Lymphomes non hodgkiniens T et NK périphériques Cours
d'hématologie
Introduction
:
Les lymphomes constituent un groupe hétérogène de pathologies
liées à un dérèglement néoplasique des lymphocytes.
Ils
représentent actuellement la 5e cause de cancer en France en raison
d’un triplement de leur incidence en 20 ans.
Dans plus de 80 % des
cas, l’anomalie concerne les lymphocytes B.
Cette revue concerne les
lymphomes plus rares développés aux dépens des lymphocytes T
matures ayant quitté le thymus après y avoir réarrangé leur
récepteur à l’antigène et franchi avec succès différentes étapes de
sélection.
La dénomination « périphériques » les oppose aux
lymphomes et leucémies développés aux dépens des précurseurs
lymphocytaires T « centraux » que sont les leucémies et lymphomes lymphoblastiques T.
La description des lymphomes dérivant des
cellules natural killer (NK) est regroupée avec celle des lymphomes
T en raison des similitudes immunologiques qui existent entre ces
deux lignées et de l’existence d’entités pouvant présenter un
phénotype T ou NK malgré une présentation clinique et
anatomopathologique similaire.
Les outils modernes d’immunophénotypage et de biologie
moléculaire ont permis de classifier les différents types de
lymphomes et de leucémies en fonction de leur degré de
différenciation, correspondant aux divers stades de maturation des
lymphocytes normaux.
L’application de ces techniques aux
leucémies et lymphomes lymphoblastiques T a ainsi permis de
distinguer, au sein d’une entité morphologiquement uniforme, des
entités de pronostics très différents.
Au fil des ans, des classifications toujours plus complexes de ces
lymphomes ont été proposées.
La classification de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) constitue aujourd’hui la référence et
forme la base de cette revue.
Le principe qui a présidé à son
établissement a été la reconnaissance d’entités séparées non plus
seulement en fonction de leurs caractéristiques histologiques, mais
en fonction d’un faisceau de données cliniques, histologiques, immunophénotypiques et génétiques.
Seize entités (plus quelques variantes) sont ainsi distinguées parmi
les lymphomes T périphériques, et peuvent schématiquement être
divisées en quatre groupes : lymphomes avec atteinte ganglionnaire
prédominante (lymphomes angio-immunoblastique, anaplasique et
T périphérique, sans autre précision), lymphomes cutanés, autres
lymphomes extraganglionnaires (classés à partir de leur présentation
clinique, comme les lymphomes T de type entéropathie, les
lymphomes T hépatospléniques, etc.), et enfin formes disséminées
avec atteinte sanguine.
À ces quatre groupes s’ajoute une
entité provisoire dénommée lymphome NK blastique.
Le groupe des
lymphomes T cutanés inclut les lymphomes épidermotropes (mycosis fongoïde et syndrome de Sézary) et les lymphomes non
épidermotropes.
Les lymphomes épidermotropes ne seront pas
traités dans cette revue.
La lenteur relative des progrès réalisés dans la classification des
lymphomes T, comparativement à celle des lymphomes de
phénotype B, a probablement des origines multiples, au premier
rang desquelles leur rareté.
Ainsi, au sein d’une étude internationale
regroupant des cas de lymphomes d’Europe, d’Asie, des États-Unis
et d’Afrique du Sud, les lymphomes T (réunis au sein d’un seul
groupe avec les lymphomes d’origine NK) représentaient 12 %
seulement de l’ensemble des cas de lymphomes non hodgkiniens.
De plus, les connaissances dans le domaine de l’immunologie
fondamentale sur la différenciation T normale restent encore
parcellaires.
La classification de l’OMS a le mérite de séparer des entités dont le
profil évolutif et le pronostic diffèrent parfois de façon importante et
d’avoir des implications thérapeutiques.
Le clinicien doit obtenir
auprès du pathologiste la spécification du sous-type histologique
considéré, en confrontant son avis avec un pathologiste spécialisé
dans le domaine du lymphome.
Cela implique d’organiser la biopsie
ganglionnaire pour permettre la congélation de fragments,
indispensable pour les techniques de biologie moléculaire.
À défaut,
la biopsie doit être réalisée en centre spécialisé.
Après une définition du cadre global, les différentes entités de la
classification de l’OMS seront étudiées de façon successive.
Généralités :
A - ÉPIDÉMIOLOGIE :
Les lymphomes non hodgkiniens (LNH) T et NK sont rares en
Europe et aux États-Unis, où ils représentent entre 15 et 20 % des
lymphomes agressifs.
Leur fréquence relative est en revanche plus
importante en Asie, au Mexique et au sein des populations indigènes
d’Amérique du Sud et d’Amérique Centrale.
À Hong Kong, ils
représentent par exemple jusqu’à 30 % des lymphomes agressifs.
On peut estimer qu’on diagnostique chaque année en France un
millier de cas de lymphomes T pour 7 000 nouveaux cas de
lymphome.
Le rôle joué par les lymphomes T dans l’augmentation
régulière de l’incidence des LNH n’est pas déterminant.
Le groupe des lymphomes ganglionnaires est de loin le plus
fréquent, avec, par ordre décroissant d’incidence, les lymphomes T
périphériques, sans autre précision, suivis des lymphomes
anaplasiques et angio-immunoblastiques.
B - PRÉSENTATION CLINIQUE
:
La présentation clinique des lymphomes T périphériques (LTP) peut
différer de façon significative selon le sous-type considéré.
Ainsi, un
lymphome T de type entéropathie pourra être diagnostiqué lors de
l’exploration d’une diarrhée chronique, d’une perforation digestive
ou au cours de la surveillance d’une maladie coeliaque, tandis
qu’une ulcération traînante du palais pourra révéler un lymphome
T/NK de type nasal.
Ces données sont issues
d’une étude regroupant 270 patients traités dans des protocoles du
Groupe d’étude des lymphomes de l’adulte (GELA).
La
constatation d’une hyperéosinophilie ou d’une hypergammaglobulinémie
polyclonale est par exemple caractéristique du
lymphome T de type angio-immunoblastique.
De plus, les lymphomes T différaient en partie dans leur
présentation lorsqu’on les a comparés à une cohorte de 1 595
patients avec lymphome B agressif traités dans les mêmes études.
Étaient significativement plus fréquents chez les patients atteints de
lymphome T le sexe masculin, les stades disséminés avec atteintes
ganglionnaires multiples, les signes généraux d’évolutivité (fièvre,
sueurs, perte de poids), l’envahissement médullaire, une hépatosplénomégalie et les lésions cutanées.
Les patients avec LNH
B présentaient en revanche plus fréquemment des stades localisés et
de fortes masses tumorales.
La fréquence plus importante des
formes disséminées au diagnostic explique probablement, mais en
partie seulement, le pronostic péjoratif des lymphomes de
phénotype T.
C - PRONOSTIC :
La valeur pronostique défavorable de l’immunophénotype T est
aujourd’hui reconnue par la plupart des auteurs rapportant des
séries importantes de malades, malgré les résultats discordants des
premières études réalisées.
Les études plus anciennes
ont pu souffrir du manque de perfectionnement des techniques immunophénotypiques employées, ainsi que de l’absence de
distinction au sein des lymphomes T de différents sous-types.
L’index pronostique international (IPI) des lymphomes agressifs
permet de séparer les patients en quatre groupes de pronostic différent selon l’existence et le nombre de l’un des facteurs suivants :
stade disséminé, indice de performance supérieur à 2, élévation du
taux de lactodéshydrogénase (LDH), existence de plusieurs
localisations extraganglionnaires et âge inférieur à 60 ans.
La valeur pronostique de l’immunophénotype T n’a pas pu être
évaluée dans ce travail, du fait du manque de données
immunophénotypiques disponibles à l’époque.
De façon à mieux définir le devenir des patients avec lymphome T
périphérique (LTP), 288 patients ayant un diagnostic
immunophénotypique confirmé de lymphome T et inclus au sein
du protocole prospectif français LNH87 ont été comparés à 1 595
patients porteurs de lymphomes B agressifs traités dans le même
protocole.
La répartition entre les trois grands groupes étaient : LNH T sans autre précision dans 49 % des cas, LNH T angioimmunoblastique
dans 23 % et LNH T anaplasique, à grandes
cellules dans 20 %.
L’âge médian était respectivement de 56 ans et 57 ans pour les
patients avec LTP et LNH B. Les taux de rémissions complètes après
le traitement d’induction étaient de 54 et 63 % pour les lymphomes
T et B, respectivement (p = 0,005).
Cependant, les LNH T
anaplasique à grandes cellules avaient le meilleur taux de rémission
complète (72 %), significativement différent des autres LTP (49 %).
Les taux de survie globale à 5 ans étaient de 41 et 52 % pour les LTP
et LNH B, respectivement (p = 0,0004).
La survie à 5 ans des LNH T
anaplasiques était de 64 %, significativement supérieure aux autres
sous-groupes de LTP ou de LNH B.
Les LTP avaient des taux de
survie significativement plus bas que ceux des lymphomes diffus à
grandes cellules B.
Le sous-groupe des LTP non anaplasiques avait
les plus mauvais taux de survie avec une probabilité de survie de
31 % à 5 ans.
En stratifiant le risque selon les facteurs de l’IPI, la survie globale
était globalement plus médiocre pour les LTP non anaplasiques que
pour les LNH B, mais cette différence était essentiellement retrouvée
pour les patients ayant un score IPI supérieur ou égal à 2.
Avec le
régime de chimiothérapie intensif utilisé dans le protocole LNH 87
(ACBVP), on observe globalement dans ce groupe un taux de survie
à 5 ans de 41 %, mais ce dernier n’est que de 23 % pour les patients
présentant trois facteurs pronostiques ou plus, motivant la recherche
de modalités thérapeutiques innovantes pour cette population de
patients.
Le phénotype T non anaplasique à grandes cellules est donc un
facteur pronostique défavorable indépendant dans un modèle
d’analyse multivariée incluant les critères de l’index pronostique
international.
Seule l’entité lymphome anaplasique présentait des
taux de réponse et de survie supérieurs et devrait donc clairement
être séparée des autres sous-types en ce qui concerne l’analyse de
l’incidence de l’immunophénotype sur le pronostic.
L’IPI reste un outil d’évaluation valide lorsqu’il est appliqué aux
lymphomes T périphériques, avec un rôle particulièrement
défavorable de l’envahissement médullaire.
L’utilisation de nouveaux marqueurs biologiques va
probablement à l’avenir permettre de mieux différencier certains
groupes pronostiques au sein notamment des lymphomes T
périphériques, sans autre précision.
D - TRAITEMENT :
Les principes généraux du traitement sont ceux de tout lymphome
agressif et reposent sur les polychimiothérapies et les méthodes
d’intensification thérapeutique avec auto- ou allogreffe.
Certaines
entités relèvent de traitements particuliers avec une place pour la
radiothérapie dans certaines formes extranodales localisées comme
les lymphomes T/NK et certains lymphomes cutanés.
Il n’y a pas
actuellement, en routine, d’association d’anticorps monoclonaux à
la chimiothérapie comme dans les lymphomes B.
Le traitement de première intention comporte le plus souvent une
séquence de polychimiothérapie comportant des anthracyclines de
type cyclophosphamide, doxorubicine, oncovin, prednisone (CHOP).
Dans l’expérience du Groupe d’étude des lymphomes de l’adulte
(GELA), l’utilisation de plus fortes doses de chimiothérapie
(protocole ACBVP) que dans le CHOP traditionnel amène un
bénéfice dans la survie des lymphomes agressifs.
Les différentes
associations possibles, dont celles de hautes doses de cytarabine et
de platine, habituellement employés en traitement de rattrapage, ne
semblent pas apporter de modifications majeures dans les
résultats.
L’utilisation ou non en première ligne des différentes
techniques d’intensification thérapeutique repose sur la gravité
initiale de la maladie, estimée à l’aide de marqueurs pronostiques
tels que ceux proposés par l’IPI.
L’utilisation systématique d’une procédure d’intensification avec
autogreffe après obtention d’une rémission complète ne semble pas
modifier le taux de rechute dans les lymphomes T non anaplasiques.
La valeur péjorative du phénotype T reste la même chez les malades
soumis à cette procédure.
En effet, le principal problème est
d’obtenir initialement une rémission stable, avant d’avoir recours à
ce type de traitement en consolidation.
L’utilisation des procédures d’autogreffe dans le cadre du traitement
des rechutes reste indiquée de la même façon que dans les
lymphomes B.
Des taux de survie à long terme variant de 30 à 70 %
sont rapportés selon les études.
Le pronostic péjoratif des LTP non
anaplasiques est également retrouvé dans cette situation.
Diverses thérapeutiques alternatives ont été testées chez les patients
en échec ou en rechute après chimiothérapie conventionnelle.
Ainsi,
des taux de réponse de l’ordre de 20 % ont été rapportés avec
l’interféron alpha, et certains patients ont présenté des réponses
complètes après traitement par l’acide 13-cis rétinoïque.
L’anticorps monoclonal CAMPATH-1H (anticorps anti-CD52) a récemment été employé en monothérapie chez 14 patients en échec
après une ou plusieurs lignes de traitement conventionnel avec un
taux de réponses global de 36 % (cinq patients sur 14).
La valeur
de l’allogreffe à conditionnement atténué est en cours d’exploration
dans cette pathologie.
Étude analytique des différents sous-types histologiques de la
classification de l’Organisation mondiale de la santé :
La classification d’un LTP selon l’OMS nécessite de prendre en
compte un ensemble de données, à la fois cliniques (aspect et
localisation des lésions), histologiques (taille et forme des cellules,
architecture de la tumeur), immunologiques (expression de certains
antigènes de différenciation lymphocytaire) et enfin génétiques
(existence dans certains cas d’anomalies génétiques spécifiques).
Une fois confirmé le caractère lymphoïde de la tumeur sur l’aspect
cytologique et éventuellement la positivité du marqueur CD45, la
nature T ou NK de la tumeur sera affirmée sur la positivité d’un ou
plusieurs marqueurs spécifiques de lignée.
Les principaux marqueurs de la lignée T sont le CD2, le CD3, le CD5
et le CD7.
La négativité des marqueurs CD1 et TdT permet
d’affirmer le caractère « périphérique » (post-thymique) de la
prolifération.
Les antigènes CD4, CD8 et les protéines des granules
cytotoxiques (TIA-1, granzyme B, perforine) permettent de préciser
de façon plus fine le sous-type fonctionnel de cellules T en cause.
Le
CD4 est spécifique des cellules T « helper » tandis que le CD8
reconnaît les cellules T cytotoxiques.
L’antigène CD30 permet de
différencier le sous-groupe des lymphomes anaplasiques, dont il
n’est cependant pas spécifique.
Il est fréquent de rencontrer des
phénotypes dits « aberrants » avec une perte d’expression d’un ou
plusieurs marqueurs de différenciation T (CD3, CD5 et/ou CD7).
Le phénotype des cellules NK présente des variations selon la souspopulation
considérée, mais on peut très grossièrement retenir le
profil suivant : CD2+, CD3 membranaire–, CD3e cytoplasmique+ ,
CD16+, CD56+.
Il existe le plus souvent une expression
cytoplasmique de marqueurs de cytotoxicité (perforine, granzyme
B, TIA-1).
Dans tous les cas, les antigènes de différenciation B tels que le CD19,
le CD20 ou le CD79 seront, bien entendu, négatifs.
Il faut insister sur le caractère difficile de ce type de diagnostic et
sur le rôle prépondérant que peuvent jouer les hématopathologistes
spécialisés.
Il convient également de rappeler l’utilité de congeler
une partie du prélèvement diagnostique (biopsie ganglionnaire par
exemple), ce qui est indispensable pour pouvoir utiliser certaines
techniques fondamentales pour le diagnostic.
A - FORMES GANGLIONNAIRES (NODALES)
:
La grande majorité (80 à 90 %) des LTP appartient à cette catégorie.
On y distingue trois sous-types histologiques : le lymphome de type lymphadénopathie angio-immunoblastique, le lymphome
anaplasique à grandes cellules et le lymphome T périphérique, sans
autre précision.
L’atteinte ganglionnaire est ici souvent au premier
plan mais cela n’exclut pas la possibilité de localisations extranodales.
Il faut, par exemple, veiller à ne pas confondre un
lymphome T périphérique, sans autre précision, présentant une
atteinte cutanée avec un lymphome T épidermotrope, ou bien un
lymphome T anaplasique systémique présentant une atteinte
cutanée avec un lymphome anaplasique cutané primitif, le pronostic
de ces affections étant radicalement différent dans les deux cas.
1- Lymphome T de type lymphadénopathie
angio-immunoblastique (ou lymphome T
angio-immunoblastique)
:
Les lymphomes de type lymphadénopathie angio-immunoblastique
(LAI) ont été pour la première fois décrits au début des années 1970
chez des patients présentant un tableau clinique associant une
polyadénopathie avec hépatosplénomégalie, une
hypergammaglobulinémie polyclonale et une anémie, avec souvent
présence de lésions cutanées et d’une hyperéosinophilie.
C’est
l’existence de lésions histologiques particulières dans les
adénopathies prélevées chez ces patients qui a permis de les
regrouper au sein de cette nouvelle entité.
Ces dernières associent
une prolifération vasculaire d’aspect caractéristique à une
prolifération lymphocytaire polymorphe comportant souvent des
éléments de morphologie immunoblastique.
S’y associe un infiltrat
inflammatoire polymorphe composé de polynucléaires éosinophiles,
de plasmocytes et de petits lymphocytes réactionnels.
La constatation que certains de ces patients présentaient une
régression complète des manifestations cliniques après une
corticothérapie brève, associée au fait que les manifestations
débutaient fréquemment après une administration médicamenteuse,
a initialement fait considérer cette affection comme étant de type
« dysimmunitaire ».
Ce n’est que plus tard que les techniques de
biologie moléculaire ont apporté la preuve de l’existence quasi
constante d’une prolifération clonale, y compris dans les formes
d’évolution initialement favorable.
Certaines manifestations sont notées de façon plus fréquente que
dans les autres sous-types, telles qu’un rash maculopapuleux,
l’existence d’épanchements des séreuses ou l’association à une
polyarthrite.
L’association à une anémie hémolytique auto-immune
et à d’autres anomalies immunologiques (facteur rhumatoïde,
anticorps antimuscles lisses) a également été décrite.
Histologiquement, on distingue différentes variantes, sans que des
différences très claires aient été mises en évidence sur le plan du
pronostic entre ces différentes formes. Le phénotype immunologique
est habituellement celui d’une prolifération T mature (CD1a–, TdT–,
CD3+ , CD5+ , CD7+).
Les cellules T situées au sein de la prolifération
sont essentiellement CD4+, souvent accompagnées d’un contingent
de cellules CD8+ moins nombreuses.
La présence d’immunoblastes de phénotype B au sein des lésions de
lymphome T est caractéristique de ce sous-type de lymphome. Ces
cellules sont porteuses de marqueurs d’association au virus
d’Epstein-Barr (EBV) et leur présence témoignerait du déficit
immunitaire associé au lymphome.
La survenue de lymphomes B
« secondaires » est parfois rapportée.
On constate chez ces patients
une survenue plus fréquente de complications infectieuses que dans
d’autres types de lymphomes, qui compliquent souvent la prise en
charge et sont souvent à l’origine du décès des patients.
Le pronostic est défavorable avec des survies à 5 ans observées de
l’ordre de 35 % comme pour le reste des lymphomes T périphériques
non anaplasiques.
Le taux de rémissions complètes après polychimiothérapie de type CHOP est de l’ordre de 50 % et les
rechutes restent fréquentes.
L’existence de formes pouvant répondre
transitoirement à une corticothérapie seule ne suffit pas à retenir
celle-ci comme une option thérapeutique valide.
L’utilisation d’interféron alpha dans le dessein de prolonger la durée
des rémissions obtenues a pu être proposée, sans qu’il ait été observé
de résultats probants au vu des quelques études publiées.
Quelques
cas de réponse à un traitement par ciclosporine A ont également été
rapportés de façon anecdotique, ce médicament paraissant
intéressant du fait de sa capacité à inhiber certaines voies
d’activation des lymphocytes T.
2- Lymphomes anaplasiques à grandes cellules T
ou nuls
:
On distingue deux formes cliniques : formes cutanées pures (avec
possibilité de dissémination systémique secondaire) et formes
systémiques d’emblée, qui représentent 2 à 8 % de l’ensemble des
lymphomes.
Les lymphomes anaplasiques cutanés primitifs seront
étudiés plus loin.
Les cellules néoplasiques des lymphomes anaplasiques à grandes
cellules expriment dans tous les cas l’antigène CD30, et dans deux
tiers des cas l’antigène EMA.
Une partie d’entre elles expriment des
marqueurs de différenciation T.
L’absence d’expression d’antigènes
de différenciation T (CD2, CD3, CD5, CD7) ou B est fréquente, le
lymphome étant alors qualifié de « nul ».
La plupart de ces
lymphomes (environ 90 % chez l’enfant et 70 % chez l’adulte) sont
associés à des translocations chromosomiques récurrentes
impliquant la protéine ALK.
La plus fréquente est la translocation
(2;5) (p23;p35) qui aboutit à la synthèse d’une protéine de fusion NPM-ALK.
Ces formes sont aujourd’hui identifiables en immunohistochimie à l’aide d’un anticorps monoclonal qui met en
évidence l’expression anormale de cette protéine ALK par les
cellules tumorales.
La plupart des études ont indiqué l’existence de différences
épidémiologiques et pronostiques nettes entre les formes ALK+ et
ALK– : les patients ALK+ sont plus jeunes (ils représentent entre
10 et 30 % des lymphomes de l’enfant), et on note dans ce groupe
une nette prédominance masculine (environ six hommes pour une
femme).
La maladie survient le plus souvent dans les trente
premières années de la vie, mais des cas chez des patients plus âgés
ont été décrits.
Les lymphomes ALK– apparaissent avec une
incidence relativement constante avec l’âge et sont
proportionnellement plus fréquents chez les sujets âgés.
On ne
retrouve pas de prédominance masculine.
Les lymphomes anaplasiques systémiques primitifs ALK+ se
présentent souvent avec une association d’atteintes ganglionnaires
et extraganglionnaires, les atteintes les plus fréquentes concernant
la peau, l’os, les tissus mous, le poumon et le foie.
Dans les formes
n’exprimant pas la protéine ALK (lymphomes ALK–), les atteintes
extranodales sont moins fréquentes.
La différence la plus importante entre les lymphomes ALK+ et ALK–
est d’ordre pronostique : en effet, les formes exprimant ALK ont un
pronostic favorable (survie à 5 ans de l’ordre de 80 %), tandis que
les formes ALK– ont un pronostic beaucoup plus défavorable avec
une survie à 5 ans de l’ordre de 40 %.
Dans la plupart des études européennes, les lymphomes anaplasiques sont considérés comme des entités séparées des autres types de lymphomes agressifs.
Chez l’enfant, le groupe allemand BFM a stratifié les patients en trois groupes d’intensité de traitement
croissante selon une classification inspirée de celle employée pour
les lymphomes de Burkitt : stades I et II avec résection complète,
stades II sans résection complète et stades III-IV ou atteinte osseuse
multifocale.
Des survies sans événement similaires, supérieures à
70 %, étaient obtenues dans tous les cas.
Chez l’adulte, la plupart
des investigateurs s’accordent pour constater des taux de rémission
satisfaisants.
L’application des facteurs de l’IPI ajustée à l’âge permet
néanmoins de distinguer au sein du groupe des patients de
pronostics différents : dans une étude française, la survie globale
à 5 ans était de 94 % pour les patients avec 0 ou 1 facteur de l’IPI
contre 41 % pour les patients avec 2 ou 3 facteurs.
Dans les formes ALK–, ce pronostic est encore aggravé et de nouvelles approches
s’avèrent nécessaires.
La possibilité de classer les patients selon les
facteurs de risque de l’IPI et l’expression ou non de la protéine ALK
constitue un outil important pour l’adaptation des thérapeutiques
employées à la gravité de la maladie.
Aucune étude randomisée n’a
cependant jusqu’à présent été rapportée dans ce domaine.
3- Lymphome T périphérique, sans autre précision
:
Cette troisième catégorie se définit « par défaut » comme ne
présentant aucune caractéristique permettant de classer le
lymphome dans un autre sous-type.
Ces lymphomes représentent
environ 40 % des LTP.
Les patients atteints de lymphomes T, sans autre précision
présentent le plus souvent des facteurs de pronostic défavorable de
l’IPI au moment du diagnostic.
La plupart des patients se présentent
d’emblée avec une atteinte disséminée (stade III-IV) et les atteintes
extranodales sont fréquentes.
Parmi celles-ci on notera plus
particulièrement la fréquence des atteintes médullaire et cutanée,
dont la présentation peut être très variable (tumeurs cutanées ou
lésions ulcérées par exemple).
Seules de rares études ont décrit ces
lymphomes de façon séparée.
Histologiquement, l’infiltrat tumoral est le plus souvent pléiomorphe, composé de cellules de taille petite, moyenne à
grande.
Il peut exister un contingent de cellules réactionnelles
(histiocytes, polynucléaires éosinophiles, plasmocytes) en
proportions variables.
Les cellules tumorales présentent un immunophénotype de lymphocytes T périphériques CD3+, CD5+,
CD7+ avec, dans la plupart des cas, expression d’un des antigènes
principaux de sous-classe, avec une prédominance de l’expression
de CD4 sur celle de CD8.
Des phénotypes « aberrants », où l’un des
antigènes majeurs de différenciation T n’est pas exprimé, sont
fréquents.
Le pronostic est défavorable, rejoignant celui des lymphomes T
périphériques ganglionnaires non anaplasiques dont ils constituent
le plus grand nombre de patients.
Les facteurs de l’IPI s’appliquent
à cette catégorie de lymphomes.
Dans une récente étude
italienne reprenant 385 patients, la probabilité de survie à 5 ans
était de 43 %, avec un rôle pronostique de l’atteinte médullaire.
L’association au virus EBV de ce type de lymphome est un facteur
de pronostic défavorable.
L’utilisation de nouveaux marqueurs
biologiques permettra à l’avenir de mieux discerner différentes
populations de lymphomes au sein de ce groupe, et ainsi d’affiner
les connaissances sur le plan pronostique, physiopathologique et
thérapeutique.
B - LYMPHOMES T CUTANÉS :
En dehors des « lymphomes T épidermotropes » (mycosis fongoïde
et sa variante plus agressive, le syndrome de Sézary), qui ne seront
pas détaillés ici, ce groupe se sépare en deux sous-groupes
principaux :
– les lymphoproliférations T cutanées primitives non épidermotropes
exprimant l’antigène CD30.
On distingue à l’intérieur de ce groupe
trois types de lésions : les lymphomes anaplasiques à grandes
cellules primitifs cutanés, la papulose lymphomatoïde, et des lésions
difficiles à classer dans l’une ou l’autre des deux entités précédentes,
qualifiées de lésions « frontières ») ;
– les lymphoproliférations T cutanées primitives non épidermotropes
CD30 négative.
Certains lymphomes T avec localisations cutanées
(parfois exclusives) ne présentent ni les caractéristiques
histologiques d’un mycosis fongoïde, ni celles des lymphomes CD30
positifs cutanés et sont classés dans la catégorie des lymphomes T
périphériques, sans autre précision.
Ils partagent en général le
pronostic défavorable de ces derniers, et ne doivent pas être
confondus avec les autres formes.
1- Lymphomes T anaplasiques cutanés primitifs
:
Ils représentent environ 25 % des lymphomes T avec atteinte cutanée
isolée ou prédominante.
Ces tumeurs rares prédominent chez
l’enfant, ne sont pas porteuses de translocations chromosomiques
impliquant le gène ALK et ont globalement un pronostic très
favorable.
L’atteinte est le plus souvent limitée à la peau au moment du
diagnostic.
Il importe néanmoins dans tous les cas de réaliser un
bilan d’extension complet de façon à éliminer formellement une
forme systémique de lymphome T anaplasique.
Les lésions cutanées
sont le plus souvent uniques ou localisées, les atteintes multifocales
ne représentant qu’environ 20 % des cas.
Les lésions prennent le plus
souvent la forme de tumeurs cutanées, parfois ulcérées (60 % des
cas), mais peuvent aussi se présenter comme des nodules (environ
30 % des patients), voire rarement des papules (7 %) ou des plaques
(3 %).
Par définition, la majorité des cellules tumorales exprime le CD30,
infiltrant le derme profond et superficiel, ainsi que le tissu cellulaire
sous-cutané.
Les cellules expriment le plus souvent l’antigène CD4,
plus ou moins d’autres antigènes de différenciation T.
Le pronostic est favorable, avec des survies globales dépassant 90 %
à 5 ans dans la plupart des séries.
L’évolution est parfois marquée
comme dans la papulose lymphomatoïde par des rémissions
spontanées, sans que ces dernières soient nécessairement corrélées à
un pronostic plus favorable.
Il peut exister en cours d’évolution une
dissémination vers les ganglions lymphatiques de contiguïté (cela
concerne environ 10 % des patients) mais les atteintes d’autres
organes extracutanés sont rares.
L’existence d’une dissémination
ganglionnaire locorégionale ne représentait pas un facteur
pronostique défavorable dans une étude regroupant 90 patients,
avec des survies à 5 ans de 91 et 96 % selon qu’il existe ou non ce
type d’atteinte.
Le traitement repose essentiellement sur une approche locorégionale
par chirurgie d’exérèse plus ou moins radiothérapie.
Les
recommandations actuelles conseillent l’abstention thérapeutique en
cas d’exérèse complète de la lésion et l’utilisation d’une irradiation
cutanée pour les formes non chirurgicales.
Le traitement par polychimiothérapie, parfois employé en cas de
maladie cutanée multifocale, n’empêche pas la survenue de
rechutes.
2- Papulose lymphomatoïde :
Il s’agit d’une maladie cutanée chronique évoluant par poussées et
caractérisée par l’apparition de papules évoluant vers la nécrose et
spontanément régressives, et dont l’aspect histologique est proche
de celui d’un lymphome.
Cependant, et malgré le caractère parfois
clonal de la prolifération lymphocytaire, son évolution est bénigne
dans la grande majorité des cas.
Les lésions cutanées caractéristiques comportent des papules et/ou
des nodules de petite taille qui régressent spontanément dans des
délais de l’ordre de 3 à 6 semaines.
Ces lésions sont dans la majorité
des cas multiples et prennent la forme d’une éruption au sein de
laquelle on pourra observer des lésions d’âge différent, chaque
papule évoluant vers une lésion nécrotique plus ou moins ulcérée
avant d’entamer une phase de cicatrisation.
Le risque évolutif vers un lymphome est diversement apprécié
suivant les séries avec des extrêmes situés entre 12 et 80 % à 15 ans.
Divers types de lymphomes peuvent être rencontrés : lymphome anaplasique CD30 positif, mais aussi mycosis fongoïde ou maladie
de Hodgkin.
L’aspect histologique est celui d’une infiltration du derme par des
lymphocytes atypiques d’aspect variable.
La recherche de clonalité
T par les méthodes de biologie moléculaire est positive dans un cas
sur deux environ.
Il n’existe en principe pas d’indication à un traitement par voie
systémique, les cas traités (de façon inappropriée) par polychimiothérapie présentant le plus souvent des rechutes à
distance du traitement.
Les traitements locaux (chirurgie ou
radiothérapie) sont le plus souvent proscrits du fait de la
dissémination de la maladie.
Une abstention thérapeutique doit le
plus souvent être préférée, en dehors des cas où il existe un
préjudice esthétique important.
On pourra alors proposer des
traitements peu agressifs comme la PUVAthérapie ou le
méthotrexate oral à faibles doses.
Quelle que soit la réponse à la
thérapeutique proposée, la maladie a spontanément tendance à
rechuter et à reprendre une évolution chronique à l’arrêt des
traitements.
3- Autres formes extranodales :
Ces formes sont caractérisées par leur localisation anatomique
limitée ou prédominant au niveau d’un site anatomique précis (rate,
intestin grêle, …) et ont en commun de dériver pour l’essentiel de
cellules impliquées dans l’immunité cellulaire non spécifique
(cellules natural killer, cellules T gamma-delta, cellules T « NK-like »).
4- Lymphome T/NK extranodal de type nasal
:
Ce type rare de lymphome, plus fréquent en Asie en en Amérique
australe, touche préférentiellement les hommes (trois hommes pour
une femme environ).
Il correspond à l’appellation ancienne de
granulome centrofacial.
Il s’agit pour l’essentiel de tumeurs affectant
la région nasale, mais certains lymphomes affectant d’autres aires
anatomiques sont par extension classés comme « de type nasal » en
raison de similitudes histologiques et immunophénotypiques.
La forme classique se présente comme une lésion ulcérée souvent
unique et d’évolution torpide touchant la cavité nasale, le
rhinopharynx et/ou le palais.
Il peut exister une extension vers les
sinus de la face, l’oropharynx, l’orbite, voire la base du crâne avec
atteinte des paires crâniennes.
Les localisations les plus fréquentes
en dehors de la région nasale sont la peau, le tube digestif et le
testicule, localisations qui peuvent également être rencontrées
secondairement dans les cas à point de départ nasal.
Une
dissémination vers les ganglions de voisinage est possible.
Trois
quarts des patients environ se présentent au diagnostic avec une
maladie à développement exclusivement locorégional.
La
constatation d’une fièvre et d’une altération de l’état général est
fréquente, et l’association à un syndrome d’activation macrophagique a été décrite.
Sur le plan histologique, on note une prolifération tumorale pléiomorphe avec fréquemment des lésions angiocentriques. Le
phénotype est de type T ou NK.
L’expression quasi constante de
marqueurs d’association à l’EBV par les cellules tumorales fait
suspecter un rôle physiopathologique fondamental de ce dernier
dans la survenue de ces lymphomes.
La radiothérapie joue certainement un rôle dans le contrôle de la
maladie locorégionale, avec des taux de contrôle local variant de 63
à 100 % selon les études, et permet l’obtention de rémissions
prolongées chez des patients présentant une forme strictement
localisée.
Bien qu’aucune étude randomisée n’ait été menée dans ce
domaine, il semble que les patients traités par une combinaison chimiothérapie-radiothérapie ou par une radiothérapie exclusive
aient un pronostic plus favorable que les patients traités par
chimiothérapie seule.
Le pronostic pour l’ensemble des patients
demeure néanmoins défavorable, avec des survies globales à 5 ans
ne dépassant pas 40 %.
Le facteur pronostique le plus important
semble être le niveau d’extension de la maladie au diagnostic.
5- Lymphome T de type entéropathie
:
Il s’agit ici encore d’une forme rare (moins de 5% des LNH),
localisée préférentiellement à l’intestin grêle.
Cette pathologie est
intimement liée sur le plan épidémiologique et étiopathogénique à
la maladie coeliaque.
En effet, les taux d’incidence des deux
affections sont superposables, et ce type de lymphome présente les
mêmes facteurs de risque génétiques que la maladie coeliaque
(génotype HLA DQA1*0501, DQB1*0201).
Certains patients ont un
antécédent de maladie coeliaque de l’enfant, mais, dans la plupart
des cas, la maladie apparaît à l’âge adulte, et le diagnostic des deux
affections est alors le plus souvent concomitant.
Les hypothèses
physiopathologiques actuelles font état d’un continuum entre la
maladie coeliaque classique et le lymphome T de type entéropathie,
qui dériverait de la transformation des lymphocytes intraépithéliaux
stimulés par l’antigène alimentaire (gliadine).
Les formes de maladie
coeliaque ne répondant pas à l’éviction du gluten de l’alimentation
(sprue réfractaire) représenteraient des formes « cryptiques » de
lymphomes T dans lesquelles les lymphocytes intraépithéliaux sont
aptes à proliférer en l’absence de stimulation par l’antigène
alimentaire.
Le diagnostic est fréquemment posé lors d’une intervention
chirurgicale en urgence à l’occasion de la survenue d’une
complication à type de perforation ou d’occlusion.
Le pronostic est, dans l’ensemble, défavorable, en grande partie du
fait de la survenue fréquente de complications abdominales
(perforations multiples) après instauration de la chimiothérapie.
Malgré une mortalité précoce importante (proche de 30 à 50 % selon
les séries), il semble que des régimes de polychimiothérapie de type
CHOP puissent permettre d’obtenir des rémissions durables chez
20 % des patients environ.
Le caractère souvent diffus des
lésions rend illusoire la réalisation d’une exérèse carcinologiquement
satisfaisante.
6- Lymphome T hépatosplénique
:
Il s’agit d’un sous-type rare extrêmement agressif, représentant
moins de 5 % de l’ensemble des lymphomes T périphériques.
Ce
type de lymphomes dérive pour l’essentiel de lymphocytes
exprimant un récepteur T à l’antigène de type gamma-delta, bien
que des formes avec expression d’un récepteur alpha-bêta aient été
décrites.
La maladie touche préférentiellement les adultes jeunes de
sexe masculin et survient le plus souvent dans un contexte
« dysimmunitaire » (transplantation d’organes ou maladie autoimmune
par exemple).
Le lymphome est le plus souvent localisé au niveau de la rate et du
foie mais peut également affecter les ganglions du hile splénique.
Une atteinte médullaire est notée dans la quasi-totalité des cas, de
sorte que la biopsie médullaire permet le plus souvent de porter le
diagnostic et d’éviter le recours à la splénectomie diagnostique.
Une
dissémination à distance vers d’autres sites est rare et survient
souvent tardivement dans l’évolution de la maladie.
On note une
fréquence importante de signes généraux d’évolutivité au
diagnostic.
L’association à des cytopénies périphériques de
mécanisme auto-immun et à un syndrome d’activation macrophagique a été rapportée.
S’agissant d’un lymphome particulièrement rare, les données
concernant les réponses thérapeutiques sont peu nombreuses et
difficiles à interpréter du fait de leur caractère hétérogène.
La plus
grande série publiée ne rapporte que 21 patients.
Les données
disponibles font état d’un pronostic particulièrement défavorable
avec une survie médiane de 12 à 16 mois et peu ou pas de
survivants à long terme, y compris chez les patients ayant été traités
par allogreffe.
Lymphome T sous-cutané de type panniculite
Cette entité représente la forme la moins bien définie, et
probablement la plus rare des lymphomes T périphériques.
L’âge au
diagnostic est très variable et elle touche les hommes et les femmes
de façon égale.
La présentation clinique habituelle consiste en des
nodules sous-cutanés multiples, parfois douloureux, touchant de
façon préférentielle les extrémités, moins fréquemment le tronc et la
face.
Ces derniers sont souvent de petite taille et peuvent évoluer
vers la nécrose.
Une extension à distance des sites sous-cutanés, y
compris ganglionnaire, est rare et survient de façon tardive au cours
de la maladie.
La survenue d’un syndrome d’activation macrophagique est une complication fréquente et peut être
responsable du décès du patient.
Néanmoins, cette dernière
manifestation répond le plus souvent de façon favorable au
traitement spécifique par chimiothérapie s’il est institué de façon
suffisamment précoce.
Histologiquement, les cellules tumorales infiltrent de façon diffuse
le tissu cellulaire sous-cutané, sans épargner les septa contrairement
à d’autres formes de panniculite.
L’épiderme et le derme superficiel
sont respectés.
Il existe souvent des lésions de nécrose des
adipocytes envahis, les cellules tumorales, pléiomorphes sur le plan
cytologique, adoptant souvent une conformation en anneau autour
des adipocytes.
L’évolution spontanée est le plus souvent très agressive, mais des
formes d’évolution initialement indolente ont été décrites.
Les
traitements par polychimiothérapie peuvent permettre d’obtenir des
rémissions complètes durables, sans qu’il soit possible de
recommander l’utilisation d’un traitement particulier ou d’une
intensification systématique en première rémission complète.
C - FORMES LEUCÉMIQUES/DISSÉMINÉES :
1- Leucémie/lymphomeT de l’adulte liée
à «human T-cell lymphoma virus (HTLV)»
:
La leucémie/lymphome T de l’adulte est liée au rétrovirus HTLV-1.
L’infection à HTLV-1 est endémique au Japon, dans le bassin des
Caraïbes, certaines régions d’Afrique centrale et de l’Ouest et
apparaît de façon sporadique dans le Sud-Est des États-Unis,
l’Amérique du Sud et Centrale.
La transmission s’effectue par
passage du virus dans le lait maternel ou par voie transplacentaire.
Les voies sexuelle et sanguine représentent d’autres voies de
contamination possibles.
Les cas de séropositivité en France
concernent essentiellement les populations des Antilles, et la
séroprévalence pour les virus HTLV-1 et 2 est estimée entre 0,004 et
0,011 %.
Dans les régions de forte endémicité au Japon, la
séroprévalence est estimée entre 6 et 37 % parmi les adultes de plus
de 40 ans, mais seuls 2 à 4 % des porteurs du virus développeront
un lymphome au cours de leur existence, après une période de
latence estimée à 30 ans en moyenne.
On distingue quatre formes cliniques de la maladie : aiguë, lymphomateuse, chronique et « smoldering » (terme anglo-saxon
faisant référence au caractère lentement évolutif de la maladie).
Le
pronostic varie selon le type de présentation clinique, les formes
aiguë et lymphomateuse présentant le pronostic le plus défavorable
avec une médiane de survie inférieure à 1 an.
Les formes chroniques
et smoldering ont un pronostic un peu plus favorable (médiane
survie supérieure à 2 ans).
La progression des formes chronique et smoldering vers une forme aiguë survient dans environ 25 % des cas,
souvent après une période prolongée d’évolution de l’ordre de 2 à
3 ans.
La forme aiguë se présente comme une leucémie aiguë avec une
hyperleucocytose souvent majeure, constituée de cellules d’aspect
cytologique caractéristique.
Celle-ci est souvent associée à une polyadénopathie et à une éruption cutanée généralisée.
L’existence
d’une hypercalcémie parfois marquée, associée ou non à des lésions
osseuses lytiques, est fréquente.
Dans la forme lymphomateuse, c’est
l’atteinte ganglionnaire (étendue) qui prédomine et il n’existe pas
d’hyperleucocytose significative. L’hypercalcémie est également plus
rare.
Les formes chronique et smoldering présentent des cellules
circulantes caractéristiques en faible nombre, avec ou sans
hyperleucocytose.
Il peut exister une atteinte cutanée, pulmonaire,
ou hépatosplénique, mais on ne note pas d’hypercalcémie.
Morphologiquement, les cellules néoplasiques sont caractérisées par
un important pléiomorphisme et un noyau polylobé (« cellules en
fleur ») caractéristique.
Elles présentent un phénotype de
lymphocytes T matures.
La chaîne alpha du récepteur de
l’interleukine 2 (IL2) (CD25) est exprimée dans la grande majorité
des cas.
Les résultats des stratégies de chimiothérapie classiques sont
décevants, des régimes de chimiothérapie intensifiés combinant
jusqu’à neuf substances ont été développés au Japon et semblent
entraîner des taux de réponse supérieurs (taux de rémissions
complètes de l’ordre de 35 à 40 %), mais sans répercussion sur la
survie globale à long terme.
Des traitements comportant une
association de médicaments antirétroviraux (zidovudine
essentiellement) et d’interféron alpha ont été employés avec succès
chez des patients en rechute ou réfractaires après une chimiothérapie
classique, avec des réponses objectives chez 60 % des patients
environ.
Ont également été décrites des réponses après traitement
par un anticorps monoclonal dirigé contre l’antigène CD25 couplé à
la ricine.
2- Leucémie à grands lymphocytes T granuleux
:
Les grands lymphocytes à grains (large granular lymphocytes ou LGL)
constituent 10 à 15 % des cellules mononucléées du sang
périphérique chez l’adulte sain.
Ils se séparent en cellules T
cytotoxiques activées (ils expriment alors l’antigène associé au
récepteur T à l’antigène CD3) et en cellules de lignée natural killer
(n’exprimant pas le marqueur CD3).
Cette dichotomie est retrouvée
au sein des lymphoproliférations dérivées des LGL, avec plus de
85 % des cas représentant des lymphoproliférations T.
Les anomalies hématologiques associent une hyperlymphocytose
comprise entre 2 et 20 000 109 éléments l–1, à une neutropénie
chronique.
L’association à une anémie par érythroblastopénie est
classique.
L’immunophénotypage sanguin permet de reconnaître le
phénotype T ou NK des LGL.
La présentation clinique la plus fréquente consiste en une
splénomégalie isolée, associée parfois à des manifestations
infectieuses récurrentes liées à la neutropénie chronique.
Il existe
des formes avec une évolution indolente prolongée ne nécessitant
pas de traitement spécifique.
La morbidité est essentiellement liée
aux cytopénies chroniques (neutropénie essentiellement).
L’évolution vers une forme agressive de leucémie ou vers un LTP,
sans autre précision a été décrite.
Il n’existe pas de traitement codifié de cette affection ; la
splénectomie est souvent préconisée car elle permet de corriger la
neutropénie et l’anémie.
Des petites séries ont été publiées faisant
état de résultats positifs avec le méthotrexate oral à faibles doses, la
ciclosporine A, l’interféron alpha ou l’association de
cyclophosphamide et de corticostéroïdes.
3- Leucémie prolymphocytaire T
:
La leucémie prolymphocytaire T (LPLT) réunit une variété d’entités
morphologiques et les cellules n’ont pas toujours un aspect de
prolymphocytes.
Le tableau clinique est marqué le plus souvent par un syndrome
tumoral caractérisé par une splénomégalie volumineuse, une
hépatomégalie et des polyadénopathies.
Il existe une atteinte cutanée
spécifique chez 20 % des patients environ.
Le tableau hématologique
associe une hyperleucocytose composée de lymphocytes atypiques,
souvent majeure (>100 109 l–1), à une anémie et une thrombopénie.
La survie médiane varie de 7,5 à 12 mois.
L’application des
traitements habituels de la leucémie lymphoïde chronique donne
lieu à des taux de réponse médiocres, sans toutefois modifier le pronostic.
L’anticorps monoclonal anti-CD52 (MABCAMPATH) a
permis l’obtention de taux de réponse supérieurs à 50 % lorsqu’il
était utilisé chez des patients en échec des thérapeutiques
antérieures, avec une amélioration significative de la survie des
patients obtenant une rémission complète.
La place de
l’intensification thérapeutique par auto- ou allogreffe reste à définir
dans cette affection, mais permet probablement dans certains cas de
prolonger la durée de la rémission.
4- Leucémie NK agressive
:
Ce sous-type rare de lymphome caractérisé par une prolifération
systémique de cellules NK matures survient de façon préférentielle
au sein des populations asiatiques.
La présentation est agressive et
le pronostic de ces patients est extrêmement défavorable, le décès
survenant le plus souvent en quelques semaines.