Hématologie et populations (Suite) Cours
d'hématologie
Pathologies de l’hémostase
:
A - DÉFICITS EN FACTEURS DE LA COAGULATION
:
Le nombre des patients atteints de déficits autosomiques récessifs
des facteurs de la coagulation (II, V, VII, X, XI, XIII et fibrinogène)
est significativement augmenté parmi les groupes humains à fort
degré de consanguinité.
Il est en augmentation dans nos sociétés
occidentales (incidence habituelle entre 1/500 000 et 1/2 000 000) en
raison par exemple des mouvements d’immigration de populations
islamiques, chez lesquelles l’incidence est dix fois supérieure, du fait
des coutumes incitant aux mariages consanguins.
Le déficit en facteur XI, décrit pour la première fois par Rosenthal
en 1953 (syndrome de Rosenthal ou hémophilie C), a une incidence
estimée à 1/106 et il est intéressant à étudier sur le plan
anthropologique.
Les manifestations de cette coagulopathie varient
entre la complète absence de symptômes et la survenue
d’hémorragies à la suite de traumatismes ou d’actes chirurgicaux.
La prévalence la plus élevée de déficit en facteur XI est constatée
chez les Ashkénazes (environ 8 %) alors que ce désordre ne se
rencontre que de façon sporadique dans d’autres populations.
Une relative forte fréquence de ce déficit a également été décrite
dans la population basque, où l’on observe une mutation
spécifique.
Les déficits combinés en facteurs V et VIII (désordre
autosomique récessif), que l’on peut retrouver de façon rare dans
bon nombre de populations du globe, semblent plus fréquents
autour de la Méditerranée et plus particulièrement chez les Juifs
sépharades et du Moyen-Orient.
B - ANOMALIES GÉNÉTIQUES PRÉDISPOSANT
À LA THROMBOSE
:
1- Résistance à la protéine C activée liée au facteur V Leiden :
La résistance à la protéine C activée (RPCa) constitue un facteur
biologique majeur prédisposant aux manifestations thrombotiques
veineuses.
Elle est liée dans 85-90 % des cas à une mutation au
niveau du facteur V, avec substitution d’une arginine par une
glutamine en position 506, dite facteur V Leiden.
La transmission
est autosomique dominante.
Le facteur V Leiden représente
actuellement, par sa fréquence, la première cause de thrombophilie
constitutionnelle.
Le risque relatif de thrombose veineuse est
multiplié par 5 à 10 chez les hétérozygotes et par 50 à 100 chez les
homozygotes.
La distribution de cette anomalie varie largement
selon les zones géographiques.
Elle est fréquente au sein
de la population caucasienne (3 à 7 %) mais très rare chez les
Africains ou les Asiatiques.
Une étude a retrouvé un effet fondateur,
estimant que la mutation est survenue il y a entre 21 000 et 34 000
ans, après la divergence des peuples non africains par rapport aux
Africains et après la séparation plus récente des Caucasoïdes et des
Mongoloïdes.
En Europe, il existe un gradient décroissant
nord/sud.
La fréquence de l’allèle est de 0,075 dans le sud de la
Suède et de 0,014 en Italie.
Néanmoins, c’est chez les Grecs
que l’on observe la fréquence la plus élevée de porteurs de cette
anomalie.
En France, la fréquence allélique a été chiffrée chez des
donneurs de sang à 2,59 % en région parisienne (597 individus) et à
1,72 % dans le sud de la France (492 individus).
Les études
effectuées en Amérique du Nord donnent divers résultats reflétant
l’hétérogénéité de la population du fait des vagues migratoires
récentes.
En ce qui concerne le sud de ce continent, aucun cas de
facteur V Leiden n’a été mis en évidence chez les populations
indigènes, ce qui est bien en accord avec leur origine asiatique.
Le facteur V Leiden n’est pas associé aux cas de RPCa rencontrés
chez les Chinois ou au Mexique.
Des travaux ont suggéré que
la prévalence du facteur V Leiden était de 0 % chez les Basques.
Dans ces variations, il faut tenir compte de la taille des populations
étudiées et des critères pour sélectionner les individus.
Le diagnostic
de RPCa est fait par des tests fonctionnels d’hémostase et la mise en
évidence du facteur V Leiden s’effectue par analyse de l’acide
désoxyribonucléique (ADN) par polymerase chain reaction (PCR).
2- Mutation du facteur II (variant G20210A)
:
Cette anomalie génétique, correspondant à la substitution d’une
guanine par une adénine au niveau du nucléotide 20210 de la région
3’ de la prothrombine (ou facteur II), se traduit par une élévation
des taux plasmatiques de ce facteur.
Elle constitue en fréquence
le second polymorphisme en tant que facteur de risque de
thrombose veineuse.
On dénombre de 1 à 5% d’hétérozygotes dans
la population caucasienne (prévalence comparativement plus grande
au sud qu’au nord de l’Europe).
Dans une population
hollandaise, ce variant a pu être mis en évidence chez 18 % des
patients ayant présenté une thrombose.
Cette mutation est
exceptionnelle chez les Africains et les Asiatiques. Parmi eux, un seul cas a été
retrouvé, en Inde.
On peut y ajouter l’absence de la mutation chez
les Inuits du Groenland.
Cette distribution, semblable à celle du
facteur V Leiden, a pu suggérer une origine unique, apparue
probablement au début de la colonisation moderne de l’Europe et
dispersée par les migrations du néolithique à l’occasion de la
diffusion de l’agriculture il y a 10 000 ans.
Il semble que cet effet
fondateur se situerait plutôt après les divergences des Africains
d’avec les non-Africains et des sous-groupes Caucasoïdes d’avec les
Mongoloïdes.
Il a été montré combien la distribution du facteur
V Leiden et du variant PT20210A était confinée à l’Europe,
expliquant la plus grande propension des Européens à présenter des
thromboses veineuses. Y aurait-il un avantage sélectif de cet état
biologique prothrombotique en Europe mais pas ailleurs ?
C - POLYMORPHISMES GÉNÉTIQUES DES FACTEURS
DE LA COAGULATION : L’EXEMPLE DU FACTEUR XIII :
Le polymorphisme Val34Leu de la sous-unité A du facteur XIII, qui
est situé à proximité du site d’activation par la thrombine, serait
protecteur vis-à-vis de l’infarctus du myocarde chez les coronariens, des accidents vasculaires cérébraux ischémiques, de l’embolie
pulmonaire et des thromboses veineuses profondes.
La fréquence
de cet allèle varie selon les ethnies : 0,25 chez les Caucasiens, 0,13
chez les Indiens d’Asie et 0,40 chez les Indiens Pimas.
Adaptation du système érythropoïétique chez les populations
vivant en altitude
:
La principale limitation du transport de l’oxygène à haute altitude
est constituée par la baisse de la capacité de transport de l’oxygène
sur l’hémoglobine en raison de l’hypoxie alvéolaire.
L’adaptation
logique serait un abaissement de la P50 (pression en oxygène en
millimètres de mercure à laquelle les sites de fixation sur
l’hémoglobine sont occupés à 50 %).
À des altitudes modérément
élevées (3 100 m), il existe pourtant une réponse physiologique
paradoxale se traduisant par une augmentation du taux de 2-3 DPG
(diphosphoglycérate) intraérythrocytaire majorant la P50.
Il y a une
corrélation inverse nette entre la valeur de la P50 et le taux
d’hémoglobine.
Les sujets porteurs de variants de l’hémoglobine
avec affinité accrue pour l’oxygène ont une meilleure tolérance
physique et une meilleure capacité d’adaptation à haute altitude
mais présentent souvent une érythrocytose secondaire.
Les individus
avec une hémoglobine Andrew-Minneapolis (P50 : 17 mmHg)
arrivent à maintenir à 3 100 m une saturation normale en oxygène
et ne présentent pas d’élévation du taux d’érythropoïétine.
On les
surnomme les « lamas humains » par analogie à ces animaux vivant
dans les hauts massifs montagneux du globe (Andes et Himalaya)
et qui présentent les mêmes caractères physiologiques adaptatifs.
Il
n’est pas prouvé que les populations humaines vivant à haute
altitude présentent ces processus biologiques.
Dans l’Himalaya par
exemple, les Sherpas ont moins d’hypoxie et un plus faible gradient
de tension en oxygène alvéoloartériel que les sujets vivant en plaine,
ce qui pourrait refléter plutôt une meilleure capacité de diffusion
pulmonaire qu’une affinité accrue de l’hémoglobine pour l’oxygène.
À altitude égale de lieux de vie, les Tibétains (du fait probablement
d’une histoire plus longue de résidence à haute altitude) ont des
taux d’hémoglobine plus bas et un volume globulaire moyen plus
faible que les populations andines.
Chez tout sujet non
autochtone, un séjour en altitude va se traduire par une synthèse
d’érythropoïétine en réaction à la baisse de la PO2 qui va conduire à
une polyglobulie d’adaptation.
Anomalies de l’hémogramme :
A - LEUCONEUTROPÉNIE ETHNIQUE
:
Une leuconeutropénie héréditaire bénigne est observable chez les
sujets à peau noire provenant de divers groupes humains : Africains,
Indiens, Arabes de Jordanie, Juifs yéménites et Falashahs, bédouins.
Elle semble s’expliquer par un défaut de libération des leucocytes
de la moelle hématopoïétique vers le sang circulant.
Cette
particularité n’entraîne pas de conséquences particulières sur le plan
infectieux.
B - HYPERÉOSINOPHILIES PARASITAIRES :
Ces perturbations hématologiques sont extrêmement fréquentes sur
la planète et reflètent l’infestation par des helminthes, souvent en
rapport avec le mode de vie des individus, le manque d’hygiène, et
dépendant sur le plan géoclimatique de la présence des vecteurs
adéquats.
Les principales étiologies des hyperéosinophilies dans les
zones tropicales sont les filarioses, les schistosomiases,
l’ankylostomiase et l’anguillulose.
Sous nos climats européens, c’est
la grande douve du foie à Fasciola hepatica qui est le plus souvent en
cause en liaison avec la consommation de cresson porteur de kystes.
L’ascaridiose, qui se contracte par l’ingestion d’oeufs contaminant la
nourriture, est présente chez environ un milliard d’êtres humains et
habituellement asymptomatique.
La filariose lymphatique, transmise
par la piqûre d’un moustique, est due à Wuchereria bancrofti
(Amérique latine, Asie, îles du Pacifique et Afrique sub-saharienne),
Brugia malayi (Asie du Sud-Est) ou Brugia timori (Indonésie).
La loase à Filaria loa loa, qui sévit en Afrique du Centre-Ouest, se
transmet par la piqûre d’une mouche de type chrysops.
L’onchocercose à Onchocerca volvulus (dont le vecteur est un
moucheron) est très prévalente autour des rivières d’Afrique
équatoriale et d’Amérique centrale où elle représente la cause
majeure de cécité.
La trichinose se contracte en consommant de la
viande de porc insuffisamment cuite.
Elle est fréquente en Asie du Sud-Est et inconnue chez les peuples sémites du fait du tabou
religieux.
La méningite éosinophilique à Angiostrongylus cantonensis
se rencontre en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique et est en rapport
avec la consommation de mollusques d’eau douce.
Les
schistosomiases à Schistosoma (ou bilharzioses) sont transmises par
le contact cutané avec l’eau douce infectée par des larves.
Trois
espèces principales infectent l’homme : S. haematobium (Afrique et
Moyen-Orient, véritable problème de santé publique depuis des
millénaires sur les bords du Nil), S. mansoni (Moyen-Orient,
Caraïbes et Amérique du Sud) et S. japonicum (Chine, Japon et Asie
du Sud-Est).
C - POLYGLOBULIE DES CHUVASHS :
Les polycytémies primaires ou secondaires sont des entités rares qui
ont été rapportées sans spécificité géographique particulière jusqu’à
ce que soit publiée par des auteurs russes une forme de polycytémie
congénitale familiale atteignant une population particulière, les
Chuvashs, vivant au bord de la région moyenne de la Volga.
Il s’agit
d’une affection autosomique récessive. Le taux moyen
d’hémoglobine est supérieur à 22 g/dL alors que les taux de
leucocytes et de plaquettes demeurent strictement normaux.
Du fait
des conséquences rhéologiques induites par cette affection, se
traduisant par des accidents thrombotiques ou hémorragiques, les
porteurs de cette anomalie dépassent rarement le cap des 40 ans.
Cette anomalie est associée à une mutation dans le gène à l’origine
du syndrome de von Hippel-Lindau (VHL) sous la forme d’une
substitution C->T qui provoque l’apparition d’un résidu
tryptophane à la place d’une arginine en position 200.
La protéine
mutée VHL ne remplit plus son rôle habituel dans la dégradation
d’un facteur inductible par l’hypoxie (HIF1) d’où la présence d’un
état d’hyperactivation de certains gènes stimulant l’érythropoïèse,
en particulier le gène codant pour l’érythropoïétine. Le taux
d’érythropoïétine endogène est significativement majoré mais il n’y
a pas de modifications au niveau de son récepteur.
Plus de
100 cas parmi 81 familles avaient été répertoriés dès 1977.
Il existe
plusieurs milliers de porteurs hétérozygotes de l’affection dans cette population.
Quelques cas ont été décrits récemment dans des
familles originaires d’Asie ou d’Europe de l’Ouest.
Anomalies du métabolisme martial :
A - HÉMOCHROMATOSE HÉRÉDITAIRE CLASSIQUE
« EUROPÉENNE » :
L’hémochromatose génétique est responsable d’une accumulation
excessive de fer dans certains viscères (foie, pancréas, coeur…) du
fait d’une absorption intestinale anormalement accrue.
Le
syndrome clinique incluant un diabète, une cirrhose et un
accroissement de la pigmentation cutanée a été décrit initialement
par Trousseau en 1865.
Presque un quart de siècle plus tard, le terme
« hémochromatose » est attribué à ce syndrome et l’excès de fer
tissulaire est mis en évidence par von Recklinghausen.
En 1935,
Joseph Sheldon, un gérontologue britannique, conclut à la nature
génétique de la maladie et à l’implication d’un trouble du
métabolisme martial.
La preuve de ce substratum génétique a été
apportée en 1976 quand une équipe rennaise a démontré la relation
étroite avec la spécificité HLA-A3.
La principale mutation (C282Y)
à l’origine de ce désordre métabolique a été rapportée en 1996 au
niveau du gène HFE, situé sur le bras court du chromosome 6, qui
correspond au niveau protéique au remplacement en position 282
d’une cystéine par une tyrosine.
Des études ont abouti à dater
cette mutation à environ 104 générations, avec une ancienneté
chiffrée à environ 2 000 ans (intervalle de confiance à 90 % : 750-
3 400 ans).
À partir de l’étude des déséquilibres de liaison,
d’autres auteurs pensent que la mutation originelle semblerait être
survenue il y a environ 2 800 ans, de façon contemporaine des
massives migrations des populations celtes puis secondairement
sous l’effet des invasions des Vikings.
D’autres hypothèses sont
envisageables.
Les hommes du paléolithique jouissaient d’un régime
alimentaire riche en viande, ce qui leur fournissait une grande
quantité de fer directement absorbable.
Avec le développement
de l’agriculture et la diminution de consommation des produits
d’origine animale, le déficit d’apport en fer fit son apparition.
L’hémochromatose génétique a pu ainsi conférer un avantage
sélectif dans les endroits où les apports alimentaires en fer étaient
limités.
De nos jours, cette maladie constitue une des affections de
transmission génétique les plus répandues dans les populations nord-européennes (notamment chez les Celtes).
Sur la base des
données obtenues chez plus de 11 000 donneurs de sang, on estime
qu’au moins un allèle de ce type est porté par un Américain
d’origine européenne sur dix.
La mutation « accessoire » H63D
correspond à la substitution en position 63 d’une histidine par un
acide aspartique.
L’homozygotie C282Y ou l’hétérozygotie
composite C282Y et H63D constituent les présentations génétiques
les plus communes de cette maladie. Quelques équipes ont étudié la
répartition de ces mutations selon les aires géographiques.
Ainsi,
l’unité d’hématologie moléculaire d’Oxford a examiné 5 956
chromosomes issus de 2 978 personnes originaires des cinq
continents, à la recherche de ces deux mutations par PCR suivie
d’une analyse par restriction enzymatique.
La prévalence globale
dans la population mondiale est de 1,9 % pour l’allèle C282Y et de
8,1 % pour H63D.
La distribution de l’allèle C282Y est maximale
chez les Irlandais (10 %) et de 0 sur 1 042 chromosomes africains,
484 chromosomes asiatiques et 644 chromosomes d’Australie.
Les
Basques ont la plus haute fréquence de l’allèle H63D (30,4 %).
Environ 15 % des cas européens d’hémochromatose
génétique ne sont pas reliés à ces deux mutations.
L’équipe de Brest
a décrit en 1999 une mutation S65C du gène HFE pouvant être
impliquée dans les formes modérées de la maladie.
La protéine HFE mutée est à l’origine du phénomène d’hyperabsorption
digestive du fer.
Des mutations au niveau du gène TFR2 (transferrin
receptor 2) ont également été rapportées.
Des effets fondateurs
secondaires ont été individualisés chez des Australiens et des
Sud-Africains.
B - SURCHARGE MARTIALE « AFRICAINE »
:
La surcharge martiale constitue dans certaines régions d’Afrique
Noire un problème de santé publique qui est sous-estimé et dont
l’anomalie génétique causale n’est pas encore isolée, puisque la
mutation HFE n’est pas retrouvée et qu’il n’y a pas de lien avec le
locus HLA.
Cette entité a été décrite pour la première fois en
1929 par l’Ecossais Strachan dans sa thèse de doctorat en médecine,
à propos de plus de 500 cas autopsiques étudiés à Johannesburg.
En Afrique sub-saharienne (Ouganda, Kenya, Tanzanie,
Mozambique, Malawi, Zambie, Zimbabwe, Lesotho, Botswana,
Afrique du Sud, Swaziland, Angola, ex-Zaïre), on estime que la
prévalence de cette anomalie associée à une atteinte hépatique est
de l’ordre de 10 %.
Il s’agit de populations descendant de
peuples parlant le dialecte bantou (d’où l’ancienne appellation de
l’affection « sidérose des Bantous »).
Il y aurait un facteur
nutritionnel par le fait d’un régime trop riche en fer.
La boisson
fermentée traditionnelle (bière) est en effet fabriquée dans les
familles à l’intérieur de récipients en acier non-galvanisé, d’où
l’autre nom donné de « surcharge martiale nutritionnelle ».
Cette
pathologie a tendance à devenir plus rare en zone urbaine mais elle
se maintient dans les campagnes où cette tradition alimentaire se
perpétue.
Il ne s’agit pas d’une forme d’hépatopathie alcoolique avec
surcharge ferrique et les dépôts de fer dans le foie ont une
répartition cellulaire distincte des hémochromatoses génétiques
HFE.
Cette surcharge en fer s’associe à un risque accru de mortalité
par tuberculose et carcinome hépatocellulaire. Outre l’hypothèse
purement alimentaire, il semble que l’affection ait également un
support génétique.
Le phénotype pathologique apparaît en fait
résulter d’une interaction entre une surcharge d’apport en fer et
l’expression d’un gène favorisant l’accumulation de ce métal dans
l’organisme et qui n’a pas été encore caractérisé.
Il s’agit là d’une
intéressante combinaison entre les phénomènes génétiques et péristasiques.
Une surcharge significative en fer peut être également
rencontrée chez les Afro-Américains descendants d’esclaves, mais
son épidémiologie est beaucoup moins connue.
Hémopathies malignes :
A - DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES GÉNÉRALES :
Il existe énormément de littérature concernant l’épidémiologie et la
recherche des facteurs de risque pour les leucémies et les
lymphomes.
De façon générale, leur fréquence semble plus faible en
Asie qu’en Amérique du Nord ou en Europe.
Pour les leucémies
lymphoïdes, les fréquences sont quatre à cinq fois plus élevées à
l’Ouest ; ce ratio passe à 10 pour la leucémie lymphoïde chronique,
qui est une maladie rare en Orient.
Les Asiatiques émigrés aux États-Unis conservent cette caractéristique, cela suggérant l’intervention
d’un facteur génétique plutôt qu’environnemental.
L’incidence du
myélome multiple est à peu près double chez les Afro-Américains
par rapport aux Caucasiens.
Parmi les leucémies aiguës myéloïdes
(LAM), la forme promyélocytaire (M3) semble très significativement plus fréquente chez les Latino-Américains et les Espagnols.
Cela a
été retrouvé dans des études effectuées au Mexique, au Pérou,
en Espagne et chez les immigrés d’origine hispanique vivant en
Californie.
Chez ces derniers, la forme M3 représentait 38 % des cas
de LAM par rapport à 7 % pour les patients d’autres origines.
Le
phénomène d’allongement de la durée de vie des populations de
nos sociétés dites « développées » conduit à une augmentation de
fréquence de plusieurs types d’hémopathies malignes, en particulier
les LAM et les myélodysplasies.
Les expositions à des produits
toxiques ne sont éventuellement pourvoyeuses que de cas isolés
d’hémopathies à l’exception probablement des grandes catastrophes
(attaques atomiques de Nagasaki et Hiroshima, accident de la
centrale nucléaire de Tchernobyl ?) dont les répercussions réelles sur
les populations en termes de morbidité et de mortalité n’ont jamais
été divulguées avec précision.
Les lymphomes non hodgkiniens ont
une incidence qui a considérablement augmenté ces dernières
années dans les pays industrialisés, sans qu’aucune explication claire
ne soit avancée.
B - LYMPHOME DE BURKITT ET VIRUS D’EPSTEIN-BARR :
Cette maladie maligne a été décrite en 1958 par Dennis Burkitt qui,
bien qu’ignorant initialement sa composante infectieuse, est aussi à
l’origine des études épidémiologiques effectuées en Afrique sur cette
tumeur.
On la rencontre avec les fréquences les plus élevées en
Afrique équatoriale et en Nouvelle-Guinée, qui sont des régions aux
conditions géoclimatiques particulières concernant l’altitude, la
température, la pluviométrie et la présence du paludisme à
Plasmodium falciparum.
Pratiquement tous les cas africains sont
associés à une positivité sérologique concernant le virus d’Epstein-Barr (EBV).
C’est d’ailleurs également le cas dans un fort
pourcentage de ceux constatés dans les pays en voie de
développement, alors que l’implication de ce virus dans le
lymphome de Burkitt est rare au sein des pays industrialisés (autour
de 20 % des cas).
Les cas africains se situent en outre dans des
régions d’endémie palustre.
Le paludisme et l’EBV sont tous deux
de puissants inducteurs mitogènes vis-à-vis des lymphocytes B, le
premier nommé ayant en plus un effet immunosuppresseur.
On doit donc considérer deux sous-groupes, les cas endémiques et
les non-endémiques.
Les premiers se caractérisent par un pic de
survenue plus précoce (5-7 ans contre 15 ans dans nos contrées) et
une localisation préférentielle à la mâchoire alors que les ganglions
mésentériques sont les plus fréquemment touchés dans les zones
non endémiques.
L’EBV est également impliqué dans la maladie
de Hodgkin, dont l’épidémiologie est clairement différente entre les
populations des pays pauvres et celles des pays riches.
C - LEUCÉMIES/LYMPHOMES À CELLULES T LIÉES
À L’« HUMAN T-CELL LYMPHOTROPIC VIRUS TYPE-I »
:
Il existe une liaison étiologique entre le virus HTLV I (Human T-cell
lymphotropic virus type-I) et les leucémies/lymphomes à cellules T
(ATL).
On retrouve une intégration monoclonale de l’ADN proviral
dans les cellules tumorales.
Ce virus est endémique surtout dans le
sud du Japon mais aussi dans les Caraïbes et certaines régions
d’Afrique, d’Amérique latine, du Moyen-Orient et du Pacifique (ou
bien sûr chez les immigrants provenant de ces régions).
On estime
entre 15 et 20 millions le nombre d’individus porteurs de ce virus à
travers le monde, avec une incidence augmentant avec l’âge, cela
étant associé avec une fraction croissante de femmes.
Les voies de
transmission de l’infection sont l’allaitement (après que les IgG
maternelles transmises ont disparu), les relations sexuelles (plus
fréquemment dans le sens homme -> femme), l’inoculation de sang
infecté (transfusions de dérivés cellulaires, toxicomanie
intraveineuse).
L’incidence de l’ATL est rare chez les porteurs du
virus (< 5 %).
Le virus HTLV I n’intervient que de façon tardive et
selon des modalités encore imparfaitement connues dans la
leucémogenèse.
Ce virus est également en cause dans des maladies extrahématologiques, neurologiques ou inflammatoires.
D - HÉMOPATHIES MALIGNES ET VIRUS DE L’HÉPATITE C
:
La prévalence du virus de l’hépatite C (VHC) varie selon les pays
avec en Europe un gradient nord/sud, l’Italie étant l’un des pays les
plus touchés (2 à 3 %). Le VHC est associé aux cryoglobulinémies
mixtes, qui évoluent parfois vers des lymphomes de bas grade.
L’association entre VHC et lymphomes non hodgkiniens n’a été
établie pratiquement qu’en Italie (parfois aux États-Unis et au Japon)
et concernant des types histologiques particuliers de phénotype B
(immunocytomes, lymphomes lymphoplasmocytaires, lymphomes
de la zone marginale).
La présence d’un ou de plusieurs
cofacteur(s) encore inconnu(s) explique(nt) vraisemblablement cette
particularité géographique.
Très récemment, le même virus a été
retrouvé avec des fréquences significativement plus élevées dans les
myélomes en Italie.
E - LYMPHOMES GASTRIQUES
DU « MUCOSA-ASSOCIATED LYMPHOID TISSUE »
ET INFECTION À « HELICOBACTER PYLORI »
:
Le développement du lymphome gastrique du mucosa-associated
lymphoid tissue (MALT), représentant entre 1 et 5 % des tumeurs
malignes de l’estomac, est dépendant de l’infection par Helicobacter
pylori.
Une incidence particulièrement forte de cette entité a été
rapportée dans le nord-est de l’Italie en association avec une
fréquence élevée de gastrites à Helicobacter pylori.
F - APLASIES MÉDULLAIRES IDIOPATHIQUES :
La fréquence de cette pathologie est estimée à environ
2/1 000 000/an.
Il a été retrouvé une incidence à peu près double en
Thaïlande (et même triple dans la province de Khonkaen).
Une
vaste étude effectuée sur 21 provinces chinoises a débouché sur une
incidence de 7,4/1 000 000.
Dans tous les cas, les zones rurales
sont plus touchées que les villes.
L’aplasie dite « posthépatitique »
est plus rare en Asie que dans les populations européennes ou nordaméricaines.
En Thaïlande, de mauvaises conditions socioéconomiques
et un antécédent d’exposition à certains virus
sont considérés comme des facteurs de risque.
Il est à noter que
cette forte incidence d’aplasie médullaire semble également
retrouvée chez les populations originaires de l’est et du sud de l’Asie
émigrées au Canada, ce qui laisse supposer une implication
importante des facteurs génétiques.
Par ailleurs, outre l’Extrême-Orient, l’aplasie médullaire semble surreprésentée en Inde, en
Amérique latine et peut-être en Afrique, qui constituent également
des pays de bas niveaux socio-économiques.