Il est facile à porter si l’on assiste à l’hémoptysie, mais
c’est une éventualité rare.
Dans la grande majorité des
cas, c’est un diagnostic d’interrogatoire.
Le patient a
émis, au cours d’un effort de toux, du sang rouge, aéré,
spumeux.
L’hémoptysie peut avoir été précédée de prodromes:
chaleur rétrosternale, sensation métallique buccale,
chatouillement laryngé, angoisse, malaise.
Elle provient des systèmes vasculaires pulmonaires
ou systémiques.
Diagnostic différentiel :
Une hématémèse est classiquement précédée par des
prodromes digestifs (douleur épigastrique, sensation de
plénitude gastrique), elle survient surtout lors d’efforts
de vomissements.
Le sang est noirâtre, mêlé à des débris
alimentaires et des caillots.
Elle est suivie quelques
heures ou un jour plus tard par un melæna (à rechercher
par le toucher rectal). Néanmoins, une hémoptysie
abondante déglutie peut aussi donner lieu à un melæna.
En cas de doute persistant, le lavage voire la fibroscopie
gastrique permettent de redresser le diagnostic.
Les saignements des voies aériennes supérieures :
(épistaxis, saignement bucco-pharyngé) surviennent
indépendamment d’un effort de toux et sont authentifiés
par l’examen ORL et stomatologique.
Un argument en
faveur de l’hémoptysie est la répétition sur plusieurs
jours des crachats sanglants qui deviennent alors progressivement
plus noirâtres (queue de l’hémoptysie).
Évaluation de la gravité
de l’hémoptysie :
D'une façon générale, l'abondance de l'hémoptysie est
surestimée par le patient et son entourage.
Dans la plupart
des cas, elle ne présente pas de gravité immédiate et
la conduite à tenir est dominée par l’enquête étiologique.
L'hémoptysie peut être :
- de faible abondance (quelques stries de sang ou crachats hémoptoïques) ;
- de moyenne abondance (un demi à un verre de 50 mL).
Une hémoptysie de faible ou moyenne abondance ne
préjuge pas, néanmoins, de la possibilité d’une récidive
massive, ce qui justifie la prise en charge rapide de tout
patient présentant ce symptôme respiratoire ;
- dans de rares cas, l'hémoptysie est abondante et peut
mettre en jeu le pronostic vital à plus ou moins court
terme ; elle peut être massive, au-delà de toute ressource
thérapeutique, elle est préoccupante si le patient émet
plus de 200 mL de sang en une fois, ou plus de 500 mL
sur 24 h ; elle est alors menaçante plus par l’asphyxie
qu’elle occasionne que par l’importance de la déplétion
sanguine ; elle justifie la prise en charge immédiate du
patient en milieu spécialisé (réanimation ayant accès à
la fibroscopie, la radiologie interventionnelle, voire la
chirurgie thoracique).
Orientation étiologique :
La démarche diagnostique devant une hémoptysie est
dominée par la recherche de sa cause.
Cette enquête
étiologique repose sur l’examen clinique, l’imagerie
thoracique et surtout la fibroscopie bronchique.
• L’interrogatoire recherche les antécédents pulmonaires
(épisodes identiques, tuberculose, tumeur, infection
de l’enfance...) et cardiaques (notion de cardiopathie,
de maladie thromboembolique personnelle ou
familiale) ; il précise les habitudes tabagiques, les prises
médicamenteuses (anticoagulants) , l'existence d'une
maladie générale.
• L’examen physique peut orienter par la présence de
signes focaux pulmonaires, d’un hippocratisme digital
(cancer, dilatation des bronches), de signes extrathoraciques
(phlébite d’un membre inférieur, angiomes cutanés,
signes de vascularite systémique...).
• La radiographie de thorax peut montrer des signes
directement liés au saignement (opacité de faible densité,
en verre dépoli, ou granité post-hémoptoïque, qui se
résout en quelques jours) ; surtout, elle a pour intérêt
d’attirer l’attention sur des anomalies pulmonaires
focales (opacité tumorale, trouble de ventilation, caverne,
etc.) ou de la silhouette cardiaque.
La comparaison à
d’éventuels clichés thoraciques antérieurs est importante
pour juger du caractère récent ou non des images.
• La fibroscopie bronchique est l’examen clé devant
une hémoptysie ; elle est, sauf urgence en rapport avec
l’abondance du saignement, réalisée dans les 24 h qui
suivent l’hémoptysie.
Elle permet de visualiser le saignement
(directement ou devant la présence de caillots),
de préciser son origine " ce qui est essentiel si un geste
d’urgence devait être pratiqué ", et de montrer une éventuelle
cause endobronchique.
Elle est à réaliser même si
la radiographie de thorax est normale.
• Le scanner thoracique est pratiqué au cas par cas ;
outre les signes liés au saignement (opacité en verre
dépoli), il peut mettre en évidence une anomalie parenchymateuse
pulmonaire (aspergillome), bronchique
(bronchectasies) ou vasculaire (caillot artériel pulmonaire,
fistule artério-veineuse pulmonaire).
Sa technique
doit être adaptée au diagnostic suspecté.
• La scintigraphie pulmonaire de perfusion et de ventilation
est réalisée devant une suspicion de maladie
thromboembolique.
• En dehors des examens usuels (électrocardiogramme,
groupage sanguin, numération formule sanguine, hémostase
notamment), d’autres investigations sont effectuées en
fonction de l’orientation diagnostique (écho-doppler cardiaque,
angiographie pulmonaire par exemple).
Diagnostic étiologique :
A - Causes pulmonaires :
1- Cancer bronchique primitif :
C’est la cause redoutée devant une hémoptysie, tout particulièrement
chez un fumeur, en général autour de la
cinquantaine.
L'hémoptysie est rarement abondante,
mais volontiers répétée.
Sur ce terrain, la survenue de
stries sanglantes au sein d’une expectoration muqueuse
ou mucopurulente doit faire pratiquer une fibroscopie
bronchique.
Il faut souligner qu’une radiographie de
thorax normale n’élimine pas un cancer bronchique.
Ce
sont généralement les formes bronchiques proximales
qui saignent, en particulier les carcinomes épidermoïdes.
Le diagnostic est obtenu par l’endoscopie qui
permet de réaliser les prélèvements histologiques.
La
survenue d’une hémoptysie chez un patient ayant un
antécédent de cancer bronchique fait craindre une récidive.
D’autre part, l’apparition de crachats sanglants
chez un patient atteint de cancer bronchique et traité par
radiothérapie témoigne de la nécrose tumorale, peut être
le signe d’une érosion vasculaire et doit faire discuter la
suspension transitoire du traitement.
Il est rare que l’hémoptysie
soit un signe de métastase pulmonaire (hormis
les localisations secondaires endobronchiques de certains
cancers, comme le côlon et le rein).
2- Tuberculose pulmonaire :
C’est une cause relativement fréquente d’hémoptysie.
Dans sa forme active, il s’agit avant tout de lésions caséo-nodulaires, généralement bacilliformes.
La radiographie
de thorax montre des images caractéristiques
constituées de nodules et de cavernes siégeant dans les
territoires apico-dorsaux des poumons.
Le diagnostic est
fait sur la présence de bacilles acido-alcoolorésistants à
l’examen direct (parfois seulement aux cultures) des
crachats, des tubages gastriques répétés, ou sur l’aspiration
bronchique dirigée lors de la fibroscopie bronchique.
Le traitement spécifique de la tuberculose est en
général suffisant.
La survenue d’hémoptysie chez un patient ancien tuberculeux
fait discuter plusieurs affections.
Dans tous les
cas, la comparaison avec d'éventuels clichés thoraciques
antérieurs est importante pour l’orientation diagnostique.
Elle implique de rechercher une rechute de la
maladie (notion de mauvaise observance thérapeutique,
modifications des radiographies thoraciques, recherche
répétée de mycobactéries) qui pose alors le problème de
la résistance du bacille aux antituberculeux.
Il peut
s’agir d’une greffe aspergillaire sous la forme d’un
aspergillome qui colonise une cavité tuberculeuse détergée.
Le diagnostic est étayé par la présence d’une image
en grelot à la radiographie et surtout au scanner thoracique
(opacité déclive au sein de la cavité) et affirmé sur
la positivité de la sérologie aspergillaire.
Parfois, l’hémoptysie
est le fait d’un cancer bronchique en particulier
chez le sujet fumeur.
Le plus souvent, il s’agit de
bronchectasies séquellaires de la tuberculose et qui saignent
à l’occasion d’une surinfection à germes banals.
Le syndrome du lobe moyen associe bronchectasies du
lobe moyen, atélectasie par sténose bronchique, ganglions
hilaires calcifiés.
L’abondance du saignement
peut conduire à des gestes thérapeutiques urgents (artériographie
bronchique et embolisation sélective du
rameau vasculaire responsable du saignement).
Une
exérèse chirurgicale de ces bronchectasies peut se discuter
dans un second temps, en cas d'hémoptysies récidivantes,
si le territoire pathologique pulmonaire est limité
et si la fonction ventilatoire l'autorise.
3- Dilatation des bronches :
C’est une cause d’hémoptysies récidivantes.
Le saignement
est dans de rares cas révélateur de la maladie dont
le diagnostic est alors porté par le scanner thoracique en
haute résolution.
Le plus souvent, l’hémoptysie émaille
les poussées de surinfection bronchique et s’améliore
avec le traitement antibiotique.
Parfois, le saignement
est préoccupant par son abondance ; il s’agit de sang
rouge, d’origine systémique bronchique, lié au développement
d’un important réseau de néovaisseaux du fait
de l’infection bronchopulmonaire chronique.
La fibroscopie
bronchique permet de localiser le saignement en
vue d’un éventuel geste d’embolisation artérielle bronchique
; en cas de bronchectasies localisées qui saignent,
une exérèse chirurgicale est indiquée.
4- Infections bronchiques :
Il n’est pas rare que surviennent des crachats hémoptoïques
au cours de bronchites aiguës ou lors des épisodes
de surinfection d'une bronchite chronique obstructive
; néanmoins, ce terrain tabagique est aussi celui du
cancer bronchique, ce qui justifie la pratique systématique
d'une endoscopie bronchique.
5- Pneumopathies infectieuses :
Elles peuvent s’accompagner d’hémoptysie de faible
abondance (crachat rouille des pneumococcies), mais
peuvent aussi révéler un cancer bronchique ; dans certains
cas, l’hémoptysie est plus abondante (staphylococcies
pulmonaires, infection à Klebsiella, hémorragies
alvéolaires des grippes malignes, hémoptysies sévères
des aspergilloses invasives des sujets immunodéprimés).
6- Autres causes plus rares :
• Une tumeur bénigne bronchique, surtout carcinoïde
( tumeur bronchique rare mais qui saigne facilement)
peut être à l’origine de l’hémoptysie.
Le diagnostic repose
sur les données du scanner thoracique et de l’endoscopie
bronchique (tumeur framboisée saignant facilement au
contact et dont les biopsies doivent être très prudentes) .
• L’aspergillome pulmonaire peut se greffer sur toute
cavité pulmonaire détergée; il peut, du fait de l’importance
de l’hémoptysie, conduire à une embolisation artérielle
bronchique sélective associée ou non à une exérèse chirurgicale
si la fonction ventilatoire le permet .
• Les Traumatismes thoraciques peuvent être en cause†:
fracture costale, contusion pulmonaire, barotraumatisme
(plongée), inhalation de gaz toxiques (incendie) .
• Les corps étrangers intrabronchiques peuvent entraîner
une hémoptysie ; la fibroscopie bronchique a aussi un
intérêt thérapeutique .
• La séquestration pulmonaire (malformation congénitale
pulmonaire de localisation postéro-basale, surtout
gauche, et dont la vascularisation est assurée par une artère
systémique naissant de l'aorte thoracique ou abdominale)
peut se traduire par une hémoptysie ; son traitement
est chirurgical .
• Les causes iatrogéniques : biopsies bronchiques ou transbronchiques, ponctions transpariétales, ponction ou
drainage pleural, compression trachéale lors d’intubations
prolongées, ou de la paroi artérielle pulmonaire au cours
des cathétérismes avec sonde de Swan-Ganz sont une cause
en général facilement reconnue d’hémoptysie.
• Les hémorragies alvéolaires sont une cause rare d’hémoptysie
; elles se traduisent par une dyspnée avec chute
du taux d’hémoglobine sanguine, et des opacités alvéolaires
diffuses à la radiographie ; elles peuvent être d’origine
toxique (médicaments), infectieuse (leptospirose),
ou liées à une vascularite des petits vaisseaux pulmonaires
(maladie de Wegener, polyangéite microscopique
notamment qui s’accompagnent le plus souvent d’anticorps
anti-cytoplasme des neutrophiles ; lupus érythémateux
disséminé ; syndrome de Goodpasture).
La fibroscopie
bronchique montre un saignement diffus d’origine
distale, et le lavage alvéolaire confirme le diagnostic en
ramenant un liquide rouge ou rosé.
On citera pour mémoire l’amyloïdose et l’endométriose
bronchopulmonaire.
B - Causes cardiovasculaires :
1- Embolie pulmonaire :
C’est une cause importante à rechercher étant donné l’urgence
thérapeutique qu’elle représente.
L’hémoptysie,
plus noirâtre, est liée à la présence d’un infarctus pulmonaire
et survient de façon retardée par rapport au reste de
la symptomatologie respiratoire (dyspnée, douleur basithoracique
brusque).
Elle peut néanmoins être isolée.
Le
diagnostic est évoqué sur les données cliniques (éventuelle
phlébite d’un membre inférieur, signes de coeur pulmonaire
aigu), de terrain (facteurs de risque de maladie
thromboembolique), radiographiques (opacité triangulaire
à base pleurale).
Le diagnostic est porté sur les données
de la scintigraphie pulmonaire de perfusion et de
ventilation et d'autres investigations orientées [D-dimères,
angiographie et (ou) angioscanner pulmonaires, échodoppler
veineux des membres inférieurs].
2- Autres causes cardiovasculaires :
• Le rétrécissement mitral est une cause classique d’hémoptysie,
particulièrement évocatrice lorsqu'elle survient
à l'effort ou dans un contexte d'accident gravidocardiaque.
Le diagnostic repose sur les données de
l’auscultation cardiaque, de l’électrocardiogramme, de
la radiographie thoracique et surtout de l’écho-doppler
cardiaque.
• L’insuffisance ventriculaire gauche représente rarement
une cause d’hémoptysie isolée.
Le contexte
(notion de cardiopathie connue, dyspnée d'effort, accès dysnéiques paroxystique, nocturnes, etc.) oriente vers le
diagnostic.
• D’autres affections sont plus rarement en causes :
- les malformations vasculaires pulmonaires : angiomes,
fistules artério-veineuses ; isolées ou dans le cadre d’une
maladie de Rendu Osler.
- l'hypertension artérielle primitive au cours de laquelle
l'hémoptysie représente un signe de gravité;
- la rupture d'un anévrisme de l'aorte thoracique responsable
d'une hémoptysie foudroyante.
C - Hémoptysie sans cause retrouvée :
Environ 15 % des hémoptysies n’ont pas d’origine identifiée
malgré un bilan complet.
En fonction de l’importance
du saignement, on peut être amené à réaliser une
angiographie pulmonaire ou une artériographie bronchique
à la recherche d’une petite malformation vasculaire
distale.
Elles sont aussi parfois en rapport avec une
anomalie bronchique distale mal visualisée par le scanner
thoracique.
Dans tous les cas, une surveillance régulière
du patient s'impose.
La survenue d’hémoptysie chez un patient ayant un
trouble de la crase sanguine doit faire rechercher une
cause pulmonaire dont le saignement a été favorisé dans
cette circonstance.