Glaucome primitif à angle ouvert
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
Le glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) est, plus que jamais,
considéré comme une neuropathie optique antérieure, d’évolution
chronique et progressive, caractérisée par des altérations périmétriques et une excavation papillaire pathologique, alors que
l’angle iridocornéen est, par définition, ouvert.
Il s’accompagne
généralement d’une hyperpression intraoculaire (HPO), et les avis
restent controversés quant à la responsabilité exacte de celle-ci :
cause essentielle et/ou unique de la maladie, ou simple facteur de
risque ?
La notion de « pression-cible », pression intraoculaire (PIO)
en deçà de laquelle le glaucome n’évoluerait plus, est cependant un
concept récent régulièrement signalé.
Enfin, de plus en plus
d’importance est accordée à la qualité de vie du patient
glaucomateux, qui peut être perturbée aussi bien par la maladie ellemême
que par le traitement de celle-ci.
La première rédaction de ce chapitre de l’ophtalmologie en 1990 par
le même auteur mérite naturellement d’être largement actualisée
tant les aspects cliniques, paracliniques et thérapeutiques ont évolué
ces 10 à 15 dernières années.
Épidémiologie
:
Une évaluation, faite à partir des nombreuses données
épidémiologiques recensées dans la littérature, a permis à Quigley de confirmer la large prépondérance du glaucome
primitif à angle ouvert dans la race caucasienne et chez les
mélanodermes : près de 15 000 000 de cas de GPAO en Europe, en
Amérique et en Afrique contre 1 200 000 glaucomes par fermeture
de l’angle (GFA)... alors que la réunion de la Chine, des Indes et du
Sud-Est asiatique donne près de 32 millions de cas de GFA contre 17
millions de cas de GPAO.
Dans le monde, l’ensemble des glaucomes
primitifs toucherait ainsi 66 millions d’individus environ, pour
moitié GPAO et pour moitié GFA.
Ces dernières années ont vu la publication de nombreuses études
épidémiologiques de grande qualité, prospectives, randomisées, et
recrutant un grand nombre de patients.
Elles nous permettent
aujourd’hui de mieux fixer les objectifs et les modalités de
traitements des hypertonies oculaires, des glaucomes à pression
normale, des formes débutantes et, à l’opposé, des formes évoluées
de GPAO.
A - ÉTUDE « MOORFIELDS PRIMARY THERAPY TRIAL »
:
Débutant en 1983 avec un suivi de 5 ans au minimum, elle a
comparé, chez 168 patients porteurs d’un GPAO récemment
diagnostiqué, l’efficacité respective du traitement médical disponible
à l’époque, de la trabéculoplastie et de la trabéculectomie.
La
chirurgie permettait d’obtenir la baisse pressionnelle la plus forte
(98 % des patients opérés avaient une PIO inférieure à 22 mmHg), et
surtout assurait une quasi-pérennité de la situation périmétrique
après 5 ans, à la différence du traitement médical et du laser.
Cette
étude, très controversée car trop rigide et n’adaptant pas le
traitement à la réponse individuelle des yeux traités, est cependant
régulièrement citée pour défendre l’efficacité de la chirurgie dans le
maintien du champ visuel glaucomateux.
B - OHTS (« OCULAR HYPERTENSION TREATMENT
STUDY »)
:
Une large étude prospective américaine, conduite dès 1995 par
une trentaine de centres, l’Ocular Hypertension Treatment Study
(OHTS), a tenté d’évaluer l’intérêt du traitement de l’HPO pour
prévenir ou ralentir la survenue d’un glaucome... car, jusqu’alors,
de nombreuses études aboutissaient à des résultats extrêmement
différents, certaines démontrant l’inutilité d’une telle démarche
thérapeutique.
Parallèlement, cette étude devait permettre de repérer
les facteurs de risque qui pouvaient favoriser cette conversion.
Mille
six cent trente-six patients ont pu être recrutés, présentant tous une HPO (de 24 à 32 mmHg), indemnes d’altérations papillaires et
périmétriques.
Après randomisation, la moitié de ces patients était
traitée, l’autre pas, le traitement devant abaisser la PIO d’au moins
20 %, avec une pression-cible inférieure à 24 mmHg.
Tous les
traitements étaient autorisés pour atteindre ces chiffres : les bêta-bloquants furent les plus prescrits, mais l’observation des
traitements montra, les 3 dernières années, dès lors qu’il fut
disponible, une augmentation importante des prescriptions de
latanoprost.
L’évolution périmétrique était surveillée tous les 6 mois, et celle de la papille tous les ans par des clichés stéréoscopiques.
La
survenue d’une atteinte glaucomateuse était validée par un comité
d’experts.
À 5 ans, 10,9 % des patients non traités développèrent un
glaucome, contre 4,4 % des patients traités, confirmant ainsi le rôle
relativement prophylactique de l’abaissement pressionnel chez les
hypertendus oculaires : une baisse de 20 % de la PIO diminue ainsi
l’incidence du GPAO de 60 %.
Parmi les facteurs de risque, les plus
significatifs furent : l’âge, la race noire, la pression intra-oculaire, les
antécédents de pathologie cardiaque et la minceur cornéenne.
Certes, celle-ci entraîne une sous-évaluation de la PIO réelle (cf
plus loin), révélant une plus forte agression tonométrique du nerf
optique... mais les auteurs indiquent aussi qu’il pourrait exister
une plus grande vulnérabilité à PIO égale des fibres optiques si la
lame criblée est elle-même plus mince.
Curieusement, le diabète
sucré apparut relativement protecteur (avec cependant un petit
nombre de patients diabétiques inclus), alors que les antécédents
familiaux de glaucome, la myopie, la migraine et les hypo- et
hypertension artérielles ne furent pas ici des facteurs de risque
significatifs.
C - NTGS (« NORMAL TENSION GLAUCOMA STUDY »)
:
Cette étude a concerné 24 centres aux États-Unis, ayant enrôlé
230 patients porteurs d’un glaucome à pression normale, dont la PIO
n’a jamais dépassé 24 mmHg.
Elle tentait d’évaluer l’intérêt d’une
baisse marquée de la PIO dans l’évolution de ce type de glaucome.
Les yeux qui présentaient une aggravation périmétrique, une
hémorragie de la papille ou une atteinte du point de fixation, étaient
randomisés soit dans un groupe avec un traitement (médical ou
chirurgical) qui devait abaisser la PIO de 30 %, soit dans un groupe
non traité. Douze pour cent des patients se sont aggravés dans le
groupe traité, contre 35 % dans le groupe non traité.
L’apparition
d’une cataracte était plus importante dans le groupe traité (38 %)
que dans le groupe non traité (14 %).
Certains facteurs de risque
d’aggravation sont apparus de façon statistiquement significative :
la migraine, les hémorragies de la papille et le sexe féminin.
En
revanche, les antécédents familiaux de glaucome, le diabète, l’âge, le
chiffre initial de la PIO et l’atteinte initiale du point de fixation n’ont
pas paru influencer significativement l’évolution.
D - AGIS (« ADVANCED GLAUCOMA INTERVENTION
STUDY »)
:
Cette étude a concerné 11 centres aux États-Unis, enrôlant 789 yeux
de 591 patients porteurs d’un glaucome évolué, entre 1988 et 1992.
Le suivi était donc de 6 ans en 1998 pour tous les patients, et de 8
ans pour 64 % d’entre eux.
La randomisation plaçait les patients soit
dans un groupe d’abord traité par trabéculoplastie (puis par
trabéculectomie, éventuellement répétée en cas d’aggravation), soit
dans un groupe d’abord traité par trabéculectomie (puis par
trabéculoplastie, puis par nouvelle trabéculectomie en cas
d’aggravation).
Cette étude a fait l’objet d’une dizaine de
publications.
La séquence commençant par la trabéculoplastie s’est
révélée meilleure pour la conservation du champ visuel que la
séquence débutant par la chirurgie chez les mélanodermes ; chez les
sujets blancs, la tendance était la même jusqu’à la première année,
puis elle s’est inversée.
La PIO après traitement a été rangée selon
trois classes : moins de 14 mmHg, de 14 à 17,5 mmHg, plus de
17,5 mmHg.
À 6 ans, le groupe avec la PIO la plus basse avait
dégradé son score de champ visuel de 0,71 contre 1,97 pour le
groupe intermédiaire, et 2,97 dans le groupe à plus de 17,5 mmHg.
Ces différences sont statistiquement significatives, et confirment
qu’un abaissement pressionnel marqué préserve mieux le champ
visuel.
Si l’on considère le pourcentage de visites où la PIO est
inférieure à 18 mmHg sur 6 ans, le score du champ visuel ne se
dégrade pas si cet objectif tonométrique est constaté dans 100 % des
visites, mais ce score se détériore rapidement lorsque cet objectif est
de moins en moins souvent atteint.
E - CIGTS (« COLLABORATIVE INITIAL TREATMENT
GLAUCOMA STUDY »)
:
Les patients recrutés présentaient un glaucome débutant non encore
traité. Sur 1 190 patients retenus au départ, 607 ont été inclus de
1993 à 1997.
Les patients étaient répartis soit dans un groupe traité
chirurgicalement par trabéculectomie, soit dans un groupe traité
médicalement (avec un bêta-bloquant en première intention).
Le suivi
a été de 4 ans pour 91 % des patients, de 5 ans pour un tiers de ces
patients.
La baisse pressionnelle obtenue avec la chirurgie a été plus
importante, de 3 mmHg en moyenne, par rapport au groupe traité
médicalement.
À la différence de l’étude Moorfields, le champ visuel
n’a quasiment pas évolué au terme de l’observation, et aucune
différence n’est apparue entre les deux groupes.
F - EMGT (« EARLY MANIFEST GLAUCOMA TRIAL »)
:
Ce travail suédois est une vaste étude épidémiologique conduite à
Malmö, où plus de 44 000 personnes (sur une population de 63 000)
ont été examinées.
Deux cent cinquante-cinq patients avec un
glaucome débutant (à pression élevée, ou à pression normale, ou
exfoliatif), et non encore traités, ont été enrôlés ; 126 ont été
simplement suivis, et les autres ont bénéficié d’un traitement
associant une trabéculoplastie à l’argon et une instillation
biquotidienne de bétaxolol 0,5 %.
Après un suivi médian de 6 ans,
45 % des patients traités ont évolué vers une aggravation du champ
visuel, contre 62 % dans le groupe non traité.
Cet effet était
indépendant de l’âge, de la PIO de départ et de l’atteinte initiale du
champ visuel.
Là encore, indiscutablement, il était démontré que le
traitement du GPAO est supérieur à l’absence de traitement pour
freiner l’évolution défavorable de la maladie.
Hérédité
:
La dernière décennie du XXe siècle a vu l’émergence de plusieurs
supports moléculaires pour expliquer l’hérédité glaucomateuse,
suspectée puis reconnue depuis longtemps.
Un premier gène
impliqué dans une forme de glaucome chronique juvénile a été
identifié en 1993 par Sheffield, porté par le chromosome 1.
La
protéine correspondante a été identifiée en 1997, et a été nommée TIGR (trabecular meshwork induced glucocorticoid response).
Elle
entraîne la formation de dimères et d’oligomères dans les structures trabéculaires, augmentant les résistances à l’écoulement aqueux.
Depuis, de nombreux autres gènes ont été impliqués dans différentes
formes familiales de glaucomes à angle ouvert, situés sur divers
chromosomes (2, 3, 7, 8...). Leur transmission est chaque fois
dominante.
Leur expressivité est toutefois très variable, et la même
mutation peut entraîner simplement de légères HPO non
glaucomateuses comme de graves glaucomes à HPO très forte.
Les
protéines correspondantes (MYOC, optineurine...) sont
progressivement identifiées, et certaines peuvent d’ailleurs
s’exprimer simultanément aux niveaux trabéculaire et papillaire.
Ces
découvertes laissent espérer un dépistage génétique du glaucome.
La routine est cependant loin d’être acquise en ce domaine, car ce
dépistage se heurte à de fortes contingences économiques, alors
qu’un petit pourcentage seulement de glaucomes serait concerné par
une mutation génétique actuellement reconnue et identifiable.
Étude clinique
:
A - MESURE DE LA PRESSION INTRAOCULAIRE :
La PIO était toujours mesurée, jusqu’à la fin des années 1980, par la
technique de l’aplanation au tonomètre de Goldmann. Les
tonomètres dits « à air » se sont multipliés ces dernières années, avec
des avantages théoriques et pratiques évidents : mesure de la PIO
par des non-médecins, dépistage de masse, facilité chez les patients
pusillanimes, risque de transmission infectieuse très minimisé (mais
non supprimé), pas d’instillation d’anesthésiant et de fluorescéine.
Leur principe repose toujours sur l’aplanation de la cornée pour
atteindre une certaine surface donnant alors la valeur de la PIO,
avec ses mêmes causes d’erreurs techniques et anatomiques.
La
fiabilité des mesures est globalement bonne, mais des erreurs par
excès sont parfois constatées lorsque la PIO dépasse 20 mmHg.
Goldmann avait énoncé, dès la mise au point de son tonomètre,
que celui-ci est calibré pour des cornées d’épaisseur normale, soit à
l’époque 500 μm.
Le développement récent des pachymètres
électroniques, donnant immédiatement cette valeur avec précision,
a remis en lumière ce paramètre essentiel, et nous savons maintenant
qu’il est très aléatoire de considérer la seule valeur mesurée de la
PIO sans la confronter à celle de l’épaisseur cornéenne centrale.
Un grand nombre d’yeux que l’on croyait porteurs d’une
hyperpression intraoculaire ont en réalité une cornée épaisse (erreur
par excès), et de nombreux globes avec un glaucome considéré « à
pression normale » ont des cornées minces (erreur par défaut).
B - IMAGERIE DE LA PAPILLE ET DES FIBRES OPTIQUES :
Le développement de l’informatique, allié à des techniques très fines
de recueil des données anatomiques du fond d’oeil, a permis la mise
à disposition auprès de l’ophtalmologiste de nombreux appareils.
Ils évoluent presque chaque année, passant d’une génération à une
autre, et ils permettent d’étudier, d’évaluer, et de mesurer la tête du
nerf optique et les fibres optiques rétiniennes.
Ils restent très coûteux
et difficilement accessibles au praticien s’ils ne sont pas mis à sa
disposition dans le cadre d’une structure hospitalière ou libérale de
groupe.
Ils ont tous pour prétention de permettre le diagnostic du
glaucome à son stade prépérimétrique et, au stade de glaucome confirmé,
d’indiquer si la maladie est ou non stabilisée.
À l’heure où ce chapitre est écrit, trois types d’analyseurs sont
disponibles.
1- HRT II (« Heidelberg retina tomograph »)
:
C’est l’analyseur probablement le plus répandu, succédant luimême
à un appareil de première génération qui a été largement
diffusé.
Les structures anatomiques sont analysées par un
tomographe à balayage laser confocal, permettant à l’ordinateur de
mesurer les reliefs papillaires et péripapillaires.
Il nécessite le tracé
du contour papillaire à la souris, sur l’écran, au premier examen.
Ce
dessin peut induire des biais de mesures non négligeables.
Il fournit
des valeurs de surface et de volume de la papille (disque,
excavation, anneau neurorétinien).
L’épaisseur de la couche des
fibres optiques est également indiquée, extrapolée à partir d’un plan
de référence.
L’HRT II, en gardant en mémoire les données chiffrées, permet
d’évaluer dans le temps ces paramètres mesurés.
2- GDx :
Il succède au NFA (Nerve Fiber Analyser).
Un laser polarimètre
(diode, 780 μm), travaillant sur le système de la biréfringence, scanne
la rétine à 0,5 mm de la papille et permet de mesurer en profondeur
l’épaisseur de la couche des fibres optiques rétiniennes.
Il ne fournit
aucune indication sur la papille elle-même.
L’intervention de la
biréfringence cornéenne, qui rendait aléatoires les résultats
concernant les fibres optiques avec l’appareil de première
génération, est éliminée par sa mesure au premier examen.
Le
résultat graphique est un aspect caractéristique en double bosse
inférieure et supérieure, correspondant aux faisceaux arqués
supérieur et inférieur.
Ces valeurs diminuent avec l’âge et, en cas de
glaucome, la courbe s’aplatit.
Un chiffre est également indiqué, « the
number », qui permettrait de différencier les populations avec de bonnes
sensibilité et spécificité : de 0 à 30, normal ; de 30 à 70,
suspicion de glaucome ; au-delà de 70 et jusqu’à 100, glaucome.
Là encore, l’évaluation dans le temps des paramètres mesurés est
indiquée.
3- OCT 3 (« optical coherence tomography »)
:
Son principe est similaire à celui de l’échographie en mode B, à la
différence que les ondes soniques sont remplacées par de la lumière
proche de l’infrarouge (380 μm).
Il mesure ainsi les différences de
réflectivité entre la couche des fibres optiques et les autres couches
rétiniennes, et les signaux sont convertis en couleurs : les couleurs
vives (blanc, jaune, orange et rouge) représentent le maximum de
réflectivité, les couleurs sombres (bleu, vert et noir) le minimum de
réflectivité.
La résolution peut atteindre 8 μm (alors qu’est annoncé
un futur OCT avec une résolution de 3 μm).
Les plans de coupe
sont multiples : selon l’axe papillomaculaire, ou sagittal de la
macula, ou radiaire du disque optique, de 3 à 3,5 mm de diamètre.
L’épaisseur de la couche des fibres optiques (hautement
réfléchissante) peut être évaluée ainsi en différents points. Comme
pour les deux appareils précédents, un déroulé donne l’image
horaire péripapillaire en double bosse.
Pour la papille, les valeurs
de surface et de volume sont fournies, après une correction
éventuelle de ses limites à l’écran et à la souris.
Ces mesures
permettent, là encore, la comparaison avec les valeurs normales
standards et surtout celles des examens précédents.
L’OCT, qui
permet ainsi une analyse très fine de la papille et en profondeur des fibres optiques, est nettement plus coûteux que les deux autres
appareils (le double environ)... mais son utilisation ne concerne pas
uniquement la glaucomatologie, et elle peut être élargie à la
pathologie maculaire, qui fut d’ailleurs sa première indication.
C - CHAMP VISUEL :
La périmétrie automatisée s’est imposée dans le diagnostic et le suivi
des glaucomes ces dernières années, devant faire abandonner sans
discussion (tout au moins dans le domaine du glaucome) la
périmétrie cinétique de Goldmann ou les appareils de présentation
statique des stimuli (comme l’analyseur de Friedmann ou le
Peritest).
Cette amélioration a été permise grâce à la mise au point
de machines plus performantes (dont le marché est dominé par les
appareils de Humphrey et les Octopus), et surtout grâce à l’élaboration de
programmes très spécifiques, avec deux objectifs : être plus
sensibles et diminuer le temps d’examen.
1- Périmétrie automatisée blanc-blanc :
En matière de glaucome, les programmes se concentrent sur les 30°
ou les 25° centraux, en sachant que certains déficits peuvent
apparaître dans le secteur nasal périphérique (étudié par certains
programmes, comme le programme G2 de l’Octopus qui propose
des tests jusqu’à 58°).
La mesure du seuil de sensibilité rétinienne différentielle d’un point
se fait en présentant un stimulus dont la luminance varie selon une
logique appelée algorithme.
Ces algorithmes diffèrent par le nombre
de changements de réponse (traversant le seuil) et par la valeur des
paliers de luminance avec lesquels les changements de réponse sont
obtenus.
Les stratégies déterminant de façon précise les seuils
gardent un algorithme lent (l’examen peut durer 8 à 12 minutes),
contre 2 à 6 minutes lorsque cette détermination est plus
approximative (stratégie Fastpac de l’appareil de Humphrey,
stratégies dG1X et dG2 de l’Octopus).
La mise au point
d’algorithmes spécifiques du glaucome, élaborés à partir de
plusieurs milliers de tracés de champs visuels glaucomateux afin de
répertorier tous les profils types, permet aussi de gagner un temps
appréciable (programmes Sita-standard et Sita-fast de l’Humphrey,
et TOP de l’Octopus).
Ces programmes rapides sont controversés :
leur manque de sensibilité peut toutefois contrebalancer la survenue
de scotomes inexistants ou plus importants qu’ils ne le sont en
réalité, engendrés par la fatigue.
Tous ces programmes fournissent
des indices de fiabilité : faux positifs si le patient répond sans qu’il y
ait présentation de stimulus ; faux négatifs si le patient ne répond
pas à un stimulus qu’il devrait voir ; pertes de fixation ; fluctuations
des réponses sur un même point testé.
En dehors des images en
échelle de gris des valeurs, les tracés fournissent des indices :
déviation moyenne (MD), différence entre la sensibilité rétinienne
moyenne pour l’âge et celle du champ testé, non spécifique de
glaucome (comme dans la cataracte ou en cas de myosis) ; déviation
individuelle (PSD pour l’Humphrey et LV pour l’Octopus),
différence de sensibilité entre les différents points du champ visuel et les valeurs normales ; déviation individuelle corrigée (CPSD pour
l’Humphrey et CLV pour l’Octopus), traduisant les atteintes
localisées supérieures à celles liées à une fluctuation à court terme.
L’Octopus fournit également la courbe de Bebie, classification des
points testés par ordre décroissant de sensibilité dans un intervalle
de confiance de normalité.
Le test proposé de l’hémichamp
(« glaucoma hemifield test ») est fondé sur le fait que les déficits
glaucomateux se développent d’une façon asymétrique par rapport
au méridien horizontal : une différence importante entre les deux
hémichamps peut ainsi permettre de valider plus précocement le diagnostic de
glaucome.
Enfin, tous les appareils proposent, grâce à la mémoire des tracés
antérieurs enregistrés dans l’ordinateur, des programmes d’analyse
de la tendance évolutive.
2- Périmétrie bleu-jaune (« SWAP perimetry »)
:
Des tests bleus (440 nm) sont présentés sur un fond jaune.
Humphrey et Octopus disposent de ce type de programme.
Ce
contraste coloré interroge essentiellement le système cellulaire
ganglionnaire bistratifié (5 à 7 % des cellules ganglionnaires),
préférentiellement altéré dans le glaucome. De nombreux travaux
ont montré qu’effectivement cette stratégie permettait de relever
plus précocement les déficits périmétriques débutants, parfois de 5
années.
Les déficits sont également plus étendus qu’avec une périmétrie blanc-blanc.
La contrepartie de ces avantages est que la
durée du test est plus longue, que la variabilité intertest est plus
grande et que l’examen n’a pas de valeur en cas de cataracte.
Ses
indications doivent donc être ciblées : sujets jeunes aux milieux
oculaires clairs, et sujets à haut risque lorsqu’une périmétrie plus
conventionnelle est normale. Des programmes plus courts sont en
cours de validation (Sitafast et TOP).
3- Périmétrie FDT (« frequency doubling perimetry »)
:
Nécessitant un appareil spécifique (Humphrey), la présentation des
tests interroge ici le système ganglionnaire magnocellulaire (10 %
des cellules ganglionnaires), lui aussi précocement altéré dans le
glaucome.
Elle fonctionne suivant le mécanisme de l’illusion de
doublement de fréquence, le patient percevant des barres mobiles
deux fois plus nombreuses qu’en réalité.
En plus de la zone
centrale de fixation, 16 zones sont testées selon un test de dépistage
supraliminaire très court (45 secondes à 2 minutes) ou selon un test
de seuil qui dure de 4 à 5 minutes.
Cette méthode courte et facile,
dont les bonnes sensibilité et spécificité ont été démontrées, ne
peut toutefois être proposée pour le suivi d’un glaucome avéré en
raison de l’information topographique limitée.
Formes cliniques
:
GLAUCOME PIGMENTAIRE :
Campbell, qui énonça en 1979 l’hypothèse maintenant admise
d’un contact irido-cilio-zonulaire à l’origine de la dispersion
pigmentaire, a livré en 1991 un complément d’explication
physiopathogénique à la maladie : le « bloc pupillaire inverse »,
c’est-à-dire l’existence dans ces globes d’un gradient pressionnel
existant entre les chambres antérieure et postérieure, l’iris étant
poussé vers l’arrière... à l’inverse du bloc pupillaire de la crise de
fermeture primitive de l’angle.
Il propose donc, comme traitement
de la maladie, la réalisation d’une iridectomie, équilibrant les
pressions de part et d’autre de l’iris, qui supprimerait ainsi le contact
postérieur érodant.
Cette hypothèse n’est pas admise par tous.
Certains incriminent une concavité iridienne constitutionnelle sans
participation hydrodynamique, ou l’existence de procès ciliaires
anormalement proéminents.
De surcroît, les échecs de
l’iridectomie pour abaisser la PIO sont maintenant nombreux, et
tous les iris ne sont pas concaves dans la dispersion pigmentaire.
Des succès sont cependant régulièrement signalés si l’iris bombe
effectivement vers l’arrière, et ils ont d’autant plus chances d’être
observés que ce traitement est envisagé précocement, au mieux au
stade d’hyperpression intraoculaire isolée.
En effet, si les pigments
augmentent la résistance trabéculaire à l’écoulement de l’humeur
aqueuse, ils entraînent aussi une altération irréversible du
trabéculum avec libération de radicaux libres, autolyse cellulaire et
obstruction définitive.
Il faut enfin rappeler que moins de 20 % des
dispersions pigmentaires évolueront vers l’HPO, a fortiori vers le
glaucome, et que la seule surveillance s’impose dans ces cas.
Traitements
:
A - TRAITEMENTS MÉDICAUX
:
1- Collyres bêta-bloquants :
Les collyres prescrits au long cours peuvent isolément, ou de
manières successives ou en association, conduire à d’importantes
réactions inflammatoires et toxiques.
Le plus souvent, elles
s’expriment modérément, ne se manifestant que par une injection
conjonctivale, une kératite ponctuée superficelle ou une blépharite
chronique.
Elles peuvent aboutir à des formes graves, dont la plus
sévère est la pseudopemphigoïde oculaire.
Elles sont éventuellement
responsables d’une inefficacité progressive des traitements médicaux
locaux, mais aussi de phénomènes cicatriciels postopératoires
délétères, aboutissant à des échecs de la chirurgie ou à la création de
bulles de filtration de mauvaise qualité anatomique.
Le principe actif
peut en être responsable, mais ce sont surtout les conservateurs
(essentiellement le chlorure de benzalkonium) qui ont pu être mis
en cause dans cette détérioration progressive.
Malheureusement,
seuls les collyres bêta-bloquants sont actuellement disponibles sous une
forme galénique sans conservateurs, soit sous forme de monodoses
(timolol, cartéolol, lévobunolol, bétaxolol), soit dans un flaconnage
spécifique éliminant le conservateur lors de l’instillation (système
Abakt pour le timolol et le cartéolol).
Des formes à libération prolongée ont été également mises au point
pour les bêta-bloquants, ne permettant plus qu’une instillation
quotidienne grâce à l’adjonction de gomme de gellane (timolol),
d’alcool polyvinylique (timolol) ou de phosphates monosodique et
disodique (cartéolol), qui augmentent le temps de contact cornéen.
2- Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique par voie locale
:
Après de nombreuses années de recherche, deux inhibiteurs de
l’anhydrase carbonique, actifs pas voie locale, ont pu être mis à la
disposition des ophtalmologistes : la dorzolamide (Trusoptt) et la
brinzolamide (Azoptt).
Comme l’acétazolamide, ils agissent au
niveau de la sécrétion ciliaire, inhibant simultanément la formation
de HCO3- et l’humeur aqueuse.
Ils doivent être instillés deux ou
trois fois par jour.
Les deux molécules ont une action hypotensive
sensiblement identique, abaissant la PIO d’environ 20 %.
L’effet est
additionnel à celui des bêta-bloquants.
Certains travaux indiquent une
amélioration du flux sanguin oculaire postérieur, qui est
probablement une réponse à l’hypercapnie provoquée par la
molécule.
La tolérance locale est un peu meilleure avec la brinzolamide, mais les patients peuvent parfois se plaindre de
sensations de piqûre et de brûlure à l’instillation, et les réactions
allergiques conjonctivales ne sont pas exceptionnelles.
Un goût amer
dans la bouche peut également être ressenti.
En revanche, les effets
secondaires systémiques de ces molécules sont exceptionnels.
3- alpha2-agonistes
:
Ils agissent surtout par une diminution de la production d’humeur
aqueuse, par l’intermédiaire d’une stimulation des récepteurs alpha2 de
l’épithélium ciliaire.
L’apraclonidine (Iopidinet) fut le premier alpha2-agoniste disponible,
mais elle n’a pas une sélectivité parfaite, puisqu’elle présente aussi
une activité a1 relative.
Ne traversant pas la barrière hématocérébrale, elle est toutefois dépourvue d’effets centraux, à
l’inverse de la clonidine.
À la concentration de 1 %, elle abaisse considérablement la PIO (de plus de 60 %), mais elle ne peut être
prescrite de façon répétée compte tenu de ses effets latéraux, et son
indication se limite à l’écrêtement des pics d’hypertonie pouvant
survenir après une iridotomie ou un traitement de l’angle au laser.
À la concentration de 0,5 %, elle abaisse, en instillation
biquotidienne, la PIO de 25 % environ.
L’intérêt d’un traitement au
long cours est limité par le développement possible d’une
tachyphylaxie, et surtout par la survenue fréquente de réactions
allergiques locales après quelques semaines.
La brimonidine (Alphagant) a une sélectivité alpha2 quasi exclusive,
puisque son affinité pour les récepteurs alpha2 est 1 000 fois plus forte
que pour les récepteurs a1.
Elle traverse peu la barrière hématoméningée, mais des effets centraux modestes sont parfois
signalés, comme une somnolence chez environ 4 % des patients.
Disponible à la concentration de 0,2 %, elle abaisse la PIO de 20 à
25 %, et doit être instillée deux fois par jour pour couvrir le
nycthémère.
Il n’a pas été décrit de tachyphylaxie.
Elle est active en
association avec les bêta-bloquants.
En dehors de son action sur la
baisse de la sécrétion aqueuse, elle augmente aussi le flux uvéoscléral, vraisemblablement par l’intermédiaire d’une production
locale de prostaglandines.
Diverses études, in vitro et in vivo, ont
montré que la brimonidine pouvait avoir des propriétés
neuroprotectrices, peut-être en renforçant l’expression de facteurs de
survie neuronale.
Les effets secondaires de la brimonidine sont
relativement modérés : allergie locale toujours possible (5 à 10 % des
patients), sécheresse buccale, somnolence et asthénie, dysgueusie.
4- Analogues des prostaglandines :
Les dérivés de synthèse de la PGF2a, prostaglandine naturelle, ont
montré qu’ils pouvaient avoir une action hypotensive très
marquée, de 30 à 35 %, avec une seule instillation quotidienne,
plus efficace lorsqu’elle est faite en fin de journée.
Leur prescription
dépasse maintenant celle du timolol, qui fut la molécule de référence
durant les deux dernières décennies du siècle dernier.
Leur action
est complexe car, tout en stimulant légèrement la sécrétion aqueuse
(expliquant d’exceptionnels effets paradoxaux sur la PIO), ils
entraînent une augmentation très importante du flux uvéoscléral,
voie d’évacuation de l’humeur aqueuse beaucoup plus modeste
(environ 15 %) que le trabéculum, empruntant le corps ciliaire, puis
l’espace supraciliaire.
Cette action est rendue possible par un
remaniement de la matrice extracellulaire du tissu conjonctif ciliaire :
la molécule élargit les espaces entre les faisceaux de fibres du muscle
ciliaire, et induit une perte de collagène de types I et IV au sein de
ces espaces.
Un certain nombre d’effets secondaires locaux sont
communs aux trois molécules actuellement disponibles : irritation à
l’instillation un peu plus fréquente qu’avec le timolol, hyperhémie,
allongement et pigmentation des cils, duvet périoculaire.
Mais l’effet
secondaire le plus spectaculaire est la possibilité d’une augmentation
de la pigmentation irienne, qui affecte essentiellement les yeux dont
l’iris est marron clair ou de couleur mixte.
La cause en est une
augmentation de la synthèse de mélanine à l’intérieur des
mélanocytes du stroma irien, dans laquelle intervient la tyrosinase,
sans hyperplasie, ni dysplasie, ni augmentation du nombre de ces
cellules.
Ont également été décrits : des oedèmes maculaires
cystoïdes, n’affectant que des globes aphakes ou pseudophakes dont
la chirurgie s’est accompagnée d’une issue de vitré ; des uvéites
antérieures et des réactivations d’oculopathie herpétique,
controversées, car ne survenant que sur des globes ayant déjà eu
des antécédents inflammatoires ou infectieux.
En revanche, les
effets généraux sont exceptionnels, voire très discutables, compte
tenu de la demi-vie plasmatique très courte de ces molécules : crises
d’asthme, hypertension artérielle, effet onirique.
Trois molécules sont
actuellement proposées en France : le latanoprost à la concentration
de 0,005 % (Xalatant) pour lequel le recul est le plus important, le
travoprost (Travatant) et le bimatoprost (Lumigant).
L’unoprost
(Resculat), qui doit être instillé biquotidiennement, n’est pas
disponible en France.
Le travoprost est proposé à la concentration de 0,004 %.
Il possède
une grande affinité de liaison avec les récepteurs FP des
prostaglandines, qui sont ceux impliqués dans la baisse
pressionnelle, et une très faible affinité de liaison avec les autres
récepteurs à l’origine des effets latéraux.
Il est statistiquement plus
actif que le latanoprost pour abaisser la PIO à 16 h, et chez les sujets
mélanodermes.
Les phénomènes de pigmentation seraient moins
fréquents.
En revanche, la tolérance locale est moins bonne, avec en
particulier une hyperhémie conjonctivale dont peut se plaindre le
patient les premières semaines de traitement.
Celle-ci est mécanique
par vasodilatation, et ne procède pas d’une réaction inflammatoire.
Le bimatoprost (proposé à la concentration de 0,03 %) n’est pas
exactement une prostaglandine, mais une prostamide, dérivée non
pas de l’acide arachidonique comme les deux autres molécules, mais
de l’anandamide, autre lipide membranaire.
Cette différence peut
expliquer la plus grande efficacité sur l’abaissement pressionnel,
vraisemblablement par un renforcement de l’écoulement trabéculaire, alors que la molécule n’entraînerait aucune
augmentation de la sécrétion ciliaire.
Comme pour le travoprost, le
bimatoprost créerait moins souvent d’hyperpigmentation irienne,
mais les phénomènes d’hypertrichose et surtout d’hyperhémie
conjonctivale sont incontestablement plus fréquents qu’avec le
latanoprost.
5- Associations médicamenteuses
:
Elles ont pour but, naturellement, de simplifier les contraintes
d’instillation, améliorant la qualité de vie du patient traité, sans
diminution de l’efficacité tonométrique obtenue par des instillations
séparées.
Trois types de combinaison fixe sont actuellement
disponibles :
– timolol et pilocarpine (Timpilot 2 et 4, Carpilot) ;
– timolol et dorzolamide (Cosoptt) ;
– timolol et latanoprost (Xalacomt) ;
B - TRAITEMENTS PHYSIQUES :
1- Trabéculoplastie sélective
:
La trabéculoplastie à l’argon a été proposée en 1979 par Wise.
Elle a
largement fait la preuve de son efficacité... et de ses limites, les
principales réticences à la méthode venant de la perte progressive
des bons résultats dans le temps : 80 à 90 % de succès à 1 an, 50 % à
5 ans, 10 % ou moins à 10 ans.
Un retraitement peut alors être
proposé, mais il est globalement moins efficace, potentiellement
dangereux et encore moins durable.
La trabéculoplastie dite sélective (SLT) pourrait supprimer cet
inconvénient majeur.
Elle nécessite toutefois l’utilisation d’un
nouveau type de laser (Sélecta 7000y de Coherent), qui travaille
dans des longueurs d’onde proches du laser à l’argon (532 nm)...
mais en mode pulsé, avec des durées d’application très brèves (3
nanos) et des tailles d’impact de 400 μm.
La conséquence majeure,
pour des impacts dirigés directement sur le trabéculum postérieur,
en est l’absence d’altérations de voisinage.
Alors que la trabéculoplastie conventionnelle réalise une brûlure non sélective
conduisant à une rétraction tissulaire élargissant les espaces
trabéculaires (et peut-être aussi le canal de Schlemm), la SLT
intervient très subtilement au niveau des granules de mélanine
situées dans le cytoplasme des cellules endothéliales bordant les
espaces trabéculaires.
Seules ces cellules sont alors détruites par la SLT.
Le mécanisme précis de la baisse pressionnelle qui en résulte
n’est pas encore clairement identifié : cette destruction tissulaire
pourrait libérer des médiateurs transformant les monocytes en
macrophages (leur densité devient localement considérable après ces
applications), dont on connaît le rôle très actif dans l’évacuation trabéculaire de l’humeur aqueuse.
Cela dit, la baisse pressionnelle
est sensiblement identique à celle que l’on constate après une trabéculoplastie à l’argon.
Tout l’intérêt de la méthode réside dans
le fait de pouvoir réaliser autant de traitement physiques de l’angle
que le nécessite l’évolution clinique, sans aucun préjudice et sans
danger.
L’une des meilleures méthodes pour obtenir une forte HPO
chez les animaux de laboratoire est précisément de réaliser une trabéculoplastie à l’argon, très serrée et itérative : cela n’a jamais pu
être obtenu avec des impacts de SLT, même très nombreux.
Si la SLT
confirme ces premiers résultats très prometteurs, l’argument majeur
avancé contre la trabéculoplastie (la limite de son efficacité dans le temps)
tomberait donc certainement.
2- Cyclodestruction transsclérale au laser diode
:
De nombreuses techniques physiques (au laser à l’argon, au laser YAG à mode thermique, aux ultrasons) et chirurgicales
(cyclodiathermie, cryocoagulation) ont été proposées pour diminuer
la sécrétion d’humeur aqueuse.
Leur application était grevée d’un
lourd pourcentage de complications (inflammation majeure,
douleurs importantes, atrophie du globe), et n’était réservée qu’à
des cas cliniques ultimes où toutes les autres propositions
thérapeutiques avaient échoué.
La cyclophotocoagulation transsclérale
utilisant un laser diode permet d’améliorer
considérablement le rapport bénéfices/risques, et peut être proposée
dans certains cas de GPAO rebelles aux thérapeutiques
conventionnelles.
La longueur d’onde utilisée (810 nm) assure, en
effet, une bonne pénétration tissulaire et une absorption sélective
par les tissus pigmentés du corps ciliaire.
De surcroît, les sondes
–
en réalisant une compression conjonctivosclérale
– augmentent
encore la transmission de l’énergie, et renforcent cette absorption.
En pratique, la cyclophotocoagulation est pratiquée sous anesthésie
locale, en injection péribulbaire plutôt qu’en topique, en raison de la
localisation profonde des tissus traités.
La sonde est placée au limbe
scléral, ou 1 mm en arrière de celui-ci, et doit réaliser une petite
indentation sur le globe. Une transillumination peut être utile pour
repérer précisément le corps ciliaire.
De 15 à 40 impacts sont délivrés
de façon circonférentielle, en évitant les méridiens de 3 et 9 h, pour
ne pas endommager les éléments vasculonerveux ciliaires longs.
La
puissance utilisée, la durée d’application, la localisation et le nombre
de quadrants photocoagulés varient d’un auteur à l’autre, et en
fonction des globes traités.
Une uvéite postopératoire modérée, mais
prolongée, est fréquente, imposant durant plusieurs semaines une
corticothérapie locale pluriquotidienne.
De nombreuses études ont
été publiées concernant les résultats de cette méthode, dont les
résultats sont assez comparables.
Soixante à 70 % de bons
résultats tonométriques s’observent à 1 an, avec un allégement du
traitement médical.
Cela est d’autant plus satisfaisant que les séries
publiées concernent des yeux chez lesquels tous les autres
traitements avaient été des échecs.
Cependant, dans environ la
moitié des cas, un retraitement est nécessaire pour obtenir une
réduction satisfaisante de la PIO, et le patient doit donc en être
informé.
Les hypotonies majeures et les cas de phtisie oculaire sont
beaucoup moins nombreux que dans les méthodes plus anciennes
de cyclodestruction, et ne concernent que les yeux déjà très délabrés,
ce qui est exceptionnel chez ceux atteints d’un GPAO.
C - TRAITEMENTS CHIRURGICAUX
:
1- Chirurgie non perforante
:
La chirurgie non perforante des glaucomes (sclérectomie profonde
avec trabéculectomie externe) s’est imposée ces dernières années
comme une intervention efficace pour abaisser la PIO, tout en
améliorant considérablement les suites opératoires souvent
perturbées que l’on déplorait avec la trabéculectomie
conventionnelle.
Elle nécessite que l’angle iridocornéen soit
normalement ouvert, et une gonioscopie l’aura vérifié.
La technique varie selon les auteurs, mais nécessite chaque fois une
solide habitude de la chirurgie de cette région, de la patience et une
courbe d’apprentissage pour espérer être efficace et reproductible.
L’intervention commence comme une trabéculectomie
conventionnelle : exposition du globe avec éventuellement un fil
tracteur au limbe cornéen ou passé dans le droit supérieur,
ouverture conjonctivale au limbe ou au fornix, cautérisation
épisclérale éventuelle.
Un volet scléral superficiel est disséqué, plus
ou moins profond, de un tiers à la moitié de l’épaisseur de la sclère.
Il est rectangulaire, semi-circulaire ou triangulaire. Un volet profond
peut lui-même être disséqué (habituellement triangulaire) dans le
plan préciliaire, qui permet habituellement d’ouvrir directement le
canal de Schlemm.
Si cela n’est pas obtenu, il faut repérer l’éperon
scléral (aspect brillant et nacré des fibres sclérales, dont l’orientation
devient concentrique au limbe), puis changer l’orientation de la
lame, en la redressant vers le haut pour ne pas perforer la chambre
antérieure.
Le canal de Schlemm est précisément en avant de
l’éperon, et le volet se détache alors du plan endothéliodescémétique
par simple traction.
Le volet profond éventuel est réséqué.
Mais il
faut poursuivre cette dissection du plan trabéculaire interne pour
retirer la paroi interne du canal de Schlemm et le trabéculum juxtacanaliculaire.
Cette structure est lamellaire, et se clive facilement à
l’aide d’un couteau (rubis ou autre) et d’une pince microchirurgicale
à bout mousse.
Béchetoille a proposé une aspiration de ce tissu au
moyen d’une canule gratteuse et aspirante reliée à un aspirateur
mécanique, tel celui d’un phakoémulsificateur.
En cas de microperforation, l’intervention peut se terminer normalement sans
modification, à la condition que l’iris ne s’incarcère pas dans cette
ouverture (une iridotomie s’impose alors, en évitant d’agrandir la
brèche).
Les volets scléraux et conjonctivaux sont suturés.
Auparavant, un implant de drainage aura pu être mis en place sous
le volet scléral (cf plus loin).
En l’absence de complications durant l’intervention, les soins
postopératoires se résument à des collyres corticostéroïdes et/ou
anti-inflammatoires non stéroïdiens 3 à 4 semaines, alors qu’un
pansement oculaire n’est pas utile.
La récupération visuelle est très
rapide, voire immédiate.
Les résultats pressionnels sont similaires, ou légèrement inférieurs,
à ceux de la trabéculectomie, comme l’attestent les très nombreuses
séries publiées.
En cas d’échec, précoce ou retardé, de cette
chirurgie, une vérification gonioscopique vérifie l’absence
d’incarcération irienne.
Une goniopuncture au laser YAG
(habituellement, moins d’une dizaine d’impacts suffisent, avec une
énergie de 4 à 10 mJ) peut parfois permettre de rétablir un
écoulement aqueux efficace, en ouvrant la membrane trabéculaire
résiduelle.
Cette chirurgie non perforante peut être associée, dans la même
procédure opératoire, à la chirurgie de la cataracte.
L’intérêt d’une
telle chirurgie combinée est controversé, puisque le globe est ouvert
par la phakoextraction.
2- Antimitotiques
:
Les antimitotiques ont été proposés, au milieu des années 1980, pour
augmenter les chances de succès de la chirurgie filtrante sur les yeux
« à risques » (pour le GPAO : sujets jeunes, mélanodermes,
aphakie...).
Primitivement utilisés pour la trabéculectomie, ils
peuvent être associés à la chirurgie non perforante.
Le 5 fluorouracile
(5FU) fut le premier proposé.
Initialement injecté sous la
conjonctive en postopératoire, avec un protocole lourd pour le
patient et pour le médecin, il a pu être administré avec succès en
application peropératoire à la concentration de 50 mg/mL.
La mitomycine C inhibe toute multiplication cellulaire, ce qui freine
massivement la cicatrisation sclérale et sous-conjonctivale. Son
action peut se prolonger plusieurs mois.
Elle s’utilise essentiellement
en peropératoire (exceptionnellement en injection sousconjonctivale),
avec une application à l’éponge, à la concentration
de 0,1 à 0,5 mg/mL pour une application variant de 30 secondes à
5 minutes selon les auteurs et les globes opérés.
En dehors de cette
action sur les processus de cicatrisation, la mitomycine pourrait agir
aussi en affaiblissant la sécrétion ciliaire.
L’inconvénient majeur
de l’utilisation de ce produit est parfois sa trop grande efficacité
(hypotonie excessive et durable), et la fragilité des bulles de filtration
– souvent très fines, et avasculaires
– avec des risques de fistule
externe, d’infection de la bulle et de pan-ophtalmie.
3- Dispositifs scléraux :
Ils sont également proposés pour augmenter les chances de succès
de la chirurgie antiglaucomateuse, mais sont réservés à la
sclérectomie non perforante.
Ils sont de trois types :
– l’Aqua-Flowy (Staar) fut le premier disponible, venant de Russie,
dès la diffusion de la sclérectomie profonde en Europe
Occidentale.
C’est un petit cylindre de collagène, extrait de
sclérotique porcine, de 1 mm ´ 4 mm.
Il se résorbe en 6 à 9 mois. Il
est suturé au plancher scléral.
En place, son volume va augmenter
de trois à six fois. Il doit favoriser le drainage de l’humeur aqueuse
dans l’espace sous-conjonctival et diminuer le risque d’adhérence
du volet scléral.
L’ultrasonographie indique qu’il entraînerait
parallèlement un drainage accru par voie uvéale ;
– le SK-Gely (Cornéal) est un implant d’acide hyaluronique, dont
l’épaisseur est de 450 μm, et dont deux formes sont disponibles :
triangle équilatéral de 3,5 mm de côté, ou trapèze de 4,5 mm de
long.
Il se résorbe en plus de 2 mois.
Il est placé sans suture au
plancher scléral, maintenu en place par la reposition du volet.
La
prévention de l’adhésion du volet, la conservation d’un espace
chirurgical comme chambre de décompression et l’établissement de néoveines aqueuses en sont les objectifs recherchés ;
– le T-Fluxy (Ioltech) est le dispositif le plus récent.
Il s’agit d’un
drain acrylique (Poly-Megmat) non résorbable en forme de T, dont
les bras doivent être bloqués dans le canal de Schlemm, et dont le
pied percé doit être suturé au plancher scléral.
Là encore, il devrait
éviter l’adhésion du volet au lit scléral, créer un espace intrascléral
permanent et minimiser les risques de fibrose.
Il pourrait aussi
évacuer l’humeur aqueuse par capillarité et osmose, et stimuler la
formation de néoveines aqueuses.
4- Drain Ex-pressy :
Le drain Ex-Pressy est un petit implant métallique (inoxydable et
non aimantable), de 2,5 mm de long sur 0,4 mm de large, avec une
lumière interne de 50 μm, une extrémité biseautée destinée à percer
la sclère au niveau du limbe avant de plonger dans la chambre
antérieure, et un plateau externe perforé qui épouse la surface
sclérale une fois en place.
Un éperon latéral bloque le drain dans
l’épaisseur de la sclère.
Cet implant est monté sur un inserteur,
simple tige prolongeant une seringue à insuline.
La mise en place
du drain est facile, bien qu’elle nécessite une grande rigueur
technique et un certain apprentissage.
Elle prend habituellement
moins de 3 minutes : ouverture conjonctivale de 1 à 2mmde large à
distance du limbe, passage sous-conjonctival du drain à l’extrémité
de son inserteur jusqu’au limbe, introduction camérulaire par
pression et contre-pression, inserteur retiré.
Il n’est pas nécessaire
de suturer la conjonctive.
Les résultats publiés donnent environ 80 %
de succès sur l’abaissement pressionnel, et même plus de 90 % en
cas de phakoémulsification associée.
Des problèmes subsistent :
risque d’hypothalamie précoce (dont la fréquence est diminuée par
l’injection intracamérulaire de viscoélastique en fin d’intervention),
possibilité d’érosion conjonctivale et d’expulsion, devenir inconnu à
long terme sur l’endothélium cornéen.
Les indications de cette
méthode, très séduisante dans sa conception, restent à être
précisément définies.