Hépatites auto-immunes : aspects physiopathologiques, cliniques, histologiques et thérapeutiques Cours d'Hépatologie
Définition
:
L’hépatite auto-immune (HAI) est une maladie inflammatoire du
foie caractérisée par la présence d’autoanticorps sériques, une
hypergammaglobulinémie polyclonale et une infiltration périportale
lymphoplasmocytaire qui n’est pas due à d’autres causes
(médicaments, virus, toxiques).
Récemment, le groupe international des HAI a proposé une grille
de score diagnostique qui permet de considérer le diagnostic comme
certain ou probable.
Épidémiologie
:
Les HAI sont des maladies rares dont l’incidence annuelle est
d’environ 0,7/100 000 habitants.
La prévalence, comme celle
d’autres maladies auto-immunes, varie selon un gradient Nord-Sud.
Il existe un pic de fréquence en Europe du Nord que l’on peut
expliquer par l’association avec l’haplotype human leukocyte antigen
(HLA) A1 B8 DR3 dont la fréquence suit le même gradient.
La maladie peut débuter à tout âge, mais les deux pics d’apparition
sont de 10 à 30 ans (surtout autour de 10 ans) et de 40 à 50 ans.
Les hommes et les femmes sont atteints, bien que la prédominance
féminine soit très nette avec un sex-ratio de 4/1.
L’HAI représente environ 6 % des hépatites chroniques en France.
Classification
:
A - PRINCIPAUX TYPES D’HÉPATITES AUTO-IMMUNES
:
L’identification en immunofluorescence indirecte (IFI) des différents
autoanticorps présents dans le sérum des patients permet la
définition des deux principaux types d’HAI actuellement reconnus
par l’ensemble des hépatologues et des immunologistes.
L’HAI de type 1 (HAI-1), la forme la plus fréquente, s’associe à la
présence, dans plus de 95 % des cas, d’autoanticorps antimuscle lisse
de spécificité antiactine, caractérisés en IFI par une fluorescence des
microfilaments du cytosquelette.
Les anticorps
antinucléaires, de tous types, peuvent s’y associer ou être isolés.
L’HAI de type 2 (HAI-2), qui touche le plus fréquemment les jeunes
patients d’un âge inférieur à 20 ans, est définie par la présence
d’autoanticorps antimicrosomes de foie et de rein (anti-LKM-1).
Ils
sont caractérisés, en IFI, par une fluorescence homogène du cytoplasme des
hépatocytes et une fluorescence plus faible des cellules de la
troisième portion (région P3) des tubes contournés proximaux rénaux
de rat.
Ces anticorps sont dirigés contre
l’isoenzyme CYP2D6 de la superfamille des cytochromes P450.
Dans
30 % des cas, ils peuvent être associés à la présence d’anticorps anticytosol du foie ou anti-liver cytosol type 1 (anti-LC1).
Dans 10 % des cas, les anticorps anti-LC1 représentent le seul
marqueur immunologique des HAI-2.
En outre, ils pourraient
représenter un marqueur de bon pronostic.
L’individualisation d’un type 3 d’HAI par Manns en 1987 sur la
présence d’anticorps anti-soluble liver antigen (SLA) est aujourd’hui
abandonnée ; en effet, ces anticorps sont désormais considérés
comme un marqueur très spécifique des HAI-1.
Leur prévalence est
de 15 % dans les HAI-1 et de 20 % dans les hépatites
cryptogénétiques qu’ils permettent de reclasser en HAI-1.
Les types d’HAI diffèrent non seulement par leurs caractéristiques
épidémiologiques mais aussi évolutives.
Le diagnostic peut être difficile chez les patients qui se présentent
sans ces autoanticorps ; ce groupe représente 20 à 30 % des
patients.
Le diagnostic s’effectue alors sur des arguments
représentés par des anomalies biochimiques (hypergammaglobulinémie
avec une hyperimmunoglobuline [Ig]G), des
signes histologiques évocateurs et enfin un terrain immunogénétique
favorisant.
Dans ces cas délicats, il peut être intéressant de rechercher d’autres autoanticorps tels que les anticorps contre l’antigène soluble, les
anticorps antirécepteurs à l’asialoglycoprotéine.
La
détection d’anticorps dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires
neutrophiles (ANCA) peut être aussi utile.
Un des critères diagnostiques essentiels est la réponse au
traitement immunosuppresseur.
Une réponse rapide et soutenue
à ce type de traitement représente un argument diagnostique
important.
B - FORMES FRONTIÈRES, « OVERLAP SYNDROMES »
OU FORMES DE CHEVAUCHEMENT :
1- Association maladies cholestatiques et hépatites
auto-immunes
:
La présence de signes de cholestase biologique (phosphatases
alcalines supérieures à quatre fois la normale) ou histologique
(cholangite destructrice) doit faire rechercher l’association à une
cirrhose bilaire primitive (CBP) ou à une cholangite sclérosante
primitive (CSP).
Des études récentes ont montré que 10 à 20 % des
patients présentant une CBP étaient atteints d’une HAI définie soit
par les critères conventionnels ou bien en utilisant la grille de score
diagnostique international.
Un syndrome frontière entre CSP et
HAI a été rapporté et le terme de cholangite sclérosante autoimmune
a été proposé chez l’enfant.
Bien sûr, dans cette forme, des
signes de cholangiopathie sont présents ; une colite inflammatoire
peut également être associée. Van Buuren et al ont rapporté chez
113 patients atteints de CSP, une prévalence de ce type de syndrome
de 22 % (HAI certaine ou probable) en utilisant les critères
diagnostiques conventionnels.
En revanche pour Kaya et al, cette
prévalence n’est plus que de 7,6 %.
Ces différences obtenues
soulèvent la difficulté d’appliquer le score précédemment décrit à ce
type de syndrome.
2- Virus hépatotropes et hépatites auto-immunes
:
La fréquence des autoanticorps dans les hépatites chroniques virales
varie beaucoup ; des titres significatifs de facteurs antinucléaires
et/ou d’anticorps antimuscle lisse de spécificité non-actine sont
présents chez 20 à 40 % des patients présentant une hépatite
chronique B ou surtout C.
La présence d’anticorps anti-LKM1 est
détectée chez au maximum 5 % des patients présentant une hépatite
chronique C.
Cette hépatopathie virale représente, en raison de
sa fréquence, la première cause à l’origine d’autoanticorps en
pathologie hépatique.
Il est parfois difficile de distinguer une hépatite chronique C avec autoanticorps positifs d’une HAI avec anticorps antivirus de
l’hépatite C (VHC)+.
Le terrain (le sexe féminin), le type
d’autoanticorps (anticorps antimuscle lisse de spécificité antiactine),
le titre des autoanticorps et enfin l’hypergammaglobulinémie
représentent des arguments diagnostiques pour l’HAI.
Dans
certains cas, il est très difficile de trancher et le taux de
transaminases doit être rigoureusement surveillé sous traitement
antiviral puisque l’interféron peut faire apparaître des autoanticorps
ou déclencher une HAI préexistante.
Il faut donc insister sur la
recherche systématique des autoanticorps avant tout traitement antiviral
chez un(e) patient(e) présentant une hépatite chronique C.
Toutefois, à l’ère de la bithérapie (interféron-ribavirine), compte tenu
de certaines propriétés immunosuppressives de la ribavirine, ce
risque est peut-être moindre mais reste à démontrer.
Physiopathologie
:
Comme de nombreuses maladies auto-immunes, l’HAI est
multifactorielle, impliquant différents facteurs génétiques,
environnementaux et infectieux à l’origine de l’activation des
cellules autoréactives.
Il s’agit d’une maladie rare ; la recherche de gènes candidats est donc
difficile.
Cette recherche de gènes a donc été effectuée sur la base de
connaissances de gènes candidats responsables de maladies autoimmunes
telles que le lupus érythémateux et le diabète
insulinodépendant du sujet jeune.
A - TERRAIN GÉNÉTIQUE
:
1- « Gènes de susceptibilité »
:
Les phénotypes HLA-DR3 et DR4 du complexe majeur
d’histocompatibilité (CMH) de type II ont été identifiés il y a déjà
longtemps comme des facteurs de risque de survenue et de sévérité
de la maladie.
Grâce à l’utilisation de méthodes d’amplification telles que la polymerase chain reaction (PCR), il a été possible de mieux préciser
les typages HLA des patients atteints d’HAI.
Il a été montré que
81 % des patients avaient le phénotype DRB3*0101 ou DRB1*0401.
Il s’avère ainsi par déduction que le résidu lysine en position 71 de
l’hélice a de la molécule Drb, qui est chargé négativement, rend
compte de cette susceptibilité ; ainsi, grâce à cet acide aminé chargé
négativement, l’interaction molécule HLA-peptide autoantigénique
chargé positivement-récepteur T est favorisée.
L’allèle C4Q0
correspondant à la délétion du gène C4 a été mis en évidence chez
environ 50 % des patients présentant soit une HAI-1 soit une HAI-2.
Le gène tumor necrosis factor (TNF)-alpha a été très étudié en tant que
gène candidat pour la survenue de maladies auto-immunes.
Le TNF-alpha représente un élément déterminant dans la réponse immune.
Plusieurs polymorphismes pour ce gène ont été identifiés.
Quatre
polymorphismes sont présents dans la région promotrice du gène et
un polymorphisme est localisé au niveau du premier exon.
Bien que
la production de TNF-alpha se situe à un niveau post-transcriptionnel,
la réponse individuelle TNF-alpha est génétiquement déterminée.
Beaucoup d’études se sont focalisées sur la position -308 du
promoteur, siège d’un variant biallélique.
L’allèle commun est le
TNF-308G (TNF1), l’allèle variant le TNF-308A (TNF2). Ce dernier
allèle est associé à des maladies auto-immunes telles que la
polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux disséminé, la
maladie coeliaque et la cholangite sclérosante primitive.
Toutefois,
on ne sait pas si l’allèle TNF2 s’associe à une augmentation de
production du TNF-alpha constitutif et inductible.
Récemment, Czaja et
al ainsi que Cookson et al ont montré qu’il existait une association
entre le variant TNF2 et la survenue d’une HAI-1 ; les patients ayant
ce type de variants avaient une évolution clinique plus
défavorable.
Cependant, notre groupe n’a pas confirmé cette
association tant chez les patients atteints d’HAI-1 que d’HAI-2.
L’ensemble de ces résultats doit être interprété de manière prudente
en sachant que les loci du TNF-alpha et DRB1 sont très proches l’un de
l’autre (< 1 000 bases).
Concernant les gènes codant pour les protéines antigéniques, il a été
montré, au sujet du gène de CYP2D6, autoantigène des anticorps
anti-LKM1, qu’il n’existait pas de différence entre les
polymorphismes des fragments de restriction de la population
malade et ceux de témoins normaux.
Si des modifications
importantes dans la structure du gène peuvent être exclues, la
présence de mutations ponctuelles au niveau de régions critiques
du gène ne peut être éliminée.
Rappelons que dans le syndrome polyendocrinien auto-immun de
type 1, il existe une mutation ponctuelle d’un gène qui code pour
un facteur transcriptionnel (AIRE).
Les efforts actuels se concentrent sur des prédispositions génétiques
concernant des gènes de costimulation, en particulier pour
l’activation T cellulaire, la production de cytokines et la
configuration de récepteur T.
Le degré d’influence de gènes
promoteurs du gène du CMH tels que CTLA-4, TCR-b et l’allotype
Ig mérite aussi d’être étudié.
2- « Gènes de sévérité »
:
Les variants alléliques HLA DRB3*0101 et DRB1*0401 constituent
des facteurs de sévérité de la maladie.
Les raisons de cette influence
de ces deux derniers allèles ne sont pas connues.
Très
vraisemblablement, la nature d’autres allèles susceptibles de réguler
l’expression des complexes autoantigéniques sur les cellules
présentatrices ou la réponse des cellules T CD4 reste à définir.
3- Système antigène-anticorps
:
De nombreux antigènes tels que les filaments d’actine ou filaments
fins, la protéine CYP2D6 cible des anticorps anti-LKM1, la
formiminotransférase cyclodéaminase cible des anticorps anti-LC1
ont été individualisés.
L’immunité humorale a été très bien abordée au sujet des anticorps
anti-LKM1.
La caractérisation des sites antigéniques linéaires (ou séquentiels de
la protéine CYP2D6), cible des anticorps anti-LKM1, a été effectuée :
la séquence 254-271 est le site antigénique principalement reconnu
par les anticorps anti-LKM1, le tripeptide TWD (tyrosine,
tryptophane, asparagine), en position 261-263, étant essentiel à la
réaction antigène-anticorps.
Le site antigénique linéaire, ou épitope continu, présente des homologies de séquences avec celles
d’agents infectieux tels que human T-cell lymphoma virus (HTLV)1 et
2, herpes simplex virus (HSV)1 et 2 et le VHC.
Cette homologie de
séquence permettrait d’expliquer l’induction d’anticorps anti-LKM1
chez les patients infectés par le VHC.
Très récemment, un
phénomène de mimétisme moléculaire entre les épitopes T réactifs
vis-à-vis de la protéine du core et les cytochromes P450 2A6 et 2A7
a été mis en évidence ; toutefois, cette séquence linéaire était
reconnue par des sérums de sujets normaux.
Ces résultats suggèrent l’implication, encore hypothétique, de
phénomènes de mimétisme moléculaire entre l’autoantigène et des protéines
d’agents infectieux dans la pathogénie des HAI-2.
Il faut
souligner que d’autres sites antigéniques linéaires, tels que les
séquences 321-351, 373-389 et 410-429, ont été identifiés.
La
démonstration faite que la protéine est reconnue dans sa forme
native et qu’il existe plusieurs épitopes linéaires conduit à penser
que la réponse humorale marquée par la production d’anticorps
anti-LKM1 est une réponse immune oligoclonale ou polyclonale
maintenue par l’autoantigène au cours du temps.
La caractérisation exacte des différentes cibles antigéniques a donc
été une étape importante dans la compréhension de la maladie.
Toutefois, de nombreuses cibles antigéniques restent inconnues
(antigènes nucléaires, ANCA...).
L’antigène SLA d’abord identifié
aux cytokératines 8-18 puis à la glutathion-S-transférase serait un
antigène cytosolique de 50 kDa de nature encore indéterminée.
Il n’existe actuellement aucun argument qui plaide en faveur
d’un rôle pathogénique propre des autoanticorps.
À nouveau, en ce
qui concerne certains autoantigènes dont le CYP2D6, leur
localisation membranaire qui ferait admettre une cytoxicité des
autoanticorps reste discutée.
Néanmoins, le fait que le taux
d’anticorps réapparaisse au cours d’une rechute après traitement
révèle le caractère pathogène de ces autoanticorps.
B - RÔLE DES LYMPHOCYTES T
:
Les cellules T autoréactives peuvent dans certaines conditions
échapper au phénomène de « sélection négative ».
Les cellules T autoréactives peuvent alors être activées par certains complexes
moléculaires HLA en association avec certains « peptides du soi ».
Ce phénomène est bien étudié grâce au modèle murin de thymectomie néonatale qui, dans certains cas, peut induire une
HAI.
Les virus peuvent induire un phénomène auto-immun en favorisant
la production de cytokines qui permettent d’activer des cellules T autoréactives et de réguler la présentation antigénique.
Par exemple,
des séquences rétrovirales endogènes ont été mises en évidence chez
des patients atteints de cirrhose biliaire primitive et d’HAI.
Les lymphocytes natural killer (NK) qui sont présents en grande
quantité dans le foie pourraient avoir un rôle pathogénique
important dans le développement de l’HAI via la voie de Fasligand.
Ceci a été démontré récemment grâce à l’élaboration d’un
modèle murin d’HAI.
Cette observation souligne la nécessité du
développement et de l’utilisation des quelques modèles animaux
existants et d’en développer d’autres.
Malgré la caractérisation des différents autoantigènes, de nombreux
progrès restent à réaliser dans la compréhension de la pathogénie
des HAI.
Il est essentiel de définir le rôle exact des autoanticorps et
les mécanismes qui conduisent à l’activation de l’immunité cellulaire
et humorale.
Signes cliniques et évolution
:
La maladie est diagnostiquée grâce à un ensemble de signes non
spécifiques, tels qu’une asthénie (85 % des cas), un ictère d’intensité
variable (80 %), une hépatomégalie (80 %) ou des hépatalgies (50 %).
Dans environ 30 % des cas, le mode de présentation est aigu et peut
mimer un tableau d’hépatite virale ; dans les autres cas, le début est
insidieux et la maladie n’est pas reconnue avant un stade très
évolué.
Dans la moitié des cas, s’y associent des manifestations dysimmunitaires extrahépatiques telles que des arthralgies, une
dysthyroïdie ou un diabète insulinodépendant.
Très rarement, et
plutôt dans les formes d’HAI-2 chez l’enfant, la maladie peut se
déclarer sous une forme subfulminante ou fulminante.
Biologiquement, une cytolyse hépatique avec des transaminases
entre cinq et dix fois la normale et une hypergammaglobulinémie
polyclonale à prédominance d’IgG sont classiquement observées.
L’HAI peut aussi se révéler sous la forme d’une hépatite aiguë
fulminante ou subfulminante.
L’évolution se fait par poussées successives, parfois spontanément
résolutives, laissant comme séquelle une fibrose et qui peut évoluer
vers une cirrhose.
Celle-ci peut se constituer de façon insidieuse avec
un diagnostic porté à ce stade dans 25 % des cas ; 40 % des patients
sont au stade de cirrhose après 10 ans de suivi, avec un risque
d’évolution vers le carcinome hépatocellulaire.
La survie moyenne sous traitement est de 80 % à 10 ans mais la
présence de signes de gravité est associée à une évolution plus
rapide de la maladie et nécessite une prise en charge urgente.
Signes histologiques
:
Sur le plan histologique, les différents sous-types d’HAI ne peuvent
être différenciés.
L’HAI est caractérisée par une inflammation
lymphoplasmocytaire portale et périportale avec nécrose parcellaire
d’intensité variable.
Il existe également une nécrose lobulaire avec
renforcement autour des veines centrolobulaires.
Parfois, la nécrose est plus étendue, réalisant une nécrose en « pont »
d’un espace à l’autre ou d’un espace à une veine centrolobulaire.
La
fibrose est souvent importante au moment du diagnostic avec une
fibrose portocentrale ou une cirrhose constituée.
Certains paramètres
histologiques sont évocateurs de l’origine auto-immune : l’intensité
de la nécrose parcellaire, l’abondance de plasmocytes dans l’infiltrat
portal, la topographie centrolobulaire de la nécrose lobulaire, la
présence d’une disposition en « rosettes » des hépatocytes.
Un aspect particulier représenté par la présence d’hépatocytes en
forme de cellules géantes pourrait correspondre à une forme
particulière d’HAI qui peut se présenter sous une forme fulminante.
Traitement
:
Son but est de limiter l’activité de la maladie et les rechutes
ultérieures de manière à diminuer le risque d’évolution vers la
cirrhose et ses complications.
A - INDICATIONS
:
Le traitement est nécessaire en cas :
– de forme fulminante qui est une urgence thérapeutique ;
– d’hépatite subaiguë avec des transaminases entre cinq et dix fois
la valeur normale et des gammaglobulines supérieures à deux fois
la valeur normale ;
– de signes cliniques invalidants ;
– d’hépatite histologique modérée à sévère (définie par une nécrose
en « pont » ou multilobulaire).
Pour certains, une activité histologique minime ne justifie pas de
traitement car celui-ci, dans cette indication, n’a pas prouvé son
efficacité sur la survie à long terme.
Dans les autres cas, les bénéfices
en termes d’amélioration de la survie sont établis ; toutefois, les
effets sur la progression vers la cirrhose ne sont pas démontrés.
1- Obtention de la rémission
:
Le traitement initial standard est constitué de prednisone en
monothérapie ou bien de la combinaison prednisone (ou
prednisolone) et azathioprine.
Les deux types de traitement sont
aussi efficaces.
La décision de choisir une des deux stratégies thérapeutiques est
prise en fonction du terrain de la patiente : la bithérapie est préférée
en cas de patiente âgée, de contexte ostéoporotique, de l’existence d’une
pathologie métabolique (diabète, obésité, hypertension) ; en
revanche, la monothérapie est préférée en cas de cytopénie ou bien
chez des jeunes femmes souhaitant une grossesse.
Chez les patients âgés et qui ne présentent pas d’activité
inflammatoire, une simple surveillance suffit.
La rémission biologique et histologique ainsi que l’amélioration des
symptômes sont obtenues chez 87 % des patients lors des
3 premières années de traitement.
Habituellement, le taux de
transaminases se normalise en quelques semaines ou mois, en
revanche la rémission histologique est plus tardive.
2- Maintien de la rémission
:
Le deuxième but du traitement est d’éviter la rechute.
C’est la
pratique de la biopsie hépatique qui permet de définir la rémission
mais celle-ci n’est pas nécessaire pour la conduite thérapeutique.
Lorsque la rémission histologique est obtenue sous
immunosuppresseurs, le risque de rechute est de 50 % dans les
6 mois qui suivent l’arrêt du traitement.
Une réponse soutenue est obtenue chez 17 % des patients.
Le
maintien de l’azathioprine diminue le risque de rechute. Bien sûr,
l’arrêt de l’immunosuppression doit se faire progressivement sur
une période de 3 à 6 mois.
En cas de non-rémission ou de rémission incomplète :
– lorsqu’il existe une réponse incomplète, l’immunosuppression est
maintenue indéfiniment à la plus petite dose possible de manière à
obtenir un taux de transaminases inférieur à cinq fois la valeur
normale ;
– jusqu’à 20 % des malades ne répondent pas au traitement et
l’absence de bénéfice thérapeutique s’observe habituellement dans
les 3 premiers mois.
D’autres alternatives thérapeutiques doivent
être proposées après l’essai d’une augmentation des doses de
corticoïdes et d’azathioprine.
B - TRAITEMENT DES FORMES RÉSISTANTES
:
1- Ciclosporine
:
L’intérêt d’un traitement par ciclosporine en cas d’échec des
corticoïdes et/ou de l’azathioprine a été étudié uniquement sur des
périodes courtes.
Il semble efficace à la dose de 3 mg/kg/j en
monothérapie, y compris sur le plan histologique.
Le
retentissement sur la fonction rénale n’apparaît pas dans ces études.
D’autres études à long terme sont nécessaires pour confirmer son
efficacité et sa tolérance.
Il est à noter que la ciclosporine semble être
efficace dans certaines formes frontières.
2- Autres immunosuppresseurs
:
Cyclophosphamide, 6-mercaptopurine, tacrolimus et mycophénolate
mofétil sont des drogues qui peuvent être utilisées ; ce dernier en
particulier paraît très efficace chez des patients rechuteurs à
l’association corticoïdes-azathioprine, en termes de réponse
biologique et histologique ; quant au budésonide, une
étude très récente ne semble pas démontrer sa supériorité par
rapport à une corticothérapie classique.
Des approches thérapeutiques par l’utilisation de cytokines antiinflammatoires,
telles que l’IL10, des anticorps monoclonaux anti-TNF, des peptides « compétiteurs » constitueront peut-être l’arsenal
thérapeutique de l’avenir ; enfin, la vaccination par des cellules T a
montré son efficacité dans un modèle animal.
3- Acide ursodésoxycholique
:
Associé à la corticothérapie, ce traitement apporte un bénéfice au
moins biologique avec des doses inférieures à 750 mg/j.
Toutefois,
dans les formes minimes et éventuellement résistantes à tout
traitement, il mérite d’être prescrit.
Il est par ailleurs fortement
conseillé dans les formes frontières.
4- Transplantation hépatique
:
La transplantation est actuellement indiquée en cas d’hépatite
(sub)fulminante résistant à une corticothérapie à fortes doses ou en
cas de cirrhose accompagnée de complications sévères.
Celle-ci
représente environ 4 % des indications de transplantation pour
cirrhose.
Le taux de survie est de 90 % en moyenne à
5 ans.
La récidive de la maladie en post-transplantation est
évaluée aux environ de 30 % ; cette récidive, qui peut se manifester
sous différentes formes (parfois sévères), serait favorisée par une immunosuppression insuffisante ou par un greffon présentant
l’haplotype HLA DR3.
Conclusion
:
Les HAI représentent un exemple de maladie auto-immune pour
laquelle, bien que des critères diagnostiques assez précis et une
thérapeutique immunosuppressive efficace soient disponibles, de
nombreuses interrogations subsistent : nature des autoantigènes,
nature des mécanismes effecteurs, compréhension des formes frontières,
prise en charge des formes corticorésistantes.
Une meilleure compréhension des mécanismes immunologiques
impliqués permettra probablement d’obtenir des traitements mieux
ciblés.