Grossesse et utérus cicatriciel Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
L’utérus cicatriciel est la plus fréquente et la plus parfaite illustration
des paradoxes et contradictions de l’obstétrique moderne.
En effet,
d’une part, l’amélioration des techniques chirurgicales et
anesthésiques, les protocoles de surveillance actuelle rendent
envisageables, dans la plupart des cas, un accouchement par les
voies naturelles, mais d’autre part, le risque de rupture utérine, pour
minime qu’il soit, impose à l’obstétricien de délivrer à la patiente
une information plus étoffée, et engendre une situation de choix
délicate, du fait du contexte médicolégal présent.
Il nous semble donc indispensable de refaire le point sur ce sujet
classique, mais toujours d’actualité.
Définition
:
L’utérus cicatriciel se définit comme un utérus comportant en un
endroit quelconque de l’isthme ou du corps, une ou plusieurs
cicatrices myométriales.
Cette définition exclut les cicatrices utérines
intéressant uniquement la séreuse ou la muqueuse.
Épidémiologie :
A - FRÉQUENCE :
La fréquence de l’utérus cicatriciel est variable selon les pays et
dépend des habitudes obstétricales.
Elle est élevée lorsque le taux
de césarienne est élevé et, celui-ci ayant augmenté dans la majorité
des pays depuis les années 1970, la fréquence de l’utérus cicatriciel
a augmenté parallèlement.
Les taux les plus importants sont
rapportés dans les pays industrialisés et particulièrement
aux États-Unis, où ils seraient actuellement entre 12 et 14 %.
Leur taux
est passé de 0,8 % en 1960 à 8,7 % en l’an 2000, et ils sont
responsables de 23,4 % des césariennes en 2000 contre 10 % en 1960.
B - ÉTIOLOGIES :
Il faut distinguer deux types de cicatrices utérines : celles d’origine
obstétricale et celles d’origine gynécologique.
1- Étiologies obstétricales :
Ce sont les plus fréquentes et elles peuvent être secondaires à une
césarienne, une rupture utérine spontanée, ou une perforation lors
d’un curetage obstétrical.
Les cicatrices de césarienne représentent la première étiologie et sont
de plusieurs types :
– les cicatrices segmentaires : ce sont les plus fréquentes dans leur
forme transversale (Perrotin retrouvait 98 % de cicatrices
segmentaires transversales dans son étude rétrospective sur 10
ans) ;
– les cicatrices corporéales longitudinales : elles rendent l’utérus
fragile et contre-indiquent l’épreuve utérine ;
– les cicatrices de mini-césarienne pour avortement tardif : elles sont
toujours corporéales ;
– les cicatrices de césarienne vaginale : elles sont exceptionnelles.
Les cicatrices de rupture utérine spontanée sont très exceptionnelles
et touchent en général des utérus malformés.
Les cicatrices de curetage obstétrical sont dues aux perforations.
2- Étiologies gynécologiques :
Elles concernent :
– les myomectomies partiellement ou totalement intramurales ;
– les hystéroplasties des utérus cloisonnés ou bicornes, lorsqu’il y a
ouverture de la cavité utérine (intervention de Bret-Palmer ou de
Stassmann).
Les techniques opératoires hystéroscopiques, ne
touchant pas le myomètre permettent de considérer l’utérus comme
non cicatriciel ;
– les perforations utérines des explorations intra-utérines ;
– les résections de la portion interstitielle de la trompe dans les salpingectomies pour grossesses extra-utérines ;
– les réimplantations tubo-utérines dans les indications de stérilité
tubaire, exceptionnelles depuis les techniques éprouvées de la
fécondation in vitro.
Cicatrice utérine :
A - ÉTUDE HISTOLOGIQUE :
Le muscle utérin est formé de trois plans de fibres musculaires
lisses :
– un plan interne, le paléomyomètre, constitué de fibres
longitudinales internes et de fibres circulaires périphériques ;
– un plan moyen, le néomyomètre, le plus épais, richement
vascularisé et constitué de fibres musculaires à disposition
plexiforme ;
– un plan externe, le péri- ou paramyomètre, mince, constitué de
fibres longitudinales.
Ces fibres musculaires sont englobées dans du tissu conjonctif fait
de fibres de collagène, de réticuline et d’élastine.
Elles sont
organisées au sein d’une substance fondamentale.
Chaque fibre
musculaire est composée de myofibrilles.
Chaque cellule musculaire
contient des filaments épais de myosine et des filaments fins d’actine
et de tropomyosine.
C’est l’accrochage des têtes des filaments de
myosine, sur les filaments d’actine, qui permet un déplacement et la
contraction musculaire.
Cette activité est sous la dépendance du
calcium intracellulaire.
Le couplage entre les différentes cellules se
fait par l’intermédiaire des gap-jonctions, qui sont des canaux
intercellulaires.
Cette structure histologique de la fibre musculaire
lisse permet son allongement et son raccourcissement ; elle donne
au muscle utérin ses propriétés d’extensibilité et de contractilité.
La section de ces fibres conduit à des phénomènes de cicatrisation
tissulaire, et entraîne une prolifération de tissu conjonctif avec
infiltration fibroblastique et dépôts de fibrine.
La cicatrice est
constituée de tissu fibreux, parcouru de néovaisseaux et de faisceaux
musculaires lisses, courts, et en quantité variable, définissant ainsi
sa qualité.
Avec le nombre croissant de cicatrices, la proportion de
fibrose augmente. Lorsque les phénomènes d’inflammation, de hyalinisation, de prolifération fibroblastique et de fragmentation
musculaire sont importants, la cicatrice est de mauvaise qualité.
La
solidité de la cicatrice peut être comparable, voire supérieure, à celle
du muscle utérin, mais, quelle que soit sa qualité, elle ne présente
pas les mêmes propriétés d’extensibilité et de contractilité en raison
de son appauvrissement majeur en fibres musculaires.
B - ÉTUDE CLINIQUE ET PARACLINIQUE :
1- Toucher vaginal
:
Certains auteurs ont proposé une exploration digitale de la cicatrice
utérine en cours de travail, ce qui, en pratique est difficilement
réalisable et induit des risques infectieux et traumatiques.
2- Échographie :
D’autres auteurs ont proposé d’explorer le segment inférieur par une
échographie en fin de grossesse (entre 36 et 38 SA).
Cette exploration
est non invasive, mais présente deux inconvénients majeurs : il existe
une grande variabilité dans l’interprétation de l’image et une
mauvaise valeur prédictive positive sur le risque de rupture utérine.
En effet, en prenant comme seuil de normalité 3,5 mm, Rosenberg
retrouve une sensibilité de 88 %, une spécificité de 73,2 %, une
valeur prédictive négative de 99,3 %, mais une valeur prédictive
positive de 11,8 %.
Ce seuil de normalité ne fait pas l’unanimité
et pour d’autres, il doit être choisi à 2 mm.
Pour ces raisons,
l’échographie ne nous apparaît pas comme un élément fiable pour
le choix du mode d’accouchement.
3- Hystérographie :
Il s’agit d’un examen relativement invasif, qui conserve peu
d’indications.
L’hystérographie a été proposée pour détecter les
cicatrices défectueuses.
Elle doit être réalisée au moins 3 mois après
la chirurgie, mais de préférence après 6 mois.
Les clichés de face et
de profil, à la recherche d’images d’addition au niveau de la
cicatrice, sont à l’origine de classifications morphologiques de la
cicatrice.
Pour Magnin et al, ces cicatrices peuvent être classées en quatre
groupes, les groupes I et II représentant des cicatrices correctes et
les groupes III et IV des cicatrices défectueuses :
– groupe I : cicatrice invisible ;
– groupe II : petite déformation mesurable, inférieure à 4 mm ou
non mesurable ;
– groupe III : déformation limitée, de profondeur de 4 à 5mm, mais
d’aspect morphologique bénin (coin, déformation en baïonnette,
encoche) ;
– groupe IV : déformation de profondeur supérieure ou égale à
6 mm et de mauvais aspect morphologique (bouchon de champagne,
diverticule, hernie, fistule).
D’autres classifications hystérographiques ont été proposées, mais
quelle que soit la classification adoptée, la corrélation anatomoradio-clinique est extrêmement peu fiable : les cicatrices estimées
défectueuses sont retrouvées dans environ 20 % des cas alors que
les taux de ruptures sont très inférieurs.
À ce jour, il n’existe pas d’examen radiologique permettant
d’explorer la cicatrice utérine avec une corrélation anatomoclinique
satisfaisante.
C - RUPTURE DE LA CICATRICE UTÉRINE :
1- Définition
:
La rupture utérine réalise une solution de continuité intéressant la
totalité (muqueuse et musculeuse) de la paroi.
2- Classification
:
Il existe deux formes anatomiques de rupture, dont les conséquences maternofoetales et la prise en charge sont très différentes.
On
distingue ainsi la rupture complète intéressant les trois tuniques
(muqueuse, musculeuse et séreuse), de la rupture incomplète souspéritonéale,
appelée aussi déhiscence ou désunion.
* Rupture utérine complète
:
Elle peut avoir plusieurs étiologies et ne concerne pas uniquement
les cicatrices de césarienne.
Il s’agit d’une forme rare, réalisant une
solution de continuité au niveau de l’utérus.
La déchirure concerne
muscle et péritoine et la cavité utérine se retrouve en communication
avec la cavité abdominale.
Lorsque la rupture a lieu avant
l’expulsion, les membranes sont également rompues et le foetus se
retrouve dans l’abdomen ; cependant, de rares cas de rupture à
membranes intactes ont été rapportés.
* Déhiscence :
Cette seconde forme est asymptomatique, de découverte fortuite au
moment de la révision utérine systématique ou de la césarienne
prophylactique.
Elle est appelée déhiscence, désunion, ou rupture sous-péritonéale et touche le myomètre alors que le péritoine
viscéral reste intact.
En cours de césarienne prophylactique, on
retrouve la poche des eaux sous le péritoine viscéral et on voit par
transparence le liquide et l’enfant.
Cette définition purement anatomique ne tient compte ni de la taille
de la rupture, ni de son extension aux structures voisines (vagin,
vessie, pédicules vasculaires) qui en font sa gravité.
3- Physiopathologie :
La présence d’une cicatrice entraîne une diminution des qualités
d’extensibilité et de contractilité des fibres musculaires intactes.
L’incision représente une zone de fragilisation, sensible aux
hypercinésies de fréquence ou d’intensité. L’examen histologique
après rupture révèle souvent des lésions athéromateuses,
sclérosantes et de dégénérescence graisseuse ou hyaline.
Grossesse et utérus cicatriciel :
A - CONTRE-INDICATIONS À LA GROSSESSE
:
Il n’existe pas de contre-indication absolue à la grossesse même en
présence d’un utérus multicicatriciel ou d’un antécédent de rupture
utérine.
Cependant, dans certains cas, la grossesse peut être
déconseillée d’emblée (exceptionnelle fistule utérine documentée par
exemple).
B - GROSSESSE NORMALE
:
1- Fécondité
:
Certaines études ont mis en évidence une diminution de la fécondité
après césarienne, mais il est difficile de savoir s’il s’agit du reflet
d’une attitude des patientes ou d’une conséquence de la césarienne.
La fécondité pourrait être diminuée, en raison d’événements
infectieux plus fréquents après une césarienne qu’après une voie
basse, mais il n’existe pas d’arguments pour invoquer la
responsabilité de la cicatrice elle-même.
2- Durée de la gestation :
La durée n’est pas affectée en cas d’utérus cicatriciel.
Elle est
évidemment diminuée dans le groupe des césariennes
prophylactiques, comparé au groupe des épreuves utérines.
3- Diagnostic anténatal
:
Les amniocentèses, prélèvements de villosités choriales, placentocentèses et cordocentèses sont réalisables sans danger.
C - COMPLICATIONS DE LA GROSSESSE
:
1- Grossesse ectopique
:
Le nombre de césariennes et de grossesses ectopiques ayant
fortement augmenté ces 20 dernières années, plusieurs auteurs ont
cherché à savoir si il existait une relation entre les deux.
Kendrick a comparé les femmes ayant présenté une grossesse
ectopique avérée, à celles qui avaient soit fait une fausse couche,
soit accouché d’un enfant vivant.
Ses résultats montrent qu’il n’y a
pas d’augmentation du risque de grossesse ectopique en cas
d’antécédent de césarienne.
L’antibioprophylaxie systématique, qui
permet d’éviter un grand nombre d’infections postopératoires, a
certainement fait diminuer la fréquence des lésions tubaires et donc,
les risques de grossesses ectopiques.
En revanche, il existe une forme clinique particulière à l’utérus
cicatriciel : la grossesse sur cicatrice.
Cette forme clinique est
extrêmement rare : c’est la plus rare des grossesses ectopiques.
Seuls
quelques cas isolés sont rapportés dans la littérature, mais
l’incidence risque d’augmenter avec le nombre croissant de
césariennes.
La définition de la grossesse sur cicatrice est précise ; il
s’agit d’une grossesse à la fois intramyométriale et au niveau de la
cicatrice de césarienne.
Cette forme clinique est extrêmement dangereuse, l’erreur
diagnostique étant fréquente par mauvaise interprétation de l’image
échographique.
L’oeuf est vu dans l’utérus et sa situation basse, avec
hématome en regard, peut simuler une grossesse arrêtée en voie
d’expulsion.
La grossesse cervicale peut présenter le même tableau
échographique et fait partie des diagnostics différentiels.
L’image échographique peut également simuler une grossesse
tubaire, mais, contrairement à celle-ci, les signes d’appel cliniques
sont pauvres ; l’espace étant libre, l’oeuf peut se développer avec
peu de douleurs et peu de saignements extériorisés.
Les risques de
rupture utérine et d’hémorragie sont importants et existent aux
premiers et deuxièmes trimestres.
Lorsque le diagnostic est posé précocement, un traitement médical
peut être tenté.
Dans le cas contraire, les lésions utérines imposent
une prise en charge chirurgicale, dont le geste peut être
conservateur.
Ce type de traitement médical permet de
préserver la fertilité des femmes.
Concernant les explorations complémentaires, le premier examen à
demander est l’échographie par voie endovaginale, mais l’imagerie
par résonance magnétique (IRM) permet de confirmer le diagnostic.
Elle met en évidence une grossesse développée à la partie antérieure
de l’isthme et l’absence de myomètre sain entre le sac gestationnel
et la vessie.
2- Anomalies de l’implantation placentaire :
site et pénétration
* Placenta prævia :
Le placenta prævia est une pathologie rare dont les risques sont liés
aux conséquences maternelles et foetales potentiellement graves.
Ces
grossesses sont souvent compliquées d’accouchements prématurés,
de bébés de petit poids, d’hémorragies de la délivrance et de décès
périnataux.
Au début des années 1950, la cicatrice utérine du segment inférieur
a été décrite comme un facteur de risque du placenta prævia.
Les
autres facteurs de risques associés au placenta prævia sont l’âge
maternel avancé, la multiparité, le tabac, l’usage de drogues (crack,
cocaïne), les antécédents de placenta prævia, la cicatrice utérine, les
curetages utérins pour interruption volontaire de grossesse (IVG),
ou fausse couche, et la chirurgie de l’utérus.
L’incidence du placenta prævia fluctue en fonction de la méthode
diagnostique utilisée, de la définition choisie, des populations
étudiées (influence de l’âge maternel, de la parité).
Cette incidence
est de 3 à 5% au deuxième trimestre (diagnostic échographique) et
diminue fortement au troisième trimestre (0,3 à 0,7 %).
Ce
phénomène est dû à l’allongement du segment inférieur au dernier
trimestre ; cet allongement se ferait moins bien sur les segments
inférieurs cicatriciels, ce qui expliquerait le nombre accru de placenta prævia en cas de cicatrice segmentaire. L’augmentation de
fréquence du placenta prævia pourrait ainsi être expliquée par
l’augmentation du taux de césariennes.
En effet, l’incidence a été
stable pendant 20 ans (environ 0,36 % entre 1965 et 1985) puis a
augmenté entre 1985 et 1995 (environ 0,48 % des grossesses).
Cette
augmentation pourrait aussi être expliquée par l’utilisation de
l’échographie en routine, qui permet de mieux détecter cette
pathologie.
Plusieurs études prospectives ou rétrospectives ont essayé de
quantifier l’incidence du placenta prævia en cas d’utérus cicatriciel,
ainsi que ses conséquences sur la morbidité et mortalité
maternofoetales.
– En 1985, Clark retrouve une incidence de 1 % en cas de cicatrice
utérine contre 0,33 % pour les utérus non cicatriciels.
– Entre 1988 et 1992, Chattopadhyay a réalisé une étude prospective
portant sur un total de 41 206 accouchements.
Il retrouve cinq fois
plus de placentas prævia en cas de cicatrice utérine (2,54 % contre
0,44 %) ; les complications du placenta prævia sont légèrement
supérieures dans le groupe des utérus cicatriciels : les hémorragies
avec transfusions et hypotensions sont plus importantes.
En
revanche, le nombre de coagulations intravasculaires disséminées
(CIVD) et d’hystérectomies d’hémostase n’est pas significativement
plus élevé.
– En 1994, Makhseed retrouve une incidence du placenta prævia de
0,3 % pour les utérus non cicatriciels, de 1,4 % en cas de cicatrices
uniques et de 3,2 % pour les utérus multicicatriciels (différence
significative).
– Taylor retrouve également un odds-ratio à 1,48 en cas de cicatrice
utérine.
– En 1995, To a publié les résultats d’une étude rétrospective menée
sur 10 ans ; il retrouve un risque relatif de 1,53 en cas de cicatrice
unique et de 2,63 en cas d’utérus bi- ou multicicatriciel.
Dans cette
étude, la morbidité des placentas prævia sur utérus cicatriciel est
plus importante.
– En 1997, Mac Mahon montre que le risque de placentas prævia
est augmenté chez les femmes ayant au moins un antécédent de
césarienne et une parité supérieure ou égale à 3.
– La méta-analyse de Ananth corrobore les résultats précédents et
montre qu’il y a une augmentation du nombre de placentas prævia
en cas d’utérus cicatriciel et que cette augmentation est plus
importante avec le nombre croissant de cicatrices.
Cette métaanalyse
fait également apparaître une probable relation entre
placenta prævia et curetage utérin, mais le nombre de publications
sur le sujet est insuffisant pour pouvoir le quantifier.
Pour Ananth,
ces chiffres seraient une raison supplémentaire pour diminuer le
nombre de césariennes (première et itérative).
– Seul Hershkowitz ne retrouve pas d’augmentation du risque avec
le nombre de cicatrices.
Les variations retrouvées entre ces études sont probablement dues
au manque d’homogénéité des populations étudiées (âge et parité)
et aux différences de définitions choisies pour le placenta prævia.
En moyenne, le risque est deux à cinq fois plus élevé pour les utérus
cicatriciels avec des morbidités également plus élevées.
*
Placenta accreta :
Le placenta accreta est défini par une pénétration anormale d’un ou
plusieurs cotylédons dans la couche myométriale superficielle avec
disparition de la caduque basale.
Le danger de cette pathologie est la difficulté de la délivrance et les
hémorragies qui en découlent.
L’étude de sa fréquence est rendue
difficile par la part de subjectivité dans le diagnostic clinique : il
s’agit d’une délivrance artificielle soit très difficile, soit impossible.
La confirmation du diagnostic ne peut se faire que par l’histologie
de la pièce d’hystérectomie.
Il existe ainsi un biais lié à l’opérateur
en cas d’étude prospective car celui-ci porte une attention
particulière à la délivrance.
Cette pathologie est extrêmement rare, et son incidence en 1994
était évaluée en moyenne à 9,5 pour 100 000 accouchements avec
une différence significative entre les utérus cicatriciels et les utérus intacts (59 pour 100 000 en cas de cicatrice et 5,5 pour 100 000 en cas
d’utérus intact).
L’incidence du placenta accreta est augmentée en
cas d’utérus cicatriciel par le biais du nombre de placentas prævia.
L’absence de déciduale basale au niveau de la cicatrice utérine
entraîne une pénétration plus profonde du placenta dans le myomètre.
Au cours des dernières décennies, l’augmentation du
nombre de césariennes a fait augmenter le nombre des placentas prævia puis celui des placentas accreta.
Le risque de placenta accreta en cas de placenta prævia et, quel
que soit le type d’utérus, était de :
– 0,2 % en 1950 ;
– 4 % en 1970 ;
– 10 % dans les années 1980.
Lorsque l’on restreint l’étude à la population des utérus cicatriciels,
le nombre de placentas accreta sur placentas prævia est
significativement augmenté :
– Clark en retrouve 35 % en 1985 ;
– Chattopadhyay en retrouve 38,2 % en 1993 ;
– et Miller en retrouve 29 % en 1997.
Au sein même de la population des utérus cicatriciels, l’incidence
augmente avec le nombre de cicatrices :
– entre 8 et 10 % pour les utérus unicicatriciels ;
– entre 15 et 50 % pour les multicicatriciels, selon les études ;
– Miller retrouve un risque relatif de 11,32 pour un utérus
présentant plus de deux cicatrices.
En revanche, il ne semble pas exister de relation entre la survenue
d’un placenta accreta et le délai entre la cicatrice et la grossesse, ni
entre placenta accreta et notion d’infection du post-partum.
Concernant les conséquences maternelles du placenta accreta, elles
sont plus graves en cas d’utérus cicatriciel qu’en cas d’utérus intact.
Cette situation est probablement due au cumul de deux pathologies
graves que sont le placenta prævia et le placenta accreta.
Chattopadhyay retrouve un risque relatif de 1,6 pour les
hémorragies avec transfusion, un risque relatif de 4,5 pour la CIVD,
un risque relatif de 3,63 pour les hypotensions et un risque relatif de
4,5 pour les hystérectomies d’hémostase.
Dans la série de Clark,
les risques d’hémorragies massives et d’hystérectomies d’hémostase
sont majeurs, puisque 82 % des patientes porteuses d’un placenta accreta subissent une hystérectomie d’hémostase.
En raison des risques liés à cette pathologie, devant tout utérus
cicatriciel présentant un placenta prævia, il convient de rechercher
des signes en faveur d’une implantation accreta.
Cliniquement, les
signes d’appel sont peu nombreux et peu spécifiques : il s’agit
essentiellement des métrorragies.
Le signe échographique spécifique
à rechercher est la perte de la zone hypoéchogène myométriale
rétroplacentaire, correspondant à l’absence de caduque basale.
En cas de suspicion de placenta accreta, l’IRM permet de confirmer
le diagnostic.
Dans la majorité des cas, le diagnostic est peropératoire, mais lorsqu’il est fait avant la césarienne,
l’autotransfusion est recommandée, et une équipe expérimentée est
indispensable.
L’organisation pour une éventuelle embolisation des
artères utérines est envisagée ; elle permet, dans certains cas, de
contrôler les hémorragies du post-partum, même si la délivrance
immédiate est impossible.
* Placenta percreta :
Le placenta percreta est une pathologie extrêmement rare.
Il s’agit
de la forme la plus grave du placenta accreta avec pénétration de
toute l’épaisseur du myomètre par les villosités placentaires.
Le
risque hémorragique est dû à l’impossibilité de réaliser la délivrance
et aux ruptures utérines.
Lorsque le placenta percreta est inséré au
niveau du segment inférieur (70 % des cas), aux complications de la
décidualisation imparfaite s’ajoutent la minceur du myomètre et la
faible contractilité du segment inférieur.
Lorsqu’il survient sur une
cicatrice utérine, il peut réaliser une rupture utérine silencieuse et
les villosités placentaires peuvent s’étendre au pelvis (vessie, Retzius, épiploon, mésentère, vaisseaux iliaques).
La rareté de ce type de complication est rapportée par Lymperopoulou qui, à l’occasion de sa revue de la littérature, ne
retrouve que 18 cas publiés jusqu’en 1993.
Dans les 20
observations analysées, les tableaux cliniques sont, avant tout, ceux
d’une hémorragie de la délivrance massive avec artères et veines
largement ouvertes.
La totalité des cas rapportés a nécessité une
hystérectomie d’hémostase, les ligatures des vaisseaux étant
inefficaces.
Sur les 20 patientes, six ont présenté une CIVD et deux
sont décédées.
Dans tous les cas, un geste vésical a été nécessaire,
en raison des lésions pré- ou peropératoires lors du décollement
vésical.
Il faut évoquer ce diagnostic devant toute insertion basse du
placenta chez une femme ayant un antécédent de césarienne, la
situation étant beaucoup plus délicate lorsque la découverte en est
faite en peropératoire.
Cliniquement, le placenta percreta se caractérise par des signes peu
spécifiques :
– les antécédents : le terrain est celui d’une multipare ayant eu
plusieurs césariennes ;
– des métrorragies fréquentes ;
– des douleurs pelviennes basses, rares ;
– des signes urinaires dont une hématurie souvent macroscopique
(mais qui peut être microscopique), des dysuries et des pollakiuries.
L’examen complémentaire de première intention est l’échographie
pelvienne endovaginale avec doppler couleur.
Elle recherche un
amincissement ou une interruption de l’interface hyperéchogène
entre la séreuse utérine et la vessie, ainsi que la présence de masses
exophytiques vascularisées traversant le myomètre ; les examens à
réaliser en complément de bilan sont l’IRM et la cystoscopie.
Le
diagnostic préopératoire permet de prévoir une transfusion, de
prévenir la patiente du risque d’hystérectomie et d’organiser une
éventuelle embolisation, qui n’évite pas toujours l’hystérectomie.
3- Rupture utérine en cours de grossesse :
La rupture spontanée au premier trimestre a été exceptionnellement
décrite après césarienne corporéale, et elle est surtout rapportée
après résection de la portion interstitielle de la trompe.
L’insertion
du placenta sur l’aire de la cicatrice représente un facteur de risque
supplémentaire.
La rupture au deuxième trimestre est également exceptionnelle et
plus souvent décrite pour des utérus malformés que cicatriciels.
Au troisième trimestre, ce sont surtout des cicatrices corporéales qui
se rompent.
Il s’agit en général d’un tableau de choc hémorragique à début
brutal, nécessitant une intervention chirurgicale d’urgence.
Accouchement de l’utérus unicicatriciel :
A -
DÉCISION DE PRINCIPE
:
1- Éléments de la décision :
La décision va reposer sur les arguments médicaux du praticien et
les arguments personnels de la patiente.
Afin d’orienter son choix, le praticien doit mettre en balance les
bénéfices et les risques de la césarienne prophylactique et ceux de la
tentative de voie basse, cette dernière réunissant à la fois la voie
basse (spontanée ou instrumentale) et la césarienne en cours de
travail.
En effet, le choix de départ se fait entre deux options : entre césarienne prophylactique ou épreuve utérine et non entre voie
basse et césarienne, l’issue de l’épreuve étant, par définition,
inconnue.
Certains éléments vont permettre au praticien de proposer à la
patiente le mode d’accouchement paraissant le plus sûr dans son
cas personnel.
Certains orientent d’emblée vers une tentative de voie basse.
D’autres imposent une césarienne prophylactique.
2- Éléments relatifs aux antécédents
et à la grossesse en cours :
Les éléments relatifs aux antécédents sont les suivants.
* Type d’incision :
L’épreuve utérine est habituellement acceptée en cas de cicatrice
segmentaire.
Il s’agit du type de cicatrice le plus solide, et la forme
transversale est la plus fréquente.
La forme verticale expose au
risque de déchirure corporéale vers le haut, et cervicale ou vésicale
vers le bas au moment de la première intervention, mais n’augmente
pas le risque de rupture utérine ultérieure.
Les cicatrices corporéales rendent l’utérus fragile et contre-indiquent l’épreuve
utérine (risque de rupture utérine évalué à 12 % dans la métaanalyse
de Rosen en cas d’épreuve).
Les cicatrices gynécologiques
sont classiquement considérées comme plus solides que les cicatrices
obstétricales, les cas de ruptures étant rares.
Elles ne constituent
donc pas une contre-indication à l’épreuve utérine.
Parmi toutes
les cicatrices gynécologiques, certaines sont cependant considérées
comme plus fragiles (résection de la portion interstitielle de la
trompe) et certaines techniques chirurgicales pourraient être
impliquées plus que d’autres.
Le risque de rupture sur
myomectomie hystéroscopique est mal évalué, comme celui de la
myomectomie par coelioscopie.
Certains auteurs considèrent la
myomectomie par coelioscopie comme un facteur de risque : Pelosi
a rapporté un cas de rupture spontanée à 33 semaines d’aménorrhée,
après une myomectomie superficielle, alors même que
l’hystérographie postopératoire était sans anomalie visible.
Cet
auteur soupçonne l’électrorésection à la pince mono- ou bipolaire, et
la rend responsable d’une ischémie locale.
En revanche,
Dubuisson a rapporté une série de 100 accouchements, dont 75
épreuves utérines sur cicatrice de myomectomie par coelioscopie et
il ne retrouve qu’une seule rupture pouvant être rattachée à la
myomectomie.
Il semble possible d’accepter l’épreuve utérine sur
une résection unique d’un fibrome pédiculé ou sous-séreux
superficiel, en l’absence de complications per- ou postopératoires.
Dans tous les cas, il est prudent de consulter le compte rendu
opératoire précédent pour s’assurer du type de cicatrice et de
l’absence de complications peropératoires.
Mais la généralisation de
l’incision segmentaire transversale doit faire accepter le principe de
l’épreuve utérine, même si le type de la première incision n’est pas
connu : Rosen et Pruett ne retrouvent pas d’augmentation de la
morbidité maternelle et foetale lorsque le type de cicatrice est
inconnu, par rapport aux cicatrices segmentaires transversales
documentées.
Toutefois, il faut être prudent si la jeune femme
est d’origine étrangère et vient d’un pays à bas niveau de soins.
* Délai entre césarienne et nouvelle grossesse :
Il semblerait qu’une cicatrice récente soit plus fragile.
Pour Cisse,
une cicatrice datant de moins de 1 an est une indication de
césarienne prophylactique et pour Esposito, un intervalle de 6
mois entre deux grossesses est significativement associé à une
augmentation du nombre de ruptures et de déhiscences.
Esposito
retrouve également un intervalle moyen diminué dans le groupe des
ruptures utérines par rapport au groupe sans ruptures utérines (20,4
mois versus 36,52 mois).
L’étude de Shipp retrouve une
fragilité des cicatrices récentes, avec un risque de rupture trois fois
plus important lorsque l’intervalle entre les deux accouchements est
inférieur à 18 mois.
En revanche, Huang ne retrouve pas cette
différence.
* Antécédent de voie basse
:
Il peut jouer un double rôle en tant qu’élément pronostique de
l’épreuve.
En effet, il peut être à la fois un facteur de risque de
rupture chez les très grandes multipares et un facteur prédictif de la
réussite de l’épreuve.
Concernant le risque de rupture utérine, peu
d’études se sont intéressées à la grande multiparité en cas d’utérus
cicatriciel.
Yamani a étudié les multipares de plus de six
accouchements, dans le cadre des déclenchements par
prostaglandines.
Il n’a pas retrouvé de rupture utérine dans sa série,
mais celle-ci était limitée à 26 patientes.
Une étude récente de Zelop
porte sur 3 783 utérus unicicatriciels dont un tiers avec antécédent
de voie basse.
En calculant le risque de rupture en cours d’épreuve, Zelop retrouve un risque plus faible chez les patientes qui ont déjà
accouché par les voies naturelles.
En ce qui concerne la réussite
de l’épreuve, les résultats de la littérature montrent une diminution
du nombre de césariennes en cours de travail chez les patientes
ayant déjà accouché par voie basse.
Pour Lehmann, l’antécédent
de voie basse est l’un des facteurs pronostiques les plus fortement
corrélés à la réussite de l’épreuve.
De plus, lorsque l’on regarde
la chronologie de la voie basse par rapport à la cicatrice, les résultats
sont très en faveur de la voie basse intercalaire.
* Indication de la césarienne antérieure :
Elle joue probablement un rôle en tant que facteur pronostique.
L’antécédent de césarienne pour dystocie est moins favorable que
l’antécédent de césarienne pour siège, et pendant longtemps, une
césarienne itérative a été proposée lorsque la cause de la première
césarienne était une dystocie, en raison du risque d’échec de
l’épreuve utérine.
Mais si le taux de succès est légèrement abaissé
dans ce dernier cas, il reste compris entre 65 et 75 % selon les
études.
Il s’explique par les phénomènes dynamiques qui
interviennent au cours de l’accouchement et qui sont éminemment
variables d’un accouchement à l’autre, rendant impossible toute
prédiction de l’issue de l’accouchement.
Par ailleurs, le taux de
ruptures ou de déhiscences n’est pas significativement augmenté
lorsque l’épreuve a lieu sur une cause récurrente.
* Suites opératoires de la césarienne antérieure :
Les antécédents infectieux dans les suites opératoires immédiates
(fièvre, endométrite, péritonite...) ont été soupçonnés de fragiliser la
cicatrice ; mais Nielsen a comparé l’incidence des ruptures et des
déhiscences chez des patientes dont la césarienne était suivie ou non
d’infection et n’a pas retrouvé de différence significative entre les
deux groupes.
Les éléments relatifs à la grossesse en cours sont :
– la présentation : le type céphalique oriente vers la tentative de voie
basse, tandis que le siège est une situation à risques, essentiellement
par le biais des manoeuvres que l’on peut être amené à réaliser.
Les
présentations défléchies et transverses sont des indications de
césarienne ;
– la localisation placentaire : la localisation prævia, en regard de la
cicatrice, augmente les risques hémorragiques de la délivrance et les
risques de placentation accreta et percreta.
Dans ce dernier cas, le
risque de rupture utérine est également augmenté ;
– la surdistension utérine : elle augmente les risques de rupture,
mais elle ne contre-indique pas la voie basse si elle est modérée ;
– l’appréciation du bassin :
La pelvimétrie est un examen demandé
classiquement chez la patiente porteuse d’un utérus cicatriciel, le
but de cet examen étant d’aider au choix du mode d’accouchement
et de moduler la conduite du travail en cas d’épreuve.
Cet examen
présente plusieurs inconvénients : l’absence de précision dans les
mesures, l’absence de consensus sur les valeurs normales, le risque
d’irradiation foetale, sa mauvaise valeur prédictive quant à l’issue
de l’épreuve et son influence négative sur les choix du praticien.
Concernant sa valeur prédictive sur l’issue de l’épreuve, des études
rétrospectives et prospectives ont montré que le nombre d’épreuves
réussies n’est pas significativement abaissé lorsque le bassin est rétréci, à condition que le praticien n’ait pas connaissance de cette
donnée.
Krishnamurthy retrouve un taux de réussites de
l’épreuve de 67 % lorsque le bassin est jugé anormal (76 cas) contre
77 % pour un bassin jugé normal (79 cas).
Lehmann retrouve une
issue de l’épreuve utérine identique que les dimensions du bassin
soient inconnues ou normales.
En revanche, la connaissance du
bassin a un rôle négatif et influence le praticien vers la réalisation
de césariennes prophylactiques ou de césariennes pendant le travail.
Ainsi, Thubisi retrouve deux fois et demie moins d’accouchements
par voie basse lorsque la pelvimétrie est réalisée en ante-partum par
rapport au post-partum.
Pour Lehmann, lorsque le bassin est
connu pour être rétréci, il est l’un des facteurs les plus liés à l’échec
de l’épreuve.
Enfin, la connaissance du bassin ne permet pas de
modifier le devenir maternel ou néonatal. Thubisi retrouve une
morbidité maternofoetale identique que la pelvimétrie soit normale
ou pas.
Dans l’étude de Krishnamurthy, la pelvimétrie n’a pas
permis de prévoir les patientes à risques, puisque les trois ruptures
de sa série ont eu lieu chez des patientes dont la pelvimétrie était
normale.
La pelvimétrie n’est donc pas nécessaire au choix du
mode d’accouchement de l’utérus cicatriciel, en raison de sa faible
valeur prédictive sur l’issue de l’épreuve et sur l’apparition de
complications, mais elle garde pour certains un rôle médicolégal.
3- Éléments relatifs à la mortalité et morbidité maternofoetale de l’utérus cicatriciel selon le mode
d’accouchement
:
Ces différents éléments vont orienter le praticien vers le mode
d’accouchement le moins risqué pour la patiente et pour l’enfant.
* Risques maternels :
Ils peuvent être évalués par les taux de mortalité et de morbidité,
mais également sur des critères de qualité de vie.
* Mortalité maternelle
:
Les taux de mortalité maternelle des césariennes ont très largement
diminué depuis le début du siècle.
En 1925, ils étaient, aux États-
Unis, de 2 à 3% pour les césariennes prophylactiques et de 20 à
30 % pour les césariennes réalisées en urgence.
Les principales
étiologies de cette surmortalité restent les infections (parois,
infections urinaires, endométrites) les accidents thromboemboliques,
les accidents anesthésiques et les hémorragies.
Les mesures
préventives (anticoagulants en postopératoire, antibioprophylaxies)
et les nouvelles techniques chirurgicales et d’anesthésie ont
contribué à réduire fortement les taux de complications.
Il existe peu d’études comparant la mortalité de la césarienne
prophylactique à celle de l’épreuve utérine.
L’une d’elles a comparé
la mortalité de la césarienne prophylactique à celle de « l’épreuve
du travail ».
Elle a été réalisée entre 1994 et 1996 au Royaume-Uni et concerne la mortalité dans l’année suivant l’accouchement
sur l’ensemble de la population.
Les résultats montrent que la
surmortalité des césariennes est liée aux accidents
thromboemboliques et aux hémorragies.
Les infections et les
accidents d’anesthésie n’augmentent pas la mortalité de la
césarienne. Comparés à la voie basse, les risques relatifs sont de 2,8
pour la césarienne avant le travail et de 8,8 pour la césarienne
pendant le travail.
D’après cette étude, la mortalité de la césarienne
(prophylactique et en cours de travail) est significativement plus
élevée que celle de la voie basse ; celle de la césarienne réalisée en
cours de travail est significativement plus élevée que celle de la
césarienne prophylactique ; et celle de la césarienne prophylactique
est plus élevée que celle des voies basses et césariennes en cours de
travail réunies, mais de façon non significative.
La méta-analyse de
Mozurkewich reprenant le devenir de 47 682 femmes confirme
ces résultats : il ne retrouve pas de différence significative en termes
de mortalité maternelle, entre le groupe des césariennes
prophylactiques et celui des épreuves utérines.
* Morbidité maternelle :
Elle comprend la morbidité à court et à long terme.
+ À court terme
:
Morbidité majeure.
La morbidité majeure est celle pouvant mettre en jeu le pronostic
vital et/ou fonctionnel.
Les principales étiologies sont les hémorragies graves avec anémie
inférieure à 7 g/dL, les hystérectomies d’hémostase, les états de
choc, les complications de l’anesthésie (syndrome de Mendelson,
chocs anaphylactiques...), les accidents thromboemboliques
(phlébites, embolies pulmonaires), les plaies d’organes de voisinage
(vessie, tube digestif), les infections graves (sepsis, pneumonies,
infections pelviennes) et les laparotomies itératives.
La prévention
de ces accidents se fait par l’antibioprophylaxie, les anticoagulants,
le clampage des sinus veineux, la délivrance assistée, la perfusion
d’oxytocine et la suture utérine rapide.
Les études comparant la césarienne (toutes indications confondues)
à la voie basse retrouvent des chiffres en faveur de la voie basse.
En
revanche, les résultats de la césarienne prophylactique comparés à
ceux de l’épreuve ne sont pas tous concordants.
Pour Rosen, les
risques sont équivalents en termes d’infections et de transfusions.
Pour Flamm, les taux d’hémorragies avec transfusion sont
sensiblement supérieurs en cas de césarienne prophylactique par
rapport à l’épreuve. Rageth retrouve les mêmes résultats : ses
taux d’hystérectomies et de complications thromboemboliques sont
significativement plus élevés dans le groupe des césariennes
prophylactiques par rapport à l’épreuve.
Seul le taux de ruptures
est augmenté dans son groupe d’épreuves, mais la différence n’est
pas significative.
Pour Mac Mahon, la morbidité majeure
(hystérectomies, ruptures utérines et plaies peropératoires) est deux
fois plus importante dans les épreuves utérines par rapport aux
césariennes prophylactiques.
Les résultats de cet auteur sont à
nuancer par un taux de césariennes en cours de travail très élevé
(40 %), augmentant le nombre de complications graves dans le
groupe des « épreuves utérines tentées ».
De plus, Mac Mahon inclut
dans les plaies peropératoires celles de l’artère utérine, qui n’ont pas
de conséquences majeures ; en revanche, son taux d’hystérectomies
est identique dans les deux groupes.
Avec ces résultats, Mac Mahon
conclut que le taux de césariennes en cours de travail doit être
inférieur à 20 %, pour que l’épreuve soit plus sûre que la césarienne
prophylactique.
Enfin, les résultats de la méta-analyse récente de
Mozurkewich sont en faveur de l’épreuve utérine : pour cet
auteur, elle permet de réduire les hémorragies avec transfusion de
façon significative et les hémorragies avec hystérectomie, mais sans
différence significative.
Les complications maternelles majeures sont donc augmentées en
cas de césarienne par rapport à la voie basse et elles sont
essentiellement dues aux césariennes pendant le travail.
Il existe un
taux de césariennes pendant le travail à partir duquel les risques
sont plus importants en cas d’épreuve utérine qu’en cas de
césarienne prophylactique.
Morbidité mineure.
Les complications mineures regroupent les infections bénignes
(endométrites, infections urinaires), les fièvres inexpliquées, les
anémies modérées, les douleurs postopératoires et les durées
d’hospitalisation prolongées.
Les études publiées ont rapporté une augmentation de la morbidité
mineure en cas de césariennes par rapport aux voies basses, avec
une différence peu marquée entre les césariennes prophylactiques et
les césariennes en cours de travail (contrairement à la morbidité
majeure).
Le nombre d’épisodes fébriles est augmenté
significativement en cas de césarienne prophylactique : Flamm
retrouve 16,4 % de fièvres pour les césariennes prophylactiques
contre 12,7 % pour les épreuves.
L’étude de Rageth corrobore ces
résultats ainsi que les méta-analyses de Rosen et Mozurkewitch.
Concernant la morbidité mineure globale, Mac Mahon
retrouve un taux de 4,3 % pour les voies basses, de 7,6 % pour les césariennes prophylactiques et de 9,3 % pour les césariennes
pendant le travail.
En revanche, Lehmann ne retrouve pas de
différence significative entre les trois modes d’accouchement,
excepté sur les durées d’hospitalisation qui diffèrent
significativement (8,06 jours en cas de césarienne prophylactique et
5,69 jours en cas d’épreuve).
Les complications mineures sont donc augmentées de façon
significative en cas de césarienne prophylactique par rapport à
l’épreuve utérine tentée.
+ À long terme
:
Les morbidités et mortalités à long terme sont liées aux
complications des laparotomies (occlusions et brides...), aux
possibilités de pathologies sur cicatrice utérine (endométriose), aux
complications uroanales et sexuelles.
Risques foetaux.
Plusieurs études ont montré que les taux de mortalité et morbidité
périnatales diminuaient en même temps qu’augmentait le taux de
césarienne.
Dans les pays à faibles taux de césariennes, la mortalité
périnatale a diminué dans les mêmes proportions, et cela, grâce aux
progrès de la réanimation néonatale.
Lorsque l’on tient compte des risques liés au mode d’accouchement
proprement dit, les travaux publiés ont montré que les risques
foetaux étaient peu différents en cas de césarienne prophylactique et
en cas d’épreuve.
En revanche, les pathologies sont
différentes.
Concernant les pathologies respiratoires, elles sont plus fréquentes
en cas de césarienne.
Morrison montre qu’elles augmentent de façon
significative lorsque la césarienne prophylactique est réalisée entre
37 et 39 SA et il conseille donc de les réaliser en début de travail ou
après 39 SA.
En tenant compte de l’âge gestationnel, le risque
persiste pour les césariennes.
Lehmann retrouve des résultats
similaires : les transferts en réanimation néonatale pour détresse
respiratoire sont significativement augmentés en cas de césarienne
prophylactique.
Une étude récente de Hook retrouve également
un taux de pathologies respiratoires supérieur chez les enfants nés
par césarienne prophylactique par rapport à ceux de l’épreuve.
Il
existe probablement un effet propre de la césarienne, potentialisé
par un terme inférieur à 40 SA.
L’hypothèse physiopathologique
retient un retard à la résorption du liquide alvéolaire au moment de
l’adaptation à la vie extra-utérine.
Concernant les pathologies infectieuses, Lehmann et Hook
retrouvent des taux supérieurs dans le groupe des épreuves
utérines ; certaines complications neurologiques (hémorragies
cérébrales) sont également augmentées en cas d’extractions
instrumentales et de césariennes en cours de travail.
La métaanalyse
de Mozurkewitch retrouve une augmentation non
significative de la mortalité foetale et du nombre de scores d’Apgar
inférieurs à 7 à 5 minutes dans les épreuves utérines.
Les taux de mortalité et de morbidité néonatales sont donc peu
différents en cas de césarienne prophylactique et en cas
d’acceptation de la voie basse.
La différence est en faveur de la
césarienne prophylactique, mais n’est pas statistiquement
significative.
En revanche, certaines pathologies spécifiques sont
significativement augmentées il s’agit, en cas de césarienne
prophylactique, des détresses respiratoires et, en cas d’épreuve, des
complications infectieuses.
4- Décision de principe. Décision partagée
:
Comme nous l’avons vu, le choix du praticien doit se faire vers le
mode d’accouchement le moins risqué pour la patiente et pour le
foetus.
L’objectif est de proposer l’essai de voie basse aux patientes
ayant le maximum de chances d’accoucher par les voies naturelles,
la morbidité maternofoetale étant surtout élevée en cas de césarienne
pendant le travail.
Dans le cadre général de patientes ayant une grossesse unique avec
un foetus en présentation céphalique et de poids moyen, le choix
doit s’orienter vers l’épreuve utérine, même si le risque de rupture
reste un peu plus élevé par rapport aux utérus intacts, et même
si le principe de précaution pousse à la réalisation d’une
césarienne.
Dans d’autres cas, la césarienne prophylactique s’impose ; il s’agit
des bassins chirurgicaux, des cicatrices corporéales, des antécédents
de rupture utérine et des utérus cicatriciels sur malformation
utérine.
Enfin, il existe des situations intermédiaires, à risques potentiels,
pour lesquelles il n’y a pas d’attitude vraiment consensuelle.
Ce sont
les cas de macrosomie foetale importante (poids supérieur à 4 500 g),
de grossesse gémellaire et de présentations podaliques.
Dans ces cas-là, la plupart des obstétriciens choisissent de recourir à
une césarienne prophylactique, mais les arguments médicaux
doivent être modulés par les arguments personnels de la patiente.
B - CÉSARIENNE PROPHYLACTIQUE SUR UTÉRUS
CICATRICIEL :
1- Technique
:
Le tracé de l’incision cutanée reprend la cicatrice précédente et la
résèque éventuellement.
L’ouverture pariétale est parfois plus
longue que pour une première césarienne et incite à privilégier
l’anesthésie locorégionale.
L’incision de Pfannenstiel est souvent
utilisée, mais l’incision de Cohen peut l’être également et, en cas
d’adhérences importantes, une incision transrectale peut être
préférée.
De façon générale, une attention particulière doit être portée à la
vessie qui est fréquemment ascensionnée.
Il n’y a pas d’arguments
justifiant la résection de la cicatrice d’hystérotomie antérieure, et
celle-ci doit être réalisée comme lors d’une première césarienne.
Il n’y a pas de limitation théorique du nombre de césariennes,
l’essentiel étant la qualité de la cicatrice d’hystérotomie.
Il n’y a pas d’indication à une stérilisation tubaire en cours de
césarienne devant une cicatrice défectueuse ; il est nécessaire de
reporter ce type d’intervention après discussion avec la patiente et
son conjoint et après s’être assuré du bien-être du nouveau-né.
2- Difficultés
:
* Amincissement du segment inférieur :
L’amincissement du segment inférieur ne pose pas de problèmes
techniques lors de l’ouverture de l’utérus, mais peut rendre la suture
délicate.
La fermeture de l’hystérotomie doit être la plus satisfaisante
possible, afin d’en assurer la solidité.
Il est indispensable d’indiquer
la qualité de la suture dans le compte rendu opératoire.
* Anomalies du placenta :
La localisation échographique du placenta permet de détecter les
patientes à risque et de prévoir les thérapeutiques adaptées.
En cas
de placenta prævia antérieur imposant une incision transplacentaire,
une autotransfusion peut être proposée ; des signes de placentation
accreta ou percreta sont recherchés et, le cas échéant, l’intervention
d’une équipe expérimentée est programmée.