Gastrectomies pour cancer : principes généraux, anatomie vasculaire, anatomie lymphatique, curages Cours de Chirurgie
Anatomie générale
:
L’estomac est un réservoir mobile en forme de « J » situé entre deux
points fixes, le cardia, zone de jonction avec l’oesophage abdominal,
et le pylore, zone de jonction avec le duodénum.
La description la
plus simple de l’estomac permet de le diviser en une partie verticale
et une partie horizontale.
La partie verticale se projette à gauche de
la colonne vertébrale.
Elle comprend la grosse tubérosité et le corps
de l’estomac.
La portion horizontale croise la ligne médiane et se
dirige vers la droite.
L’estomac se prolonge au-delà du pylore par le
duodénum.
On distingue, sur le plan chirurgical, deux portions du
premier duodénum.
La première portion n’est pas accolée au
pancréas.
Elle en est séparée par le prolongement droit de l’arrièrecavité
des épiploons qui s’étend jusqu’à l’artère gastroduodénale.
Cette portion duodénale est intéressée dans la plupart des
gastrectomies, même si certains auteurs proposent aujourd’hui la
réalisation de gastrectomies avec conservation pylorique.
La
description anatomique de l’estomac diffère de sa description
physiologique, qui distingue l’antre, qui est une zone acide, et le
fundus.
La limite de ces deux zones fonctionnelles ne correspond
pas à la jonction entre les parties horizontale et verticale de l’estomac.
Anatomie vasculaire
:
La chirurgie gastrique, en particulier la chirurgie d’exérèse, implique
une bonne connaissance de la vascularisation de l’estomac et de la
première portion du duodénum, en général impliquée dans la
résection.
L’irrigation artérielle de l’estomac provient du tronc
coeliaque et se répartit en quatre pédicules, deux au niveau de la petite courbure et deux au niveau de la grande courbure.
Ces
pédicules se rejoignent au travers d’un riche réseau anastomotique,
permettant une suppléance vasculaire en cas d’oblitération ou de
ligature d’un des troncs principaux.
La description de l’anatomie
vasculaire de l’estomac est envisagée sous l’angle topographique,
abordant successivement la vascularisation portée par le petit
épiploon, le duodénum, le grand épiploon et le ligament gastrosplénique.
A - VASCULARISATION DE LA PETITE COURBURE
:
Le petit épiploon est un feuillet péritonéal, tendu en « pont » du
pédicule hépatique à la petite courbure gastrique, qui comporte trois
zones.
La première est représentée par la pars vasculosa qui
correspond au pédicule hépatique et à l’arc artériel de la petite
courbure.
La seconde est une zone intermédiaire et avasculaire : la
pars flaccida.
La troisième est la pars condensa qui correspond à la
partie supérieure du petit épiploon, tendue entre le lobe gauche du
foie et la portion verticale de la petite courbure.
Elle masque le lobe
de Spiegel. Le petit épiploon forme la limite supérieure droite de l’arrière-cavité des épiploons. Son ouverture permet d’aborder le
tronc coeliaque.
Celui-ci vascularise le foie, l’estomac, le grand
épiploon, la rate et une partie du pancréas.
Il naît de la face
antérieure de l’aorte au-dessus du bord supérieur du pancréas, a
une longueur de 1 à 3 cm et se termine en se divisant en trois
branches : l’artère gastrique gauche, l’artère hépatique commune et
l’artère splénique.
1- Artère gastrique gauche
:
L’artère gastrique gauche naît dans 90 % des cas du tronc coeliaque,
parfois directement de l’aorte, d’une artère diaphragmatique
inférieure, d’un tronc gastrosplénique ou d’un tronc
hépaticogastrique.
Elle décrit une crosse qui l’amène le long de la
petite courbure à deux travers de doigt sous le cardia.
Lors de la
réalisation d’une gastrectomie, elle est liée à son origine en cas de
pathologie cancéreuse ou au bord de l’estomac en cas de pathologie
bénigne.
Elle se divise en deux branches, l’une antérieure et l’autre
postérieure, qui descendent appliquées le long de la petite courbure.
Elles se terminent en s’anastomosant avec les branches
terminales de l’artère gastrique droite ou artère pylorique.
L’artère
gastrique gauche donne plusieurs branches : une artère hépatique
inconstante et fonctionnelle dans 30 % des cas ; des artères cardiooesophagiennes antérieures et postérieures vascularisant le
cardia et l’oesophage abdominal.
2- Artère gastrique droite
:
L’artère gastrique droite naît habituellement de l’artère hépatique
propre, plus rarement des artères hépatique commune, gastroduodénale ou hépatique gauche.
Elle rejoint le pylore en
donnant une de ses principales branches terminales puis se divise
en branches gastriques antérieure et postérieure.
Leurs portions
terminales s’anastomosent aux terminaisons de l’artère gastrique
gauche au niveau de l’angle de l’estomac, jonction des parties
verticale et horizontale.
Les artères gastriques droite et gauche constituent ainsi l’arc
vasculaire de la petite courbure.
B - VASCULARISATION DE LA JONCTION PYLORODUODÉNALE
:
La réalisation d’une gastrectomie impose le plus souvent une section
de l’estomac en aval du pylore, sur le premier duodénum.
Il est
donc important de préserver autant que possible sa vascularisation
afin de limiter les risques de fistule postopératoire.
Le duodénum
mobile est vascularisé par des branches issues pour la plupart de
l’artère gastroduodénale.
La section duodénale s’effectue donc au
contact de l’artère gastroduodénale en veillant à préserver les
rameaux directs entre celle-ci et le duodénum.
C - VASCULARISATION DE LA GRANDE COURBURE
:
La grande courbure de l’estomac est bordée par le grand épiploon
et le ligament gastrosplénique.
Le grand épiploon représente les
deux feuillets du péritoine viscéral gastrique.
Il s’étale sur le côlon
transverse qu’il dépasse largement vers le bas au niveau du corps et
de la portion horizontale de l’estomac et constitue le ligament gastrosplénique au niveau de la grosse tubérosité.
Le feuillet
antérieur du grand épiploon contient une arcade vasculaire
composée des vaisseaux gastroépiploïques droits, gauches et des
vaisseaux courts.
1- Artère gastroépiploïque droite
:
L’artère gastroépiploïque droite naît de la division de l’artère
gastroduodénale au bord inférieur du duodénum en artères
pancréaticoduodénale inférieure droite et gastroépiploïque droite.
Elle chemine de droite à gauche le long de la grande courbure
de l’estomac, dont elle est toujours distante d’environ 1 cm.
Sur son
trajet, elle donne des branches aux deux faces de l’estomac et à
l’épiploon.
2- Artère gastroépiploïque gauche
:
L’artère gastroépiploïque gauche est une branche de division de
l’artère splénique.
Elle rejoint la grande courbure de l’estomac à sa
partie moyenne, chemine dans le ligament gastrocolique et
s’anastomose avec les branches terminales de l’artère
gastroépiploïque droite.
Les artères gastroépiploïques droite et gauche constituent ainsi l’arc
vasculaire de la grande courbure.
3- Vaisseaux courts
:
Les vaisseaux courts sont constitués de branches terminales de
l’artère splénique.
Ils peuvent se détacher du tronc de l’artère
splénique ou de ses branches terminales.
Au nombre de deux à six,
ils cheminent du hile splénique à l’estomac par l’épiploon gastrosplénique.
L’un d’eux, plus volumineux, rejoint la face
postérieure de l’estomac et se ramifie de la grosse tubérosité au
cardia : il s’agit de l’artère gastrique postérieure ou artère cardiotubérositaire postérieure.
Entre le dernier vaisseau court et l’origine de l’artère gastroépiploïque gauche existe une fenêtre avasculaire constituée
uniquement de deux feuillets péritonéaux.
Leur effondrement
permet d’entrer dans l’arrière-cavité des épiploons en regard de
l’artère splénique.
D - VASCULARISATION VEINEUSE
:
Le système veineux est satellite du réseau artériel, avec une veine
pour une artère.
Le réseau veineux gastrique droit rejoint
directement la veine porte. Le réseau veineux gastroépiploïque droit
rejoint la veine colique supérieure droite pour former le tronc
veineux gastrocolique (ou tronc de Henle) et se jeter dans la veine
mésentérique supérieure avant son abouchement dans la veine
porte.
Le réseau veineux gastrique gauche rejoint la veine splénique
après son passage dans le ligament gastrosplénique où il est satellite
du réseau artériel.
Anatomie lymphatique
:
La connaissance du système lymphatique remonte à plusieurs
siècles.
Sa description détaillée est réalisée par Rouvière dès 1932.
Les ganglions sont satellites des artères et un même organe peut se
drainer dans plusieurs chaînes ganglionnaires à la fois.
Les
ganglions sont désignés sous le nom de l’organe auquel ils sont
annexés, ou bien sous le nom de l’artère à laquelle ils sont accolés.
Il
est ainsi possible d’en effectuer une description topographique.
Toutefois, la description actuelle du drainage lymphatique gastrique
a une orientation chirurgicale et suit les recommandations de la Japanese Research Society for Gastric Cancer (JRSGC) éditée en 1962.
Elle représente une description systématique du drainage
lymphatique de l’estomac, définissant des groupes d’envahissement
ganglionnaire de gravité croissante en fonction de la localisation de
la tumeur primitive de l’estomac.
Nous décrivons dans ce chapitre
les 16 sites de drainage ganglionnaire gastrique tels qu’ils sont
définis par la classification de la JRSGC.
Elle est adoptée aujourd’hui
par la majorité des équipes chirurgicales. Nous présentons
les principes chirurgicaux des curages et nous précisons à quels
stades de l’intervention pour gastrectomie ces groupes
ganglionnaires sont réséqués.
CLASSIFICATION DES RELAIS GANGLIONNAIRES
GASTRIQUES :
La classification des relais ganglionnaires gastriques
permet de distinguer les relais locorégionaux (N1 et N2) et les relais
considérés en cas de tumeur comme métastatiques (N3 et N4).
Parmi
les relais « régionaux », il est possible de distinguer les relais
ganglionnaires « de proximité : N1 », qui sont toujours réséqués lors
de la réalisation d’une gastrectomie pour cancer, des relais « distaux :
N2 ».
Ainsi, les groupes 1, 2, 3 et 4 sont considérés de proximité
(N1) pour les cancers du cardia et du corps de l’estomac, et distaux
(N2) pour les cancers de l’antre.
De la même façon, les groupes 3, 4,
5 et 6 sont de proximité (N1) pour les tumeurs antrales et distaux
(N2) pour les tumeurs du cardia.
Les autres groupes ganglionnaires
distaux sont les groupes 7, 8, 9, 10 (N2).
Enfin, les ganglions à
distance situés au-delà de ces limites définissent des atteintes
métastatiques lorsqu’ils sont envahis : ce sont les groupes 12-13 (N3)
et 15-16 (N4).
Réalisation des curages
:
La description anatomique précise des relais ganglionnaires permet
la réalisation de curages systématisés dont l’analyse
anatomopathologique est reproductible.
La réalisation d’une
chirurgie gastrique pour cancer associée à un curage ganglionnaire
exhaustif implique un champ opératoire large.
Même si plusieurs
abords sont envisageables, notre préférence va à une large voie
médiane qui permet une excellente exposition.
L’incision va au-delà
de l’appendice xiphoïde, qui peut éventuellement être réséqué, et
descend largement au-dessous de l’ombilic.
Une incision bi-souscostale
est réalisable.
La mise en place d’un écarteur relevant les
arcs costaux et présentant largement le champ opératoire permet une
bonne exposition de la région diaphragmatique.
L’intervention
débute toujours par une exploration de la cavité abdominale à la
recherche d’une extension tumorale qui aurait été ignorée par le
bilan préopératoire : carcinomatose péritonéale, envahissement de la
tumeur au pancréas ou au côlon transverse, métastases hépatiques.
La mise en évidence de ces extensions rend inutile la réalisation d’un
curage extensif.
On peut compléter l’exploration par un lavage de la
cavité abdominale au sérum physiologique suivi de l’examen
anatomopathologique du liquide recueilli pour rechercher la
présence de cellules néoplasiques libres.
La stratégie de la dissection lymphatique est basée sur l’anatomie
des vaisseaux abdominaux sus-mésentériques, qui forment les
repères anatomiques allant guider l’opérateur.
L’injection d’un colorant (encre de Chine), prônée par Maruyama et
al, permettrait d’améliorer l’identification des relais
ganglionnaires.
Le colorant doit être injecté à proximité de la lésion
primitive.
Les relais ganglionnaires impliqués dans le drainage de la
tumeur vont alors rapidement s’opacifier et délimiter les principales
zones à disséquer.
Une remarque s’impose quant au choix d’une technique d’exérèse
monobloc ou d’exérèse sélective par groupe ganglionnaire.
La
technique monobloc est plus rapide car elle nécessite moins de
ligatures ou de clips, mais l’anatomopathologiste aura des difficultés
à identifier précisément les différents groupes ganglionnaires.
Elle
impose de ce fait au chirurgien une dissection postopératoire de la
pièce pour isoler et numéroter les groupes ganglionnaires, ce qui
permettra ultérieurement un bilan d’extension précis.
L’exérèse
monobloc présente en outre l’avantage de respecter les critères de
chirurgie carcinologique en limitant les risques d’essaimages
tumoraux liés à une exérèse groupe par groupe.
Toutefois, cette
technique est plus difficile à mettre en oeuvre chez des patients
obèses.
Le plus souvent, les ganglions N1 sont enlevés avec la pièce
opératoire et les ganglions N2 et au-delà sont disséqués séparément.
Afin de pouvoir réaliser l’ablation d’un nombre important de
ganglions, parfois d’une taille millimétrique, il est nécessaire de
pratiquer l’exérèse des feuillets péritonéaux ainsi que de la graisse
qui entoure les pédicules vasculaires.
Cette graisse, présente en
quantité variable selon les individus, peut rendre la dissection
hémorragique, longue et pénible pour l’opérateur.
Enfin, l’hémostase
et la lymphostase doivent être une préoccupation constante au long
de l’intervention.
La pratique de ligatures sur pinces est souvent
fastidieuse et compte tenu de leur nombre, nous préférons utiliser
des clips, résorbables ou non.
Enfin, la description des curages ganglionnaires peut suivre
plusieurs formes :
– décrire successivement les curages par groupes ganglionnaires, périgastriques (N1), régionaux de second ordre (N2) puis
métastatiques distaux (N3 et N4) ;
– décrire les curages par territoires de drainage en distinguant les
principaux axes artériels gastrique, splénique, hépatique,
pancréatique, coeliaque ;
– décrire chaque groupe ganglionnaire et son curage spécifique en
suivant numéro par numéro la nomenclature japonaise.
Nous avons
opté pour cette approche, en sachant que l’exérèse globale ou
monobloc est décrite dans les techniques de gastrectomie pour
cancer.
L’identification des groupes ganglionnaires selon la
classification japonaise permet une description systématique,
reproductible et comparable des curages, même si des lymphadénectomies sont facilement réalisées par excès ou par
défaut.
A - PREMIERS RELAIS GANGLIONNAIRES PÉRIGASTRIQUES
:
Le curage ganglionnaire est effectué en abordant successivement les
sites ganglionnaires de proximité (N1, N2), puis les relais
ganglionnaires secondaires (N3 et N4).
– Groupe 1 : les relais ganglionnaires paracardiaux droits jouxtent la
jonction oesogastrique. Ils longent la branche cardiooesophagienne
de l’artère gastrique gauche.
Ils sont considérés comme des relais de
proximité pour les tumeurs de la partie haute ou moyenne de
l’estomac et sont considérés comme relais distaux des tumeurs de
l’antre.
Ils sont disséqués et réséqués lors de l’ablation de la pars
condensa au contact du cardia et de l’oesophage abdominal.
L’incision du petit épiploon débute le plus haut possible, le long du
bord inférieur du foie.
Le péritoine est incisé en regard de
l’oesophage.
Toutes les branches de l’artère gastrique gauche sont
liées au contact de l’estomac, ce qui permet l’exérèse du petit
épiploon.
Un envahissement de ce groupe ganglionnaire
impose la réalisation d’une gastrectomie totale.
– Groupes 3 et 5 : ce sont les relais ganglionnaires de la petite
courbure et du pylore.
La dissection des relais ganglionnaires se
poursuit vers le bas en emportant tout le tissu cellulograisseux au
contact de l’estomac.
Cette dissection permet d’emporter le paquet
ganglionnaire du groupe 3, représenté par les ganglions localisés à
proximité de la petite courbure, le long de la branche inférieure de
l’artère gastrique gauche, jusqu’à l’artère gastrique droite (ou artère pylorique).
Ces relais ganglionnaires sont emportés lors de l’ablation
du petit épiploon.
Ils font systématiquement partie des
gastrectomies distales, subtotales ou totales.
Le groupe 5 est
constitué des ganglions satellites de l’artère gastrique droite à la
partie supérieure du pylore, en aval du paquet ganglionnaire du
groupe 3.
La dissection de l’artère hépatique propre doit être réalisée
du haut vers le bas, ce qui permet d’identifier et de lier à son origine
l’artère gastrique droite.
Le paquet ganglionnaire situé à l’origine de
cette artère peut alors être réséqué lors de la section duodénale en
aval du pylore.
– Groupe 4 : ce sont les ganglions de la grande courbure gastrique.
Ils sont satellites des artères gastroépiploïques et sont emportés lors
de la réalisation d’une omentectomie.
Selon la classification de la JRSGC, ces ganglions sont divisés en ganglions gauches (4s) et en
ganglions droits (4d) par rapport au flux sanguin.
En outre, les
ganglions gauches sont divisés en ganglions proximaux (4sa) et
distaux (4sb).
Le groupe 4a est situé au niveau des vaisseaux courts
et le groupe 4sb le long de l’artère gastroépiploïque gauche.
Enfin,
le groupe 4d est satellite de l’artère gastroépiploïque droite au-delà
de la première collatérale à destinée gastrique.
La dissection du
groupe ganglionnaire 4sa implique une splénectomie.
L’exérèse des
groupes 4sb et 4d est réalisée lors de l’ablation du feuillet antérieur
du mésocôlon.
La libération du feuillet péritonéal au niveau de
l’angle splénique, incluant la capsule de la queue du pancréas,
permet un accès aisé du hile splénique.
L’origine de l’artère gastroépiploïque gauche est trouvée à l’extrémité caudale de la
queue du pancréas.
Sa section permet alors l’exérèse monobloc avec
l’estomac des relais ganglionnaires des groupes 4sb et 4d.
– Groupe 6 : ce sont les ganglions périgastriques situés à la partie
inférieure du pylore.
Ils sont satellites de l’artère gastroépiploïque
droite de son origine à la première collatérale à destinée de la grande
courbure de l’estomac.
La dissection utilise la veine colique
supérieure droite comme repère.
Elle mène au tronc gastrocolique
(tronc de Henle), ce qui permet de repérer très précisément et de lier
à son origine la veine gastroépiploïque droite.
Il est parfois
nécessaire de lier dans le même temps la veine pancréaticoduodénale.
La dissection de la capsule pancréatique est reprise
au-dessus du pancréas en suivant l’artère hépatique propre puis
l’artère gastroduodénale qui peut être suivie jusqu’à l’origine de
l’artère gastroépiploïque droite.
Celle-ci est alors liée à son origine
et les ganglions satellites sont réséqués dans le même temps.
Les premiers relais ganglionnaires périgastriques, représentés par les
groupes 1 à 6 de la classification japonaise (N1), font partie des
règles classiques « occidentales » de l’exérèse d’un cancer gastrique.
Il faut y ajouter le curage du pédicule hépatique (groupes 8 et 12) et
splénique (groupe 10) pour réaliser la « gastrectomie totale élargie ».
L’exérèse des relais ganglionnaires du groupe N2 qui réalise un
curage extensif de l’espace périgastrique va au-delà de ces principes.
B - SECONDS RELAIS GANGLIONNAIRES
PÉRIGASTRIQUES RÉGIONAUX
:
Ce sont les groupes ganglionnaires satellites du tronc coeliaque et de
ses branches de distribution.
– Groupes 7, 8 et 9 : le groupe 7 est représenté par les ganglions
situés au contact de l’artère gastrique gauche, situés entre son
origine au tronc coeliaque et la partie terminale de sa crosse au
contact de l’estomac, à l’endroit de sa division en branches
terminales, cardiotubérositaire et inférieure.
Le groupe
ganglionnaire 8 longe l’artère hépatique commune de son origine à
l’artère hépatique propre, au niveau de l’origine de l’artère gastroduodénale.
Le groupe 9 est constitué des relais ganglionnaires
entourant le tronc coeliaque, incluant l’origine des artères hépatiques
et spléniques.
La dissection débute à la partie gauche du ligament hépatoduodénal et au bord supérieur du pancréas, du tronc
coeliaque à l’émergence de l’artère gastrique droite.
Tout le tissu
cellulaire et conjonctif situé autour du tronc coeliaque et des piliers
du diaphragme doit être réséqué jusqu’à l’artère gastrique gauche.
Le pédicule étant libre, l’artère gastrique gauche peut être facilement
contrôlée et liée.
Cette dissection peut être laborieuse, surtout chez
des patients obèses et peut être à l’origine de saignements peropératoires et d’une lymphorée postopératoire.
– Groupe 2 : ce groupe ganglionnaire est situé à la partie gauche du
cardia, incluant les ganglions longeant les branches cardiooesophagiennes de l’artère diaphragmatique inférieure.
Il n’est pas disséqué en cas de résection gastrique distale, mais uniquement
lors des gastrectomies totales.
À ce moment, l’incision du repli
péritonéal préoesophagien est poursuivie en arrière jusqu’au
rétropéritoine et tous les ganglions sont réséqués avec l’estomac.
– Groupes 10 et 11 : le groupe 10 est représenté par les ganglions du
hile splénique situés au-delà de la queue du pancréas.
Au pôle
inférieur de cette zone de dissection, la première collatérale
gastrique de l’artère gastroépiploïque gauche marque la limite entre
les relais du groupe 10 et ceux du groupe 4sb.
L’exérèse du
groupe 10 est effectuée en réalisant une splénectomie, la dissection
des ganglions dans le hile en préservant la rate n’étant pas réalisable.
Le groupe 11 correspond aux adénopathies satellites de l’artère
splénique, du tronc coeliaque à la partie terminale de la queue du
pancréas.
Pour de nombreux auteurs, leur exérèse implique
la réalisation d’une pancréatectomie caudale, même si les possibilités
de curage avec splénectomie et conservation pancréatique ont été
démontrées.
En effet, l’artère splénique réalise fréquemment une
boucle en arrière du pancréas et sa dissection risque de le léser.
Si
l’artère a un trajet facilement identifié à la partie supérieure du
pancréas, une dissection minutieuse de ses collatérales peut être
envisagée du tronc coeliaque à la partie terminale du pancréas.
Cette dissection permet de réaliser une splénectomie en
conservant la queue du pancréas.
Lors d’une gastrectomie partielle
laissant en place la partie haute de la grosse tubérosité, l’exérèse des
ganglions des groupes 10 et 11 est contre-indiquée.
Ces groupes
ganglionnaires sont considérés comme des métastases et leur exérèse
n’apporte aucun bénéfice.
En outre, à la suite de cette dissection,
l’estomac n’est plus vascularisé que par les branches terminales de
l’artère splénique, les vaisseaux courts.
Leur section compromettrait
la viabilité de cette portion restante d’estomac.
C - RELAIS GANGLIONNAIRES À DISTANCE DE L’ESTOMAC
:
Ces relais sont considérés comme des métastases par le JRSGC.
– Groupe 12 : ce sont les ganglions du ligament hépatoduodénal.
Ce
groupe ganglionnaire peut se diviser en trois sous-groupes : les
ganglions situés à la partie supérieure gauche du pédicule et de
l’artère hépatique propre (groupe 12a), les ganglions situés à la
partie droite de l’artère et à la partie inférieure du cholédoque
(groupe 12b) et enfin les ganglions situés en arrière de la veine porte
(groupe 12p).
Leur dissection implique une squelettisation du
pédicule hépatique, ainsi qu’une cholécystectomie pour compléter
la libération des tissus celluleux le long des branches artérielles
hépatiques droites et gauches.
La dissection débute au niveau du
hile hépatique en prolongeant l’incision qui a permis l’exérèse du
petit épiploon au-delà du ligament hépatoduodénal.
Cette incision
est poursuivie au bord droit du ligament.
La dissection du tissu cellulograisseux peut alors être réalisée en disséquant les groupes
12b, puis 12p en arrière de la veine porte.
La zone de dissection
rejoint la région rétropancréatique et le groupe ganglionnaire 13.
– Groupe 13 : ce sont les ganglions situés à la face postérieure de la
tête du pancréas, au niveau des artères pancréaticoduodénales
postérieures, supérieures et inférieures.
La veine porte marque la
limite latérale gauche de cette dissection.
Ils sont accessibles en
réalisant une mobilisation du bloc duodénopancréatique par une
manoeuvre de Kocher.
La face postérieure de la tête du pancréas est
visualisée.
La dissection permet de réaliser l’ablation de tissus
cellulaire et fibreux.
Cette dissection doit être menée prudemment,
car une lésion du pancréas serait à l’origine d’une fistule
pancréatique de traitement difficile.
– Groupes 14 et 15 : le groupe ganglionnaire 14 est situé à la racine
du mésentère, le long de l’artère mésentérique supérieure.
Latéralement, la zone de dissection est limitée par la bifurcation du
tronc gastrocolique, en bas par les branches des veines jéjunales et
en haut par l’origine de l’artère mésentérique supérieure.
Le
groupe 15 correspond aux adénopathies situées le long de l’artère
colique médiane.
La dissection suit la veine colique médiane jusqu’à
la veine mésentérique.
Celle-ci est disséquée jusqu’au tronc gastrocolique pour pouvoir réséquer les trois branches veineuses à
leur terminaison : la veine gastroépiploïque, la veine colique droite
et la veine pancréaticoduodénale inférieure.
La résection du groupe
15 implique une colectomie transverse associée et est indiquée dans
les tumeurs T4 avec envahissement.
– Groupe 16 : ce relais ganglionnaire est satellite de l’aorte et de la
veine cave inférieure. Les bords droit et gauche sont représentés par
les hiles rénaux correspondants.
Envahis par la tumeur, ces
ganglions sont considérés dans tous les cas comme des métastases
distantes.
La dissection de cette région est habituellement limitée à
l’espace situé entre l’artère mésentérique inférieure et le hiatus.
Les
repères sont alors, à gauche, la veine spermatique ou ovarienne et, à
droite, le bord droit de la veine cave.
La dissection débute par
l’ablation du tissu cellulaire en avant de l’aorte, de la veine rénale
gauche à la veine cave. Du bord droit de l’aorte, l’exérèse de tout le
tissu cellulaire est poursuivie vers la gauche jusqu’à la veine surrénalienne.
L’exérèse du tissu localisé au-dessus de la veine
rénale gauche est réalisée en fin d’intervention, après résection du
bloc splénopancréatique permettant un jour plus large sur cette
région.
D - NOMBRE DE GANGLIONS
:
Le nombre de ganglions pouvant être retirés par les curages peut
représenter un critère de qualité du curage… ou de
l’anatomopathologiste.
Le nombre moyen de ganglions pouvant être
retirés par une procédure de type D2 peut varier de 8 à plus de
110, la moyenne se situant entre 30 et 50.
Le décompte précis
du nombre de ganglions dans la pièce opératoire, dépendant du
geste chirurgical mais également de l’anatomopathologiste,
représente un facteur prédictif d’évolution du cancer de l’estomac.
Pour ces raisons, la dernière édition de la classification tumor-nodesmetastases
(TNM) prend en compte le nombre de ganglions sur la
pièce opératoire dans l’évaluation métastatique du cancer de
l’estomac.
L’absence de ganglions envahis permet alors de classer la
tumeur : pN0, de un à six ganglions régionaux : pN1, de sept à 15
ganglions : pN2 et plus de 15 ganglions : pN3.
Classification des curages :
Selon l’extension de l’exérèse ganglionnaire, quatre types de curages
sont décrits.
A - CURAGE D1
:
Le curage D1 fait partie intégrante des règles classiques occidentales
de l’exérèse d’un cancer de l’estomac et consiste en l’ablation des
premiers relais ganglionnaires périgastriques, les groupes 1 à 6.
Ainsi, la réalisation d’une omentectomie totale, réalisée en monobloc
avec la gastrectomie par clivage coloépiploïque, complétée par la
ligature à l’origine des pédicules artériels (artères gastriques droite
et gauche, artères gastroépiploïques droite et gauche, vaisseaux
courts) et l’exérèse de leur atmosphère cellulograisseuse, correspond
à ce curage.
B - CURAGE D2
:
Le curage de type D2, indépendant du type de gastrectomie réalisé
(totale ou partielle) emporte le grand et le petit épiploon, ainsi que
tous les relais ganglionnaires du groupe N2, définis en fonction de
la localisation de la tumeur.
C - CURAGE D3
:
Le curage D3 complète le curage D2 par l’exérèse de tous les relais
ganglionnaires situés à distance de l’estomac.
Ce type de curage est
à l’heure actuelle pratiquement abandonné par la plupart des
équipes puisqu’il est démontré que les envahissements de ganglions
de troisième ordre doivent être considérés comme des métastases.
Par ailleurs, la réalisation d’une gastrectomie de type D3 est grevée
d’une lourde morbidité sans bénéfice pour le patient.
Néanmoins,
il est intéressant de connaître les principes de ces curages permettant
éventuellement la réalisation de biopsies ganglionnaires utiles pour
classer précisément une tumeur.
D - CURAGE D4
:
Le curage D4 complète le curage D3 par l’exérèse des relais
ganglionnaires aortiques, caves, du hile rénal gauche et de l’artère
colique médiane.
Enjeux et bénéfices des curages
:
La pratique des curages ganglionnaires a considérablement évolué
au cours de ces 20 dernières années.
L’enjeu des curages est double.
En premier lieu, il doit accroître le caractère carcinologique de
l’exérèse tumorale et augmenter la survie des patients.
En second
lieu, il doit permettre de classer plus précisément la pathologie
cancéreuse, permettant de comparer les groupes de patients et
d’évaluer précisément les thérapeutiques nouvelles.
Après les
publications des séries japonaises montrant un bénéfice important
pour les patients en termes de survie, plusieurs équipes occidentales
ont pratiqué des curages extensifs et ont mis en évidence des
résultats comparables à ceux des équipes japonaises.
Toutefois,
certaines études sont critiquables dans leur méthodologie (caractère
rétrospectif du receuil des données…).
Une étude prospective a
été réalisée par le Dutch Gastric Cancer Group.
Elle concilie les
principes de la chirurgie et des curages de la JRSGC sous contrôle
d’un chirurgien japonais expérimenté (Sasako) et la pratique
européenne.
Elle a mis en évidence, de façon significative, un
accroissement de la morbidité et de la mortalité lié aux curages
étendus.
Les complications sont significativement plus fréquentes
pour les résections de type D2 que D1 (43 % vs 25 %, p < 0,001), la
mortalité supérieure (10 % versus 4 %, p = 0,004) et la durée
d’hospitalisation plus longue (16 versus 14 jours, p < 0,001) alors
que la survie était comparable.
Pour ces raisons, l’intérêt d’une
gastrectomie avec curage D2 est remise en cause par de nombreux
auteurs et ne peut être proposée comme une procédure standard
dans le traitement des cancers de l’estomac.
Conclusion
:
La parfaite connaissance de la vascularisation et du drainage
lymphatique de l’estomac a permis de préciser les possibilités et
indications des traitements des cancers gastriques.
Les séries japonaises
ont démontré que l’envahissement ganglionnaire des cancers gastriques
était avant tout un envahissement de proximité, justifiant un curage de
proximité (N1).
À l’inverse, les indications de curages étendus ne
doivent pas être une règle pour tous les types de tumeurs.
Les curages
permettent une analyse précise de l’extension ganglionnaire de la
maladie et un pronostic en termes de survie.
Le bénéfice pour les
patients de curages extensifs n’est à ce jour pas démontré.