Infections graves chez l’immunodéprimé en oncohématologie
(Suite) Cours
d'hématologie
3- Prise en charge thérapeutique
:
La prise en charge thérapeutique d’une ILC est en définitive assez
simple lorsque la démarche diagnostique a été menée de façon
rationnelle.
La principale question à résoudre est alors : faut-il retirer
ou non le cathéter ?
Le problème de l’antibiothérapie est « annexe ».
*
Retrait obligatoire du cathéter
:
L’existence d’un choc infectieux, sans autre cause évidente que le
cathéter, impose le retrait immédiat du cathéter, ou pour le moins
son changement sur guide, et la mise en route d’une antibiothérapie
probabiliste.
Le diagnostic définitif d’ILC est obtenu par la culture
du cathéter.
Le retrait est également obligatoire en cas d’infection locale profonde
(tunnellite, cellulite).
Classiquement, l’ablation du cathéter s’impose si l’ILC est liée à l’un
des germes suivants : S. aureus, Pseudomonas sp., Candida sp. ou
Bacillus sp. Pour tous ces germes, le traitement cathéter en place
expose à un risque d’échec et de mortalité accru.
Il en est
probablement de même pour les entérobactéries multirésistantes,
Stenotrophomonas sp. ou Acinetobacter sp., ainsi que pour les
infections plurimicrobiennes ou à mycobactéries.
Le retrait du
cathéter est le geste curateur par excellence ; néanmoins, pour les
germes cités ci-dessus, une antibiothérapie adaptée de 7 à 14, voire
20 jours, est nécessaire, notamment en cas de septicémie.
S’il s’agit d’un SCN, voire d’une entérobactérie ou d’un entérocoque,
l’antibiothérapie après retrait du cathéter n’est pas indispensable,
ou doit rester courte (environ 5 jours).
* Traitement cathéter en place :
Le traitement d’une ILC sans retirer le cathéter n’est possible qu’en
dehors des situations citées au paragraphe précédent.
On peut alors
opter pour un traitement par voie systémique, de préférence sans
utiliser le CVC, pour une durée minimale de 15 jours après
l’apyrexie.
Le traitement cathéter en place d’une ILC à SCN expose
cependant à un risque plus élevé de récidive.
Surtout, le choix d’une stratégie conservatrice ne peut être
qu’exceptionnelle en cas d’ILC due à S. aureus ou Pseudomonas sp.,
et discutée au cas par cas.
Dans un tel cas, l’antibiothérapie devra
être prolongée, plus de 4 à 6 semaines, en raison du risque élevé et
prolongé de métastase septique, en particulier à S. aureus.
Quel que soit le germe en cause, cette attitude conservatrice doit
être rediscutée quotidiennement, et le cathéter retiré sans délai en
cas de signes infectieux persistants et/ou d’hémocultures toujours
positives après le troisième jour d’une antibiothérapie adaptée.
La technique du verrou antibiotique, proposée pour les CVC de
nutrition parentérale, consiste à mettre la lumière du CVC en
contact avec une dose très élevée d’antibiotique, permettant
d’atteindre une concentration locale supérieure à 100 fois la
concentration minimale inhibitrice (CMI) du germe incriminé : les
antibiotiques utilisés sont l’amikacine (2 mg dilués dans 2 mL de
sérum physiologique), la vancomycine (2 mg dans 2 mL), ou la
teicoplanine (4 mg dans 2 mL) : les 2 mL injectés doivent être laissés
en place 24 heures/24 (ou 12 heures/24 en fonction des nécessités
de perfusion nocturne), le verrou est changé une fois par jour, pour
une durée totale de 14 jours (soit 14 injections quotidiennes
d’antibiotiques).
Si le malade reste fébrile (ou si les hémocultures
restent positives) au-delà de j3-j5, le CVC doit être retiré. L’efficacité
du verrou antibiotique est moins bien établie pour les cathéters
d’oncohématologie, elle ne l’est pas du tout pour les sites
implantables !
En tout état de cause, cette technique ne doit pas
conduire à des maintiens abusifs de cathéters en place chez un
patient porteur d’un état infectieux non contrôlé.
* Antibiothérapie
:
Lorsqu’une ILC est suspectée, une antibiothérapie empirique, avant
les résultats des hémocultures, des prélèvements cutanés et/ou de
la culture du CVC, ne s’impose qu’en cas de syndrome infectieux
grave ou chez le malade sévèrement ID.
Elle doit alors comporter
de la vancomycine, du fait de la fréquence des ILC dues aux SCN,
résistants à la méticilline dans plus de 50 % des cas, ou à S. aureus
(35 % de résistance à la méticilline), une bêtalactamine active sur les
bactéries à Gram négatif (plus rares, mais plus graves), et un
aminoside en cas de choc infectieux ou d’aplasie (gentamicine plutôt
qu’amikacine).
Un antifongique doit être discuté chez un patient
colonisé à levures ou « à haut risque ».
L’antibiothérapie doit ensuite
toujours être réadaptée aux résultats bactériologiques, voire être
interrompue rapidement selon le cas, comme par exemple lors d’une
infection à SCN, cathéter retiré.
Chez les malades aplasiques, le
traitement anti-infectieux doit être poursuivi 4 à 7 jours après la
sortie d’aplasie, voire davantage en cas d’infection fongique.
Lorsque le syndrome infectieux persiste au-delà de 48 à 72 heures
en dépit d’un traitement efficace, en particulier malgré le retrait du
cathéter, et/ou si les hémocultures restent positives, il faudra
rechercher un foyer infectieux intravasculaire, résiduel ou
« métastatique » : thrombophlébite suppurée (échodoppler veineux),
greffe valvulaire endocardique (échographie cardiaque), ou foyer
infectieux à distance, en particulier pulmonaire ou ostéoarticulaire,
à S. aureus.
Une thrombophlébite suppurée superficielle peut
nécessiter, en plus d’une antibiothérapie, l’excision de la veine,
notamment si S. aureus ou Candida sp. sont impliqués.
Une
thrombophlébite profonde justifie en outre un traitement
anticoagulant, la ligature étant rarement nécessaire.
C - ATTEINTES NEUROLOGIQUES :
Classiquement citées au second rang des atteintes infectieuses chez
l’ID, les infections du système nerveux central sont en définitive
relativement rares en oncohématologie.
Elles sont en revanche
souvent plus sévères que chez l’immunocompétent, et grevées d’une
mortalité élevée : ainsi, la méningite listérienne est deux fois plus
souvent létale lorsqu’il existe une néoplasie sous-jacente : 60 versus
30 %.
Il en est de même pour les méningites bactériennes,
heureusement rares, en aplasie.
Le type d’ID contribue à orienter le diagnostic.
Une ID cellulaire, au
cours de lymphome, LLC, allogreffe compliquée de MGCH, ou
d’une corticothérapie, est le plus souvent en cause, et responsable
d’infections virales (Herpesviridae++), parasitaires (toxoplasmose),
fongiques (cryptococcose, aspergillose) ou bactériennes (listériose,
nocardiose, tuberculose).
La neutropénie, après chimiothérapie ou
lors de leucémies aiguës, favorise les méningites bactériennes, mais
surtout les atteintes fongiques : aspergilloses, mucormycoses,
candidoses disséminées.
L’asplénisme fait le lit de la méningite à
pneumocoque ou à hémophilus, soulignant l’intérêt de la
vaccination, notamment chez le greffé.
Après greffe de CSH, les complications neurologiques concernent
environ 15 % des patients.
Elles sont majoritairement infectieuses,
notamment après allogreffe ou autogreffe de progéniteurs « CD34+ »,
survenant dans les deux premiers mois.
La plupart des
complications neurologiques surviennent chez les malades greffés
pour leucémie myéloïde chronique, à un degré moindre pour
leucémie aiguë ou myélome, rarement pour lymphome.
La gestion des infections du système nerveux central est rendue
d’autant plus difficile que les signes neurologiques sont rarement
spécifiques, les signes extraneurologiques inconstants, l’analyse du
liquide céphalorachidien (LCR) et de l’imagerie inconstamment
contributive, et le diagnostic histologique par biopsie rarement
possible.
1- Présentation neurologique
:
Les signes neurologiques sont souvent aspécifiques, et intriqués avec
ou modifiés par la néoplasie sous-jacente.
Le caractère pléomorphe
de la symptomatologie et la diversité des agents infectieux possibles
ajoutent à la difficulté.
Les différentes pathologies ne seront pas
détaillées ici.
La survenue d’un syndrome méningé, avec ou sans troubles de la
conscience, doit faire évoquer une méningite bactérienne « banale »
en particulier à bactéries à Gram négatif, ou surtout à Listeria, M. tuberculosis ou cryptocoque.
Notons cependant que la cryptococcose,
qui reste rare en oncohématologie, peut se réduire à de simples
céphalées fébriles, et qu’un syndrome méningé typique peut être
absent chez l’aplasique atteint de méningite bactérienne.
Diverses encéphalites sont décrites chez l’ID.
Les plus classiques
sont les encéphalites herpétique, à CMV ou à toxoplasme.
Citons en
outre l’encéphalite à HHV-6, responsable d’une réaction méningée
lymphocytaire, diagnostiquée par PCR et culture rapide sur le LCR,
et accessible au traitement par ganciclovir ou foscarnet
éventuellement associés aux immunoglobulines intraveineuses.
Enfin, certaines encéphalites à protozoaires sont décrites après greffe
de CSH (Trichomonas fetus, Acanthamoeba culbertsoni).
Des signes de localisation sont présents lorsqu’il existe un processus
expansif intraparenchymateux : toxoplasmose, aspergillose,
nocardiose.
Une infection parenchymateuse chez un allogreffé doit
évoquer en priorité une aspergillose ou une toxoplasmose.
Des
signes de rhombencéphalite sont évocateurs de listériose.
Seul un
tiers des infections neuroméningées s’accompagne de signes focaux.
La survenue d’une hémorragie cérébroméningée doit faire évoquer
une atteinte tumorale, une toxoplasmose ou une aspergillose, du fait
des anévrismes mycotiques.
Les atteintes ischémiques sont rares.
Une crise comitiale, le plus souvent inaugurale de l’atteinte
neurologique, survient chez environ 5 % des greffés de CSH, et
témoigne presque toujours d’une lésion sous-jacente.
Des signes de détérioration mentale progressive, sur plusieurs mois,
font évoquer une leucoencéphalite multifocale progressive (LEMP).
Due au virus JC, responsable de foyers de démyélinisation dans la
substance blanche, la LEMP associe des troubles moteurs, neuroophtalmiques,
de la parole ou une détérioration mentale.
Fièvre,
crises comitiales, céphalées et vertiges sont rares.
Après une
aggravation des troubles moteurs, neurosensoriels et intellectuels, le
décès, inexorable, survient en 4 mois environ.
Tomodensitométrie
(TDM) et IRM apportent des éléments d’orientation ;
l’imagerie par transfert magnétique et la proton-spectroscopie par
résonance magnétique pourraient aider au diagnostic.
Le diagnostic
virologique est obtenu par PCR sur le LCR.
Le diagnostic définitif
est histologique, avec la présence de foyers multifocaux de
démyélinisation dans la substance blanche sous-corticale.
Aucun
traitement n’est validé : la cytarabine en monothérapie n’a pas
montré d’efficacité en clinique.
L’interféron a, le cidofovir, ou plus
probablement l’association de plusieurs molécules, pourraient avoir
un intérêt.
Un tableau de « LEMP » due au virus zona-varicelle
(VZV) peut se rencontrer plusieurs mois après l’atteinte initiale.
L’encéphalite subaiguë postrougeole survient entre 1 et 6 mois après
une rougeole chez l’enfant, et associe à la détérioration intellectuelle
des myoclonies, des convulsions, puis un coma irréversible.
Les atteintes non infectieuses miment les précédentes ou s’y
associent.
Outre les atteintes métaboliques et les toxicités
médicamenteuses « banales », on évoque spécialement :
– les atteintes tumorales : métastases de tumeurs solides, méningite
carcinomateuse, lymphome... ;
– la toxicité des antimitotiques : encéphalopathie à l’ifosfamide, plus
rarement à la cytarabine, au 5-fluoro-uracyl (5-FU), au cisplatine, au
méthotrexate, à la vincristine... ;
– la toxicité des anti-infectieux : l’encéphalopathie à l’aciclovir, rare,
peut être trompeuse, car souvent intriquée avec une encéphalite
virale ayant motivé le traitement ;
– une microangiopathie thrombotique, qui associe fièvre, anémie
hémolytique avec schizocytes, thrombopénie, insuffisance rénale,
dans un contexte infectieux, ou après traitement par mitomycine C
ou ciclosporine.
2- Signes extraneurologiques :
Lorsque des localisations extraneurologiques existent, elles peuvent
permettre d’orienter le diagnostic ou d’isoler l’agent pathogène
responsable s’il n’a pu l’être dans le LCR.
Les hémocultures sont positives au cours des atteintes bactériennes,
en particulier à BGN, conduisant à rechercher une anguillulose, ou
à Listeria, voire des infections à cryptocoque.
Une atteinte pulmonaire est fréquente au cours de l’aspergillose
quasiment jamais d’atteinte cérébrale sans atteinte respiratoire, des mucormycoses, de la nocardiose (70 % des nocardioses cérébrales)
ou des mycobactérioses.
Les prélèvements respiratoires peuvent
alors être utiles. Des atteintes cérébrales primitives sont cependant
possibles dans chacun de ces cas.
La toxoplasmose, souvent
responsable d’encéphalite isolée, peut parfois s’accompagner
d’atteinte pulmonaire, voire digestive, ganglionnaire, médullaire ou
myocardique.
Une cryptococcose pulmonaire peut accompagner ou
précéder de plusieurs semaines l’atteinte cérébrale.
Une atteinte sinusienne est possible au cours de l’aspergillose ou
des mucormycoses.
Une atteinte cutanée se rencontre au cours des nocardioses,
soulignant l’intérêt de la biopsie cutanée, des mycoses disséminées
(candidoses, fusarioses) ou des viroses : l’éruption à VZV survient
environ 10 jours avant l’encéphalite.
Certains agents pathogènes, comme le virus JC, ne s’accompagnent
qu’exceptionnellement de signes extraneurologiques.
3- Analyse du LCR :
L’analyse du LCR est surtout utile pour le diagnostic des méningites
à germe banal, comme pneumocoque ou hémophilus, ou à
mycobactérie, d’infections virales (notamment CMV et HSV),
d’atteintes fongiques, ou encore d’atteinte neuroméningée de la
néoplasie par anatomopathologie.
L’analyse biochimique porte sur la protéinorachie et la glycorachie.
L’hyperprotéinorachie est franche au cours de la tuberculose, plus
modérée ailleurs ; la glycorachie est le plus souvent abaissée au
cours des atteintes bactériennes ou fongiques, ce qui constitue un
signe d’orientation important, et normale pour les atteintes virales
ou à Nocardia.
La cellularité du LCR a valeur d’orientation.
La présence de
polynucléaires oriente vers une atteinte bactérienne banale ou listérienne ; dans ce dernier cas, la formule est dite « panachée ».
Cryptocoque, M. tuberculosis et les virus s’accompagnent d’une
formule surtout lymphocytaire.
Enfin, des cellularités normales ou
un peu mixtes s’observent au cours des atteintes à T. gondii,
Aspergillus, Candida ou Nocardia.
Notons en outre qu’au cours des
méningites bactériennes en aplasie, le LCR peut être paucicellulaire
et normoglycorachique.
L’identification du pathogène responsable dans le LCR est possible
au cours des méningites bactériennes à « pyogènes », Listeria, ou
tuberculeuse, à condition que l’antibiothérapie empirique n’ait pas
négativé les prélèvements, ou lors des méningites à cryptocoque.
La
sensibilité de l’examen direct est cependant prise en défaut dans
50 % des cas, voire plus.
Certains antigènes peuvent être détectés
avec une sensibilité et spécificité excellentes dans le LCR, en
particulier l’antigène cryptococcique.
Les cultures virales rapides
peuvent être contributives, mais c’est surtout la PCR qui apporte le
diagnostic pour HSV, VZV, CMV, HHV-6, Epstein-Barr virus (EBV),
ou virus JC.
Au cours des atteintes profondes, parenchymateuses
(toxoplasmose, aspergillose...), l’analyse du LCR est rarement
contributive.
4- Apports de l’imagerie :
La scanographie et l’IRM du cerveau sont un élément essentiel dans
le raisonnement étiologique devant une atteinte neurologique, infectieuse ou non, chez l’ID.
Les données de
l’imagerie sont cependant le plus souvent peu spécifiques.
On
accorde alors une importance toute particulière à la localisation des
lésions et à la présence simultanée de plusieurs lésions.
La
scanographie peut être normale, en particulier au cours des
méningites bactériennes.
Certains aspects sont néanmoins évocateurs : prise de contraste en
« cocarde » des abcès, lésions hémorragiques des atteintes aspergillaires, atteintes temporales de l’encéphalite herpétique,
aspects typiques de LEMP.
Ailleurs, on ne trouve que des aspects
atypiques, comme au cours de certaines infections fongiques, ou
d’encéphalites à toxoplasme.
Au cours des complications infectieuses après greffe de CSH, la
scanographie est normale une fois sur deux, et montre des
hypodensités dans la plupart des autres cas.
La scanographie est
normale au cours de la toxoplasmose débutante, diagnostic le plus
fréquent après greffe, et ne retrouve pas ensuite, le plus souvent, de
prise de contraste.
L’IRM, pratiquement toujours anormale, est alors
déterminante.
La scanographie peut également ne pas être
contributive au cours des atteintes fongiques.
Face à une atteinte cérébrale chez un ID en oncohématologie, il faut
pouvoir effectuer rapidement une ponction lombaire et un scanner,
voire une IRM d’emblée, et instaurer sans délai un traitement antiinfectieux
probabiliste.
Le pronostic reste néanmoins sombre, en
particulier après greffe de CSH, où le diagnostic n’est souvent
affirmé qu’à l’autopsie.
D - ATTEINTES HÉPATODIGESTIVES :
1- Diarrhées infectieuses
:
La muqueuse digestive, tout comme le tissu hématopoïétique, est
fortement exposée aux conséquences de chimio- et radiothérapies,
du fait d’un renouvellement rapide des cellules digestives.
En
présence d’une barrière muqueuse fragilisée, la flore bactérienne du tube digestif, largement modifiée par l’antibiothérapie, est la source
privilégiée d’infections.
La diarrhée est l’expression d’une atteinte
infectieuse, toxique, ou immunologique.
La toxicité propre de la chimiothérapie et de la radiothérapie peut
être responsable de diarrhée, en particulier les médicaments
pourvoyeurs de mucites sévères (cytarabine, 5-FU).
Nausées et
vomissements l’accompagnent souvent.
Les ralentisseurs du transit
doivent être évités, car susceptibles de favoriser la pullulation
microbienne dans la lumière digestive, à l’origine de translocations
bactériennes en aplasie.
Il a en effet été montré qu’au cours de
neutropénies profondes lors d’hémopathies, les bactériémies avaient
quatre fois sur cinq une origine digestive, les bactéries profitant de
la fragilisation de la barrière épithéliale.
Une cartographie
bactérienne comprenant une coproculture quantitative prend tout
son intérêt avant l’entrée en aplasie, permettant l’identification
précoce de souches potentiellement résistantes.
Les diarrhées d’origine bactérienne ont plusieurs causes.
La colite
pseudomembraneuse, due à Clostridium sp. (C. difficile, plus
rarement C. septicum), est favorisée par des antibiothérapies souvent
larges en oncohématologie.
L’identification de la toxine de C. difficile
permet d’en faire le diagnostic.
Certaines colites
pseudomembraneuses peuvent survenir en dehors de toute
participation infectieuse.
Colibacille, salmonelle, shigelle, Yersinia
sp. ou Klebsiella oxytoca, à l’origine de diarrhée sanglante, sont les
autres causes de diarrhée bactérienne.
Les diarrhées d’origine virale sont dues à une colite à adénovirus, HSV, astrovirus (hypogammaglobulinémie) ou CMV.
Le diagnostic
d’entérocolite à CMV, décrite entre les deuxième et troisième mois
après greffe de CSH, est affirmé par l’endoscopie et l’histologie sur
les biopsies coliques, éventuellement complétée par la PCR.
L’EBV
peut être responsable de lymphoprolifération digestive après greffe
de CSH.
Parmi les diarrhées d’origine parasitaire, la cryptosporidiose réalise
une diarrhée abondante, souvent fluctuante, de type sécrétoire
cholériforme, parfois associée à des vomissements ou des douleurs
abdominales ; aucun traitement étiologique vraiment efficace
n’existe ; la spiramycine est parfois proposée.
Chez un malade
ayant séjourné en zone d’endémie, une diarrhée chronique avec
malabsorption grave doit faire évoquer une gastroduodénite à
anguillule.
D’autres agents pathogènes (Aspergillus sp., parasites...) peuvent être
responsables de diarrhées.
Au premier rang des causes non infectieuses de diarrhée, la MGCH
postallogreffe est souvent précédée d’une atteinte cutanée et
accompagnée de perturbations hépatiques.
La MGCH chronique est
également cause de diarrhée.
L’entérocolite neutropénique est évoquée au paragraphe suivant.
2- Syndromes abdominaux aigus :
Les causes classiques d’abdomen aigu « chirurgical » peuvent se
rencontrer chez le patient d’oncohématologie : péritonite,
cholécystite aiguë...
La symptomatologie peut cependant être
considérablement abâtardie, en particulier en période d’aplasie.
Au cours de la cholécystite aiguë, les signes échographiques ou scanographiques peuvent être frustes.
Un traitement médical est
souvent proposé en première intention.
Le drainage percutané ou nasobiliaire perendoscopique de la vésicule constituent parfois une
alternative à la chirurgie.
L’aplasie médullaire ne constitue pas une
contre-indication à la chirurgie, qui ne doit pas être reculée lorsqu’il
existe un syndrome infectieux franc d’origine abdominale.
Les péritonites aiguës peuvent être secondaires à une complication
directe de la néoplasie ou postopératoires.
Deux particularités sont
à connaître : la mise en évidence d’une péritonite primaire à
pneumocoque doit faire rechercher un déficit de l’immunité
humorale ; en outre, chez un patient ayant séjourné en zone
d’endémie, un syndrome douloureux abdominal, un tableau
d’occlusion ou de péritonite doit faire évoquer une anguillulose
maligne.
L’entérocolite neutropénique (nécrosante ou « typhlite ») survient en
période d’aplasie.
Elle est liée à une nécrose tissulaire avec
pullulation microbienne dans la paroi digestive.
Histologiquement,
il existe des ulcérations muqueuses, un oedème et/ou une nécrose
de la sous-muqueuse, la séreuse pouvant apparaître normale ou
seulement oedémateuse.
La symptomatologie prédomine en fosse
iliaque droite, en particulier au niveau cæcal, parfois de l’iléon
terminal ou du côlon droit ; elle associe fièvre, douleur abdominale,
diarrhée, sanglante dans les cas typiques, parfois une distension,
une défense ou une contracture.
L’imagerie, souvent aspécifique, est
basée sur l’abdomen sans préparation (ASP) (distension cæcale, iléus
du grêle, pneumatose pariétale, voire pneumopéritoine), la
scanographie (paroi épaissie, pneumatose pariétale, graisse colique
infiltrée), ou l’échographie (paroi épaissie).
Le pronostic est surtout
lié à la sortie d’aplasie : c’est sa proximité ou non, ainsi que la
gravité du retentissement général (sepsis grave, défaillances
viscérales) qui tranchent entre un traitement médical conservateur
et le recours à la chirurgie pour exérèse des lésions nécrotiques.
Des douleurs abdominales survenant à plusieurs mois d’une
allogreffe compliquée de MGCH chronique, éventuellement
associées à une pancréatite biologique et à une coagulation
intravasculaire disséminée, doivent faire évoquer une infection
disséminée à VZV ; les signes cutanés pourront apparaître dans les
48 heures qui suivent.
Le traitement antiviral est urgent.
3- Atteintes hépatiques et pancréatiques :
Les atteintes hépatiques bactériennes n’ont pas de particularités chez
l’ID.
Les atteintes fongiques sont en particulier représentées par les
candidoses hépatospléniques.
Les hépatites virales peuvent être dues aux virus des hépatites B ou
C, en particulier après greffe de CSH.
La réactivation virale, dont
témoignent des titres parfois élevés du virus de l’hépatite B (HBV) acide désoxyribonucléique (ADN), est favorisée par les traitements
immunosuppresseurs, notamment corticoïdes et ciclosporine ; à
l’arrêt des immunosuppresseurs, lorsque l’immunité cellulaire est
restaurée, une cytolyse, voire une défaillance hépatique, peuvent
apparaître.
Le risque d’hépatite fulminante est plus élevé pour le
virus B que le virus C.
L’existence, avant greffe, de lésions
hépatiques liées au virus B favorise la survenue ultérieure de
maladie veino-occlusive, souvent fatale.
Du fait de virus B mutants
ne sécrétant pas d’antigène HBe, il faut savoir rechercher l’HBVADN,
de façon quantitative, s’il existe des signes d’atteinte
hépatique.
Le virus C peut être impliqué par transmission à partir
des CSH du donneur au cours des allogreffes, ou par réactivation
d’un virus latent du receveur, ce qui justifie la recherche du virus
par PCR et non sérologie avant greffe, chez un malade considéré à
risque.
Le risque d’hépatite chronique existe alors, mais celui des
complications graves comme la cirrhose n’est significatif que 10 ans
après la greffe.
Le traitement repose sur interféron a, lamivudine et
famciclovir pour l’hépatite B, interféron a et ribavirine pour le
virus C.
Les hépatites à HSV sont rares mais graves, le diagnostic étant fait
par biopsie hépatique.
Les hépatites à CMV, à l’occasion d’une
infection à CMV chez un greffé, sont habituellement peu sévères.
D’exceptionnelles hépatites à adénovirus sont décrites après greffe
de CSH.
En fait, les atteintes non infectieuses sont plus fréquentes et parfois
plus graves.
Une toxicité médicamenteuse doit toujours être
évoquée.
À partir de la troisième semaine postgreffe, la survenue
d’une MGCH aiguë s’accompagne volontiers d’une atteinte
hépatique, principalement cholestatique.
En présence d’une cholestase ictérique dans les 3 semaines suivant une chimiothérapie
lourde de leucémie aiguë ou une greffe de CSH, on évoque la
maladie veino-occlusive du foie.
Une hépatomégalie douloureuse,
une ascite, un gain de poids supérieur à 3-5 %, une thrombopénie
réfractaire précoce, puis un syndrome hépatorénal, qui en fait le
pronostic péjoratif, sont en règle associés.
Dans les conditions d’ID acquise prolongée (neutropénie postchimiothérapie), en particulier après greffe, les perturbations
hépatiques sont fréquentes, et souvent multifactorielles :
médicaments, notamment antibiotiques, nombreux et difficiles à
arrêter, nutrition parentérale, infections bactériennes ou fongiques,
MGCH, maladie veino-occlusive...
En dehors de la MGCH et de la
maladie veino-occlusive, pour lesquelles on peut rassembler un
faisceau d’arguments positifs, le diagnostic est souvent difficile à
préciser.
Cependant, en dehors de la MGCH, la maladie veinoocclusive
et quelques hépatites virales, les anomalies du bilan
hépatique sont modérées et sans signe de gravité.
La ponctionbiopsie
hépatique, de préférence par voie transjugulaire, qui permet
de mesurer les pressions dans le système porte, est réservée aux
diagnostics incertains avec des éléments de gravité, afin de faire la
part entre MGCH, maladie veino-occlusive et hépatites virales.
Des pancréatites aiguës peuvent survenir après greffe de CSH,
jusqu’à 10 % dans la première année.
Ces pancréatites, souvent
graves et pouvant évoluer vers la défaillance multiviscérale et le
décès, surviennent dans un contexte d’infection à CMV et/ou de
MGCH.
Les atteintes cutanées sont primitives dans environ deux tiers des
cas, liées à des métastases septiques dans un quart des cas, et plus
rarement (5 %) de contiguïté (cathéters). L’aspect est parfois atténué,
faussement rassurant.
La neutropénie et les modifications de
l’écosystème bactérien sont autant de facteurs de risque.
L’atteinte la plus grave, mais heureusement rare, est la « cellulite »
infectieuse (gangrène bactérienne ou fasciite nécrosante), périnéale
(gangrène de Fournier) ou de la face.
Streptocoques, staphylocoques,
entérobactéries et anaérobies sont incriminés.
Il faut savoir s’alarmer
devant des signes locaux, même minimes, comme rougeur,
induration et douleur, en particulier en cas d’aplasie médullaire.
Un
examen exhaustif, notamment de la marge anale, est nécessaire chez
un malade neutropénique fébrile et devant le moindre signe de
sepsis débutant.
Une atteinte aussi minime peut évoluer très
rapidement vers un sepsis incontrôlable et le décès.
En plus d’une
antibiothérapie à large spectre, incluant le métronidazole pour la
diffusion locale et un traitement chirurgical indispensable et urgent,
il s’agit là d’une très rare indication résiduelle de transfusion de
leucocytes.
Parmi les autres atteintes bactériennes, on évoque un érysipèle
(streptocoques), un abcès simple (staphylocoques), un ecthyma gangrenosum, réalisant une ulcération à fond nécrotique bien
circonscrite due le plus souvent à P. aeruginosa ou Serratia sp., une
atteinte à Nocardia sp., ou encore une angiomatose bacillaire
(Rochalimea sp.).
2- Atteintes fongiques, virales et parasitaires
:
Les atteintes cutanées à champignons sont dues à Candida sp. (aspect
de folliculite, monomorphe), Aspergillus sp. (vésicule, rapidement
nécrotique), Malassezia sp. (aspect de folliculite ; exemple direct
positif, culture difficile), Alternaria alternata (aspect nécrotique franc),
Fusarium sp. (vésicule douloureuse, nécrose secondaire),
mucormycose et autres phycomycoses.
Parmi les atteintes virales, les infections à Herpesviridae, vésiculeuses,
parfois nécrotiques, sont majoritaires.
L’infection à HHV-6 peut être
associée à un rash érythémateux maculopapuleux diffus ; la
responsabilité propre d’HHV-6 est discutée (potentialisation de
toxidermies ?).
Les techniques diagnostiques sont décrites plus bas,
ainsi que les traitements.
Parmi les atteintes parasitaires, la gale norvégienne, ectoparasitose
due à Sarcoptes scabiei, réalise des lésions hyperkératosiques diffuses,
trompeuses car pas toujours prurigineuses, avec hyperéosinophilie.
3- Atteintes non infectieuses
:
Elles sont fréquentes en oncohématologie.
Les hématodermies,
rapidement évolutives et généralement de mauvais pronostic,
infiltrent le derme et respectent l’épiderme, formant papules,
plaques et nodules.
Les localisations cutanées « satellites » réalisent,
au cours des hémopathies myéloïdes, les dermatoses neutrophiliques : le syndrome de Sweet, par accumulation de
neutrophiles, y compris en aplasie, réalise des nodules
inflammatoires et douloureux, avec fièvre élevée et
hyperleucocytose.
Le pyoderma gangrenosum réalise des ulcérations
serpigineuses avec « pus stérile », fièvre élevée et hyperleucocytose.
Des lésions de vascularite sont décrites au cours des leucémies à
tricholeucocytes et hémopathies lymphoïdes.
Enfin, les
manifestations liées au traitement comprennent : rash fébrile au granulocyte-macrophage-colony stimulating factor (GM-CSF) ; allergies
et pustuloses exanthématiques aiguës généralisées (antibiotiques) ;
« érythème acral » (anthracyclines, cytarabine, 5-FU, paclitaxel) ;
photosensibilisation au méthotrexate ; acrosyndrome à la
bléomycine ; pigmentation unguéale et ulcères à l’hydroxyurée ;
pseudonouures à l’acide tout-transrétinoïque ; MGCH aiguë où
l’atteinte cutanée est souvent inaugurale...
F - AUTRES ATTEINTES :
1- Atteintes hématologiques :
Outre l’atteinte hématologique liée à la néoplasie ou au traitement,
les pathologies infectieuses peuvent par elles-mêmes se compliquer
de cytopénie, centrale ou périphérique.
La tuberculose médullaire est explorée par biopsie ostéomédullaire.
Cependant, les faux négatifs sont fréquents du fait de l’absence de
granulome en cas d’ID cellulaire profonde.
La myéloculture manque
également de sensibilité.
L’infection à virus HHV-6 est responsable d’une pancytopénie
d’origine centrale.
L’infection à parvovirus B19 doit être évoquée devant une anémie
chronique arégénérative ; le myélogramme, avec coloration de
Giemsa du frottis, permet la mise en évidence de proérythroblastes
volumineux.
L’immunofluorescence (IF) à l’aide d’anticorps
spécifiques ou la détection d’ADN viral confirme le diagnostic ; de
même, l’ADN viral plasmatique peut être détecté par PCR, qui peut
cependant rester négative en raison de charges virales plasmatiques
faibles.
La sérologie (immunoglobulines [Ig]M spécifiques) est peu
fiable chez l’ID.
Le syndrome d’activation macrophagique (« hémophagocytose »),
qu’il soit d’origine infectieuse ou néoplasique, la maladie veinoocclusive,
à l’origine d’une thrombopénie réfractaire précoce, ou
encore la microangiopathie thrombotique, associant thrombopénie
et anémie hémolytique avec schizocytose, sont également à l’origine
d’atteinte hématologique.
Parmi les autres causes d’hémolyse, on
retrouve les infections à mycoplasme, la babésiose, et diverses causes
non infectieuses comme les hémopathies lymphoïdes.
2- Atteintes urologiques :
À côté des infections urinaires « banales », on retrouve chez l’ID des
cystites hémorragiques virales (BK-virus, de la famille des
papillomavirus, mais aussi CMV ou adénovirus), ainsi que des
cystites hémorragiques au cyclophosphamide.
3- Atteintes oto-rhino-laryngologiques :
Les atteintes sinusiennes peuvent être d’origine bactérienne, mais
surtout fongique : sinusites au cours d’aspergillose ou de
mucormycose.
Des sinusites sont également décrites au cours
d’infections à virus HHV-6.
Autre atteinte ORL d’importance majeure, les mucites
buccopharyngées induites par la chimiothérapie (cytarabine en
premier lieu) s’observent au cours des neutropénies profondes et
prolongées.
La responsabilité du virus Herpès simplex, réactivé au
cours de l’aplasie, est incriminée.
Les mucites sévères constituent
une porte d’entrée pour les infections bactériémiques à germes de la
flore buccale, notamment à streptocoque du groupe viridans, chez le
neutropénique.
D’autres surinfections (bactériennes, dont Capnocytophaga sp., ou candidosiques) sont possibles.
Spécificités selon le type d’atteinte
microbiologique :
A - INFECTIONS BACTÉRIENNES :
L’épidémiologie des infections bactériennes, en particulier en
neutropénie, a considérablement évolué depuis 20 ans.
Les infections
à bactéries à Gram négatif (deux tiers des cas dans les années 1970)
ont fait place à une majorité (60-70 %) d’infections à Gram positif.
1- Bactéries à Gram positif
:
Parmi les bactéries à Gram positif, S. aureus est surtout responsable
d’infections de sites opératoires, de cathéters ou pulmonaires.
Longtemps prédominant, S. aureus, s’il reste à l’origine d’infections
sévères, fait néanmoins place, en particulier chez le neutropénique,
au staphylocoque à coagulase négative ou au streptocoque du
groupe viridans.
La place prépondérante des staphylocoques à coagulase négative s’explique en partie par la fréquence des
cathéters intravasculaires en oncohématologie.
S. epidermidis
représente la grande majorité des isolats, le plus souvent résistants à
la méticilline.
La mortalité attribuable à ce type de germes est
considérée comme faible, de l’ordre de 13 % chez le nonneutropénique.
Au cours des neutropénies, 60 % des staphylocoques
à coagulase négative responsables de bactériémies sont résistants à
la méticilline, contre moins de 5 % des S. aureus.
Les bactériémies à streptocoque du groupe viridans (S. mitis, S.
sanguis...) touchent les malades sévèrement neutropéniques. Parfois
létales (la mortalité atteint 20 %), elles peuvent se compliquer d’état
de choc ou de SDRA.
Une prophylaxie par aminopénicillines après
autogreffe de CSH périphériques ne semble pas réduire leur
incidence, et pourrait favoriser l’émergence de souches résistantes.
Les facteurs de risque sont une mucite sévère, une chimiothérapie
par cytarabine à forte dose, une antibiothérapie par fluoroquinolones
ou cotrimoxazole, ou l’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à
protons.
Les infections à entérocoque, dont la pathogénicité est discutée,
associent bactériémies et infections péritonéales. Peu favorisées par
la neutropénie, ces infections sont fréquemment polymicrobiennes,
et létales dans environ 30 % des cas.
Quoique encore marginal en
Europe, l’élément le plus inquiétant semble être l’émergence
d’entérocoques résistants à la vancomycine, favorisée par
l’administration d’imidazolés, l’administration orale de
vancomycine, ou encore l’usage combiné de céphalosporines de
troisième génération et de vancomycine, bien que ce dernier élément
soit discuté.
L’usage prolongé de vancomycine peut également
faire le lit de S. aureus, intermédiaire aux glycopeptides, véritable
inquiétude en termes écologiques.
Les infections à pneumocoque sont davantage favorisées par
l’asplénisme que par la neutropénie.
Certaines bactéries à Gram positif « rares » sont responsables
d’infections chez l’ID : Listeria sp. (de type monocytogenes ou non,
favorisées par une ID cellulaire), corynébactéries (notamment
Corynebacterium jeikeium, chez les patients porteurs de cathéter),
Bacillus sp., responsable d’infections sur cathéters, ou encore,
mais rarement en oncohématologie, Rhodococcus equi, à l’origine de
nodules pulmonaires, etc.
2- Bactéries à Gram négatif
:
Les infections à BGN ont surtout pour origine les urines, la bile, le
tube digestif ou les poumons, plus rarement les cathéters.
Le tube
digestif en est le principal pourvoyeur chez l’aplasique, par
translocation bactérienne.
Parmi les entérobactéries, E. coli et
Klebsiella sp. sont les plus fréquemment en cause, l’importance de
Klebsiella, Enterobacter ou Serratia, étant croissante.
Les BGN non
fermentants sont représentés par P. aeruginosa, deuxième cause
d’infection à BGN, après colibacille, dont la fréquence est stable ou
en diminution.
Même si la fréquence des infections à BGN a
diminué, de façon relative, la mortalité attribuable reste en revanche
élevée, jusqu’à 60 %, en particulier lorsque P. aeruginosa est en cause.
La réduction des infections à BGN s’explique en partie par
l’utilisation d’alimentations stériles, ou l’usage extensif des
fluoroquinolones en prophylaxie.
Cet usage est en outre à
l’origine de l’émergence de souches résistantes.
La coproculture
quantitative en début d’aplasie permet d’identifier précocement les
germes, en particulier entérobactéries et bacilles non fermentants,
ultérieurement responsables de bactériémie.
Legionella pneumophila est à l’origine de pneumopathies souvent
nosocomiales, favorisées par une ID cellulaire, notamment sous
corticoïdes, ou les leucémies à tricholeucocytes.
Les infections à BGN anaérobies (Bacteroides sp.) sont rares (2 à 4 %),
et liées à une cellulite périnéale, ou une complication tumorale
digestive ou cervicofaciale, en particulier postopératoire.
En
revanche, la survenue d’une bactériémie à BGN anaérobie
« fastidieux », notamment chez le malade asplénique ou en période
de neutropénie, doit faire évoquer la responsabilité de
Capnocytophaga sp.
Une mucite sévère ou une périodontite sont
souvent retrouvées.
Du fait de résistances fréquentes aux imidazolés,
le traitement est basé sur l’association amoxicilline/clavulanate, la
clindamycine ou l’imipenem.
Le taux de mortalité peut atteindre
30 %.
Un sepsis, une péritonite ou une méningite à BGN chez un malade
ayant séjourné en zone d’endémie, doivent faire rechercher une
anguillulose.
2- Autres infections bactériennes
:
La survenue d’une tuberculose est favorisée par un déficit de
l’immunité cellulaire.
Cette infection reste rare en oncohématologie :
elle est par exemple de 0,2 % seulement sur un total de 5 000 greffes
de CSH.
Cependant, l’incidence de la tuberculose en hématologie
dépend de la prévalence de la maladie dans les différents pays ; une
série prospective de Hong-Kong rapporte par exemple une incidence
de 5,5 % après greffe.
Les facteurs de risque identifiés étaient
l’allogreffe, l’irradiation corporelle totale et une MGCH chronique.
Les techniques diagnostiques font appel à la recherche du bacille
tuberculeux par examen direct et culture, éventuellement par PCR
(liquide pleural, expectoration), rarement par biopsie pulmonaire,
parfois seule positive.
B - INFECTIONS FONGIQUES :
1- Principales atteintes fongiques :
Les atteintes fongiques chez l’ID sont principalement liées à une
neutropénie profonde et/ou prolongée.
Les autres facteurs de risque
sont l’âge élevé, un index de performance abaissé, une dissémination
viscérale.
Le risque aspergillaire apparaît surtout après la
première semaine d’aplasie.
La corticothérapie à forte dose est
également responsable d’aspergilloses invasives.
* Infection à « Candida » :
L’infection à Candida est la plus fréquente des infections fongiques
si on considère l’ensemble des malades d’oncohématologie.
Jusqu’à
50 % des candidoses ne sont diagnostiquées qu’à l’autopsie.
Les candidémies sont inconstantes, y compris au cours des atteintes
disséminées.
C’est pourquoi il est nécessaire d’évoquer le diagnostic,
et au besoin d’entreprendre un traitement, de façon précoce.
La
persistance d’hémocultures positives au-delà de 2 jours, l’absence
de sortie d’aplasie, l’atteinte disséminée, ont une valeur pronostique
péjorative.
La mortalité à 1 mois des malades candidémiques atteint
40 % et apparaît liée à la gravité de la néoplasie, un âge avancé, ou
encore, chez les patients atteints d’hémopathie, une allogreffe et
l’absence de prophylaxie antifongique.
Majoritaire chez les malades atteints de tumeurs solides, l’espèce C. albicans est dépassée en hématologie par les atteintes, de plus en
plus fréquentes, à Candida non albicans (C. glabrata, C. krusei).
Bien que controversé, l’usage extensif du kétoconazole, puis du
fluconazole, pourrait en partie rendre compte de cette évolution.
Quelques souches de C. albicans résistantes au fluconazole
apparaissent en oncohématologie.
Les patients d’oncohématologie peuvent cumuler plusieurs facteurs
de risque de candidose : antibiothérapie large, présence de cathéters,
traitements immunosuppresseurs, neutropénie profonde, chirurgie
abdominale lourde, colonisation multiple ; dans ce dernier cas, et en
particulier après chirurgie lourde, la colonisation de deux sites non
contigus peut suffire à instaurer un traitement « préemptif ».
Les atteintes vont de la candidurie à la candidose disséminée, en
passant par la candidémie isolée ou l’infection de cathéter.
La
candidose disséminée peut associer une atteinte hépatique,
splénique ou rénale, où se forment d’authentiques abcès, pulmonaire
par atteinte hématogène, endophtalmique, péritonéale ou
ostéoarticulaire.
Le diagnostic est basé sur l’isolement du
champignon et éventuellement l’antigénémie.
La candidose chronique disséminée, réalisant des abcès
hépatospléniques multiples, est une entité à part, moins souvent fongémique.
Elle survient plus particulièrement après une aplasie
médullaire et s’exprime par des douleurs abdominales, une hépatosplénomégalie, une cholestase.
La positivité d’une seule hémoculture à Candida sp. suffit à porter le
diagnostic de candidémie.
Un traitement doit alors être instauré.
Lorsque la candidémie est liée à un cathéter infecté, son retrait est
obligatoire ; de même pour les chambres implantables.
Au cours des localisations endophtalmiques, le traitement repose sur
le fluconazole ou l’injection intravitréenne d’amphotéricine B,
associée à une vitrectomie.
L’utilisation du fluconazole chez le malade neutropénique est
raisonnable au cours des atteintes de gravité modérée à Candida.
Dans les atteintes sévères et/ou profondes, le traitement de référence
reste l’amphotéricine B, qui est également indiquée si une
candidémie survient chez un patient récemment traité par un azolé.
La prophylaxie par fluconazole ou itraconazole semble réduire
l’incidence des candidoses superficielles et profondes chez les
malades à risque.
* Infection aspergillaire :
L’aspergillose, plus fréquente que les candidoses en hématologie, est
une cause majeure de mortalité, celle-ci ayant peu varié au cours
des dernières années.
Le pronostic est en particulier défavorable
au cours des atteintes disséminées, après allogreffe de CSH (survie
médiane : 1 mois), et chez les malades ventilés mécaniquement.
En
pratique, le facteur pronostique essentiel est, outre l’instauration
précoce d’un traitement, la récupération d’un nombre de
polynucléaires fonctionnels supérieur à 1 000/mm3.
Une
corticothérapie supérieure à 7 mg/kg au cours des 7 derniers jours
et une MGCH ont également un rôle pronostique négatif.
L’équipement de chambres à flux laminaire en hématologie lourde
réduit le risque d’aspergillose invasive après greffe de CSH d’un
facteur 5.
Environ deux tiers des aspergilloses sont d’acquisition
communautaire.
Le rôle des aliments est souligné : poivre, thé,
certains fruits...
L’espèce prédominante est Aspergillus fumigatus. Les
localisations sont en premier lieu pulmonaire et sinusienne,
témoignant d’une contamination par voie aérienne.
Le tableau de
fièvre avec toux, douleur thoracique et expectoration hémoptoïque
est évocateur.
Les aspergilloses pulmonaires invasives
s’associent fréquemment (30 %) à une atteinte cérébrale, justifiant la
réalisation systématique d’une TDM (ou IRM) cérébrale (qui explore
en outre les sinus).
Les fongémies à Aspergillus sont exceptionnelles.
Le diagnostic est basé sur l’isolement du champignon et
l’antigénémie, dont la validité est très supérieure à celle de
l’antigénémie Candida.
Le traitement antifongique de référence repose sur
l’amphotéricine B, il doit être entrepris précocement, pour une durée
prolongée, relayé par itraconazole.
L’association amphotéricine B-itraconazole, proposée par certains, n’a en aucun
cas fait la preuve de son intérêt.
Les atteintes oculaires aspergillaires
pourraient justifier d’associer amphotéricine B et 5-fluorocytosine
(5-FC).
Le traitement chirurgical de l’aspergillose pulmonaire peut se
discuter dans deux indications :
– en cas de lésion menaçant une structure vasculaire, avec risque
d’hémoptysie cataclysmique ; les bénéfices respectifs d’une
intervention de principe, ou d’une surveillance en milieu chirurgical,
sont à mettre en balance chez ces patients sévèrement ID ;
– une chirurgie de « réduction de la charge fongique », avant une
future phase d’aplasie prolongée ou de greffe, peut se discuter ; en
cas d’atteinte cérébrale, la chirurgie peut être proposée si la lésion
est accessible, le traitement médical seul laissant peu de chances de
guérison ; le traitement chirurgical de lésions ORL, considéré
dangereux par certains, est néanmoins probablement justifié dans
nombre de cas.
* Autres infections fongiques :
Les cryptococcoses sont plus rares en oncohématologie qu’au cours
du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida).
L’atteinte
principale est neuroméningée, des formes disséminées, parfois
septicémiques, sont possibles.
Le diagnostic est basé sur l’examen direct et la culture du LCR, et la mise en évidence de l’antigène de
capsule dans le sérum et le LCR.
Le traitement doit associer amphotéricine B et 5-fluorocytosine, additifs, pendant le cap aigu
des 5 premiers jours, puis on maintiendra l’amphotéricine B seule.
Le fluconazole peut être proposé à forte dose, mais le risque d’échec
est majeur lorsque le taux d’antigène dans le LCR est élevé
(> 1/1 024).
Les infections à Mucorales, champignons filamenteux, sont rares. Les
infections à Mucor sp. sont responsables d’atteintes pulmonaires,
ORL (sinusites extensives), cérébrales ou disséminées.
L’évolution
peut être fulminante. L’activité de l’amphotéricine B sur cette espèce
est inconstante.
L’exérèse chirurgicale trouve là son indication
majeure, au niveau ORL et pulmonaire, dès que le traitement
antifongique a eu un minimum d’activité, voire d’emblée.
Les atteintes liées à Fusarium sp., champignon filamenteux comme
Aspergillus, sont cutanées (> 80 % des cas) ou pulmonaires (20 %).
Les fongémies sont ici fréquentes : 50 % des cas.
Le traitement en est
très difficile, du fait d’une résistance aux azolés, à la 5-FC et à
l’amphotéricine B dans plus de 50 % des cas ; les formulations
lipidiques pourraient être utiles. Une exérèse chirurgicale peut
également être nécessaire.
La pneumocystose, infection fongique, est surtout favorisée par la
corticothérapie et la lymphopénie T : hors sida, le risque apparaît
pour un nombre de lymphocytes inférieur à 600/mm3.
Macrophages
et lymphocytes T sont les éléments essentiels de défense anti-P. carinii.
La pneumocystose s’observe également chez les malades
atteints de leucémie aiguë lymphoïde (LAL) ou de maladie de
Hodgkin, ou sous traitement par méthotrexate, fludarabine ou
cyclophosphamide à haute dose.
Chez les malades non-VIH, le
pronostic est médiocre : 35 à 50 % de mortalité.
Le diagnostic est
fondé sur la détection des kystes ou des trophozoïtes du parasite
dans le liquide de LBA, par coloration de Gomori-Grocott ou de
Gram-Weigert ; l’IF et la PCR sont également disponibles (LBA >
sécrétions oropharyngées).
Le traitement de l’infection à P. carinii,
résistant aux azolés et à l’amphotéricine B, est basé sur le
cotrimoxazole ; l’intérêt d’une corticothérapie adjuvante n’est pas
défini.
Dans le cas de lymphopénie profonde ou de
corticothérapie prolongée, une prévention s’impose, par cotrimoxazole oral, pentamidine en aérosol, dapsone
± pyriméthamine, voire atovaquone.
2- Techniques diagnostiques
:
* Cultures fongiques
:
À côté de l’examen direct et de la culture des différents
prélèvements, dont la valeur relative a été évoquée plus haut, les
hémocultures fongiques ont une place particulière.
Leur intérêt
se limite surtout à Candida sp., les infections à champignons
filamenteux, mis à part les fusarioses, étant exceptionnellement fongémiques.
La culture des champignons se heurte à divers
obstacles : croissance plus lente que celle des bactéries (optimisation
par des milieux spéciaux pour certaines espèces), négativation par
les bactéries en cas de septicémie mixte.
Deux systèmes existent :
non automatiques (Isostatt, ex-Isolatort), ou automatiques
(systèmes Bactect ou Bact/Alertt).
L’utilisation de ces techniques,
le respect scrupuleux du volume à prélever (en général 8-10 mL) et
la répétition des hémocultures devraient permettre d’améliorer la
sensibilité des candidémies, jusqu’alors prises en défaut dans plus
de 50 % des cas de candidose profonde.
Lorsqu’une candidémie liée au cathéter est évoquée, des
hémocultures peuvent être prélevées simultanément sur cathéter et
en périphérie.
* Antigénémies et PCR
:
L’antigénémie Candida est basée sur la détection de différents
antigènes : mannane (Pastorext, Cand-Tect), énolase...
L’utilisation
de ces techniques en routine, considérées le plus souvent comme
spécifiques, est limitée par leur manque de sensibilité.
La répétition
des dosages ou l’association de plusieurs techniques pourraient
accroître l’intérêt de l’antigénémie Candida.
La PCR-Candida n’est
pas utilisée en routine.
Plus intéressante, l’antigénémie aspergillaire est basée sur la
détection de l’antigène polysaccharidique de paroi galactomannane.
La méthode « sandwich » enzyme linked immunosorbent assay (Elisa)
semble supérieure aux autres techniques, du fait d’un seuil de
détection très bas (donc une forte sensibilité) et d’une positivation
parfois plus précoce que les signes cliniques.
La répétition des tests
permet en outre un suivi évolutif.
Il existe en revanche des faux
positifs, la spécificité étant supérieure si un deuxième
prélèvement revient positif.
L’antigénémie aspergillaire a été validée
chez le malade neutropénique.
Hors neutropénie, des faux négatifs
ont été observés.
L’antigène peut également être détecté dans le
liquide de LBA.
La PCR-Aspergillus ne modifie pas la sensibilité de
l’antigénémie, déjà bonne, mais pourrait augmenter sa spécificité.
Au cours de la cryptococcose, l’antigène de polysaccharidique de
capsule peut être détecté dans le LCR, le liquide de LBA, le sang ou
les urines, par agglutination au latex ou Elisa.
Sensibilité et
spécificité de ces tests sont supérieures à 90 %.
La valeur absolue,
ou encore l’évolution du titre d’antigène dans le LCR, semble avoir
une valeur pronostique.
*
Sérologies
:
L’intérêt des sérologies (Candida, Aspergillus) est ici très limité : faux
négatifs du fait de l’ID, faux positifs chez des malades simplement
colonisés.
L’association de la sérologie et de l’antigénémie Candida
semble intéressante, tant en termes de sensibilité que de spécificité.