Grossesses prolongées Cours de
Gynécologie Obstétrique
Historique
:
Au XVIe siècle, François Rabelais en qualité de médecin fut consulté comme
expert par Pélicier, ambassadeur de François ler àVenise, sur une contestation
de la date de conception ; dans son histoire de Gargantua, cet écrivain décrit
comment « Gargantua fut 11 moys porté au ventre de sa mère », « elle
engroissa d’un beau filz et le porta jusqu’à l’onzième moys ».
Dans ses
oeuvres, Rabelais n’oublie pas non plus la jurisprudence qui, depuis
l’empereur Hadrien, permettait aux veuves de satisfaire librement leurs désirs
durant les deux mois suivant le trépas de leur mari.
Montaigne (Livre II,
chapitre12) en 1580 accepte la durée de 11 mois. Baudelocque dans son « Art
des accouchements » écrit :
« l’époque la plus ordinaire de l’accouchement est la fin du 9e mois de la
grossesse, mais elle n’est pas invariable ».
Napoléon, dans l’article 311 du Code civil, stipule que la légitimité de l’enfant
né 300 jours après la dissolution du mariage peut être contestée : c’est le droit
de contester mais non le droit de renier la paternité qui est offert à l’expiration
de ce délai (délai de viduité).
La loi coranique est à cet égard plus libérale, admettant que l’enfant peut
« s’endormir » dans le ventre de sa mère et venir au monde des mois et des
mois après la mort du père.
Pinard mettait en doute la possibilité de grossesse prolongée, il pensait qu’il
pouvait s’agir de gestations retardées à leur début.
Ce n’est qu’en 1902 que Ballantyne a été le premier à reconnaître le syndrome de postmaturité et la
morbidité accrue lors des dépassements de terme.
Depuis une trentaine d’années, les observations sur la physiopathologie de la
maturité ont été le point de départ de nombreux travaux sur la grossesse
prolongée ; à l’heure actuelle, leur reconnaissance est bien établie, leur
nombre diminuant dans l’absolu pour deux raisons : une meilleure maîtrise
de la détermination du terme exact (échographie précoce) et le déclenchement
des accouchements avant le dépassement de terme (42 SA).
Durée de la grossesse
:
La répartition de la durée de grossesse en fonction du terme s’établit selon
une courbe assez proche d’une courbe de Gauss en calculant à partir du
premier jour des dernières règles.
On obtient un mode d’environ 280 jours, ce
qui correspond à 40 SAchez une femme ayant des cycles réguliers de 28 jours,
la moyenne étant de 270 jours.
Cette durée est sujette à des variations dites
physiologiques faisant intervenir des facteurs ethniques et nutritionnels entre
autres.
En 1990, Papiernik a rapporté, dans une étude sur la durée moyenne de
gestation réalisée aux États-Unis, un raccourcissement de 5 jours chez les
femmes noires par rapport aux femmes blanches.
Définitions :
La grossesse prolongée, selon les définitions de la Fédération internationale
des gynécologues et obstétriciens (FIGO), est une grossesse qui dure plus de
42 SA révolues (294 jours).
Dans le cas de femmes présentant des cycles
irréguliers ou dont la date des dernières règles est imprécise, il s’agit d’une
durée basée sur une détermination théorique de la date de l’ovulation.
Cette
limite purement chronologique est retenue parce qu’elle correspond à une
augmentation de la morbidité et de la mortalité périnatales.
On a pu établir
que l’incidence des grossesses prolongées variait selon le soin avec lequel
avait été déterminée la date d’ovulation dans la population étudiée.
Boyce, fixant chez 317 femmes la date de début de grossesse sur courbe
thermique, a montré que si la durée de la grossesse avait été calculée à partir
des seules dernières règles on aurait obtenu un taux de grossesses prolongées
près de trois fois supérieur à la réalité.
L’incidence des grossesses prolongées varie ainsi entre 2 à 6% selon les
auteurs et selon qu’ils corrigent ou non l’âge gestationnel, en particulier par
une échographie précoce, dont l’apport se révèle très important.
D’autres concepts sont utilisés couramment en clinique avec des définitions
très variables.
Le dépassement de terme, ou post-terme, définit une situation liée à une
grossesse prolongée.
Le nouveau-né post-terme est un nouveau-né dont le développement in utero
a été plus long.
Il correspond à un enfant morphologiquement plus âgé.
La postmaturité désigne un syndrome clinique postnatal néonatal en rapport
avec une hypoxie foetale d’origine placentaire.
Cette situation peut survenir à
n’importe quel terme, mais est plus fréquente en cas de grossesse prolongée.
Facteurs favorisant le dépassement de terme
:
De nombreux facteurs interviennent dans la physiologie du déclenchement
spontané du travail. Une anomalie d’un de ces facteurs peut être à l’origine
d’un dépassement de terme.
Le mécanisme précis reste inconnu. Plusieurs théories ont été proposées.
A - Théorie mécanique
:
Elle met en cause la surdistension utérine.
B - Théorie immunitaire
:
Elle renvoie à la diminution de réaction de tolérance maternofoetale en fin de
grossesse.
C - Théorie hormonale :
– Diminution du rapport progestérone/oestrogènes (hypothèse infirmée par
les dosages hormonaux, mais rediscutée actuellement en relation avec
l’action de la mifépristone) ;
– Sécrétion d’ocytocine foetale, de vasopressine et, finalement, de cortisol
foetal (mais à un moindre degré que chez l’agneau).
D - Théorie placentaire :
En fait, il semble que le mécanisme de l’insuffisance placentaire soit
complexe, incluant :
– des phénomènes locaux (maturation cervicale et myométriale,
accommodation foetopelvienne) ;
– des modifications placentaires en rapport éventuellement avec des
perturbations de la réaction immunitaire maternofoetale, responsables
d’anomalies des échanges vasculaires, de perturbations métaboliques à
l’origine d’une sécrétion locale de prostaglandines.
Classiquement, les facteurs suivants ont été incriminés comme favorisant la
grossesse prolongée :
– les antécédents de grossesses prolongées ;
– l’origine ethnique, avec une incidence supérieure de la grossesse prolongée
dans la race blanche ;
– le rôle de l’âge maternel est controversé, celui de la parité l’est également ;
– l’hypothyroïdie maternelle, la toxémie gravidique et un facteur
constitutionnel ont également été incriminés.
Certains facteurs mécaniques ont également été rendus responsables d’un
dépassement de terme : par défaut de stimulation du pôle foetal sur le col dans
le cas d’une disproportion foetopelvienne importante ou par anomalie de la
résistance du col ; Cabrol et al ont mis en évidence une corrélation entre
un coefficient de distensibilité cervicale bas ou un score de Bishop bas et un
terme d’accouchement supérieur à 41 SA.
Ils en concluent qu’une maturation
cervicale incomplète peut être à l’origine de grossesse prolongée comme
l’avait publié Harris.
Les auteurs suggèrent que d’autres facteurs pourraient intervenir, tel un
dysfonctionnement de la contractilité utérine. Boyd évoque ce mécanisme
essentiellement chez les primipares.
L’anencéphalie sans hydramnios, l’hydrocéphalie, la trisomie 18,
l’hypoplasie congénitale des surrénales sont classiquement décrites comme
favorisant les grossesses prolongées.
Le rôle possible des glucocorticoïdes a
justifié, pour certains auteurs, leur injection dans la cavité amniotique en vue
de déclencher le travail.
Modifications placentaires :
Des modifications du placenta postmature sont classiquement observées avec
dépôts calciques, dégénérescence progressive des villosités pouvant altérer
les mécanismes d’échange foetomaternel.
Cependant, l’examen du placenta de grossesses prolongées ne montre pas
d’augmentation de fréquence des anomalies telles que infarctus placentaires,
calcifications ou dépôts périvillositaires de fibrine.
L’anomalie histologique
la plus caractéristique que l’on retrouve, mais pas de façon systématique, est
une diminution de la perfusion des villosités placentaires.
Les
vaisseaux des villosités placentaires sont normaux dans les placentas issus de
grossesses prolongées et le doppler a montré en général, mais pas de façon
unanime, qu’il n’y avait pas d’augmentation des résistances placentaires dans
ces placentas.
En réalité, les constatations histologiques sont variables :
– en cas de grossesse prolongée non compliquée, la surface villositaire est
normale (11 à 14 m2), ou même augmentée (14 à 15 m2) ; de plus, la présence
en proportion importante d’enfants macrosomes en fin de grossesse témoigne
clairement que le placenta après 40 SA continue à garder toutes ses fonctions
et même reste capable d’assurer une bonne croissance foetale, ce qui va à
l’encontre de la théorie uniciste de vieillissement placentaire ;
– en cas de grossesse prolongée avec enfant postmature, la surface villositaire
est diminuée (6 à 9 m2).
Cependant, il a été également noté des cas de postmaturité avec augmentation
de la surface des villosités placentaires (22 m2), ces villosités semblent
cependant inadéquates en raison d’un défaut de vascularisation et d’une
agglutination villositaire.
Il a été souvent admis que la croissance placentaire et la synthèse de l’acide
désoxyribonucléique (ADN) cessent vers 36 SA et que l’augmentation de la
taille du placenta est alors due à une augmentation de la taille des cellules et
non pas à une augmentation du nombre de celles-ci.
Le simple examen
histologique du placenta à terme permet de réfuter ce point de vue, car des
villosités intermédiaires immatures sont souvent présentes au centre des
lobules et ces zones représentent des zones de croissance placentaire.
De plus,
la quantité totale d’ADN placentaire continue à augmenter d’une manière
linéaire, même après 42 SA.
Ceci confirme ce qui avait été montré en
autoradiographie et en cytométrie de flux, c’est-à-dire une augmentation
persistante des villosités, une expansion de la surface de celles-ci et une
arborescence de l’arbre villositaire même après le terme.
La croissance placentaire ralentit certainement, mais ne cesse assurément pas,
durant les dernières semaines de la grossesse, bien que le déclin de la
croissance placentaire ne soit pas invariable ni irréversible.
En effet, le
placenta peut continuer à croître s’il est en rapport avec un environnement
peu favorable, tel qu’une grossesse en altitude ou une anémie maternelle
sévère.
Il est vraisemblable qu’il existe plusieurs tableaux anatomocliniques
correspondant à des grossesses dont la durée est plus longue sans anomalie
placentaire ni foetale et des grossesses dont la durée est variable avec anomalie
placentaire témoignant d’une insuffisance placentaire avec retentissement
foetal, ces anomalies pouvant être compensées dans un premier temps comme
dans l’anémie foetale puis décompensée secondairement.
Diagnostic de dépassement de terme :
Le diagnostic de grossesse prolongée au-delà de 42 SA ne peut être posé que
si la date de début de la grossesse a été déterminée avec exactitude.
Dans tous
les autres cas, il ne peut s’agir que de la suspicion d’une telle pathologie, ce
qui permet de souligner l’importance de la détermination la plus précise
possible de la date de début de grossesse lors du premier trimestre de la
grossesse, lorsque les souvenirs maternels sont récents et qu’il persiste la
possibilité d’obtenir par échographie fiable cette date.
A - Date de début des dernières règles (DDR) :
C’est le repère classique permettant le calcul du terme.
Chez une femme ayant
des cycles réguliers, la date de début de grossesse peut être fixée 14 jours
avant la date présumée des premières règles manquantes.
Dans d’autres situations, la réalisation d’une courbe thermique, l’induction
de l’ovulation ou la connaissance de la date d’insémination permettent de
déterminer avec fiabilité la date de la fécondation.
Il existe, en revanche, de nombreuses situations (cycles menstruels
irréguliers, aménorrhée, arrêt récent de la contraception locale, métrorragies
survenant à la date anniversaire des premières règles manquantes ou
simplement oubli de la DDR) où la date de début de grossesse ne peut être
déterminée avec certitude lors du premier examen obstétrical.
B - Échographie du premier trimestre de la grossesse
:
Le critère échographique le plus précis permettant de déterminer la date de
grossesse est la mesure de la longueur craniocaudale entre 7 et 13 SA.
La dispersion des résultats des mesures est assez faible, avec 4 jours à 10 SA.
La précision est la plus grande lorsque le foetus mesure entre 40 et 60 mm de
longueur craniocaudale.
Cette dispersion devient plus importante à partir de 13-14 SA en raison des
variations de longueur d’un foetus à l’autre et de la fréquente flexion foetale
minorant la mesure.
C - Échographie du deuxième trimestre de la grossesse
:
Jusqu’à 20 SA, on peut tenter de déterminer la date de début de grossesse par
la mesure conjointe du diamètre bipariétal et de la longueur fémorale.
En effet, la précision de chacune de ces mesures durant cette période est
d’environ plus ou moins 7 jours.
La répétition de deux échographies à l5 jours d’intervalle, dans une période
où la croissance est présumée linéaire et globalement identique pour tous les
foetus, est alors un argument de précision supplémentaire de la mesure.
Cependant, l’utilisation de l’échographie comme moyen de détermination du
terme n’est pas sans faille.
En effet, le terme de la grossesse est déterminé par
rapport à des dimensions physiques (longueur craniocaudale, diamètre
bipariétal, longueur fémorale) qui varient elles-mêmes en fonction des
groupes (ethnies, mode de vie) et du sexe du foetus.
Henriksen étudie les variations du terme de la grossesse chez
3 606 patientes connaissant avec certitude leur DDR, en réalisant une
échographie avant 20 SA.
Alors que la plupart des auteurs trouvent que la
détermination du terme par échographie a plutôt tendance à minorer le
nombre de grossesses prolongées, il trouve au contraire une majoration
de celles-ci.
Ses courbes de références provenaient d’une région danoise où
les poids de naissance sont plus faibles que dans la région de l’étude, d’où un
éventuel biais.
En effet, ces plus petits poids de naissance sont peut-être
associés à des plus petites dimensions foetales lors du début de grossesse.
Cependant, il compare l’effet de l’échographie dans sa cohorte en la
subdivisant selon des critères influençant la croissance foetale.
Ainsi, il trouve
moins de grossesses prolongées sur les foetus filles que garçons, en
déterminant le terme par échographie.
En revanche, en calculant le terme par
la DDR, il ne trouve pas de différence entre les foetus masculins et féminins.
Mongelli, dans une étude rétrospective concernant 34 249 grossesses avec
une DDR sûre, a évalué le pourcentage d’induction du travail de principe à
41 SA, en fonction du moyen de détermination du terme.
L’auteur entend par règle des 7 jours, 10 jours etc, l’acquisition du terme
théorique à la place du terme échographique si la différence est inférieure à
7 jours et l’inverse si la différence est supérieure à 7 jours, en se basant sur le
fait que la DDR est certaine.
Il y a moins de femmes nécessitant une induction de principe à 41 SA lorsque
l’on utilise simplement l’échographie comme moyen de détermination du
terme de la grossesse.
Ainsi, l’auteur conclut que le seul moyen de déterminer
le terme de la grossesse, même si la DDR est considérée comme certaine, est
la datation par échographie, la plus fiable des techniques sans même la
confronter à la DDR.
On voit la difficulté de dater précisément le terme de la grossesse et les
conséquences que cela peut provoquer.
Au vue de ces difficultés, et en
l’absence de moyen sûr et efficace, il semblerait nécessaire d’adopter un
consensus de méthode de datation de la grossesse, ce qui aurait au moins le
mérite d’apporter plus d’homogénéité dans les différentes séries publiées.
D - Apport de l’échographie après 20 SA :
La détermination échographique du terme reste alors très imprécise.
La mesure du diamètre bipariétal apporte jusqu’à 28 SAune précision de plus
ou moins 10 jours, puis de plus ou moins 14 jours jusqu’à 30 SA, puis de plus
ou moins 21 jours jusqu’à 42 SA.
En effet, la vitesse de croissance
hebdomadaire du diamètre bipariétal est plus rapide au début de la grossesse
qu’à la fin.
L’imprécision liée à la mesure est donc plus importante en fin de
grossesse.
De plus, dans les grossesses compliquées, l’estimation du diamètre
bipariétal perd toute précision en cas de macrosomie ou de retard de
croissance intra-utérin.
La mesure de la longueur du fémur permet en principe de dater l’âge de la
grossesse à 8 jours près jusqu’à 42 SA.
C’est donc celle qui assure la précision
la plus grande dans la détermination de l’âge gestationnel.
E - Éléments de diagnostic de maturité foetale :
Des critères de maturité foetale permettent plus d’éliminer une prématurité
que de diagnostiquer un dépassement de terme. Ils constituent essentiellement
des éléments d’appréciation de l’âge gestationnel en cas d’incertitude
importante sur le terme.
Le diamètre bipariétal, lorsqu’il est supérieur à
92 mm, est considéré comme critère de maturation pulmonaire satisfaisante
par la plupart des auteurs.
Le degré de sénescence placentaire, tel qu’il a
été défini par Grannum, a permis d’établir des corrélations avec la maturité
pulmonaire.
En effet, le stade III est associé à un rapport lécithine/sphingomyéline (L/S)
dans le liquide amniotique supérieur ou égal à 2 dans presque 100 % des cas.
Néanmoins, son apparition est tardive, en moyenne à 38 SA, et son absence
ne saurait être rapportée à un défaut de maturité foetale.
Les points
d’ossification du genou ont également fait l’objet d’études corrélant leur
visualisation échographique avec la maturation pulmonaire foetale.
Le point échographique d’ossification fémoral inférieur apparaît le plus
souvent dès la 33e SA, soit en moyenne 3 semaines avant sa mise en évidence
radiologique.
Un point d’ossification fémorale inférieur supérieur à 5 mmest
corrélé dans 95 % des cas avec un L/S supérieur à 2 pour une sensibilité de
45 %.
Le point d’ossification tibial supérieur apparaît de façon constante
après la 37e SA et dans deux tiers des cas à partir de la 35e SA.
On peut retenir
les chiffres de 5-7 mm pour le point d’ossification fémoral inférieur et de
3-4 mm pour le point d’ossification tibial supérieur comme critères
satisfaisants (hors les diabétiques).
D’autres critères ont été décrits comme témoignant d’une bonne maturité
foetale, comme la réflectivité pulmonaire du foetus par rapport à celle du foie.
La valeur pronostique de ce signe est discutée : Feingold a retrouvé une
valeur prédictive positive d’une échogénicité du poumon supérieure à celle
du foie de 53,8 % pour un rapport L/S supérieur à 2.
L’ensemble de ces critères a une sensibilité tout à fait limitée quand il s’agit
de reconnaître un dépassement de terme.
Leur absence permet seulement
d’éviter de grossières erreurs.
Il en est de même pour l’étude radiologique du foetus à terme où l’absence de
point d’ossification (point fémoral inférieur apparaissant à 36 SA et présent
chez 95 % des foetus à terme, point tibial supérieur apparaissant après la
38e SA et présent chez 60 % des foetus à terme) est un argument contre la
prématurité dans une grossesse estimée prolongée.
Au total, le diagnostic de dépassement de terme ne peut être posé que si la
détermination de la date de début de grossesse a été pratiquée avec rigueur
lors du premier trimestre.
Dans le cas contraire, l’échographie ne peut permettre au mieux qu’une large
approximation de l’âge gestationnel avec pour inconvénient d’inclure dans le
groupe des grossesses présumées prolongées de faux cas de dépassement du
terme.
Conséquences néonatales et maternelles :
A - Conséquences maternelles :
La prolongation de la grossesse n’a que peu d’incidences sur la santé
maternelle en dehors d’un pourcentage plus élevé d’interventions : le taux de
césariennes est de deux ou trois fois plus élevé après la 42e SA.
C’est donc le risque foetal qui domine le pronostic.
B - Conséquences périnatales :
1- Nouveau-né post-terme, nouveau-né postmature :
La description clinique du nouveau-né post-terme fait référence à la fois aux
signes de prolongation de la grossesse et aux signes inhérents à la maturation
foetale, souvent imbriqués dans les descriptions initiales du fait des
incertitudes d’évaluation de la durée de gestation.
En effet, l’altération de
la maturation foetale en rapport avec le dysfonctionnement placentaire
n’apparaît pas lié directement à la durée de gestation.
La description clinique rappelle les signes communs à toutes les grossesses
prolongées :
– les mensurations sont parfois supérieures à celles du nouveau-né à terme,
tant pour la taille que pour le périmètre crânien et souvent également pour le
poids ;
– la peau sèche, parcheminée, craquelée présente des fissurations aux points
de flexion avec absence de lanugo et de vernix caseosa ;
– les ongles et les cheveux sont longs, avec parfois une desquamation ;
– la confirmation radiologique montre une ossification plus importante ;
– le comportement est alerte, les yeux ouverts, avec un meilleur éveil.
La maturation foetale est le plus souvent conservée, se traduisant par une
augmentation du poids de naissance moyen avec la prolongation de la
grossesse, ainsi que par une incidence élevée de macrosomes
particulièrement vers 43 SA(jusqu’à 50 %).
Cette incidence est multipliée
par deux en cas de multiparité.
2- Concept de postmaturité :
En cas de grossesse prolongée, on admet qu’une altération de la fonction
placentaire est responsable d’un syndrome de dysmaturité, superposable aux
anomalies de la croissance intra-utérine se développant avant le terme, dont
les deux caractéristiques sont, d’une part la diminution des échanges
nutritionnels et, d’autre part, la diminution de l’oxygénation foetale.
Cela se
traduit, au plan clinique, par une exagération de certains signes en cas de
grossesse prolongée, notamment la déperdition d’eau (sécheresse cutanée,
soif de ces enfants, parfois hypoglycémie), et il peut exister des signes
d’imprégnation méconiale (peau, cordon, ongles) en rapport avec la
souffrance foetale.
L’incidence accrue de ces signes de dysmaturité initialement rapportée pour
les grossesses post-termes a conduit au concept de postmaturité.
Néanmoins,
ces signes de dysmaturité peuvent apparaître avant 42 SA.
Leur incidence
augmente avec la prolongation de la grossesse et, particulièrement, au-delà
de 42 SA : 2 % à 40 SA, 10 à 12 % à 42 SA.
Un groupe particulier de dysmatures est représenté par les retards de
croissance (poids de naissance inférieur à 2 500 g) témoignant d’une
altération métabolique ancienne, dont l’incidence au sein des grossesses posttermes
n’est pas différente, voire plus faible qu’à terme, mais dont la
morbidité et la mortalité sont considérablement augmentées.
C - Problèmes périnataux posés par
les post-termes et les postmatures :
1-
Macrosomie
:
Son incidence est multipliée par deux avec tous ses risques, notamment de
dystocie des épaules (fracture de la clavicule, hématomes du scalp, paralysie
du plexus brachial, paralysie périphérique) et d’accouchements par forceps
ou par césarienne.
Définie comme un poids de naissance supérieur ou égal à 4 500 g, 1 % des
nouveau-nés sont macrosomes.
Cependant, ce taux est trois à sept fois
supérieur quand il s’agit d’une grossesse prolongée.
Une dystocie des épaules
survient dans 10 %des cas pour un poids de naissance compris entre 4 000 et
4 500 g mais avec une fréquence encore plus importante (22,6 %) en cas de
poids de naissance supérieur à 4 500 g.
Arias, dans sa série où le terme de la grossesse était déterminé par
échographie précoce, retrouve 10,4 % d’enfants macrosomes quand la
grossesse s’interrompt entre 38 et 40 SA.
Ce taux ne cesse d’augmenter avec
la prolongation de la grossesse.
En effet, il retrouve 20 % de macrosomes
quand la grossesse se termine entre 40 et 42 SA.
C’est à partir de 42 SAque la
différence devient significative avec un taux atteignant 42,8 % pour les
grossesses se terminant entre 43 et 44 SA.
Plus la grossesse se prolonge, plus le nombre de macrosomes augmente.
Ceci
est plus souvent vérifié chez les multipares.
Boyd retrouve 23 % de
macrosomes à 42 SAchez les primipares contre 40 %chez les multipares.
Eden retrouve également un nombre plus important de macrosomes en cas
d’accouchement après 42 SA (2,8 % versus 0,8 %, p < 0,05) en comparant
3 457 naissances après 42 SA à 8 135 enfants nés à 40 SA.
Dans son étude, McLean démontre que le poids foetal et le poids du
placenta augmentent régulièrement entre 39 et 43 SA : 22 % des enfants nés
entre 41 et 42 SA et 30 % des enfants nés entre 42 et 43 SA avaient un poids
de naissance supérieur à 4 000 g.
2- Hypoxie périnatale
:
Les problèmes majeurs sont en rapport avec l’asphyxie périnatale et le risque
d’inhalation méconiale.
Ce risque d’asphyxie périnatale n’apparaît pas
brusquement à 42 SA.
Il augmente progressivement à partir de 40 SA,
si bien qu’en pratique un problème peut se poser dès ce terme.
Néanmoins, il
faut noter la fréquence plus importante d’anomalies du rythme cardiaque
foetal des post-termes par rapport aux nouveau-nés à terme, l’émission
de méconium in utero dont l’incidence est variable selon les séries, de 13,9 à
31,5 %, mais également plus élevée qu’à terme.
L’interprétation de l’émission de méconium est d’ailleurs discutée :
secondaire à l’hypoxie ou à une réaction vagale.
Le score d’Apgar est
plus bas, quoique ceci ne soit pas confirmé par tous les auteurs,
témoignant d’une meilleure adaptation foetale à l’hypoxie.
L’incidence accrue de l’asphyxie périnatale est constamment notée pour les
enfants postmatures.
La pathogénie de cette souffrance foetale est
expliquée par différents mécanismes : insuffisance placentaire et anomalies
de la circulation funiculaire, particulièrement en cas d’oligoamnios.
La présence d’un oligoamnios permet de comprendre les signes de
compression funiculaire observés pendant le travail en cas de souffrance
foetale.
Ces compressions cordonales sont probablement responsables des
décharges de méconium dans le liquide amniotique.
La diminution du liquide amniotique qui débute dès 37 à 38 SA peut devenir
pathologique durant la période après terme, prédisposant ces patientes à des
souffrances foetales.
Le liquide amniotique diminuerait de 25 % par
semaine après 41 SA.
Les modifications du liquide amniotique en fin de
grossesse peuvent survenir rapidement et parfois de façon inattendue.
Guidetti retrouve une augmentation significative du nombre
d’oligoamnios après 41 SA et de césarienne pour souffrance foetale aiguë, si
on les compare à ceux observés entre 39 et 40 SA.
Il note également une
augmentation du nombre d’entrées en réanimation néonatale après 41 SA.
Usher comptabilise le nombre de liquides méconiaux et de souffrances
foetales.
Le taux de liquide méconial passe de 15,3 % à 39-40 SA à 31,5 % à
42 SA.
Celui de souffrance foetale passe de 15,9 % à 39-40 SA, à 29,7 % à
42 SA.
Quand il étudie le nombre de souffrances foetales associées à la
présence d’un liquide méconial, le taux passe alors de 4,5 % à 15,3 % entre
39-40 SA et 42 SA.
Cependant, Usher a mis en évidence une majoration de la fréquence des
liquides teintés après aspiration bronchique néonatale dans la période postterme
(X 8) alors que la proportion de liquides méconiaux double simplement.
Non seulement le méconium est plus souvent présent après 42 SA dans le
liquide amniotique mais également plus souvent aspiré chez le nouveau-né.
Ainsi, les risques d’inhalation méconiale prennent une importance
considérable au cours des grossesses prolongées du fait de leur fréquence
élevée en rapport avec la survenue des mouvements respiratoires in utero et
du fait des difficultés de prise en charge thérapeutique avec éviction souvent
incomplète de l’inhalation distale, malgré les techniques d’aspirations
endotrachéales en salle de naissance ; ces difficultés conduisent à un
recours fréquent à la ventilation mécanique ou aux techniques d’assistance
respiratoire extracorporelle.
Le pronostic reste sévère et jusqu’à 75 %des
morts post-termes sont expliqués ainsi.
Il semble clair que le foetus a une morbidité augmentée en cas de dépassement
de terme. Cependant, le rôle des différents facteurs de la grossesse n’est pas
encore parfaitement élucidé : sénescence placentaire, responsable d’une
hypoxie foetale et donc d’une souffrance foetale, ou sénescence placentaire
entraînant une diminution du liquide amniotique allant jusqu’à l’oligoamnios
alors responsable de compressions cordonales ?
Enfin, il faut signaler une plus grande fréquence de la polyglobulie par
hypoxie chronique et hémoconcentration, du risque d’hypothermie et
d’hypoglycémie par diminution des réserves glycogéniques.
D - Mortalité
:
Les grossesses prolongées ont historiquement toujours été considérées
comme des grossesses à risques concernant le devenir périnatal.
Du fait de l’amélioration des techniques de surveillance et de réanimation
néonatale, la mortalité relative aux grossesses prolongées reste heureusement
faible, avec des taux variant dans les études récentes de 2 à 4 pour
1 000 grossesses. Ingemarsson et al ont publié en 1997 une étude portant sur
914 702 naissances survenues en Scandinavie entre 1982 et 1991.
Il ne
s’agissait que de grossesses monofoetales.
Les résultats montrent une légère
augmentation significative du taux de mortalité foetale et néonatale pour les
primipares accouchant après 42 SA, mais ne trouve pas de différence pour les
multipares.
L’odds ratio pour une primipare concernant la survenue d’une
mort foetale augmente de 1 à 40 SA, à 1,5 à 41 SAet 1,79 à 42 SA, ainsi que
pour la survenue d’une mort néonatale où il passe de 1 à 40 SAà 1, 88 à 42
SA.
Concernant les multipares, le taux de morts foetales n’augmente pas après
42 SA mais une très légère différence peut être notée pour les morts
néonatales.
Campbell et al ont récemment publié les résultats concernant
445 241 naissances dont 65 796 après terme. Il trouve un risque relatif de mort
périnatale lorsqu’une femme accouche après 42 SA de 1,3.
Dans une étude récente, Hilder étudie de façon rétrospective
171 527 naissances survenues entre 1989 et 1991, dans la région nord-est de Londres.
Elle étudie le nombre de morts foetales et le taux de morts néonatales
à chaque terme de la grossesse et le rapporte soit au nombre de naissances
survenues au même terme soit au nombre de naissances à venir et en conclut
un risque relatif de mortalité foetale.
Les résultats confirment que le taux de mort foetale et de mort néonatale
vraies, c’est-à-dire rapportées au nombre de naissances survenues au même
terme, changent peu en fonction du terme de la gestation et que le risque relatif
de survenue de mort foetale rapporté à 1 000 naissances n’augmente pas entre
40 et 43 SA.
En revanche, en utilisant comme dénominateur le nombre de naissances à
venir, on note une augmentation nette du taux de mort foetale et du nombre de
morts néonatales en fonction du terme (0,4 %à 37 SA ; 0,6 %à 38 SA ; 0,7 %
à 39 SA ; 0,9 %à 40 SA ; 1,3 %à 41 SA ; 1,6 %à 42 SA ; 2,1 %à 43 SA).
Le
risque relatif de mort foetale rapporté à 1 000 naissances à venir augmente
alors significativement (0,4 à 37 SA ; 0,7 à 38 SA ; 0,7 à 39 SA ; 1 à 40 SA ;
1,5 à 41 SA ; 1,8 à 42 SA ; 2,5 à 43 SA).
De plus, dans cette série, le risque de mort périnatale (foetale et néonatale)
augmente de 2,4‰ pour les naissances à 40 SAà un taux de 5,8‰pour les
naissances à 43 SA.
Fabre, dans une étude rétrospective conduite en Espagne sur
662 015 naissances, retrouve 7,3 % de naissances après le terme théorique.
Le risque relatif d’avoir une mort foetale est estimé à 1,1, celui d’avoir une
mort néonatale à 1,6 et celui d’avoir une mort périnatale à 1,3.
Bakketieg et al trouvent que le taux de mortalité périnatale augmente de
façon marginale de 2,3 ‰ à 40 SA à 3 ‰ et 4 ‰ à 42 SA et 43 SA
respectivement.
Eden trouve des taux comparables de mortalité périnatale en comparant
une population de 3457 enfants nés après 42 SA et une population de
8 135 enfants nés à 40 SA. Les taux sont respectivement de 4,2‰et 2,7 ‰,
ce qui n’est pas significatif.
Crowley et al, dans une étude portant sur 62 804 accouchements de la
maternité de Cardiff, constatent que le prolongement de la grossesse est
associé à un risque accru d’accidents perpartums et postnatals mais pas
prénatals.
Le risque associé à la grossesse prolongée serait un risque qui
débuterait au début du travail et ce en raison du pourcentage plus élevé de
liquide teinté et du risque d’inhalation méconiale.
L’analyse des causes de mortalité montre le rôle prépondérant de la
souffrance foetale aiguë responsable de lésions anoxo-ischémiques cérébrales
ou de l’inhalation méconiale.
E - Devenir néonatal à long terme
:
Les résultats des études évaluant le devenir des nouveau-nés post-termes sont
contradictoires, essentiellement parce que les groupes étudiés présentent une
morbidité néonatale différente.
Les premières évaluations comparant les enfants à terme et les post-termes
retrouvent un retard du développement psychomoteur à 8 mois et 2 ans, des
troubles du sommeil plus fréquents et une plus grande incidence des
hospitalisations jusqu’à 3 mois.
Les auteurs insistent sur la plus grande fréquence de ces anomalies chez le postmature.
La croissance staturopondérale n’apparaît pas différente.
Les
séries récentes ne retrouvent pas de différence quant au développement
psychomoteur, la même fréquence d’hospitalisation que pour les enfants à
terme et confirment la normalité de la croissance ultérieure.
Le postmature ne
présente pas de signe particulier à long terme.
Il apparaît donc que le
développement psychomoteur est directement lié à la souffrance foetale aiguë
ou à la pathologie néonatale.