Fractures des phalanges et des métacarpiens
(Suite) Cours de Chirurgie
Indications et techniques de
l’ostéosynthèse selon le siège
de la fracture
:
Comme on l’a vu précédemment, les moyens d’ostéosynthèses sont
très variés.
Lorsque l’indication chirurgicale est portée, le choix du
matériel d’ostéosynthèse dépend :
– du matériel dont on peut disposer sur place ;
– des contraintes techniques exigées par le siège et le type de la
fracture, la présence d’une ouverture cutanée ou de lésions
associées ;
– des avantages et des inconvénients du matériel d’ostéosynthèse.
A - FRACTURES DE LA PHALANGE DISTALE
:
1- Écrasements de P3
:
Ces fractures sont associées dans la majorité des cas à des lésions
ouvertes de l’appareil unguéal (hématome sous-unguéal, avulsion
de la tablette, plaie du lit ou de la matrice unguéale) qui doivent
faire l’objet d’un traitement spécifique.
Il s’agit donc de fractures
souvent ouvertes qui nécessitent un parage et un nettoyage
soigneux.
En absence d’ouverture, l’évacuation de l’hématome sousunguéal
soulage le patient de douleurs violentes.
Les fractures plurifragmentaires de la houppe ne nécessitent aucune
ostéosynthèse.
Elles sont stabilisées par la réparation de l’appareil
unguéal et la reposition de la tablette.
Les fractures diaphysaires peuvent être stabilisées par la seule
réparation de la tablette unguéale si celle-ci est fracturée
transversalement ou obliquement.
La fracture de la tablette peut être
« suturée » par deux points de fils 4/0 laissés en place pendant 3
semaines, ou synthésée à l’aide d’une aiguille de 20 mm traversant
de part et d’autre la fracture unguéale, la tablette et le lit unguéal
selon le procédé décrit par Foucher.
Un cerclage à l’aide du fil
autour des deux extrémités de l’aiguille réalise un haubanage
assurant un effet de compression.
Si la tablette unguéale est décollée ou avulsée au niveau de sa base,
la synthèse de l’ongle ne permet pas la stabilisation de la fracture,
qui s’effectue alors par un brochage du foyer à l’aide d’une broche
de 8 ou 10/10e.
L’articulation IPD ne doit pas être traversée, et la
broche peut être coupée sous l’ongle au ras de la pulpe en attendant
d’être retirée à partir de la 6e semaine.
Pour les fractures
proximales plus instables, une attelle de protection segmentaire de
l’IPD peut être portée durant 3 semaines.
2- Fractures articulaires dorsales de la base de P3
:
Elles entraînent un doigt en maillet, par rupture de la continuité de
l’appareil extenseur resté inséré sur le fragment osseux.
Les indications d’ostéosynthèse doivent être prudentes car les
complications cutanées, infectieuses et mécaniques sont fréquentes.
L’ostéosynthèse est indiquée pour les fragments dont le déplacement
important ne se corrige pas malgré la mise en extension de l’IPD
par un traitement orthopédique, et pour les fractures associées à une
subluxation palmaire de l’articulation.
L’abord est dorsal transversal au niveau du pli d’extension de l’IPD,
se terminant latéralement en H ou par deux Y qui doivent respecter
la vascularisation du repli unguéal postérieur.
Le fragment solidaire
du tendon extenseur est relevé, permettant la toilette de l’articulation
et du foyer de fracture.
Si la taille du fragment l’autorise, un brochage en va-et-vient par
une broche de 8/10e fixe le fragment, après réduction de celui-ci par
la mise en extension de l’IPD.
Si le fragment est trop petit ou fragilisé pour admettre une broche, il
peut être synthésé par un cerclage au fil résorbable ou au fil d’acier
fin passé dans le tendon au ras du fragment et transversalement
dans la base de P3.
En cas de subluxation palmaire associée du fragment distal, le risque
de démontage de la synthèse est important du fait de la tension du
fléchisseur profond.
Elle peut être protégée par un brochage axial
transitoire en extension de l’IPD mis en place après réduction de la
subluxation et avant la synthèse du fragment, ou par un cerclage à
l’aide d’un fil métallique.
Le fil du cerclage est passé
transversalement dans la base de P3 puis dans l’extenseur au ras de
l’os.
Des montages mixtes de type haubanage sont possibles, mais
très délicats à réaliser sans fragiliser les fragments osseux.
Quelle que soit la synthèse effectuée, le montage souvent fragile
justifie une immobilisation complémentaire par une attelle palmaire
en extension de l’IPD pour 6 semaines.
3- Fractures articulaires palmaires
:
Elles entraînent une interruption de l’action du fléchisseur profond
qui reste inséré sur le fragment osseux plus ou moins volumineux et
déplacé. Une fracture et une avulsion du tendon peuvent
cependant coexister.
Un fragment volumineux est en règle peu
déplacé car il reste bloqué par les poulies distales du canal digital,
mais la fracture peut s’accompagner d’une subluxation dorsale du
fragment distal de P3 du fait de la tension de l’appareil extenseur.
L’ostéosynthèse est indiquée devant tout fragment déplacé.
L’abord
est palmaire de type Brunner, prolongé en distal par une incision
médiane pulpaire.
Les petits fragments sont l’équivalent d’une avulsion distale du
fléchisseur profond, et répondent aux mêmes techniques de
réparation qu’une plaie distale en zone 1 du tendon fléchisseur (pullout
ou réinsertion par miniancre).
Les fragments plus volumineux nécessitent une ostéosynthèse, soit
par vissage si la taille le permet, soit le plus souvent par un
brochage.
Un fragment refendu peut faire appel à la technique de
haubanage appuyé en 8 sur une broche ou directement dans le
tendon fléchisseur au ras de l’os, et extrait en pull-out appuyé sur
l’ongle.
Un brochage axial transitoire de l’IPD peut se justifier après
réduction d’une subluxation dorsale en présence d’une
ostéosynthèse fragile.
Quelle que soit la fracture, le contrôle de la qualité de la réduction
articulaire ne peut s’effectuer que par une radiographie ou une
fluoroscopie peropératoire.
Les soins postopératoires sont
équivalents à ceux des arrachements distaux du fléchisseur profond
qui permettent, sous couvert d’un appareillage postérieur, de
débuter rapidement une mobilisation active en flexion.
4- Autres fractures
:
Les fractures longitudinales diaphysaires et articulaires déplacées
sont brochées transversalement éventuellement par voie percutanée
si l’on dispose d’un parfait contrôle radiologique peropératoire.
Les fractures articulaires en pilon combinent des fragments
palmaires et dorsaux déplacés.
Il est préférable d’avoir un parfait
contrôle du fragment palmaire et d’aborder donc ces difficiles
fractures par voie palmaire ou par une voie latérale.
Un brochage
axial passant par l’IPD maintient le fragment diaphysaire.
Les
fragments articulaires peuvent ensuite être brochés ou cerclés l’un à
l’autre.
Lorsque la comminution articulaire est telle qu’elle ne permet pas
une synthèse directe, on peut soit effectuer un brochage longitudinal
passant par l’IPD en espérant un remodelé articulaire compatible
avec une fonction indolore, soit opter d’emblée pour une arthrodèse
en légère flexion ce qui, notamment chez un travailleur manuel, est
fonctionnellement le plus souvent bien toléré.
B - FRACTURES EXTRA-ARTICULAIRES DES PHALANGES
PROXIMALES (P1) ET MOYENNES (P2)
:
1- Fractures transversales de P1 et P2
:
* Brochage en croix en va-et-vient
:
Il s’agit d’un brochage intrafocal rétrograde par deux broches mises
en place par le foyer de fracture.
Cette technique est plus facilement
réalisable dans les fractures diaphysaires.
L’abord cutané est
curviligne dorsal, et l’appareil extenseur est récliné d’un côté ou de
l’autre pour aborder le foyer de fracture.
Deux broches de 10/10e
sont introduites par le foyer obliquement selon un plan frontal dans
le fragment distal. Les broches sont retirées après avoir franchi les
corticales latérales du fragment distal jusqu’à affleurer au foyer de
fracture.
La réduction est maintenue manuellement, et les broches
sont repoussées de distal à proximal jusqu’à franchir la corticale
latérale du fragment proximal.
Durant ce brochage, une
poussée axiale sur le fragment distal doit être maintenue, pour éviter
un écart interfragmentaire tout en maintenant solidement le fragment proximal.
Les broches sont coupées de façon à ne pas
gêner le jeu de l’appareil extenseur.
Un appareillage de protection
est laissé pendant 3 semaines, autorisant la mobilisation immédiate.
* Brochage intramédullaire
:
Ce type de brochage, initialement décrit par voie percutanée, est
surtout indiqué dans les fractures transversales proximales ou
distales où la réalisation d’un brochage en croix est beaucoup plus
difficile.
Le brochage peut être effectué de façon ascendante (de
proximal à distal) pour les fractures distales, ou descendante (de
distal à proximal) pour les fractures proximales par deux broches
introduites latéralement au niveau de la tête ou au niveau de la base
de la phalange.
La réduction est maintenue en fléchissant les
articulations sus- et sous-jacentes à 90°.
En maintenant une
compression axiale pour éviter un écart dans le foyer, les broches intramédullaires franchissent le foyer de fracture et sont poussées
dans la zone épiphysaire au ras de l’articulation du côté opposé.
L’emplacement de leur extrémité est contrôlé par radioscopie
. Une contention postopératoire avec syndactylie est
nécessaire, car un déplacement en rotation peut survenir, notamment
dans les brochages effectués de distal en proximal.
* Cerclage selon Lister
:
Cette méthode combine un cerclage orthogonal effectué dans un
plan transversal qui assure la mise en compression du foyer, et un
brochage oblique qui évite la rotation ou un déplacement en
angulation.
Elle est bien adaptée au traitement des fractures
transversales juxtaépiphysaires proximales ou distales.
Un fil d’acier
de 6 ou 8/10e de mm est passé en transosseux dans des trous
effectués à l’aide d’une broche, parallèlement et à 3 ou 4mm du
foyer de fracture.
On peut s’aider d’un trocart pour faire passer le fil
de cerclage dans les deux orifices transosseux.
Une broche oblique
dans le même plan est introduite en va-et-vient par le foyer dans le
fragment le plus long.
Le cerclage est serré puis la broche est
poussée en distal.
L’abord élargi du foyer de fracture est nécessaire
pour contrôler le passage des fils.
Deux voies d’abord latérales
permettent toutefois de limiter cet abord.
Des cerclages orthogonaux
ou parallèles ont été décrits, mais, de réalisation difficile, ils
imposent des abords extensifs et risquent d’entraîner des conflits et
des adhérences avec les tendons fléchisseurs ou extenseurs.
* Plaque vissée
:
Bien que mécaniquement moins performante, une plaque en
position latérale est préférable à une position dorsale, afin d’éviter
tout conflit avec l’appareil extenseur ou l’appareil fléchisseur en cas
de vis un peu trop longue.
En pratique, seules les fractures
métaphysaires proximales de la 1re phalange peuvent autoriser une
plaque dorsale fine mise en place par une voie transtendineuse
médiane ou paramédiane.
Pour les plaques en position latérale,
l’abord est latéral.
Il doit être suffisant pour mettre en place au moins
deux vis de part et d’autre du foyer de fracture en effectuant un dépériostage minimal.
La réduction du foyer de fracture est maintenue provisoirement par
une broche oblique.
Avant toute fixation définitive, la plaque doit
être légèrement moulée et épouser parfaitement le relief de la
corticale.
Une plaque non préformée avant son vissage risque, en
cours de consolidation, soit d’arracher les vis ou de les casser, soit
de se casser dans une zone de contrainte.
La plaque doit être
positionnée strictement parallèle à l’axe longitudinale de la phalange.
Un effet de compression au niveau du foyer de fracture peut
être donné lors du vissage, grâce à un méchage excentrique de l’un
des fragments après avoir retirer la broche.
Une contention simple
par syndactylie autorise ensuite une mobilisation immédiate.
Dans les fractures métaphysaires, une plaque en T ou en L ou une
lame plaque permet l’ancrage du fragment épiphysaire.
Celui-ci doit être réalisé en premier, en veillant à respecter le ligament latéral qui
ne doit pas être désinséré.
La mise en place d’une lame plaque
s’effectue d’abord par le perçage du trajet de la lame par une mèche
de 1,5 mm.
La mesure de la profondeur du trou permet d’effectuer
la recoupe de la lame à la longueur désirée.
La lame plaque est mise
en place pour contrôler l’ajustement de la plaque sur les deux
fragments.
Elle est ensuite retirée et moulée de façon adéquate avant
d’être fixée.
* Bilboquet et son équivalent
:
Les indications d’ostéosynthèse centromédullaire selon le principe
du bilboquet sont plutôt réservées aux fractures ouvertes ou aux
amputations.
Pour une fracture fermée, la mise en place
d’un clou centromédullaire selon cette technique impose une voie
d’abord trop extensive.
2- Fractures obliques et spiroïdes longues de P1 et P2
:
* Brochage
:
Un brochage multiple de la spire ou du trait oblique peut être
réalisé, sachant que, mécaniquement, il ne s’agit pas de la solution
la plus fiable.
Cette option peut néanmoins être retenue lorsque les
fragments spiraux sont refendus, risquant d’éclater par un vissage.
Un brochage percutané est possible pour des fractures obliques
simples.
La réduction du déplacement est obtenue par traction
axiale, et maintenue par une pince à champ ou un petit davier en dépériostant le moins possible les fragments.
Trois à quatre broches
sont mises en place perpendiculairement à la spire ou au trait, en
veillant à ce que leur saillie ne gêne pas les appareils tendineux.
Un
appareillage de protection avec syndactylie pendant 3 semaines
permet ensuite une mobilisation immédiate.
* Vissage :
Il s’agit de la méthode de choix dans ce type de fracture. Les
fragments sont écartés pour évacuer l’hématome et contrôler la
longueur de la spire.
Après un dépériostage a minima le long de la
spire, la réduction est obtenue par traction axiale et contrôlée sur
toute la longueur.
Elle doit être anatomique, car tout décalage des
fragments se traduit par un trouble de rotation.
Le maintien de la
réduction peut s’obtenir par un petit davier ou une pince à champ,
voire une broche temporaire mise au niveau de l’emplacement d’une
future vis.
L’axe du doigt et l’absence de rotation sont vérifiés en
flexion par rapport aux doigts adjacents.
Le nombre de vis doit être
au minimum de deux.
Leur positionnement dans des plans
différents doit être judicieusement choisi en fonction du siège de la
spire ou du trait.
De plus, la compression interfragmentaire par le
forage d’un trou large au niveau de la première corticale ne doit pas
fragiliser le fragment.
L’orientation de la vis doit idéalement se
situer le long de la bissectrice de l’angle que forment la
perpendiculaire au trait de fracture et la perpendiculaire à l’axe de
la phalange, afin d’obtenir le meilleur compromis pour une
résistance aux contraintes axiales et en rotation.
Ce mode
d’ostéosynthèse autorise en postopératoire une mobilisation
immédiate, sous couvert d’une syndactylie sans nécessité
d’appareillage.
3- Fractures obliques courtes diaphysaires
ou métaphysaires de P1 et P2 :
Ces fractures ont souvent un trait oblique dans un plan
perpendiculaire à l’axe de la phalange.
L’obliquité du trait ne
dépasse pas en général 45°, ce qui autorise une ostéosynthèse
transversale.
* Brochage :
Le brochage transversal par deux ou trois broches à foyer fermé par
voie percutanée est une option valable si l’on peut effectuer une
réduction satisfaisante contrôlée radiologiquement.
Dans le cas
contraire, un abord latéral du côté du fragment déplacé permet
d’effectuer sa réduction et un brochage transversal à ciel ouvert si le
fragment ne permet pas de façon fiable la mise en place de deux vis.
* Vissage :
Le vissage est mécaniquement plus solide.
Lorsque la mise en place
de deux vis s’avère difficile ou risquée sur un trait très court, on
peut se contenter d’un montage mixte, avec une vis et une broche
assurant un effet antirotation.
* Plaque latérale ou lame plaque
:
La plaque assure un effet console, en appuyant le fragment osseux
déplacé du côté inverse à son déplacement.
Deux vis au minimum
doivent fixer le fragment déplacé, et deux à trois vis doivent se fixer
sur le socle non déplacé.
4- Fractures diaphysaires comminutives de P1 et P2
:
Une réduction anatomique est souvent difficile voire impossible à
obtenir, du fait de la taille et du nombre des fragments.
Le but est ici
d’assurer plutôt un alignement correct et stable de la phalange, sans dévascularisation des fragments ni encombrement par du matériel
d’ostéosynthèse.
L’ostéosynthèse par broche est souvent la seule option possible par
un brochage en croix d’une épiphyse à l’autre, associé à un brochage
des fragments les plus volumineux pouvant faire appel à des
broches de 8 ou 10/100e.
L’abord doit respecter au maximum la
vascularisation osseuse et les parties molles souvent lésées par le
mécanisme d’écrasement responsable fréquemment de ce type de
fracture.
Un appareillage de contention complémentaire, autorisant
une mobilisation précoce, est un complément indispensable à
l’ostéosynthèse.
L’alternative à cette méthode est la fixation externe réalisée soit par minifixateur dédié spécifiquement à la main, soit à l’aide de deux
broches transversales (une dans chaque épiphyse) solidarisées l’une
à l’autre par une ou deux broches longitudinales fixées à l’aide de
ciment acrylique ou par un tube dans lequel le ciment est injecté.
Le positionnement de la fixation peut être latéral sur la deuxième
phalange et les premières phalanges du deuxième et du cinquième
doigt.
Il doit être dorsolatéral du fait de son encombrement sur la
première phalange du troisième et du quatrième doigt.
C - FRACTURES ARTICULAIRES DES PHALANGES
PROXIMALES (P1) ET MOYENNES (P2)
:
1- Fractures condyliennes
:
* Fractures unicondyliennes
:
Elles justifient une ostéosynthèse devant le moindre déplacement
articulaire qu’il faut bien analyser sur les clichés de face et de profil
en gardant en mémoire que l’instabilité de la fracture est d’autant
plus grande que le trait est oblique.
Un brochage percutané à foyer fermé est une éventualité possible, à
condition d’avoir un parfait contrôle articulaire par une
radiographie et un examen fluoroscopique peropératoire.
Une
traction axiale est appliquée sur le doigt, et la réduction du fragment
est maintenue par une pince à champ.
La fixation est assurée par
deux ou trois broches transversales.
Les fractures ne pouvant être réduites à foyer fermé sont abordées
par une voie dorsolatérale du côté du fragment déplacé.
Le contrôle endoarticulaire est facilité par un abord entre la bandelette médiane
et la bandelette latérale de l’appareil extenseur.
Le fragment doit
être laissé pédiculé sur ses parties molles, en particulier le ligament
latéral dont l’insertion doit être respectée.
Cela permet de maintenir
sa vascularisation et de faciliter sa réduction.
Après un lavage
articulaire, la réduction est contrôlée de visu. Le type
d’ostéosynthèse dépend de la taille du fragment : soit par deux vis
ou par une visse boulonnée et, s’il est peu volumineux, par deux
broches de 8/10e ou par une vis de 1,5 mm de diamètre et une
broche antirotation.
Leur point d’entrée doit éviter au
maximum le trajet du ligament latéral.
Leur orientation est
transversale légèrement oblique pour éviter une saillie gênante sur
le ligament latéral opposé.
* Fractures bicondyliennes
:
Les fractures bicondyliennes sont pratiquement toujours déplacées,
avec en général un fragment condylien à trait oblique plus important
que l’autre.
L’abord est dorsal pour permettre un contrôle des deux
fragments condyliens.
L’ostéosynthèse débute par la reconstruction épiphysaire à l’aide d’un brochage ou d’un vissage des deux massifs
condyliens, en contrôlant parfaitement leur alignement articulaire.
Une plaque ou une lame plaque peut être utilisée, mais il
faut être certain du bon alignement de la plaque.
Puis le massif épiphysaire est réaligné et fixé sur la diaphyse par des vis ou des
broches ou par la plaque.
Les fractures condyliennes palmaires ou dorsales situées dans un
plan frontal peuvent être fixées par des broches ou des minivis
enfouies dans le cartilage.
Une fracture palmaire peut être vissée en
rappel par voie dorsale, sinon un abord latéral est indiqué pour le
contrôle de son ostéosynthèse.
La mobilisation active en syndactylie doit être précoce pour toutes
ces fractures, après une courte période d’immobilisation segmentaire
en extension, car le risque d’une raideur avec défaut d’extension est
majeur.
2- Fractures articulaires de la base de la phalange
proximale
:
Leur abord est, selon le siège de la fracture et du doigt concerné,
soit latéral soit dorsolatéral voire palmaire.
Les fractures à gros fragments déplacés correspondent à un
arrachement du ligament latéral.
Elles peuvent être visées ou
brochées.
Les fractures comminutives sont en général brochées.
La
reconstruction épiphysaire première avec restauration de l’interligne
articulaire est indispensable.
Des broches transversales au ras des
fragments ostéochondraux peuvent êtres mises en étai, afin d’éviter
un enfoncement articulaire. Une perte de substance épiphysaire peut
justifier un comblement associé d’os spongieux prélevé sur le radius.
3- Fractures et fracture-luxations de la base
de la phalange moyenne (P2)
:
Ces fractures sont très difficiles à traiter et exposent à de nombreuses
séquelles.
Leur pronostic est lié à la localisation de la fracture, au degré
d’instabilité en particulier dorsale, à l’importance du tassement ostéochondral et au délai de prise en charge.
L’évaluation
radiologique est donc essentielle avant de proposer un traitement
qui peut faire appel à de nombreuses techniques, dont aucune
n’a réellement prouvé sa supériorité par rapport à l’autre.
L’ostéosynthèse directe est rarement possible dans ce type de
fracture, et le but est d’obtenir si possible une réduction
anatomique mais surtout une articulation axée et congruente
dont on espère un remodelage avec la mobilisation.
Le traitement
doit de plus permettre une mobilisation précoce, dont le rôle
bénéfique a été démontré notamment sur la trophicité
cartilagineuse.
* Fractures marginales antérieures de la base de P2
:
Leur traitement non orthopédique se justifie en cas de persistance
d’une subluxation dorsale (signe du V sur le cliché de profil) malgré
des manoeuvres de réduction effectuées sous anesthésie.
Cela
correspond souvent à un fragment intéressant plus de 40 % de la
surface articulaire.
Une subluxation dorsale apparaissant
uniquement à 20° de flexion peut cependant encore être traitée
orthopédiquement par une attelle dorsale IPP stop.
Schématiquement, deux cas de figure peuvent se présenter :
– le fragment palmaire est homogène et volumineux.
La réduction et l’ostéosynthèse sont théoriquement possibles, mais en
pratique extrêmement difficiles à effectuer sans fragiliser le
fragment, et source de raideur postopératoire.
La voie d’abord est
palmaire, la gaine du tendon fléchisseur est ouverte à hauteur de la
poulie A3 et réclinée latéralement ainsi que les tendons fléchisseurs.
La plaque palmaire est ouverte longitudinalement, et l’ostéosynthèse
peut s’effectuer à l’aide de broches ressorties au dos de P2 ou mieux
par un minivissage (vis de 1,2 mm) en compression.
Si le fragment
paraît fragile pour admettre des broches ou des vis, un cerclage peut
être une dernière alternative.
La mobilisation active est autorisée
immédiatement, avec la protection d’une attelle dorsale qui limite
durant les 3 premières semaines l’extension de l’IPP jusqu’à 20° de
flexion.
Un vissage en rappel effectué par une voie dorsale est
possible pour un fragment volumineux dont on aura pu obtenir une
bonne réduction par la mise en extension de l’IPP.
Le vissage
s’effectue après avoir immobilisé transitoirement le fragment par
une broche ;
– le fragment palmaire est comminutif.
Il est illusoire d’espérer son ostéosynthèse à ciel ouvert.
Trois options
sont possibles :
– le brochage d’arthrorise dorsale ou brochage en butée IPP stop.
L’IPP est fléchie à 90° et une broche est introduite dans la
tête de la phalange proximale par une courte voie dorsale entre la
bandelette latérale et la bandelette médiane de l’appareil extenseur.
En jouant le rôle de butée, elle limite l’extension de P2 à 30° de
flexion et s’oppose à la subluxation.
La mobilisation immédiate est
autorisée.
La broche est retirée à la 3e semaine, et une attelle
dorsale IPP stop est portée jusqu’à la fin de la 6e semaine ;
– les systèmes de traction dynamiques.
De nombreux procédés
dynamiques externes ont été décrits, faisant appel soit à des
appareillages externes, soit à des fixateurs externes dynamiques
, soit à des systèmes associant des broches de traction et des élastiques.
Leur principe repose sur une traction permettant
un ligamentotaxis, la réduction de la luxation et la mobilisation
précoce.
Les limites de ces appareillages sont représentées
par leur encombrement, les problèmes de tenue des broches et
des fiches, les risques d’infection à leur point d’entrée et enfin
leur réglage qui doit permettre une mobilisation autour de l’axe
physiologique ;
– l’arthroplastie à la plaque palmaire (Eaton).
Le principe est
d’avancer la plaque palmaire au niveau de la tranche fracturaire,
ce qui permet de remplacer la surface articulaire détruite et de
s’opposer à la luxation dorsale.
L’abord est palmaire en Brunner sur P1 et P2.
La gaine des fléchisseurs est réclinée entre
A2 et A4 en lui gardant une charnière latérale.
Les tendons
fléchisseurs sont réclinés latéralement.
La plaque palmaire est
détachée en distal ainsi que latéralement des ligaments collatéraux
accessoires qui sont excisés.
Les fragments osseux sont également
excisés, et la plaque palmaire est fixée au niveau de la zone fracturaire en pull-out transosseux fixé au dos de P2 sous
l’appareil extenseur.
Un brochage complémentaire à 30° de flexion
de l’IPP est maintenu 2 semaines.
La mobilisation active est
autorisée avec une protection par une attelle dorsale IPP stop
pendant 2 semaines après l’ablation de la broche.
Cette technique est indiquée aussi bien dans les lésions fraîches
que dans les lésions vues secondairement, où une arthrolyse à la
spatule fine est souvent nécessaire.
* Fractures dorsales de la base de P2
:
L’insertion de la bandelette médiane de l’appareil extenseur est
concernée par ces fractures. Selon la taille du fragment, une subluxation palmaire peut être associée.
L’ostéosynthèse est donc
indiquée devant tout déplacement ou subluxation palmaire.
L’abord
est dorsal, et le fragment est ostéosynthésé après réduction soit par
une broche ou une minivis si la taille le permet, soit par un
haubanage (broche + cerclage), voire par une réinsertion à l’aide
d’une miniancre intraosseuse si le fragment est très petit.
La
mobilisation précoce est possible avec un appareillage de protection
en extension dynamique.
* Fractures comminutives par compression axiale
:
Elles associent un enfoncement central et des fragments palmaires
et dorsaux.
Un remodelé acceptable de la surface articulaire peut
s’obtenir en associant avec éventuellement un système de distraction
dynamique ou statique (fixateur externe), un brochage des
fragments principaux et un relèvement à la spatule de l’enfoncement
central associé à un comblement d’os spongieux en étai.
La mobilisation précoce est encouragée de façon à permettre un
remodelage articulaire.
* Fractures d’un plateau latéral de la base de P2
:
Ces fractures souvent méconnues conduisent à une clinodactylie
puis une arthrose.
Leur traitement consiste en une
réduction à foyer ouvert par voie latérale avec un comblement
osseux en étai dans la zone de relèvement, complété d’un brochage
transversal.
D - FRACTURES DIAPHYSAIRES ET MÉTAPHYSAIRES
DES MÉTACARPIENS :
1- Fractures transversales des métacarpiens
:
* Techniques à foyer fermé
:
Elles sont indiquées chaque fois que la réduction contrôlée sous
fluoroscopie ou par radiographie est satisfaisante mais instable,
contre-indiquant un traitement orthopédique.
+ Embrochage centromédullaire (Foucher)
:
Cette technique est très utile dans les fractures du col du cinquième
métacarpien et dans celles plus rares du col du deuxième
métacarpien.
Un court abord cutané dorsolatéral en regard de la base du
cinquième métacarpien permet d’écarter les rameaux de la branche
cutanée dorsale du nerf cubital.
Une trépanation à la pointe carrée
fine prépare l’orifice d’entrée des broches centromédullaires.
La
réduction de la bascule palmaire du fragment distal est obtenue par
la manoeuvre de Jahss.
Trois broches de 8/10e à bout mousse
et légèrement coudées à leur extrémité sont introduites
manuellement dans le canal médullaire et positionnées en bouquet
dans la tête métacarpienne.
Après une compression axiale sur la tête
du métacarpien afin d’éviter un écart interfragmentaire, les broches
sont recourbées et coupées au ras de la peau.
Une
mobilisation immédiate est autorisée avec une attelle de protection
en syndactylie pour 3 semaines relayée par une simple syndactylisation.
Les broches peuvent être retirées à partir de la
6e semaine.
Des variantes utilisant uniquement deux voire une broche de plus
gros calibre peuvent être utilisées dans des fractures plus proximales
ou siégeant au niveau des troisième et quatrième métacarpiens.
+ Brochage transversal
:
Il n’est possible que pour les deuxième et cinquième métacarpiens.
Il peut s’effectuer par voie percutanée ou par un très court abord
afin d’écarter les petites branches nerveuses cutanées.
Après
réduction du foyer de fracture par la manoeuvre de Jahss, trois
broches transversales de 10/10e (une proximale et deux distales par
rapport au foyer) solidarisent le métacarpien fracturé au
métacarpien voisin.
Il faut veiller lors du brochage à imprimer une
compression axiale sur la tête du métacarpien, afin d’éviter un écart interfragmentaire.
La mobilisation immédiate est possible
sous couvert d’un appareillage de protection.
Les broches peuvent
être retirées à la fin de la 4e ou 6e semaine selon le siège de la
fracture.
Si les broches transversales sont situées à la tête métacarpienne, elles
peuvent gêner le jeu des ligaments latéraux et de la dossière de l’appareil extenseur, source de raideur séquellaire.
Le brochage
transversal est donc surtout réservé aux fractures siégeant en amont
du col métacarpien.
+ Brochage perpendiculaire
:
Il s’inspire des deux techniques précédentes dont il partage les
indications et les limites.
Il s’effectue à l’aide de deux broches
perpendiculaires.
L’une est centromédullaire et l’autre intermétacarpienne dans le fragment distal, évitant sa rotation axiale.
+ Brochage ascendant (Kapandji)
:
Ce double embrochage croisé ascendant, décrit et surtout employé
dans les fractures proximales du premier métacarpien, peut être
utilisé également dans les fractures proximales des métacarpiens des
doigts longs.
Deux courtes incisions cutanées dorsolatérales en
regard de la tête du métacarpien permettent d’éviter les rameaux
cutanés nerveux.
Après perforation de la corticale par une pointe
carrée fine à la jonction épiphysométaphysaire, une première broche
de 15 ou 18/10e dont l’extrémité est recourbée est introduite
manuellement du côté interne.
Le passage du foyer s’effectue en
position de la réduction en imprimant une traction axiale sur le
pouce et une pression dorsale sur la base du métacarpien.
La broche
est poussée dans le spongieux épiphysaire jusqu’au ras de l’os
cortical.
Puis la deuxième broche du côté externe est introduite selon
le même procédé.
Les broches sont coupées au ras de la peau.
Une immobilisation provisoire en ouverture de la première
commissure peut être nécessaire pendant les 3 premières semaines.
Les broches sont retirées à la fin de la 6e semaine.
Les techniques alternatives à foyer fermé du brochage ascendant
dans les fractures proximales extra-articulaires du premier
métacarpien sont d’une part le double embrochage commissural
(technique d’Iselin) décrit plus loin, et d’autre part les brochages
métacarpotrapéziens, que nous ne recommandons pas du fait de
l’agression qu’ils représentent pour l’articulation trapézométacarpienne.