Greffes de cornée « à chaud » ou kératoplasties thérapeutiques
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
On doit le terme de greffe de cornée « à chaud » ou de kératoplastie
« à chaud » à Franceschetti et Doret en 1950.
Ce terme désigne
le remplacement de la cornée lors d’un stade aigu d’infection ou
d’inflammation, ou lors d’une perforation cornéenne avérée de
nature infectieuse ou non.
Il s’agit d’une véritable urgence
thérapeutique dont le premier but est la conservation du globe
oculaire. La greffe de cornée « à chaud » ne représente heureusement
qu’une toute petite partie de l’ensemble des greffes de cornées
(moins de 3 %).
Depuis sa description jusqu’aux années 1980-1990, la greffe « à
chaud » ne visait pas de récupération visuelle particulière, celle-ci
étant souvent envisagée dans un second temps à l’occasion d’une
nouvelle greffe.70,74
Cependant l’amélioration des traitements antiinfectieux
et de la conservation des greffons cornéens a permis
l’amélioration très significative du pronostic visuel de cette
intervention dans un certain nombre de situations.
Le terme de
kératoplastie « à chaud » a ainsi été remplacé depuis par le terme de
kératoplastie transfixiante à but thérapeutique (ou greffe
thérapeutique), intervention aujourd’hui réalisée plus tôt dans
l’évolution des processus infectieux afin de limiter la diffusion de ce
dernier.
Lors des perforations ou des préperforations cornéennes d’autres
origines, la kératoplastie thérapeutique intervient en cas d’échec ou
d’impossibilité des autres alternatives thérapeutiques que sont la
pose d’une lentille thérapeutique, l’utilisation de colle
cyanoacrylate ou de colle de fibrine, la réalisation d’un
recouvrement conjonctival, ou la greffe amniotique en
multicouches.
L’intérêt de ces différentes techniques est
souvent de passer le cap aigu et de préparer le terrain pour une
kératoplastie à visée optique.
En revanche, leur efficacité est limitée
lorsque la pathologie intéresse une grande surface cornéenne ou
lorsque la perforation est de taille trop importante.
Dans une série
de 40 perforations non traumatiques (13 perforations infectieuses et
27 perforations stériles), Lekskul ne rapporte la réalisation d’une
kératoplastie thérapeutique que dans dix cas soit 25 %, toutes les
autres perforations ayant pu être prises en charge par ces différentes
techniques moins invasives.
Indications des greffes thérapeutiques
:
Les pathologies oculaires nécessitant la réalisation d’une
kératoplastie « à chaud » incluent les ulcères de cornée perforés ou préperforants de plus de 3 mm, les syndromes inflammatoires à
l’origine d’une fonte de la cornée, ainsi que les kératites infectieuses
ne répondant pas à un traitement médical.
Ces dernières peuvent
être d’origine virale (herpétique principalement), bactérienne,
fongique ou amibienne.
A - KÉRATOPLASTIE THÉRAPEUTIQUE ET INFECTIONS
CORNÉENNES :
Quel que soit l’agent causal, la kératoplastie thérapeutique est
indiquée lorsque l’infection progresse malgré un traitement médical
maximal et compromet gravement l’intégrité anatomique du globe par la survenue d’un descemetocèle ou d’une perforation.
Cette
procédure permet de retirer la majorité de l’inoculum infectieux
rendant ainsi l’infection cornéenne accessible à la fois au traitement
médical et aux défenses immunitaires de l’hôte.
Selon les séries de
kératites microbiennes, il existe significativement un risque plus
important d’évolution vers la kératoplastie « à chaud » lorsqu’il
s’agit de patients âgés, lorsqu’il existe un antécédent chirurgical
sur le même oeil, lorsque le patient a bénéficié d’une
corticothérapie locale, lorsque la prise en charge a été
retardée, lorsqu’il s’agit d’une infection fongique ou
lorsque le patient présente des facteurs de risque généraux à type
de diabète, de polyarthrite rhumatoïde ou d’autres déficiences
immunitaires.
1- Abcès cornéen d’origine bactérienne :
Le recours à une kératoplastie thérapeutique « à chaud » est assez
peu fréquent lors d’un abcès cornéen d’origine bactérienne en raison
de la grande efficacité des collyres antibiotiques désormais à notre
disposition et de leur utilisation à forte concentration.
Le
pourcentage d’abcès cornéens bactériens nécessitant le recours à une
greffe thérapeutique varie de 3 à 6 % suivant la littérature.
Dans
une série récente, Bourcier et al. rapportent deux cas d’énucléation
et deux cas de kératoplastie en urgence sur une série de 300 yeux
suivis consécutivement pour un abcès de cornée d’origine
bactérienne.
Un certain nombre d’organismes ont été isolés et rapportés dans la
littérature.
Suivant les séries, les principales étiologies
bactériennes retrouvées lors des greffes thérapeutiques sont
représentées par Staphylococcus aureus et epidermidis, Pseudomonas
aeruginosa et Pyocyaneus, Proteus, Streptoccocus pneumoniae,
Moraxella, Salmonella…
Plus récemment, un certain nombre d’auteurs ont rapporté la
survenue d’infections à mycobactéries particulièrement difficiles à
traiter médicalement et nécessitant souvent la réalisation d’une
greffe thérapeutique.
2- Abcès cornéen d’origine fongique
:
Le recours à une greffe thérapeutique est, dans cette situation, plus
fréquent et les séries rapportées plus nombreuses.
L’incidence des pathologies fongiques nécessitant une greffe à chaud
se situe entre 18 et 32 % suivant les études. Foster et
Rebel rapportent une série de 61 cas d’ulcères cornéens fongiques
dont 11 (18,23 %) ont nécessité la réalisation d’une greffe à chaud.
Dans une série de 24 cas d’abcès cornéen fongique, Tanure
rapporte la nécessité d’une kératoplastie transfixiante « à chaud »
dans six cas (25 %).
Suivant les séries, les organismes fongiques les plus
souvent rencontrés dans cette situation sont Fusarium solani,
Aspergillus fumigatus, Penicillium citrinum, Candida albicans,
Cephalosporium, Curvularia et Tetraploa.
3- Abcès cornéen d’origine amibienne :
La majeure partie des kératites amibiennes relève heureusement le
plus souvent d’un traitement médical et la kératoplastie « à
chaud » n’est presque jamais nécessaire lorsque le diagnostic est
posé dans les 4 semaines qui suivent le début des symptômes.
Dans certaines formes évoluées résistantes à toute thérapeutique, il
est cependant nécessaire de greffer afin d’éviter la perforation.
Seuls Hirst et al. recommandent la réalisation d’une greffe
« à chaud » assez tôt dans l’évolution des kératites à Acanthamoeba afin de retirer toute l’infiltration et d’éviter un risque
d’extension sclérale.
Dans une méta-analyse de 38 cas rapportés, les
différents auteurs décrivent la réalisation d’une kératoplastie à
chaud dans 29 cas.
Dans une série de 25 yeux suivis consécutivement entre 1994 et 2000, Cardine et al. n’ont eu recours à une greffe en urgence que dans un
cas, huit yeux bénéficiant par ailleurs d’une kératoplastie à visée
optique dans un second temps.
Les auteurs recommandent de ne
greffer « à chaud » qu’en présence d’une préperforation.
4- Abcès cornéen d’origine herpétique :
La majeure partie des greffes réalisées après kératite herpétique, l’est
à visée optique lorsque les patients présentent des cicatrices stromales limitant la vision.
Néanmoins, une kératoplastie
thérapeutique « à chaud » peut être nécessaire lorsqu’il existe une
perforation survenant le plus souvent sur un terrain de kératite métaherpétique, c’est-à-dire sans infection active.
Certains auteurs
rapportent également la réalisation d’une kératoplastie
thérapeutique lors d’une infection active à herpès simplex avec
atteinte stromale sévère ou pour retirer une charge virale importante
chez des patients présentant des épisodes récidivants très
inflammatoires.
B - KÉRATOPLASTIE THÉRAPEUTIQUE EN DEHORS
DE TOUT CONTEXTE INFECTIEUX :
En dehors des kératites infectieuses, l’utilisation d’une kératoplastie
« à chaud » a été proposée lors des cas de perforation secondaire à
une kératoconjonctivite sèche comme il est possible d’en
retrouver dans les syndromes de Sjögren, la rosacée oculaire ou la
pemphigoïde oculaire cicatricielle, ou dans un certain nombre de
pathologies inflammatoires générales telle que la polyarthrite
rhumatoïde.
Cette procédure a été également indiquée dans le traitement des
perforations secondaires à des defects épithéliaux persistants comme
dans les kératites neurotrophiques, les brûlures chimiques et le
syndrome de Stevens-Johnson.
Examen et traitement préopératoire
:
A - EXAMEN PRÉOPÉRATOIRE
:
Un examen détaillé de l’oeil est indispensable afin d’évaluer au
mieux la gravité de l’atteinte et de choisir la meilleure solution
thérapeutique.
L’examen à la lampe à fente permettra d’évaluer la profondeur et
l’extension de l’atteinte cornéenne ainsi que sa localisation par
rapport au limbe.
Cet examen attentif permet de déterminer la taille
de la trépanation au moment de l’intervention ainsi que son
positionnement optimal au niveau du lit receveur.
La présence d’une
perforation cornéenne sera également notée et objectivée par un
phénomène de Seidel ou un engagement de l’iris.
Il est par ailleurs
nécessaire de préciser l’intensité de l’inflammation du segment
antérieur et de rechercher d’autres pathologies associées : oeil sec,
kératite d’exposition, glaucome secondaire ou endophtalmie.
Le fond d’oeil sera réalisé dans la mesure du possible.
Dans le cas
contraire, et si l’intégrité du globe n’est pas compromise par une
large perforation, un examen échographique en mode B analysera le
retentissement au niveau du segment postérieur et recherchera en
particulier une inflammation à type d’endophtalmie.
On rapporte
un risque d’endophtalmie plus élevé lorsqu’il s’agit d’une origine
fongique, lorsqu’il existe une perforation cornéenne ou lorsque les
patients ont bénéficié au préalable d’une phakoexérèse.
B - TRAITEMENT PRÉOPÉRATOIRE :
Lorsque la greffe à chaud est réalisée sur un terrain infectieux,
l’utilisation d’un traitement antimicrobien local et général actif
contre le germe isolé est indispensable.
Lorsque le diagnostic
étiologique n’est pas établi, une antibiothérapie à large spectre et en
association doit être prescrite.
Donnenfeld et al. recommandent dans ce cas l’utilisation d’un
collyre ofloxacine toutes les heures dans toutes les indications de
greffe thérapeutique et quelle que soit la cause de l’infection afin de
prévenir une surinfection bactérienne dans les heures précédant la
greffe.
Ils recommandent également l’utilisation de 400 mg per os
d’ofloxacine toutes les 12 heures et une administration intraveineuse
de vancomycine et de tobramycine en postopératoire.
L’ofloxacine peut être efficacement remplacée par la
ciprofloxacine (1 goutte/h), reconnue comme plus efficace et plus
rapide en termes d’action que l’ofloxacine78 et aussi efficace qu’une
association de collyres renforcés tobramycine et céfazoline. Sa
disponibilité dans le commerce sous forme de collyre est un
argument d’utilisation supplémentaire.
En raison du risque élevé
d’endophtalmie, une administration systémique est tout à fait
recommandée.
Par ailleurs et même si O’Day et Killingsworth conseillaient
l’utilisation de corticoïdes généraux et locaux (même en cas de
kératite fongique), il semble plus sage de suivre l’avis de la majorité
des auteurs qui recommandent de proscrire l’utilisation de collyres
corticoïdes en raison de leur effet aggravant sur les processus
infectieux.
Sony propose un traitement général associant ciprofloxacine
500 mg deux fois par jour et acétazolamide 250 mg trois fois par
jour en cas de perforation cornéenne.
Il associe un traitement local
associant céfazoline 5 % et tobramycine 1,3 % à la fréquence d’une
goutte par heure associé à du timolol 0,5 % deux fois par jour et de
l’homatropine 2 % trois fois par jour.
Technique chirurgicale
:
L’intervention est le plus souvent réalisée sous anesthésie générale.
La réalisation d’une anesthésie locale est en effet souvent inefficace
sur ce terrain très inflammatoire, voire dangereuse lors d’une
perforation oculaire faisant courir le risque d’expulsion des tissus
intraoculaires.
Suivant les cas, la greffe pourra être transfixiante,
lamellaire, voire en patch lorsque la perforation est de
petite taille ou si elle est marginale.
Les techniques de chirurgie
lamellaire ont l’avantage de réduire les risques de rejet
particulièrement élevés sur un tel terrain inflammatoire et de
réduire, voire d’éviter toute effraction de la chambre antérieure et
donc le risque de glaucome secondaire.
Elles seront donc à
privilégier en première intention.
Elles ne sont cependant pas
toujours réalisables lorsque l’infection est trop profonde ou la
perforation de taille trop importante.
Quelle que soit la technique de greffe utilisée, les kératoplasties
thérapeutiques s’apparentent aux greffes de cornée habituelles.
Elles
sont cependant souvent plus difficiles à réaliser, en particulier
lorsqu’il existe une perforation avérée et doivent, de ce fait, être
confiées à un chirurgien expérimenté.
Lorsqu’il existe une anesthésie
cornéenne associée ou une mauvaise occlusion palpébrale, il sera
indispensable d’associer une tarsorraphie ou un recouvrement
conjonctival.
A - PARTICULARITÉS DES KÉRATOPLASTIES
THÉRAPEUTIQUES TRANSFIXIANTES :
La majorité des auteurs recommande l’utilisation en début
d’intervention de mannitol intraveineux afin de diminuer la pression
intraoculaire.
Pour certains, l’utilisation d’un anneau de
fixation sclérale en cas de perforation permet de donner une certaine
rigidité à l’oeil et de faciliter sa trépanation.
1- Diamètre de la trépanation
:
La décision du diamètre de trépanation est un choix délicat qui
nécessite une analyse soigneuse des dégâts cornéens.
Lorsque la
greffe « à chaud » est réalisée dans le dessein d’éliminer un foyer
infectieux résistant à toute thérapeutique, le diamètre de la greffe devra dépasser la taille de l’abcès.
Il faudra donc savoir la proposer
suffisamment tôt afin d’éviter une trépanation de dimension trop
importante, les larges greffons exposant à un risque plus élevé de
rejet, de glaucome et, par voie de conséquence, d’échec de greffe.
En
revanche, la réalisation d’une greffe de trop petit diamètre lors d’une
infection expose au risque de récidive infectieuse.
Habituellement,
on choisira de respecter au moins 1 mm de cornée saine au niveau
du receveur.
Le diamètre de trépanation au niveau du lit
receveur est déterminé en positionnant un trépan de dimension
appropriée sur la cornée, ce qui donne des diamètres de trépanation
variant de 7 à 12 mm.
2- Trépanation :
Lorsque la greffe « à chaud » est réalisée à l’occasion d’un ulcère
cornéen perforant, le globe oculaire est hypotone et la trépanation,
dans ce cas, beaucoup plus délicate.
Le risque est d’être confronté à
une expulsion des tissus intraoculaires au cours de l’intervention ou
de réaliser une découpe cornéenne irrégulière.
Il est alors souvent
nécessaire de boucher la perforation de façon temporaire (à l’aide
de colle cyanoacrylate par exemple ou en positionnant un fragment
de conjonctive recouvert de colle cyanoacrylate sur la perforation)
puis de reconstituer la chambre antérieure de l’oeil.
Une fois le tonus
oculaire reconstitué, il est tout à fait possible de trépaner la cornée
de façon tout à fait classique.
Au cours de cette procédure, il
est recommandé d’utiliser des trépans aspiratifs (de type Hanna
avec appui scléral plutôt que Hessburg-Baron dont l’aspiration est
uniquement cornéenne) plutôt que des trépans à appui simple
comme le trépan de Franceschetti afin de diminuer l’incidence de
l’aplatissement de la chambre antérieure et de prolapsus irien.
3- Chambre antérieure et vitré
:
Une fois la trépanation réalisée, il est nécessaire de retirer la fibrine
et les sécrétions purulentes au niveau de la chambre antérieure.
Le
retrait des différentes membranes en avant de l’iris se fera par
irrigation et dissection à la pince.
Il est recommandé de réaliser une
à deux iridectomies au cours de cette procédure afin d’éviter un
glaucome secondaire par séclusion pupillaire.
Donnenfeld
et Rao conseillent l’utilisation d’antibiotiques et/ou
d’antifongiques intracamérulaires en cas d’infection (fluconazole
0,2 %).
On essaiera, si possible, de préserver le cristallin en raison
de la barrière efficace qu’il va jouer contre la diffusion de l’infection
vers le vitré.
Donnenfeld recommande l’utilisation de pilocarpine
2 % 1 heure avant l’intervention dans le dessein de contracter la
pupille et de prévenir une expulsion spontanée du cristallin.
La
chambre antérieure est reformée à l’aide d’un agent viscoélastique
et les synéchies antérieures périphériques sont disséquées afin de
maintenir un angle iridocornéen ouvert.
En cas d’endophtalmie avérée ou suspectée au moment de la
procédure chirurgicale, un prélèvement vitréen pour analyse
microbiologique précèdera l’injection intravitréenne habituelle
d’antibiotiques : vancomycine (1 mg dans 0,1 ml) et ceftazidine
(0,5 mg dans 0,1 ml).
4- Kératoplastie
:
La trépanation du greffon est toujours réalisée après la préparation
du lit receveur.
En effet, la mise en évidence d’une nécrose
cornéenne autour de la découpe du lit receveur peut inciter à utiliser
un greffon de taille supérieure à celle prévue à l’origine.
Le greffon est ensuite suturé à l’aide de monofilament 9/0 ou 10/0.
Habituellement, on préfère la réalisation de points séparés à
l’utilisation des surjets.
La profondeur des sutures est à peu
près de 75 % de l’épaisseur cornéenne.
Il est nécessaire d’éviter des
points perforants qui favorisent la pénétration de l’infection dans la
chambre antérieure.
Il est également nécessaire de désinsérer la
conjonctive au limbe lorsqu’une greffe de large diamètre ou très
excentrée est nécessaire et cela, afin d’éviter le passage de sutures
au travers de la conjonctive.
Des sutures assez longues doivent être
réalisées du côté receveur et tendues modérément afin d’éviter que
le fil ne traverse et ne coupe le tissu cornéen parfois partiellement
nécrosé. Les noeuds des sutures doivent être positionnés au niveau
du lit receveur.
5- Type de greffon
:
Les avis divergent quant à la qualité endothéliale du greffon à
utiliser.
Claerhout ou Rao conseillent l’utilisation d’un greffon
cornéen de qualité identique à celui d’une greffe à visée optique.
Rao précise en effet que l’épithélium intact minimise le risque de
réinfection du greffon et, de plus, la clarté du greffon permet un suivi postopératoire du segment antérieur de bien meilleure qualité.
L’utilisation d’un greffon sain expose le patient à un risque de rejet
plus important que lors d’une greffe à visée optique, mais celui-ci
étant le plus souvent réversible, le patient, dans la grande majorité
des cas, ne subit qu’une seule intervention.
Il ne semble pas que la
greffe « à chaud » ait un effet péjoratif sur la réserve endothéliale du
greffon.
Claerhout retrouve une baisse de densité cellulaire
endothéliale similaire à celle d’une série contrôle greffée sans risque
particulier.
En cas de pénurie de greffons (situation rare aujourd’hui en France),
les critères de qualité endothéliale peuvent ne pas être aussi stricts.
Pour Killingsworth, l’objectif principal est l’éradication de
l’infection ou la reconstitution anatomique du globe dans un premier
temps.
En ce sens, il n’y a pas de différence entre l’utilisation d’un
greffon avec ou sans endothélium sain. Yao démontre bien qu’on
peut tout à fait utiliser des greffons cryopréservés à –20 °C et donc
sans endothélium sain pour la réalisation d’une kératoplastie
perforante « à chaud » chez 45 patients présentant un abcès fongique
sévère.
L’utilisation de ce type de greffon permet leur conservation
à long terme et leur utilisation immédiate dans ce type de situation
d’urgence.
Un avantage supplémentaire est l’absence de rejet
immunitaire en raison de l’absence de cellules endothéliales viables ;
il n’est donc pas nécessaire de prescrire de corticothérapie locale, un
point important en cas d’infection fongique.
La greffe à visée optique
est prévue ensuite dans un second temps et après disparition des
signes inflammatoires avec un taux de succès plus élevé.
B - PARTICULARITÉS DES KÉRATOPLASTIES
THÉRAPEUTIQUES LAMELLAIRES :
Si la chirurgie transfixiante reste, à ce jour, la plus réalisée « à
chaud » en raison de sa plus grande facilité, les complications qu’elle
engendre (taux élevé de rejets, glaucome secondaire avec synéchies
angulaires, perte cellulaire endothéliale à moyen et long terme)
incitent à envisager d’autres alternatives chirurgicales.
C’est ainsi
que nombre de travaux rapportent l’utilisation d’une kératoplastie
lamellaire dans la prise en charge des infections cornéennes rebelles
ou des perforations cornéennes.
Les avantages de la
chirurgie lamellaire sont nombreux puisque celle-ci ne s’accompagne
pas de rejet immunitaire et évite une ouverture de la chambre
antérieure, source de complications inflammatoires et angulaires.
Elle est cependant réputée peu efficace sur des tableaux infectieux
en raison de la quantité de stroma résiduel et du risque de
récidive infectieuse.
Elle ne permet d’autre part pas de récupération
visuelle satisfaisante dans la prise en charge des perforations
centrales ou paracentrales en raison des problèmes d’interface
stromaux engendrés.
Néanmoins, la kératoplastie lamellaire peut
être un très bon moyen de reconstruire le globe lors des perforations
en particulier inflammatoires sans risque de rejet ni de complications
intraoculaires.
Elle est alors le meilleur moyen de préparer le terrain
en vue d’une seconde greffe perforante à visée optique.
Dans une
série de 80 perforations cornéennes centrales ou paracentrales de
toutes étiologies, Soong rapporte une reconstitution anatomique du
globe dans 76 cas (95 %) à l’aide d’une ou plusieurs kératoplasties
lamellaires.
Titiyal décrit également une technique intéressante
associant une dissection lamellaire centrale, la mise en place devant
la perforation d’un autopatch stromal puis la recouverte du tout par
un greffon lamellaire.
Les quatre patients opérés dans sa série
récupèrent entre 1 et 2/10e, 6 mois après l’intervention.
La chirurgie lamellaire s’est enrichie par ailleurs ces dernières années
d’une nouvelle technique intéressante : la kératoplastie lamellaire
profonde.
Le but de cette intervention est de retirer toute
l’épaisseur stromale en ne laissant que la seule membrane de
Descemet puis de la remplacer par un greffon dont on a au préalable
retiré cette membrane.
Les résultats visuels sont identiques à ceux
d’une greffe perforante lorsque la pathologie initiale n’intéresse pas
l’endothélium et ce, sans risque de rejet, sans effraction de la
chambre antérieure et sans perte cellulaire endothéliale à long terme.
Shimmura a montré récemment que cette technique pouvait être
utilisée chez deux patients présentant une perforation cornéenne
d’origine infectieuse dans un cas et dans le cadre d’une rosacée
oculaire.
La dissection profonde du stroma est réalisée par hydrodissection profonde, la perforation étant maintenue étanche
par l’incarcération irienne.
L’iris n’est désengagé qu’une fois le
greffon lamellaire suturé.
Les deux patients présentent une acuité
visuelle de 5/10e à 15 et 18 mois postopératoires. Xie propose également une technique de kératoplastie lamellaire
profonde dans la prise en charge aiguë de 55 patients présentant un
abcès cornéen d’origine fongique sans perforation avérée.
Il réalise,
dans un premier temps, une trépanation lamellaire de 350 à 400 μm
dont le but est de retirer la quasi-totalité du foyer infectieux.
Après
réalisation d’une dissection plus profonde, l’analyse au microscope
opératoire détermine s’il y a atteinte ou non de la membrane de Descemet.
Dans sa série, quatre patients seulement ont dû bénéficier
en peropératoire d’une conversion en kératoplastie perforante en
raison d’une infection allant jusqu’à l’endothélium.
Avant la repose
du greffon lamellaire les auteurs réalisent un rinçage du lit receveur
à l’aide de fluconazole 0,2 %.
C - PARTICULARITÉS DES GREFFES THÉRAPEUTIQUES
EN PATCH
:
Lors des perforations périphériques ou de petite taille, il n’est pas
nécessaire de procéder au remplacement de toute la cornée
(kératoplastie transfixiante ou lamellaire).
Le chirurgien pourra alors
décider de réaliser la greffe d’un fragment lamellaire ou perforant
de cornée (greffe en patch).
Cette procédure réalisée « à
chaud » est indiquée lorsque la perforation ne peut être traitée par
l’utilisation de colle cyanoacrylate, une greffe amniotique, une tarsorraphie ou un recouvrement conjonctival.
Il s’agit en particulier
d’une très bonne indication lorsque la perforation est stérile,
périphérique et inflammatoire, le risque de rejet après kératoplastie transfixiante étant particulièrement élevé dans ce cas.
Suivant la
localisation et la taille de la perforation ou de la préperforation, on
réalisera un patch de pleine épaisseur, un patch lamellaire, un patch
en forme de champignon (mushroom graft), voire une
épikératoplastie en suturant directement un greffon lamellaire sur le
defect stromal.
Lors des pathologies inflammatoires périphériques, il est
recommandé d’associer à la greffe en patch une résection
conjonctivale dans le dessein de protéger le greffon de la lyse créée
par l’infiltrat inflammatoire.
Traitement postopératoire
après kératoplastie thérapeutique :
Il est nécessaire de poursuivre les traitements anti-infectieux locaux
et/ou généraux dans la période postopératoire jusqu’à cicatrisation
épithéliale complète. Lorsqu’il s’agit d’une infection fongique
ou amibienne, le traitement peut être prescrit pendant plusieurs
mois.
L’utilisation des corticoïdes en collyres est controversée mais malgré
tout conseillée à l’exception des cas d’infection fongique et
d’infection amibienne.
Pour Killingsworth le foyer infectieux
est retiré dans la plupart des cas et l’utilisation de corticoïdes locaux
semble justifiée sur de tels yeux enflammés.
Sur les terrains de
kératite herpétique, l’habitude est de prescrire de l’aciclovir per os à
la posologie de 800 mg jour–1 pendant 1 an.
Lors des infections fongiques, il peut être tout à fait intéressant de
remplacer efficacement la corticothérapie locale par un collyre de
ciclosporine 0,5 % (une goutte, deux fois par jour).
Il semble également que l’utilisation d’une corticothérapie générale per os ou en bolus ainsi qu’un traitement immunosuppresseur
adapté à la pathologie améliore le pronostic dans les perforations
stériles d’origine inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde,
pemphigoïde oculaire, syndrome de Wegener, ulcère de
Mooren…).
Dans tous les cas, cette prescription sera décidée en
concertation avec l’interniste.
De même l’utilisation de collyre à la
ciclosporine 2 % a montré son efficacité dans les greffes réalisées « à
chaud » sur terrain de polyarthrite rhumatoïde.
En fonction du terrain, il pourra être nécessaire d’associer des larmes
artificielles sans conservateur, voire d’associer une tarsorraphie
externe ou un recouvrement conjonctival en cas de kératite
neuroparalytique ou d’oeil sec associé.
La prescription d’un traitement cycloplégique afin de prévenir un
bloc pupillaire ainsi qu’un traitement hypotonisant sont également
des prescriptions habituelles.
Résultats des greffes thérapeutiques
:
Si le succès anatomique des greffes thérapeutiques, toutes
indications confondues, varie de 88 à 100 % suivant les séries, le maintien d’un greffon transparent et la
récupération d’une acuité visuelle dépendent en revanche très
nettement de la pathologie sous-jacente.
Ainsi, le résultat fonctionnel
d’une greffe « à chaud » est bien meilleur lorsque celle-ci est réalisée
à l’occasion d’une pathologie infectieuse avec un pourcentage de
greffons clairs variant de 65 à 80 % contre seulement 0 à 31 %
des cas lors des perforations d’origine trophique ou inflammatoire.
Un des problèmes majeurs rencontrés après une greffe « à chaud »
est représenté par l’incidence importante des réactions de rejet sur
ces terrains inflammatoires.
Suivant les séries, près de 40% des
patients opérés sur un tel terrain présentent une réaction de rejet
après greffe transfixiante, heureusement le plus souvent régressive
sous traitement.
Cette constatation doit inciter à réaliser une
kératoplastie lamellaire chaque fois que cela est possible, le taux de
rejet étant nul dans cette indication.
A - PRONOSTIC DES GREFFES « À CHAUD »
LORS DES KÉRATITES INFECTIEUSES :
Malgré un risque plus élevé d’infection sur le greffon, un taux de
rejets immunitaires plus important et un échec de la greffe plus
fréquent que lors d’une greffe à visée optique, la greffe
thérapeutique permet de diminuer les risques d’extension sclérale
et d’endophtalmie.
Ainsi Claerhout rapporte une
conservation anatomique du globe dans 92 % des cas (26/28 yeux)
lorsque la greffe transfixiante est réalisée dans le cadre d’une
pathologie infectieuse.
Par ailleurs 80 % des patients greffés « à
chaud » conservent un greffon transparent 23 mois après
l’intervention, et 33 % des patients recouvrent une acuité visuelle
supérieure à 5/10e.
Sur un terrain identique, Kirkness et al. ne retrouvaient 10 ans
plus tôt (en 1991) que 65 % de patients conservant un greffon
transparent à 20 mois et 20 % de patients avec une acuité visuelle
supérieure à 5/10e.
La différence tient à l’utilisation désormais
habituelle des collyres antibiotiques et antifongiques renforcés, à
l’amélioration des traitements locaux antiamibiens, ainsi qu’à
la généralisation des traitements antiherpétiques par voie générale
en postopératoire.
Nobe rapporte 17 % de greffons clairs lorsque la greffe est réalisée
dans le traitement d’une perforation d’origine infectieuse contre
57 % lorsque la chirurgie pouvait être décalée, confirmant ainsi le
caractère péjoratif d’une intervention réalisée en pleine période
inflammatoire.
Killingsworth ne rapporte aucun cas de récidive
infectieuse après kératoplastie transfixiante mais ne rapporte que
60 % de greffons clairs après infection fongique contre 70 % après
infection bactérienne.
Lorsqu’il s’agit d’infections fongiques réputées de ce fait comme
plus difficiles à traiter, Xie et al. rapportent 79,6 % de greffons
clairs (86/108 yeux) et une récidive fongique dans 7,4 % des cas
(7/108 yeux) après kératoplastie transfixiante.
Dans une autre série
de 55 abcès fongiques pris en charge par une kératoplastie lamellaire
profonde, seuls quatre patients ont présenté une récidive infectieuse
(7,3 %) dans les 15 jours postopératoires et ont dû bénéficier d’une
greffe perforante dans un second temps.
En cas de greffe
lamellaire, l’acuité visuelle récupérée se situait entre 3 et 10/10e chez
tous les patients avec un recul de plus de 8 mois.
De tels résultats
incitent à réaliser une kératoplastie lamellaire chaque fois que cela
est possible techniquement, principalement lorsqu’une trépanation
de plus de 8,5 mm est nécessaire.
Yao et al. rapportent, quant à eux, une éradication de l’infection
fongique dans 39 cas sur 45 (86,7 %) après utilisation d’un greffon cryopréservé au cours d’une kératoplastie transfixiante.
Une greffe à
visée optique a pu être réalisée dans un second temps chez
23 patients dont 21 ayant pu maintenir un greffon clair.
Le pronostic des greffes « à chaud » après kératite amibienne est
moins favorable qu’après abcès bactérien dans la littérature avec des
taux d’échecs et de récidives infectieuses plus importants.
Ainsi,
Cohen rapporte un échec des greffes chez deux patients sur cinq
et Ficker chez six patients sur sept.
En revanche Illingworth ne
rapporte aucun échec chez neuf patients greffés dans les mêmes
conditions inflammatoires et attribue ce résultat à la couverture
antiamibienne importante prescrite dans sa série.
B - PRONOSTIC DES GREFFES « À CHAUD »
LORS DES PERFORATIONS DE CORNÉE TROPHIQUES
OU INFLAMMATOIRES :
Le pronostic fonctionnel des kératoplasties « à chaud » est
particulièrement mauvais sur ce terrain.
La greffe permet toutefois
le plus souvent de maintenir l’intégrité anatomique de l’oeil, mais
ne permet généralement pas de réhabilitation visuelle.
Par
opposition à la greffe réalisée lors d’un processus infectieux, le
greffon est, dans ce cas, suturé à une collerette périphérique
pathologique et, de plus, la cicatrisation a lieu sur un terrain de
pathologie de surface avancée compromettant gravement la réépithélialisation du greffon.
Dans la quasi-totalité des séries, c’est
la récidive de la pathologie initiale qui compromet la clarté du
greffon.
Ainsi, Palay en 1992 ne retrouve que 31 % de greffons
transparents à 2 ans, lorsque la greffe « à chaud » est réalisée sur un
terrain de polyarthrite rhumatoïde. Killingsworth et al., pour leur
part, ne rapportaient aucun succès sur 12 greffes « à chaud »
réalisées dans des cas de perforations secondaires à une
kératoconjonctivite sèche tout comme Nobe58 chez six patients
présentant des troubles importants de la surface oculaire (dont
quatre cas de polyarthrite rhumatoïde et une pemphigoïde oculaire
cicatricielle).
De même, Claerhout ne retrouve que 23 % de
greffons clairs après 25 mois lorsque la greffe est réalisée lors d’une
perforation ou d’une préperforation de nature non infectieuse.
Pleyer rapporte une incidence plus faible de récidive de l’ulcère
cornéen après greffe perforante lorsque les patients atteints de
polyarthrite rhumatoïde bénéficient d’un collyre à la ciclosporine
2 % en postopératoire.
Néanmoins, le nombre conséquent de complications chez ce type de
patients engage à n’envisager la greffe « à chaud » qu’en dernier
recours et après avoir utilisé tous les autres moyens à notre
disposition pour maintenir l’intégrité anatomique du globe oculaire
(recouvrement conjonctival ou autres).
Dans 14 cas de traumatisme
perforant nécessitant une kératoplastie, Nobe rapporte un taux de
succès du greffon bien supérieur lorsque la réparation initiale
permet de décaler la greffe de plus de 3 mois.
De même, Geria
rapporte huit succès après kératoplastie chez huit patients ayant pu
bénéficier dans un premier temps d’un recouvrement conjonctival
« à chaud ».
Si la perforation est trop importante, le choix d’une kératoplastie
lamellaire doit être privilégié, particulièrement dans les
pathologies inflammatoires.
Ainsi, le taux de succès anatomique est
bien supérieur à celui d’une kératoplastie transfixiante lorsque la
perforation survient sur un terrain de polyarthrite rhumatoïde.
Les taux de succès anatomiques sur un tel terrain vont de 25
à 87 % après greffe transfixiante contre 92 à 100 % après
kératoplastie lamellaire.
Raizman rapporte un taux de succès
anatomique dans 88 % des cas après kératoplastie transfixiante et
92 % après kératoplastie lamellaire sur des perforations cornéennes
stériles d’étiologies variées.
Les résultats visuels après
kératoplastie lamellaire profondes sont inférieurs à ceux retrouvés
lors des pathologies stromales non inflammatoires mais Soong
décrit tout de même une amélioration de l’acuité visuelle dans 42 %
des cas et une acuité visuelle supérieure à 2/10e dans 17,5 % des
cas.
Dans la majorité des cas, la kératoplastie thérapeutique permettra
d’assurer la reconstruction tectonique du globe et de prévoir dans
un second temps une reconstruction de la surface oculaire à l’aide
des désormais classiques greffes de limbe, associées ou non à une
greffe amniotique et/ou une seconde greffe lamellaire ou perforante.
En l’absence de ce type de chirurgie, toute nouvelle greffe sera vouée
à l’échec.
C - PRONOSTIC DES GREFFES « À CHAUD »
EN FONCTION D’AUTRES PARAMÈTRES :
1- Dimension du greffon
:
Le pronostic des greffes « à chaud » dépend également du diamètre
de trépanation réalisé.
Ainsi les greffons de diamètre important (plus
de 9 mm) sont associés à un pronostic défavorable en raison des
risques plus importants de rejet immunitaire et de néovascularisation, de développement de synéchies postérieures et
de glaucome secondaire.
Cristol en 1996 rapportait un échec de la greffe dans 25 cas sur
26 lorsque le greffon transfixiant était supérieur à 9 mm de diamètre.
On peut en déduire aisément qu’il faut savoir choisir le meilleur
moment pour intervenir et ne pas attendre une extension majeure
du processus infectieux.
Du NZ et al. rapportent 89 % de greffons
clairs lorsque la trépanation est inférieure ou égale à 7 mm contre
21 % lorsque le diamètre est supérieur ou égal à 8 mm.
Killingsworth rapporte 83 et 75 % de greffons clairs après kératite
bactérienne et fongique lorsque les greffons de petite taille sont
utilisés contre 50 et 33 % lorsque des greffons de taille plus
importante sont utilisés.
L’idéal est donc probablement de ne pas avoir à utiliser des greffons transfixiants de plus de 8 mm de diamètre ou, dans le cas contraire,
de privilégier la kératoplastie lamellaire (s’il faut remplacer toute la
cornée centrale sur plus de 8 mm de diamètre) ou en patch (s’il s’agit
d’une pathologie limitée à la périphérie de la cornée).
2- Date d’intervention
:
Le meilleur moment pour intervenir reste un point débattu.
Pour
certains, greffer trop tôt lors d’un processus infectieux, et
donc en pleine période inflammatoire, expose à un risque accru de
rejet de greffe.
Claerhout confirme cette hypothèse en rapportant
un épisode de rejet immunitaire chez 40 % des patients greffés lors
d’un processus infectieux actif.
Nobe et al. obtiennent une clarté
des greffons dans 17 % des cas lorsque l’intervention est réalisée en
urgence dans les 24 heures, 57 % lorsqu’elle est réalisée entre 2 et
6 jours et 31 % avec une chirurgie retardée entre 1 semaine et 2 mois.
Il faut cependant à tout prix éviter le recours à des greffons de
grande dimension au cours de l’intervention et savoir greffer avant
que la pathologie ne devienne trop étendue.
Le choix de la date
d’intervention est donc difficile et dépend de l’expérience de
l’intervenant.
En tout état de cause, le pronostic le moins favorable
des greffes réalisées au stade aigu incite à gérer l’urgence par
application de colle ou par une kératoplastie lamellaire et à différer
la greffe transfixiante après disparition des signes inflammatoires.
Foster retrouve ainsi 85 % de greffons clairs lorsqu’il adopte ces
recommandations contre seulement 17 % lorsqu’il a réalisé une
greffe perforante au stade aigu.
D - COMPLICATIONS RETROUVÉES
APRÈS KÉRATOPLASTIES THÉRAPEUTIQUES :
La survenue d’une déhiscence du greffon expose à l’aplatissement
de la chambre antérieure, à la formation de synéchies antérieures
périphériques ou angulaires et nécessite de ce fait une réintervention
immédiate.
Le risque est en effet l’évolution vers un glaucome
secondaire comme le rapporte Sony dans 21 cas sur 101, six
d’entre eux présentant une synéchie circonférentielle sur 360°.
L’apparition d’un hyphéma postopératoire résulte d’une
inflammation irienne.
Il peut être parfois nécessaire de le retirer en
cas d’hypertension intraoculaire associée.
Cette dernière est
retrouvée, dans 14 à 20 % des cas, principalement à la suite de la
réaction inflammatoire de chambre antérieure et peut nécessiter un
traitement antiglaucomateux local et général associé au traitement
anti-inflammatoire.
L’incidence des défects épithéliaux
postopératoires varie de 25 à 75,3 %, elle est bien évidemment plus
fréquente sur les terrains d’anomalie préexistante de la surface
oculaire ou après kératite herpétique.
La reprise de l’infection est la complication la plus redoutable des
greffes thérapeutiques réalisées sur un terrain infectieux.
Elle doit
être considérée comme une urgence et traitée de manière intensive à
l’aide de collyres renforcés et au besoin par la réalisation d’une
nouvelle greffe.
Les taux de récidive diffèrent suivant les études en
fonction de la gravité des cas au moment de l’intervention.
À titre
d’exemple, Xie rapporte 4,4 % de réinfections et Yao 7,3 % de
récidives après kératomycoses.
Sony décrit 8,9 % de reprises
infectieuses d’une kératite amibienne après greffe « à chaud ».
Parmi les complications retardées, la survenue d’une cataracte en
postopératoire est rapportée dans 3 à 50 % des cas.
L’apparition
tardive d’un glaucome secondaire résulte de l’apparition progressive
de synéchies angulaires.
L’incidence d’un glaucome secondaire varie
de 3 à 50 % dans la littérature.
Le rejet de greffe est une complication commune des kératoplasties transfixiantes, on le retrouve dans 14 à 52 % des cas.
Le retrait
des sutures lâches ainsi que le contrôle adéquat de l’inflammation
par une corticothérapie locale adaptée est important dans la
prévention de tels rejets.
Leur diagnostic précoce permet une
guérison dans la plupart des cas.
Hill rapporte une régression
du rejet dans 74 % des cas et Claerhout dans quatre cas sur six
après greffe perforante thérapeutique.
Les autres complications survenant après kératoplastie
thérapeutique incluent les ectasies du greffon (7 à 16 %) ou la phtyse
dans 1 % des cas.
Conclusion
:
La greffe de cornée « à chaud » ou kératoplastie thérapeutique est
l’intervention de choix dans les abcès de cornée infectieux résistant à toute thérapeutique en permettant une récupération visuelle presque
aussi bonne que celle d’une greffe à visée optique.
L’utilisation
concomitante de traitements anti-infectieux adaptés par voie locale et
générale (traitements antibiotiques, antiamibiens, antifongiques et antiherpétiques) a grandement amélioré le pronostic de cette
intervention au cours de ces dix dernières années.
En revanche, lorsque l’intervention est réalisée dans un cas de
perforation cornéenne stérile (syndrome sec, kératite d’exposition,
troubles trophiques, ulcères inflammatoires…), le succès de la greffe est
en général limité au maintien de l’intégrité anatomique de l’oeil en
raison d’une récidive de la pathologie de la surface oculaire sur le
greffon.
Quelle que soit l’indication de la greffe thérapeutique, les taux d’échecs
par rejet, hypertonie oculaire ou synéchies angulaires sont d’autant
plus importants que la greffe est transfixiante et qu’elle est réalisée dans
la période la plus inflammatoire.
Il est donc indispensable de privilégier
autant que possible les greffes lamellaires ou les patchs cornéens dans
un premier temps avant d’envisager une kératoplastie à visée optique
une fois le calme revenu.
L’essor des kératoplasties lamellaires profondes
dans presque toutes les indications de kératoplasties thérapeutiques
permet désormais de préserver l’angle iridocornéen et d’éviter les rejets
tout en apportant une récupération visuelle non négligeable dès le
premier temps chirurgical des kératites infectieuses.
Dans les
perforations marginales secondaires à une pathologie de la surface
oculaire, la mise en place d’un patch cornéen lamellaire est
probablement la meilleure solution pour maintenir l’intégrité
anatomique du globe avant d’envisager des techniques plus complexes
et plus réservées de reconstitution de l’épithélium cornéen.