Glomérulonéphrites membranoprolifératives Cours de Néphrologie
Introduction
:
Les glomérulonéphrites membranoprolifératives (GNMP),
également nommées glomérulonéphrites mésangiocapillaires,
pariétoprolifératives, lobulaires ou hypocomplémentémiques,
constituent un ensemble de glomérulonéphrites caractérisées par
une prolifération mésangiale et un épaississement variable des
parois capillaires.
L’immunofluorescence et la microscopie
électronique permettent de distinguer trois types de GNMP, selon la
nature des dépôts et l’aspect des parois capillaires.
Sur le plan immunologique, elles s’associent très souvent à une hypocomplémentémie et dans certains cas (GNMP de type II) à la
présence d’un autoanticorps particulier, le facteur néphritique
(C3Nef).
Les GNMP de type I sont généralement considérées comme des
maladies liées à des dépôts de complexes immuns.
Les formes
secondaires, de loin les plus fréquentes, sont dominées par les
infections, avec une place toute particulière pour le virus de
l’hépatite C (VHC).
Épidémiologie
:
Les GNMP représentent aujourd’hui, dans les pays industrialisés,
moins de 5 % des glomérulonéphrites de l’adulte, alors qu’elles
étaient retrouvées dans près de 20 % des cas, il y a 25 ans.
Actuellement, on admet qu’elles sont responsables de 5 % des cas
de syndrome néphrotique observés chez l’enfant, et de 10 % des cas
adultes.
Dans les pays en voie de développement, elles sont beaucoup plus
fréquentes représentant jusqu’à 40 % des néphropathies
glomérulaires au Mexique, mais la fréquence des GNMP de type
II est superposable à celle observée dans les pays occidentaux.
La nette diminution des cas de GNMP en Europe et en Amérique
du Nord laisse à penser que ces néphropathies avaient une origine
infectieuse.
Les mesures limitant la transmission du VHC (éviction
des sujets positifs pour les dons de sang) expliquent probablement,
au moins en partie, cette décroissance.
Les formes primitives de GNMP de type I, de plus en plus rares,
touchent généralement des sujets entre l’âge de 5 et 30 ans sans
prédominance de sexe.
Les GNMP de type II s’observent, dans la
grande majorité des cas, chez des sujets de moins de 20 ans.
Classification, Anatomie pathologique :
La combinaison des différentes techniques de microscopie optique
ou électronique et d’immunofluorescence a permis la subdivision
des GNMP en trois types différents selon la nature de
l’épaississement des parois capillaires.
– Le type I est le plus fréquent : 70 % des GNMP. Une interposition
du tissu mésangial produit un apparent dédoublement de la paroi capillaire.
Cette interposition mésangiale est, en général, associée à
des dépôts sous-endothéliaux.
C’est la GNMP à dépôts
sous-endothéliaux.
– Le type II représente environ 15 % des GNMP.
Il est caractérisé par
une transformation dense de la membrane basale avec ou sans
interposition mésangiale : c’est la GNMP à dépôts denses
intramembraneux.
– Le type III, environ 15 % des cas, comporte des interruptions de la
membrane basale associées à des dépôts denses intramembraneux.
Sur des biopsies itératives, on n’a jamais mis en évidence de passage
d’un type à l’autre.
A -
GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE
À DÉPÔTS SOUS-ENDOTHÉLIAUX : TYPE I
1- En microscopie optique
:
Trois éléments principaux caractérisent le type I et sont bien
reconnaissables, si l’on utilise les colorations appropriées, en
particulier le trichrome et l’argent :
– la prolifération des cellules mésangiales avec augmentation de la
substance mésangiale : c’est dans ce type qu’elle est la plus
abondante ;
– l’interposition mésangiale entre la lamina densa
et l’endothélium donnant un aspect en double contour à la membrane
basale ;
– la présence de dépôts à la fois mésangiaux et sous-endothéliaux.
Toutefois, les dépôts ne sont visibles que s’ils sont très abondants et,
le plus souvent, c’est la prolifération mésangiale et les aspects en
double contour qui dominent le tableau.
La prolifération aboutit
souvent à une considérable augmentation de la taille des glomérules.
Parallèlement, le cytoplasme mésangial
encercle totalement ou partiellement le capillaire glomérulaire.
Cette interposition
épaissit notablement les parois des capillaires glomérulaires et
contribue, avec la prolifération mésangiale, à diminuer nettement
les lumières capillaires.
D’autres éléments sont également notés en microscopie optique : la
présence de polynucléaires dans les lumières capillaires, la présence
de dépôts extramembraneux associés, tantôt volumineux ayant la
forme de humps, tantôt plus petits, aplatis sur la membrane basale.
2- En
microscopie électronique :
L’examen en
microscopie électronique permet une meilleure définition de la
prolifération, de l’épaississement de la paroi capillaire et des
dépôts.
– Aspect en double contour : il est le résultat de l’interposition mésangiale entre deux couches argyrophiles : la lamina densa
normale sur le versant externe et des bandes de substance
mésangiale condensée sur le versant interne.
Les cellules
endothéliales sont ainsi refoulées vers la lumière.
L’épaisseur du
tissu mésangial interposé peut atteindre 60 fois l’épaisseur de la
membrane basale normale.
On y trouve, de façon variable, des
prolongements de cellules mésangiales, des restes de membrane
cellulaire, des brins de matrice, des dépôts.
– Dépôts : les dépôts sous-endothéliaux, que l’on peut également
dénommer endomembraneux, sont en effet plutôt allongés le long
de la membrane basale et séparés des cellules endothéliales par
l’interposition mésangiale.
Ils peuvent être petits, segmentaires,
parfois volumineux, allongés et confluents, voire épais et
circonférentiels, comme dans les GNMP lupiques, correspondant
aux descriptions initiales des aspects en wire-loop.
Les dépôts mésangiaux sont tantôt de structure identique aux dépôts
sous-endothéliaux, tantôt plus denses, formant des masses
granuleuses à l’intérieur de la matrice mésangiale.
Les dépôts sous-épithéliaux ou extramembraneux sont fréquents :
tantôt véritables humps irrégulièrement disposés le long des
capillaires, identiques à ceux observés au cours des glomérulonéphrites
aiguës poststreptococciques, tantôt plus petits, séparés
les uns des autres par des extensions ou spikes de la membrane
basale.
Ils ressemblent alors aux dépôts caractéristiques de la
glomérulonéphrite extramembraneuse.
– Cellules épithéliales : elles sont hypertrophiées et présentent une
fusion fréquente des pédicelles. Leur cytoplasme est vacuolisé.
Dans
quelques cas, elles prolifèrent, formant un croissant.
Ailleurs, il existe
des synéchies entre la membrane basale glomérulaire et la capsule
de Bowman : elles sont constituées de substance mésangiale plus ou
moins lâche.
3- En immunofluorescence
:
L’examen en immunofluorescence permet de déterminer la
composition des dépôts observés.
Dans le type I, elle est très
hétérogène, autant que celle des dépôts observés dans les
glomérulonéphrites lupiques.
Les dépôts sont à la fois
périphériques, dessinant le pourtour des lobules, et à un degré
moindre, mésangiaux.
Deux situations sont schématiquement rencontrées en
immunofluorescence, dans la GNMP de type I idiopathique :
– dans la plupart des cas, les dépôts contiennent des
immunoglobulines et des fractions du complément Clq, C3, C4 en
périphérie du flocculus et également dans le mésangium.
Il
est des cas où, associés aux dépôts périphériques d’immunoglobulines
et de fractions du complément, seuls les dépôts de C3
peuvent se voir dans le mésangium ;
– des cas plus rares ont été regroupés par la présence quasi
exclusive de dépôts de C3 à la fois périphériques et mésangiaux
tandis qu’immunoglobulines et facteurs précoces du complément
sont absents.
Une variante est constituée par la présence de C3 mésangial isolé,
que certains considèrent comme une entité distincte.
Il existe à
ce sujet une controverse.
Il n’est pas exceptionnel de trouver du fibrinogène le long des parois
capillaires, dans le mésangium et naturellement dans la chambre
urinaire lorsqu’il existe une prolifération extracapillaire.
Dans les formes secondaires, les résultats de l’immunofluorescence
peuvent être différents quant à la distribution et à la nature des
dépôts : ce sont souvent des aspects atypiques en immuno-fluorescence qui vont
conduire à rechercher une maladie associée.
B - GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE
À DÉPÔTS DENSES : TYPE II
La GNMP à dépôts denses au sein de la membrane basale, ou
maladie des dépôts denses, est une entité anatomoclinique précise
ne revêtant qu’une seule traduction morphologique : la
transformation dense des membranes basales rénales. Elle
s’individualise également par ses relations étroites avec l’activation
du complément par la voie alterne.
1- En microscopie optique
:
Le principal marqueur de la maladie des dépôts denses est un
épaississement rubané, éosinophile, réfringent des membranes
basales.
C’est au niveau des capillaires glomérulaires qu’il est le plus net,
mais on peut aussi le mettre en évidence au niveau de la capsule de
Bowman et dans les membranes basales tubulaires.
Cet
épaississement est très PAS-positif, du fait d’un excès d’acide
sialique, vert foncé sur le trichrome de Masson. Il présente une
coloration bleu foncé caractéristique sur des coupes au bleu de
toluidine, réalisées après inclusion plastique.
Sur les colorations par
l’argent, il se colore typiquement en brun clair.
Bien que
ces modifications membranaires soient très caractéristiques, elles
peuvent être sporadiques durant la phase précoce de la maladie.
Dans ces cas, le diagnostic en microscopie optique est incertain et la
microscopie électronique est nécessaire pour préciser, sans
équivoque, les modifications membranaires.
Mise à part cette transformation dense de la membrane basale, tous
les éléments caractéristiques de la GNMP de type I peuvent être
observés dans le type II, ce qui explique bien des confusions qui ont
pu durer jusqu’aux environs des années 1970.
Toutefois, la
prolifération mésangiale et l’augmentation de la substance
mésangiale sont moins marquées que dans le type I. Il n’y a pas de
relation nette entre l’importance de l’altération membranaire et le
degré de prolifération.
En corollaire, les aspects en double contour
sont également inconstants.
La prolifération peut même être
totalement absente.
Dans ce cas, certains préfèrent utiliser le terme
de « maladie des dépôts denses » à celui de GNMP.
2- En microscopie électronique
:
Le matériel dense, argyrophile, élargissant la lamina densa,
dénommé dépôt, représente en fait probablement une altération de
la structure membranaire : en effet, il ne présente pas la composition
granuleuse habituellement vue dans la plupart des dépôts.
Il est
souvent continu, parfois segmentaire, affectant alors plus
particulièrement la membrane basale adjacente aux axes mésangiaux.
Les mêmes dépôts denses se voient dans la matrice mésangiale, la capsule de Bowman, la membrane basale des tubes
contournés proximaux et, plus rarement, sur les parois des
capillaires péritubulaires et dans la lame élastique des artérioles.
Comme dans le type I, les dépôts sous-épithéliaux observés,
qu’il s’agisse de humps ou de dépôts extramembraneux plus petits,
ont une structure finement granulaire et ne se différencient pas de
ceux que l’on observe dans la glomérulonéphrite aiguë
poststreptococcique ou la glomérulonéphrite extramembraneuse
respectivement.
Les biopsies itératives révèlent habituellement une diminution de la
prolifération mésangiale comme dans le type I et, éventuellement,
une régression partielle des dépôts denses.
3- En immunofluorescence
:
L’aspect est homogène et permet le plus souvent un diagnostic de
certitude.
Il est caractérisé par une fixation quasi exclusive du sérum
anti-C3 : celle-ci est faible, linéaire, continue ou discontinue le long
des parois capillaires, très brillante au contraire dans le mésangium, formant
des nodules assez volumineux.
Un examen plus fin, à un fort grossissement, montre que la fixation
membranaire de l’anti-C3 n’est pas homogène et apparaît plutôt
comme des « rails » le long du matériel membranaire dense. Une
fixation semblable se voit au niveau des capsules de Bowman et le
long des membranes basales tubulaires.
Des composants précoces
de la voie classique Clq et C4 sont absents, de même que la
properdine.
Des dépôts de fibrine sont notés dans la chambre
urinaire lorsqu’il existe des croissants et peuvent être présents le
long des parois capillaires glomérulaires.
C - GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE
DE TYPE III :
Ce troisième type a été individualisé plus récemment en 1977, à la
fois par Anders et al et par Strife et al.
Il regroupe des aspects
qui, en microscopie optique, pourraient être classés de type I, mais
qui montrent, en microscopie électronique, des zones de rupture de
la membrane basale.
Ces interruptions sont dues à une importante
accumulation, à l’intérieur de la membrane basale, de dépôts
granulaires, souvent éosinophiles et réfringents en microscopie
optique.
Ils sont associés le plus souvent à des dépôts endomembraneux et à
des dépôts extramembraneux.
Les colorations par l’argent
permettent d’apprécier au mieux l’étendue de ces interruptions de
membrane basale.
Par ailleurs, un examen en microscopie
électronique après imprégnation argentique permet de distinguer les
dépôts intramembraneux du type III, négatifs à l’argent, de
l’épaississement argyrophile des dépôts denses : ainsi, dans son
ensemble, la membrane basale apparaît épaissie, irrégulière,
inhomogène, avec des dépôts irrégulièrement incorporés en son sein.
Le degré de prolifération mésangiale est variable mais, en général,
nettement moindre que dans le type I.
Elle est le plus souvent
segmentaire.
En immunofluorescence, les dépôts de C3 prédominent comme dans
les autres types : ils sont notés sur toute la surface glomérulaire,
autant au niveau des parois capillaires que dans le mésangium.
Des dépôts d’immunoglobulines G sont rarement rencontrés et
toujours en petite quantité.
Clq et C4 sont généralement absents.
Une controverse demeure quant à l’individualisation du type III
comme une entité distincte : ainsi, Habib et Lévy ne le considèrent
que comme une variante du type I « dans la mesure où, en dehors
de ses caractéristiques morphologiques, le type III n’a aucune
originalité sur le plan clinique et immunologique ».
D - ASPECTS HISTOLOGIQUES DIVERS
:
1- Glomérulonéphrite lobulaire
:
Il est apparu, depuis plusieurs années, grâce aux résultats de
l’immunofluorescence et aux études cliniques, qu’elle n’était qu’une
variété morphologique des GNMP.
On peut voir en effet
sur les biopsies tous les degrés de lobularité.
La lobulation n’est en
rapport ni avec une sévérité accrue, ni avec un stade évolutif de la
maladie : elle ne témoigne que d’une hypertrophie majeure de la
substance mésangiale allant jusqu’à former des nodules éosinophiles
et PAS positifs.
Ces nodules sont essentiellement constitués de
collagène de type IV et de laminine, tandis que l’essentiel de la
masse scléreuse située entre les anses collabées renferme plutôt du
collagène de type III que de type IV.
À un stade très évolué,
l’aspect se rapproche de la glomérulosclérose diabétique nodulaire.
On a récemment décrit une forme de GNMP nodulaire idiopathique,
avec volumineux dépôts PAS positifs à la fois mésangiaux et dans
les lumières capillaires.
Elle ne s’accompagnait ni de cryoglobulinémie, ni de symptomatologie lupique.
En
immunofluorescence, il y avait essentiellement des dépôts
d’immunoglobulines M et de C4, associés à un degré moindre à des
dépôts de C3 et d’immunoglobulines A.
L’examen en microscopie
électronique montrait des membranes basales glomérulaires
d’épaisseur normale, et une grande quantité de dépôts sousendothéliaux
finement granulaires, sans structure fibrillaire ou
tubulaire.
2- Glomérulonéphrite membranoproliférative
à croissants extracapillaires :
Dans la plupart des cas de GNMP, la chambre urinaire est libre,
bien que l’on puisse noter de petites synéchies entre flocculus et
capsule de Bowman.
Dans certains cas, très rares, la présence
d’abondants croissants épithéliaux réalise l’aspect de GNMP à
croissants.
Ces formes ont été individualisées au sein du groupe
hétérogène des glomérulonéphrites à croissants diffus et ont été
distinguées, entre autres, grâce à l’immunofluorescence, des
glomérulonéphrites prolifératives endo- et extracapillaires poststreptococciques.
Le tableau clinique initial est, dans les deux
cas, celui d’une insuffisance rénale rapidement progressive, mais
l’évolution ultérieure naturelle est nettement plus mauvaise dans le
premier cas que dans le deuxième.
Certains glomérules ont l’aspect caractéristique de GNMP de type I
alors que d’autres sont normaux, ou ne présentent qu’une
prolifération mésangiale modérée.
C’est dans ces formes focales que
sont rencontrées, entre autres, des GNMP secondaires aux cirrhoses
éthyliques.
Pour ce qui est du type II, certains individualisent les formes focales
comme étant plutôt associées à des syndromes néphritiques aigus,
qu’à des syndromes néphrotiques, avec complément le plus souvent
normal, et meilleure évolution de la fonction rénale que dans les
formes diffuses.
Quel que soit le type de GNMP, on note la présence de
polynucléaires, le nombre de glomérules fibreux, le nombre de
croissants, la sévérité des lésions tubulo-interstitielles, vasculaires
associées.
Diagnostic différentiel
:
A - GLOMÉRULONÉPHRITE AIGUË POSTSTREPTOCOCCIQUE
:
Elle pose parfois des problèmes de diagnostic délicat avec les
GNMP.
Un syndrome néphritique aigu, un taux d’antistreptolysines
augmenté, une hypocomplémentémie, une prolifération mésangiale
avec aspects en double contour et infiltration par des polynucléaires
peuvent en effet être présents dans les deux cas.
L’absence de
régression symptomatique, la persistance de l’hypocomplémentémie
au-delà de la huitième semaine et, en dernière analyse, l’évolution
morphologique trancheront, avec apparition des aspects
caractéristiques des GNMP sur les biopsies ultérieures.
Toutefois, on retient l’existence de certaines parentés entre les GNMP
et la glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique.
B - AUTRES DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
:
Des problèmes variés peuvent se poser à l’étape de la microscopie
optique : ils sont en général levés par l’examen en immuno-fluorescence.
La prééclampsie et la microangiopathie thrombotique peuvent
présenter des aspects en double contour, tout comme d’autres
circonstances comportant une interposition mésangiale.
La glomérulosclérose diabétique de type Kimmelstiel-Wilson et la
néphropathie du myélome à chaînes légères ont parfois des aspects
lobulaires.
La présence éventuelle de dépôts intramembraneux peut
ajouter une difficulté supplémentaire, donnant un aspect proche du
type II.
Certaines glomérulonéphrites extramembraneuses à un
stade avancé (III ou IV) peuvent prêter à confusion avec une GNMP
de type III.
La glomérulonéphrite lobulaire idiopathique, ou sclérose mésangiale
nodulaire idiopathique, a été individualisée récemment par Alpers
et Biava.
Elle se voit en dehors du diabète, de l’amylose, d’une
maladie des chaînes légères.
L’absence de dépôts significatifs
d’immunoglobulines, de complément en immunofluorescence, ainsi
que l’absence de dépôts denses aux électrons en microscopie
électronique la distinguent des GNMP.
La symptomatologie en est
assez insidieuse, associant une protéinurie souvent néphrotique et
une insuffisance rénale.
Mais, quant à sa pathogénie, on ne peut
exclure l’hypothèse selon laquelle cette lésion représenterait la forme
de résolution d’une glomérulonéphrite antérieure, infra-clinique.
Pathogénie
:
A - GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE
À DÉPÔTS SOUS-ENDOTHÉLIAUX :
On considère, bien que cela ne soit pas démontré, que les GNMP de
type I sont des maladies liées à des dépôts de complexes immuns
activant le complément. Un ensemble de constatations sont en
faveur de cette hypothèse :
– la présence de dépôts glomérulaires d’immunoglobulines et de
fractions du complément ;
– la mise en évidence, dans les dépôts glomérulaires, d’antigènes
viraux ou parasitaires ;
– l’association fréquente à une hypocomplémentémie traduisant la
consommation du complément.
En effet, la majorité des patients
présentent une diminution au moins intermittente des
concentrations de C3 et des composants de la voie classique
d’activation du complément (C4, C1q) ;
– la présence de complexes immuns circulants (CIC) ou d’une cryoglobulinémie dans plus de la moitié des cas ;
– les causes secondaires de GNMP de type I, en particulier
infectieuses, sont fréquemment des situations où il existe une
antigénémie chronique ;
– l’association des GNMP de type I avec des maladies médiées par
des dépôts de CIC, comme le lupus érythémateux disséminé.
Par analogie avec le modèle expérimental de la maladie sérique, il
est possible que les GNMP de type I soient dues à des dépôts de
CIC, composés d’anticorps et d’antigènes issus d’agents infectieux
le plus souvent, sur la face interne de la paroi du capillaire
glomérulaire.
La formation de CIC in situ est également possible,
après fixation initiale de l’antigène sur la membrane basale
glomérulaire.
La présence de complexes immuns dans le mésangium et les espaces
sous-endothéliaux déclencherait l’activation du complément et la
libération de cytokines responsables de l’afflux de cellules de
l’inflammation et de la prolifération des cellules mésangiales et
endothéliales.
Le fait que la plupart des patients présentant des CIC ne
développent pas de GNMP suggère l’implication d’autres facteurs
dans la pathogénie de ce type de néphropathie glomérulaire (taille
des complexes immuns, nature de l’antigène, caractéristiques
physicochimiques des immunoglobulines, capacité d’épuration des
CIC par le système réticuloendothélial, facteurs glomérulaires
locaux...).
B - GLOMÉRULOPATHIE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE
DE TYPE II :
Selon West, une activité excessive de C3 convertase alterne serait
à l’origine du développement des lésions rénales observées dans les
GNMP de type II. En effet, chez les patients présentant une GNMP
de type II, on retrouve dans plus de 80 % des cas un autoanticorps
particulier, le facteur néphritique C3 (C3Nef).
En se liant à la C3 convertase
alterne (C3bBb), il protège ce complexe de l’inactivation
enzymatique par le facteur H et entraîne l’activation
permanente de la voie alterne du complément.
Cela se traduit,
sur le plan biologique, par une diminution des concentrations
sériques de C3.
Cette hypothèse est confortée par un modèle animal de porcs présentant un déficit en facteur H, une hypocomplémentémie et une GNMP de type II.
Chez l’homme,
l’association d’un déficit en facteur H et d’une GNMP est également
décrite.
Cependant, le mécanisme responsable des lésions
glomérulaires n’est pas élucidé et les concentrations sériques de C3 convertase alterne n’ont pas été mesurées dans l’étude de West.
Récemment, Schwertz et al ne mettaient pas en évidence d’élévation
de la C3bBb chez 15 enfants présentant une GNMP de type II,
associée à la présence de C3Nef.
Enfin, un certain nombre de
patients présentent une atteinte rénale progressive, sans
modification des fractions du complément, indépendamment de la
présence de C3Nef.
Si l’intervention du C3Nef dans le développement des lésions
rénales n’est pas évidente, son implication dans la lyse du tissu
adipeux observée au cours de la lipodystrophie partielle, pathologie
fréquemment associée aux GNMP de type II, est beaucoup plus
directe.
En effet, le complément semble jouer un rôle dans la
régulation du tissu adipeux.
Les adipocytes produisent certaines
fractions clés de la voie alterne du complément, comme le facteur D
(également nommé adipsine), protéine permettant la synthèse finale
de la C3 convertase alterne. En 1993, Matthieson et al ont démontré
qu’en présence de C3Nef, on observait une lyse des adipocytes
médiée par le complexe d’attaque membranaire.
Un autre élément
particulièrement informatif est l’existence de variations régionales
dans l’expression du facteur D, variations superposables aux zones
de lipodystrophie.
On peut imaginer que les cellules glomérulaires
exprimant des fractions du complément seraient la cible de la C3 convertase alterne.
Toujours est-il qu’à ce jour, la composition chimique et la nature des
dépôts denses restent inconnues.
Pour certains, les GNMP de type II
seraient en relation avec un trouble primitif de la synthèse ou de la
dégradation de la membrane basale glomérulaire, les anomalies du
complément n’étant qu’un phénomène secondaire.
En effet, dans les
cas de récidive de GNMP de type II après transplantation, les dépôts
denses apparaissent avant tout dépôt de C3, indépendamment de la
présence d’une hypocomplémentémie et de la présence de C3Nef.
Clinique
:
Les trois types morphologiques de GNMP ne peuvent se distinguer
sur le plan clinique. Schématiquement, on peut individualiser
plusieurs tableaux.
– Dans 50 % des cas, c’est un syndrome néphrotique impur
d’installation progressive.
– Dans 25 % des cas, c’est un syndrome néphritique aigu typique,
faisant suite à une infection otorhinolaryngologique.
Il est parfois
superposable en tous points, du moins initialement, au tableau de la
glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique.
La persistance d’une hypocomplémentémie associée à une protéinurie et une hématurie
au-delà de la huitième semaine est plus évocatrice de la GNMP.
– Dans 15 % des cas, c’est une découverte d’examen systématique
chez un malade asymptomatique, mettant en évidence une
protéinurie et une hématurie microscopique.
Des infections
intercurrentes peuvent s’accompagner d’épisodes d’ hématurie
macroscopique.
– Une autre présentation insidieuse est celle d’une hypertension
artérielle, d’abord modérée puis plus difficile à contrôler tandis que
la protéinurie et l’hématurie microscopique restent très modérées.
De même, une GNMP peut être découverte devant une insuffisance
rénale chronique de degré variable, associée en général à une
protéinurie, une hématurie microscopique et une élévation de la
pression artérielle.
Ainsi, les GNMP peuvent être latentes pendant
des années et leur révélation n’être que le fait d’un épisode
spectaculaire, syndrome néphrotique ou syndrome néphritique aigu.
– Sur le plan immunologique, un trait caractéristique des GNMP
est l’abaissement de la concentration sérique du complément
hémolytique total et de son composant C3 (présent dans 75 % des
cas à un moment donné de l’évolution).
En fait, l’hypocomplémentémie
est très souvent fluctuante et ne présente pas de
véritable corrélation avec le tableau clinique.
L’activation du
complément se fait par la voie classique dans le type I et par la voie
alterne dans le type II.
Dans ce dernier cas, l’intervention d’un autoanticorps particulier, le facteur néphritique C3, retrouvé chez
plus de 80 % des patients, est à l’origine de la dégradation continue
du C3.
Pronostic
:
Le pronostic des GNMP est en règle défavorable puisque 50 % des
patients, enfants et adultes, présentant un syndrome néphrotique
évoluent vers l’insuffisance rénale terminale en 10 ans.
Au bout de
20 ans, 80 % des patients atteignent le stade d’insuffisance rénale
terminale.
Cependant, dans 10 à 15 % des cas, une rémission
complète et durable est observée.
La présence d’une protéinurie de niveau néphrotique, d’une
hypertension artérielle, de lésions interstitielles sévères, d’une
prolifération extracapillaire, ainsi que les formes lobulaires
constituent des facteurs prédictifs d’évolution vers l’insuffisance
rénale terminale.
En leur absence, la survie rénale à 10 ans des GNMP de type I est de 85 %.
Les GNMP de type II sont généralement considérées comme plus
agressives que les GNMP de type I, évoluant vers l’insuffisance
rénale terminale dans un délai de 5 à 12 ans.
Cependant, il est important de noter que le traitement étiologique
de certaines formes secondaires, comme l’éradication d’un foyer
infectieux bactérien, peut s’accompagner d’une rémission clinique
et histologique.
Diagnostic étiologique
:
Les GNMP peuvent être idiopathiques ou secondaires à un grand
nombre de maladies, notamment infectieuses ou dysimmunitaires.
Les infections chroniques par le VHC pourraient
représenter jusqu’à 60 % des cas de GNMP de type I préalablement
considérés comme primitifs.
A - AFFECTIONS ASSOCIÉES AUX GLOMÉRULONÉPHRITES
MEMBRANOPROLIFÉRATIVES DE TYPES I ET III :
1- Maladies dysimmunitaires
:
*
Lupus érythémateux disséminé
:
Certaines formes de glomérulonéphrites prolifératives du lupus ont
une morphologie de GNMP de type I avec, en immunofluorescence,
des dépôts d’immunoglobulines G, A, M et de fractions du complément (C1q, C4, C3), de sièges sous-endothélial et mésangial.
Le diagnostic est essentiellement assuré par la présentation clinique
et la présence d’anticorps antiacide désoxyribonucléique (ADN)
natif dans le sérum.
* Cryoglobulinémie mixte de type II
:
La plupart des patients sont porteurs du VHC.
Cependant,
certaines hémopathies malignes ou maladies auto-immunes (dont le
syndrome de Gougerot-Sjögren) peuvent s’accompagner de
cryoglobulinémie mixte de type II.
La GNMP observée comporte des dépôts sous-endothéliaux et
mésangiaux d’immunoglobulines G, mais surtout
d’immunoglobulines M et de complément.
Il existe une importante
infiltration leucocytaire du flocculus, particulièrement riche en
monocytes.
Les lumières capillaires sont parfois remplies de thrombi
hyalins occlusifs.
Une vascularite touchant les artères de petit et
moyen calibres est parfois retrouvée.
Elle est caractérisée par des
dépôts intraluminaux, une nécrose fibrinoïde de la paroi artériolaire
et une infiltration leucocytaire périvasculaire.
La présence d’une
prolifération extracapillaire est rare.
En microscopie électronique, les
dépôts sous-endothéliaux ou intracapillaires sont, soit des dépôts
amorphes ressemblant à des complexes immuns, soit des dépôts
ayant une structure fibrillaire organisée en tube (section
longitudinale) et en cocarde (section transversale).
* Déficits sélectifs de certaines fractions du complément
:
Un déficit homozygote en C2 semble s’associer à une plus grande
fréquence de GNMP par rapport à des populations témoins.
Des
cas sporadiques de GNMP associée à un déficit congénital en C3 ont
été rapportés.
2- Pathologies infectieuses
:
Elles représentent les principales causes de GNMP de type I.
* Infections bactériennes
:
L’infection d’une dérivation ventriculoatriale ou
ventriculopéritonéale peut entraîner une GNMP (« néphrite du
shunt »).
Le germe en cause est en général Staphylococcus epidermidis.
Le tableau comporte une fièvre à rechute, une hématurie, une
protéinurie, parfois un syndrome néphrotique et une insuffisance
rénale.
Une hypocomplémentémie est fréquente. L’ablation du shunt
infecté conduit, le plus souvent, à la guérison complète, clinique et
morphologique. Cette situation, tout en devenant très rare, a le
mérite de démontrer, de manière exemplaire, le caractère réversible
de certaines GNMP.
Des GNMP ont été également décrites dans l’endocardite
bactérienne subaiguë et dans certaines suppurations chroniques
profondes.
Beaufils et al ont rapporté, en 1976, une série de 11
patients présentant une infection viscérale profonde et une
insuffisance rénale sévère.
Seuls les patients traités rapidement et
efficacement ont récupéré une fonction rénale proche de la
normale.
* Infections virales
:
+ Hépatite B :
La présence d’une protéinurie ou d’un syndrome néphrotique au
cours de l’hépatite B s’accompagne de lésions glomérulaires variées,
allant de la glomérulonéphrite extramembraneuse à la GNMP.
Le mélange des deux y réalise parfois un aspect proche du type III.
La prolifération cellulaire est modérée.
En immunofluorescence, les
dépôts observés contiennent immunoglobulines G,
immunoglobulines M, C3 et parfois immunoglobulines A. Dans
certains cas, une cryoglobulinémie mixte est mise en évidence.
L’antigène HBs a été directement retrouvé dans de nombreux cas.
L’efficacité de l’interféron dans cette situation a été rapportée.
+ Hépatite C
:
Il est actuellement admis que l’infection par le VHC, et plus
particulièrement son association à une cryoglobulinémie mixte de
type II, représente une des principales causes de GNMP.
L’analyse des observations de GNMP associées au VHC montre que
dans près de 90 % des cas, on met en évidence une cryoglobulinémie
mixte (une cryoglobulinémie mixte est retrouvée chez 55 à 90 % des
patients infectés par le VHC, moins de 1 % présentant une atteinte
rénale).
Ces cryoglobulines peuvent parfois apparaître en cours
d’évolution.
Dans l’étude de Johnson et al, si 14/34 patients
n’avaient pas de cryoglobulinémie mixte à la phase initiale, neuf
d’entre eux présentent secondairement une cryoglobulinémie mixte.
Les travaux initiaux de Yamabe et al ne retrouvaient pas de
cryoglobulinémie mixte chez six patients infectés par le VHC et
présentant une GNMP mais dans la publication ultérieure, ces six
sujets avaient une cryoglobulinémie mixte.
La recherche de la cryoglobulinémie mixte doit donc être répétée.
La possibilité qu’une GNMP soit associée au VHC en l’absence de
cryoglobulinémie reste controversée. En France, la prévalence des
anticorps anti-VHC était nulle chez 35 patients présentant une
GNMP considérée comme primitive.
Dans une étude italienne,
seulement trois des 128 patients ayant une GNMP de type I
idiopathique avaient une infection par le VHC.
D’autres études
réalisées en Espagne, en Turquie, à Hong-Kong et aux États-Unis ne
retrouvaient pas d’augmentation de la prévalence de l’infection à VHC chez les sujets présentant une GNMP considérée comme
primitive.
Fornasieri et al ont mis en évidence l’affinité particulière de
l’immunoglobuline M monoclonale anti-immunoglobuline G
produite par les clones lymphocytaires B stimulés par le VHC
pour la fibronectine, une protéine de la matrice mésangiale.
Plus
récemment, deux équipes ont pu localiser des antigènes spécifiques
du VHC, dans la paroi des capillaires glomérulaires et dans le
mésangium de patients présentant une GNMP associée à une
cryoglobulinémie mixte de type II.
Enfin, l’acide ribonucléique
(ARN) viral est retrouvé dans le cryoprécipité à des concentrations
100 fois plus élevée, voire plus, que dans le sérum.
Ces arguments
sont en faveur d’une glomérulopathie médiée par des complexes
immuns se formant in situ ou se déposant secondairement par
l’intermédiaire de l’immunoglobuline M K.
* Infections parasitaires
:
+ Bilharziose
:
Il s’agit d’une cause non exceptionnelle de syndrome néphrotique
dans les zones d’endémie.
Des lésions de GNMP, parfois de type I,
mais plus souvent de type III, ont été décrites dans les formes les
plus sévères de la maladie.
Une atteinte glomérulaire est observée
chez 10 à 15 % des patients avec une atteinte hépatosplénique.
Des
croissants extracapillaires sont parfois associés.
Les dépôts sousendothéliaux
intra- et extramembraneux contiennent des
immunoglobulines, des fractions du complément et parfois des
antigènes bilharziens. Dans les formes hépatospléniques de la
maladie, le cours de la néphropathie glomérulaire n’est pas modifié
par le traitement antiparasitaire.
+ Malaria
:
Les atteintes rénales ne sont pas rares au cours de la fièvre quarte.
Les glomérules montrent des degrés variables de prolifération mésangiale, de sclérose segmentaire, d’épaississement des parois
capillaires, avec aspect en double contour.
Les dépôts sousendothéliaux
intra- et extramembraneux contiennent des
immunoglobulines, des fractions du complément et parfois des
antigènes plasmodiaux.
3- Affections malignes
:
Les hémopathies malignes s’accompagnent occasionnellement de
syndrome néphrotique.
Il s’agit le plus souvent d’une maladie
amyloïde ou de lésions glomérulaires minimes, avec parfois glomérulosclérose focale.
Dans environ 10 % des cas, ont été décrites
des GNMP de type I, souvent en présence de cryoglobulinémie de
type I ou II.
On peut observer une disparition conjointe du
syndrome néphrotique et des signes de leucémie lymphoïde
chronique sous traitement immunosuppresseur.
En 1997, Ahmed et al ont publié le cas d’un patient présentant un
syndrome néphrotique secondaire à une GNMP et un
adénocarcinome rénal.
Après l’exérèse chirurgicale de la tumeur, ils
observaient une disparition de la protéinurie et une amélioration de
la fonction rénale.
4- Affections hépatiques
:
Une néphropathie à dépôts mésangiaux d’immunoglobulines A est
souvent rencontrée dans le cadre de la cirrhose éthylique.
Elle peut
revêtir un aspect de GNMP focale, avec une caractéristique
particulière : la fixation intense du sérum anti-immunoglobulines A,
de siège mésangial et sous-endothélial.
Dans la
littérature, on retrouve au moins huit cas de déficit en alpha-1-
antitrypsine, phénotype ZZ, avec une cirrhose associée à un
syndrome néphrotique.
L’atteinte rénale correspondait le plus
souvent à une GNMP, et dans deux cas, on retrouvait des dépôts glomérulaires
d’alpha-1-antitrypsine en immunofluorescence.
5- Drépanocytose
:
Au cours des formes homozygotes, un certain nombre d’atteintes
glomérulaires peuvent être observées.
De véritables GNMP de type
I avec dépôts d’immunoglobulines G, d’immunoglobulines M, de
C3 et de C1q associés à la présence de complexes immuns contenant
un antigène épithélial tubulaire ont été rapportées dans la
littérature.
6- « Shunt » splénorénal ou hépatorénal
:
Dash et al ont étudié l’influence de la dérivation chirurgicale de la
circulation portale chez 400 patients présentant une hypertension
portale secondaire à une fibrose hépatique non cirrhotique (FHNC),
ou à une obstruction du tronc porte d’origine extrahépatique. À
5 ans, chez les patients insuffisants hépatiques avec FHNC, on
observait l’apparition d’un syndrome néphrotique dans 32 % des
cas ; plus de la moitié de ces malades présentaient une GNMP (avec
une prédominance de dépôts de nature immunoglobulines A2).
Le
groupe ayant une fonction hépatique normale ne développait pas
de néphropathie glomérulaire, ce qui suggère un défaut de clairance
hépatique des complexes immuns aggravé par le shunt.
B - AFFECTIONS ASSOCIÉES AUX GLOMÉRULONÉPHRITES
MEMBRANOPROLIFÉRATIVES DE TYPE II :
LIPODYSTROPHIE PARTIELLE
Les GNMP à dépôts denses peuvent s’observer isolément ou au
cours d’une affection bien particulière, la lipodystrophie partielle.
Cette affection est caractérisée par l’absence de tissu adipeux dans
certaines parties du corps, en particulier les membres supérieurs, le
tronc et la face.
La lipodystrophie partielle s’accompagne
généralement d’une hypocomplémentémie et de la présence de
C3Nef.
L’association fréquente à des lésions rétiniennes (nodules
jaunâtres au fond d’oeil), secondaires à des dépôts denses au sein de
la membrane basale de l’épithélium pigmentaire, est bien en faveur
d’une pathologie systémique.
Traitement médical
:
Le traitement des GNMP est loin d’être parfaitement codifié.
L’analyse des résultats thérapeutiques publiés s’avère difficile pour
plusieurs raisons : il s’agit le plus souvent d’études rétrospectives
non contrôlées, comprenant principalement des GNMP de type I,
dont les critères d’évaluation, les durées de traitement et de suivi
diffèrent.
D’autre part, ces études ignoraient l’association entre les GNMP de type I et le VHC, qui serait à l’origine de plus de la moitié
des cas de GNMP de type I, jusqu’alors considérés comme primitifs.
Parmi les différentes approches thérapeutiques réalisées
(anticoagulants, antiagrégants, anti-inflammatoires non stéroïdiens,
corticoïdes, cyclophosphamide), seule la corticothérapie chez
l’enfant et les antiagrégants plaquettaires chez l’adulte ont une
efficacité démontrée par des études prospectives, contrôlées et
randomisées.
L’utilisation de ces traitements est principalement réservée aux
formes idiopathiques de GNMP, en cas de facteurs de mauvais
pronostic (protéinurie supérieure à 3 g/j, présence d’une insuffisance
rénale, importantes lésions interstitielles...).
A - CORTICOÏDES
:
Les enfants présentant une GNMP idiopathique avec une
protéinurie supérieure à 3 g/24 h et une insuffisance rénale peuvent,
dans certains cas, répondre à un traitement prolongé par des
corticoïdes à fortes doses.
Dans l’étude de Tarshish et al, portant
sur une population de 80 enfants présentant une GNMP
(principalement de type I), un traitement par prednisone à la dose
de 40 mg/m2, 1 jour sur 2 pendant 3 à 4 ans, permet de freiner
l’évolution vers l’insuffisance rénale sévère.
Ainsi, 10 ans après le
début du traitement, 61 % des patients traités par prednisone contre
12 % des patients non traités avaient une fonction rénale stable.
Étant donné les effets secondaires de la corticothérapie prolongée à
forte dose, des protocoles moins lourds ont été testés.
Ford et al ont
mené une étude non contrôlée chez 19 enfants présentant une GNMP de type I.
Après un traitement initial à la dose de 2 mg/kg
de prednisone 1 jour sur 2 (pendant 3 à 4 mois), ils réalisaient une
décroissance très progressive jusqu’à une posologie de 20 mg 1 jour
sur 2, poursuivie pendant plusieurs années.
L’hypertension artérielle
présente au départ chez la majorité des patients était contrôlée
médicalement.
Après 3 à 10 ans de suivi, la majorité des enfants
avaient une fonction rénale stable et une nette diminution des
lésions glomérulaires (biopsie rénale systématique après 2 ans de
traitement).
Les travaux du groupe de Cincinatti corroborent l’intérêt de la
corticothérapie à jours alternés dans la prise en charge des GNMP
chez l’enfant.
Ce même groupe a récemment rapporté l’intérêt limité
de cette approche thérapeutique dans les GNMP de type III.
Chez l’adulte, il n’existe pas d’étude satisfaisante évaluant l’efficacité
de la corticothérapie dans le traitement des GNMP.
Cependant, à la
lumière des études pédiatriques, l’utilisation d’une corticothérapie
prolongée chez les patients à risque pourrait être tentée.
B - IMMUNOSUPPRESSEURS
:
Une étude réalisée il y plus de 30 ans par Kincaïd-Smith rapportait
une amélioration de la survie rénale chez dix patients sur 16 avec
l’association cyclophosphamide, dipyridamole et anticoagulants.
Dans deux études contrôlées ultérieures, l’une américaine, l’autre
australienne, ce bénéfice n’a pas été retrouvé.
Dans l’étude de Cattran et al, utilisant le même traitement chez 59 patients
présentant une GNMP, on n’observe pas, après 18 mois d’évolution,
de bénéfice significatif du traitement.
C - PLASMAPHÉRÈSES
:
Leur intérêt est peu documenté et très controversé.
Leur
utilisation en cas de prolifération extracapillaire floride reste
discutée.
D - ANTIAGRÉGANTS PLAQUETTAIRES
:
Donadio et al ont évalué, dans une étude contrôlée, l’effet d’un
traitement par aspirine (975 mg/j) et dipyridamole (225 mg/j)
pendant 1 an, chez 40 patients présentant une GNMP de type I.
Ils
observaient une nette diminution du nombre de patients évoluant
vers l’insuffisance rénale terminale dans le groupe traité (14 % à 3
ans) par rapport au groupe témoin (47 % à 5 ans).
Cependant, cette
différence disparaissait après 10 ans de suivi, suggérant la nécessité
de poursuivre ce traitement pendant plusieurs années.
Dans
une étude plus récente, Zauner et al ont testé de façon contrôlée
l’effet de l’association aspirine-dipyridamole pendant 3 ans, chez 18
patients présentant une GNMP.
Les deux groupes bénéficiaient
d’une restriction protéique et d’un traitement antihypertenseur
adapté.
À l’issue de l’étude, il n’existait pas de variation significative
de la fonction rénale par rapport aux valeurs initiales ; en revanche,
le groupe traité par antiagrégants plaquettaires présentait une
diminution franche de la protéinurie par rapport au groupe ayant
reçu un traitement placebo.
On admet actuellement que chez l’adulte ayant une GNMP
idiopathique, une protéinurie supérieure à 3 g/j ou une fonction
rénale altérée, un traitement à base d’aspirine et/ou de
dipyridamole peut être essayé.
E - CAS PARTICULIERS : GLOMÉRULONÉPHRITES
MEMBRANOPROLIFÉRATIVES ASSOCIÉES AU VIRUS
DE L’HÉPATITE C
Seul un traitement antiviral efficace peut entraîner une diminution
de la cryoglobulinémie et des lésions rénales secondaires.
Depuis 10 ans, de nombreuses études utilisant l’interféron en
monothérapie ont signalé une régression des manifestations rénales
sous traitement. Malheureusement, on observe en général une
rechute à l’arrêt de l’interféron. De rares obervations sur l’effet d’une
bithérapie par interféron-ribavirine chez ces patients ont été
rapportées.
Au vu des résultats obtenus chez les malades
atteints d’une hépatite C chronique traités par l’association interféron-ribavirine (près de 50 % de rémission prolongée), il paraît
justifié de proposer à ces patients le traitement antiviral actuellement
considéré comme le plus efficace.
En pratique, on peut proposer
l’association d’interféron-ribavirine pendant 18 mois à 24 mois
(contre-indication de la ribavirine si la clairance de la créatinine est
inférieure à 50 mL/min).
Enfin, en cas de vascularite « floride » chez ces patients présentant
une cryoglobulinémie mixte liée au VHC (insuffisance rénale aiguë,
manifestations neurologiques), on utilise dans un premier temps un
traitement immunosuppresseur « lourd », associant des bolus de
méthylprednisolone, suivis d’une corticothérapie orale, du
cyclophosphamide et des échanges plasmatiques.
Certaines études
non contrôlées ont noté chez ces patients une amélioration franche
de la fonction rénale dans 55 à 87 % des cas.
Le traitement
antiviral est introduit dans un délai de 2 à 4 mois après le traitement
initial.
Transplantation
:
A - GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE
À DÉPÔTS SOUS-ENDOTHÉLIAUX :
La récidive des GNMP de type I après une allogreffe rénale survient
dans 20 à 30 % des cas. Cette récidive conduit à la perte du
transplant dans 40 % des cas, dans un délai de 40 mois en moyenne
après le diagnostic.
Le risque de récidive serait plus important en
cas de greffe à partir d’un donneur vivant apparenté, et lors d’une
deuxième transplantation en cas de récidive sur le premier greffon.
La ciclosporine n’aurait pas d’effet préventif.
L’association aspirinedipyridamole
pourrait stabiliser la fonction rénale.
En microscopie optique, la récidive peut être difficile à affirmer en
raison de la similitude lésionnelle avec la glomérulopathie
d’allogreffe.
Cependant, l’immunofluorescence et la microscopie
électronique permettent de trancher.
En cas de récidive,
l’immunofluorescence révèle constamment d’importants dépôts
glomérulaires de C3 (d’immunoglobulines G et parfois
d’immunoglobulines M), à l’inverse de la glomérulopathie
d’allogreffe où l’immunofluorescence retrouve principalement des
dépôts d’immunoglobulines M.
En microscopie électronique, on
retrouve des dépôts endomembraneux en cas de récidive, des
espaces clairs sous-endothéliaux dans la glomérulopathie
d’allogreffe.
Les GNMP de type III pourraient également récidiver après la greffe.
Dans le seul cas publié, le patient a perdu son transplant au bout de
7 ans.
B - GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE
À DÉPÔTS DENSES :
Dans ce cas, la récidive est presque constante.
Elle est plus facile à
affirmer en raison du « marqueur » que constituent les dépôts denses intramembraneux.
L’épaississement des membranes basales apparaît
d’abord au niveau du hile glomérulaire au contact du mésangium.
Elle est parfois précoce, dès les premières semaines après la
transplantation, se traduisant par l’apparition d’une protéinurie de
niveau non néphrotique au cours de la première année.
La récidive
conduit à la perte du transplant dans 10 à 50 % des cas selon les
séries.
Il n’existe pas de traitement efficace. Les échanges
plasmatiques pourraient être intéressants dans les formes sévères.
Comme dans les GNMP de type I, il n’y a aucune relation entre la
persistance ou l’apparition d’une hypocomplémentémie après la
greffe et la récidive de la maladie.
Malgré la grande fréquence des récidives de GNMP sur le
transplant, il reste justifié de transplanter ces patients, puisque les
récidives n’ont pas le plus souvent de retentissement clinique
notable.
Conclusion
:
Le concept de GNMP a beaucoup évolué depuis les descriptions
initiales et deux principales entités ont émergé au sein de nombreuses
subdivisions morphologiques et immunologiques.
D’un côté, le type II,
ou maladie des dépôts denses, se caractérise par une transformation
dense des membranes basales.
De l’autre, les GNMP à dépôts sousendothéliaux,
regroupant les types I et III, apparaissent comme des
maladies chroniques à complexes immuns.
Dans ce groupe, les causes secondaires, notamment infectieuses, sont les plus fréquentes.
Les
modifications de l’environnement sont, peut-être, à l’origine de la
fréquence décroissante des GNMP dans les pays occidentaux.
Enfin,
l’utilisation de traitements antiviraux efficaces chez les patients
présentant une GNMP associée au VHC constitue un réel espoir
thérapeutique.