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Hépatologie
Foie et grossesse
Cours d'Hépatologie
 


 

Introduction :

Les hépatopathies observées au cours de la grossesse peuvent être classées en trois groupes :

– les hépatopathies gravidiques qui sont liées à la grossesse de manière spécifique ;

– les hépatopathies aiguës intercurrentes qui surviennent de façon fortuite au cours de la grossesse ;

– les hépatopathies chroniques qui peuvent être révélées par la grossesse ou plus souvent diagnostiquées fortuitement au cours de la grossesse.

Avant d’aborder ces différentes hépatopathies, il est utile de rappeler quelques modifications physiologiques liées à la grossesse.

Foie et grossesse normale :

Des vomissements sont fréquents en début de grossesse et sont considérés comme physiologiques lorsqu’ils n’entraînent pas d’altération de l’état général ni d’anomalies biologiques.

En revanche, des vomissements ou des nausées doivent être considérés comme pathologiques lorsqu’ils débutent après le premier trimestre ou en cas d’anomalies biologiques associées.

Les angiomes stellaires et l’érythrose palmaire qui apparaissent au cours de la grossesse ne sont pas liés à une insuffisance hépatocellulaire et disparaissent le plus souvent après l’accouchement.

La grossesse elle-même entraîne des modifications physiologiques de certains tests hépatiques.

L’activité sérique des phosphatases alcalines s’élève au troisième trimestre, principalement du fait du passage dans la circulation maternelle d’une isoenzyme d’origine placentaire mais également du fait d’une hyperproduction de l’isoenzyme osseuse.

Les concentrations sériques des protides totaux et de l’albumine diminuent progressivement au cours de la grossesse du fait de l’hémodilution.

L’activité sérique de la gammaglutamyl transpeptidase (GGT) diminue modérément en fin de grossesse.

La bilirubinémie diminue modérément dès le premier trimestre.

L’activité sérique de la 5’nucléotidase est normale ou modérément augmentée.

En revanche, d’autres tests hépatiques sont peu ou pas modifiés par la grossesse.

L’activité sérique des aminotransférases (ou transaminases), en particulier de l’alanine aminotransférase (ALAT) reste habituellement dans les limites des valeurs normales établies en dehors de la grossesse.

Une élévation de cette activité chez une femme enceinte doit donc être considérée comme pathologique.

Le taux de prothrombine (TP) qui est utilisé en routine pour évaluer le pronostic des hépatopathies n’est pas diminué au cours de la grossesse normale.

Au cours de la grossesse, il a été décrit des anomalies modérées du métabolisme des acides biliaires.

Cependant, la concentration sérique des acides biliaires totaux, mesurée à jeun, n’est pas modifiée de manière significative durant la grossesse.

La concentration sérique du cholestérol total est normale ou diminuée au premier trimestre puis augmente progressivement jusqu’au troisième trimestre.

Les concentrations sériques des triglycérides et des phospholipides sont augmentées au deuxième et au troisième trimestre.

En pratique, le dosage des lipides est rarement utile pendant la grossesse, sauf en cas de pancréatite aiguë.

À l’examen échographique, les voies biliaires intra- et extrahépatiques ne sont pas modifiées au cours de la grossesse normale.

La vidange vésiculaire est ralentie au cours de la grossesse et un résidu vésiculaire persiste après le repas et tout au long de la journée.

Le volume vésiculaire augmente dès le premier trimestre.

Un sludge vésiculaire est observé chez environ 30 % des femmes enceintes.

Il disparaît le plus souvent dans l’année qui suit l’accouchement.

Il est inutile d’examiner systématiquement la vésicule biliaire à l’occasion des échographies obstétricales de surveillance car une lithiase vésiculaire asymptomatique ne nécessite aucun traitement.

Hépatopathies gravidiques :

Il est actuellement bien établi qu’une conduite à tenir adaptée améliore le pronostic des hépatopathies gravidiques.

La relative rareté de ces hépatopathies spécifiques de la grossesse ne doit pas les faire méconnaître.

Les tests hépatiques, en particulier les transaminases, ne font pas partie des examens obligatoires de surveillance de la grossesse.

Les médecins et les sages-femmes doivent donc penser à demander un dosage des transaminases devant des symptômes ou des anomalies biologiques évoquant une hépatopathie.

Toute élévation de l’activité sérique des transaminases, en particulier de l’ALAT, doit être prise en considération et faire l’objet d’une enquête étiologique.

Le groupe des hépatopathies gravidiques comprend cinq maladies : la cholestase intrahépatique gravidique (CIG), la stéatose hépatique aiguë gravidique (SHAG), les lésions hépatiques de la prééclampsie, l’hyperemesis gravidarum et l’exceptionnelle grossesse intrahépatique.

A - CHOLESTASE INTRAHÉPATIQUE GRAVIDIQUE :

1- Clinique :

La CIG survient durant le deuxième ou le troisième trimestre et disparaît après l’accouchement.

La prévalence de la CIG en France a été évaluée entre deux et sept cas pour 1 000 accouchements.

La CIG est plus fréquente dans les pays scandinaves et surtout en Bolivie et au Chili. De manière générale, la CIG est plus fréquente en cas de grossesse gémellaire.

La CIG se révèle en règle générale par un prurit.

Le plus souvent, le prurit est généralisé mais prédomine au niveau du tronc, de la paume des mains et de la plante des pieds.

Le prurit est un symptôme très désagréable pour la mère et entraîne fréquemment des troubles du sommeil.

Il disparaît habituellement dans les heures ou les jours qui suivent l’accouchement.

Dans 10 % des cas environ, un ictère apparaît après le prurit.

L’examen clinique est normal en dehors des lésions cutanées de grattage.

L’activité sérique de l’ALAT est le plus souvent augmentée et fréquemment supérieure à 10 fois la valeur supérieure de la normale.

Ceci peut faire suspecter une hépatite virale aiguë mais ce diagnostic est facilement éliminé par les sérologies spécifiques.

La concentration sérique des acides biliaires est habituellement augmentée.

Sa mesure peut être utile pour le diagnostic lorsqu’il existe un prurit et que l’activité sérique des transaminases est dans les limites de la normale, en particulier au début de la maladie.

Le prélèvement sanguin doit être effectué à jeun car en période postprandiale, la concentration sérique des acides biliaires peut être modérément augmentée.

Comme pour tout examen biologique, l’anomalie doit être confirmée sur un deuxième prélèvement.

La concentration sérique des acides biliaires et l’activité sérique de l’ALAT diminuent rapidement après l’accouchement.

Malgré la cholestase, l’activité sérique de la GGT reste normale ou est modérément augmentée. Les bilirubinémies totale et directe sont normales ou augmentées selon l’intensité de la cholestase.

La numération plaquettaire est normale.

Le TP est le plus souvent normal.

Il peut être diminué lorsqu’il existe un ictère ou chez les patientes traitées par la cholestyramine.

Dans ce cas, le taux du facteur V est normal et le TP se corrige quelques heures après l’administration de vitamine K par voie parentérale.

À l’examen échographique, les voies biliaires ne sont pas dilatées. La vésicule biliaire peut être lithiasique, ce d’autant que la fréquence de la CIG est plus élevée chez les femmes atteintes d’une lithiase biliaire.

Le pronostic maternel est toujours favorable.

L’hémorragie de la délivrance par hypovitaminose K doit être prévenue par l’administration parentérale de vitamine K. En revanche, le pronostic foetal est plus réservé et la mortalité périnatale est augmentée.

Les principales complications sont la prématurité et la mort in utero brutale.

Le taux de prématurité est de l’ordre de 20 à 40 % mais varie largement selon les études.

La prématurité est également augmentée du fait qu’il s’agit fréquemment de grossesses multiples.

La mortalité in utero est d’environ 1 à 3%.

La CIG est donc une grossesse à risque qui nécessite une surveillance régulière maternelle (TP et tests hépatiques) et foetale (enregistrement du rythme cardiaque foetal).

Bien qu’il ait été trouvé une relation entre la concentration sérique des acides biliaires et les signes de souffrance foetale, l’utilité de la mesure de cette concentration pour l’évaluation du pronostic foetal et la conduite à tenir obstétricale n’a pas été démontrée.

2- Physiopathologie :

La cause exacte de la CIG est inconnue et l’origine de la maladie est probablement multifactorielle.

Les deux principaux facteurs sont génétiques et hormonaux. Les facteurs génétiques expliquent la survenue de cas familiaux et l’incidence particulièrement élevée de la CIG chez les Indiennes Araucanos au Chili. Par ailleurs, récemment, il a été rapporté une mutation du gène MDR3 (multidrug resistance 3) chez plusieurs membres d’une même famille, atteints d’une cholestase intrahépatique fibrogène familiale (progressive familial intrahepatic cholestasis) ou d’une cholestase au cours de la grossesse.

Dans cette famille, la mutation au niveau du gène MDR3 a été trouvée à l’état homozygote chez une personne atteinte de cholestase intrahépatique fibrogène familiale et à l’état hétérozygote chez quatre femmes atteintes de cholestase intrahépatique au cours de la grossesse.

Selon les auteurs, la présence de cette mutation à l’état hétérozygote pourrait favoriser la survenue d’une cholestase au cours de la grossesse.

Une autre mutation au niveau du gène MDR3 a été mise en évidence chez une malade atteinte de CIG mais sans histoire familiale de cholestase intrahépatique fibrogène familiale.

Concernant les facteurs hormonaux, le rôle des estrogènes était bien établi chez les malades atteintes de CIG, mais il a également été mis en évidence chez ces malades des anomalies du métabolisme de la progestérone.

Il a également été montré qu’un traitement par la progestérone naturelle (Utrogestant) prescrit durant la grossesse pour une menace d’accouchement prématuré pouvait favoriser l’apparition d’une CIG.

Les variations de la fréquence de la CIG au cours des saisons et des années, observées dans les pays scandinaves et au Chili, suggèrent l’existence de facteurs exogènes.

Ces facteurs exogènes pourraient modifier l’expression clinique de la maladie chez des femmes génétiquement prédisposées. Ainsi, il a été suggéré qu’un déficit d’apport en sélénium pourrait être un cofacteur de la CIG.

3- Diagnostic différentiel :

Le diagnostic différentiel avec une hépatopathie cholestatique intercurrente est relativement facile.

En l’absence d’ictère ou de fièvre, la cholestase est rarement liée à une pathologie lithiasique.

En effet, bien que la lithiase biliaire soit plus fréquente au cours de la grossesse, elle se complique rarement.

Une échographie du foie et des voies biliaires doit être effectuée au moindre doute, en particulier en cas de fièvre, de douleurs, ou d’ictère.

Une cholestase peut être uniquement liée à une infection urinaire et une véritable CIG peut être aggravée par une infection urinaire.

Une infection urinaire doit donc être systématiquement dépistée et traitée.

Une primo-infection à cytomégalovirus (CMV) durant la grossesse peut simuler une CIG, c’est-à-dire se manifester par un prurit et des anomalies des tests hépatiques.

Le diagnostic repose habituellement sur la séroconversion anti-CMV.

Cette séroconversion est plus facile à mettre en évidence si on dispose d’un sérum de référence prélevé en début de grossesse (par exemple pour une sérologie de la toxoplasmose) et conservé en sérothèque.

Compte tenu du risque foetal lié au CMV, il nous paraît utile de demander systématiquement une sérologie anti-CMV chez les patientes souffrant de CIG, en particulier s’il s’agit du premier épisode de CIG.

Après l’accouchement, il est bien de vérifier la normalisation des tests hépatiques.

La persistance d’anomalies biologiques hépatiques 3 mois après l’accouchement doit faire rechercher une hépatopathie chronique.

Au cours de la grossesse, le prurit a une bonne sensibilité pour faire le diagnostic de cholestase mais n’est pas spécifique.

Lorsqu’il existe un prurit et que l’activité sérique de l’ALAT et la concentration sérique des acides biliaires sont normales, l’avis d’un dermatologue est nécessaire.

En effet, certaines dermatoses prurigineuses de la grossesse nécessitent un traitement spécifique.

En l’absence de dermatose, il faut poursuivre la surveillance des tests hépatiques, par exemple une fois par semaine, car au cours de la CIG, les anomalies des tests hépatiques peuvent apparaître plusieurs semaines après le prurit.

4- Évolution :

La cholestase récidive fréquemment lors d’une grossesse ultérieure, et plus rarement lors d’une contraception orale.

En pratique, la CIG ne contre-indique pas une contraception orale progestative pure ou faiblement dosée en estrogènes, par exemple 20 ou 30 µg d’éthinylestradiol.

Il est préférable d’attendre la normalisation des tests hépatiques avant de débuter la contraception.

Il faut prévenir la patiente du risque de récidive et contrôler les tests hépatiques après 3 à 6 mois de contraception.

5- Traitement :

Le but du traitement médical de la CIG est d’améliorer la tolérance du prurit et de diminuer la cholestase.

La prise de 25 à 50 mg d’hydroxyzine (Ataraxt) le soir améliore la tolérance du prurit.

La cholestyramine, à la dose de 8 à 16 g/j, diminue l’absorption iléale des sels biliaires et accroît leur excrétion fécale.

Le traitement doit être débuté à doses progressives et les prises réparties dans la journée.

L’action sur le prurit et la cholestase est inconstante.

Chez les patientes ictériques ou traitées par la cholestyramine, il est utile de prévenir la carence en vitamine K, par exemple par une injection intramusculaire de 10 mg de vitamine K une fois par semaine.

L’acide ursodésoxycholique va probablement devenir le traitement de référence de la CIG.

En effet, plusieurs études ont montré que ce médicament était efficace chez les patientes atteintes de CIG, en particulier dans les formes sévères.

Dans ces études cliniques, il n’a pas été mis en évidence de toxicité de l’acide ursodésoxycholique pour l’enfant.

En France, selon l’autorisation de mise sur le marché, l’acide ursodésoxycholique peut être prescrit durant la grossesse dans des indications précises et validées.

Compte tenu des données de la littérature, la CIG représente donc une indication de traitement par l’acide ursodésoxycholique, tout au moins dans les formes sévères, par exemple lorsque la cholestase débute avant la 34e semaine d’aménorrhée ou lorsqu’il existe un antécédent de mort foetale in utero.

Dans les formes moins sévères, il faut tenir compte du délai d’action de l’acide ursodésoxycholique, délai qui est de l’ordre de 1 ou 2 semaines.

Ainsi, dans l’état actuel des connaissances, il est probablement inutile de débuter le traitement en fin de grossesse, par exemple après la 36e semaine d’aménorrhée ou si un déclenchement est envisagé dans les jours qui suivent.

En effet, afin de diminuer la fréquence de la mort in utero brutale qui survient le plus souvent en fin de grossesse, il est habituellement recommandé de déclencher l’accouchement avant le terme théorique.

Ainsi, Rioseco et al proposent de déclencher systématiquement l’accouchement à la 38e semaine d’aménorrhée en l’absence d’ictère, et à la 36e semaine d’aménorrhée si la maturité pulmonaire est atteinte, en cas d’ictère ou lorsque la bilirubinémie totale est supérieure à 30 µmol/L.

Il faut souligner que cette attitude de déclenchement systématique a été proposée avant l’utilisation de l’acide ursodésoxycholique.

De manière générale, les déclenchements systématiques avant l’obtention de la maturité pulmonaire ne sont habituellement pas justifiés.

L’acide ursodésoxycholique peut être prescrit à la dose de 1 g/j répartie en deux prises.

Récemment, une posologie plus élevée (20-25 mg/kg/j) a été proposée, ce qui permettrait de diminuer le délai d’action.

Quelle que soit la date du début du traitement, l’acide ursodésoxycholique est prescrit jusqu’à la fin de la grossesse.

Le traitement est arrêté au moment de l’accouchement afin que la mère puisse allaiter son enfant.

La CIG n’est pas une contre-indication à l’allaitement maternel.

Le bénéfice de l’acide ursodésoxycholique n’a pas été démontré dans les affections cholestatiques intercurrentes observées au cours de la grossesse, en particulier celles d’origine infectieuse.

B - STÉATOSE HÉPATIQUE AIGUË GRAVIDIQUE :

1- Clinique :

La SHAG est une maladie rare et potentiellement mortelle du troisième trimestre dont le pronostic a été radicalement transformé par l’accouchement précoce.

À Los Angeles et à Santiago du Chili, la prévalence a été évaluée à un cas pour 6 659 et 15 900 grossesses respectivement.

En France, la prévalence n’est pas connue mais il est évident que la SHAG est beaucoup plus rare que la CIG.

Cette rareté ne doit pas faire méconnaître le diagnostic qui doit être facilement évoqué au cours du troisième trimestre.

La SHAG peut survenir chez une patiente ayant déjà eu plusieurs grossesses normales.

Les symptômes initiaux les plus fréquents sont des nausées ou des vomissements, des douleurs abdominales, en particulier épigastriques, ou une polyuropolydipsie.

L’ictère qui était autrefois quasi constant peut actuellement être absent dans des formes diagnostiquées précocement.

Une hypertension artérielle ou une protéinurie sont fréquentes.

En l’absence de traitement, la maladie peut évoluer vers une encéphalopathie hépatique.

L’activité sérique des aminotransférases est habituellement augmentée de façon modérée.

La bilirubinémie est presque toujours augmentée.

Dans les formes sévères, le TP et le taux du facteur V et la fibrinogénémie sont diminués et il peut exister une hypoglycémie.

Une thrombopénie est fréquente, associée ou non à d’autres signes de coagulopathie de consommation.

La thrombopénie peut révéler la maladie.

Une insuffisance rénale, le plus souvent fonctionnelle, et une hyperuricémie sont également fréquentes. L’échographie retrouve inconstamment un foie hyperéchogène.

L’examen tomodensitométrique du foie peut être utile pour le diagnostic de stéatose en montrant une densité hépatique égale ou inférieure à celle de la rate.

Dans ce cas, il est utile de refaire un examen tomodensitométrique quelques jours après l’accouchement, puis à distance de l’accouchement, par exemple 3 mois, à titre de comparaison.

Comme pour les stéatoses macrovacuolaires d’origine nutritionnelle, la stéatose microvacuolaire liée à la grossesse est souvent hétérogène.

Dans certains cas, les examens d’imagerie ne permettent pas de confirmer le diagnostic.

Dans ces cas, la biopsie hépatique est utile mais il nous semble préférable de la faire après l’accouchement.

Il faut respecter les contre-indications habituelles de la biopsie hépatique, et en cas de troubles de l’hémostase, la biopsie hépatique peut être effectuée par voie transveineuse dans un centre qui a une bonne expérience de cet examen.

La principale caractéristique histologique est la stéatose microvacuolaire laissant le noyau en place au centre de l’hépatocyte.

De rares foyers de nécrose hépatocytaire peuvent être trouvés mais il n’y a jamais de nécrose massive comme cela est observé dans les hépatites fulminantes.

La stéatose disparaît rapidement après l’accouchement.

Une coloration spécifique des graisses ou une étude ultrastructurale peuvent être utiles lorsque la stéatose est minime. Il faut prévoir le fixateur adéquat au moment du prélèvement.

2- Évolution :

Avant 1970, la SHAG était considérée comme une maladie le plus souvent mortelle pour la mère et l’enfant.

En effet, la mortalité maternelle était très élevée, de l’ordre de 90 % pour les cas publiés.

Le pronostic a été transformé par l’accouchement précoce.

Actuellement, le pronostic maternel est habituellement bon à condition qu’il n’y ait pas de retard au diagnostic.

Le pronostic foetal est également amélioré par l’accouchement précoce.

La SHAG peut récidiver lors des grossesses ultérieures.

Les patientes qui ont eu une SHAG doivent être informées du risque de récidive et surveillées régulièrement, à la fois sur le plan clinique et biologique (tests hépatiques et numération plaquettaire), au cours du troisième trimestre.

3- Physiopathologie :

La cause exacte de la SHAG n’est pas connue.

Des cas de stéatose aiguë durant le grossesse associés à un déficit en long-chain 3-hydroxyacyl CoA dehydrogenase, une enzyme de la bêtaoxydation mitochondriale des acides gras, ont été rapportés.

Dans ces cas, le plus souvent, le foetus était à l’état homozygote pour le déficit et les deux parents hétérozygotes.

Ainsi, un déficit de la bêtaoxydation chez le foetus peut entraîner une stéatose aiguë chez la mère en fin de grossesse.

Ces anomalies génétiques n’ont pas été retrouvées dans une série de malades examinées en France.

Par ailleurs, au cours de la SHAG, le pronostic des enfants nés vivants est bon.

Ceci suggère qu’il existe plusieurs entités dont l’expression clinique est voisine mais dont la cause pourrait être différente.

En pratique, en cas de stéatose aiguë durant la grossesse, le dépistage de la principale mutation (G1528C) par les techniques de biologie moléculaire est recommandé chez l’enfant et les deux parents, et les enfants doivent être surveillés dès la naissance.

4- Traitement :

L’évacuation utérine précoce est le principal traitement de la SHAG et dès que le diagnostic est fait, l’interruption de la grossesse doit être rapidement envisagée.

De manière générale, si la patiente est en travail et qu’il n’y a pas de signes de souffrance foetale, l’accouchement peut être tenté par voie basse en surveillant soigneusement la mère et l’enfant.

Lorsque la patiente n’est pas en travail, et que la maladie est peu sévère, c’est-à-dire sans trouble de la coagulation, un déclenchement peut être tenté.

En revanche, lorsque la maladie est sévère, en particulier en cas de mort in utero, et que la patiente n’est pas en travail, une césarienne en urgence est habituellement indiquée.

Dans les formes sévères, les complications infectieuses et hémorragiques qui sont actuellement la principale cause de mortalité doivent être prévenues.

Les patientes ayant une insuffisance hépatocellulaire sévère doivent être surveillées dans un service de soins intensifs avant et après l’accouchement.

La glycémie doit être surveillée et l’hypoglycémie traitée par une perfusion continue de sérum glucosé.

En cas de thrombopénie sévère, une transfusion de plaquettes peut être nécessaire avant l’accouchement.

C - LÉSIONS HÉPATIQUES DE LA PRÉÉCLAMPSIE :

La prééclampsie est une maladie multisystémique du troisième trimestre, atteignant en particulier le système nerveux central, le rein et le foie.

Par définition, les deux principaux signes sont l’hypertension artérielle et la protéinurie.

La prééclampsie compliquerait environ 1 à 10% des grossesses.

Elle est plus fréquente chez les nullipares et ne récidive donc pas systématiquement lors des grossesses ultérieures.

Les lésions hépatiques de la prééclampsie sont secondaires à des dépôts intravasculaires de fibrine situés principalement au niveau des sinusoïdes périportales.

Ces lésions sont constituées de foyers de nécrose hépatocytaire, d’infarctus et d’hémorragies intrahépatiques. Leur répartition dans le foie est hétérogène.

Elles peuvent évoluer vers la formation d’un hématome intrahépatique, le plus souvent sous-capsulaire, et au niveau du lobe droit.

La rupture de cet hématome est la principale complication de cette atteinte hépatique et est le plus souvent due à un retard au diagnostic.

Le diagnostic peut être difficile lorsque l’hypertension artérielle est modérée.

Des douleurs épigastriques typiquement en barre ou de l’hypocondre droit peuvent être révélatrices.

L’ictère est rare à l’inverse de ce qui est observé dans la SHAG.

Le diagnostic de l’hématome intrahépatique repose habituellement sur l’échographie ou l’examen tomodensitométrique du foie.

Le traitement repose sur le traitement médical de la prééclampsie associé le plus souvent à l’évacuation utérine.

Les infarctus hépatiques et les hématomes non rompus guérissent habituellement sans séquelles.

Le traitement de la rupture d’un hématome associe la correction du choc hémorragique, l’évacuation utérine en urgence et la laparotomie.

L’hémostase de l’hémorragie hépatique peut nécessiter une exérèse hépatique ou une ligature artérielle.

Le syndrome hemolysis-elevated liver enzymes-low platelet count (HELLP) est un élément de mauvais pronostic chez les patientes atteintes d’une prééclampsie.

Sa présence justifie le transfert de la patiente dans une unité spécialisée afin de faire face aux différentes complications foetomaternelles.

L’extraction foetale doit être, sauf cas particulier, rapidement envisagée.

Le diagnostic différentiel entre une SHAG et une prééclampsie avec atteinte hépatique ou un syndrome HELLP peut être difficile.

En pratique, le point important est d’interrompre rapidement la grossesse.

D - HYPEREMESIS GRAVIDARUM :

L’hyperemesis gravidarum correspond aux vomissements gravidiques incoercibles du premier trimestre.

Ces vomissements entraînent un amaigrissement et des troubles électrolytiques qui motivent le plus souvent une hospitalisation.

La prévalence de l’hyperemesis gravidarum est de 0,3 à 1 % des grossesses.

La cause exacte de cette affection n’est pas connue et l’origine semble multifactorielle.

On observe fréquemment au cours de cette affection des anomalies des tests hépatiques avec parfois une hypertransaminasémie importante et éventuellement un ictère.

L’ictère disparaît après la correction des troubles hydroélectrolytiques et l’arrêt des vomissements.

Il peut récidiver lors d’une grossesse ultérieure avec hyperemesis gravidarum.

Des cas d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke secondaires à une carence en vitamine B1 ont été observés.

Le traitement de l’hyperemesis gravidarum comporte habituellement l’isolement, la correction des désordres hydroélectrolytiques, la nutrition parentérale comportant un apport de vitamine B1 et éventuellement un traitement antiémétique par voie intraveineuse.

L’efficacité de la méthylprednisolone a été montrée dans une étude.

E - GROSSESSE INTRAHÉPATIQUE :

L’implantation extra-utérine d’une grossesse au niveau du foie est exceptionnelle.

Le diagnostic est fait grâce à l’échographie ou l’examen tomodensitométrique.

L’interruption de la grossesse par laparotomie est recommandée en raison du risque de rupture.

F - HÉPATOPATHIES INTERCURRENTES :

Toutes les hépatopathies aiguës peuvent survenir de façon fortuite pendant la grossesse.

1- Lithiase biliaire :

La lithiase biliaire est plus fréquente pendant la grossesse mais est rarement symptomatique.

De petits calculs vésiculaires apparus pendant la grossesse peuvent disparaître dans les mois qui suivent l’accouchement.

Une cholécystite aiguë peut être révélée par des douleurs de l’hypocondre droit.

Son diagnostic est facilité par l’échographie.

Le traitement médical comprenant une antibiothérapie permet habituellement d’attendre le terme pour effectuer la cholécystectomie, en particulier au cours du troisième trimestre.

En cas de nécessité, une cholécystectomie par coelioscopie peut être envisagée au deuxième trimestre.

Le pronostic de la pancréatite aiguë biliaire est lié à la précocité du diagnostic.

Le traitement médical est toujours indiqué comme en dehors de la grossesse.

L’indication d’un traitement endoscopique ou chirurgical doit être posée au cas par cas et dépend des antécédents, du terme et de la réponse au traitement médical.

2- Hépatites virales :

Le diagnostic d’une hépatite virale aiguë au cours de la grossesse repose sur les mêmes arguments cliniques, épidémiologiques et sérologiques qu’en dehors de la grossesse.

Le pronostic maternel est peu ou non modifié par la grossesse en cas d’hépatite A, B, ou C.

En revanche, en cas d’hépatite E, le risque d’hépatite fulminante est beaucoup plus élevé durant le troisième trimestre de la grossesse.

En France, l’hépatite E peut s’observer chez des patientes ayant voyagé récemment dans une zone d’endémie ou ayant été en contact avec des personnes revenant d’une zone d’endémie.

En cas d’hépatite virale B, le principal risque est la transmission périnatale du virus de l’hépatite B (VHB) qui doit être prévenue par la sérovaccination du nouveau-né.

L’hépatite herpétique, due à herpes simplex virus, est rare mais sévère au cours de la grossesse. Un traitement par aciclovir doit être débuté précocement.

Son diagnostic doit être évoqué devant une fièvre, une hypertransaminasémie importante, une leucopénie, et surtout la présence de vésicules sur la peau ou les muqueuses génitales.

Une hypertransaminasémie peut être liée à une primo-infection à cytomégalovirus durant la grossesse. Le pronostic est surtout lié à l’atteinte foetale.

3- Infection urinaire :

Une infection urinaire même non fébrile peut entraîner une cholestase transitoire ou aggraver une CIG.

Un examen cytobactériologique des urines doit donc être systématiquement effectué chez une femme enceinte ayant des anomalies des tests hépatiques.

4- Hépatopathies médicamenteuses :

Bien que la fréquence des hépatopathies médicamenteuses soit probablement faible au cours de la grossesse, il est indispensable de rechercher la prise de tous les médicaments et d’évaluer leur imputabilité dans la survenue de l’hépatopathie.

De nombreux médicaments sont potentiellement hépatotoxiques, par exemple la méthyldopa utilisée dans le traitement de l’hypertension artérielle gravidique ou certaines phénothiazines parfois prescrites pour des vomissements.

5- Syndrome de Budd-Chiari :

Des cas de syndrome de Budd-Chiari ont été observés durant le post-partum.

La thrombose des veines sus-hépatiques se manifeste par des douleurs abdominales, une ascite et une hépatomégalie.

Le diagnostic repose sur l’échographie avec examen doppler, et éventuellement la tomodensitométrie ou l’imagerie par résonance magnétique.

Il faut rechercher systématiquement les autres causes de syndrome de Budd-Chiari, en particulier les troubles de l’hémostase.

6- Hépatopathies chroniques :

Les jeunes femmes atteintes d’hépatites chroniques ont le plus souvent un désir de grossesse et sont parfois inquiètes du fait de leur méconnaissance sur le risque de la grossesse.

En fait, la plupart des femmes atteintes d’hépatopathies chroniques peu sévères, en particulier virales, peuvent habituellement mener une grossesse à terme sans risque particulier.

En revanche, la survenue d’une grossesse est rare chez les patientes atteintes d’une cirrhose sévère en raison de la diminution de la fertilité.

Lorsque l’hépatopathie est connue avant la grossesse, une surveillance de l’hépatopathie doit être instituée, ce qui nécessite une collaboration entre l’équipe obstétricale et un hépatologue.

Certains traitements médicamenteux ne doivent pas être interrompus durant la grossesse en raison du risque de rechute lié à l’arrêt du traitement.

C’est le cas par exemple d’un traitement immunosuppresseur prescrit pour une hépatite chronique autoimmune ou de la D-pénicillamine utilisée comme chélateur du cuivre dans la maladie de Wilson.

Il faut se méfier en particulier de la rechute ou d’une exacerbation d’une hépatite auto-immune durant les mois qui suivent l’accouchement.

D’autres médicaments comme par exemple la ribavirine sont formellement contre-indiqués durant la grossesse.

Dans le cas de la ribavirine, il faut clairement informer la malade sur la nécessité d’une contraception efficace pendant toute la durée du traitement et pendant les 4 mois qui suivent l’arrêt du traitement.

L’hépatopathie chronique est parfois découverte de manière fortuite au cours de la grossesse.

C’est surtout le cas des hépatites virales chroniques.

* Hépatite chronique virale B :

En France, le dépistage de l’antigène HBs est obligatoire au sixième mois de grossesse.

Cette recherche doit être effectuée chez toutes les femmes enceintes, y compris celles qui ont été vaccinées contre le virus de l’hépatite B.

Afin de prévenir la transmission périnatale, il faut sérovacciner, dès la naissance, tous les nouveau-nés dont la mère est porteuse de l’antigène HBs quel que soit le niveau de la réplication virale du VHB.

Dès la naissance, il doit être effectué au nouveau-né une injection intramusculaire de gammaglobulines spécifiques anti-HBs (par exemple 200 UI).

La première injection vaccinale doit être effectuée également dès la naissance en intramusculaire mais dans un site différent de l’injection de gammaglobulines.

Une deuxième injection de gammaglobulines est habituellement effectuée à l’âge de 1 mois en même temps que la deuxième injection vaccinale.

Les injections ultérieures de vaccin doivent être faites selon le schéma vaccinal recommandé, par exemple au sixième mois dans le protocole à trois injections (0-1- 6 mois) ou au 12e mois dans le protocole à quatre injections (0-1-2- 12 mois) qui était classiquement utilisé pour ces nouveau-nés à haut risque.

Lorsque le nouveau-né est correctement sérovacciné, l’allaitement n’est pas contre-indiqué.

Un contrôle de la sérologie virale B peut être effectué chez l’enfant après l’âge de 1 an.

Le nouveau-né d’une mère infectée par le virus de l’hépatite delta doit recevoir la même protection sérovaccinale que pour le VHB.

En cas de positivité de l’antigène HBs dans le sérum maternel, il faut rechercher les marqueurs du VHB (antigène HBs, anticorps anti- HBs, anticorps anti-HBc) dans l’entourage, en particulier chez les partenaires sexuels et les enfants.

Toutes les personnes qui ne sont pas correctement immunisées doivent être rapidement vaccinées.

Les porteurs chroniques dépistés doivent être pris en charge.

Le statut de la mère par rapport au VHB doit être défini (hépatite aiguë, hépatite chronique, ou portage asymptomatique de l’antigène HBs).

Ceci nécessite que la mère soit examinée en consultation d’hépatologie.

L’indication d’un traitement antiviral est discutée après l’accouchement.

* Hépatite chronique virale C :

Le dépistage de l’infection par le VHC n’est pas systématique au cours de la grossesse.

Un test sérologique de dépistage peut être proposé, comme en dehors de la grossesse, en cas de facteur de risque reconnu.

La séropositivité anti-VHC est parfois mise en évidence par le lactarium.

La CIG serait plus fréquente chez les femmes infectées par le VHC. Une sérologie anti-VHC doit donc être effectuée chez les femmes atteintes de CIG et de manière générale en cas d’hypertransaminasémie.

En cas d’hépatite chronique virale C, l’activité sérique des aminotransférases diminue et souvent se normalise durant la grossesse.

Cependant, l’acide ribonucléique (ARN) du virus de l’hépatite C reste détectable dans le sérum.

Après l’accouchement, il est fréquent d’observer un phénomène de rebond sur l’activité sérique de l’ALAT.

Dans une étude récente, il a été suggéré que la grossesse aggravait les lésions histologiques liées au VHC.

Cependant, à long terme, la grossesse ne semble pas avoir d’effets néfastes sur l’histoire naturelle de l’infection à VHC.

Par ailleurs, ces jeunes femmes peuvent bénéficier d’un traitement antiviral après la grossesse.

De manière générale, la grossesse n’est donc pas déconseillée chez les jeunes femmes atteintes d’hépatite chronique virale C.

Il faut informer la mère sur le risque de transmission mère-enfant.

Dans les études récentes, chez des mères séronégatives pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ce risque de transmission du VHC variait de 0 à 10%.

Ce risque paraît plus élevé chez les mères co-infectées par le VIH.

Il n’y a pas de risque de transmission lorsque l’ARN du VHC recherché par polymerase chain reaction (PCR) est absent du sérum.

Le rôle de l’allaitement dans la transmission mère-enfant du VHC n’a pas été démontré et actuellement, l’allaitement n’est pas contre-indiqué.

L’infection par le VHC peut être mise en évidence chez l’enfant par la recherche de l’ARN du VHC par PCR à l’âge de 3 mois, ou par la persistance d’une sérologie positive après l’âge de 18 mois.

En pratique, actuellement nous proposons habituellement à la mère d’attendre l’âge de 18 mois pour faire faire la prise de sang à son enfant.

Si la sérologie anti- VHC est encore positive, l’infection par le VHC doit être confirmée par la recherche de l’ARN du VHC par PCR.

Le sérum doit être stocké de manière à pouvoir effectuer la PCR sur le même prélèvement.

Si la sérologie est négative, on peut considérer que l’enfant n’est pas infecté par le VHC.

Des femmes ayant eu une transplantation hépatique peuvent mener une grossesse à terme.

La grossesse doit être surveillée étroitement en collaboration avec le centre de transplantation.

La fréquence de survenue d’une hypertension artérielle est accrue .

Conclusion :

La prise en charge des femmes enceintes souffrant d’hépatopathies bénéficie le plus souvent d’une collaboration régulière entre l’équipe obstétricale et un hépatologue.

Localement, cette collaboration régulière permet à chacun de se faire une expérience clinique de ces hépatopathies qui sont à la frontière de plusieurs spécialités.

De manière plus générale, cette collaboration est utile pour progresser dans la connaissance de la physiopathologie et du traitement de ces maladies.

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