Infections graves chez l’immunodéprimé en oncohématologie
(Suite) Cours
d'hématologie
C - INFECTIONS VIRALES :
1-
Principales atteintes virales
:
Les atteintes virales chez l’ID sont liées à des infections primaires
(virus respiratoires, parvovirus) ou à des réactivations virales
(Herpesviridae, adénovirus).
*
Famille des « Herpesviridae »
:
Les infections à HSV 1 et 2, favorisées par l’ID cellulaire et l’atteinte
des polynucléaires, ont des manifestations similaires à celles des
non-ID : atteintes cutanées, encéphalitiques,...
Les méningoencéphalites, en particulier, sont à peine plus fréquentes,
mais plus graves, que chez l’immunocompétent.
En revanche, en
cours d’aplasie médullaire, la responsabilité d’HSV oropharyngé est
incriminée dans la genèse de mucites sévères. Le traitement repose
sur l’aciclovir, voire le valaciclovir.
Le foscarnet est proposé en cas
de résistance à l’aciclovir.
Les infections sévères, disséminées, à VZV sont souvent observées
au-delà du sixième mois postgreffe de CSH, favorisées par le
caractère allogénique de la greffe, une MGCH, un âge compris entre
10 et 30 ans, l’utilisation de sérum antilymphocytaire.
Des
douleurs abdominales chez un patient porteur d’une MGCH
chronique doivent alerter.
Le cytomégalovirus est responsable d’atteintes respiratoires,
neurologiques ou hépatiques, après allogreffe de CSH.
Les nouvelles
modalités de greffe semblent favoriser la survenue de rétinites,
jusque-là très rares.
Si la fréquence des pneumopathies précoces a
diminué du fait des stratégies de prévention, trois quarts d’entre
elles surviennent après le 100e jour postgreffe, favorisées par une
MGCH chronique ou une greffe T déplétée, et le plus souvent (85 %)
fatales.
L’infection à CMV après allogreffe témoigne de la
reconstitution immunologique défectueuse, la survenue d’une
MGCH jouant ici un rôle majeur, et contribue per se à une ID
consécutive.
Les techniques diagnostiques sont détaillées plus loin.
Les antiviraux sont instaurés selon une riposte graduée : traitement
prophylactique, au cours d’une situation à risque en dehors de tout
prélèvement positif ; traitement « préemptif », par exemple dès la positivation de l’antigénémie après greffe ; traitement curatif, au
cours d’une atteinte viscérale.
Le traitement repose sur le ganciclovir
ou le foscarnet.
L’aciclovir, même à forte dose, n’a pas démontré son
intérêt.
L’infection à virus HHV-6 est liée à une réactivation virale à la
faveur de l’ID, en particulier après greffe de CSH.
Les signes cliniques peuvent alors associer fièvre, rash cutané, cytopénie,
pneumopathie interstitielle, sinusite ou méningoencéphalite, mais
restent souvent asymptomatiques.
La responsabilité propre
d’HHV-6 dans ces atteintes n’est pas clairement démontrée et les
co-infections virales, notamment à VRS ou CMV, sont fréquentes ; le
rôle favorisant d’HHV-6 dans la survenue d’infections fongiques est
également rapporté.
Le diagnostic se fait par PCR, d’interprétation
difficile du fait de la latence virale, ou par coculture (LCR, sang),
cependant non disponible partout.
Une PCR positive dans le LCR
semble avoir une grande valeur, alors que dans le sang, seule la
PCR quantitative a un intérêt.
Aucun traitement n’a fait la preuve
de son efficacité ; le ganciclovir ou le foscarnet pourraient avoir un
intérêt, seuls ou associés aux Ig intraveineuses.
Le virus HHV-8 a été associé au sarcome de Kaposi, au syndrome
de Castelman dans sa forme disséminée, aux lymphomes des
séreuses et, quoique de façon non formelle et controversée, à certains
syndromes lymphoprolifératifs de type B : myélome, maladie de
Waldenström.
La détection de l’ADN viral par PCR, par exemple
dans les séreuses ou le LCR, et plus récemment la sérologie
permettent le diagnostic d’infection à HHV-8.
La réactivation de EBV peut être à l’origine de lymphoproliférations
bénignes ou malignes, parfois explosives après greffe.
Il n’y a pas
de traitement antiviral spécifique efficace ; le pronostic est parfois
favorable après arrêt de l’ID, mise sous antiviraux et anti-CD20.
L’immunothérapie cellulaire T pourrait être intéressante pour
la prophylaxie et le traitement.
* Virus respiratoires
:
Au cours des infections respiratoires, les « virus respiratoires
conventionnels », fréquemment incriminés chez l’ID, sont associés à
une mortalité élevée (23 %).
Le VRS, responsable de
pneumopathies interstitielles sévères, peut être mis en évidence
par culture, IF ou par test immunoenzymatique, sur les cellules du
LBA ; les virus influenzae et parainfluenzae peuvent être également
détectés par IF.
Les adénovirus sont responsables d’atteintes respiratoires
(pneumopathie), digestives (diarrhée), hépatiques (hépatites
fulminantes), oculaires (conjonctivite), urinaires (cystite hémorragique)
ou disséminées, notamment après greffe de CSH.
Il n’y a pas de
recrudescence saisonnière.
L’infection, favorisée par le caractère allogénique de la greffe, une MGCH, et le nombre
d’immunosuppresseurs, survient autour du troisième mois postgreffe.
Le virus est détecté par culture cellulaire à partir de prélèvements
respiratoires, nasopharyngés, oculaires ou de selles.
Cependant, les
atteintes digestives sont dues le plus souvent aux sérotypes 40 et 41,
qui ne sont pas cultivables.
La mortalité attribuable est de 20 %
environ, plus importante en cas d’atteinte pulmonaire (60 %) ou
disséminée (80 %).
Aucune molécule n’a démontré son efficacité sur
l’adénovirus.
Les traitements proposés sont la ribavirine, en aérosol
ou en intraveineuse, ou le cidofovir, proposé avec succès pour CMV
et adénovirus après greffe de CSH.
* Autres virus
:
Le polyomavirus JC, de la famille des Papovaviridae, est l’agent de la
LEMP, réactivé à l’occasion d’une ID cellulaire, au cours du sida ou
de lymphomes ; 85 % de la population adulte sont immunisés.
La
symptomatologie est purement neurologique.
Le
diagnostic repose sur la PCR dans le LCR ; la charge virale
semblerait avoir une valeur pronostique.
Le BK-virus, responsable de cystites hématuriques, peut être détecté
par PCR dans les urines.
Le parvovirus B19 est responsable d’érythroblastopénie aiguë,
d’éruption érythèmateuse ou d’arthropathies, rarement d’atteinte
méningée.
L’ADN viral est détecté précocement par PCR à partir
d’échantillons de sérum ou de moelle.
La sérologie ne se positive
qu’après le 15e jour, les IgM peuvent persister plusieurs mois.
La
virémie est brève : environ 3 jours.
Le traitement repose sur les IgIV
polyvalentes.
Les virus des hépatites B et C sont présentés plus haut.
2- Techniques diagnostiques :
* Cytologie. Histologie
:
L’analyse histocytologique est fondée sur la mise en évidence des
conséquences de l’effet cytopathique viral sur les tissus/cellules du
patient.
Les critères recherchés sont : la cytomégalie (CMV), la
présence d’inclusions, cytoplasmiques ou nucléaires (dans ce dernier
cas, éosinophiles, basophiles ou en « verre dépoli ») et la
ballonnisation (HSV).
Le cytodiagnostic de Tzanck est utile en cas
d’atteinte cutanéomuqueuse à VZV, à partir du frottis d’un plancher
vésiculeux, éventuellement associé à l’IF directe pour différencier
HSV et VZV ; au stade précoce de vésicule, et plus encore de
pustule/croûte, il complète utilement la culture cellulaire, en raison
de la fragilité du VZV.
Au cours de l’infection à CMV, on retrouve,
outre la cytomégalie, des inclusions intranucléaires non spécifiques,
évocatrices si en « oeil de chouette », et/ou intracytoplasmiques,
pathognomoniques, mais plus rares.
Lors de l’infection à parvovirus
B19, le myélogramme, avec coloration de Giemsa du frottis, permet
la mise en évidence de proérythroblastes volumineux ; l’IF à l’aide
d’anticorps spécifiques ou la détection d’ADN viral, confirmeront le
diagnostic.
L’histologie peut être utilisée sur les biopsies pulmonaires (HCV, CMV...), sigmoïdiennes ou coliques pour CMV ou adénovirus
(inclusions nucléaires) ou cérébrales (LEMP...).
L’analyse histocytologique apporte un bon élément d’orientation,
mais reste peu sensible, examinateur-dépendante, et tardive.
* Diagnostic virologique
:
Les techniques de diagnostic virologique ont considérablement
évolué au cours des dernières années : aux cultures virales et aux
sérologies se sont ajoutées la détection des antigènes viraux et les
techniques de biologie moléculaire.
Les cultures virales constituent la technique de référence.
La culture
conventionnelle, ou lente, met en évidence l’effet cytopathique (ECP)
viral sur une culture cellulaire, se positivant en 6 jours à 6 semaines ;
la culture rapide détecte en 48 heures, grâce aux anticorps
monoclonaux, les protéines virales avant l’apparition de l’ECP.
La
culture est possible pour les virus HSV, VZV, CMV, adénovirus
(selles, gorge, urines), ou encore, quoique difficile, pour HHV-6. Le
VZV, fragile, nécessite un transport rapide au laboratoire.
Pour
d’autres virus, comme le virus JC dont l’effet cytopathique est
inconstant et lent, les cultures virales, décevantes, ne sont pas
réalisées en pratique.
Une culture positive est spécifique d’une
infection active, mais pas nécessairement d’une maladie virale.
La détection d’antigènes viraux peut faire appel à l’IF directe (HSV, VZV, CMV), ou indirecte (VRS, virus influenzae, parainfluenzae), par
exemple sur le liquide de LBA ou sur biopsies cérébrales (virus JC) ;
l’antigénémie, utilisée pour le CMV, détecte grâce à des anticorps
monoclonaux dirigés contre la phosphoprotéine de matrice PP65,
les antigènes viraux dans le noyau des polynucléaires circulants ; le
résultat est obtenu en 2 à 3 heures.
La technique est plus rapide,
au moins aussi sensible que la virémie, et très spécifique.
La biologie moléculaire associe hybridation, qui manque de
sensibilité, et amplification génomique (PCR).
La PCR permet la
détection d’antigènes viraux, leur quantification (par exemple pour
l’évaluation de la réponse au traitement) et une analyse qualitative
du génome (par exemple pour la mise en évidence de mutants
résistants). Hautement sensible, elle nécessite un laboratoire
spécialisé.
La PCR occupe une place prépondérante pour le
diagnostic d’infection due à HSV, VZV ou CMV (LCR, LBA, sang) ;
HHV-6 (sang, LCR) dans le sang, la PCR est souvent positive en
dehors de toute infection, ce qui donne alors sa valeur au profil
évolutif de la PCR quantitative ; dans le LCR, la PCR peut être
négative au premier prélèvement ; EBV (LCR, en cas de suspicion
de lymphome cérébral EBV-induit) ; parvovirus B19 (sérum) ; virus
JC (LCR ou biopsies cérébrales : spécificité > 90 %, sensibilité >
80 %) ; BK-virus (urines).
La distinction est cependant parfois
difficile entre infection latente et active.
La PCR est également
utilisée dans le cadre des hépatites : HBV-ADN, HCV-acide
ribonucléique (ARN).
Le diagnostic indirect est basé sur la sérologie, qui pose des
problèmes d’interprétation chez l’ID.
Pour les Herpesviridae, la
sérologie est surtout utile lorsqu’elle met en évidence une
séroconversion, ou pour déterminer le statut sérologique avant
greffe.
Le rapport LCR/sérum des titres d’anticorps est parfois utile
(HSV).
La sérologie n’a pas d’intérêt pour adénovirus, VRS ou les
virus BK et JC.
La mise en évidence d’une concentration d’interféron
supérieure à 0,5 mg/mL dans le LCR s’observe au cours des
méningoencéphalites herpétiques ; tous les virus n’ont pas la même
capacité à produire de l’interféron.
À l’inverse, chez le patient non
ID, une concentration élevée de procalcitonine plasmatique au cours
d’une méningite est évocateur d’atteinte bactérienne et élimine une
origine virale.
Enfin, la microscopie électronique, par exemple pour détection de
particules virales dans les selles au cours de gastroentérites à astrovirus, est rarement utilisée.
D - INFECTIONS PARASITAIRES :
La toxoplasmose, dont l’incidence reste inférieure à 0,5 %, est surtout
décrite dans les 6 mois suivant une greffe de CSH, avec un pic vers
le deuxième ou troisième mois.
Elle résulte dans 95 % des cas
de la réactivation d’une infection latente, et reste rarissime après
greffe si le receveur est séronégatif, même si le donneur est
séropositif.
Les facteurs de risque sont la séropositivité prégreffe, la
greffe allogénique et la MGCH.
Le tropisme de T. gondii est surtout
cérébral, responsable d’abcès ou d’encéphalites diffuses, mais aussi
volontiers disséminé, dans environ deux tiers des cas autopsiques,
envahissant les tissus pulmonaire ou cardiaque.
Une atteinte
pulmonaire isolée est possible. Les sérologies sont peu
contributives chez l’ID.
Le diagnostic est basé sur les constatations scanographiques, ou la mise en évidence de T. gondii dans le LCR,
le sang, le liquide de lavage alvéolaire, ou les prélèvements
biopsiques : visualisation des tachyzoïtes par coloration de Giemsa,
IF directe, surtout PCR-ADN.
Le traitement repose sur l’association
de sulfadiazine, ou clindamycine, et pyriméthamine.
Le pronostic
est extrêmement péjoratif.
La fréquence de la toxoplasmose et de la pneumocystose a nettement
diminué depuis la mise en oeuvre de mesures prophylactiques
communes.
Une prophylaxie par cotrimoxazole ou
sulfadiazine/pyriméthamine n’exclut cependant pas la survenue
d’une toxoplasmose.
La sulfadoxine pourrait être supérieure à la
sulfadiazine dans ce cadre.
L’anguillulose est favorisée par l’ID, en particulier la corticothérapie.
Deux formes sont décrites.
La gastro-duodéno-jéjunite associe des
douleurs abdominales, une diarrhée, des vomissements, et aboutit à
une déshydratation, une anémie et une dénutrition parfois majeures,
voire létales.
L’anguillulose maligne disséminée touche en priorité
poumons et tube digestif, où elle est à l’origine de perforations et
d’hémorragies, ou tout autre organe.
Les translocations digestives,
notamment à bacilles à Gram négatif, sont responsables de
bactériémies, méningites ou endocardites, souvent mortelles.
L’hyperéosinophilie est souvent absente chez l’ID. L’isolement des
larves de S. stercoralis dans les selles (possibilité de faux négatifs), le
liquide de tubage duodénal (examen le plus sensible), ou d’autres
liquides biologiques (LBA, épanchements...) permet le diagnostic.
Le
traitement repose sur l’albendazole (Zentelt) ou le tiabendazole
(Mintezolt), associés à la prise en charge des complications.
Une
prophylaxie s’impose chez des patients ID ayant séjourné en zone
endémique.
La babésiose, maladie d’inoculation par morsure d’arthropode, due
à un protozoaire, touche les malades aspléniques.
Le tableau associe
une fièvre élevée, « pseudopalustre », une insuffisance rénale, une
anémie hémolytique.
Le frottis sanguin permet la mise en évidence
du parasite dans les hématies.
Le traitement est basé sur la
clindamycine, la quinine ou l’échange transfusionnel.
Traitement des infections graves
en oncohématologie :
A -
TRAITEMENTS ANTIBACTÉRIENS :
Les particularités de l’antibiothérapie en oncohématologie sont
principalement résumées dans la prise en charge de l’infection chez
l’aplasique.
Tout malade neutropénique fébrile nécessite un traitement en
urgence, immédiatement après réalisation des hémocultures, et des
prélèvements au niveau d’un éventuel foyer clinique.
Ceux-ci
ne doivent cependant pas retarder l’instauration du traitement.
L’antibiothérapie est à large spectre, dirigée contre les germes les
plus dangereux et le plus fréquemment rencontrés dans ce contexte :
malgré la proportion croissante d’infections à bactéries à Gram
positif, notamment à staphylocoques à coagulase négative, les
germes exposant à un risque vital immédiat sont principalement les
BGN, ainsi que les streptocoques du groupe viridans.
De ce fait,
une bêtalactamine active sur les BGN, et si possible sur
streptocoques et pseudomonas, est nécessaire.
Une monothérapie,
utilisant une bêtalactamine à large spectre récente, est le plus
souvent suffisante au cours des aplasies courtes ; un aminoside est
en règle adjoint dans les autres cas.
Lorsqu’un aminoside est prescrit
au cours d’une neutropénie prolongée, il doit être prescrit en deux
injections par jour, la monodose n’étant pas recommandée chez le
neutropénique.
La durée du traitement par aminoside est d’au
moins 1 semaine, davantage en cas d’infection à pyocyanique.
L’utilisation d’un glycopeptide d’emblée n’est pas recommandée,
pas plus que celle d’une quinolone, hormis dans le cas où la contreindication
à l’utilisation d’une bêtalactamine ne couvre pas les
bactéries à Gram positif ; l’introduction d’un glycopeptide est
proposée soit en cas de persistance de la fièvre à j3, soit en cas
d’hémocultures positives à bactérie à Gram positif.
Les quinolones
n’ont d’indication qu’en cas d’insuffisance rénale sévère, la synergie
avec les bêtalactamines étant inconstante.
Un traitement dirigé
contre les germes anaérobies, par imidazolé ou bêtalactamine active
sur les anaérobies, n’est indiqué qu’en cas de cellulite, périnéale ou
buccopharyngée.
L’antibiothérapie est poursuivie pendant 4 à 7 jours
après la sortie d’aplasie ; les antifongiques sont maintenus plus
longtemps.
Au total, seul un tiers des fièvres en aplasie est
microbiologiquement documenté.
Le traitement doit être administré sous surveillance hospitalière.
Un
traitement ambulatoire peut être envisagé dans quelques situations
à très faible risque : fièvre bien tolérée, absence de comorbidité,
survenue extrahospitalière.
B - TRAITEMENTS ANTIFONGIQUES :
La connaissance de l’efficacité et des toxicités, nombreuses, des
traitements antifongiques est fondamentale.
L’amphotéricine B (Fungizonet) reste le traitement de référence.
Tous les champignons sont sensibles, à l’exception de Fusarium sp.,
résistant dans plus de 50 % des cas, ou Mucor.
La dose-test n’est
plus guère utilisée.
L’administration se fait sur une durée de 6 à
8 heures, dans du glucosé à 5 %, en utilisant une demi-dose le
premier jour, une dose pleine à partir de j2.
Certains proposent une
durée plus courte, de 2 à 4 heures.
La toxicité est générale, à type
de frissons et fièvre, et surtout rénale : glomérulaire (insuffisance
rénale) et tubulaire (fuite de potassium et bicarbonates constante),
réduite si une volémie élevée est maintenue et les autres néphrotoxiques évités, réversible jusqu’à une dose cumulée de 5 g.
L’élimination n’est en revanche pas faite par les reins (< 3%) et le
produit non dialysé du fait d’une forte liaison protéique.
De ce fait,
il n’y a aucune raison de diminuer les doses en cas d’insuffisance
rénale ; il faut soit continuer, soit suspendre le traitement, soit passer
aux préparations lipidiques.
Aucun dosage sanguin n’est requis.
Au
cours des candidoses, la dose de 0,5 mg/kg/j est en règle suffisante pour C. albicans, 0,7-1mg/kg/j en cas d’infection sévère ou à Candida
non albicans.
Au cours des infections aspergillaires, la dose
journalière doit être de 1 à 1,5 m/kg.
Les préparations lipidiques d’amphotéricine B (liposomes :
Ambisomet ; complexes lipidiques : Abelcett ; dispersion colloïdale :
Amphocilt) permettent une réduction de la toxicité générale et
rénale.
Les préparations lipidiques sont cependant inégales entre
elles.
Pour l’Abelcett, il existe un ratio dose-efficacité de 1 à 3 ou 5,
ce qui justifie l’emploi de doses trois à cinq fois supérieures (3-
5 mg/kg/j) pour une efficacité identique, mais pas supérieure.
L’Ambisomet peut probablement être administrée à doses beaucoup
plus élevées sans risque de toxicité.
Cependant, une étude ne
retrouve pas de supériorité à un dosage de 4 mg/kg, comparé à
1 mg/kg. Les données en pathologie humaine sont pour l’heure
extrêmement limitées.
La dilution de l’amphotéricine B dans des
émulsions lipidiques de nutrition parentérale, si elle réduit la toxicité
générale, et non rénale, ne doit pas être proposée en raison d’une
possible instabilité du mélange responsable d’une réduction
d’efficacité.
Le fluconazole (Triflucant) principal triazolé, est actif sur C. albicans
et Cryptococcus, modérément actif sur C. tropicalis et C. parapsilosis,
inactif sur C. krusei, C. glabrata, Aspergillus, Mucor, Fusarium.
Des
cas de résistance de C. albicans apparaissent, pour des souches de
CMI supérieures à 16-64.
Il est actuellement recommandé d’utiliser
des posologies élevées, notamment en cas d’infection sévère comme
les candidoses systémiques, hépatospléniques, ou la cryptococcose :
800-1 000 mg/j en traitement d’induction pendant 2 à 4 jours, puis
400-600 mg/j (10 mg/kg).
Des posologies plus faibles sont possibles
dans les candidoses superficielles (100-200 mg/j), ou urinaires (200-
400 mg/j).
La diffusion, notamment méningée et vitréenne, est
bonne, la demi-vie longue, d’environ 30 heures.
Éliminé à 80 % par
les reins, sa posologie doit être réduite en cas d’insuffisance rénale ;
peu lié aux protéines (10 %), il est dialysable.
Le dosage plasmatique
est sans intérêt.
La tolérance est excellente.
L’itraconazole (Sporanoxt) est actif sur Aspergillus. Dans
l’aspergillose, il est utilisé en relais de l’amphotéricine B et en
prophylaxie secondaire.
L’itraconazole a également une activité
préventive vis-à-vis du cryptocoque.
Il n’est disponible que par voie
orale, son absorption étant faible et aléatoire (augmentée par un
repas riche en graisse, le pH acide...).
Le monitorage des
concentrations plasmatiques doit donc être effectué à l’équilibre,
après une semaine de traitement, 24 heures après la dernière prise.
Le métabolisme est hépatique, l’excrétion digestive, d’où l’absence
d’adaptation à la fonction rénale.
Les interactions médicamenteuses
sont nombreuses : augmentation des concentrations de digoxine,
ciclosporine, warfarine ; induction enzymatique par rifampicine,
rifabutine, phénytoïne, barbituriques, anti-histaminiques ; contreindications
absolues, du fait du risque de torsades de pointes :
Teldanet, Hismanalt, Prepulsidt.
Les effets secondaires sont les
troubles digestifs, l’hypokaliémie ou certains troubles neurologiques
en cas de surdosage.
Le voriconazole est un triazolé très prometteur.
Son activité proche
de celle de l’itraconazole, sans résistance croisée, touche Candida sp.
et les champignons filamenteux ou dimorphiques.
Le kétoconazole (Nizoralt), actif sur Candida et M. furfur, n’est plus
utilisé en oncohématologie.
La 5-FC, (flucytosine, Ancotilt) est active sur Candida, y compris les
espèces non albicans.
Elle ne doit être utilisée qu’en association, le
risque d’émergence de souches résistantes sous 5-FC en
monothérapie étant majeur.
La diffusion tissulaire est bonne,
l’élimination est urinaire à 90 %, conduisant à une adaptation à la
fonction rénale. Pour cette molécule seule, un antifongigramme est
utile.
Le monitorage des concentrations plasmatiques est nécessaire
(efficacité, tolérance) : dosage deux à trois fois par semaine, au pic
(2 heures après la prise), normale inférieure à 100 mg/mL.
La
toxicité est principalement médullaire de façon dose-dépendante,
due à la désamination de la 5-FC en 5-FU par les bactéries du tube
digestif, plus rarement hépatodigestive ou cutanée.
Les traitements anti-P. carinii sont très différents et reposent sur le
cotrimoxazole, la pentamidine, la pyriméthamine ou encore la
dapsone.
Récemment, des mutations du gène de la dihydroptéroate
synthétase de P. carinii ont été associées à une surmortalité, semblant
résulter de l’exposition préalable aux sulfamides, et pouvant
expliquer certains échecs de la prophylaxie par cotrimoxazole.
Plusieurs associations peuvent être proposées.
Amphotéricine B et
azolés sont antagonistes in vitro, mais rien n’est démontré in vivo.
Amphotéricine B et 5-FC ont un effet additif sur le cryptocoque et
les Candida sensibles au 5-FC, indifférent sur Aspergillus et les
Candida résistants au 5-FC.
Certains proposent l’association amphotéricine B-5-FC en première intention en cas d’atteinte
oculaire au cours de l’aspergillose, ou de cryptococcose
neuroméningée : la pénétration méningée et vitréenne de l’amphotéricine B est en effet médiocre, alors que celle de la 5-FC
est bonne.
Dans les autres situations, une évolution défavorable sous amphotéricine B seule peut justifier une association secondaire.
Si amphotéricine B et 5-FC sont associées, le risque de toxicité
hématologique de la 5-FC, accru en cas d’insuffisance rénale sous
amphotéricine B, justifie un monitorage attentif des concentrations
plasmatiques de 5-FC.
La durée du traitement varie selon la nature du germe et la sévérité
de l’infection.
Au cours des candidoses, 10 jours peuvent suffire
lorsqu’il s’agit d’une fongémie transitoire (une seule hémoculture
positive) ou d’un traitement présomptif.
Trente jours au moins sont
nécessaires en cas d’atteinte profonde.
La durée de traitement d’une
aspergillose est d’au moins 2 mois en cas de neutropénie, voire
beaucoup plus long (jusqu’à 2 ans) chez les greffés de CSH.
Le recours à la chirurgie peut être indiqué dans les aspergilloses ou
les mucormycoses.
Les facteurs de croissance hématopoïétiques (G-CSF, GM-CSF)
trouvent leur indication principale au cours des infections fongiques
graves, notamment en aplasie.
Ces cytokines augmenteraient la
synergie entre les cellules effectrices et les antifongiques.
C - TRAITEMENTS ANTIVIRAUX
:
L’aciclovir (Zoviraxt) efficace sur HSV et VZV (mais peu ou pas
actif sur CMV), est l’antiviral à l’index thérapeutique le plus élevé,
le mieux toléré. La toxicité est neurologique ou rénale.
Celle-ci, liée
à la précipitation tubulaire de cristaux d’aciclovir, est prévenue par
une perfusion d’au moins 1 heure, dans 50 mL de sérum
physiologique, chez un patient correctement hydraté.
L’élimination
est surtout rénale, ce qui conduit à une réduction des doses en cas
d’insuffisance rénale.
Chez l’ID, la voie intraveineuse et des doses
élevées sont nécessaires.
La demi-vie courte exige de répéter les
injections trois à six fois par jour.
Le valaciclovir (Zélitrext),
prodrogue de l’aciclovir, est administré par voie orale, avec une
biodisponibilité cinq fois supérieure à l’aciclovir, et réduit le risque
d’infection à CMV après greffe de CSH.
Le famciclovir, prodrogue
du penciclovir, est indiqué au cours du zona chez les patients non
ID, ou au cours de l’hépatite B.
Le ganciclovir (Cymévant) est efficace sur le CMV, mais aussi in
vitro sur HSV, VZV et HHV-6.
Chez l’ID, il est surtout indiqué dans
les infections graves à CMV à titre curatif, ou de façon préemptive
dès l’excrétion de CMV après allogreffe de CSH.
Des souches
résistantes peuvent cependant émerger chez des patients ayant
préalablement reçu une prophylaxie par aciclovir, ou encore après
traitement supérieur à 3 mois par ganciclovir chez les malades VIH.
La toxicité, beaucoup plus fréquente qu’avec l’aciclovir, est
essentiellement médullaire : neutropénie plus qu’anémie ou
thrombopénie.
L’élimination est rénale, justifiant la réduction des
doses en cas d’insuffisance rénale.
Une perfusion lente de plus de
1 heure, est nécessaire.
Le foscarnet (Foscavirt) est indiqué comme recours dans les
infections à HSV ou VZV résistants à l’aciclovir, à CMV résistant au
ganciclovir, ou à HHV-6 ; au cours des infections à HHV-6, résistant
naturellement à l’aciclovir, l’index thérapeutique du foscarnet
semble supérieur à celui du ganciclovir.
La toxicité est surtout rénale
et justifie une administration lente, plus de 2 heures, associée à une
perfusion en « Y » de 500 mL au moins de sérum physiologique.
Les
doses doivent être adaptées à la fonction rénale. Des troubles
électrolytiques (hypocalcémie, hypokaliémie, dysphosphorémie), ou
des thrombophlébites de la veine perfusée peuvent survenir.
Analogue de la cytidine, le cidofovir (Vistidet) est proposé en cas
d’échec du traitement d’infection à CMV, comme au cours de
rétinites chez le malade VIH, par les médicaments habituels, ou
lorsque les autres thérapeutiques sont considérées inappropriées.
Une résistance croisée du CMV au ganciclovir et au cidofovir est
cependant possible.
Les études animales montrent une efficacité sur HSV, ce qui pourrait constituer une indication, pour l’heure non
validée, en cas d’échec des antiherpétiques.
Le cidofovir semble
également actif sur virus JC et adénovirus, dans des modèles
animaux et in vitro.
Les infections systémiques, avec virémie
positive, à adénovirus, sont le plus souvent fatales en 6 semaines
chez le patient ID ; l’instauration d’un traitement « préemptif » par cidofovir si deux des trois sites de surveillance (selles, gorge, urines)
sont positifs, pourrait être utile, quoique non validée. Les
injections sont hebdomadaires.
La toxicité est rénale, dosedépendante,
prévenue par l’administration de probénécide, une
hydratation abondante et la surveillance régulière de créatininémie
et protéinurie.
La cytarabine (Ara-C, cytosine arabinoside), très hématotoxique, est
active in vitro sur le polyomavirus JC, mais n’a pas montré, que ce
soit en intraveineux ou en intrathécal, d’efficacité en clinique.
La campthotécine, inhibiteur de la topo-isomérase, pourrait avoir une
activité sur le virus JC.
La ribavirine est proposée, en aérosol ou en intraveineuse, au cours
des infections respiratoires à VRS, virus influenzae, ou adénovirus,
ainsi qu’au cours de l’hépatite C par voie orale.
Le zanamivir, inhibiteur de la neuraminidase, est efficace contre le
virus influenzae A et B, bien toléré, et ne semble pas pourvoyeur de
souches résistantes.
La lamivudine est utilisée au cours du traitement de l’hépatite B.
Les associations d’antiviraux sont proposées dans les infections
graves.
Ainsi, ganciclovir et foscarnet ont une action synergique
dans les infections sévères à CMV comme les encéphalites, avec
antigénémie élevée.
De même, aciclovir et foscarnet, ou ganciclovir
oral et cidofovir en intraveineux, peuvent être associés dans les
infections extensives à HSV et VZV, en particulier les rétinites, et préviendraient l’apparition de souches résistantes. Aucune étude
contrôlée ne valide cependant ces associations.
L’intérêt des Ig est suggéré au cours d’infections respiratoires à VRS
ou à virus grippal (en association à la ribavirine, en aérosol ou même
en intraveineuse dans les atteintes sévères à VRS), ou l’encéphalite à
HHV-6.
L’interféron a est proposé au cours des hépatites virales B et
C.
L’immunothérapie adoptive, par transfusion de cellules T CD4 et
cytotoxiques CD8, est proposée pour contrôler certaines infections
graves à CMV ou syndromes lymphoprolifératifs EBV induits.
Les ressources thérapeutiques en cas de lymphome EBV induit
comprennent la réduction des immunosuppresseurs, les anticorps
anti-CD20, ou encore la réinjection des lymphocytes du donneur
après une « minigreffe ».
D - TRAITEMENTS ANTIPARASITAIRES :
Les traitements anti-parasitaires sont la sulfadiazine, active sur T.
gondii ; la pyriméthamine, le cotrimoxazole et la dapsone, actifs sur
T. gondii, mais aussi sur le champignon P. carinii ; la clindamycine,
active sur T. gondii et Babesia ; l’albendazole et le thiabendazole,
actifs sur l’anguillulose.
E - FACTEURS DE CROISSANCE HÉMATOPOÏÉTIQUES :
G-CSF et GM-CSF réduisent la durée de neutropénie, accroissent le
chimiotactisme, la phagocytose et l’activité cytotoxique des cellules
effectrices.
Après autogreffe, G-CSF et GM-CSF ont un intérêt
équivalent ; après allogreffe ou induction de LAM, une étude
retrouve une supériorité du GM-CSF sur le G-CSF, en termes de
réduction des complications infectieuses et de mortalité.
L’indication la plus communément admise des facteurs de croissance
est l’infection fongique (candidose, aspergillose) en aplasie.
La
récupération des polynucléaires est en effet ici fondamentale.
En
revanche, au cours des atteintes bactériennes, ou des fièvres non
documentées en aplasie, les facteurs de croissance, s’ils permettent
la réduction de la durée de la fièvre et de l’antibiothérapie, n’ont
pas démontré leur intérêt en termes de mortalité.
Au cours de la candidose chronique disséminée, après échec de
l’association antifongiques-GM-CSF, l’utilisation de l’interféron c a
été proposée avec succès.
F - TRANSFUSIONS DE LEUCOCYTES :
Les indications classiques sont les cellulites infectieuses, périnéales
ou de la face, chez les malades leucopéniques.
Leur intérêt est
possible au cours des infections fongiques, mais mérite d’être
mieux évalué.
Pronostic du malade
d’oncohématologie en réanimation
:
A - SCORES DE GRAVITÉ. DÉFAILLANCES VISCÉRALES :
La sévérité de la maladie aiguë à l’admission peut être jugée sur les
scores de gravité, comme l’indice de gravité simplifié (IGS), l’IGS II,
ou les scores Acute Physiology and Chronic Health Evaluation
(Apache) II, qui prend en compte le facteur ID, et Apache III.
L’utilisation de ces scores en oncohématologie a fait l’objet d’une
revue récente.
Un nouveau score, spécifiquement destiné aux
malades d’oncohématologie admis en réanimation, a été récemment
proposé.
Le nombre de défaillances viscérales et l’existence d’une défaillance
respiratoire sont les paramètres les plus prédictifs de mortalité parmi
les malades neutropéniques admis en réanimation.
La défaillance
respiratoire aiguë, ou le recours à la ventilation mécanique, exerce
une influence prépondérante sur la survie, suivie de la défaillance cardiocirculatoire.
B - CARACTÉRISTIQUES DE LA NÉOPLASIE SOUS-JACENTE :
Un pronostic péjoratif est associé à la présence d’une maladie
néoplasique en progression ou ne répondant pas au traitement.
L’existence d’une récidive ou d’une progression tumorale ressort
comme facteur de pronostic défavorable dans la population des
malades cancéreux en réanimation.
Les hémopathies malignes ont
été associées, dans certaines études, à un plus mauvais pronostic
que les tumeurs solides, ce que d’autres études ne confirment pas.
La sévérité de la maladie sous-jacente est classiquement mesurée
par le score de Mac Cabe ; celui-ci a cependant peu de valeur
pronostique pour les patients neutropéniques en réanimation.
Dans le sous-groupe des patients neutropéniques, le pronostic
semble indépendant du type de cancer et de sa progression.
Ainsi,
les caractéristiques de la néoplasie, si elles doivent être prises en
compte dans la population générale des malades porteurs d’un
cancer, ne devraient pas jouer un rôle significatif dans la décision
de transférer ou non un patient neutropénique en réanimation.
C - FACTEURS PRONOSTIQUES
ET « POPULATIONS À RISQUE »
:
Le pronostic des infections chez l’aplasique a été révolutionné
depuis les années 1970, date à laquelle la mise sous antibiotiques
empiriques est devenue obligatoire devant toute fièvre en phase de
neutropénie.
La mortalité résiduelle n’est plus que de 3 % environ.
Au cours des bactériémies chez le neutropénique, le pronostic, en
termes de guérison de l’infection ou de survie, est lié à la survenue
d’une infection tissulaire extensive, d’un état de choc, à la
responsabilité de Pseudomonas sp., de Clostridium sp., ou d’un germe
résistant à l’antibiothérapie empirique, et à la proximité de la sortie
d’aplasie.
En revanche, les taux de mortalité des malades
d’oncohématologie admis en réanimation sont très élevés, en
particulier s’il sont neutropéniques et si la ventilation mécanique est
nécessaire, atteignant alors 80 à 100 %.
Un pronostic péjoratif est
associé à la durée de la granulocytopénie, souvent plus prolongée
chez les malades d’hématologie.
Pour les malades admis en réanimation après greffe de CSH, le
pronostic apparaît lié de façon indépendante à la nécessité de
recourir à la ventilation mécanique, au caractère allogénique de la
greffe, à la survenue d’une infection ou d’un saignement gastrointestinal.
Après allogreffe, 87 % des malades admis en
réanimation survivent s’ils ne sont pas ventilés, contre seulement
4 % dans le cas contraire.
Pour certains auteurs, aucun survivant
n’est retrouvé s’il existe à la fois une défaillance respiratoire et la
nécessité de vasopresseurs et/ou une défaillance « hépatorénale ».
Les complications respiratoires d’origine infectieuse semblent de
meilleur pronostic que les atteintes non infectieuses ou non
documentées, en particulier du fait qu’elles pourraient répondre
mieux aux techniques de ventilation non invasive, et éviter ainsi
l’intubation.
Plus que la tentative souvent illusoire de définir, dès l’admission en
réanimation, le pronostic vital de ces malades « à haut risque », c’est
davantage la réévaluation du pronostic après 3 ou 4 jours de prise
en charge intensive qui permet de préciser au mieux la nécessité de
poursuivre ou non des soins extrêmement coûteux et parfois inutiles.
Par exemple, parmi les greffés, la réévaluation du pronostic au
quatrième jour de ventilation mécanique permet de classer
correctement la quasi-totalité des malades en fonction de leur
probabilité de survie.
D - PLACE DES TECHNIQUES INVASIVES :
Grâce à la meilleure connaissance des complications, en particulier
infectieuses, des malades d’oncohématologie, et aux études sur les
facteurs pronostiques, la réticence à admettre ces patients en
réanimation s’est en partie estompée.
C’est ainsi que la prise en
charge de tels patients se rapproche sur bien des points de celle des
malades immunocompétents.
Par exemple, moyennant la correction
préalable des troubles de l’hémostase, le recours à des techniques
diagnostiques parfois invasives, comme les biopsies pulmonaires ou
hépatiques, ne doit pas être récusé.
L’utilisation du cathétérisme
vasculaire, ou encore la réalisation d’une trachéotomie chez un
malade ventilé ne posent pas de problèmes particuliers.
Enfin, si
elle s’avère nécessaire, la chirurgie abdominale doit être effectuée
sans réticence, y compris chez le neutropénique : face à un
« abdomen aigu chirurgical », le risque de négliger une pathologie
curable chirurgicalement excède très nettement celui purement
théorique d’une éventuelle « laparotomie blanche ».
Conclusion
:
Les pathologies infectieuses compliquant l’évolution d’une maladie
néoplasique sont de mieux en mieux connues.
Cependant, l’utilisation
de traitements immunosuppresseurs toujours plus « agressifs »
repousse sans cesse les limites de la prise en charge des malades
d’oncohématologie et étend le champ des complications infectieuses
possibles.
En matière de traitement, la mise sur le marché de nouvelles
molécules, en particulier antifongiques et antivirales, permet un espoir
raisonnable de guérison d’infections jusqu’alors au-dessus de toute
ressource thérapeutique.
Surtout, le perfectionnement des stratégies de
prévention doit permettre de limiter la survenue de telles complications,
au pronostic encore souvent réservé.
Enfin, en raison de l’extrême complexité des situations rencontrées, des
difficultés diagnostiques et thérapeutiques majeures chez des patients
aux caractéristiques tout à fait particulières, la prise en charge des
infections graves chez l’ID ne peut s’envisager qu’en milieu spécialisé,
au sein d’équipes d’oncohématologie et/ou de réanimation habituées à la
gestion de telles situations.