Hémolyses extracorpusculaires non immunologiques Cours
d'hématologie
Introduction
:
Les hémolyses extracorpusculaires non immunologiques résultent
d’un ensemble hétérogène d’étiologies.
Elles peuvent évoluer sur un
mode aigu ou chronique et déboucher ou non sur l’apparition d’une
anémie.
La plupart du temps, la prise en charge
thérapeutique consiste à combattre la cause de l’hémolyse.
Dans les formes très chroniques, le clinicien se doit de supplémenter le
patient, d’une part en acide folique afin d’alimenter au mieux
l’érythropoïèse compensatrice, d’autre part en fer en cas
d’hémoglobinurie (qui est synonyme de fuite martiale urinaire).
Il
est relativement rare d’avoir recours aux transfusions globulaires.
Sémiologie clinique et biologique
de l’hémolyse :
A - DONNÉES CLINIQUES :
L’interrogatoire et l’examen clinique restent des temps
fondamentaux qui peuvent déjà orienter vers une étiologie
particulière.
L’ictère est plus ou moins net selon l’intensité de
l’hémolyse.
La splénomégalie, signe classique dans les anémies
hémolytiques, est loin d’être constante ici.
B - DONNÉES BIOLOGIQUES :
Au cours des anémies hémolytiques, la production médullaire
érythroïde n’est classiquement pas touchée et s’accélère en rapport
avec l’importance de la destruction globulaire périphérique.
Ce
phénomène se traduit biologiquement par l’augmentation du taux
de réticulocytes.
L’éclatement des hématies libère un certain nombre
de constituants biologiques dont la concentration augmente dans le
plasma : il s’agit principalement de la bilirubine non conjuguée dite « libre » ou « indirecte » et d’une enzyme, la lactate déshydrogénase
(LDH).
Par ailleurs, l’hémoglobine expulsée dans le plasma se
couple à une protéine circulante, l’haptoglobine, dont le taux baisse
proportionnellement à ce degré de libération.
On observe également
la chute du taux d’une autre protéine qui est une bêtaglobuline se
fixant spécifiquement à l’hème et qui est beaucoup moins souvent
dosée, l’hémopexine.
Au cours des hémolyses intravasculaires
importantes, lorsque l’haptoglobine plasmatique est entièrement
saturée, l’hémoglobine libre franchit le glomérule et est excrétée
dans l’urine, donnant une hémoglobinurie.
De façon différée par
rapport au phénomène hémolytique, une fraction de l’hémoglobine
libre est catabolisée au niveau du tubule et il apparaît une hémosidérinurie.
L’hémolyse est associée à un raccourcissement de
la durée de vie des hématies (normalement égale à 120 jours)
mesurable par marquage isotopique au chrome 51.
L’examen des
hématies sur frottis est fondamental pour rechercher d’éventuelles
anomalies de forme.
La négativité du test de Coombs
érythrocytaire élimine en principe une hémolyse de mécanisme
immunologique.
Les déficits congénitaux en enzymes
érythrocytaires et les anomalies membranaires peuvent être exclus,
si besoin, par les tests adéquats.
Hémolyses mécaniques
(ou par fragmentation) :
Les hémolyses mécaniques (ou par fragmentation) surviennent, soit
à la suite de l’éclatement des hématies dans le torrent circulatoire
du fait de chocs directs sur des obstacles ou de turbulences
excessives induites par diverses anomalies des parois cardiaques ou
des gros vaisseaux (macroangiopathies), soit consécutivement au
passage des globules rouges au contact de travées de fibrine
intravasculaires (microangiopathies).
Ces agressions physiques vont
déclencher également une déformation de la membrane
érythrocytaire, puis sa rupture, expliquant la présence d’hématies
de morphologie altérée : les schizocytes.
A - MACROANGIOPATHIES :
1- Prothèses valvulaires ou vasculaires
:
Des stigmates biologiques d’hémolyse sont constatés chez deux tiers
des patients porteurs de prothèses mécaniques alors qu’une anémie
patente n’apparaît que dans 5 % des cas.
D’autres auteurs
rapportent un degré modéré d’hémolyse de l’ordre de 30 % en cas
de prothèses mécaniques doubles (aortiques plus mitrales).
Les
hémolyses les plus significatives se rencontrent avec les prothèses
aortiques, qui siègent dans la zone du plus fort gradient de pression,
mais elles peuvent également survenir en cas de remplacement
valvulaire mitral.
Elles sont générées par un excès de turbulences
conduisant à l’éclatement des globules rouges et retardant
l’endothélialisation du matériel.
Elles signent en général une
dysfonction du matériel (fuite...) pouvant nécessiter une réintervention.
Outre les marqueurs biologiques d’hémolyse,
l’échocardiographie est l’examen complémentaire le plus contributif.
Dans une petite série concernant des prothèses mitrales, un
remplacement du matériel s’est traduit par la disparition de l’anémie
dans tous les cas.
L’intensité de l’hémolyse varie en fonction du
type de prothèse utilisé.
Quelques patients peuvent présenter
une positivité du test de Coombs faisant évoquer l’intervention d’un
phénomène auto-immun (démasquage de néoantigènes ?).
Cette
destruction chronique des hématies débouchant sur des pertes
urinaires en fer, un traitement martial peut s’avérer nécessaire.
L’intensité de l’hémolyse s’accroît à l’effort et à l’inverse se minimise
au repos.
Une corticothérapie, voire l’érythropoïétine recombinante,
peuvent parfois être proposées.
Des hémolyses cliniques en
relation avec des bioprothèses ont été beaucoup plus rarement
décrites (18 cas rapportés).
À l’opposé de ce qui est observé pour
les prothèses mécaniques, c’est la position mitrale qui est le plus
souvent retrouvée (14 fois sur 18).
Par ailleurs, de façon peu
fréquente, des prothèses vasculaires extracardiaques peuvent
entraîner un degré significatif d’hémolyse.
Une embolisation
chirurgicale incomplète d’un canal artériel est également susceptible
d’engendrer ce type de complication.
2- Pathologies valvulaires ou vasculaires non opérées :
Des hémolyses mécaniques ont également été observées chez des
patients présentant un dysfonctionnement sévère des valves
aortiques ou mitrales (insuffisance ou rétrécissement), voire des
pathologies des gros troncs (coarctation de l’aorte).
Il a été
rapporté de très rares cas d’endocardites infectieuses nécessitant un
remplacement valvulaire afin de contrôler le processus
hémolytique.
3- Circulation extracorporelle :
Une hémolyse « hydrodynamique » peut être observée après
passage du sang dans les circuits de circulation extracorporelle
(chirurgie cardiaque, hémodialyse).
Son intensité dépend des
caractéristiques propres du circuit et de la pompe.
4- Chocs palmoplantaires répétés
:
Lors de marches ou de courses prolongées, les hématies subissent
des agressions intenses et répétées au niveau des lacis sanguins des
plantes des pieds.
Dans ces cas, on peut observer une
hémoglobinurie dans les heures suivant l’exercice (« hémoglobinurie
de marche »).
Décrit chez les marathoniens, ce problème semble
moins fréquent du fait des progrès effectués sur l’amorti des
chaussures actuellement proposées aux coureurs à pied.
Le même
phénomène est transposable au niveau des mains et peut être
retrouvé chez les joueurs à main nue (pelote basque), les
percussionnistes (tam-tam, conga) ou les karatékas.
B - MICROANGIOPATHIES :
Les microangiopathies thrombotiques recoupent essentiellement
deux cadres : le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT)
et le syndrome hémolytique et urémique (SHU).
Le PTT est une entité pathologique qui a été décrite voici trois quarts
de siècle par Moschcowitz.
L’anémie hémolytique schizocytaire à
test de Coombs négatif fait partie de la pentade diagnostique qui
comprend par ailleurs une thrombopénie, une fièvre, une
insuffisance rénale et des troubles neurologiques centraux.
Néanmoins, étant donné l’urgence diagnostique, la présence d’une
anémie hémolytique avec schizocytes et d’une thrombopénie, sans
cause clinique évidente, suffit à instituer le traitement spécifique.
On distingue le PTT du SHU, qui se présente typiquement chez
l’enfant avec une atteinte rénale, souvent sévère, au devant de la
scène.
Ces cas peuvent être idiopathiques ou consécutifs à diverses
situations : infectieuses (toxines Shiga d’entérobactéries, en
particulier Escherichia coli O157 : H7, cause classique du SHU après
un contexte de colite hémorragique), néoplasiques (surtout cancers
glandulaires mucosécrétants, en particulier gastriques, en général de
stades avancés), médicamenteuses (quinine, ticlopidine, mitomycine
C, ciclosporine, pentostatine), après greffes de cellules souches
hématopoïétiques ou durant la grossesse ou le post-partum.
Le
traitement de référence repose sur les échanges plasmatiques qui
doivent être pratiqués le plus précocement possible et dont la
fréquence et la durée sont variables selon les cas.
Depuis
l’avènement de cette modalité thérapeutique, le taux de mortalité
est passé de 90 à 15-30 %.
Le SHU postinfectieux de l’enfant régresse
habituellement sans traitement spécifique.
Déjà dans sa description
princeps, Moschcowitz suspectait la présence d’une substance très
active, ayant à la fois des propriétés agglutinantes et hémolytiques,
comme élément à l’origine de ces anomalies.
Ce n’est qu’en 1982
qu’est mise en évidence, au cours de rechutes de PTT chronique, la présence de multimères du facteur von Willebrand de poids
moléculaire anormalement élevé entraînant une hyperadhésivité des
plaquettes au sous-endothélium après lésion endovasculaire.
En
1997, il est décrit chez quatre patients un déficit en une protéase de
clivage du facteur von Willebrand dont le mécanisme causal n’est
pas élucidé.
La physiopathologie du PTT a été mieux
appréhendée en 1999 grâce aux travaux de deux équipes
indépendantes, l’une new-yorkaise et l’autre suisse.
Ces deux
études ont mis en évidence, au cours des accès aigus de PTT, une
absence d’activité de la protéase de clivage du facteur von
Willebrand (métalloprotéase), avec un retour à la normale lors de la
guérison.
Il est clairement démontré que, dans les formes non
familiales, cette anomalie est liée à la présence d’un autoanticorps
de type immunoglobuline (Ig) G dirigé contre l’enzyme.
En
revanche, dans les formes familiales, un déficit constitutionnel en métalloprotéase semble en cause.
Cette découverte légitime encore
davantage l’utilisation des échanges plasmatiques en thérapeutique,
qui ont l’avantage de soustraire les autoanticorps et de restaurer une
activité protéasique par le biais du plasma de remplacement.
À
l’opposé, le PTT après greffe de moelle n’est pas provoqué par un
déficit en protéase, ce qui explique l’inefficacité des échanges
plasmatiques dans ce cadre.
La physiopathologie du SHU ne fait
pas appel non plus à un défaut d’activité de la protéase de clivage
du facteur von Willebrand ni à des anomalies du facteur luimême.
Outre le PTT et le SHU, l’hypertension maligne, les
angiomes disséminés ou géants (syndrome de Kasabach-Merritt),
certaines coagulations intravasculaires disséminées peuvent, eux
aussi, être à l’origine de l’apparition de microangiopathies
thrombotiques.
Hémolyses infectieuses
ou parasitaires :
A - SEPTICÉMIES À CLOSTRIDIUM PERFRINGENS
ET À D’AUTRES GERMES :
Les septicémies à Clostridium perfringens sont (étaient) une
complication redoutable classiquement observée après des
manoeuvres abortives septiques.
Leur incidence, en France, a chuté
considérablement depuis la promulgation de la loi Veil légalisant la
pratique de l’interruption volontaire de grossesse, il y a maintenant
un quart de siècle.
Ce tableau infectieux peut plus rarement
compliquer une pathologie biliaire, des néoplasies profondes, des
affections intestinales (malformations artérioveineuses, entérocolite
nécrosante du nouveau-né), une endocardite, voire exceptionnellement
survenir sans affection sous-jacente détectable.
Le
tableau hémolytique intravasculaire est typiquement d’installation
rapide et profond.
Il se traduit par un ictère et une insuffisance
rénale aiguë avec état de choc et souvent coagulopathie de
consommation.
Parmi les nombreuses toxines élaborées par Clostridium perfringens, c’est la toxine a qui est responsable du
phénomène hémolytique.
Il s’agit d’une phospholipase C induisant
l’hydrolyse des phospholipides membranaires (lécithine essentiellement)
.
Le traitement repose en urgence sur les fortes doses
de pénicilline G (20 millions d’unités) par voie veineuse plus une
approche chirurgicale selon les cas.
D’autres bactéries ont été beaucoup plus rarement incriminées dans
l’apparition d’hémolyses aiguës par le biais ou non d’une toxine.
Il
s’agit essentiellement de bacilles à Gram négatif (Escherichia coli), de
streptocoques ou de staphylocoques.
B - INFECTION PAR BARTONELLA BACILLIFORMIS :
MALADIE DE CARRIÓN
Il s’agit d’une maladie infectieuse endémique en Amérique du Sud
(vallées andines entre 600 et 3 000 m) transmise par un phlébotome.
Après la piqûre infectante, la maladie évolue sous deux formes.
À
une incubation de durée très variable (quelques semaines à quelques
mois), succède une phase septicémique (fièvre de la Oroya).
Elle se
traduit par différents symptômes : fièvre anarchique, crises
douloureuses articulaires, polyadénopathies, hépatosplénomégalie,
anémie hémolytique sévère avec anisopoïkilocytose, érythroblastose
et polynucléose neutrophile.
Non traitée, cette phase peut évoluer
vers des complications hémorragiques et neurologiques puis vers le
décès.
Il survient ensuite la phase éruptive (verruga), d’évolution
spontanément résolutive, qui se traduit typiquement par des lésions
maculeuses ou plus souvent verruqueuses pourpres, prurigineuses,
de taille variable, siégeant sur la peau, surtout au voisinage des
grosses articulations, mais aussi au niveau des muqueuses où elles
peuvent entraîner des hémorragies.
Le diagnostic peut être porté
grâce à la mise en évidence des Bartonella sur les hémocultures, les
biopsies des verrues ou les frottis sanguins colorés au Giemsa.
Ces
bactéries ciliées à Gram négatif ont une morphologie évolutive
suivant le stade de l’infection (d’abord bacilles puis cocci).
Elles
peuvent s’associer, formant des aspects en V ou en Y.
Les
antibiotiques, les pénicillines en premier lieu, décapitent la phase
septicémique qui comporte un risque vital, mais n’empêchent pas
complètement l’apparition des lésions cutanéomuqueuses.
Très
récemment, le pouvoir hémolytique de Bartonella bacilliformis a été
mis en évidence in vitro via la production de protéines.
C - INFECTIONS PAR PROTOZOAIRES :
1- Paludisme
:
L’anémie fait partie du tableau clinicobiologique classique du
paludisme, en particulier dans la forme à Plasmodium falciparum, du
fait du grand nombre d’hématies parasitées par cette espèce.
Son
importance dépend également de facteurs liés à l’hôte : âge, statuts
immunitaire et nutritionnel, comorbidité.
Les hématies parasitées
ont une altération de la membrane (modification des échanges
sodiques et de la distribution des phospholipides et du cholestérol)
et sont détruites par la rate.
Elles subissent les conséquences
d’un processus d’oxydation par baisse de l’activité de la glutathionperoxydase.
En plus du parasite lui-même, les monocytes
semblent également participer à la peroxydation des lipides
membranaires, phénomène qui provoque la lyse des globules
rouges.
L’hémolyse a également une composante immune comme
en témoignent les dépôts d’IgG et de la fraction C3 du complément
retrouvés à la surface des hématies.
Il est à noter que la
destruction des globules rouges non parasités est aussi accélérée.
L’état d’hypersplénisme accentue bien sûr ces phénomènes.
Outre
ce processus hémolytique, il a été décrit une atteinte médullaire
centrale à l’origine de l’anémie palustre (dysérythropoïèse) et parfois
une baisse associée des plaquettes, voire une pancytopénie.
Certaines anomalies du globule rouge, de transmission génétique,
confèrent une protection ou une moindre sensibilité au parasitisme
à Plasmodium, notamment la drépanocytose et le déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD).
La fièvre bilieuse hémoglobinurique est une cause plus rare
d’hémolyse dans le cadre du paludisme.
Elle atteint avec
prédilection des sujets étrangers aux zones d’endémie, ayant déjà
présenté des accès palustres et prenant de façon irrégulière de la
quinine.
La physiopathologie de cette complication n’est pas
clairement démontrée.
Il y a habituellement dans ces cas peu ou pas
de trophozoïtes visibles sur les préparations sanguines.
L’anémie liée à Plasmodium falciparum nécessite, de façon non
rare, des transfusions globulaires.
Le traitement spécifique antipaludéen est à mettre en oeuvre le
plus tôt possible.
2- Babésiose :
Cette anthropozoonose est due à des protozoaires du genre Babesia
appartenant principalement aux espèces divergens ou microti.
Ces
parasites, dont les hôtes habituels sont essentiellement les bovins,
les ovins et les chiens, sont transmis à l’homme par morsure de
tique, voire plus exceptionnellement par transfusion.
Les signes
cliniques cardinaux sont une fièvre, un ictère, une anémie et une
hémoglobinurie. Les formes sévères s’observent chez les sujets splénectomisés.
Sur l’hémogramme, une hyperleucocytose
accompagne en règle l’anémie.
Le diagnostic s’effectue sur l’examen
du frottis sanguin par la mise en évidence des parasites intraérythrocytaires se présentant, soit sous forme de bague à
chaton, de bâtonnet, de poire ou plus caractéristiquement par la
réunion polaire de quatre parasites constituant une croix.
À la
différence des Plasmodium, on n’observe pas ici de pigment à
l’intérieur des hématies. Les antipaludéens sont en général inactifs
alors que certains bons résultats ont été obtenus avec la pentamidine.
3- Trypanosomiase africaine :
Les parasites Trypanosoma gambiense ou rhodesiense, à l’origine de la
« maladie du sommeil », peuvent induire une anémie hémolytique
dont le mécanisme est mixte : atteinte toxique directe liée au
protozoaire et destruction des hématies via la production
d’anticorps.
Hémolyses liées à des troubles
métaboliques :
A - HYPERCUPRÉMIE : MALADIE DE WILSON
Le cuivre accélère l’oxydation de l’hémoglobine, inactive certaines
enzymes intraérythrocytaires et endommage la membrane des
hématies.
L’hypercuprémie est le stigmate principal de la maladie
de Wilson et la responsable de l’hémolyse, observée en général dans
les premiers temps de la maladie, avant l’apparition des
manifestations patentes hépatiques ou neurologiques.
Le cuivre est
libéré massivement par le foie où il s’est accumulé.
L’anneau cornéen
de Kayser-Fleischer doit être recherché mais il s’agit d’un signe
tardif.
L’hémolyse apparaît de façon discontinue, avec des degrés
variables de gravité.
Le diagnostic biologique repose sur la
constatation d’une baisse de la céruléoplasminémie et d’une
excrétion accrue de cuivre dans les urines. Une enquête familiale
doit être effectuée car cette affection est de transmission
autosomique récessive.
Le traitement repose sur la D-pénicillamine.
Dans les formes fulminantes, les échanges plasmatiques peuvent
permettre de réduire rapidement le taux de cuivre circulant.
B - HYPOPHOSPHATÉMIE :
Lorsqu’il existe un déficit important en phosphore du fait de
l’administration prolongée d’une nutrition parentérale ou
d’antiacides ou lors d’un éthylisme important, il apparaît une baisse
importante de l’adénosine triphosphate (ATP) et du 2,3-diphosphoglycérate (2,3 DPG) intraérythrocytaires.
Ceci provoque
une réduction de la déformabilité membranaire de l’hématie
(sphérocytose) qui accélère sa destruction.
C - HÉPATOPATHIES :
1- Syndrome de Zieve :
Ce syndrome, qui s’observe dans un contexte d’alcoolisme, a été
décrit pour la première fois il y a plus de 40 ans.
Il associe anémie
hémolytique, ictère, hépatomégalie et hypertriglycéridémie.
Des
douleurs abdominales aiguës et de la fièvre sont fréquemment
retrouvées. Sur le plan biologique, les hématies présentent un
accroissement du degré d’autohémolyse in vitro avec correction
partielle par le glucose et un tableau de déficit acquis en pyruvate
kinase (élévation de l’ATP et baisse du 2,3 DPG intracellulaires).
2- Stomatocytose/acanthocytose acquises
:
La présence d’hématies en forme de bouche (stomatocytes) peut
s’observer lors de certaines hépatopathies chroniques (alcoolisme
notamment).
Leur durée de vie est raccourcie.
Il faut également citer
l’acanthocytose (hématies en forme d’oursins), dénommée spur-cell
anaemia dans la littérature de langue anglaise, qui survient au stade
terminal des cirrhoses.
Elle est due à des perturbations de la
distribution des lipides membranaires.
D - INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE
:
Elle peut entraîner l’apparition de schizocytes ou d’échinocytes par
toxicité membranaire.
Par ailleurs, il a été démontré in vitro une
corrélation entre les taux de carnitine et le degré de lyse osmotique
des hématies chez les patients hémodialysés.
Hémolyses dues aux agents chimiques :
A - TOXIQUES INDUSTRIELS OU DOMESTIQUES :
1- Plomb : saturnisme
Ce métal lourd est à l’origine d’une atteinte centrale de la lignée
rouge (dysérythropoïèse avec sidéroblastose par action sur les
enzymes mitochondriales) en cas d’intoxication chronique, mais
aussi d’une hémolyse extracorpusculaire, d’autant plus marquée que
l’exposition est aiguë et massive.
Cette étiologie peut être soulevée
dès l’interrogatoire chez un professionnel de la peinture ou chez des
patients vivant dans des logements vétustes (consommation d’eau
du robinet circulant dans une tuyauterie en plomb, peintures
écaillées).
Ce diagnostic ne doit surtout pas être ignoré chez l’enfant.
Les symptômes cliniques comportent typiquement des douleurs
abdominales et une atteinte neurologique périphérique.
Le tableau
biologique associe une majoration de la plombémie, de la plomburie,
de l’acide delta-aminolévulinique urinaire et de la protoporphyrine
érythrocytaire.
La présence d’hématies à ponctuations basophiles est
classique mais inconstante.
Le traitement repose sur l’usage de
chélateurs comme l’éthylène diamine tétra-acétique (EDTA) calcique,
le dimercaprol ou l’acide 2,3-dimercaptosuccinique.
La lutte contre
le saturnisme passe par l’amélioration des conditions d’habitat.
2-
Cuivre
:
En dehors de la maladie de Wilson, l’ingestion suicidaire ou
accidentelle de sulfate de cuivre (pesticides, « bouillie bordelaise »)
peut également entraîner une hémolyse aiguë.
Une prise en charge rapide en milieu spécialisé est nécessaire.
Il est parfois nécessaire
d’utiliser l’exsanguinotransfusion ou l’hémodialyse.
L’adjonction de
vitamine E combat les effets néfastes liés à l’apparition de radicaux
libres.
3- Hydrogène arsenié :
L’intoxication par ce composé se rencontre à la suite d’inhalation de
vapeurs de zinc chez les ouvriers de la métallurgie.
Elle entraîne
une hémolyse aiguë dans les heures suivant l’exposition. Des
hématies fantômes, correspondant à des lambeaux de membranes
vidées de leur contenu, sont visibles sur les frottis sanguins.
La prise
en charge repose sur des mesures symptomatiques
(oxygénothérapie, lutte contre l’acidose) et surtout sur l’épuration extrarénale, voire l’exsanguinotransfusion.
Les mesures préventives
incluent la présence de systèmes efficaces de ventilation des locaux,
le port de masques de protection et une bonne information des
travailleurs vis-à-vis de ce problème.
B - MÉDICAMENTS :
Il s’agit en général de composés à caractère oxydant conduisant à la
formation de corps de Heinz, témoins de la précipitation de
l’hémoglobine, et à l’apparition d’une sulfhémoglobinémie et d’une
méthémoglobinémie.
La molécule la plus impliquée a été la phénacétine, qui entrait dans la composition d’un grand nombre de
médicaments à visée analgésique.
Les produits à base de phénacétine ne sont plus commercialisés en France depuis plusieurs
années. On peut également citer les sulfamides, les sulfones
(dapsone)…
L’hémolyse est dose-dépendante et son seuil de
déclenchement est fortement abaissé en cas de déficit en G6PD.
À
titre d’exemple, la dapsone peut provoquer une anémie hémolytique
pour des doses supérieures ou égales à 200 mg/j chez les individus
sains et à partir de 50 mg/j lors des déficits en G6PD.
Ceci a conduit
le fabricant à associer de l’oxalate de fer à la dapsone dans les
comprimés de Disulonet afin de réduire le risque d’anémie lié à
l’utilisation prolongée de ce sulfone.
C - VENINS D’ANIMAUX :
Le venin de serpent cobra présente in vitro des propriétés
hémolytiques par l’intermédiaire d’une phospholipase et d’une
protéine basique.
Cependant, une anémie hémolytique est rarement
observée en clinique, sauf si la morsure se traduit par l’injection
directe du venin dans le flux sanguin.
Des cas d’hémolyse ont été
décrits avec certaines araignées, des guêpes et des abeilles ou
des scorpions. Lors de piqûres multiples de guêpes chez des
enfants, il a été rapporté quelques observations d’hémolyses intravasculaires compliquées d’insuffisance rénale requérant des
séances de dialyse.
D - CHAMPIGNONS VÉNÉNEUX
:
Certains champignons sont capables d’induire une hémolyse qui
s’accompagne parfois d’une méthémoglobinémie.
Cette
complication est bien sûr noyée au milieu d’autres atteintes plus
préoccupantes (hépatiques, neurologiques, digestives…).
L’hémolyse
est liée à la présence de certains dérivés toxiques tels que la phalline,
sucre thermolabile présent chez les amanites (hémolyse si le
champignon est consommé cru) ou l’acide helvellique, principe
thermostable, retrouvé chez les helvellacées.
Hémolyses dues aux agents physiques :
A - CHOCS THERMIQUES :
Une hémolyse aiguë peut être observée après des brûlures profondes
(troisième degré) et étendues (plus de 15 à 20 % de la surface
corporelle).
Elle survient dès les 24-48 premières heures et est
directement liée à l’effet de la chaleur sur les hématies (altérations
membranaires par atteinte de la spectrine, le plus souvent à type de
sphérocytose).
À l’opposé, une exposition prolongée à de très basses
températures, se traduisant cliniquement par des gelures, conduit à
des agressions identiques sur les hématies.
B - SURCHARGE AQUEUSE INTRAVASCULAIRE :
Ce type d’hémolyse de cause osmotique (afflux massif d’eau
intravasculaire) peut se rencontrer essentiellement dans deux
circonstances : irrigation abondante à l’eau distillée lors des
résections transurétrales de prostate et absorption ou inhalation
importantes d’eau (survivants de noyades).
Hypersplénisme :
Cette situation, quelles qu’en soient les étiologies, est responsable
d’une destruction accélérée des hématies, principalement en raison
des désordres rhéologiques qu’elles subissent en traversant la rate.
L’intensité de l’hémolyse n’est pas forcément proportionnelle à
l’importance de la splénomégalie.
De plus, le volume sanguin
contenu dans la rate est majoré, ce qui accroît la proportion
d’hématies exclues de la circulation systémique.
L’anémie,
lorsqu’elle existe, est peu marquée et peut s’accompagner d’un degré
variable de leucothrombopénie.