Chirurgie des fentes labio-vélo-palatines Cours de Chirurgie
Introduction
:
Les difficultés de la chirurgie des fentes labiovélopalatines (FLVP)
résident tant dans ses indications que dans la réalisation du geste
opératoire lui-même.
Ces difficultés sont d’autant plus importantes
qu’il convient de décider d’une attitude thérapeutique souvent
précoce mais dont les résultats ne seront évalués que de nombreuses
années plus tard.
Selon la forme anatomoclinique : labiale, vélaire, vélopalatine ou
bien complète : labio-alvéolo-vélo-palatine, les conséquences
fonctionnelles et esthétiques varient, grevant parfois lourdement le
pronostic social de l’enfant.
À ces contraintes thérapeutiques
spécifiques s’ajoute également celle de la prise en charge
d’éventuelles pathologies associées nécessitant des compétences
souvent variées et multidisciplinaires.
La chirurgie des FLVP s’inscrit
donc dans un cadre thérapeutique où la coopération entre les
différentes équipes spécialisées et les parents est primordiale.
Nous traiterons ici successivement des techniques de fermeture des
fentes vélaires puis vélopalatines et enfin des FLVP qui stigmatisent
souvent toute la difficulté du traitement de ces malformations.
Calendrier chirurgical
:
Depuis ces dix dernières années, si le choix de la technique
opératoire reste fortement lié à l’expérience de chaque équipe,
l’organisation du calendrier chirurgical évolue vers une réduction
des temps opératoires.
L’attitude actuelle repose sur le principe
d’une prise en charge précoce permettant de restaurer le plus
rapidement possible la fonctionnalité des sangles musculaires vélopalatines et labionarinaires réduisant de ce fait au maximum les
risques de séquelles phonatoires et auditives d’une part et
esthétiques d’autre part.
Le rétablissement précoce de la continuité de ces sangles
musculaires (et leurs attaches périostées) permet en effet la
stimulation et/ou la poursuite d’une croissance osseuse la plus
harmonieuse possible du massif facial en évitant les déformations
secondaires.
À cette prise en charge précoce, s’oppose la nécessité de réaliser un
bilan complet de cette pathologie malformative congénitale.
En effet,
les FLVP s’intègrent parfois dans le cadre de pathologie
malformative syndromique : syndrome de Pierre Robin ou
association colobome-cardiopathie (heart disease)-atrésie des choanesretard
mental-anomalies génitales et auditives (ear) (CHARGE) par
exemple.
Leur méconnaissance peut s’avérer préjudiciable tant sur
le plan anesthésique (anomalies cardiaques) que sur le plan de la
prise en charge globale de ces pathologies (par exemple aggravation
respiratoire possible lors d’une fermeture trop précoce d’une fente
palatine dans un syndrome de Robin).
Le bilan de ces formes syndromiques comprendra un examen pédiatrique général, une
évaluation neurologique, une consultation génétique avec réalisation
d’un caryotype.
Une étude de la succion-déglutition et une
polysomnographie devront être demandées selon la tolérance
clinique.
La présence de malformations associées est observée dans
36,7 % des cas avec une prédominance des atteintes neurologiques
centrales et des atteintes squelettiques.
Le consensus actuel retient deux temps opératoires principaux :
– entre 3 et 6 mois : premier temps comprenant vélopalatoplastie
pour les fentes vélaires ou vélopalatines associée à une
chéilorhinoplastie primaire dans le cas de fente complète même
bilatérale ;
– entre 9 et 12 mois : deuxième temps de palatoplastie pour les
fentes palatines très larges isolées ou les fentes complètes
labiovélopalatines.
À ces deux temps opératoires principaux peuvent s’ajouter certains
temps chirurgicaux supplémentaires notamment une chéilorhinoplastie secondaire, un allongement columellaire
(columelle parfois trop courte après le premier temps opératoire
d’une fente bilatérale) ou parfois une reprise de palatoplastie en cas
de pertuis résiduel.
Des temps de reconstruction alvéolaire et maxillofaciale sont à décider au cas par cas.
Place des orthèses palatines
:
L’indication et l’utilisation de prothèses (orthèse palatine ou maxillofaciale) est variable selon les auteurs.
Elles permettent
d’occlure une fente vélaire importante et handicapante, de protéger
une palatoplastie.
Certaines prothèses spécifiques permettent de
ramener le bourgeon médian dans l’alignement des bourgeons
latéraux en préopératoire. Leur utilisation est très controversée.
Place de la chirurgie foetale
:
Les travaux actuellement publiés rapportent d’excellents résultats
morphologiques de cette chirurgie in utero sur modèle animal
expérimental.
Cependant, de nombreux problèmes éthiques sont
invoqués.
En effet, un geste opératoire dangereux pour le foetus se
justifie-t-il dans le cadre de la prise en charge d’une affection
malformative sans risque vital majeur ?
Anesthésie, installation et matériel
:
A - ANESTHÉSIE
:
Ces interventions réalisées sous anesthésie générale seront toujours
programmées après un bilan préopératoire complet (recherche de
malformation cardiaque notamment).
L’enfant est installé en décubitus dorsal, perfusé et réchauffé.
L’intubation se fera avec une sonde adaptée à l’âge et au poids de
l’enfant.
Cette sonde idéalement préformée sera fixée vers le bas à la
houppe du menton.
B - INSTALLATION
:
Un ouvre-bouche de Boyles-Davis sera mis en place utilisant une
lame préformée d’une gouttière pour le passage de la sonde
d’intubation.
Cet écarteur devra également être adapté en taille à
l’ouverture buccale de l’enfant (modèle spécial nourrisson).
C - INFILTRATION
:
L’anesthésie locale n’est pas indispensable.
Selon les équipes, cette
infiltration pourra être réalisée à la Xylocaïne adrénalinée à 1 %, au
sérum adrénaliné ou au sérum physiologique injectable.
Les
posologies des différents anesthésiques doivent être adaptées à l’âge
et au poids de l’enfant (abaques).
D - MATÉRIEL
:
Les instruments sont ceux utilisés en microchirurgie.
Un bistouri de
type Beaver sera utilisé avec des lames numéro 15 et faucille.
Une
coagulation bipolaire peut être nécessaire en cas de saignement,
notamment dans la région des pédicules palatins postérieurs.
Fente vélaire isolée
:
Le principe de base de la chirurgie réparatrice des fentes vélaires est
la reconstruction des trois plans vélaires : muqueux nasal et buccal,
et musculaire intermédiaire.
De nombreuses techniques ont été
décrites pour la fermeture de ces fentes vélaires pures ou associées à
encoche palatine minime.
1- Technique de Dorrance
:
Décrite par l’auteur en 1946, elle repose sur le principe du push-back
de la fibromuqueuse palatine et du périoste attenant permettant
ainsi le rapprochement et la suture des différents plans des berges
de la fente.
Après infiltration, l’incision au bistouri lame 15 ou
faucille contourne la tubérosité maxillaire, longe à distance la crête
alvéolaire tout en respectant la muqueuse maxillaire puis se porte
en avant puis en dedans pour rejoindre l’incision controlatérale en
arrière du foramen incisif.
Cette incision est superficielle en arrière
pour respecter le pédicule palatin postérieur.
Elle s’approfondit
ensuite pour permettre l’incision du périoste.
Celui-ci est ruginé vers
l’arrière jusqu’à la fente puis latéralement afin de libérer parfois
totalement l’artère palatine de son foramen.
En dehors, le crochet
interne de l’apophyse ptérygoïde sera fracturé (libération du tensor
veli palatini).
La dissection latérale et postérieure est poursuivie tant
que la tension sur les berges de la fente semble trop importante.
Le
bord libre de la fente sera également incisé jusqu’à la pointe des
deux hémiluettes et disséqué. Le bord libre du palais dur est repéré
et la muqueuse nasale décollée soigneusement a retro.
La suture est
réalisée avec un fil résorbable 5/0.
Elle débute par le plan muqueux
nasal jusqu’à la pointe de la luette.
Le plan musculaire nécessite
rarement plus de trois points.
Le plan muqueux buccal peut alors
être réalisé d’arrière en avant.
Certains auteurs réalisent :
– une incision de décharge latérale afin de libérer plus encore les
tensions ;
– des points latéraux ;
– des points transpalatins en U de contention du lambeau.
La zone osseuse antérieure dénudée s’épithélialise en quelques jours,
la pression de la langue permet une réapplication sans problème du
lambeau.
2- Technique des lambeaux asymétriques
de Chamcholle :
Elle consiste en la réalisation de deux lambeaux de tailles différentes
dont la rotation interne décalée permet leur maintien en place.
Cette
technique est surtout utilisée pour la fermeture des fentes vélopalatines étendues.
Deux autres techniques peuvent être proposées : la suture simple
des berges de la fente et la méthode de San Venero Rosselli avec
plastie du pilier postérieur de la loge amygdalienne.
3- Suture simple
:
Elle est indiquée notamment lorsque le fente est étroite avec un voile
de longueur suffisante (pas de nécessité de push-back).
L’incision se
fait le long des berges de la fente avec dissection des différents plans.
Suture selon les mêmes techniques avec éventuellement un trait de
refend muqueux latéral en cas de tension trop importante.
4- Méthode de San Venero Rosselli
:
Elle consiste à inciser le bord libre de la fente en se prolongeant vers
les piliers postérieurs.
Deux incisions latérales permettent le
décollement des plans muqueux et musculaires.
Fracture des
crochets ptérygoïdiens.
Section du pilier postérieur au niveau de son
tiers supérieur et suture l’un à l’autre sur la ligne médiane se
prolongeant en avant par la suture du plan nasal.
Les sutures du
plan musculaire et du plan buccal sont réalisées à l’identique.
L’intérêt de cette technique est l’absence de zone cruentée antérieure
et surtout une véritable pharyngoplastie (recul du voile).
5- Cas particulier des fentes sous-muqueuses
:
La technique qui sera retenue dépend de la nécessité de recul du
voile (push-back/technique de Dorrance).
Dans le cas contraire, une
simple incision médiane le long de la fente avec réfection du plan
musculaire puis muqueux buccal peut suffire.
Fente vélopalatine complète
:
Dans le cas des fentes vélopalatines complètes, de nombreuses
techniques ont été proposées puis modifiées.
Dans le but de réduire
au maximum le nombre de temps opératoires, les techniques
privilégiant la fermeture en un seul temps sont actuellement
préférées.
Veau, Wardill puis Delaire ont ainsi associé au principe
du push-back la technique des lambeaux de muqueuse palatine.
Cette
technique est donc proposée entre l’âge de 3 et 6 mois avec un
éventuel temps secondaire vers l’âge de 9 ou 12 mois en cas de
pertuis résiduel.
Furlow a décrit une technique tout à fait
particulière de double plastie en Z que nous décrirons
secondairement.
A - TECHNIQUES DE FERMETURE EN UN TEMPS
:
1- Technique du VY de Wardill
:
Cette intervention la plus pratiquée et techniquement la plus simple
s’applique à la quasi-totalité des formes cliniques.
Le tracé de l’incision le long de la fente est un peu plus externe pour
permettre un gain de longueur de muqueuse améliorant ainsi les
possibilités de suture du plan nasal.
L’incision latérale contourne en
dedans la tubérosité maxillaire, reste en dehors du canal palatin
postérieur (elle se doit alors d’être très superficielle) puis à distance
de la muqueuse gingivale et maxillaire tout en s’approfondissant
vers l’avant jusqu’au plan osseux.
Un tracé de refend antérieur en V
rejoint le tracé le long de la fente.
Ce tracé au niveau de la zone
canine respecte ainsi le foramen incisif.
On procède au décollement
du lambeau périosté palatin jusqu’à la fente en dedans, au bord
postérieur du palais dur en arrière.
Le pédicule palatin est disséqué
et respecté.
L’artère palatine est libérée par fracture du rebord
postérieur du foramen palatin.
Plus en dehors, le crochet interne de
l’apophyse ptérygoïde peut également être fracturé.
La dissection se
poursuit en profondeur et en dehors dans le tissu musculoaponévrotique latéral qui sera totalement libéré, et sera
complétée par la section de l’aponévrose latéropharyngée.
Ainsi
chaque hémivoile est largement libéré ce qui garantit une translation
interne suffisante.
Le plan de muqueuse nasale est également libéré
sur tout le pourtour de la fente osseuse avec un décolleur contre-coudé.
La suture des différents plans peut donc être réalisée.
Le plan
nasal sera suturé en premier au fil résorbable 5/0 (points séparés
simples inversants ou Blair-Donati) d’avant en arrière en évitant
tout décalage.
On pourra positionner un point de bâti sur la
luette qui facilitera également la suture postérieure.
Un
allongement du plan nasal pourra être obtenu par une plastie en
Z.
Le plan musculaire sera suturé ensuite selon la technique de
la véloplastie : points simples ou de Blair-Donati au fil résorbable
4 ou 5/0.
Un petit triangle muqueux postérieur de luette aura
pu être réséqué afin de permettre une bonne coaptation
musculaire.
Le plan muqueux buccal est lui suturé en dernier :
points séparés simples ou Blair-Donati.
Un point d’angle
antérieur sera réalisé sur le V afin d’arrimer correctement
l’ensemble du lambeau.
2- Notre technique
:
Elle est dérivée de celles de Wardill et Chancholle précédemment
décrites.
Elle repose sur la réalisation de deux lambeaux mucopériostés qui ont la particularité d’être asymétriques et de ne
pas rejoindre le bord antérieur de la fente.
Ces deux lambeaux
opèrent tous deux une rotation autour de leur pédicule postérieur.
Le plus court vient fermer la portion la plus postérieure de la fente
palatine en contact avec le plan vélaire reconstruit.
Le second, plus
long, ferme la portion tout antérieure de la fente osseuse.
Ainsi, les
lignes de suture en regard de la fente sont réduites au maximum.
3- Technique de Furlow ou double plastie en Z
:
Cette technique plus récente a été décrite par Furlow en 1976. Peu
d’équipes l’ont cependant depuis adoptée.
Elle permet d’obtenir,
selon Furlow et plus récemment Kirschner et al, de meilleurs
résultats sur le plan fonctionnel : du langage, du niveau
d’hypernasalité et d’insuffisance vélaire pour d’aussi bons résultats
anatomiques.
La technique de Furlow repose sur la réalisation de deux plasties en
Z des plans muqueux et musculaires des deux hémivoiles du palais.
Selon l’auteur, la reconstruction du plan musculaire avec sutures
superposées des deux extrémités musculaires serait de meilleure
qualité que lors d’une intervention classique où cette suture des
plans musculaires vélaires est réalisée de façon terminoterminale.
Cette intervention peut être proposée aussi bien de façon précoce
entre 3 et 6 mois que plus tardivement.
Elle est tout aussi réalisable
lors de reprise.
Cependant, lors d’un premier temps tardif, elle peut
se révéler plus difficile du fait d’une largeur trop importante de la
fente avec insuffisance de longueur de chaque hémivoile (et donc
des lambeaux musculaires) avec un risque de tension trop
importante des sutures.
Le recul du voile est obtenu grâce à la réalisation de cette double
plastie en Z.
Le plan mucopériosté palatin antérieur est totalement
respecté à la différence des techniques préalablement décrites où il
constitue la base de la technique (push-back).
La technique de Furlow permet donc de réserver les autres techniques aux éventuels pertuis
résiduels.
Pour certains, les risques de trouble de la croissance du
maxillaire et du massif facial lors d’une chirurgie basée sur
l’utilisation des lambeaux palatins font préférer cette dernière
technique de Furlow.
Le point clé de cette technique est la réalisation des quatre
lambeaux : deux muqueux (l’un oral et l’autre nasal) à pédicule
antérieur et deux musculaires à pédicule postérieur.
Les tracés des
incisions sont déterminés selon la technique d’une plastie en Z
traditionnelle incluant la fente comme incision centrale.
L’orientation des incisions est variable de 60 à 80° selon les auteurs et doit être
adaptée aux conditions locales notamment à la largeur et à la
profondeur de la fente.
Chaque hémivoile donne donc deux des
quatre lambeaux.
D’un côté (droit sur le schéma), l’incision du
lambeau à pédicule antérieur doit être très superficiel respectant
ainsi le plan musculaire en profondeur.
Le lambeau ainsi levé est
purement muqueux.
De l’autre côté, le lambeau plus épais muqueux
et musculaire présente un pédicule postérieur.
Sa dissection est
particulièrement délicate car elle doit respecter en profondeur le
plan muqueux nasal sans le perforer.
Leur libération est prolongée
au maximum vers l’avant et la lame palatine pour le lambeau à
pédicule antérieur et la région rétromaxillaire en arrière pour l’autre
lambeau.
Dans le même temps, le bord libre de la fente est incisé et
permet ainsi la levée des deux premiers lambeaux.
Une fois cette
étape réalisée, les plans profonds des deux hémivoiles sont ensuite
incisés : seconde plastie en Z.
Les directions de ces incisions
permettent à chaque hémivoile d’être à l’origine d’un lambeau à
pédicule antérieur et d’un lambeau à pédicule postérieur.
L’extrémité latérale de chaque incision du plan nasal doit se projeter
en regard des orifices tubaires.
Les attaches musculaires aux lames
palatines sont libérées.
En revanche, le plan mucopériosté palatin
est lui respecté et le décollement des versants nasal et oral en regard
de la fente osseuse est minime.
Ceci permet ainsi un recul maximal
de la future sangle musculaire et muqueuse.
La suture des lambeaux commence par le plan nasal après
transposition de ceux-ci.
On obtient ainsi un positionnement plus
postérieur et interne du plan musculaire.
Le même type de
transposition est réalisé avec le plan buccal.
On obtient ainsi un
chevauchement postérieur des deux lambeaux musculaires.
Plastie de la luette : afin d’augmenter le recouvrement musculaire au
niveau de la luette, il est possible au niveau de la pointe de séparer
les plans muqueux nasal et musculaire pour que ce dernier vienne
glisser et recouvrir la zone de suture.
Fente large avec insuffisance de longueur des lambeaux : la suture des
pointes de chaque lambeau peut ne pas couvrir la totalité des zones
incisées qui sont alors laissées en cicatrisation libre.
Des contreincisions
latérales de décharge peuvent aussi y être associées.
Au total, cette technique chirurgicale permet une remise en tension
et un recul de la sangle musculaire vélaire avec absence de suture
longitudinale ou superposée.
Pour les auteurs, cette reconstruction
musculaire spécifique est à l’origine des excellents résultats
fonctionnels.
B - TECHNIQUES DE FERMETURE EN DEUX TEMPS
:
Ces techniques s’adressent aux fentes vélopalatines larges ou aux
fentes labio-alvéolo-vélo-palatines.
La prise en charge des fentes vélopalatines très larges
comprend un premier temps de véloplastie précoce vers l’âge de 3 à
4 mois : réalisation d’une technique de push-back classique par deux
incisions latérales contournant la tubérosité maxillaire débordant en
avant le bord postérieur des lames palatines sans réalisation de
lambeau mucopériosté palatin.
Le second temps est réalisé 6 mois
plus tard.
Mais avec la croissance des lames palatines et la
cicatrisation du temps vélaire, la fente palatine résiduelle a tendance
à diminuer spontanément.
Une technique classique de Wardill ou même une suture directe en
fonction de l’étendue de l’orifice résiduel peut alors être réalisée.
Certains auteurs renforcent parfois cette fermeture par l’apposition
de périoste tibial.
L’utilisation d’un lambeau vomérien peut également être proposée
pour la réfection du plan nasal.
Cette technique permet dans
certains cas une fermeture de la fente dès le premier temps.
Il
nécessite une incision du bord libre inférieur du vomer et la
réalisation d’un lambeau à pédicule supérieur.
L’incision décalée du
bord libre de la fente permet une suture sans tension des deux
lambeaux. Ce lambeau vomérien peut être réalisé de façon uni- ou
bilatérale.
Pour les FLVP complètes, les attitudes thérapeutiques varient selon
les orientations chirurgicales retenues pour le temps labial initial.
La
plupart des auteurs programment actuellement un premier temps
vers l’âge de 3 à 6 mois associant chéilorhinoplastie et véloplastie.
La fermeture palatine intervient alors 6 mois plus tard.
Une attitude un peu différente est défendue par Malek qui propose
une staphylorraphie première précoce (avant 3 mois) suivie d’une
chéilorhinoplastie et d’une palatoplastie dans un délai plus tardif,
entre 6 mois et 1 an.
En revanche, la fermeture en trois temps des fentes bilatérales avec
fermeture labiale uni- puis controlatérale suivie d’une palatoplastie
secondaire semble être de plus en plus abandonnée.
La réparation
palatine antérieure peut bénéficier de greffons périostés également
utilisés dans la reconstruction des defects alvéolaires.
L’organisation de la prise en charge des fentes vélopalatines isolées
tend à s’uniformiser.
Les résultats fonctionnels (nasalisation,
dysphonie) et esthétiques (croissance maxillaire) nécessitant un recul
de plusieurs années, l’évaluation de ces différentes attitudes reste
encore difficile.
Fentes labio-vélo-palatines
:
La difficulté de ce type de réparation est d’obtenir des résultats
esthétique et fonctionnel satisfaisants tant immédiatement qu’à
distance une fois la croissance du massif facial terminée.
L’obtention d’une cicatrice la moins visible et la moins rétractile
possible représentait initialement l’impératif de la prise en charge.
Actuellement et suite à de nombreux travaux, deux points paraissent
également indispensables :
– la réfection d’une sangle musculaire efficace : Delaire (1975, 1978),
Talmant (1984), Gyoo et al (1995), Genaro et al (1994) ;
– l’obtention d’un enroulement narinaire suffisant : Thompson et
Reinders : « une reprise chirurgicale secondaire est nécessaire en
moyenne 1,7 fois pour le nez contre 0,7 fois pour la lèvre ».
Ces deux points sont intimement liés.
De nombreuses techniques ont donc été décrites, réactualisées puis
modifiées.
Nous décrirons les plus utilisées.
A - FENTES LABIO-ALVÉOLO-PALATO-VÉLAIRES
UNILATÉRALES :
1- Méthode de Veau ou « straight-line repair »
:
Elle reste toujours d’actualité.
Elle est de réalisation aisée mais
trouve ses indications dans les formes mineures ou partielles de
fente où la hauteur philtrale est suffisante.
La suture des trois plans :
muqueux, musculaire puis cutané est réalisée de façon rectiligne le
long de la crête philtrale.
Le choix de cette technique expose à un
risque plus important de rétraction avec aspect en « chapeau de
gendarme » de la lèvre supérieure.
2- Procédé de Millard
:
Il s’agit de la technique la plus utilisée.
Elle est aussi le point de
départ de nombreuses modifications. Elle repose sur le principe d’un
lambeau de rotation-avancement de chaque hémilèvre (lambeaux B
et C).
Il doit y être associé une suture du plan musculaire sousjacent
qu’il convient d’aller rechercher très loin latéralement car le
plan musculaire est fréquemment hyploplasique et rétracté.
* Repères :
– Sur l’arc de Cupidon : nous placerons d’abord les points 1
(médian), 2 et 3 (sommet de l’arc), 6 et 7 (commissuraux).
Le point 8
est le pendant du point 3 sur l’hémilèvre opposée.
Ces deux points sont attirés vers le haut de même que la ligne 2-3 normalement
horizontale.
La hauteur des lambeaux B et C devra donc prévoir le
repositionnement de ces trois points : 2, 3 et 8 selon une ligne
horizontale.
– Sur la base du nez : les points 4, 10 et 5 respectivement partie
basse des ailes narinaires et base de la columelle sont repérés.
Le
point 9 sur le plancher narinaire est placé tel que : 8-9 = 3-5 + 5-5’
(back-cut).
– Sur le plan vestibulaire : X et Y équivalent muqueux des points 2
et 3.
* Tracés et incisions
:
On détermine ainsi les lambeaux A (interne = 5’-5-3), B (externe =
8-9-10) et C (berge externe entre les deux).
Après infiltration,
l’incision est franche, transfixiante au niveau de la peau comme de
la lèvre rouge.
L’incision cutanée en 3 reste à 1 mm de la jonction cutanéomuqueuse.
L’hémostase de l’artère coronaire sera parfois
nécessaire.
L’incision du back-cut (5-5’), sa longueur et son orientation sont
déterminantes dans l’horizontalisation de l’arc de Cupidon par
rotation de l’hémilèvre vers le bas.
En profondeur, le muscle
orbiculaire sera libéré de l’épine nasale et du plan osseux.
Le
lambeau A est ainsi dissocié de la columelle.
Il est nécessaire de
réséquer les tissus atrophiques le long des berges de la fente osseuse.
Le temps musculopériosté reste à réaliser : libération en regard de
l’orifice piriforme (libérant l’aile du nez) et remontant vers le
plancher orbitaire.
* Sutures :
L’essentiel est le réamarrage du plan musculaire (transverse et chef
nasolabial) en avant du périoste de l’épine nasale.
Le plancher nasal est reconstitué par la suture du plan mucopérichondral de la berge alvéolaire du lambeau C et
mucopériosté de la face externe de la fosse nasale.
Les lambeaux B et C sont transposés et suturés (les points 9 en 5’et 3
en 10) permettant l’enroulement de l’aile narinaire.
La jonction labiale cutanéomuqueuse est réalisée au niveau des
points 3 et 8.
Une plastie en Z est réalisée sur la muqueuse
vestibulaire.
La brèche alvéolaire et palatine antérieure peut être partiellement
comblée par de petits lambeaux à pédicule antérieur ou postérieur
d’origine vestibulaire labiale supérieure.
3- Procédé de Tennisson-Malek
:
Il utilise un lambeau triangulaire en position inférieure dessiné sur
le côté externe de la fente et destiné à augmenter la hauteur de la
lèvre supérieure.
Les points 3, 5 et 8 seront placés de façon identique
au procédé de Millard.
Le point 2 est le symétrique du point 5
(sommet de la crête philtrale).
Le point 6 (seuil narinaire sur la berge
externe) devra être amené en 5.
La hauteur philtrale côté sain : H et
côté fente : H’ seront mesurés.
Le calcul de la longueur des côtés du triangle comme du trait de
refend interne est réalisé sur le schéma. H’ est reporté sur
l’une des deux droites faisant un angle de 150° (carton de Malek).
H, partant de l’extrémité de H’, coupe l’autre droite en x’
déterminant un segment qui correspond à la dimension des côtés
du triangle et du trait de refend en 3 incisé perpendiculairement à la
jonction cutanéomuqueuse.
Sur la berge externe, l’incision du
triangle équilatéral de côté x’ sera réalisé à partir du point 3.
La bonne symétrie de la lèvre et l’obtention d’une cicatrice en ligne
brisée en font une technique de choix.
Cependant, en cas
d’importante hypoplasie de hauteur philtrale, la technique suivante
est plus indiquée.
4- Procédé de Malek ou double Z
:
H’ puis H sont reportés sur le carton de Malek comme
précédemment (mais l’angle est de 120° au lieu de 150°). X’ est ainsi
déterminé.
Deux incisions sur le versant H’ sont réalisées avec un
angle de 60°. Côté externe : deux triangles équilatéraux de côté x’/2
sont tracés sommet contre sommet.
La hauteur des triangles peut varier en faveur du triangle supérieur
de côté x’.
Cette technique de double Z permet un allongement important de
la hauteur de la lèvre et une qualité de la cicatrice semble-t-il
supérieure au procédé de Millard.
5- Techniques modifiées
:
– Nakajima et Davies placent le lambeau triangulaire (procédé de
Tennisson) à la base de la columelle car moins visible.
– Procédé de Millard en deux temps : le premier temps (très
précoce : 1 mois), lip adhesion, reconstruit le plan cutané et
musculaire sans plastie de rehaussement de la lèvre supérieure.
Un
second temps vers l’âge de 3 mois reconstruit la hauteur labiale
selon une technique classique de Millard.
– Armstrong et al proposent la réalisation simultanée d’un procédé
de Millard et d’une correction nasale primaire en technique ouverte
avec suture du cartilage alaire à son homologue triangulaire.
Nakajima et Yoshimura (1993) réalisent également un temps nasal
concomitant avec suture des deux alaires entre eux après les avoir
libérés.
La chirurgie en un temps des fentes labiales bilatérales est
maintenant acquise.
Les principes de réussite de ce temps opératoire
sont pour Mullinken :
– l’obtention d’une symétrie ;
– une suture musculaire solide ;
– un dessin correct du lambeau de prolabium ;
– la reconstruction du vermillon médian par les lambeaux latéraux.
Un cinquième principe, plus discuté du fait des risques potentiels
de trouble de la croissance nasale est décrit.
Il s’agit de la
reconstruction de l’architecture nasale par la réorganisation
anatomique des cartilages alaires.
Les techniques de Skoog et Le Mesurier sont aujourd’hui
abandonnées.
1- Technique personnelle
:
Les incisions aux seuils narinaires de part et d’autre permettent une
dissection prudente des plans musculaires parfois très latéralement
afin de rechercher les différents composants de la sangle musculaire
labionarinaire.
Une dissection délicate du plan cutané prolabial
permettra l’amarrage efficace de ces plans musculaires en avant de
l’épine nasale.
La muqueuse des berges externes est conservée pour
créer la totalité du vermillon et le versant vestibulaire de la lèvre.
Une large dissection sous-périostée maxillaire facilitera la réalisation
de sutures sans tension.
Aucune incision columellaire ne sera pratiquée (garantissant une
bonne vascularisation du prolabium) ; le positionnement des sutures
le long des crêtes philtrales et la possibilité ultérieure de réaliser un
lambeau en fourche de Millard sont les avantages de cette technique.
Elle est réalisée en moyenne pour notre série vers l’âge de 3 mois.
2- Technique de Millard
:
Réalisée en un ou deux temps, cette technique s’organise autour
d’un lambeau trifolié de prolabium. Deux incisions verticales paramédiane du prolabium délimitent un lambeau médian
(néophiltrum) et deux lambeaux externes (futurs seuils narinaires).
La taille du prolabium définira donc les possibilités de lambeau.
L’inconvénient de cette technique est la présence de ces sutures
horizontales à distance du rebord narinaire.
3- Chéilorhinoplasties primaires
:
L’existence de séquelles esthétiques prédominant au niveau du nez
a poussé de nombreux auteurs à associer une véritable rhinoplastie
de pointe au temps labial.
Deux risques prédominent :
– les incisions columellaire et vestibulaire peuvent hypothéquer une
bonne vascularisation du prolabium (impossibilité d’associer temps
musculaires et temps de pointe) et mettre en péril la respiration
nasale (risque de sténose) ;
– pour certains, il existe également un risque pour la croissance
nasale.
McComb (1994) décrit une technique en deux temps :
– rhinoplastie par voie externe avec suture-rapprochement des
dômes et libération des alaires, associée à une fermeture de la fente
cutanée : lip-adhesion sans dissection du prolabium entre 6 et 8
semaines de vie ;
– chéiloplastie secondaire vers l’âge de 3 mois avec réfection du
plan musculaire et utilisation de lambeau triangulaire.
Mulliken (2000) et Trott et Mohan (1991) proposent également un
temps nasal simultané.
Mais l’abord des cartilages alaires par une
voie vestibulaire réduite permet un temps sur le prolabium.
Cette
technique obtiendrait de meilleurs résultats esthétiques que la
rhinoplastie secondaire.
Conclusion
:
La chirurgie des fentes labio-alvéolo-vélo-palatines s’incrit donc dans le
cadre d’une prise en charge globale.
L’évolution des techniques
chirurgicales passe par l’évaluation progressive à moyen et long termes
des résultats des différentes séries de chaque équipe.
Cela permettra
d’améliorer encore les résultats opératoires et la vie de ces patients.