Hypercortisolisme de l’adulte Cours
d'endocrinologie
Étiologie
:
La sécrétion de cortisol s’intègre dans un ensemble
fonctionnel : l’axe corticotrope.
La corticolibérine
(CRH) et la vasopressine (AVP) d’origine hypothalamique
stimulent la synthèse de la pro-opiomélanocortine
(POMC) dans les cellules corticotropes anté-hypophysaires
et sa maturation donnant naissance à différents peptides
dont la corticotrophine (ACTH),
la lipotrophine (LPH),
etc.
La corticotrophine exerce un effet trophique sur les
corticosurrénales ; stimule la synthèse et la sécrétion de
cortisol, de déhydro-épiandrostérone (ou DHEA, androgène)
et de minéralocorticoïdes (désoxycorticostérone
ou DOC notamment).
La sécrétion de corticotrophine et
de cortisol suit un rythme nycthéméral : leur concentration
plasmatique est minimale vers 0 h, augmente progressivement
en seconde partie de nuit, atteint son maximum
en fin de nuit puis décroît progressivement durant la
journée. L’activité de l’axe corticotrope est asservie par
un rétrocontrôle négatif : l’augmentation de la cortisolémie
inhibe la synthèse et la libération de la corticolibérine et
de la corticotrophine.
La sécrétion excessive et chronique de cortisol (hypercortisolisme)
est responsable du syndrome de Cushing
endogène.
La prise chronique de corticoïdes de synthèse
peut être à l’origine d’un syndrome de Cushing exogène.
D’un point de vue physiopathologique, il existe 2 catégories
de causes d’hypercortisolisme (ou syndrome de Cushing
endogène) :
– l’hypercortisolisme ACTH-indépendant : la sécrétion
surrénalienne est autonome et l’hypercortisolisme, par
rétrocontrôle, supprime la sécrétion de corticotrophine
dont la concentration circulante est effondrée.
Une
tumeur surrénalienne unilatérale bénigne (adénome
cortisolique) ou plus rarement maligne (carcinome
primitif ou corticosurrénalome malin) est à l’origine
de l’hypercortisolisme.
Rarement, les
2 surrénales sécrètent en excès le cortisol (hyperplasie macronodulaire ou dysplasie corticotrophine-indépendantes).
Dans certains cas, l’hyperplasie macronodulaire
est secondaire à une expression illicite de
récepteurs dans la corticosurrénale comme le récepteur
du GIP (gastric inhibitory peptide), peptide sécrété
par le tube digestif lors de l’alimentation, et qui
stimule alors de manière aberrante la sécrétion de
cortisol ;
– l’hypercortisolisme ACRTH-dépendant : les surrénales
sont stimulées par une sécrétion excessive et
inappropriée de corticotrophine.
La corticotrophine
peut être d’origine eutopique et sécrétée par un adénome
développé à partir des cellules corticotropes hypophysaires,
c’est la maladie de Cushing.
Plus rarement, la corticotrophine est d’origine ectopique,
produite par une tumeur neuro-endocrine non hypophysaire.
Cette sécrétion ectopique de corticotrophine
est responsable d’un syndrome de Cushing paranéoplasique.
Le syndrome de Cushing paranéoplasique
par sécrétion ectopique exclusive de corticolibérine
est exceptionnel.
Diagnostic
:
Il s’articule en plusieurs étapes dont la chronologie doit
être respectée.
Il faut successivement :
– évoquer l’hypercortisolisme cliniquement en recherchant
les symptômes les plus spécifiques ;
– dépister biologiquement l’hypercortisolisme avec des
investigations simples puis le confirmer lorsque le
dépistage est positif ;
– éliminer les diagnostics différentiels de l’hypercortisolisme
(principalement les hypercortisolismes fonctionnels)
;
– déterminer l’étiologie de l’hypercortisolisme, préambule
indispensable à un traitement adapté.
Du fait de la fréquence des lésions surrénaliennes et
hypophysaires non fonctionnelles et asymptomatiques
dans la population générale, le diagnostic positif
d’hypercortisolisme repose exclusivement sur des données
cliniques et biologiques.
L’imagerie médicale n’a de
place qu’une fois le diagnostic de syndrome de Cushing
endogène acquis.
A - Sémiologie clinique
:
Certains symptômes cliniques d’hypercortisolisme (obésité,
hypertension, diabète sucré, dépression) sont fréquemment
rencontrés dans la population générale.
Il est donc capital
de rechercher les symptômes les plus spécifiques : ce
sont ceux engendrés par les effets cataboliques et antianaboliques
du cortisol sur le métabolisme protidique.
1- Anomalies morphologiques
:
Ces anomalies permettent d’évoquer le diagnostic dès
l’inspection.
Elles sont acquises et peuvent être différenciées des
aspects constitutionnels en examinant des photographies
anciennes des patients.
• La prise pondérale est généralement modérée (une
dizaine de kg), survient en l’absence de modification
des habitudes alimentaires et résiste à la restriction
calorique.
Surtout, elle présente une topographie particulière, facio-tronculaire : le visage devient arrondi,
bouffi, les creux sus-claviculaires se comblent, l’accumulation
adipeuse au niveau de la nuque provoque un
aspect en « bosse de bison ».
• Conséquences morphologiques des effets cataboliques
et anti-anaboliques du cortisol : elles ont un intérêt
diagnostique particulier :
– l’amyotrophie prédomine au niveau des ceintures et
de la sangle abdominale.
Elle peut être responsable
d’une fatigabilité à la marche et lors de la montée
d’escaliers voire confiner le patient au lit.
Elle est parfois
visible au niveau de la face antérieure des cuisses
et contraste avec l’adiposité facio-tronculaire et
l’abdomen protubérant par relâchement de la sangle
abdominale.
Parfois plus discrète et il faudra la
rechercher par la palpation du quadriceps crural et la
manoeuvre du tabouret ;
– l’atrophie cutanée et sous-cutanée est responsable
d’une lenteur à la cicatrisation retrouvée à l’interrogatoire.
La peau au niveau de la face dorsale
des mains est amincie (en « feuille de papier à
cigarette ») ;
– la fragilité cutanéo-capillaire est responsable d’ecchymoses
survenant au moindre choc (crête tibiale, dos
de la main, avant-bras) ;
– des vergetures cutanées sont caractéristiques : larges,
pourpres, orientées horizontalement sur les flancs et à
la racine des membres ou à disposition radiaire dans la
région mammaire et périombilicale ;
– enfin, la peau du visage est érythrosique, avec des
télangiectasies liées à l’atrophie de l’épiderme.
• Symptômes d’hyperandrogénie : ils peuvent être
associés, se limitant généralement à un hirsutisme
modéré, une séborrhée et une acné séborrhéique du visage.
2- Autres symptômes
:
• Ostéopénie et ostéoporose sont évocatrices avant
l’âge de 50 ans.
Souvent asymptomatiques ou paucisymptomatiques
(lombalgies d’horaire mécanique), elles
peuvent être objectivées par ostéodensimétrie.
Des
fractures pathologiques, costales ou vertébrales peuvent
survenir chez les patients âgés ou quand l’hypercortisolisme
est intense.
• Troubles gonadiques : spanioménorrhée voire aménorrhée
secondaire, muette (sans bouffées de chaleur)
chez la femme ; baisse de la libido et impuissance chez
l’homme.
• Hypertension artérielle : elle est le plus souvent
modérée mais concourt à la morbidité cardiovasculaire
du syndrome de Cushing.
• Troubles psychiatriques : à type d’irritabilité, anxiété,
insomnie nocturne et tendance dépressive fluctuant
en intensité.
Un tableau psychiatrique aigu à type de
confusion mentale ou psychose hallucinatoire est
rarement rencontré.
3- Anomalies biologiques non spécifiques
:
Ces anomalies peuvent renforcer la suspicion clinique.
• Intolérance aux hydrates de carbone et diabète
sucré : ils sont secondaires à l’insulinorésistance
engendrées par l’hypercortisolisme et sont associés à
l’augmentation modérée du taux de triglycérides et de
cholestérol.
• Plus rarement, la numération formule sanguine
(NFS) peut objectiver une hyperleucocytose à polynucléaires
neutrophiles avec relative lymphopénie.
• Une alcalose hypokaliémique est rencontrée dans
certaines causes d’hypercortisolisme (carcinomes surrénaux,
sécrétion ectopique de corticotrophine) ou
lorsque celui-ci est intense.
4- Présentations cliniques particulières
:
Il est nécessaire de connaître diverses formes :
• paucisymptomatiques correspondant à des formes de
début, à un hypercorticisme modéré ou intermittent.
On évoque l’hypercortisolisme devant une ostéoporose
ne faisant pas la preuve de son étiologie, devant un
diabète sucré de présentation atypique ainsi que
devant toute tumeur cortico-surrénalienne de découverte
fortuite (« incidentalome ») ;
• enrichies, secondaires à certaines causes.
Citons
les formes virilisantes (aménorrhée, hirsutisme
marqué, raucité de la voix, golfes fronto-temporaux,
clitoridomégalie), témoins d’une hypersécrétion
d’androgènes et orientant vers un carcinome surrénalien ;
les formes cachectiques avec des signes de catabolisme
protidique intense et éventuellement mélanodermie
(témoin d’une hypersécrétion de peptides corticotropes)
évoquant une sécrétion ectopique de corticotrophine.
B - Diagnostic biologique d’hypercortisolisme :
Les anomalies biologiques dans l’hypercortisolisme
sont quantitatives et qualitatives.
1- Anomalies quantitatives
:
Elles mettent en évidence la sécrétion excessive de cortisol.
• La concentration du cortisol plasmatique matinal,
maximale chez les sujets sains, est peu discriminante.
La cortisolémie vespérale (23-24 h), physiologiquement
minimale, est par contre très discriminante mais nécessite
une hospitalisation.
Le cortisol salivaire, étroitement
corrélé au cortisol libre plasmatique, peut être dosé dans
des prélèvements vespéraux réalisés en ambulatoire.
• La mesure du cortisol libre urinaire (CLU) des 24 h
(fraction du cortisol excrété sans être métabolisé) est
l’examen de choix qui permet d’apprécier la quantité de
cortisol produit sur l’ensemble du nycthémère. Cet
examen fondamental se heurte à 2 écueils principaux :
– la difficulté d’un recueil adéquat des urines de 24 h.
Il
est indispensable d’expliquer précisément au patient
les aspects pratiques du recueil et d’associer systématiquement
le dosage de la créatininurie (constante
permettant d’apprécier la qualité du recueil).
Des
recueils urinaires sur une durée plus limitée (urines
de la nuit par exemple) ont été proposés ;
– les fluctuations spontanées de la sécrétion dans l’hypercortisolisme.
Il est donc impératif de prélever les
urines pendant plusieurs jours.
2- Anomalies qualitatives
:
• Rupture du rythme nycthéméral de sécrétion du
cortisol : elle peut être mise en évidence en réalisant des
prélèvements veineux diurnes et nocturnes.
Cette investigation
ne se conçoit donc qu’en hospitalisation afin
d’éviter les augmentations de la cortisolémie liées au
stress de la ponction veineuse (pose d’un cathéter) ou à
un sommeil perturbé.
• Perte du freinage physiologique par les glucocorticoïdes
exogènes : elle est étudiée avec un corticoïde de
synthèse, la dexaméthasone (qui n’est pas « reconnue »
par les dosages du cortisol).
Plusieurs modalités de
freinage peuvent être proposées :
– le freinage « minute » est la modalité la plus simple et
est réalisable en ambulatoire : la cortisolémie matinale
est déterminée après la prise de 1 mg de dexaméthasone
la veille vers 23 h.
L’hypercortisolisme doit être évoqué
lorsque la cortisolémie est supérieure à 100 nmol/L
(3,6 mg /100 mL) ;
– le test de freinage « faible » (souvent appelé freinage
« standard ») utilise 0,5 mg de dexaméthasone toutes
les 6 h (2 mg/j) pendant 2 j et se juge sur la diminution
du cortisol libre urinaire (normale < 10 mg/j) et (ou) de la
cortisolémie (normale < 50 nmol/L ou 1,8 mg /100 mL).
Des faux positifs peuvent survenir lors de la prise
d’inducteurs enzymatiques (rifampicine, phénobarbital, diphénylhydantoïne, etc.) qui accélèrent la clairance de
la dexaméthasone, d’oestrogènes (contraceptifs oraux)
qui augmentent la production de la protéine porteuse du
cortisol (transcortine) et entraînent une élévation artificielle
de la cortisolémie ; en cas d’affection intercurrente,
de dépression ou de stress intenses.
Le freinage « standard »
est plus spécifique (moins de faux positifs) que le freinage
« minute ».
Ce dernier est donc plutôt utilisé en première
intention pour le dépistage de l’hypercortisolisme et le
freinage standard pour sa confirmation.
3- Stratégie d’exploration paraclinique
:
Elle dépend du degré de vraisemblance clinique de
l’hypercortisolisme :
– lorsque le diagnostic est hypothétique, on peut recourir
dans un premier temps à un dépistage ambulatoire.
En
l’absence de prise médicamenteuse susceptible d’interférer,
on réalise préférentiellement un test de freinage
« minute » à la dexaméthasone.
Dans les autres cas, on
aura recours à la mesure du cortisol libre urinaire et de
la créatininurie sur 24 h voire sur les urines de la nuit
lorsque le patient n’est pas très discipliné ;
– lorsque l’hypercortisolisme est cliniquement très vraisemblable,
une hospitalisation pour la mesure du
cortisol libre urinaire des 24 h pendant plusieurs jours
consécutifs.
Un cortisol libre urinaire supérieur à
4 fois la normale affirme le diagnostic.
Lorsqu’il est
moins franchement élevé, le test de freinage standard
et la cortisolémie vespérale permettent de trancher.
Dans de rares cas, l’hypercorticisme alterne avec
des périodes d’eucorticisme pouvant durer plusieurs
semaines voire mois (Cushing intermittent).
Il faut évoquer
cette possibilité lorsque la clinique contraste avec une
biologie normale ou lorsque des symptômes s’amendent
spontanément puis réapparaissent.
Dans ce cas, on s’aidera
du dosage du cortisol salivaire en demandant aux patients
de recueillir quotidiennement quelques millilitres de salive
au lever et au coucher pendant plusieurs semaines.
4- Diagnostic différentiel
:
• L’obésité, qui cliniquement ne s’accompagne pas de
signes cliniques cataboliques, n’entraîne généralement
pas d’élévation du cortisol libre urinaire.
• Le syndrome de Cushing iatrogénique par prise
occulte de corticoïdes : la fonction corticotrope est freinée
(cortisol plasmatique et cortisol libre urinaire effondrés)
et contraste avec la symptomatologie clinique.
Le profil
psychiatrique des patients et la recherche de corticoïdes
de synthèse circulants par spectrographie de masse
confirment le diagnostic.
• Les hypercortisolismes fonctionnels : les dépressions
sévères activent l’axe corticotrope et entraînent une
élévation modérée du cortisol libre urinaire et (ou) un
test de freinage « minute » négatif.
Cela peut être à
l’origine de problèmes diagnostiques chez les sujets
dépressifs et (ou) éthyliques, lorsqu’il existe une symptomatologie
clinique compatible avec l’hypercortisolisme
(pseudo-syndrome de Cushing).
Le diagnostic repose
sur un faisceau d’arguments cliniques (absence de
signes cataboliques) et biologiques parmi lesquels la cortisolémie à minuit est particulièrement discriminante.
L’épreuve du temps avec la réévaluation clinique et
biologique des patients à distance, éventuellement après
mise en route d’un traitement psychotrope adapté ou
après sevrage éthylique, permet souvent de trancher.
Diagnostic étiologique de l’hypercorticisme
:
La première étape de l’enquête étiologique consiste à
établir si l’hypercorticisme dépend ou non de la corticotrophine.
1- Étude de l’ACTH-dépendance
de l’hypercorticisme
:
Elle repose sur le dosage de la corticotrophine plasmatique
par méthode immunoradiométrique (IRMA, immunoradiometric
assay), très sensible et permettant de mesurer
de faibles concentrations de corticotrophine.
Néanmoins,
cette molécule est fragile et requiert des précautions
particulières de recueil et de conservation des échantillons
sanguins.
Plusieurs prélèvements pour le dosage du cortisol
et de corticotrophine seront réalisés en fin d’après-midi
ou la nuit en milieu spécialisé.
Une concentration effondrée
de corticotrophine (< 5 pg/mL) signe l’hypercorticisme
ACTH-indépendant.
Une concentration de corticotrophine
conservée (> 15 pg/mL) signe l’hypercorticisme ACTHdépendant.
2- Diagnostic du syndrome de Cushing ACTH-indépendant
:
La 1re étape est de réaliser une imagerie surrénalienne
(scanner en coupes fines ou imagerie par résonance magnétique).
• Dans la
majorité des cas, une tumeur unilatérale est visualisée et la
surrénale controlatérale est atrophique.
Il s’agit d’un adénome cortisolique ou d’un carcinome
primitif.
Le diagnostic est souvent aisé en cas de
petite lésion (< 5 cm) homogène évoquant un adénome
ou de volumineuse tumeur hétérogène et métastatique
évoquant un carcinome.
Devant une volumineuse tumeur
sans essaimage décelable, la distinction entre adénome
et carcinome de bas grade de malignité est parfois délicate
et repose sur un faisceau d’arguments parmi
lesquels l’imagerie occupe une place de choix.
• De volumineuses masses polylobées bilatérales sont
rarement mises en évidence : il s’agit d’une hyperplasie surrénalienne macronodulaire.
• Exceptionnellement, les surrénales apparaissent
normales ou discrètement hypertrophiques.
Deux entités
rares peuvent être à l’origine du syndrome de Cushing
de l’adulte jeune et se rencontrent généralement chez
l’enfant et l’adolescent :
– la dysplasie surrénalienne micronodulaire (ou pigmentaire)
survient dans un contexte sporadique ou familial et
s’intègre parfois dans un syndrome de Carney (lentiginose
cutanée, myxomes cardiaques et autres tumeurs…) ;
– un syndrome de Mac Cune-Albright (taches cutanées
café au lait, dysplasie des os plats, endocrinopathies
variées).
L’hypercorticisme découle de l’activation
spontanée du récepteur de la corticotrophine par une
mutation intéressant les protéines membranaires G
couplant le récepteur avec l’adénylate-cyclase.
3- Diagnostic étiologique du syndrome
de Cushing ACTH-dépendant :
• Caractéristiques des tumeurs ACTH-sécrétantes :
Les adénomes hypophysaires responsables de la maladie
de Cushing sont généralement des microadénomes de
quelques millimètres dont la mise en évidence radiologique
est difficile.
Les cellules adénomateuses gardent
des similitudes avec les cellules corticotropes normales
qui caractérisent le « phénotype corticotrope » et seront
mises à profit lors des investigations paracliniques :
– elles sont équipées de récepteurs à la corticolibérine et
la vasopressine et répondent donc à l’injection de
leurs analogues pharmacologiques ;
– elles sont équipées de récepteurs aux glucocorticoïdes
et ont une autonomie sécrétoire relative : la sécrétion
de ces tumeurs peut être freinée par de fortes doses de dexaméthasone ;
– la maturation de la pro-opio-mélanocortine est harmonieuse
et aboutit à la production équimolaire des différents
peptides issus de la molécule (corticotrophine,
lipotropine, etc.).
Les tumeurs neuro-endocrines (TNE) non hypophysaires
responsables d’une sécrétion ectopique de corticotrophine
se développent à partir des cellules neuro-endocrines
présentes dans de nombreux organes.
Dans environ la
moitié des cas, elles sont d’origine bronchique puis
par ordre de fréquence décroissant sont thymiques,
pancréatiques, thyroïdiennes (cancers médullaires), médullo-surrénaliennes (phéochromocytomes), etc.
Les
tumeurs neuro-endocrines bronchiques peuvent être
bien différenciées (carcinoïdes) ou peu différenciées
(cancer à petites cellules).
Les tumeurs neuro-endocrines
peu différenciées sont aisément décelables radiologiquement
et ne gardent pas les caractéristiques du
phénotype corticotrope.
À l’inverse, les carcinoïdes
bronchiques peuvent être de petite taille, évoluer très
lentement sans essaimage métastatique et, à
l’instar des adénomes hypophysaires corticotropes,
assurer une maturation harmonieuse de la pro-opiomélanocortine,
répondre aux analogues de la vasopressine
et à de fortes doses de dexaméthasone.
• Moyens diagnostiques : la complexité du diagnostic
différentiel entre maladie de Cushing et sécrétion ectopique
de corticotrophine varie donc selon la nature de la
tumeur neuro-endocrine non hypophysaire.
Quatre
approches sont utilisées pour différencier la maladie de
Cushing des sécrétions ectopiques de corticotrophine.
Approche clinique : outre l’importance de l’argument de
fréquence, la maladie de Cushing touche préférentiellement
des femmes jeunes ou d’âge moyen, la
symptomatologie est d’intensité modérée et évolue progressivement
sur plusieurs années.
À l’inverse, les
tumeurs neuro-endocrines non hypophysaires intéressent
à part égale hommes et femmes (leur présence est donc
plus probable chez l’homme), entraînent plus volontiers
une symptomatologie rapidement évolutive et marquée
par l’intensité des signes cataboliques.
Une mélanodermie
est parfois notée.
Approche morphologique : l’imagerie par résonance
magnétique hypophysaire couplée à l’injection de gadolinium
permet de visualiser les microadénomes corticotropes
de la maladie de Cushing.
Environ 30 % des adénomes corticotropes ne sont pas détectables et des faux
positifs liés à des lésions hypophysaires non sécrétantes
de petite taille (< 5 mm) peuvent être rencontrées.
La
positivité de l’imagerie par résonance magnétique en cas
de lésion inférieure à 5 mm ne suffit donc pas à retenir le
diagnostic de maladie de Cushing et sa négativité ne
l’exclut pas.
La radiographie thoracique mais surtout le scanner (en
coupes fines ou spiralé) et (ou) l’imagerie par résonance
magnétique cervico-thoracique voire corps entier sont
utilisés pour visualiser les tumeurs neuro-endocrines
non hypophysaires.
Cependant, les carcinoïdes bronchiques
peuvent demeurer occultes plusieurs années
après l’apparition de l’hypercortisolisme.
La scintigraphie des récepteurs de la Somatostatine
(Octréoscan) peut être utile pour visualiser de petites
tumeurs neuro-endocrines non hypophysaires.
Approche biologique : une hypokaliémie, un hypercorticisme
biologique intense et un taux plasmatique de corticotrophine très élevé (> 200 pg/mL) sont en faveur
d’une sécrétion ectopique de corticotrophine.
– L’autonomie sécrétoire est étudiée par le test de freinage
par de fortes doses de dexaméthasone (8 mg/j pendant 2 j).
Une diminution franche de l’hypercortisolisme est en
faveur d’une maladie de Cushing.
Une approche en
miroir de la sensibilité de la tumeur aux corticoïdes est
réalisée par le test à la métopirone (qui inhibe la 11b-hydroxylase, dernière étape de la synthèse de cortisol).
Du fait d’une autonomie sécrétoire relative des adénomes corticotropes, la diminution de production de cortisol
engendrée par la métopirone entraîne une défrénation de
la sécrétion de corticotrophine et une augmentation
explosive des stéroïdes situés en amont de la 11b-hydroxylase (composé S plasmatique également dosé
dans les 17 hydroxystéroïdes urinaires).
– Tests de stimulation à la corticolibérine et à la lysine
vasopressine ou à la desmopressine : une élévation
franche de corticotrophine et du cortisol plasmatique est
en faveur de la maladie de Cushing.
– Une concentration plasmatique de pro-opio-mélanocortine
et un rapport lipotropine/corticotrophine élevés
témoignent d’une maturation anormale de la proopio-
mélanocortine, caractéristique des tumeurs neuroendocrines
non hypophysaires.
Cathétérisme des sinus pétreux inférieurs couplé à
l’injection de CRH : c’est l’examen de référence.
Dans
la maladie de Cushing, on observe, après stimulation par
la corticolibérine, une concentration de corticotrophine
plus élevée dans les sinus pétreux inférieurs (premières
veines de drainage de l’hypophyse après le sinus
caverneux) que dans une veine périphérique du fait de la
dilution de la corticotrophine dans le circuit vasculaire.
À l’inverse, il n’existe pas de gradient de corticotrophine
entre les sinus pétreux et la périphérie en cas de tumeurs
neuro-endocrines non hypophysaire.
Entre des
mains entraînées, cet examen invasif est réalisable dans
la majorité des cas et n’est qu’exceptionnellement grevé
d’effets indésirables.
• Démarche diagnostique : le diagnostic étiologique de
l’hypercorticisme ACTH-dépendant repose sur un faisceau
d’arguments mais il n’existe pas d’algorithme diagnostique
faisant l’unanimité (le test à la Métopirone par exemple
est fondamental pour certains mais abandonné par
d’autres).
Pour la plupart des équipes, l’investigation paraclinique
comporte initialement :
– une imagerie par résonance magnétique hypophysaire
(du fait de l’argument de fréquence de la maladie de
Cushing) et une radiographie pulmonaire lue par un
radiologue averti ;
– une kaliémie, un test de freinage fort à la dexaméthasone
voire un test à la corticolibérine.
Au terme de ce premier bilan, 3 situations sont possibles :
– l’ensemble de ces arguments convergent vers une
maladie de Cushing, l’intervention chirurgicale et
l’anatomopathologie confirmeront le diagnostic ;
– l’ensemble de ces arguments convergent vers une
sécrétion ectopique de corticotrophine, la recherche
biologique (métanéphrines pour les phéochromocytomes,
calcitonine pour les carcinomes médullaires thyroïdiens)
et morphologique (scanner/imagerie par résonance
magnétique) d’une sécrétion ectopique de corticotrophine
s’impose.
Elle est positive : l’intervention chirurgicale
et l’anatomopathologie confirmeront le diagnostic ;
– le diagnostic reste en suspens : la tumeur corticotrophine-sécrétante n’est pas visualisée ou une lésion
hypophysaire de très petite taille (< 5 mm) est vue mais
n’emporte pas la conviction et (ou)
s’accompagne d’arguments biologiques
discordants.
Dans ce cas, le cathétérisme
des sinus pétreux couplé à l’injection
de corticolibérine est l’examen
de référence.
Il peut être précédé ou
suivi d’un Octréoscan pour tenter de
visualiser une tumeur neuro-endocrine
non hypophysaire.
Au terme de ces
investigations, il est souvent possible
de poser le diagnostic de maladie de
Cushing ou de sécrétion ectopique de corticotrophine sans nécessairement
visualiser la tumeur.
Dans ce cas,
c’est l’exploration chirurgicale hypophysaire
(en cas de cathétérisme évoquant
une maladie de Cushing) ou la
surveillance morphologique rigoureuse
après traitement symptomatique de
l’hypercortisolisme qui permettront
le diagnostic.