Le seul réservoir du virus est l’homme, la contagion
strictement interhumaine se faisant le plus souvent par
contacts directs.
L’infection par herpesvirus simplex de type 1 (HSV1)
touche plus volontiers la partie supérieure du corps, en
particulier le visage (herpès oro-labial et conjonctival),
mais des infections HSV2 sont possibles dans cette
localisation.
L’herpesvirus simplex de type 2 (HSV2) est responsable
des lésions de la partie inférieure du corps (organes
génitaux, fesses) et des infections néonatales.
Quatrevingts
pour cent des herpès génitaux sont dus à HSV2,
mais 20 % d’entre eux sont causés par HSV1.
La transmission
d’HSV1 se fait donc le plus souvent par contact
oral et celle d’HSV2 par contact génital (la transmission
de ce virus peut aussi avoir lieu par contact oro-génital).
Quel que soit le mode transmission, la probabilité de
transmission après un contact est inconnue ; on considère
cependant que cette transmission est beaucoup plus
probable si les symptômes cliniques sont présents.
• L’herpès oro-labial (HSV1) est très fréquent dans le
monde et les études de séroprévalence montrent que la
majorité des adultes (environ 70 %) est séropositive pour
l’HSV.
Cependant, la prévalence de l’infection à HSV1
décroît dans la population générale, en particulier dans
les pays développés, avec baisse des infections acquises
dans l’enfance.
• L’herpès génital : toutes les études à travers le monde
convergent pour constater la progression de l’herpès
génital, devenu la maladie sexuellement transmissible
(MST) la plus fréquente, malgré la pandémie du virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) et les mesures prophylactiques
mises en oeuvre (environ 600 000 poussées
annuelles d’herpès génital en France).
Les facteurs de
risque sont essentiellement ceux liés à la sexualité, en
particulier le nombre élevé de partenaires sexuels, une
sexualité précoce et des antécédents de maladie sexuellement
transmissible.
L’acquisition d’HSV2 se fait à un
âge de plus en plus jeune, en général inférieur à 20 ans.
Les études séro-épidémiologiques (détection d’anticorps
spécifiques HSV2) vont dans le même sens et l’on
insiste actuellement sur la grande fréquence des porteurs
asymptomatiques ; parmi les personnes séropositives
pour HSV2, 20 à 50 % seulement ont des symptômes
cliniques et 5% de la population générale a un herpès
génital symptomatique.
Il ressort donc que l’excrétion
virale asymptomatique est probablement un facteur
majeur de transmission d’HSV2, mais que c’est en présence
de lésions actives que l’efficacité de la transmission
virale est la plus élevée.
Selon des études prospectives
sur des couples hétérosexuels, 70 % des contagions
surviennent en période d’excrétion virale totalement
asymptomatique.
C’est dans les suites d’une primoinfection
que l’excrétion virale d’HSV2 est la plus
importante, en particulier au cours de la 1re année (maximale
dans les 3 mois qui suivent l’infection
primaire : période à haut risque d’herpès néonatal).
Le risque de transmission d’HSV2 entre partenaires est
plus élevé dans le sens femme-homme et une infection
antérieure par HSV1 (par ex. contractée dans l’enfance)
a un effet protecteur relatif vis-à-vis de l’infection
HSV2 (antigénicité croisée entre les 2 types d’HSV).
Enfin, on observe une augmentation de la proportion des
herpès génitaux dus à HSV1, probablement en relation
avec la fréquence accrue des rapports oro-génitaux.
Rappelons enfin que l’herpès génital est un facteur de
risque de transmission et d’acquisition de l’infection par
le VIH.
La co-infection fréquente VIH-HSV2 résulte
pour une part du même mode de transmission sexuelle
des 2 virus, mais aussi en raison de facteurs inflammatoires
et tissulaires qui augmentent la contagiosité,
comme les autres maladies sexuellement transmissibles,
ulcéreuses ou non (sécrétions génitales).
De plus,
l’infection par le VIH augmente l’excrétion HSV2
asymptomatique, majorant ainsi le risque de transmission
sexuelle de l’herpès génital.
• L’herpès néonatal est heureusement une maladie rare :
son incidence en France est estimée à 1/10 000 nouveau-nés.
HSV2 est largement prépondérant (3 fois sur 4) et dans
70 % des cas, la contamination a eu lieu lors du passage
dans la filière génitale d’une patiente excrétrice du virus
au moment de l’accouchement.
Le risque d’herpès
néonatal doit être modulé selon les circonstances de
l’infection maternelle et en fonction de la quantité de
virus excrété (il est de 50 % en cas de primo-infection
symptomatique, 25 % si la primo-infection est asymptomatique,
4% chez une femme à récurrences fréquentes
et 0,4 % si l’excrétion virale est asymptomatique).
Ainsi, la circonstance la plus dangereuse est une primoinfection
en fin de grossesse, situation la plus rarement
observée.
À l’inverse, 2 tiers des herpès néonatals sont
dus aux formes asymptomatiques ou méconnues d’herpès
génital de la mère.
Les populations à risque dépistables
sont donc les femmes séropositives pour HSV2 (risque
potentiel d’excrétion virale à l’accouchement) et les
femmes séronégatives pour HSV2 dont le partenaire a
des récurrences d’herpès génital.
La prévention de l’herpès
néonatal repose donc sur ces données épidémiologiques.
La contamination foetale par voie transplacentaire est
une éventualité rare, mais possible.
Une contamination
est également possible en période néonatale à partir
d’un herpès génital ou extragénital chez la mère ou dans
l’entourage de l’enfant.
Physiopathologie :
A - Herpesvirus simplex
:
Les herpesvirus simplex sont des virus à ADN faisant
partie du groupe des Herpesviridæ (150 à 200 nm) qui
ont une architecture caractéristique et sont constitués
d’un « core » contenant l’ADN viral, entouré d’une
capside protéique icosaédrique (20 faces) faite de
162 capsomères, formés chacun de plusieurs polypeptides
conférant l’antigénicité de groupe et d’espèce.
La capside est elle-même entourée du tégument formé
de protéines virales et d’une enveloppe lipidique
bicouche.
Des glycoprotéines présentes à la surface de
l’enveloppe servent à l’attachement du virus à des
récepteurs membranaires et à sa pénétration dans la
cellule.
Ces glycoprotéines d’enveloppe (11 sont
identifiées) sont importantes car elles constituent la cible majeure de la réponse immunitaire, humorale et
cellulaire.
Au cours de la primo-infection, l’enveloppe
fusionne avec la membrane cellulaire des kératinocytes
muqueux ou épidermiques, la capside est transportée
jusqu’aux pores nucléaires où le génome viral est libéré
et transféré dans le noyau cellulaire.
C’est là que débute
la réplication du virus qui exprime 70 protéines au
cours d’une infection productive.
Ces protéines sont les
produits d’expressions successives de 3 groupes de
gènes viraux :
– les gènes a (gènes très précoces) codent des protéines
nécessaires à la transactivation et à la régulation des
autres gènes viraux ;
– les gènes b (gènes précoces) codent des protéines
régulatrices et des enzymes nécessaires à la réplication
de l’ADN viral (thymidine-kinase) ;
– les gènes g (gènes tardifs) codent des protéines de
structure.
La nucléocapside est assemblée dans le noyau au
contact de la membrane nucléaire.
Après leur sortie du
noyau, les virions sont transportés à travers le cytoplasme
dans des vésicules de Golgi jusqu’à leur fusion avec la
membrane cellulaire et l’extrusion des virions hors de la
cellule.
La synthèse de l’ADN viral exige des enzymes, en
particulier une thymidine-kinase, une ADN-polymérase
d’origine virale, qui sont la cible de la chimiothérapie
antivirale, en particulier de l’acylguanosine (aciclovir) .
Les 2 types antigéniques d’HSV connus, HSV1 responsable
de l’herpès céphalique et HSV2 majoritaire dans
l’herpès génital, ont une morphologie identique.
B - Primo-infection, latence,
récurrences
:
La primo-infection se manifeste environ 7 jours après le
contact.
Le virus pénètre la muqueuse à la faveur d’une micro-abrasion (muqueuse génitale, muqueuse buccale),
à la suite d’un contact direct avec des sécrétions infectées,
ou avec une surface muqueuse. L’infection indirecte
par des objets inanimés ou par voie aéroportée est
rare.
À la suite de l’inoculation se produit alors, au
niveau de la porte d’entrée, une réplication virale dans le
derme et dans l’épiderme, conduisant à une nécrose
locale, une dégénérescence ballonisante avec lyse des
kératinocytes et une production de cellules géantes multinucléées
syncytiales.
En même temps se développe
une réaction inflammatoire, d’abord à polymorphonucléaires,
puis lymphocytaire.
Très tôt pendant l’infection
primaire, les particules virales infectent les terminaisons
nerveuses sensitives et gagnent par voie rétro-axonale le
corps neuronal dans le ganglion sensitif ou le ganglion
du système nerveux autonome correspondant, dans
lequel va s’établir une infection latente qui commence
10 jours environ après le début de l’infection du site épithélial
qui a guéri : le ganglion trigéminé pour l’herpès
oro-labial et le ganglion sacré pour l’herpès génital sont
les gîtes les plus fréquents de cette infection latente.
La réactivation d’une infection ganglionnaire latente
est à l’origine de récurrences herpétiques cutanéomuqueuses.
La réactivation du virus est suivie de sa
migration le long de l’axone et de sa réplication au
niveau de la peau ou de la muqueuse, produisant des
lésions vésiculo-pustuleuses : c’est l’herpès récurrent
siégeant toujours au même endroit ou dans une région
proche.
Cette récurrence se produit à l’occasion d’une
maladie fortuite, d’un stress, d’une émotion, d’une
modification physiologique, de coïts répétés, du soleil,
et cela en l’absence d’un nouveau contage.
C - Infection herpétique et défenses
immunitaires :
1- Immunité humorale :
La primo-infection herpétique, premier contact d’un
organisme infecté par l’herpesvirus simplex, est suivie
de l’apparition relativement tardive (1 à 2 mois) d’anticorps
spécifiques.
Ceux-ci peuvent limiter l’infection,
mais n’empêchent pas la diffusion du virus et ne protègent
nullement l’individu contre les récurrences et les réinfestations. Les anticorps anti-HSV1 apparaissent
dans l’enfance, alors que les anticorps anti-HSV2
apparaissent dès le début de l’activité sexuelle (à partir
de 15 ans).
Une infection antérieure à HSV1 protège
dans une certaine mesure contre une infection génitale
à HSV2.
Les méthodes anciennes détectent les anticorps anti- HSV dirigés contre des antigènes communs aux 2 types
et ne permettent pas de les différencier, d’où leur intérêt
très limité dans le diagnostic de l’infection herpétique :
seule une séroconversion a de la valeur au cours d’une
primo-infection par l’herpesvirus.
Des tests sérologiques récemment développés utilisent
comme antigènes des glycoprotéines d’enveloppe
d’HSV1 (gG1) et d’HSV2 (gG2) et sont donc capables
de différencier les 2 types d’infection virale.
En
pratique, une séropositivité pour HSV2 est synonyme
d’une infection génitale récente ou ancienne et donc
indique la possibilité de réactivation du virus.
Ces
méthodes sérologiques ne sont pas encore disponibles
en pratique de routine : leur intérêt et les indications
sont à évaluer.
2- Immunité cellulaire :
La réponse immunitaire cellulaire semble plus
importante que la réponse humorale dans le contrôle
de la sévérité de l’infection par l’herpesvirus.
Chez les
patients immunodéprimés, les infections par ce virus
sont plus sévères, chroniques ou disséminées.
Ce n’est
pas le cas des patients ayant un déficit humoral isolé.
De plus, les infections ano-génitales sévères, ulcérées
et chroniques dues à l’herpesvirus constituent une complication fréquente de
l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine.
Diagnostic et évolution
:
Le diagnostic positif de l’infection herpétique
repose sur les manifestations cliniques et l’anamnèse ; il sera
confirmé, si besoin, par un diagnostic biologique reposant avant
tout sur la culture virale qui apporte la certitude étiologique.
A -
Manifestations cliniques de l’infection herpétique :
1- Primo-infection herpétique
:
Dans 90 % des cas, elle est asymptomatique.
Elle est
patente dans 10 % des cas, le plus souvent bénigne, mais
cliniquement plus sévère dans ses manifestations cutanéomuqueuses
et générales que l’herpès récurrent.
Elle peut
s’accompagner d’atteintes viscérales, oculaires, nerveuses.
La primo-infection herpétique est responsable de presque
toutes les formes graves de la maladie herpétique.
• Gingivo-stomatite aiguë : elle est le plus souvent due
à HSV1, l’âge de survenue de la primo-infection
oro-labiale est de 6 mois à 5 ans.
Elle réalise, après une
incubation de 6 j en moyenne (2 à 20 j), un tableau
bruyant et fébrile accompagné d’une gingivo-stomatite
aiguë touchant surtout la partie antérieure de la bouche :
la muqueuse rouge, hémorragique, est parsemée de
multiples érosions arrondies ressemblant à des aphtes,
atteignant les lèvres qui sont érosives et croûteuses.
Une
pharyngite est parfois notée et l’examen clinique retrouve
des adénopathies sous-angulo-maxillaires et sousmentonnières,
sensibles et bilatérales.
La dysphagie
peut être majeure, la fièvre, les vomissements et le refus
d’alimentation peuvent conduire à une déshydratation
de l’enfant.
• La durée d’évolution, qui est le plus souvent favorable,
se fait vers la guérison en 10 à 15 j.
Cette évolution est
considérablement raccourcie par l’aciclovir.
• Autres localisations céphaliques : la kératoconjonctivite
aiguë ponctuée superficielle, le plus souvent unilatérale
et douloureuse, se traduit par une conjonctivite, un
larmoiement, une photophobie, un oedème des paupières.
Il existe des adénopathies prétragiennes.
La survenue
possible d’une kératite avec ulcération cornéenne superficielle
impose une surveillance ophtalmologique.
La
stomatite aiguë de l’adulte jeune ou de l’adolescent est
parfois compliquée de laryngite herpétique, d’oesophagite.
La rhinite herpétique associe rhinorrhée, vésico-pustules
périnarinaires et douleurs causalgiques très évocatrices.
On peut également observer une angine herpétique.
• Primo-infection génitale : dans la majorité des cas,
c’est une infection par l’HSV2 (80 % des cas) qui suit
le 1er contact génital après une période d’incubation de
2 à 10 j.
Elle s’observe essentiellement chez l’adolescent
et l’adulte jeune, mais peut aussi se voir chez la petite
fille.
Souvent cliniquement latente, elle peut aussi donner
lieu à des manifestations bruyantes.
L’éruption plus ou
moins typique est souvent précédée de douleurs ou d’un
simple prurit, de paresthésies, de sensations de brûlures,
d’une dysurie, d’un écoulement vaginal ou urétral.
Chez la femme, la forme la plus typique est une vulvovaginite
vésiculo-ulcéreuse avec oedème et suintements
entraînant une gêne considérable.
Les vésicules, vite
érodées, laissent des ulcérations de quelques millimètres
de diamètre, entourées d’un halo inflammatoire, dont le
fond est recouvert d’un enduit blanchâtre : souvent bilatérales,
elles sont parfois extensives à toute la vulve sur
le versant cutané, à la racine des cuisses, au périnée.
Elles s’accompagnent d’un oedème vulvaire, d’écoulement
vaginal, d’une dysurie et d’adénopathies inguinales douloureuses bilatérales.
Il y a des signes généraux dans
plus de 50 % des cas (fièvre et altération de l’état général)
et parfois des signes méningés (méningite lymphocytaire
aiguë spontanément curable).
Chez presque toutes les
patientes, plusieurs sites sont concernés, atteinte vaginale
presque constante : cervicite souvent asymptomatique,
parfois érosive, endométrite, atteinte urétrale.
À côté des
formes aiguës, il y a des formes plus discrètes à type de
cervicite isolée.
Il faut souligner la longue persistance
du virus au niveau du col à la suite d’une primo-infection
génitale (voir chapitre « Épidémiologie »).
Chez l’homme, les symptômes locaux et généraux sont
moins bruyants et consistent en une balanite érosive
douloureuse avec adénopathies.
Les lésions typiques
réalisent un bouquet de vésico-pustules sur fond érythémateux,
formant rapidement des érosions confluentes et
polycycliques, entourées d’un halo érythémateux. Elles
siègent sur le gland, le prépuce ou le fourreau de la verge.
Dans les 2 sexes, une localisation rectale de la primoinfection
peut donner une rectite avec une atteinte anale
associée ou isolée.
Des symptômes ano-rectaux comme
des douleurs, ténesmes, écoulements anaux, peuvent
s’accompagner de paresthésies sacrées, de rétention
urinaire, d’impuissance.
Les lésions génitales de primo-infection guérissent en
8 à 15 j en passant par une phase de déssèchement en
zone cutanée.
L’évolution est, là aussi, considérablement
raccourcie et la sévérité de la symptomatologie
atténuée par l’aciclovir.
• Primo-infection d’inoculation ou primo-infection
cutanée : dans cette forme, la pénétration du virus se fait
par voie percutanée, favorisée par l’existence d’une
excoriation ou petite plaie.
Elle peut se présenter comme
un bouquet de vésicules typiques, d’évolution rapidement
favorable, tout à fait comparable à un herpès récurrent, ou bien évoluer dans un contexte fébrile et hyperalgique
évoquant davantage la primo-infection.
L’herpès du
doigt (ou panaris herpétique), après piqûre septique
(infirmiers, professions de santé, couturiers) doit être
connu car il peut prêter à confusion avec un panaris à
pyogènes (un piège à éviter car le geste chirurgical est à
proscrire)
On peut également citer l’herpès « gladiatorum »
des pratiquants de sports de combat, l’herpès de la joue
(inoculé par le baiser), l’herpès d’auto-inoculation du
doigt de l’enfant (succion) ou l’herpès génital (contamination
extragénitale).
• L’eczéma herpeticum ou syndrome de Kaposi-
Juliusberg, est une infection cutanée diffuse à herpesvirus
simplex survenue chez un enfant présentant une
dermatite atopique en poussée, infection primaire dans
80 % des cas.
Mais d’autres dermatoses peuvent être en
cause et l’adulte n’est pas épargné. Dans 20 % des cas,
il complique une récurrence.
Le tableau clinique, d’emblée inquiétant, débute par une
éruption de lésions vésiculeuses, ombiliquées, groupées,
puis d’extension progressive à une partie du corps, éventuellement
généralisée, dans un contexte fébrile à 39-40
°C avec altération de l’état général, adénopathies et
oedème de la face.
Ces lésions deviennent pustuleuses et
croûteuses.
L’atteinte oculaire est possible.
Des complications graves neurologiques (méningo-encéphalite) ou
viscérales, cutanées ou septicémiques, sont possibles.
La gravité potentielle de l’eczéma herpéticum impose
un traitement systémique par aciclovir, associé à une
antibiothérapie antistaphylococcique.
2- Herpès récurrent :
Il se manifeste au niveau de la peau ou des muqueuses
chez des sujets ayant eu une primo-infection herpétique
apparente ou non, porteurs d’anticorps anti-herpétiques.
Le siège des récurrences correspond généralement au
site de primo-infection.
Leur survenue n’est pas obligatoire
; on estime leur prévalence dans la population entre
20 et 40 %, mais leur fréquence est très variable.
Les
circonstances étiologiques sont les mêmes,
qu’il s’agisse de l’herpès oro-labial ou de l’herpès génital,
auquel il faut rajouter les rapports sexuels.
• Herpès facial récidivant (herpès oro-labial) : le début
est marqué par des signes fonctionnels, prurit, une sensation
de cuisson et l’apparition d’une tache rouge, plus ou
moins oedémateuse sur laquelle apparaissent des vésicules
groupées en bouquet (3 à plusieurs dizaines), à contenu
initialement clair, puis trouble, pouvant confluer pour
former une phlyctène dont le contour polycyclique est
caractéristique.
L’éruption siège avec prédilection sur le bord externe d’une lèvre ou dans la bouche, la région narinaire, le menton, une joue.
L’érosion et le dessèchement
des vésicules aboutissent à la formation de croûtes noirâtres
disparaissant en 8 à 10 j en laissant une macule érythémateuse
persistante ou une cicatrice rarement indélébile.
Il peut y avoir plusieurs poussées successives avant que
ne survienne la guérison.
Il y a rarement des signes généraux,
parfois des névralgies du territoire du trijumeau.
On décrit des formes abortives, des formes profuses, un
herpès géant, un herpès névralgique, des formes subintrantes,
des formes s’accompagnant d’un érythème
polymorphe (voir plus loin).
• Herpès génital récurrent : le rythme des récurrences
est très variable d’un sujet à l’autre, parfois régulier
chez un même patient ; leur fréquence est plus élevée en
cas d’herpès génital à HSV2 qu’à HSV1.
Dans 85 % des
cas, la récurrence est annoncée 24 h à l’avance par des
prodromes (hypoesthésie ou dysesthésie locale avec
sensation de cuisson localisée au site éruptif), accompagnée
parfois de signes généraux modérés (céphalées, malaise
général, douleurs névralgiques [cuisse, aine, périnée]).
Bref, le tableau est beaucoup moins bruyant que celui de
la primo-infection.
L’éruption reste classique : bouquet de vésico-pustules
sur base érythémateuse ou petites érosions ou ulcérations
douloureuses à contour polycyclique.
On retrouve toujours
une adénopathie sensible.
Le siège est fixe pour un
même malade : région génitale externe ou peau paragénitale
(fesses, cuisses).
Les formes atypiques rendent le diagnostic difficile, si
elles sont minimes ou abortives, ou si elles siègent dans
un repli vulvaire, dans le vagin ou sur le col.
Chez
l’homme, les lésions touchent le gland, le fourreau, le
prépuce ou le sillon balano-préputial.
Dans les 2 sexes,
une localisation urétrale peut se traduire par une dysurie,
une rougeur du méat, une urétrite antérieure.
La localisation
anale peut dominer le tableau clinique et se
traduire par une anorectite inflammatoire.
Rappelons la très grande fréquence des excrétions virales
asymptomatiques (plus courtes qu’après une primo-infection),
qui sont la cause majeure des cas d’herpès néonatal.
L’herpès récurrent symptomatique peut être très invalidant :
formes ulcéreuses, profuses, récidivantes ou subintrantes
et causer un problème psychologique majeur, quand il
devient notamment une véritable maladie du couple, récidivant
régulièrement après les rapports sexuels.
• Herpès oculaire récurrent : c’est une localisation
sévère de l’herpès récurrent.
Les risques sont une atteinte
cornéenne, des ulcérations dendritiques très évocatrices,
une kératite disciforme, une endothélite herpétique. Les
atteintes les plus redoutables concernent le segment antérieur
de l’oeil.
Le traitement relève de l’ophtalmologiste.
3- Complications de l’herpès
:
• Surinfection des lésions cutanées à pyogènes : la
surinfection par staphylocoques ou streptocoques est
plus fréquente chez l’enfant.
• Méningo-encéphalite du grand enfant et de l’adulte :
c’est la plus fréquente des encéphalites virales, faisant suite plus souvent à une réactivation qu’à une primoinfection.
HSV1 en est la cause habituelle.
Il s’agit d’une
encéphalite focale et nécrotique, dont le tableau débute
par de la fièvre, des céphalées, puis des signes neurologiques
en foyer traduisant une souffrance temporale
ou temporo-frontale : convulsions focalisées, troubles
psychiques, hallucinations auditives ou olfactives.
L’évolution se fait vers un coma profond fébrile. Le diagnostic
repose sur l’imagerie par résonance magnétique
(IRM), donnant des images plus précoces que le scanner
et sur la polymerase chain reaction (PCR) dans le liquide
céphalo-rachidien.
Le pronostic a été spectaculairement
amélioré par l’aciclovir et justifie un traitement précoce
mis en oeuvre avant les résultats des examens.
• Érythème polymorphe : l’herpès récurrent est la
première cause d’érythème polymorphe postinfectieux.
Cette éruption – qui touche plus volontiers l’adulte
jeune avec une prédominance masculine légère – débute
7 à 21 jours après l’herpès et guérit en 1 à 4 semaines.
L’éruption est constituée de maculo-papules rouge
foncé de 2 à 3 cm de diamètre, avec un aspect caractéristique
en cocarde (mains, poignets, coudes, chevilles
et genoux) et d’érosions muqueuses (lèvres, bouche)
très douloureuses.
L’évolution se fait par poussées
successives souvent fébriles (rarement subintrantes),
parfois à chaque récurrence herpétique (88 % des cas).
L’aciclovir est efficace dans la prévention des récidives.
• Herpès néonatal : rappelons que les facteurs de
risque de transmission sont liés à l’excrétion virale, le
plus souvent asymptomatique.
Les autres facteurs favorisants
sont la rupture prématurée des membranes (> 4 h)
et les électrodes de monitorage foetal sur le scalp.
La primo-infection herpétique néonatale est due le plus
souvent à HSV2, beaucoup plus rarement à HSV1 (en
cas de contamination néonatale par l’entourage).
Le
tableau le plus sévère est la forme disséminée polyviscérale
et septicémique avec altération rapide de l’état général,
hépatosplénomégalie, syndrome hémorragique avec
coagulation intravasculaire disséminée, atteinte pulmonaire
et méningo-encéphalite.
Un traitement antiviral
précoce peut en atténuer l’effroyable pronostic.
La méningo-encéphalite survient quelques jours après la
naissance, parfois précédée de l’atteinte cutanée qui
oriente alors le diagnostic.
Les séquelles neuropsychiques
(65%) ne sont pas constamment évitées par la mise en
oeuvre très précoce de l’aciclovir intraveineux.
L’herpès néonatal localisé (peau, yeux, bouche) [45%
des cas] est de meilleur pronostic mais des séquelles
sont encore possibles (5 %) sous traitement précoce.
La prévention de l’herpès néonatal repose sur l’évaluation
du risque, la décision de la césarienne et l’administration
d’aciclovir.
• Herpès de l’immunodéprimé : l’herpès cutanéomuqueux
est particulièrement fréquent chez les patients
immunodéprimés ; il s’agit habituellement d’une réactivation
d’un herpès latent qui revêt un tableau atypique, sévère
ou chronique, en raison de l’atteinte de l’immunité cellulaire.
C’est le cas des malades atteints de cancer, d’hémopathies
malignes, des greffés d’organes et de moelle, des patients
sous immunosuppresseurs et des personnes
infectées par le virus de l’immunodéficience humaine.
Dans ce dernier cas, une infection herpétique chronique
(plus de 1 mois) ou viscérale (bronchique, pulmonaire,
oesophagienne) fait entrer le patient au stade C de la
classification CDC (centers for disease control) [sida].
La région anogénitale est élective mais toutes les zones
du corps sont exposées à l’infection chronique : ulcérations
des membres, buccales, linguales, oculaires, anales ou
viscérales (oesophagite herpétique, bronchopulmonaire).
Il faut avoir la biopsie facile devant toute atteinte cutanée
chronique chez de tels patients afin de réaliser culture
virale et (ou) PCR.
L’évolution est possible vers une dissémination aiguë cutanéo-muqueuse, voire viscérale.
L’oesophagite est la
plus fréquente des atteintes viscérales observées chez le
patient infecté par le virus de l’immunodéficience
humaine lorsque le taux de CD4 est inférieur à 50/mL.
Révélée par des douleurs, hémorragie digestive ou
vomissements, elle est découverte à la fibroscopie oesophagienne
qui montre des ulcérations pseudo-membraneuses
ou des lésions vésiculo-bulleuses plus rarement.
Une pneumopathie bilatérale peut aussi s’observer dans le
cadre d’une atteinte multiviscérale (rein, foie, surrénales).
B - Diagnostic biologique de l’infection
herpétique :
1- Cytodiagnostic et biopsie cutanée
:
Le cytodiagnostic est réalisé sur frottis obtenu par raclage
des lésions cutanéo-muqueuses et coloration de May-
Grünwald-Giemsa.
On observe au microscope des cellules
en dégénérescence ballonisante.
C’est un examen simple,
rapide, mais peu fiable et non pathognomonique puisqu’il
donne le même aspect au cours de la varicelle et du
zona.
La biopsie cutanée d’une lésion atypique est parfois
réalisée, avec les mêmes réserves qu’impose le frottis.
2- Immunofluorescence directe
:
Les prélèvements (produits de raclage des lésions cutanées
et cornéennes, cellules centrifugées du liquide céphalorachidien,
biopsies cutanées) sont recouverts par des
immunoglobulines antiherpétiques marquées à la fluorescéine.
On dispose d’anticorps monoclonaux permettant
le sérotypage HSV1 et HSV2.
On peut utiliser
également le marquage par immunoperoxydase et la
technique ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay)
pour détecter l’antigène viral sur prélèvements.
Ces
techniques sont rapides d’exécution et d’une excellente
fiabilité.
3- Isolement en culture et identification des virus
:
C’est la méthode de référence qui apporte la certitude
du diagnostic. Le produit du prélèvement (liquide de
vésicule, écouvillonnage, salive, sang, liquide céphalorachidien,
tissu cutané, viscéral) doit être transporté au
laboratoire à + 4 °C ou dans un milieu de transport dans
un délai n’excédant pas 4 h.
Après mise en culture,
l’identification est réalisée grâce aux anticorps monoclonaux
et le résultat est obtenu en 24 à 48 h.
4- PCR (polymerase chain reaction)
:
C’est l’amplification des séquences d’ADN viral permettant
la détection de virus en très faible quantité dans
un tissu suspect.
La PCR du liquide céphalo-rachidien
est la méthode de choix du diagnostic de la méningoencéphalite
herpétique.
Elle est aussi très utile pour
détecter l’excrétion virale asymptomatique.
C - Diagnostic différentiel
:
Devant un herpès buccal, on élimine une aphtose buccale,
une érosion post-bulleuse (pemphigus vulgaire, pemphigoïde
bulleuse, érythème polymorphe), une érosion posttraumatique,
une stomatite infectieuse, bactérienne, érosive.
En présence d’une lésion herpétique cutanée, le bouquet
de vésicules groupées sur macules érythémateuses est
d’un diagnostic aisé ; le zona a une disposition métamérique.
Un impétigo croûteux est facilement reconnu.
Devant un herpès génital, on élimine les autres causes
d’ulcérations génitales : chancre mou, syphilis primaire,
chancre scabieux, candidose, traumatisme, aphte, pyodermite,
lichen érosif.
Enfin, chez l’immunodéprimé, une ulcération anale doit
faire discuter un cancer du canal anal. Une ulcération
herpétique des membres peut simuler un ulcère du
décubitus.
Des ulcérations buccales, génitales à herpesvirus
simplex peuvent évoquer une ulcération à cytomégalovirus,
une aphtose idiopathique, une ulcération
iatrogénique (foscarnet).
Des ulcérations diffuses des
lèvres et de la muqueuse buccale font discuter une mucite
toxique ou radique chez un patient traité par chimiothérapie.
Une dissémination éruptive ne se confond pas
avec une infection par le virus zona-varicelle.
Traitement :
Le traitement de la primo-infection herpétique repose
sur la prescription d’aciclovir (Zovirax, cp 200 mg :
1 x 5 comprimés par jour pendant 10 j).
Dans les formes
sévères, on préconise la perfusion intraveineuse (250 mg
par flacon), à la dose de 5 mg/kg toutes les 8 h pendant
8 j.
Une précaution d’utilisation est rappelée chez l’insuffisant rénal.
Chez le nouveau-né, la dose préconisée
est de 10 mg/kg/8 h.
Le valaciclovir (Zelitrex, cp 500 mg,
2 cp/j x 10 j) a l’avantage d’une posologie réduite pour
une même efficacité.
Les signes cliniques régressent
rapidement dès l’instauration du traitement et l’évolution
est considérablement raccourcie ; le traitement prévient
les complications.
L’herpès récurrent, en cas d’épisodes peu fréquents, doit
être traité par des topiques antiviraux : idoxuridine
(Iduviran collyre, gel V Pos), ibacitabine (Cuterpès),
aciclovir gel (Zovirax) à raison de 4 à 6 applications
quotidiennes.
En cas de récurrence sévère, un traitement
par Zelitrex cp 500 2/j x 5 j est conseillé.
Un traitement
prophylactique des récurrences est indiqué si les épisodes
sont prolongés, fréquents (6 à 8 récurrences par an) ou si
la maladie a un profond retentissement psychosexuel.
Les doses conseillées sont de 1 cp/j de Zelitrex pendant
6 à 12 mois, ou de Zovirax 200 4 cp/j pendant 1 an ou plus.
Le traitement de l’herpès cutanéo-muqueux de l’immunodéprimé
nécessite la voie veineuse dans les formes
sévères (Zovirax, 10 mg/kg/8 h) ou la voie orale
(Zovirax, cp 400 mg 5 fois/j).
Chez les greffés d’organes, un traitement préventif systématique
est souvent prescrit (aciclovir 200 mg/6 h),
quelques semaines avant et après la greffe.
Des cas de
résistance à l’aciclovir sont souvent observés, en particulier
chez les patients infectés par le virus de l’immunodéficience
humaine, traités au long cours pour des
herpès chroniques ; il existe alors une alternative thérapeutique,
le foscarnet (Foscarvir) efficace à la dose de
40 mg/kg/8 h.
En cas de récidives ultérieures, on peut
observer un retour à la sensibilité à l’aciclovir.
La prévention de l’herpès néonatal dépend de la
situation maternelle exposant le foetus au risque et la conduite à
tenir est actuellement bien codifiée .