• La
fibrillation auriculaire (FA) est une arythmie
très fréquente dont la prévalence augmente avec
l’âge et dépasse 5 % dans la population des plus
de 65 ans.
• Elle est à l’origine de
complications graves notamment emboliques
cérébrales, parfois mortelles, souvent
invalidantes, sources d’hospitalisations et de
traitements coûteux et prolongés.
• Le risque embolique n’est
cependant pas uniforme et varie en fonction de
l’âge, de la cardiopathie sous-jacente et de
différents facteurs associés. Une des étapes
essentielles de la prise en charge d’un patient
en fibrillation auriculaire est donc
l’identification de ces facteurs de risque et
l’évaluation du rapport avantages/inconvénients
d’un traitement anticoagulant au long cours.
• La restauration et le maintien
d’un rythme sinusal stable sont évidemment
l’objectif thérapeutique idéal mais les
médicaments antiarythmiques dont nous disposons
ont une efficacité partielle et une tolérance
médiocre.
• C’est pourquoi, en cas d’échec
et en attendant la mise au point de nouvelles
méthodes antiarythmiques, on laisse parfois
persister une fibrillation auriculaire rebelle
ou récidivante et on se contente de ralentir le
rythme cardiaque.
Diagnostic :
DIAGNOSTIC POSITIF :
1. Clinique :
• La symptomatologie
fonctionnelle varie d’un
individu à l’autre dans sa forme
typique, la fibrillation
auriculaire paroxystique se
traduit par une symptomatologie
importante, avec des
palpitations irrégulières
d’installation brutale,
accompagnées d’une polyurie
per-critique. Elle peut durer
quelques minutes à quelques
jours, et a une fin progressive
souvent mal perçue par le
patient. À l’inverse, une
fibrillation auriculaire
permanente, surtout si elle est
ancienne, peut être parfaitement
tolérée et n’entraîner qu’une
simple fatigue ou une dyspnée
d’effort modérée. Il existe
aussi des formes trompeuses se
manifestant par :
– une lipothymie ou une syncope
liée à une hypotension
artérielle induite par
l’arythmie.
– un angor spontané et prolongé
rebelle à la trinitrine.
– une dyspnée aiguë voire un
œdème aigu du poumon. Il existe
des formes occultes pouvant se
révéler par un accident
thromboembolique artériel
cérébral ou périphérique
apparemment inexpliqué.
• Le diagnostic clinique est
donc de difficulté variable : en
cas de fibrillation auriculaire
permanente ou en présence d’une
fibrillation auriculaire
paroxystique, le diagnostic est
facilement évoqué devant une
irrégularité franche des
battements cardiaques au pouls
et à l’auscultation. Par contre,
après un épisode paroxystique,
le diagnostic ne peut être
suspecté que sur les données de
l’interrogatoire.
2. Électrocardiographique :
• Les moyens du diagnostic : un
document électrocardiographique
(ECG) est nécessaire au
diagnostic :
– un électrocardiogramme 12
dérivations est facilement
obtenu en cas de fibrillation
auriculaire permanente ou au
moment de la fibrillation
auriculaire paroxystique.
– dans les autres cas, il faut
recourir à un enregistrement
électrocardiographique continu
par système Holter de 24 à 48
heures voire, quand l’arythmie
est très capricieuse, à un
enregistrement
électrocardiographique
séquentiel ou R-test (appareil
actionné par le patient en cas
de palpitations et qui, appliqué
sur le thorax, enregistre un
lambeau d’électrocardiogramme).
Cependant, en cas de
fibrillation auriculaire
paroxystique, un document
électrocardiographique n’est pas
toujours obtenu malgré la
répétition des enregistrements
Holter. Il faut alors, pour
prendre une éventuelle décision
thérapeutique, tenir compte des
données de l’interrogatoire, des
marqueurs
électrocardiographiques d’une
maladie auriculaire que sont des
extrasystoles auriculaires
nombreuses et un élargissement
de l’onde P sinusale témoignant
d’un trouble de la conduction
intra¬auriculaire.
Exceptionnellement (notamment en
cas d’accident ischémique
cérébral non expliqué) une
épreuve de provocation par
stimulation auriculaire
endocavitaire peut être proposée
pour révéler l’arythmie.
• Le diagnostic
électrocardiographique de
fibrilation auriculaire repose
habituellement sur 3 critères :
– la disparition des ondes P
sinusales.
– la présence d’ondes f rapides
(entre 350 et 600/min),
irrégulières dans leur forme et
leur amplitude, donnant un
aspect de trémulations de la
ligne de base, bien visibles
dans les dérivations proches des
oreillettes (DII, DIII, VF, V1).
– des complexes ventriculaires
irréguliers, souvent rapides
(habituellement entre 100 et
180/min) d’où le terme de
tachyarythmie souvent utilisé
pour désigner la fibrillation
auriculaire.
• Certaines particularités
doivent être notées. Selon
l’amplitude des ondes f, on
distingue : –les fibrillations
auriculaires à larges mailles
rappelant l’aspect festonné du
flutter mais sans sa régularité
stricte et immuable ; elles sont
observées dans les cardiopathies
valvulaires congénitales avec
dilatation importante des
oreillettes.
– les fibrillations auriculaires
à petites mailles se voient
plutôt dans les cardiopathies
ischémiques et hypertensives;
parfois, en cas de fibrose
auriculaire extensive, les ondes
f sont si microvoltées qu’elles
sont invisibles sur le tracé de
surface et seule l’irrégularité
des ventriculogrammes permet
d’affirmer le diagnostic. La
fréquence ventriculaire peut
être plus rapide, atteignant
plus de 200/min en cas de
conduction nodale atténuée
(syndrome du PR court en rythme
sinusal) ou plus de 300/min en
cas de préexcitation
auriculoventriculaire liée à
syndrome de
Wolff-Parkinson-White (WPW)
avec, dans ce dernier cas, un
risque important de
transformation de la
fibrillation auriculaire en
fibrillation ventriculaire et
donc de mort subite. La
fréquence ventriculaire peut
être plus lente, en raison d’un
trouble de la conduction
auriculo-ventriculaire. Ainsi,
en cas de bloc
auriculo-ventriculaire (BAV)
complet, le rythme cardiaque est
assuré par un rythme
d’échappement hissien ou
idioventriculaire qui est lent
mais régulier. Le diagnostic de
fibrillation auriculaire repose
alors sur l’absence d’onde P
sinusale et la présence des
ondes f. La morphologie des
complexes ventriculaires pose
parfois de difficiles problèmes
d’interprétation
électrocardiographique. Les
ventriculogrammes sont le plus
souvent fins en raison de leur
origine supraventriculaire mais
ils peuvent être élargis en
raison d’un bloc de branche ou
d’une pré-excitation
auriculo-ventriculaire.
Lorsque tous les complexes
ventriculaires sont élargis, il
peut s’agir d’un bloc de branche
:
– organique préexistant qui
persiste même si le rythme
cardiaque est ralenti par une
manœuvre vagale ou une action
médicamenteuse.
– fonctionnel lié à la
tachycardie (bloc en phase 3).
Dans ce cas, une manœuvre vagale
en allongeant quelques cycles
cardiaques, peut faire
apparaître un ou plusieurs
ventriculogrammes fins. Quand
sur un fond de tachyarythmie à
complexes fins surviennent des
ventriculogrammes élargis,
isolés ou en salves, une
extrasystolie ventriculaire ou
une aberration de conduction
(bloc de branche fonctionnel
intermittent) doivent être
discutées. L’aberration de
conduction classique se
manifeste quand l’influx trouve
une des branches du faisceau de
His en période réfractaire. Son
caractère intermittent
s’explique par la variabilité
incessante des périodes
réfractaires liée à l’inégalité
des intervalles ventriculaires.
Elle survient volontiers selon
la séquence « cycle long-cycle
court » et a le plus souvent une
morphologie de bloc de branche
droit. Un certain nombre de
critères permettant de
distinguer aberration de
conduction et extrasystole
ventriculaire ont été proposés.
En cas de fibrillation
auriculaire sur syndrome de
Wolff-Parkinson-White, les
ventriculogrammes ont une
morphologie variable : fine
quand l’influx est transmis par
la voie nodo-hissienne, large
quand il est conduit par la voie
accessoire et intermédiaire en
cas de fusion des 2 ondes
d’activation. Ces différents
types de complexes donnent
parfois le change avec un bloc
de branche fonctionnel mais la
haute fréquence du rythme
cardiaque (> 250-300 batt/min)
doit faire évoquer le
diagnostic.
ÉVALUATION DE LA FIBRILLATION
AURICULAIRE :
Une fois le diagnostic affirmé,
il faut évaluer la tolérance, la
cause, les facteurs déclenchants
et le potentiel évolutif de la
fibrillation auriculaire,
éléments essentiels à la
décision thérapeutique.
1. Tolérance :
Elle est avant tout fonction de
la fréquence cardiaque engendrée
par l’arythmie, de l’existence
d’une éventuelle cardiopathie et
surtout de l’état du muscle
ventriculaire gauche. Elle peut
être facilement évaluée par
l’interrogatoire (angor ?
dyspnée ? malaise ?) et l’examen
clinique (insuffisance cardiaque
? hypotension artérielle voire
état de choc ?). La présence
d’un de ces éléments de gravité
impose alors une hospitalisation
immédiate en milieu spécialisé.
2. Diagnostic étiologique :
Identifier la cause ou le
facteur déclenchant de la
fibrillation auriculaire n’est
évidemment pas sans conséquence
thérapeutique et pronostique. Un
interrogatoire détaillé, un
examen clinique rigoureux et
l’électrocardiogramme 12
dérivations doivent être
complétés par une
échocardiographie
transthoracique (ETT), une
radiographie thoracique et un
bilan thyroïdien. On distingue
habituellement les fibrillations
auriculaires « accidentelles »
et les fibrillations
auriculaires « maladies » :
• Fibrilations auriculaires «
acidentelles » : elles sont
liées à un événement critique
qui augmente de façon
transitoire la vulnérabilité
auriculaire. L’intégrité
structurale des oreillettes
explique le caractère éphémère
de l’arythmie qui régresse le
plus souvent spontanément dès la
correction de la cause
déclenchante. Elles ne
justifient généralement aucun
traitement antiarythmique (AA)
au long cours. Parmi ces causes,
il faut insister sur la
fréquence de l’alcoolisme aigu
(Holiday Heart Syndrom) et sur
celle de l’hyperthyroïdie
d’aspect sou-vent fruste chez
les patients âgés, justifiant un
dosage de la TSH (thyroid
stimulating hormone) même en
l’absence de signes cliniques
évocateurs. Une radiographie
thoracique est utile pour
dépister une éventuelle
pathologie tumorale bronchique
ou médiastinale chez les sujets
fumeurs présentant une
fibrillation auriculaire
apparemment isolée.
• Les fibrillations auriculaires
« maladies » : elles témoignent
d’une atteinte histologique
permanente des oreillettes
créant un substrat arythmogène à
l’origine du caractère
récidivant voire permanent de
l’arythmie. Ces anomalies sont
le plus souvent la conséquence
d’une cardiopathie bien
individualisée ; dans 20 à 30 %
des cas, elles sont au contraire
isolées et elles entrent alors
dans le cadre de la fibrillation
auriculaire idiopathique. En cas
de fibrillation auriculaire
paroxystique, il peut être utile
d’analyser le rôle du système
nerveux végétatif dans le
déclenchement de l’arythmie
grâce à l’interrogatoire,
éventuellement complété par un
enregistrement Holter. Les
fibrillations auriculaires à
médiation vagale surviennent
pendant le repos, notamment
pendant le sommeil ou lors de
toute circonstance favorisant
l’hypervagotonie et le
ralentissement du rythme sinusal
(période post-prandiale, période
de récupération d’un effort).
Les fibrillations auriculaires à
médiation catécholergique
apparaissent à l’effort ou à
l’occasion d’un stress, d’une
émotion intense et sont
précédées d’une accélération du
rythme sinusal. Cette
distinction peut guider le choix
de la thérapeutique
antiarythmique mais elle n’est
toutefois pas toujours facile à
reconnaître en pratique
clinique. Notons enfin qu’une
fibrillation auriculaire
paroxystique peut alterner avec
des épisodes de bradycardie
sinusale ou de bloc
sino-auriculaire, association
définissant le syndrome
bradycardie-tachycardie ou
maladie de l’oreillette.
3. Potentiel évolutif :
On distingue habituellement les
fibrillations auriculaires «
permanentes ou chroniques » et
les fibrillations auriculaires «
paroxystiques ». On définit
habituellement la fibrillation
auriculaire paroxystique comme
une arythmie durant 2 min à 7
jours. Par conséquent une
fibrillation auriculaire est «
permanente » quand elle dure
plus de 7 jours. Cette
définition n’est toutefois pas
unanimement admise puisque
certains acceptent une durée de
1 mois quand le patient a déjà
présenté des épisodes
paroxystiques. Une
classification selon la
symptomatologie et le potentiel
évolutif de l’arythmie a été
proposée.
Complications :
COMPLICATIONS HÉMODYNAMIQUES :
Les complications hémodynamiques
peuvent apparaître brutalement
au moment du déclenchement de la
fibrillation auriculaire ou au
contraire s’installer
progressivement en cas de
pérennisation de l’arythmie.
1. Aiguës :
Elles sont directement liées à
la perte de la systole
auriculaire et au
raccourcissement des diastoles.
Elles surviennent avant tout en
cas de cardiopathie sous-jacente
lorsque la contribution atriale
joue un rôle essentiel au
maintien du débit cardiaque.
Elles peuvent se manifester par
une insuffisance cardiaque aiguë
en cas de cardiomyopathie
ischémique ou dilatée, par un
œdème aigu du poumon en cas de
rétrécissement mitral serré, par
une insuffisance cardiaque, une
hypotension artérielle voire un
collapsus cardiovasculaire en
cas de cardiomyopathie
hypertrophique et obstructive ou
de rétrécissement valvulaire
aortique serré. Un état de choc
peut également être observé lors
du passage en fibrillation
auriculaire chez les patients
présentant un infarctus du
ventricule droit.
2. Secondaires ou retardées :
Elles résultent d’un remodelage
du tissu myocardique induit par
la fibrillation auriculaire. Ce
remodelage intéresse les
oreillettes entraînant des
anomalies électrophysiologiques
qui favorisent la pérennisation
de l’arythmie mais également à
plus ou moins longue échéance,
des anomalies histologiques à
type d’hypertrophie myocytaire
et dilatation auriculaire. Ce
remodelage peut également
intéresser le ventricule donnant
naissance à un tableau dit de «
tachycardiomyopathie ou
cardiomyopathie rythmique »
caractérisé par l’association
d’une fibrillation auriculaire
avec une insuffisance cardiaque
par dilatation et hypokinésie du
ventricule gauche. Seule la
régression de la dilatation et
de l’hypokinésie ventriculaire
après réduction de la
fibrillation auriculaire et
maintien d’un rythme sinusal
stable permet de distinguer
cette cardiomyopathie rythmique
d’une cardiomyopathie dilatée
primitive compliquée d’une
fibrillation auriculaire. Cette
entité physiopathologique
constitue un argument important
pour envisager au moins une fois
la cardioversion d’une
fibrillation auriculaire
associée à une dysfonction
ventriculaire gauche apparemment
primitive.
COMPLICATIONS
THROMBOEMBOLIQUES :
Par la stase sanguine qu’elle
engendre, la fibrillation
auriculaire constitue en soi un
facteur de risque thrombogène et
augmente significativement le
risque d’embolies artérielles
périphériques. Ces complications
emboliques sont d’autant plus
graves qu’elles touchent, dans
50 à 75 % des cas, le territoire
artériel cérébral et peuvent
entraîner le décès du patient ou
laisser de graves séquelles
neurologiques.
La pratique des scanners
cérébraux systématiques en
visualisant des cicatrices
d’accidents ischémiques
asymptomatiques confirme
d’ailleurs la fréquence,
jusqu’alors sous-estimée, de ces
accidents emboliques. Le risque
thromboembolique n’est pas le
même pour toutes les
fibrillations auriculaires. Si
les patients atteints de
fibrillation auriculaire
valvulaire (et notamment en cas
de rétrécissement mitral) ont
tous un risque thromboembolique
élevé (de l’ordre de 6 % par
an), les sujets atteints de
fibrillation auriculaire non
valvulaire constituent un groupe
hétérogène avec un risque qui
varie de 1 à plus de 10 % par
an. De nombreuses études
réalisées au cours de ces
dernières années ont défini des
facteurs cliniques et
échographiques (recueillis par
échographie transthoracique) qui
permettent de stratifier le
risque thromboembolique pour un
individu donné.
Ainsi peut-on individualiser des
sous-groupes de patients à haut
risque (> 5 % par an), à risque
intermédiaire (2 à 5 % par an)
et à faible risque (1 % par an).
Seuls les sujets de moins de 65
ans présentant une fibrillation
auriculaire idiopathique isolée
(sans cardiopathie, ni cause
extracardiaque identifiable,
sans diabète, ni hypertension
artérielle, sans dysfonction
ventriculaire gauche, ni
dilatation auriculaire gauche)
ont un risque sensiblement
identique à celui des sujets du
même âge en rythme sinusal. La
nature paroxystique ou
permanente de la fibrillation
auriculaire et son ancienneté ne
modifient pas l’incidence des
complications thromboemboliques.
Par contre, la période qui
encadre une cardioversion et
l’hyperthyroïdie constituent des
facteurs à haut risque
thromboembolique (> 5 % par an).
L’échocardiographie
transœsophagienne (ETO) devrait
permettre une meilleure
évaluation des sujets à risque
mais cet examen invasif n’est
actuellement pas proposé de
façon systématique chez tous les
patients atteints de
fibrillation auriculaire ; il
est en effet réservé aux sujets
ayant eu un accident
thromboembolique ou si l’on
envisage une cardioversion après
une anticoagulation de courte
durée.
Il permet une analyse précise de
l’oreillette gauche et surtout
de l’auricule gauche (non
visible en échographie
transthoracique) et il identifie
ainsi des patients à haut risque
thromboembolique quand il
visualise :
– un thrombus intra-auriculaire
(masse échogène, arrondie
appendue au fond ou sur la paroi
latérale de l’auricule).
– un contraste spontané (lié à
des agrégats de globules rouges)
témoignant d’une stase sanguine
importante et dont la présence
est fortement corrélée au risque
thromboembolique.
– une absence ou une diminution
des vélocités doppler pulsé dans
l’auricule gauche.
COMPLICATIONS RYTHMIQUES :
1. Pauses post-tachycardie :
À l’arrêt d’une fibrillation
auriculaire paroxystique, on
peut observer chez certains
sujets une pause cardiaque plus
ou moins prolongée parfois
responsable d’une syncope. Ces
pauses sinusales témoignent
d’une maladie du sinus latente
en rythme sinusal et révélée par
l’effet d’overdrive de la
fibrillation auriculaire. Ces
pauses peuvent disparaître si la
fibrillation auriculaire est
parfaitement jugulée mais elles
nécessitent le plus souvent la
mise en place d’un stimulateur
cardiaque afin de permettre
l’utilisation d’un traitement
antiarythmique efficace.
2. Transformation d’une
fibrillation auriculaire en
fibrillation ventriculaire :
Elle est observée chez les
patients atteints d’un syndrome
de Wolff-Parkinson-White lorsque
la perméabilité antérograde de
la voie accessoire est très
grande et autorise en cours de
fibrillation auriculaire de
hautes fréquences
ventriculaires. On considère que
le sujet est à risque de
fibrillation ventriculaire quand
la période réfractaire de la
voie accessoire est inférieure à
250 ms et il est alors licite de
lui proposer une ablation
endocavitaire de cette voie
accessoire.
Traitement :
PREMIERS GESTES THÉRAPEUTIQUES
:
Après avoir évalué la tolérance
de la fibrillation auriculaire
et l’indication d’une éventuelle
hospitalisation, 2 mesures
thérapeutiques s’imposent
immédiatement.
1. Anticoaguler à dose
efficace :
L’héparine standard
(intraveineuse ou sous-cutanée)
est utilisée avec relais
immédiat par les antivitamines
K.
2. Ralentir :
On utilise un digitalique
intraveineux si le rythme
cardiaque est supérieur à 90/min
(sauf en cas de fibrillation
auriculaire sur syndrome de
Wolff-Parkinson-White où tous
les médicaments bloquant
électivement la conduction
auriculo-ventriculaire
intranodale sont
contre-indiqués).
RÉDUCTION DE LA FIBRILLATION
AURICULAIRE :
La réduction de la fibrillation
auriculaire (ou cardioversion)
peut être spontanée (en cas de
fibrillation auriculaire
paroxystique) ou nécessiter une
mesure thérapeutique
médicamenteuse ou électrique.
Dans tous les cas, il existe un
risque thromboembolique
important justifiant une
prophylaxie efficace.
1. Prophylaxie
antithrombotique :
• L’attitude classique consiste
à assurer une anticoagulation
efficace pendant 3 semaines
avant la cardioversion et à la
poursuivre pendant au moins 1
mois après le retour au rythme
sinusal. Cette attitude permet
de réduire l’incidence des
accidents thromboemboliques de 5
à 7 % à 0 à 1,6 %.
• L’échographie
transœsophagienne permet de
raccourcir la durée de
l’anticoagulation préalable mais
ne dispense pas de
l’anticoagulation post-réduction
car des thrombus peuvent se
former après la cardioversion en
raison d’une sidération
mécanique de l’oreillette dont
la durée est d’autant plus
longue que la fibrillation
auriculaire est ancienne. Cette
stratégie guidée par
l’échographie transœsophagienne
est actuellement bien définie.
2. Modalités de la cardioversion
thérapeutique :
• La cardioversion
médicamenteuse utilise le plus
souvent l’amiodarone administrée
par voie intraveineuse ou par
voie orale. Récemment un autre
antiarythmique de classe III,
l’Ibutilide intraveineux a
également été préconisé dans
cette indication.
• La cardioversion électrique
par choc électrique externe
(CEE) nécessite une courte
anesthésie générale mais permet
un retour au rythme sinusal dans
près de 90 % des cas surtout si
le patient a bénéficié d’une
imprégnation préalable par
l’amiodarone. Dans les rares cas
d’échecs du choc électrique
externe, on peut proposer un
choc électrique interne délivré
par un cathéter placé dans
l’oreillette droite.
3. Indications de la
cardioversion :
Elles doivent être très larges
notamment en présence d’un
premier épisode de fibrillation
auriculaire ou après une rechute
quand le patient ne cumule pas
les facteurs prédictifs d’une
récidive : âge supérieur à 75
ans, arythmie installée depuis
plus d’un an, fibrillation
auriculaire multirécidivante
malgré plusieurs antiarythmiques
prescrits successivement ou
simultanément, dilatation
importante de l’oreillette
gauche (45 mm ? 50 mm ?),
intolérance ou contre-indication
aux antiarythmiques.
4. Contre-indications
temporaires :
Elles doivent être connues :
surdosage digitalique,
hypokaliémie, hyperthyroïdie en
cours de traitement,
valvulopathie mitrale
chirurgicale.
5. Ne pas oublier :
Le passage en fibrillation
auriculaire permanente peut être
un mode de guérison d’une
fibrillation auriculaire
paroxystique multirécidivante et
il faut savoir respecter les
fibrillations auriculairse
anciennes et asymptomatiques des
sujets âgés.
TRAITEMENT PRÉVENTIF :
Il s’adresse à la fibrillation
auriculaire « maladie ». Son
objectif est de prévenir les
accès des fibrillations
auriculaires paroxystiques et
récidivantes ou d’éviter la
rechute d’une fibrillation
auriculaire permanente réduite
par cardioversion. Il fait appel
à des moyens pharmacologiques et
non pharmacologiques :
1. Les médicaments
antiarythmiques sont utilisés en
première intention :
Nous disposons de différentes
classes thérapeutiques :
• classe IA (quinidiniques,
disopyramide).
• classe IC (propafénone,
flécaïnide, cibenzoline) souvent
associés à un bêtabloquant.
• classeI (sotalol, amiodarone).
Leur efficacité n’est cependant
que partielle : sous
antiarythmique de classe IC 50 %
des patients restent en rythme
sinusal à 1 an contre 30 % sous
placebo ; avec l’amiodarone ce
pourcentage serait de l’ordre de
70 % à 1 an. Chaque classe
thérapeutique a des effets
secondaires et des
contre-indications à connaître
parfaitement. Le choix du
médicament dépend avant tout du
terrain (respect des
contre-indications de chaque
produit), du mode de
déclenchement de l’arythmie
(médiation vagale ou
adrénergique), d’une éventuelle
intolérance ou d’un échec
préalable avec tel ou tel
antiarythmique. En l’absence de
dysfonction ventriculaire
gauche, on utilise plutôt en
première intention un
antiarythmique de classe IA ou
IC ou le sotalol ; en cas
d’insuffisance cardiaque, seule
l’amiodarone est utilisée.
2. Moyens non pharmacologiques :
Ils sont nombreux mais, pour
certains, encore au stade de
l’évaluation.
• La stimulation cardiaque
auriculaire à fréquence élevée
(85/min) a été préconisée dans
les arythmies à médiation vagale
réfractaires au traitement
médicamenteux.
• La resynchronisation biatriale
(par stimulation simultanée de
l’oreillette droite et de
l’oreillette gauche) est
indiquée en cas de trouble de la
conduction intra- ou
inter-auriculaire majeure,
notamment en cas de
cardiomyopathie hypertrophique.
• La défibrillation atriale
endocavitaire par choc de très
faible énergie délivrée par un
défibrillateur implantable.
• L’ablation chirurgicale et
l’ablation par cathéter sont des
techniques en cours d’évaluation
ou encore réservées à des cas
exceptionnels.
TRAITEMENT PALLIATIF :
Lorsque le rythme sinusal n’a pu
être rétabli, il est préférable
de « respecter » la fibrillation
auriculaire mais il importe de
contrôler rigoureusement la
fréquence cardiaque tant au
repos qu’à l’effort.
1. Moyens pharmacologiques :
Digitaliques, bêtabloquants,
vérapamil et diltiazem, produits
bloquant la conduction
auriculoventriculaire
intranodale, sont le plus
souvent utilisés, seuls ou en
association.
2. Moyens non pharmacologiques :
Il s’agit essentiellement des
techniques ablatives de la
jonction auriculoventriculaire
avec 2 modalités possibles :
• l’ablation complète créant un
bloc auriculo-ventriculaire
complet mais nécessitant la mise
en place d’un stimulateur
cardiaque définitif réglé en
mode VVIR en cas de fibrillation
auriculaire permanente ou en
mode DDD ou DDDR avec
algorithmes de repli en cas de
fibrillation auriculaire
paroxystique.
• la modulation de la conduction
auriculoventriculaire qui crée
un bloc incomplet évitant alors
une dépendance au stimulateur
cardiaque. Dans tous les cas,
quel que soit le moyen utilisé,
la fibrillation auriculaire
persiste et la prévention du
risque thromboembolique doit
être envisagée.
Traitement antithrombotique : Un
traitement par antivitamine K
(AVK) efficace [INR :
(international normalized ratio)
entre 2 et 3] est indispensable
en cas de fibrillation
auriculaire valvulaire et en cas
de cardioversion médicamenteuse
ou électrique.
De nombreuses études réalisées
au cours de ces dernières années
ont par ailleurs permis de
clarifier les indications et les
modalités des traitements
antithrombotiques dans la
fibrillation auriculaire non
valvulaire. Elles ont ainsi
démontré :
• la supériorité en termes de
prévention thromboembolique du
traitement antivitamines K à
doses classiques (INR entre 2 et
3) sur le traitement
antiagrégeant plaquettaire par
l’aspirine au prix d’un risque
hémorragique limité.
• la très faible eficacité du
traitement antiagrégant
plaquettaire par l’aspirine qui
n’est supérieur au placebo que
de façon inconstante selon les
études et uniquement chez les
patients de moins de 75 ans.
• une action antithrombotique
insuffisante de l’association
antivitamine K faibles doses
(INR entre 1,2 et 1,5) et
aspirine qui ne peut constituer
une alternative raisonnable aux
antivitamines K à doses
classiques (INR entre 2 et 3).
C’est pourquoi, on retient
actuellement les recommandations
suivantes.
• Chez les patients de moins de
65 ans : –en cas de fibrillation
auriculaire idiopathique et
isolée (sans facteur de risque
associé) le traitement
antivitamine K n’est pas
nécessaire et le patient peut
être dispensé de tout traitement
antithrombotique ou recevoir
seulement un traitement
antiagrégeant plaquettaire par
l’aspirine ; –si la fibrillation
auriculaire est associée à un
facteur de risque ou si elle est
secondaire à une cardiopathie ou
une thyrotoxicose, le traitement
antivitamine K (assurant un INR
entre 2 et 3) est indispensable.
• Chez les patients de plus de
75 ans, que la fibrillation
auriculaire soit isolée ou
associée à un ou plusieurs
facteurs de risque, le
traitement antivitamines K (INR
2-3) est recommandé mais le
risque hémorragique augmentant
avec l’âge, les avantages et les
inconvénients du traitement
antivitamines K doivent être
régulièrement réévalués et il
est classique de recommander un
INR voisin de 2.
• Chez les sujets entre 65 et 75
ans, le traitement par
antivitamines K est recommandé
quand la fibrillation
auriculaire est associée à un ou
plusieurs facteurs de risque
mais en cas de fibrillation
auriculaire isolée, le choix
entre aspirine et antivitamines
K est discuté selon les auteurs.
• Lorsque le traitement par
antivitamines K est recommandé
mais qu’il existe une contre
indication formelle, l’aspirine
est habituellement proposée à la
dose de 325 mg/j.
Conclusion :
• La prévalence et le risque
embolique de la fibrillation
auriculaire augmentent avec
l’âge.
• Une fibrillation auriculaire «
accidentelle » liée à une
pathologie aiguë transitoire ne
justifie habituellement pas de
traitement antiarythmique au
long cours.
• Les digitaliques et tous les
médicaments bloquant
électivement la conduction
intranodale sont contre-indiqués
en cas de fibrillation
auriculaire sur syndrome de
Wolff-Parkinson-White.
• La cardioversion d’une
fibrillation auriculaire
permanente mérite d’être tentée
au moins 1 fois.
• Les antiarythmiques utilisés à
titre préventif des rechutes de
fibrillation auriculaire ont une
efficacité partielle et des
contre-indications qu’il faut
connaître pour éviter les
complications iatrogéniques.
• Le simple ralentissement du
rythme cardiaque est une
alternative raisonnable en cas
de fibrillation auriculaire
rebelle ou multirécidivante.
• Seule la fibrillation
auriculaire idiopathique et
isolée du sujet de moins de 65
ans ne justifie pas de
traitement par antivitamines K
au long cours.
• Dans tous les autres cas, sauf
contre-indication, le traitement
par antivitamines K est indiqué
avec un INR cible entre 2 et 3.
• L’aspirine à la posologie de
325 mg/j n’est une alternative
antithrombotique qu’en cas de
contre-indication formelle aux
antivitamines K.