect du lavage est évocateur s’il est hémorragique, témoignant d’un saignement bronchique ou d’une hémorragie intra-alvéolaire, ou lactescent lors d’une protéinose alvéolaire.

L’examen direct, comprenant la cytologie et les premières colorations pour les agents pathogènes, est une étape essentielle, en particulier pour le diagnostic d’atteinte bactérienne ou de pneumocystose.

La culture apporte un diagnostic de certitude pour Legionella, mycobactéries, parasites (T. gondii, S. stercoralis), cryptococcoque, histoplasme et certains virus (VRS, influenzae, parainfluenzae, adénovirus...).

La seule présence de bactéries pyogènes dans le liquide de LBA ne suffit pas au diagnostic de pneumopathie bactérienne : en extrapolant ici les seuils validés pour les pneumopathies nosocomiales, un compte bactérien supérieur à 104 UFC/mL en culture est évocateur de pneumopathie bactérienne.

L’isolement de CMV ou Aspergillus sp. a une valeur diagnostique relative, mais constitue un argument majeur pour instaurer un traitement, en particulier en aplasie ou après greffe de moelle.

Enfin, la valeur diagnostique est faible pour Candida sp. et herpèsvirus, du fait de la contamination oropharyngée ; la présence d’herpèsvirus prend toute sa valeur en cas de signes cellulaires d’atteinte virale et de pneumopathie radioclinique associée, celle de Candida sp. en cas d’atteinte fongique multiviscérale.

La cellularité du lavage alvéolaire est difficile à interpréter chez l’ID et ne peut donner que des indications limitées.

Classiquement, une polynucléose neutrophile évoque plutôt une atteinte bactérienne, médicamenteuse fibrosante ou un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA).

Une alvéolite lymphocytaire est compatible avec une tuberculose, une virose, une toxoplasmose, une pneumopathie d’hypersensibilité, radique ou interstitielle après greffe de CSH, une infiltration lymphomateuse.

Une alvéolite lymphocytaire après irradiation est habituelle, même en dehors de toute atteinte radioclinique.

Une alvéolite éosinophile, supérieure à 2-5 %, évoque une pneumopathie médicamenteuse d’hypersensibilité, parfois une pneumopathie fibrosante, ou une pneumocystose.

Chez le malade profondément neutropénique, la cellularité alvéolaire peut être réduite.

L’étude cytologique recherche un effet cytopathique viral (Herpès, CMV) ou des cellules tumorales lors de lymphangites, carcinomes bronchioloalvéolaires ou lymphomes.

Au cours de la protéinose alvéolaire, le LBA met en évidence un matériel « lipoprotéinacé » granuleux coloré par l’acide périodique Shiff (PAS), alors que la microscopie électronique, rarement nécessaire, peut mettre en évidence des corps lamellaires.

Immunomarquage ou amplification génique (polymerase chain reaction [PCR]) peuvent être effectués sur le LBA, et concourent au diagnostic d’infection à VRS, P. carinii ou T. gondii.

D’autres analyses complètent les prélèvements strictement respiratoires, comme les hémocultures, à la recherche de pneumococcémie ou de bactériémies en aplasie, la ponction pleurale, plus rarement les sérologies.

Les antigénémies CMV, cryptocoque, Aspergillus peuvent être utiles.

Le diagnostic de légionellose bénéficie actuellement de la recherche de l’antigénurie par technique immunoenzymatique, qui détecte Legionella sp. du groupe 1 pendant plusieurs semaines après l’infection.

* Histologie pulmonaire :

L’histologie pulmonaire prend sa valeur pour certaines infections comme l’aspergillose, la candidose disséminée ou la cryptococcose, ou les atteintes pulmonaires spécifiques, comme les lymphomes.

Au cours de l’aspergillose, la rentabilité diagnostique de la fibroscopie ne dépasse pas 45 à 60 % en raison du caractère souvent périphérique des lésions.

Concernant la candidose, il n’existe pas de critère diagnostique validé actuellement.

En cas de suspicion de pneumopathie médicamenteuse, l’histologie est peu utile et a surtout pour but d’identifier ou d’exclure une pathologie infectieuse.

Les biopsies transbronchiques ne permettent pas d’exclure une pathologie infectieuse, et sont surtout rentables pour la pathologie tumorale.

Les effets secondaires des biopsies, comme les hémorragies ou les pneumothorax, sont considérés comme plus importants, et la rentabilité diagnostique inférieure à celle du LBA.

Leur place dans les investigations respiratoires de l’ID, probablement limitée, reste à préciser.

L’apport des biopsies pulmonaires à thorax ouvert, malgré quelques études encourageantes, n’est pas clairement démontré.

* Rendement diagnostique et utilité des prélèvements :

Cette notion pose la question, chez l’ID, des adaptations thérapeutiques et de l’amélioration du pronostic.

Aucune étude ne permet d’affirmer l’utilité des prélèvements respiratoires en termes de pronostic.

Des rares études disponibles sur ce sujet, souvent hétérogènes, quelques tendances semblent émerger : chez les patients d’oncohématologie, les prélèvements à visée bactériologique par brosse ou PDP seraient positifs dans environ 20 % des cas, le LBA, lorsqu’il est effectué pour une atteinte interstitielle, dans environ 50 % des cas, le cumul des deux examens pouvant aboutir à un diagnostic dans 60 à 70 % des cas.

La réalisation de ces prélèvements permet une adaptation thérapeutique dans 30 % des cas environ, leur influence sur la mortalité restant à définir.

Le « LBA protégé » (mini-LBA) pourrait constituer une alternative intéressante au LBA et à la brosse.

En l’absence de conclusion définitive quant à leur utilité chez l’ID, il semble logique d’effectuer ces explorations, les modalités, entre brosse/PDP et LBA, étant choisies en fonction du type de pneumopathie, alvéolaire ou interstitielle, localisée ou diffuse.

4- En pratique :

En dehors du cas « simple » de la pneumopathie bactérienne localisée, justifiant un prélèvement distal protégé ou un traitement empirique, la difficulté est surtout représentée par les atteintes interstitielles diffuses ou atypiques, voire avec radiographie normale.

Il semble alors indiqué d’effectuer une première fibroscopie avec LBA et éventuellement PDP, associés aux examens extrarespiratoires selon le contexte.

Le scanner thoracique est indiqué dès ce moment s’il s’agit de préciser l’existence d’adénopathies médiastinales, d’une pleurésie ou la localisation exacte de la pneumopathie afin de guider la fibroscopie.

Si le premier LBA est négatif, un second LBA est indiqué, associé éventuellement à des biopsies transbronchiques.

En cas de doute persistant après ces prélèvements, une biopsie chirurgicale à thorax ouvert peut se discuter.

À chacune de ces étapes, notamment en cas de contre-indication d’un des examens, un traitement empirique peut être justifié, selon le rapport bénéfice/risque supposé.

B - INFECTIONS LIÉES AUX DISPOSITIFS INTRAVASCULAIRES :

Troisième cause d’infection nosocomiale, les infections liées aux cathéters (ILC) concernent environ 5 % des cathéters veineux centraux (CVC) chez les patients d’oncohématologie, contre 30 % chez les patients positifs au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ; la densité d’incidence est estimée à 0,4 pour 1 000 jourscathéters en oncologie.

Toutes populations confondues, les septicémies liées aux cathéters concernent 3 à 7% des CVC.

1- Épidémiologie. Prévention :

* Micro-organismes responsables :

Au cours des ILC, les cocci à Gram positif prédominent largement sur les bactéries à Gram négatif.

Parmi les bactéries à Gram positif, les staphylocoques à coagulase négative (SCN) sont aujourd’hui plus fréquents que S. aureus.

Ceci rend compte de l’évolution épidémiologique depuis 15 ans, en réanimation comme chez les malades d’oncohématologie porteurs de cathéters de longue durée.

Une bactériémie due à un germe « d’origine cutanée » (SCN, corynébactérie, Bacillus, Propionibacterium) ou S. aureus est un critère majeur pour attribuer cette bactériémie à une ILC, en l’absence d’autre foyer infectieux.

Les levures sont l’autre catégorie de micro-organisme fortement évocatrice d’ILC.

On retrouve en majorité les Candida albicans et parapsilosis, plus rarement C. tropicalis ou krusei, ou encore, chez l’enfant en nutrition parentérale, Malassezia furfur.

Les bactéries à Gram négatif, minoritaires, sont surtout représentées par Pseudomonas sp. et, à un moindre degré, Klebsiella sp.

Les mycobactéries atypiques sont à l’origine de tunnellites jusqu’à plusieurs semaines après l’ablation du cathéter.

* Morbidité. Mortalité :

Parmi les différents micro-organismes en cause, si la gravité des bactériémies à S. aureus n’est pas à démontrer, celle des bactériémies dues aux SCN est également prouvée : la mortalité attribuable aux bactériémies à SCN est estimée à 13 %.

La mortalité attribuable aux candidémies pourrait atteindre 38 %.

Chez des patients d’oncologie candidémiques, les chiffres de mortalité sont d’autant plus élevés (81 %) que le cathéter est laissé en place.

La mortalité attribuable aux ILC est en général considérée inférieure à celle liée aux autres infections nosocomiales : 10 à 25 % en moyenne à l’hôpital, jusqu’à 28 % en réanimation.

Cependant, morbidité et mortalité « liées aux ILC » relèvent autant de la sévérité sous-jacente des patients destinés à développer une ILC, que de la gravité propre, directement attribuable, de ces infections.

La morbidité est reflétée par l’allongement de la durée de séjour hospitalier, estimée à 6,5 jours en moyenne pour une bactériémie liée au cathéter.

Le coût additionnel est estimé à 10 000 $ environ par épisode bactériémique.

* Mécanismes de contamination du cathéter :

Au cours des cathétérismes prolongés en oncohématologie, le mécanisme prédominant est l’infection du cathéter par voie endoluminale, à partir de la colonisation du pavillon (raccord) ou des infusats, favorisée par les manipulations itératives.

La colonisation par voie extraluminale, à partir du site cutané d’insertion du cathéter, prédomine pour les cathétérismes de « courte » durée : c’est le cas en réanimation, où la durée de cathétérisme excède rarement 15 jours.

Les infections par voie hématogène, à partir d’un foyer à distance, ne représentent qu’environ 5 % des ILC.

* Facteurs de risque. Prévention :

Lors des premiers jours de cathétérisme, le risque d’infection est surtout lié à la pose et aux pansements de cathéter, par les germes cutanés présents au site d’insertion.

L’absence d’antisepsie soigneuse de la peau lors de l’insertion du CVC est un facteur de risque majeur et démontré d’ILC.

À mesure que le temps passe, le risque devient inhérent à l’asepsie lors de la manipulation du CVC, des rampes, solutés...

Parmi les antiseptiques, la chlorhexidine alcoolique à 0,25 % aurait une efficacité au moins égale à la polyvidone iodée pour la prévention des ILC en réanimation.

Le site jugulaire interne est à risque d’infection supérieur, comparé au site sous-clavier : difficulté à maintenir en place un pansement occlusif et propre, pilosité, proximité des sécrétions oropharyngées.

Les voies fémorale et jugulaire interne semblent à risque équivalent.

La tunnellisation des cathéters jugulaires internes, souvent utilisée en cancérologie, a démontré son efficacité pour la réduction des ILC en réanimation, pour des cathétérismes de courte durée.

En revanche, la tunnellisation des cathéters sous-claviers n’a pas d’intérêt.

Les sites implantables, un temps considérés comme associés à un risque moindre d’ILC que les cathéters tunnellisés, n’ont pas prouvé leur supériorité en matière de prévention des infections.

La durée de cathétérisme est à l’évidence un facteur de risque d’ILC.

On considère actuellement que ce risque est globalement stable et non « exponentiel » au cours du temps.

Cette constatation est à la base de l’abandon du changement périodique des cathéters.

La composition physicochimique des CVC joue également un rôle dans le risque de survenue d’une ILC : les cathéters en polyuréthane ou en élastomères de silicone, réduisant le risque d’adhérence bactérienne, doivent être préférés aux cathéters en Teflont ou en polychlorure de vinyle (PVC) pour les cathétérismes prolongés.

Les cathéters imprégnés d’antiseptiques ou d’antibiotiques ont une efficacité prouvée dans la maîtrise des ILC.

En réduisant les phénomènes de thrombose in situ, l’héparinisation pourrait diminuer l’incidence des ILC, mais les résultats discordants des études ne permettent pas de proposer cette attitude en routine.

Les techniques de prévention des ILC, qui découlent directement de la connaissance des facteurs de risque, ont fait l’objet de recommandations par le Center for Diseases Control (CDC) d’Atlanta.

2- Diagnostic :

Les signes cliniques d’ILC sont peu sensibles et rarement spécifiques.

Traditionnellement, seule la mise en évidence de bactéries en nombre significatif sur l’extrémité distale du cathéter permet, après son retrait et en présence de signes infectieux, d’affirmer l’ILC.

Des critères fiables, simples et reproductibles, sur cathéter retiré, doivent permettre de différencier l’infection de la simple colonisation ou contamination bactérienne.

Considérant la proportion de retraits inutiles de cathéters, 80 % des cathéters retirés pour suspicion d’ILC étant en définitive indemnes, l’idéal serait de porter le diagnostic d’ILC cathéter en place, grâce à des techniques alliant une sensibilité proche de 100 % et une forte spécificité.

Le prérequis minimum consiste à pouvoir au moins éliminer l’ILC par un examen simple, c’est-à-dire de disposer d’une technique ayant une valeur prédictive négative proche de 100 %.

* Diagnostic clinique d’ILC :

Parmi les infections locales, on distingue les infections superficielles et profondes.

Les infections superficielles sont limitées à un aspect inflammatoire ou purulent de l’orifice d’entrée du cathéter.

Excepté s’il existe un écoulement purulent au point d’insertion, des signes inflammatoires locaux ne suffisent pas à prédire l’ILC, mais doivent inciter à pousser les investigations bactériologiques.

Des soins locaux sont alors le plus souvent suffisants et permettent d’éviter l’ablation du cathéter, sauf en l’absence d’amélioration dans les 48 heures.

Les infections profondes associent des signes de « tunnellite », définie par une inflammation du trajet sous-cutané du cathéter sur 2 cm ou plus, voire de cellulite ; cette inflammation profonde, infiltrée et douloureuse, a une très grande valeur diagnostique, en particulier chez l’aplasique où l’écoulement purulent manque souvent.

Le retrait du cathéter et un traitement par voie générale s’imposent alors.

Un site implantable rouge et douloureux est hautement suspect d’infection.

En l’absence de signes locaux, l’ILC est suspectée devant un syndrome infectieux ou la positivité d’hémocultures.

Dans ce dernier cas, l’isolement de SCN, S. aureus ou Candida sp. ont, en l’absence d’autre foyer infectieux, valeur d’orientation vers la responsabilité du cathéter.

De même, la disparition des signes cliniques de sepsis dans les 12 à 48 heures suivant le retrait du CVC ou, à l’opposé, un sepsis brutal lors du branchement de la perfusion (fièvre, frissons, hypotension), sont des arguments forts pour la responsabilité du cathéter.

* Diagnostic d’ILC, cathéter enlevé :

La culture qualitative de l’extrémité du cathéter, par immersion en bouillon liquide, ne distinguant pas entre infection, colonisation et contamination, n’a aucune spécificité et doit être abandonnée.

La culture semi-quantitative, proposée par Maki en 1977, consiste à rouler la surface externe du cathéter sur un milieu de culture solide, puis à compter les colonies après 24 à 48 heures de culture.

Le seuil de positivité est fixé à 15 UFC.

Cette technique présente des limites importantes : – n’explorant que la face externe du cathéter, elle ignore les infections endoluminales ;

– si la sensibilité est proche de 100 %, la spécificité est plus faible, comprise entre 20 et 50 % ; bien que simple, cette technique n’est donc pas suffisante pour établir le diagnostic d’ILC de façon incontestable.

La technique de culture quantitative décrite en 1987 permet de pallier ces insuffisances.

Les 5 à 6 derniers centimètres du cathéter sont « trempés » dans 1 mL de sérum physiologique, l’ensemble est agité au vortex, 0,1 mL de la solution obtenue étant ensuite ensemencé en milieu solide.

Le seuil de positivité est fixé à 103 UFC/mL.

Le « vortexage » permet de tenir compte des bactéries adhérant à la fois à la surface externe et la surface interne du cathéter ; en outre, si la sensibilité de la culture quantitative (97 %) est comparable à celle obtenue par Maki, sa spécificité (88 %) est en revanche bien supérieure.

La simplicité de la méthode la rend largement accessible en routine.

La technique de culture quantitative du cathéter par sonication est d’un intérêt équivalent.

L’examen direct du cathéter, bien que théoriquement séduisant, nécessite un travail long et méticuleux et n’a actuellement pas de place en routine.

En conclusion, les techniques qualitative et semi-quantitative, en raison de leur manque de spécificité, ne doivent plus être utilisées.

Les méthodes de culture quantitative ont clairement le meilleur rapport « qualité » (sensibilité et spécificité)/« prix » (rapidité, coût).

* Diagnostic d’ILC, cathéter en place :

Lorsqu’une ILC est suspectée, la présence d’un choc septique ou de signes locaux d’infection profonde impose le retrait immédiat du cathéter.

En dehors de ces situations cliniques, le principal souci du clinicien doit être d’éliminer le diagnostic d’ILC cathéter en place, et faire ainsi l’économie d’un changement inutile de CVC.

La culture du point d’insertion cutané reflète la voie d’inoculation extraluminale.

La sensibilité et la valeur prédictive négative d’une culture quantitative ou semi-quantitative sont proches de 100 %.

En cas de suspicion d’ILC, la négativité de la culture du point d’insertion cutané permet pratiquement d’éliminer l’ILC, en particulier pour des cathétérismes de courte durée.

En revanche, la surveillance systématique du point d’insertion cutané n’a pas d’indication en routine, en dehors de toute suspicion clinique d’ILC.

La culture du pavillon (raccord ou ambase) du cathéter reflète le mécanisme endoluminal d’infection de cathéter, qui prédomine pour les cathétérismes prolongés.

La combinaison des prélèvements cutanés et du raccord semble offrir une forte valeur prédictive négative pour le diagnostic d’ILC.

La culture du pavillon du cathéter pourrait être complémentaire du prélèvement cutané au cours des cathétérismes prolongés, comme c’est le cas en oncohématologie.

Les hémocultures quantitatives (HcQ) sur cathéter ont une spécificité et une valeur prédictive positive élevées, et sont donc surtout utiles lorsqu’il s’agit d’affirmer, plutôt que d’éliminer, l’ILC cathéter en place.

Deux méthodes sont principalement utilisées : les cultures sur gélose, et la centrifugation-lyse sur tubes Isolatort (DuPont).

Le principe des HcQ sur cathéter est basé sur l’hypothèse suivante : lorsqu’une septicémie est liée à une ILC, le nombre de microorganismes recueillis par hémoculture centrale, prélevée au cathéter, est élevé, du fait d’un effet de purge de la partie interne du CVC contenant un fort inoculum bactérien.

Pour des seuils variant de 15 à 1 000 UFC/mL, la spécificité des HcQ sur cathéter est proche de 100 %, pour une sensibilité beaucoup plus faible : 20 % dans une population de malades de cancérologie.

Les HcQ simultanées sur cathéter et en périphérie trouvent une place idéale en oncohématologie.

Un rapport des comptes bactériens supérieur à 4 : 1, voire à 10 : 1, entre hémoculture sur CVC et hémoculture périphérique, est hautement prédictif et spécifique de bactériémie liée au cathéter, manquant cependant de sensibilité.

Ce rapport dépasse en fait le plus souvent 50, voire 100, en cas d’ILC prouvée.

Cette approche, longtemps apparue lourde et difficilement réalisable en routine, peut être simplifiée grâce à l’utilisation de tubes Isolatort pédiatriques : la spécificité reste de 100 %, alors que la sensibilité devient très acceptable, proche de 80 %.

Parmi les techniques de diagnostic « cathéter en place », les HcQ couplées offrent le meilleur compromis sensibilité/spécificité.

La mesure du délai différentiel de positivité des Hc qualitatives couplées, rendue possible par la généralisation d’appareils détectant, de façon automatique et continue, le délai de positivation des Hc, apparaît plus simple et moins onéreuse que les HcQ.

Le délai de positivation d’une hémoculture étant inversement proportionnel au nombre de germes initialement présents dans le flacon d’Hc (inoculum), le délai de positivation des Hc peut remplacer le comptage des colonies.

La linéarité de la relation entre l’inoculum et le délai de positivation de l’Hc a été établie in vitro : par exemple, une augmentation d’un log10 de la concentration de départ correspond à un raccourcissement du temps de positivation de 140 minutes en moyenne pour S. aureus, 85 minutes pour Escherichia coli, et 285 minutes pour C. albicans.

L’intérêt de la mesure du délai différentiel de positivation des Hc standard prélevées simultanément sur cathéter et en périphérie a été validé chez des malades d’oncohématologie : une différence de temps de pousse entre les deux hémocultures d’au moins 2 heures en faveur de l’hémoculture prélevée sur cathéter est hautement prédictive de bactériémie liée au cathéter (spécificité et sensibilité sont supérieures à 90 %).

Cette méthode devrait donc désormais remplacer avantageusement les HcQ.

* Remplacement du cathéter sur guide :

Le remplacement du cathéter suspect sur guide métallique constitue une démarche essentiellement diagnostique.

La culture quantitative du premier cathéter permet de poser ou au contraire d’éliminer le diagnostic d’ILC, le second cathéter étant retiré, et le site changé, si la culture du premier est positive.

L’échange du cathéter sur guide en cas de suspicion d’ILC permet d’économiser le capital veineux.

Cependant, cette approche, impossible pour les sites implantables, est également souvent difficilement applicable pour les cathéters tunnellisés en oncohématologie.

* Stratégie globale face à une suspicion d’ILC :

Une démarche diagnostique standardisée doit être menée lorsqu’un cathéter est suspect d’infection.

En résumé, l’existence d’un sepsis grave sans autre foyer infectieux évident, ou de signes locaux francs, comme une tunnellite ou une cellulite, impose le retrait du cathéter.

En dehors de ces cas graves, deux attitudes conservatrices peuvent être proposées :

– changement du cathéter sur guide et retrait du second cathéter si le premier est colonisé/infecté, associé ou non à une antibiothérapie, selon le germe en cause ;

– réalisation d’un couple d’hémocultures (qualitatives avec mesure du délai différentiel de positivité), éventuellement associé à un écouvillonnage au point d’entrée et au niveau du pavillon du cathéter s’il s’agit d’un cathéter à émergence cutanée ; ces deux techniques associent fortes valeurs prédictives positive (hémocultures couplées) et négative (écouvillonnages) ; en cas de doute persistant, on peut recourir au changement sur guide, voire à un retrait pur et simple du cathéter ; pour les cathéters de longue durée tunnellisés, ou pour les sites implantables, l’écouvillonnage au site d’entrée cutanée n’a pas d’objet ; seule la réalisation d’hémocultures couplées est possible ; un prélèvement prudent au niveau du pavillon du cathéter, dans des conditions d’asepsie rigoureuses, pourrait être utile dans ce contexte.

À l’issue de cette démarche, la décision de retirer ou non le cathéter dépend principalement du type de micro-organisme incriminé.

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