Le classement suivant des formes cliniques est légèrement différent
de celui qui est souvent proposé.
Il s’efforce de rendre plus clair le
catalogue habituellement présenté, en rattachant le plus possible à
des origines embryonnaires communes, les malformations souvent
associées à cette maladie protéiforme.
A -
GLAUCOMES CONGÉNITAUX PRIMITIFS :
1- Glaucome congénital primitif isolé :
La trabéculodysgénésie isolée est prise pour type de description et
est responsable de la buphtalmie présente à la naissance. Sa
transmission est autosomique récessive.
2- Glaucome congénital primitif associé à d’autres neurocristopathies
:
Neurocristopathie veut dire anomalie de tissus développés,
totalement ou partiellement, à partir de cellules issues de la crête
neurale.
* Glaucomes congénitaux associés à d’autres neurocristopathies
oculaires
:
– Cornéo-trabéculo-dysgénésies : l’embryotoxon postérieur,
dont le mode de transmission est autosomique dominant, est présent
chez 10 % de la population et reste le plus souvent muet.
Les formes
centrales sont beaucoup plus graves, ce sont la sclérocornée,
la microcornée, et le staphylome cornéen congénital.
– Irido-trabéculo-dysgénésies : hypoplasie du stroma irien,
microcorie congénitale, anomalies vasculaires, colobome, aniridie, ectropion congénital de l’épithélium irien.
– Irido-cornéo-trabéculo-dysgénésies : centrale, c’est l’anomalie de
Peters, qui se transmet sur le mode autosomique récessif, et
comprend une anomalie de l’endothélium cornéen, de la membrane
de Descemet et des synéchies iridocornéennes avec une large opacité
cornéenne centrale ; périphérique, c’est l’anomalie d’Axenfeld-
Rieger, qui se transmet sur le mode autosomique dominant.
L’hypertonie est présente dans 50 % des anomalies de Peters et des
anomalies d’Axenfeld-Rieger, et elle apparaît plus ou moins
tardivement, entre 3 et 30 ans.
* Glaucomes congénitaux associés à des neurocristopathies
extraoculaires :
Le syndrome de Rieger associe à une anomalie d’Axenfeld-Rieger
des lésions dentaires, des lésions de la face, du nombril, et un retard
mental.
Il se transmet sur le mode autosomique dominant.
L’hypertonie est présente dans 50 % des cas ; elle peut être
congénitale mais elle apparaît plus souvent dans la petite enfance.
3- Glaucome congénital associé à d’autres
malformations ou anomalies de développement :
C’est l’association d’un glaucome congénital avec une autre
anomalie, sans que l’on soit sûr qu’il y ait une relation de cause à
effet de la seconde sur la première.
*
Oculaires
:
Microphtalmie, persistances partielles de la vascularisation foetale
(PHPV).
* Extraoculaires :
Angiomatose de la maladie de Sturge-Weber,
mucopolysaccharidoses (dont font partie les maladies de Hurler, de
Scheie, de Hunter, de Sanfilippo et de Morquio), syndrome oculocérébro-
rénal de Lowe, syndrome malformatif facial de Pierre Robin,
syndrome de Rubinstein et Taybi (ou des « pouces larges »), sclérose
tubéreuse de Bourneville, nævus d’Ota, et beaucoup d’autres...
B - GLAUCOMES CONGÉNITAUX SECONDAIRES :
1- Blocage pupillaire
:
* Cristallinien :
Microsphérophaquie, car il arrive que le microcristallin sphérique
rompe ses amarres et vienne plaquer l’iris sur la cornée,
PHPV qui peut pousser le cristallin vers l’avant, maladie de
Norrie, et rétinopathie des prématurés.
* Inflammatoire
:
Rubéole et autres inflammations foetales ou néonatales
(toxoplasmose, sinusite, maladie de Still), séquelles d’opération de
cataracte congénitale.
2- Autres étiologies avec mécanismes variés et non
classables :
Au terme de ces examens, le diagnostic et la forme clinique du
glaucome sont définis, l’indication opératoire est confirmée et la
technique chirurgicale choisie.
Notre habitude est de quitter le bloc
quelques minutes pour nous entretenir avec la famille et lui
expliquer la situation et donner nos conclusions.
Après un bref
entretien, nous retournons au bloc où l’enfant est resté endormi et
l’intervention a lieu.
La technique choisie est celle offrant le meilleur rapport entre
efficacité et risque de complication.
Nous passons donc en revue les
différentes possibilités actuellement à notre disposition. Nous en
discutons ensuite les applications.
A - MOYENS THÉRAPEUTIQUES CHIRURGICAUX
:
Ils vont du plus conservateur : limité à l’angle iridocornéen, au plus
destructeur : la cycloablation.
1- Goniotomie :
*
Goniotomie chirurgicale
:
Barkan, en 1938, a imaginé cette intervention à partir de l’idée
qu’il existait une membrane spécifique qui tapissait l’angle,
empêchant l’humeur aqueuse de rejoindre le canal de Schlemm et
les émonctoires de l’humeur aqueuse.
En fait, l’obstacle, lorsqu’il se
trouve à ce niveau, est plutôt dû à une insertion antérieure de l’iris
ou à la présence d’un trabéculum uvéal surdéveloppé.
L’opération
consiste donc à abaisser, sous contrôle visuel gonioscopique et
microscopique, la racine de l’iris et/ou le trabéculum uvéal qui
l’accompagne, qui bloquent l’accès de l’humeur aqueuse au
trabéculum.
Elle nécessite donc une bonne transparence cornéenne.
Cela la distingue théoriquement de la trabéculotomie ab interno qui
consiste à inciser le trabéculum lui-même sous contrôle
gonioscopique : l’idée de faire par la même voie cette trabéculotomie
ab interno, qui serait une section du trabéculum pour faire
communiquer directement la chambre antérieure avec le canal de
Schlemm, a ainsi été défendue, mais la précision du geste est plus
théorique que réelle.
Les deux techniques sont donc souvent
associées, de façon plus ou moins intentionnelle.
L’opération commence par une incision cornéenne au limbe
temporal et on pose sur la cornée un verre à goniotomie, dont il
existe plusieurs modèles.
Le verre de Barkan est hémisphérique et
existe en trois tailles, d’autres verres ont un système irrigateur qui
permet d’éliminer les bulles d’air ou le sang.
Par une
ponction autoétanche au limbe, on injecte un myotique et on remplit
la chambre antérieure d’un produit viscoélastique, de façon à
approfondir la chambre antérieure et avoir un bon accès visuel vers
l’angle diamétralement opposé.
Par l’ouverture cornéenne, on
introduit le couteau à goniotomie.
Nous utilisons pour cela une
aiguille 30 G montée sur une seringue et nous la tenons de telle
façon que le biseau en soit visible.
Puis nous dirigeons l’extrémité
de cette aiguille vers la partie la plus antérieure de la membrane à
disséquer et nous l’abaissons vers l’iris.
Toute la membrane
accessible est traitée de proche en proche.
On peut ainsi ouvrir
l’angle sur le tiers de sa circonférence.
L’opération est considérée
terminée lorsque l’éperon scléral est redevenu visible sur toute la
longueur de l’angle traité.
* Goniotomie au laser
:
Cette technique, pratiquée à la lampe à fente sous simple sédatif,
utilise un laser Nd-YAG qui délivre des impacts sur 120°, focalisés
au niveau de la région du canal de Schlemm ; elle a été pratiquée chez des
enfants de moins de 5 ans avec succès.
2- Trabéculotomie ab externo :
*
Technique standard
:
La trabéculotomie ab externo consiste à effondrer le trabéculum sans
l’enlever, par un abord scléral externe, contrairement à la technique
ab interno précédemment décrite.
La conjonctive est désinsérée au
limbe, et un volet scléral à charnière limbique est disséqué aux deux
tiers de la profondeur sclérale.
Dans le plancher de cette dissection,
une incision radiaire est réalisée et approfondie progressivement
jusqu’à ce que le canal de Schlemm soit mis en évidence en écartant
les lèvres de cette incision.
Il est alors cathétérisé avec un
trabéculotome, petite sonde courbée aux dimensions de la périphérie
cornéenne.
Une rotation de l’instrument effondre le trabéculum et la
fait apparaître dans la chambre antérieure.
La même
manoeuvre est répétée à droite puis à gauche.
L’effacement de la
chambre antérieure après la première rotation de l’instrument est
compensé par une injection intracamérulaire de produit visqueux.
Le volet scléral est ensuite suturé au monofilament 10/0 et la
conjonctive avec du fil résorbable 8/0.
* Technique au fil, sur 360°
:
Cette variante décrite par Beck en 1995 utilise un cathétérisme
circulaire réalisé avec un fil de prolène 6/0 à partir de la même
approche que la méthode classique.
La traction du fil réalise une
ouverture du trabéculum sur toute sa longueur mais expose au risque de
saignement, pas toujours anodin.
Les résultats communiqués récemment par l’équipe de Beck semblent
très encourageants.
3- Trabéculectomie non perforante (sclérectomie
non perforante avec pelage du trabéculum externe)
:
Cette intervention imaginée par Fyodorov et longtemps tombée
dans l’oubli a été remise à l’honneur et améliorée par l’équipe de l’hôpital Saint Joseph et rapidement adoptée pour le traitement du
glaucome à angle ouvert de l’adulte. Elle s’est avérée aussi une
technique sûre et efficace pour le traitement du glaucome juvénile.
La technique comporte une désinsertion conjonctivale limbique,
une incision sclérale non perforante et parallèle au limbe à 4 mm de
celui-ci, une lamellisation de la sclère à mi-profondeur, poursuivie
jusque dans les premières lames cornéennes, réalisant une poche que
deux incisions radiaires transforment en volet scléral à charnière
limbique.
Une incision radiaire latérale permet de repérer le canal
de Schlemm et l’éperon scléral, comme cela se fait au cours
d’une trabéculotomie ab externo.
À partir de cette ouverture, le volet
est disséqué, mettant à nu le trabéculum.
Le plafond du canal de Schlemm est tiré vers l’avant, traction qui poursuit la dissection vers
l’avant entre les lames les plus profondes de la cornée et la
membrane de Descemet qui prolonge le trabéculum au-delà de
l’anneau de Schwalbe.
Le plafond du canal de Schlemm est
enlevé et le trabéculum externe, auquel on a maintenant un
accès direct, est visualisé en brossant le plancher de la région d’avant
vers l’arrière avec une petite éponge.
Il est alors saisi à l’aide d’une
pince de Troutman et pelé.
Il n’est pas nécessaire de suturer
le volet scléral, et la conjonctive est suturée avec un fil résorbable
8/0 mettant la conjonctive en tension sur le limbe.
Comme pour la trabéculectomie, l’usage de mitomycine peut être un adjuvant
efficace lors des réinterventions.
4- Trabéculectomie perforante
:
* Trabéculectomie simple
:
La trabéculectomie est une technique éprouvée, connue de tous les
chirurgiens ; elle est donc très utilisée dans le traitement du
glaucome congénital.
À notre avis, elle va de plus en plus céder la
place à l’intervention précédente, car elle se heurte au problème de
la cicatrisation rapide et souvent excessive des tissus des jeunes
enfants, cicatrisation sûrement accélérée et majorée par la sécrétion
d’humeur aqueuse « seconde » riche en fibrine, engendrée par
l’ouverture de la chambre antérieure.
Elle est donc souvent associée
à l’usage d’agents antiprolifératifs.
La mitomycine C est en général
préférée au 5-fluorouracil per- et postopératoire dont les résultats
sont souvent jugés décevants.
La technique doit en tout cas
être encore plus rigoureuse que pour un adulte, car le limbe d’un
nourrisson atteint de glaucome congénital est toujours distendu, la sclère amincie et les rapports anatomiques modifiés par la
buphtalmie.
Comme pour la trabéculotomie ab externo, il est donc
important de bien repérer le canal de Schlemm avant d’ouvrir la
chambre antérieure. Idéalement, le résultat devrait être une bulle de
filtration peu vascularisée et moyennement saillante.
L’intervention doit souvent être répétée deux à quatre fois pour
normaliser la tension.
Surtout, ses complications ne sont pas rares
et dans les suites opératoires, les chambres antérieures effacées ne
sont pas exemptes de séquelles, synéchies antérieures, cataractes,
déformations pupillaires, entre autres.
La trabéculectomie
pure est dotée, dans la littérature, de 35 à 85 % de succès, la
moyenne étant de 50 %, alors que ce pourcentage monte à 60 à 100 %
avec une moyenne de 75 % si on y adjoint de la mitomycine.
Mais il est peu probable que l’usage de mitomycine au contact d’une
sclère distendue et amincie soit vraiment inoffensif.
Certaines
associations chirurgicales ont donc été imaginées pour compenser
l’irrégularité des résultats de la trabéculectomie et en améliorer
l’efficacité.
* Opération combinée trabéculo-trabéculectomie :
Cette association a été parfois recommandée, spécialement pour
les glaucomes apparus après la naissance et avant l’âge de 1 an,
ainsi que pour le Sturge-Weber.
Elle se fait à l’aide d’un applicateur de strontium 90 délivrant une
dose de 750 rad.
5- Valves antiglaucomateuses :
Il existe plusieurs types de valves selon qu’elles comportent un
système régulateur de pression ou non.
Elles comportent une
extrémité visible qui plonge dans la chambre antérieure et un
réservoir qui doit être placé en arrière de l’équateur et réalisant une
bulle de filtration située le plus en arrière du limbe possible.
Le tube qui relie la chambre antérieure de l’oeil à ce réservoir doit
impérativement être enfoui sous une couverture sclérale, soit par lamellisation,
soit par greffe.
La surveillance postopératoire doit être rigoureuse car les
complications ne sont pas rares.
Ces complications peuvent être une hypotonie dans les suites
opératoires immédiates et des troubles de la motilité ; le tube peut
se boucher ou se déplacer et la valve peut s’arrêter de fonctionner.
Elle peut aussi être à l’origine d’une inflammation ou d’une
infection.
Enfin, à plus ou moins long terme, une cataracte peut apparaître.
6- Cyclodestructions :
Actuellement, trois techniques de cyclodestruction sont utilisées
pour traiter certains glaucomes réfractaires et peuvent être à ce titre
utilisées pour les glaucomes congénitaux : les ultrasons, les lasers et
la cyclocryothérapie.
*
Ultrasons focalisés de haute intensité
:
Ils sont appliqués sous anesthésie locale et entraînent une
destruction localisée de l’épithélium ciliaire et un amincissement
scléral.
* Cryothérapie :
Elle est réalisée en une à quatre séances, quadrant par quadrant, en
utilisant des applications de 45 à 60 secondes à -80 °C sur 180° au
maximum pour la première session, moins pour les suivantes, si
elles sont nécessaires.
* Cycloablation au laser
:
Elle peut être faite au laser diode, qui peut aussi être
utilisé par une méthode endoscopique.
On utilise des impacts de
1 500 à 2 200 mW, 2 000 ms sur 180 ou 360°, ou au laser YAG de
contact, avec des impacts de 7 à 9 W pendant 700 ms sur 180 ou
360°.
Il s’agit souvent d’un traitement itératif car la tension oculaire
résultante est toujours difficile à prévoir. Les complications sont
aussi graves que nombreuses.
La principale complication à craindre
est la phtisie du globe par surdosage et épuisement du corps ciliaire,
mais aussi l’apparition d’une cataracte, d’une inflammation, voire
d’une ophtalmie sympathique.
Ce sont donc des techniques
réservées en dernier recours aux glaucomes évolués, non contrôlés
et multiopérés.
C - MOYENS THÉRAPEUTIQUES MÉDICAUX
:
Bien que le traitement du glaucome soit essentiellement chirurgical,
le traitement médical a un rôle réel, soit de préparation pour une
opération, soit comme appoint thérapeutique à une chirurgie dont
l’efficacité est insuffisante.
Les agents hypotenseurs actifs et utilisables dans le glaucome
congénital sont à peu près les mêmes que pour l’adulte, à quelques
exceptions près.
Ce sont essentiellement les bêtabloquants, efficients
mais non inoffensifs, que l’on utilise donc à faible dosage et avec
l’accord du pédiatre, les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique
(acétazolamide, dorzolamide et brinzolamide), parfois responsables
de troubles électrolytiques, acidose, léthargie, perte de poids.
Les myotiques sont peu ou pas efficaces.
Les analogues de
prostaglandines (latanoprost) sont plus discutables en raison du
manque de recul, mais ils semblent efficaces.
Les alpha-2 agonistes
sont à utiliser avec prudence, car leurs effets secondaires peuvent
être dangereux ; en particulier, la brimonidine est contre-indiquée
chez le très jeune enfant, en raison du risque de léthargie et
d’apnée.
D - NDICATIONS THÉRAPEUTIQUES :
Les interventions peuvent être de première intention ou des
réinterventions.
En fait, ce qu’il est important de comprendre, c’est
que le geste opératoire doit être en relation directe avec les résultats
de l’examen anatomique du globe oculaire fait juste avant
l’opération.
L’examen de l’angle est à ce titre essentiel et on doit
étudier la visibilité de l’éperon scléral qui peut être complètement
caché par une insertion haute de l’iris, ou un trabéculum
uvéal surdéveloppé, ou n’être que partiellement obstrué par la goniodysgénésie, ou encore être totalement ou
partiellement comblé par des synéchies secondaires à des
inflammations ou à des gestes opératoires précédents.
On étudie
avec soin l’état de la conjonctive, qui peut être par endroits accolée
aux plans profonds et ailleurs libre de toute adhérence, et de la sclère
plus ou moins amincie et pigmentée.
Cela peut définir le meilleur
site opératoire. L’état cornéen doit aussi être pris en compte, selon
sa transparence et la distension du limbe chirurgical qui peuvent
plaider, selon les cas, pour un abord ab interno ou ab externo des
structures de l’angle.
1- Interventions de première intention
:
* Glaucomes congénitaux primitifs isolés
:
Ce sont les glaucomes congénitaux proprement dits, précoces, avec buphtalmie présente à la naissance, ou apparaissant dans les
premières semaines de la vie.
L’hypertonie résulte d’un barrage à
l’accès de l’humeur aqueuse vers le canal de Schlemm par une
dysgénésie de l’angle.
Cette dysgénésie comporte une insertion
haute de l’iris, une persistance d’un trabéculum uvéal surdéveloppé,
ou des synéchies cachant le trabéculum scléral.
Il est donc logique
de les traiter par une goniotomie si la cornée est transparente et par
une trabéculotomie ab externo si elle est opacifiée par un oedème.
Ces techniques sont alors très efficaces, surtout si elles sont
utilisées tôt pour éviter que les tissus, trop longtemps en contact,
n’aient développé entre eux une adhérence irréversible.
*
Glaucomes juvéniles :
Ils apparaissent plus tard, comme le syndrome d’Axenfeld-Rieger,
l’ectropion congénital de l’uvée, l’anomalie de Peters, l’aniridie, ou
le syndrome de Sturge-Weber, parmi d’autres.
Ils développent une
hypertonie à un âge auquel l’oeil n’est plus déformable.
La buphtalmie n’est donc pas présente, ou en tout cas pas évidente.
La
cause n’est donc sûrement pas un barrage à l’accès au Schlemm par
un obstacle présent à la naissance, qui aurait entraîné une
buphtalmie.
Il s’agit donc d’une résistance à l’écoulement de
l’humeur aqueuse située en aval, c’est-à-dire trabéculaire.
Le geste
opératoire doit donc concerner le trabéculum.
La trabéculectomie
perforante est la plus utilisée, mais il s’agit en fait d’une
« schlemmectomie », ce qui est un geste sûrement excessif, car il
n’est ni logique ni nécessaire d’ouvrir la chambre antérieure.
La trabéculectomie non perforante devrait donc, à notre avis, être
préférée car, il faut le répéter, le fait que le glaucome apparaisse
plus tard veut dire que le blocage n’est pas angulaire mais
trabéculaire.
Les glaucomes congénitaux rencontrés dans le
syndrome de Sturge-Weber ont la réputation d’être très difficiles à
traiter car les tissus limbiques sont souvent très vascularisés et
l’hémostase difficile à obtenir.
Cette technique est donc ici
particulièrement recommandable, car elle évite les aléas des hyphémas postopératoires aux suites imprévisibles.
* Cas particuliers
:
En ce qui concerne les glaucomes accompagnant les syndromes de
Lowe, de Marfan, de Weill-Marchesani et les mucopolysaccharidoses ainsi que les
glaucomes de l’enfant secondaires à une rubéole, une inflammation,
une tumeur ou un traumatisme, la thérapeutique doit être étudiée cas
par cas, en fonction de l’étiologie et de l’état anatomique du
globe.
Par exemple, les blocages consécutifs à un déplacement antérieur du
cristallin se traitent par l’ablation de celui-ci.
2- Réinterventions :
L’indication opératoire concernant les réinterventions dépend de
l’étiologie du glaucome d’une part, et des remaniements dus aux
interventions précédentes d’autre part.
Ce peut donc être une
deuxième goniotomie, une deuxième ou une troisième
trabéculectomie, éventuellement avec antimitotique, la pose d’une
valve, ou encore une cyclodestruction.
Le traitement sort alors du
cadre spécifique du glaucome congénital proprement dit pour entrer
dans celui des glaucomes réfractaires, s’adressant souvent à des
patients plus âgés.
La caractéristique des glaucomes congénitaux
devenus réfractaires est la fragilité de la sclère située juste en arrière
du limbe, entraînant souvent des sclérectasies redoutables, surtout
si de la mitomycine a été employée.
Les thérapeutiques d’appoint par collyres ou sulfamides hypotonisants trouvent ici leur principale indication.
E - SUIVI POSTOPÉRATOIRE :
Le traitement postopératoire comprend des instillations
antibiotiques et corticoïdes pendant 15 jours et l’enfant est réexaminé
sous anesthésie 1 mois plus tard.
Au cours de cet examen, on mesure
le tonus oculaire et la réfraction objective et on étudie le fond d’oeil
dont on fait des photos.
Si la tension est normalisée, on reconvoque
l’enfant pour un examen éveillé 1 mois plus tard, en prévenant les
parents de surveiller l’éventuelle apparition de larmoiement et de
photophobie, signes suspects d’accompagner une remontée
tensionnelle.
Un autre signe très évocateur d’une reprise de
l’hypertonie est l’apparition ou l’aggravation d’une myopie
préexistante.
Un nouvel examen sous anesthésie doit alors être
programmé et si la tension est toujours élevée, il faut refaire un geste
chirurgical, avec l’accord des parents qui auront été prévenus de
cette éventualité.
Il est sage, en toute hypothèse, de revoir
fréquemment ces enfants, tous les 2 mois au cours de la première
année et tous les 6 mois ensuite.
F - TRAITEMENT DES COMPLICATIONS :
Ce sont des indications qui se posent sur un oeil dont le tonus est
normalisé.
1- Opacification cornéenne
:
La kératoplastie est utilisée pour traiter les cornées restées opaques
malgré la disparition de l’hypertonie.
Les résultats sont
souvent anatomiquement spectaculaires.
Elle entre dans
le cadre du traitement de l’amblyopie, dont elle est parfois la
première étape.
2- Cataracte
:
Les cataractes qui apparaissent sur des yeux buphtalmes posent
toujours des problèmes techniques délicats à résoudre, car le cristallin apparaît petit dans un globe qui paraît énorme, la zonule
est distendue, souvent incomplète, et la présence de vitré dans la
chambre antérieure est coutumière.
Il faut pourtant s’efforcer de
respecter autant que possible un plan capsulaire, que l’on tend avec
un anneau de polyméthylméthacrylate, dans ou sur lequel
on place un implant.
Il faut souvent faire une vitrectomie et
parfois suturer une anse de l’implant à une iridectomie
périphérique.
Il s’agit d’une chirurgie non programmée pour
laquelle il faut chaque fois inventer une technique adaptée, qui doit
cependant rester sobre, pour obtenir le meilleur résultat au moindre
risque.
3- Décollement de rétine
:
Le décollement de rétine chez les patients présentant un glaucome
congénital est rare, variant de 1 à 4,5 % dans un délai de 7 mois à
15 ans. Il peut être lié à des associations de syndromes
malformatifs : syndrome de Stickler, de Sturge-Weber ou autre. Une
myopie axile est par ailleurs le plus souvent présente.
Le mécanisme
peut être exsudatif, mais reste essentiellement rhegmatogène.
Sur 21
yeux rapportés par Cooling en 1980, 19 souffraient d’un
décollement par déhiscence.
Les résultats chirurgicaux anatomiques
et fonctionnels sont très décevants.
Une chirurgie endoculaire avec
utilisation d’un tamponnement interne est le plus souvent
nécessaire : il s’ensuit les complications du tamponnement interne à
type d’hypertonie et d’hypotonie avec un retentissement fonctionnel
important. Seuls trois yeux sur 13 ont été traités avec succès dans la
série de Cooling ; sur cinq patients, Wiedemann utilise un
tamponnement interne par silicone dans quatre yeux, responsable
de deux hypertonies et deux phtisies.
Le geste chirurgical est également rendu difficile par le trouble des
milieux, vergetures cornéennes et cataracte ; celle-ci doit souvent être
traitée devant un tableau de décollement de rétine associé à une
prolifération vitréorétinienne sévère.
Une surveillance régulière du segment postérieur est ainsi
recommandée chez ces patients.
4- Amblyopie
:
L’amblyopie est fréquente et peut être uni- ou bilatérale.
Elle
représente une des principales et des plus graves complications du
glaucome congénital.
Sa rééducation débute dès que la
normalisation tensionnelle est obtenue et que les milieux ont
retrouvé leur transparence.
L’erreur réfractive doit être corrigée le
plus parfaitement possible et l’enfant est confié aux spécialistes dans
les meilleurs délais.
Conclusion
:
Les glaucomes congénitaux peuvent se présenter sous des formes
variées, mais certains éléments sont immuables : la buphtalmie présente
à la naissance est une véritable urgence chirurgicale et la goniotomie ou
la trabéculotomie en sont les traitements presque spécifiques.
Ensuite,
et quels que soient la forme clinique et le stade évolutif, il faut garder à
l’esprit que c’est l’étude anatomique du globe, en particulier de l’angle iridocornéen, qui doit servir de guide thérapeutique.
Mais le glaucome
congénital peut poser des problèmes à toutes les étapes, du diagnostic à
la guérison clinique.
Il s’agit en effet d’une affection polymorphe à
laquelle peut s’appliquer tout un arsenal thérapeutique dont il faut
apprécier, cas par cas, l’efficacité et l’innocuité, toujours relatives.
Il
faut aussi savoir ne pas se contenter de la normalisation tensionnelle,
car le traitement de l’amblyopie peut être encore plus difficile que celui
de l’hypertonie.
Enfin, la surveillance, à laquelle doivent participer les
parents, doit être prolongée sur de nombreuses années, car les reprises
tardives de l’hypertonie ne sont pas rares.