Bookmark and Share                    Rechercher dans le site  |   Devenir membre
      Accueil       |      Forum     |    Livre D'or      |     Newsletter      |      Contactez-nous    |                                                                                                          Envoyer par mail  |   Imprimer
loading...

 
Hématologie
Infections graves chez l’immunodéprimé en oncohématologie (Suite)
Cours d'hématologie
 


 

3- Prise en charge thérapeutique :

La prise en charge thérapeutique d’une ILC est en définitive assez simple lorsque la démarche diagnostique a été menée de façon rationnelle.

La principale question à résoudre est alors : faut-il retirer ou non le cathéter ?

Le problème de l’antibiothérapie est « annexe ».

* Retrait obligatoire du cathéter :

L’existence d’un choc infectieux, sans autre cause évidente que le cathéter, impose le retrait immédiat du cathéter, ou pour le moins son changement sur guide, et la mise en route d’une antibiothérapie probabiliste.

Le diagnostic définitif d’ILC est obtenu par la culture du cathéter.

Le retrait est également obligatoire en cas d’infection locale profonde (tunnellite, cellulite).

Classiquement, l’ablation du cathéter s’impose si l’ILC est liée à l’un des germes suivants : S. aureus, Pseudomonas sp., Candida sp. ou Bacillus sp. Pour tous ces germes, le traitement cathéter en place expose à un risque d’échec et de mortalité accru.

Il en est probablement de même pour les entérobactéries multirésistantes, Stenotrophomonas sp. ou Acinetobacter sp., ainsi que pour les infections plurimicrobiennes ou à mycobactéries.

Le retrait du cathéter est le geste curateur par excellence ; néanmoins, pour les germes cités ci-dessus, une antibiothérapie adaptée de 7 à 14, voire 20 jours, est nécessaire, notamment en cas de septicémie.

S’il s’agit d’un SCN, voire d’une entérobactérie ou d’un entérocoque, l’antibiothérapie après retrait du cathéter n’est pas indispensable, ou doit rester courte (environ 5 jours).

* Traitement cathéter en place :

Le traitement d’une ILC sans retirer le cathéter n’est possible qu’en dehors des situations citées au paragraphe précédent.

On peut alors opter pour un traitement par voie systémique, de préférence sans utiliser le CVC, pour une durée minimale de 15 jours après l’apyrexie.

Le traitement cathéter en place d’une ILC à SCN expose cependant à un risque plus élevé de récidive.

Surtout, le choix d’une stratégie conservatrice ne peut être qu’exceptionnelle en cas d’ILC due à S. aureus ou Pseudomonas sp., et discutée au cas par cas.

Dans un tel cas, l’antibiothérapie devra être prolongée, plus de 4 à 6 semaines, en raison du risque élevé et prolongé de métastase septique, en particulier à S. aureus.

Quel que soit le germe en cause, cette attitude conservatrice doit être rediscutée quotidiennement, et le cathéter retiré sans délai en cas de signes infectieux persistants et/ou d’hémocultures toujours positives après le troisième jour d’une antibiothérapie adaptée.

La technique du verrou antibiotique, proposée pour les CVC de nutrition parentérale, consiste à mettre la lumière du CVC en contact avec une dose très élevée d’antibiotique, permettant d’atteindre une concentration locale supérieure à 100 fois la concentration minimale inhibitrice (CMI) du germe incriminé : les antibiotiques utilisés sont l’amikacine (2 mg dilués dans 2 mL de sérum physiologique), la vancomycine (2 mg dans 2 mL), ou la teicoplanine (4 mg dans 2 mL) : les 2 mL injectés doivent être laissés en place 24 heures/24 (ou 12 heures/24 en fonction des nécessités de perfusion nocturne), le verrou est changé une fois par jour, pour une durée totale de 14 jours (soit 14 injections quotidiennes d’antibiotiques).

Si le malade reste fébrile (ou si les hémocultures restent positives) au-delà de j3-j5, le CVC doit être retiré. L’efficacité du verrou antibiotique est moins bien établie pour les cathéters d’oncohématologie, elle ne l’est pas du tout pour les sites implantables !

En tout état de cause, cette technique ne doit pas conduire à des maintiens abusifs de cathéters en place chez un patient porteur d’un état infectieux non contrôlé.

* Antibiothérapie :

Lorsqu’une ILC est suspectée, une antibiothérapie empirique, avant les résultats des hémocultures, des prélèvements cutanés et/ou de la culture du CVC, ne s’impose qu’en cas de syndrome infectieux grave ou chez le malade sévèrement ID.

Elle doit alors comporter de la vancomycine, du fait de la fréquence des ILC dues aux SCN, résistants à la méticilline dans plus de 50 % des cas, ou à S. aureus (35 % de résistance à la méticilline), une bêtalactamine active sur les bactéries à Gram négatif (plus rares, mais plus graves), et un aminoside en cas de choc infectieux ou d’aplasie (gentamicine plutôt qu’amikacine).

Un antifongique doit être discuté chez un patient colonisé à levures ou « à haut risque ».

L’antibiothérapie doit ensuite toujours être réadaptée aux résultats bactériologiques, voire être interrompue rapidement selon le cas, comme par exemple lors d’une infection à SCN, cathéter retiré.

Chez les malades aplasiques, le traitement anti-infectieux doit être poursuivi 4 à 7 jours après la sortie d’aplasie, voire davantage en cas d’infection fongique.

Lorsque le syndrome infectieux persiste au-delà de 48 à 72 heures en dépit d’un traitement efficace, en particulier malgré le retrait du cathéter, et/ou si les hémocultures restent positives, il faudra rechercher un foyer infectieux intravasculaire, résiduel ou « métastatique » : thrombophlébite suppurée (échodoppler veineux), greffe valvulaire endocardique (échographie cardiaque), ou foyer infectieux à distance, en particulier pulmonaire ou ostéoarticulaire, à S. aureus.

Une thrombophlébite suppurée superficielle peut nécessiter, en plus d’une antibiothérapie, l’excision de la veine, notamment si S. aureus ou Candida sp. sont impliqués.

Une thrombophlébite profonde justifie en outre un traitement anticoagulant, la ligature étant rarement nécessaire.

C - ATTEINTES NEUROLOGIQUES :

Classiquement citées au second rang des atteintes infectieuses chez l’ID, les infections du système nerveux central sont en définitive relativement rares en oncohématologie.

Elles sont en revanche souvent plus sévères que chez l’immunocompétent, et grevées d’une mortalité élevée : ainsi, la méningite listérienne est deux fois plus souvent létale lorsqu’il existe une néoplasie sous-jacente : 60 versus 30 %.

Il en est de même pour les méningites bactériennes, heureusement rares, en aplasie.

Le type d’ID contribue à orienter le diagnostic.

Une ID cellulaire, au cours de lymphome, LLC, allogreffe compliquée de MGCH, ou d’une corticothérapie, est le plus souvent en cause, et responsable d’infections virales (Herpesviridae++), parasitaires (toxoplasmose), fongiques (cryptococcose, aspergillose) ou bactériennes (listériose, nocardiose, tuberculose).

La neutropénie, après chimiothérapie ou lors de leucémies aiguës, favorise les méningites bactériennes, mais surtout les atteintes fongiques : aspergilloses, mucormycoses, candidoses disséminées.

L’asplénisme fait le lit de la méningite à pneumocoque ou à hémophilus, soulignant l’intérêt de la vaccination, notamment chez le greffé.

Après greffe de CSH, les complications neurologiques concernent environ 15 % des patients.

Elles sont majoritairement infectieuses, notamment après allogreffe ou autogreffe de progéniteurs « CD34+ », survenant dans les deux premiers mois.

La plupart des complications neurologiques surviennent chez les malades greffés pour leucémie myéloïde chronique, à un degré moindre pour leucémie aiguë ou myélome, rarement pour lymphome.

La gestion des infections du système nerveux central est rendue d’autant plus difficile que les signes neurologiques sont rarement spécifiques, les signes extraneurologiques inconstants, l’analyse du liquide céphalorachidien (LCR) et de l’imagerie inconstamment contributive, et le diagnostic histologique par biopsie rarement possible.

1- Présentation neurologique :

Les signes neurologiques sont souvent aspécifiques, et intriqués avec ou modifiés par la néoplasie sous-jacente.

Le caractère pléomorphe de la symptomatologie et la diversité des agents infectieux possibles ajoutent à la difficulté.

Les différentes pathologies ne seront pas détaillées ici.

La survenue d’un syndrome méningé, avec ou sans troubles de la conscience, doit faire évoquer une méningite bactérienne « banale » en particulier à bactéries à Gram négatif, ou surtout à Listeria, M. tuberculosis ou cryptocoque.

Notons cependant que la cryptococcose, qui reste rare en oncohématologie, peut se réduire à de simples céphalées fébriles, et qu’un syndrome méningé typique peut être absent chez l’aplasique atteint de méningite bactérienne.

Diverses encéphalites sont décrites chez l’ID.

Les plus classiques sont les encéphalites herpétique, à CMV ou à toxoplasme.

Citons en outre l’encéphalite à HHV-6, responsable d’une réaction méningée lymphocytaire, diagnostiquée par PCR et culture rapide sur le LCR, et accessible au traitement par ganciclovir ou foscarnet éventuellement associés aux immunoglobulines intraveineuses.

Enfin, certaines encéphalites à protozoaires sont décrites après greffe de CSH (Trichomonas fetus, Acanthamoeba culbertsoni).

Des signes de localisation sont présents lorsqu’il existe un processus expansif intraparenchymateux : toxoplasmose, aspergillose, nocardiose.

Une infection parenchymateuse chez un allogreffé doit évoquer en priorité une aspergillose ou une toxoplasmose.

Des signes de rhombencéphalite sont évocateurs de listériose.

Seul un tiers des infections neuroméningées s’accompagne de signes focaux.

La survenue d’une hémorragie cérébroméningée doit faire évoquer une atteinte tumorale, une toxoplasmose ou une aspergillose, du fait des anévrismes mycotiques.

Les atteintes ischémiques sont rares.

Une crise comitiale, le plus souvent inaugurale de l’atteinte neurologique, survient chez environ 5 % des greffés de CSH, et témoigne presque toujours d’une lésion sous-jacente.

Des signes de détérioration mentale progressive, sur plusieurs mois, font évoquer une leucoencéphalite multifocale progressive (LEMP).

Due au virus JC, responsable de foyers de démyélinisation dans la substance blanche, la LEMP associe des troubles moteurs, neuroophtalmiques, de la parole ou une détérioration mentale.

Fièvre, crises comitiales, céphalées et vertiges sont rares.

Après une aggravation des troubles moteurs, neurosensoriels et intellectuels, le décès, inexorable, survient en 4 mois environ.

Tomodensitométrie (TDM) et IRM apportent des éléments d’orientation ; l’imagerie par transfert magnétique et la proton-spectroscopie par résonance magnétique pourraient aider au diagnostic.

Le diagnostic virologique est obtenu par PCR sur le LCR.

Le diagnostic définitif est histologique, avec la présence de foyers multifocaux de démyélinisation dans la substance blanche sous-corticale.

Aucun traitement n’est validé : la cytarabine en monothérapie n’a pas montré d’efficacité en clinique.

L’interféron a, le cidofovir, ou plus probablement l’association de plusieurs molécules, pourraient avoir un intérêt.

Un tableau de « LEMP » due au virus zona-varicelle (VZV) peut se rencontrer plusieurs mois après l’atteinte initiale.

L’encéphalite subaiguë postrougeole survient entre 1 et 6 mois après une rougeole chez l’enfant, et associe à la détérioration intellectuelle des myoclonies, des convulsions, puis un coma irréversible.

Les atteintes non infectieuses miment les précédentes ou s’y associent.

Outre les atteintes métaboliques et les toxicités médicamenteuses « banales », on évoque spécialement :

– les atteintes tumorales : métastases de tumeurs solides, méningite carcinomateuse, lymphome... ;

– la toxicité des antimitotiques : encéphalopathie à l’ifosfamide, plus rarement à la cytarabine, au 5-fluoro-uracyl (5-FU), au cisplatine, au méthotrexate, à la vincristine... ;

– la toxicité des anti-infectieux : l’encéphalopathie à l’aciclovir, rare, peut être trompeuse, car souvent intriquée avec une encéphalite virale ayant motivé le traitement ;

– une microangiopathie thrombotique, qui associe fièvre, anémie hémolytique avec schizocytes, thrombopénie, insuffisance rénale, dans un contexte infectieux, ou après traitement par mitomycine C ou ciclosporine.

2- Signes extraneurologiques :

Lorsque des localisations extraneurologiques existent, elles peuvent permettre d’orienter le diagnostic ou d’isoler l’agent pathogène responsable s’il n’a pu l’être dans le LCR.

Les hémocultures sont positives au cours des atteintes bactériennes, en particulier à BGN, conduisant à rechercher une anguillulose, ou à Listeria, voire des infections à cryptocoque.

Une atteinte pulmonaire est fréquente au cours de l’aspergillose quasiment jamais d’atteinte cérébrale sans atteinte respiratoire, des mucormycoses, de la nocardiose (70 % des nocardioses cérébrales) ou des mycobactérioses.

Les prélèvements respiratoires peuvent alors être utiles. Des atteintes cérébrales primitives sont cependant possibles dans chacun de ces cas.

La toxoplasmose, souvent responsable d’encéphalite isolée, peut parfois s’accompagner d’atteinte pulmonaire, voire digestive, ganglionnaire, médullaire ou myocardique.

Une cryptococcose pulmonaire peut accompagner ou précéder de plusieurs semaines l’atteinte cérébrale.

Une atteinte sinusienne est possible au cours de l’aspergillose ou des mucormycoses.

Une atteinte cutanée se rencontre au cours des nocardioses, soulignant l’intérêt de la biopsie cutanée, des mycoses disséminées (candidoses, fusarioses) ou des viroses : l’éruption à VZV survient environ 10 jours avant l’encéphalite.

Certains agents pathogènes, comme le virus JC, ne s’accompagnent qu’exceptionnellement de signes extraneurologiques.

3- Analyse du LCR :

L’analyse du LCR est surtout utile pour le diagnostic des méningites à germe banal, comme pneumocoque ou hémophilus, ou à mycobactérie, d’infections virales (notamment CMV et HSV), d’atteintes fongiques, ou encore d’atteinte neuroméningée de la néoplasie par anatomopathologie.

L’analyse biochimique porte sur la protéinorachie et la glycorachie.

L’hyperprotéinorachie est franche au cours de la tuberculose, plus modérée ailleurs ; la glycorachie est le plus souvent abaissée au cours des atteintes bactériennes ou fongiques, ce qui constitue un signe d’orientation important, et normale pour les atteintes virales ou à Nocardia.

La cellularité du LCR a valeur d’orientation.

La présence de polynucléaires oriente vers une atteinte bactérienne banale ou listérienne ; dans ce dernier cas, la formule est dite « panachée ».

Cryptocoque, M. tuberculosis et les virus s’accompagnent d’une formule surtout lymphocytaire.

Enfin, des cellularités normales ou un peu mixtes s’observent au cours des atteintes à T. gondii, Aspergillus, Candida ou Nocardia.

Notons en outre qu’au cours des méningites bactériennes en aplasie, le LCR peut être paucicellulaire et normoglycorachique.

L’identification du pathogène responsable dans le LCR est possible au cours des méningites bactériennes à « pyogènes », Listeria, ou tuberculeuse, à condition que l’antibiothérapie empirique n’ait pas négativé les prélèvements, ou lors des méningites à cryptocoque.

La sensibilité de l’examen direct est cependant prise en défaut dans 50 % des cas, voire plus.

Certains antigènes peuvent être détectés avec une sensibilité et spécificité excellentes dans le LCR, en particulier l’antigène cryptococcique.

Les cultures virales rapides peuvent être contributives, mais c’est surtout la PCR qui apporte le diagnostic pour HSV, VZV, CMV, HHV-6, Epstein-Barr virus (EBV), ou virus JC.

Au cours des atteintes profondes, parenchymateuses (toxoplasmose, aspergillose...), l’analyse du LCR est rarement contributive.

4- Apports de l’imagerie :

La scanographie et l’IRM du cerveau sont un élément essentiel dans le raisonnement étiologique devant une atteinte neurologique, infectieuse ou non, chez l’ID.

Les données de l’imagerie sont cependant le plus souvent peu spécifiques.

On accorde alors une importance toute particulière à la localisation des lésions et à la présence simultanée de plusieurs lésions.

La scanographie peut être normale, en particulier au cours des méningites bactériennes.

Certains aspects sont néanmoins évocateurs : prise de contraste en « cocarde » des abcès, lésions hémorragiques des atteintes aspergillaires, atteintes temporales de l’encéphalite herpétique, aspects typiques de LEMP.

Ailleurs, on ne trouve que des aspects atypiques, comme au cours de certaines infections fongiques, ou d’encéphalites à toxoplasme.

Au cours des complications infectieuses après greffe de CSH, la scanographie est normale une fois sur deux, et montre des hypodensités dans la plupart des autres cas.

La scanographie est normale au cours de la toxoplasmose débutante, diagnostic le plus fréquent après greffe, et ne retrouve pas ensuite, le plus souvent, de prise de contraste.

L’IRM, pratiquement toujours anormale, est alors déterminante.

La scanographie peut également ne pas être contributive au cours des atteintes fongiques.

Face à une atteinte cérébrale chez un ID en oncohématologie, il faut pouvoir effectuer rapidement une ponction lombaire et un scanner, voire une IRM d’emblée, et instaurer sans délai un traitement antiinfectieux probabiliste.

Le pronostic reste néanmoins sombre, en particulier après greffe de CSH, où le diagnostic n’est souvent affirmé qu’à l’autopsie.

D - ATTEINTES HÉPATODIGESTIVES :

1- Diarrhées infectieuses :

La muqueuse digestive, tout comme le tissu hématopoïétique, est fortement exposée aux conséquences de chimio- et radiothérapies, du fait d’un renouvellement rapide des cellules digestives.

En présence d’une barrière muqueuse fragilisée, la flore bactérienne du tube digestif, largement modifiée par l’antibiothérapie, est la source privilégiée d’infections.

La diarrhée est l’expression d’une atteinte infectieuse, toxique, ou immunologique.

La toxicité propre de la chimiothérapie et de la radiothérapie peut être responsable de diarrhée, en particulier les médicaments pourvoyeurs de mucites sévères (cytarabine, 5-FU).

Nausées et vomissements l’accompagnent souvent.

Les ralentisseurs du transit doivent être évités, car susceptibles de favoriser la pullulation microbienne dans la lumière digestive, à l’origine de translocations bactériennes en aplasie.

Il a en effet été montré qu’au cours de neutropénies profondes lors d’hémopathies, les bactériémies avaient quatre fois sur cinq une origine digestive, les bactéries profitant de la fragilisation de la barrière épithéliale.

Une cartographie bactérienne comprenant une coproculture quantitative prend tout son intérêt avant l’entrée en aplasie, permettant l’identification précoce de souches potentiellement résistantes.

Les diarrhées d’origine bactérienne ont plusieurs causes.

La colite pseudomembraneuse, due à Clostridium sp. (C. difficile, plus rarement C. septicum), est favorisée par des antibiothérapies souvent larges en oncohématologie.

L’identification de la toxine de C. difficile permet d’en faire le diagnostic.

Certaines colites pseudomembraneuses peuvent survenir en dehors de toute participation infectieuse.

Colibacille, salmonelle, shigelle, Yersinia sp. ou Klebsiella oxytoca, à l’origine de diarrhée sanglante, sont les autres causes de diarrhée bactérienne.

Les diarrhées d’origine virale sont dues à une colite à adénovirus, HSV, astrovirus (hypogammaglobulinémie) ou CMV.

Le diagnostic d’entérocolite à CMV, décrite entre les deuxième et troisième mois après greffe de CSH, est affirmé par l’endoscopie et l’histologie sur les biopsies coliques, éventuellement complétée par la PCR.

L’EBV peut être responsable de lymphoprolifération digestive après greffe de CSH.

Parmi les diarrhées d’origine parasitaire, la cryptosporidiose réalise une diarrhée abondante, souvent fluctuante, de type sécrétoire cholériforme, parfois associée à des vomissements ou des douleurs abdominales ; aucun traitement étiologique vraiment efficace n’existe ; la spiramycine est parfois proposée.

Chez un malade ayant séjourné en zone d’endémie, une diarrhée chronique avec malabsorption grave doit faire évoquer une gastroduodénite à anguillule.

D’autres agents pathogènes (Aspergillus sp., parasites...) peuvent être responsables de diarrhées.

Au premier rang des causes non infectieuses de diarrhée, la MGCH postallogreffe est souvent précédée d’une atteinte cutanée et accompagnée de perturbations hépatiques.

La MGCH chronique est également cause de diarrhée.

L’entérocolite neutropénique est évoquée au paragraphe suivant.

2- Syndromes abdominaux aigus :

Les causes classiques d’abdomen aigu « chirurgical » peuvent se rencontrer chez le patient d’oncohématologie : péritonite, cholécystite aiguë...

La symptomatologie peut cependant être considérablement abâtardie, en particulier en période d’aplasie.

Au cours de la cholécystite aiguë, les signes échographiques ou scanographiques peuvent être frustes.

Un traitement médical est souvent proposé en première intention.

Le drainage percutané ou nasobiliaire perendoscopique de la vésicule constituent parfois une alternative à la chirurgie.

L’aplasie médullaire ne constitue pas une contre-indication à la chirurgie, qui ne doit pas être reculée lorsqu’il existe un syndrome infectieux franc d’origine abdominale.

Les péritonites aiguës peuvent être secondaires à une complication directe de la néoplasie ou postopératoires.

Deux particularités sont à connaître : la mise en évidence d’une péritonite primaire à pneumocoque doit faire rechercher un déficit de l’immunité humorale ; en outre, chez un patient ayant séjourné en zone d’endémie, un syndrome douloureux abdominal, un tableau d’occlusion ou de péritonite doit faire évoquer une anguillulose maligne.

L’entérocolite neutropénique (nécrosante ou « typhlite ») survient en période d’aplasie.

Elle est liée à une nécrose tissulaire avec pullulation microbienne dans la paroi digestive.

Histologiquement, il existe des ulcérations muqueuses, un oedème et/ou une nécrose de la sous-muqueuse, la séreuse pouvant apparaître normale ou seulement oedémateuse.

La symptomatologie prédomine en fosse iliaque droite, en particulier au niveau cæcal, parfois de l’iléon terminal ou du côlon droit ; elle associe fièvre, douleur abdominale, diarrhée, sanglante dans les cas typiques, parfois une distension, une défense ou une contracture.

L’imagerie, souvent aspécifique, est basée sur l’abdomen sans préparation (ASP) (distension cæcale, iléus du grêle, pneumatose pariétale, voire pneumopéritoine), la scanographie (paroi épaissie, pneumatose pariétale, graisse colique infiltrée), ou l’échographie (paroi épaissie).

Le pronostic est surtout lié à la sortie d’aplasie : c’est sa proximité ou non, ainsi que la gravité du retentissement général (sepsis grave, défaillances viscérales) qui tranchent entre un traitement médical conservateur et le recours à la chirurgie pour exérèse des lésions nécrotiques.

Des douleurs abdominales survenant à plusieurs mois d’une allogreffe compliquée de MGCH chronique, éventuellement associées à une pancréatite biologique et à une coagulation intravasculaire disséminée, doivent faire évoquer une infection disséminée à VZV ; les signes cutanés pourront apparaître dans les 48 heures qui suivent.

Le traitement antiviral est urgent.

3- Atteintes hépatiques et pancréatiques :

Les atteintes hépatiques bactériennes n’ont pas de particularités chez l’ID.

Les atteintes fongiques sont en particulier représentées par les candidoses hépatospléniques.

Les hépatites virales peuvent être dues aux virus des hépatites B ou C, en particulier après greffe de CSH.

La réactivation virale, dont témoignent des titres parfois élevés du virus de l’hépatite B (HBV) acide désoxyribonucléique (ADN), est favorisée par les traitements immunosuppresseurs, notamment corticoïdes et ciclosporine ; à l’arrêt des immunosuppresseurs, lorsque l’immunité cellulaire est restaurée, une cytolyse, voire une défaillance hépatique, peuvent apparaître.

Le risque d’hépatite fulminante est plus élevé pour le virus B que le virus C.

L’existence, avant greffe, de lésions hépatiques liées au virus B favorise la survenue ultérieure de maladie veino-occlusive, souvent fatale.

Du fait de virus B mutants ne sécrétant pas d’antigène HBe, il faut savoir rechercher l’HBVADN, de façon quantitative, s’il existe des signes d’atteinte hépatique.

Le virus C peut être impliqué par transmission à partir des CSH du donneur au cours des allogreffes, ou par réactivation d’un virus latent du receveur, ce qui justifie la recherche du virus par PCR et non sérologie avant greffe, chez un malade considéré à risque.

Le risque d’hépatite chronique existe alors, mais celui des complications graves comme la cirrhose n’est significatif que 10 ans après la greffe.

Le traitement repose sur interféron a, lamivudine et famciclovir pour l’hépatite B, interféron a et ribavirine pour le virus C.

Les hépatites à HSV sont rares mais graves, le diagnostic étant fait par biopsie hépatique.

Les hépatites à CMV, à l’occasion d’une infection à CMV chez un greffé, sont habituellement peu sévères.

D’exceptionnelles hépatites à adénovirus sont décrites après greffe de CSH.

En fait, les atteintes non infectieuses sont plus fréquentes et parfois plus graves.

Une toxicité médicamenteuse doit toujours être évoquée.

À partir de la troisième semaine postgreffe, la survenue d’une MGCH aiguë s’accompagne volontiers d’une atteinte hépatique, principalement cholestatique.

En présence d’une cholestase ictérique dans les 3 semaines suivant une chimiothérapie lourde de leucémie aiguë ou une greffe de CSH, on évoque la maladie veino-occlusive du foie.

Une hépatomégalie douloureuse, une ascite, un gain de poids supérieur à 3-5 %, une thrombopénie réfractaire précoce, puis un syndrome hépatorénal, qui en fait le pronostic péjoratif, sont en règle associés.

Dans les conditions d’ID acquise prolongée (neutropénie postchimiothérapie), en particulier après greffe, les perturbations hépatiques sont fréquentes, et souvent multifactorielles : médicaments, notamment antibiotiques, nombreux et difficiles à arrêter, nutrition parentérale, infections bactériennes ou fongiques, MGCH, maladie veino-occlusive...

En dehors de la MGCH et de la maladie veino-occlusive, pour lesquelles on peut rassembler un faisceau d’arguments positifs, le diagnostic est souvent difficile à préciser.

Cependant, en dehors de la MGCH, la maladie veinoocclusive et quelques hépatites virales, les anomalies du bilan hépatique sont modérées et sans signe de gravité.

La ponctionbiopsie hépatique, de préférence par voie transjugulaire, qui permet de mesurer les pressions dans le système porte, est réservée aux diagnostics incertains avec des éléments de gravité, afin de faire la part entre MGCH, maladie veino-occlusive et hépatites virales.

Des pancréatites aiguës peuvent survenir après greffe de CSH, jusqu’à 10 % dans la première année.

Ces pancréatites, souvent graves et pouvant évoluer vers la défaillance multiviscérale et le décès, surviennent dans un contexte d’infection à CMV et/ou de MGCH.

E - ATTEINTES CUTANÉES :

1- Atteintes bactériennes/« cellulites » infectieuses :

Les atteintes cutanées sont primitives dans environ deux tiers des cas, liées à des métastases septiques dans un quart des cas, et plus rarement (5 %) de contiguïté (cathéters). L’aspect est parfois atténué, faussement rassurant.

La neutropénie et les modifications de l’écosystème bactérien sont autant de facteurs de risque.

L’atteinte la plus grave, mais heureusement rare, est la « cellulite » infectieuse (gangrène bactérienne ou fasciite nécrosante), périnéale (gangrène de Fournier) ou de la face.

Streptocoques, staphylocoques, entérobactéries et anaérobies sont incriminés.

Il faut savoir s’alarmer devant des signes locaux, même minimes, comme rougeur, induration et douleur, en particulier en cas d’aplasie médullaire.

Un examen exhaustif, notamment de la marge anale, est nécessaire chez un malade neutropénique fébrile et devant le moindre signe de sepsis débutant.

Une atteinte aussi minime peut évoluer très rapidement vers un sepsis incontrôlable et le décès.

En plus d’une antibiothérapie à large spectre, incluant le métronidazole pour la diffusion locale et un traitement chirurgical indispensable et urgent, il s’agit là d’une très rare indication résiduelle de transfusion de leucocytes.

Parmi les autres atteintes bactériennes, on évoque un érysipèle (streptocoques), un abcès simple (staphylocoques), un ecthyma gangrenosum, réalisant une ulcération à fond nécrotique bien circonscrite due le plus souvent à P. aeruginosa ou Serratia sp., une atteinte à Nocardia sp., ou encore une angiomatose bacillaire (Rochalimea sp.).

2- Atteintes fongiques, virales et parasitaires :

Les atteintes cutanées à champignons sont dues à Candida sp. (aspect de folliculite, monomorphe), Aspergillus sp. (vésicule, rapidement nécrotique), Malassezia sp. (aspect de folliculite ; exemple direct positif, culture difficile), Alternaria alternata (aspect nécrotique franc), Fusarium sp. (vésicule douloureuse, nécrose secondaire), mucormycose et autres phycomycoses.

Parmi les atteintes virales, les infections à Herpesviridae, vésiculeuses, parfois nécrotiques, sont majoritaires.

L’infection à HHV-6 peut être associée à un rash érythémateux maculopapuleux diffus ; la responsabilité propre d’HHV-6 est discutée (potentialisation de toxidermies ?).

Les techniques diagnostiques sont décrites plus bas, ainsi que les traitements.

Parmi les atteintes parasitaires, la gale norvégienne, ectoparasitose due à Sarcoptes scabiei, réalise des lésions hyperkératosiques diffuses, trompeuses car pas toujours prurigineuses, avec hyperéosinophilie.

3- Atteintes non infectieuses :

Elles sont fréquentes en oncohématologie.

Les hématodermies, rapidement évolutives et généralement de mauvais pronostic, infiltrent le derme et respectent l’épiderme, formant papules, plaques et nodules.

Les localisations cutanées « satellites » réalisent, au cours des hémopathies myéloïdes, les dermatoses neutrophiliques : le syndrome de Sweet, par accumulation de neutrophiles, y compris en aplasie, réalise des nodules inflammatoires et douloureux, avec fièvre élevée et hyperleucocytose.

Le pyoderma gangrenosum réalise des ulcérations serpigineuses avec « pus stérile », fièvre élevée et hyperleucocytose.

Des lésions de vascularite sont décrites au cours des leucémies à tricholeucocytes et hémopathies lymphoïdes.

Enfin, les manifestations liées au traitement comprennent : rash fébrile au granulocyte-macrophage-colony stimulating factor (GM-CSF) ; allergies et pustuloses exanthématiques aiguës généralisées (antibiotiques) ; « érythème acral » (anthracyclines, cytarabine, 5-FU, paclitaxel) ; photosensibilisation au méthotrexate ; acrosyndrome à la bléomycine ; pigmentation unguéale et ulcères à l’hydroxyurée ; pseudonouures à l’acide tout-transrétinoïque ; MGCH aiguë où l’atteinte cutanée est souvent inaugurale...

F - AUTRES ATTEINTES :

1- Atteintes hématologiques :

Outre l’atteinte hématologique liée à la néoplasie ou au traitement, les pathologies infectieuses peuvent par elles-mêmes se compliquer de cytopénie, centrale ou périphérique.

La tuberculose médullaire est explorée par biopsie ostéomédullaire.

Cependant, les faux négatifs sont fréquents du fait de l’absence de granulome en cas d’ID cellulaire profonde.

La myéloculture manque également de sensibilité.

L’infection à virus HHV-6 est responsable d’une pancytopénie d’origine centrale.

L’infection à parvovirus B19 doit être évoquée devant une anémie chronique arégénérative ; le myélogramme, avec coloration de Giemsa du frottis, permet la mise en évidence de proérythroblastes volumineux.

L’immunofluorescence (IF) à l’aide d’anticorps spécifiques ou la détection d’ADN viral confirme le diagnostic ; de même, l’ADN viral plasmatique peut être détecté par PCR, qui peut cependant rester négative en raison de charges virales plasmatiques faibles.

La sérologie (immunoglobulines [Ig]M spécifiques) est peu fiable chez l’ID.

Le syndrome d’activation macrophagique (« hémophagocytose »), qu’il soit d’origine infectieuse ou néoplasique, la maladie veinoocclusive, à l’origine d’une thrombopénie réfractaire précoce, ou encore la microangiopathie thrombotique, associant thrombopénie et anémie hémolytique avec schizocytose, sont également à l’origine d’atteinte hématologique.

Parmi les autres causes d’hémolyse, on retrouve les infections à mycoplasme, la babésiose, et diverses causes non infectieuses comme les hémopathies lymphoïdes.

2- Atteintes urologiques :

À côté des infections urinaires « banales », on retrouve chez l’ID des cystites hémorragiques virales (BK-virus, de la famille des papillomavirus, mais aussi CMV ou adénovirus), ainsi que des cystites hémorragiques au cyclophosphamide.

3- Atteintes oto-rhino-laryngologiques :

Les atteintes sinusiennes peuvent être d’origine bactérienne, mais surtout fongique : sinusites au cours d’aspergillose ou de mucormycose.

Des sinusites sont également décrites au cours d’infections à virus HHV-6.

Autre atteinte ORL d’importance majeure, les mucites buccopharyngées induites par la chimiothérapie (cytarabine en premier lieu) s’observent au cours des neutropénies profondes et prolongées.

La responsabilité du virus Herpès simplex, réactivé au cours de l’aplasie, est incriminée.

Les mucites sévères constituent une porte d’entrée pour les infections bactériémiques à germes de la flore buccale, notamment à streptocoque du groupe viridans, chez le neutropénique.

D’autres surinfections (bactériennes, dont Capnocytophaga sp., ou candidosiques) sont possibles.

Spécificités selon le type d’atteinte microbiologique :

A - INFECTIONS BACTÉRIENNES :

L’épidémiologie des infections bactériennes, en particulier en neutropénie, a considérablement évolué depuis 20 ans.

Les infections à bactéries à Gram négatif (deux tiers des cas dans les années 1970) ont fait place à une majorité (60-70 %) d’infections à Gram positif.

1- Bactéries à Gram positif :

Parmi les bactéries à Gram positif, S. aureus est surtout responsable d’infections de sites opératoires, de cathéters ou pulmonaires.

Longtemps prédominant, S. aureus, s’il reste à l’origine d’infections sévères, fait néanmoins place, en particulier chez le neutropénique, au staphylocoque à coagulase négative ou au streptocoque du groupe viridans.

La place prépondérante des staphylocoques à coagulase négative s’explique en partie par la fréquence des cathéters intravasculaires en oncohématologie.

S. epidermidis représente la grande majorité des isolats, le plus souvent résistants à la méticilline.

La mortalité attribuable à ce type de germes est considérée comme faible, de l’ordre de 13 % chez le nonneutropénique.

Au cours des neutropénies, 60 % des staphylocoques à coagulase négative responsables de bactériémies sont résistants à la méticilline, contre moins de 5 % des S. aureus.

Les bactériémies à streptocoque du groupe viridans (S. mitis, S. sanguis...) touchent les malades sévèrement neutropéniques. Parfois létales (la mortalité atteint 20 %), elles peuvent se compliquer d’état de choc ou de SDRA.

Une prophylaxie par aminopénicillines après autogreffe de CSH périphériques ne semble pas réduire leur incidence, et pourrait favoriser l’émergence de souches résistantes.

Les facteurs de risque sont une mucite sévère, une chimiothérapie par cytarabine à forte dose, une antibiothérapie par fluoroquinolones ou cotrimoxazole, ou l’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à protons.

Les infections à entérocoque, dont la pathogénicité est discutée, associent bactériémies et infections péritonéales. Peu favorisées par la neutropénie, ces infections sont fréquemment polymicrobiennes, et létales dans environ 30 % des cas.

Quoique encore marginal en Europe, l’élément le plus inquiétant semble être l’émergence d’entérocoques résistants à la vancomycine, favorisée par l’administration d’imidazolés, l’administration orale de vancomycine, ou encore l’usage combiné de céphalosporines de troisième génération et de vancomycine, bien que ce dernier élément soit discuté.

L’usage prolongé de vancomycine peut également faire le lit de S. aureus, intermédiaire aux glycopeptides, véritable inquiétude en termes écologiques.

Les infections à pneumocoque sont davantage favorisées par l’asplénisme que par la neutropénie.

Certaines bactéries à Gram positif « rares » sont responsables d’infections chez l’ID : Listeria sp. (de type monocytogenes ou non, favorisées par une ID cellulaire), corynébactéries (notamment Corynebacterium jeikeium, chez les patients porteurs de cathéter), Bacillus sp., responsable d’infections sur cathéters, ou encore, mais rarement en oncohématologie, Rhodococcus equi, à l’origine de nodules pulmonaires, etc.

2- Bactéries à Gram négatif :

Les infections à BGN ont surtout pour origine les urines, la bile, le tube digestif ou les poumons, plus rarement les cathéters.

Le tube digestif en est le principal pourvoyeur chez l’aplasique, par translocation bactérienne.

Parmi les entérobactéries, E. coli et Klebsiella sp. sont les plus fréquemment en cause, l’importance de Klebsiella, Enterobacter ou Serratia, étant croissante.

Les BGN non fermentants sont représentés par P. aeruginosa, deuxième cause d’infection à BGN, après colibacille, dont la fréquence est stable ou en diminution.

Même si la fréquence des infections à BGN a diminué, de façon relative, la mortalité attribuable reste en revanche élevée, jusqu’à 60 %, en particulier lorsque P. aeruginosa est en cause.

La réduction des infections à BGN s’explique en partie par l’utilisation d’alimentations stériles, ou l’usage extensif des fluoroquinolones en prophylaxie.

Cet usage est en outre à l’origine de l’émergence de souches résistantes.

La coproculture quantitative en début d’aplasie permet d’identifier précocement les germes, en particulier entérobactéries et bacilles non fermentants, ultérieurement responsables de bactériémie.

Legionella pneumophila est à l’origine de pneumopathies souvent nosocomiales, favorisées par une ID cellulaire, notamment sous corticoïdes, ou les leucémies à tricholeucocytes.

Les infections à BGN anaérobies (Bacteroides sp.) sont rares (2 à 4 %), et liées à une cellulite périnéale, ou une complication tumorale digestive ou cervicofaciale, en particulier postopératoire.

En revanche, la survenue d’une bactériémie à BGN anaérobie « fastidieux », notamment chez le malade asplénique ou en période de neutropénie, doit faire évoquer la responsabilité de Capnocytophaga sp.

Une mucite sévère ou une périodontite sont souvent retrouvées.

Du fait de résistances fréquentes aux imidazolés, le traitement est basé sur l’association amoxicilline/clavulanate, la clindamycine ou l’imipenem.

Le taux de mortalité peut atteindre 30 %.

Un sepsis, une péritonite ou une méningite à BGN chez un malade ayant séjourné en zone d’endémie, doivent faire rechercher une anguillulose.

2- Autres infections bactériennes :

La survenue d’une tuberculose est favorisée par un déficit de l’immunité cellulaire.

Cette infection reste rare en oncohématologie : elle est par exemple de 0,2 % seulement sur un total de 5 000 greffes de CSH.

Cependant, l’incidence de la tuberculose en hématologie dépend de la prévalence de la maladie dans les différents pays ; une série prospective de Hong-Kong rapporte par exemple une incidence de 5,5 % après greffe.

Les facteurs de risque identifiés étaient l’allogreffe, l’irradiation corporelle totale et une MGCH chronique.

Les techniques diagnostiques font appel à la recherche du bacille tuberculeux par examen direct et culture, éventuellement par PCR (liquide pleural, expectoration), rarement par biopsie pulmonaire, parfois seule positive.

B - INFECTIONS FONGIQUES :

1- Principales atteintes fongiques :

Les atteintes fongiques chez l’ID sont principalement liées à une neutropénie profonde et/ou prolongée.

Les autres facteurs de risque sont l’âge élevé, un index de performance abaissé, une dissémination viscérale.

Le risque aspergillaire apparaît surtout après la première semaine d’aplasie.

La corticothérapie à forte dose est également responsable d’aspergilloses invasives.

* Infection à « Candida » :

L’infection à Candida est la plus fréquente des infections fongiques si on considère l’ensemble des malades d’oncohématologie.

Jusqu’à 50 % des candidoses ne sont diagnostiquées qu’à l’autopsie.

Les candidémies sont inconstantes, y compris au cours des atteintes disséminées.

C’est pourquoi il est nécessaire d’évoquer le diagnostic, et au besoin d’entreprendre un traitement, de façon précoce.

La persistance d’hémocultures positives au-delà de 2 jours, l’absence de sortie d’aplasie, l’atteinte disséminée, ont une valeur pronostique péjorative.

La mortalité à 1 mois des malades candidémiques atteint 40 % et apparaît liée à la gravité de la néoplasie, un âge avancé, ou encore, chez les patients atteints d’hémopathie, une allogreffe et l’absence de prophylaxie antifongique.

Majoritaire chez les malades atteints de tumeurs solides, l’espèce C. albicans est dépassée en hématologie par les atteintes, de plus en plus fréquentes, à Candida non albicans (C. glabrata, C. krusei).

Bien que controversé, l’usage extensif du kétoconazole, puis du fluconazole, pourrait en partie rendre compte de cette évolution.

Quelques souches de C. albicans résistantes au fluconazole apparaissent en oncohématologie.

Les patients d’oncohématologie peuvent cumuler plusieurs facteurs de risque de candidose : antibiothérapie large, présence de cathéters, traitements immunosuppresseurs, neutropénie profonde, chirurgie abdominale lourde, colonisation multiple ; dans ce dernier cas, et en particulier après chirurgie lourde, la colonisation de deux sites non contigus peut suffire à instaurer un traitement « préemptif ».

Les atteintes vont de la candidurie à la candidose disséminée, en passant par la candidémie isolée ou l’infection de cathéter.

La candidose disséminée peut associer une atteinte hépatique, splénique ou rénale, où se forment d’authentiques abcès, pulmonaire par atteinte hématogène, endophtalmique, péritonéale ou ostéoarticulaire.

Le diagnostic est basé sur l’isolement du champignon et éventuellement l’antigénémie.

La candidose chronique disséminée, réalisant des abcès hépatospléniques multiples, est une entité à part, moins souvent fongémique.

Elle survient plus particulièrement après une aplasie médullaire et s’exprime par des douleurs abdominales, une hépatosplénomégalie, une cholestase.

La positivité d’une seule hémoculture à Candida sp. suffit à porter le diagnostic de candidémie.

Un traitement doit alors être instauré.

Lorsque la candidémie est liée à un cathéter infecté, son retrait est obligatoire ; de même pour les chambres implantables.

Au cours des localisations endophtalmiques, le traitement repose sur le fluconazole ou l’injection intravitréenne d’amphotéricine B, associée à une vitrectomie.

L’utilisation du fluconazole chez le malade neutropénique est raisonnable au cours des atteintes de gravité modérée à Candida.

Dans les atteintes sévères et/ou profondes, le traitement de référence reste l’amphotéricine B, qui est également indiquée si une candidémie survient chez un patient récemment traité par un azolé.

La prophylaxie par fluconazole ou itraconazole semble réduire l’incidence des candidoses superficielles et profondes chez les malades à risque.

* Infection aspergillaire :

L’aspergillose, plus fréquente que les candidoses en hématologie, est une cause majeure de mortalité, celle-ci ayant peu varié au cours des dernières années.

Le pronostic est en particulier défavorable au cours des atteintes disséminées, après allogreffe de CSH (survie médiane : 1 mois), et chez les malades ventilés mécaniquement.

En pratique, le facteur pronostique essentiel est, outre l’instauration précoce d’un traitement, la récupération d’un nombre de polynucléaires fonctionnels supérieur à 1 000/mm3.

Une corticothérapie supérieure à 7 mg/kg au cours des 7 derniers jours et une MGCH ont également un rôle pronostique négatif.

L’équipement de chambres à flux laminaire en hématologie lourde réduit le risque d’aspergillose invasive après greffe de CSH d’un facteur 5.

Environ deux tiers des aspergilloses sont d’acquisition communautaire.

Le rôle des aliments est souligné : poivre, thé, certains fruits...

L’espèce prédominante est Aspergillus fumigatus. Les localisations sont en premier lieu pulmonaire et sinusienne, témoignant d’une contamination par voie aérienne.

Le tableau de fièvre avec toux, douleur thoracique et expectoration hémoptoïque est évocateur.

Les aspergilloses pulmonaires invasives s’associent fréquemment (30 %) à une atteinte cérébrale, justifiant la réalisation systématique d’une TDM (ou IRM) cérébrale (qui explore en outre les sinus).

Les fongémies à Aspergillus sont exceptionnelles.

Le diagnostic est basé sur l’isolement du champignon et l’antigénémie, dont la validité est très supérieure à celle de l’antigénémie Candida.

Le traitement antifongique de référence repose sur l’amphotéricine B, il doit être entrepris précocement, pour une durée prolongée, relayé par itraconazole.

L’association amphotéricine B-itraconazole, proposée par certains, n’a en aucun cas fait la preuve de son intérêt.

Les atteintes oculaires aspergillaires pourraient justifier d’associer amphotéricine B et 5-fluorocytosine (5-FC).

Le traitement chirurgical de l’aspergillose pulmonaire peut se discuter dans deux indications :

– en cas de lésion menaçant une structure vasculaire, avec risque d’hémoptysie cataclysmique ; les bénéfices respectifs d’une intervention de principe, ou d’une surveillance en milieu chirurgical, sont à mettre en balance chez ces patients sévèrement ID ;

– une chirurgie de « réduction de la charge fongique », avant une future phase d’aplasie prolongée ou de greffe, peut se discuter ; en cas d’atteinte cérébrale, la chirurgie peut être proposée si la lésion est accessible, le traitement médical seul laissant peu de chances de guérison ; le traitement chirurgical de lésions ORL, considéré dangereux par certains, est néanmoins probablement justifié dans nombre de cas.

* Autres infections fongiques :

Les cryptococcoses sont plus rares en oncohématologie qu’au cours du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida).

L’atteinte principale est neuroméningée, des formes disséminées, parfois septicémiques, sont possibles.

Le diagnostic est basé sur l’examen direct et la culture du LCR, et la mise en évidence de l’antigène de capsule dans le sérum et le LCR.

Le traitement doit associer amphotéricine B et 5-fluorocytosine, additifs, pendant le cap aigu des 5 premiers jours, puis on maintiendra l’amphotéricine B seule.

Le fluconazole peut être proposé à forte dose, mais le risque d’échec est majeur lorsque le taux d’antigène dans le LCR est élevé (> 1/1 024).

Les infections à Mucorales, champignons filamenteux, sont rares. Les infections à Mucor sp. sont responsables d’atteintes pulmonaires, ORL (sinusites extensives), cérébrales ou disséminées.

L’évolution peut être fulminante. L’activité de l’amphotéricine B sur cette espèce est inconstante.

L’exérèse chirurgicale trouve là son indication majeure, au niveau ORL et pulmonaire, dès que le traitement antifongique a eu un minimum d’activité, voire d’emblée.

Les atteintes liées à Fusarium sp., champignon filamenteux comme Aspergillus, sont cutanées (> 80 % des cas) ou pulmonaires (20 %).

Les fongémies sont ici fréquentes : 50 % des cas.

Le traitement en est très difficile, du fait d’une résistance aux azolés, à la 5-FC et à l’amphotéricine B dans plus de 50 % des cas ; les formulations lipidiques pourraient être utiles. Une exérèse chirurgicale peut également être nécessaire.

La pneumocystose, infection fongique, est surtout favorisée par la corticothérapie et la lymphopénie T : hors sida, le risque apparaît pour un nombre de lymphocytes inférieur à 600/mm3.

Macrophages et lymphocytes T sont les éléments essentiels de défense anti-P. carinii.

La pneumocystose s’observe également chez les malades atteints de leucémie aiguë lymphoïde (LAL) ou de maladie de Hodgkin, ou sous traitement par méthotrexate, fludarabine ou cyclophosphamide à haute dose.

Chez les malades non-VIH, le pronostic est médiocre : 35 à 50 % de mortalité.

Le diagnostic est fondé sur la détection des kystes ou des trophozoïtes du parasite dans le liquide de LBA, par coloration de Gomori-Grocott ou de Gram-Weigert ; l’IF et la PCR sont également disponibles (LBA > sécrétions oropharyngées).

Le traitement de l’infection à P. carinii, résistant aux azolés et à l’amphotéricine B, est basé sur le cotrimoxazole ; l’intérêt d’une corticothérapie adjuvante n’est pas défini.

Dans le cas de lymphopénie profonde ou de corticothérapie prolongée, une prévention s’impose, par cotrimoxazole oral, pentamidine en aérosol, dapsone ± pyriméthamine, voire atovaquone.

2- Techniques diagnostiques :

* Cultures fongiques :

À côté de l’examen direct et de la culture des différents prélèvements, dont la valeur relative a été évoquée plus haut, les hémocultures fongiques ont une place particulière.

Leur intérêt se limite surtout à Candida sp., les infections à champignons filamenteux, mis à part les fusarioses, étant exceptionnellement fongémiques.

La culture des champignons se heurte à divers obstacles : croissance plus lente que celle des bactéries (optimisation par des milieux spéciaux pour certaines espèces), négativation par les bactéries en cas de septicémie mixte.

Deux systèmes existent : non automatiques (Isostatt, ex-Isolatort), ou automatiques (systèmes Bactect ou Bact/Alertt).

L’utilisation de ces techniques, le respect scrupuleux du volume à prélever (en général 8-10 mL) et la répétition des hémocultures devraient permettre d’améliorer la sensibilité des candidémies, jusqu’alors prises en défaut dans plus de 50 % des cas de candidose profonde.

Lorsqu’une candidémie liée au cathéter est évoquée, des hémocultures peuvent être prélevées simultanément sur cathéter et en périphérie.

* Antigénémies et PCR :

L’antigénémie Candida est basée sur la détection de différents antigènes : mannane (Pastorext, Cand-Tect), énolase...

L’utilisation de ces techniques en routine, considérées le plus souvent comme spécifiques, est limitée par leur manque de sensibilité.

La répétition des dosages ou l’association de plusieurs techniques pourraient accroître l’intérêt de l’antigénémie Candida.

La PCR-Candida n’est pas utilisée en routine.

Plus intéressante, l’antigénémie aspergillaire est basée sur la détection de l’antigène polysaccharidique de paroi galactomannane.

La méthode « sandwich » enzyme linked immunosorbent assay (Elisa) semble supérieure aux autres techniques, du fait d’un seuil de détection très bas (donc une forte sensibilité) et d’une positivation parfois plus précoce que les signes cliniques.

La répétition des tests permet en outre un suivi évolutif.

Il existe en revanche des faux positifs, la spécificité étant supérieure si un deuxième prélèvement revient positif.

L’antigénémie aspergillaire a été validée chez le malade neutropénique.

Hors neutropénie, des faux négatifs ont été observés.

L’antigène peut également être détecté dans le liquide de LBA.

La PCR-Aspergillus ne modifie pas la sensibilité de l’antigénémie, déjà bonne, mais pourrait augmenter sa spécificité.

Au cours de la cryptococcose, l’antigène de polysaccharidique de capsule peut être détecté dans le LCR, le liquide de LBA, le sang ou les urines, par agglutination au latex ou Elisa.

Sensibilité et spécificité de ces tests sont supérieures à 90 %.

La valeur absolue, ou encore l’évolution du titre d’antigène dans le LCR, semble avoir une valeur pronostique.

* Sérologies :

L’intérêt des sérologies (Candida, Aspergillus) est ici très limité : faux négatifs du fait de l’ID, faux positifs chez des malades simplement colonisés.

L’association de la sérologie et de l’antigénémie Candida semble intéressante, tant en termes de sensibilité que de spécificité.

Suite

  Envoyer par mail Envoyer cette page à un ami  Imprimer Imprimer cette page

Nombre d'affichage de la page 1740

loading...

Copyright 2018 © MedixDz.com - Encyclopédie médicale Medix