L’exploration de la coagulation est nécessaire pour apprécier un
risque hémorragique.
Elle s’inscrit dans le cadre du dépistage
d’anomalies de l’hémostase avant un acte vulnérant en lui-même
hémorragique, de la recherche de l’origine d’un symptôme
hémorragique, ou encore de l’appréciation du retentissement d’une
pathologie (maladies hépatiques, maladies auto-immunes…) sur la
coagulation.
Deux tests simples, automatisables et peu coûteux, le
temps de céphaline + activateur (TCA) et le temps de Quick (TQ),
font partie des examens de première intention.
L’exploration globale de l’hémostase nécessite en parallèle la
numération plaquettaire et, dans des indications bien précises,
la mesure du temps de saignement, examens décrits dans l’article
Physiologie et exploration de l’hémostase et de la thrombose :
hémostase primaire.
En
fonction des résultats obtenus et du contexte clinique, des tests
complémentaires et/ou des dosages spécifiques sont réalisés.
L’exploration de la coagulation peut également être nécessaire dans
le cadre de l’appréciation du risque de thrombose.
L’absence de
moyen d’évaluation globale complique l’approche et oblige au
dosage spécifique des protéines plasmatiques impliquées dans la
régulation de la coagulation ou, d’emblée, à la recherche des
anomalies génétiques associées à un risque élevé de thrombose.
Prélèvement du sang, transport
et centrifugation :
Le prélèvement est effectué par ponction veineuse franche dans des
tubes sous vide contenant du citrate de sodium, chélateur du
calcium qui empêche la coagulation du sang.
Le mélange
sang/anticoagulant est assuré immédiatement par retournements successifs et lents, pour éviter tout début de coagulation.
Le délai
entre le prélèvement et le traitement des échantillons doit être le
plus court possible, au maximum 2 ou 3 heures.
Les prélèvements
sont centrifugés au laboratoire de façon à séparer le plasma des
cellules sanguines.
Différents tests de la coagulation :
A - TEMPS DE CÉPHALINE + ACTIVATEUR
:
Le TCA mesure le temps de coagulation à 37 °C d’un plasma en
présence de phospholipides (céphaline), d’un activateur de la phase
contact (kaolin, acide ellagique, célite ou autre) et de calcium.
Le temps obtenu est exprimé par rapport au temps du plasma
témoin, dont la valeur moyenne varie entre 30 et 40 secondes selon
les réactifs utilisés.
Le résultat peut également être exprimé en
rapport malade/témoin.
Le TCA est allongé lorsqu’il dépasse de 6 à 8 secondes le temps du
témoin, mais la frontière n’est pas stricte.
L’allongement du TCA doit
être interprété en fonction du contexte clinique (notion d’antécédents
hémorragiques personnels et/ou familiaux, existence d’une maladie
associée) et des résultats des examens de coagulation effectués
parallèlement (TQ, etc).
L’allongement du TCA peut être isolé ou
associé à un allongement du temps de saignement ou à un
allongement du TQ.
Le TCA explore la voie de la coagulation déclenchée par le contact
(voie dite « endogène ») et il est donc fonction de la concentration
plasmatique de chacun des facteurs de coagulation impliqués :
facteurs de la phase contact (facteurs XII, kininogène de haut poids
moléculaire [KHPM], prékallikréine), facteurs XI, IX, VIII, X, V, II et
fibrinogène.
Il n’explore pas les plaquettes qui sont remplacées par la céphaline,
ni le facteur VII.
B - TEMPS DE QUICK :
Le TQ est le temps de coagulation à 37 °C d’un plasma en présence
de thromboplastine (mélange de facteur tissulaire et de
phospholipides) et de calcium.
Le temps de coagulation du plasma du patient est comparé à celui
d’un témoin, voisin de 12 secondes pour la plupart des réactifs.
Le
résultat est exprimé en France en pourcentage d’activité, en désignant
ce pourcentage sous le nom de taux de prothrombine (TP), terme
incorrect.
Le pourcentage est calculé en utilisant une courbe
d’étalonnage à l’aide de dilutions d’un plasma témoin qui, par
définition, correspond à 100 % de la normale.
Les valeurs inférieures
à 70 % sont considérées comme pathologiques.
Un autre mode
d’expression est exclusivement réservé à la surveillance des traitements
anticoagulants par les antagonistes de la vitamine K (AVK) :
l’international normalized ratio (INR) correspond au rapport du TQ
du patient sur celui du témoin, élevé à la puissance ISI (international
sensitivity index), cet index définissant la sensibilité du réactif utilisé.
Le TQ explore de façon globale les facteurs de coagulation de la
voie exogène de la coagulation (facteurs VII, X, V, II et fibrinogène).
Dans les conditions de concentration de facteur tissulaire utilisées,
le complexe facteur tissulaire-VIIa active directement le facteur X et
non le facteur IX, contrairement à ce qui se passe in vivo : les
facteurs IX et VIII ne sont donc pas explorés par le TQ.
C - TEMPS DE THROMBINE ET DOSAGE DU FIBRINOGÈNE :
Le temps de thrombine est la mesure du temps de coagulation d’un
plasma après apport d’une quantité connue de thrombine.
La vitesse
de coagulation est fonction de la quantité et de la qualité du
fibrinogène et de la présence ou non d’inhibiteurs de la fibrinoformation (héparine non fractionnée [HNF], produits de
dégradation de la fibrine…).
Les résultats sont exprimés en
secondes, par référence à un témoin.
Une variante de ce test, utilisant des concentrations élevées de
thrombine, permet de mesurer la concentration plasmatique de
fibrinogène.
Elle est normalement comprise entre 2 et 4 g/L.
D - TEMPS DE REPTILASE :
La reptilase est une enzyme extraite d’un venin de serpent : elle
transforme le fibrinogène en fibrine et est insensible à l’héparine à la
différence de la thrombine.
Ce test, normal en présence d’héparine,
permet d’identifier les allongements du temps de thrombine dus à
la présence d’héparine.
E - DOSAGE SPÉCIFIQUE DES FACTEURS DE COAGULATION
:
Les dosages des facteurs de coagulation ne sont effectués que
lorsque les tests de dépistage (TCA ou TQ) sont anormaux.
Tous les
facteurs de coagulation peuvent être dosés individuellement.
Le
dosage est basé sur le pouvoir de correction par le plasma à tester
du temps de coagulation d’un plasma dépourvu électivement du
facteur de coagulation à mesurer. Les résultats sont exprimés en
pourcentage de la normale.
F - EXPLORATION DES SYSTÈMES DE RÉGULATION
DE LA COAGULATION
:
L’exploration des systèmes de régulation de la coagulation est
nécessaire pour dépister des facteurs de risque de thrombose.
Il
n’existe actuellement pas de test satisfaisant permettant d’apprécier
de façon globale le fonctionnement des inhibiteurs de la coagulation
(équivalent du TQ et du TCA pour l’exploration des facteurs de
coagulation) et chaque protéine plasmatique doit être dosée
séparément : antithrombine, protéine C, protéine S, etc.
Dans un
premier temps, seul le dosage fonctionnel est réalisé.
S’il est
anormal, le dosage antigénique doit être fait de façon à déterminer
si l’anomalie est quantitative ou qualitative.
Par ailleurs, certains polymorphismes sont associés à une
augmentation du risque de thrombose et peuvent être recherchés.
– Facteur V Leiden : c’est une anomalie localisée sur l’exon 10 du
facteur V (G 1691 A) ayant pour conséquence la mutation Arg 506
Gln, qui est un site de clivage essentiel du facteur V par la protéine
C activée.
Cette anomalie est retrouvée dans 10 à 35 % des
thromboses veineuses profondes.
Le phénotype « V Leiden » peut
être mis en évidence par un test fonctionnel : le test de résistance à
la protéine C activée qui mesure l’allongement du TCA du patient
en présence de protéine C activée.
– Polymorphisme de la prothrombine : situé dans la région 3’ non
codante du gène (G 20210 A), ce polymorphisme s’accompagne
d’une augmentation de la concentration de prothrombine et est
retrouvé chez 6 à 8% des sujets atteints de thrombose veineuse
profonde.
D’autres polymorphismes associés à des variations du taux des
différents facteurs de coagulation (facteur VII, facteur XIII etc) ont
été décrits ; ils peuvent être considérés, soit comme « protecteurs »,
soit comme « facteurs de risque » selon le phénotype lié à ce
polymorphisme.
Interprétation des anomalies
des tests de coagulation :
A - ALLONGEMENT ISOLÉ DU TEMPS
DE CÉPHALINE + ACTIVATEUR
:
L’HNF allonge le TCA qui est utilisé pour la surveillance de cet
antithrombotique.
Les héparines de bas poids moléculaire n’allongent
que modérément et de façon inconstante le TCA, qui n’est utilisé
dans ce cas que pour dépister un éventuel surdosage.
La présence
d’HNF peut ne pas être le reflet de ce qui se passe in vivo, parce
que le prélèvement a été réalisé sur un cathéter rincé avec de
l’héparine ou contaminé accidentellement ex vivo avec de l’héparine.
Cette éventualité peut facilement être évaluée, en réalisant un temps
de thrombine et un temps de reptilase qui sont respectivement
allongé et normal si le plasma contient de l’HNF.
Après avoir exclu la présence d’HNF, le diagnostic se pose entre la
présence d’un inhibiteur (anticoagulant circulant [ACC]) et l’existence
d’un déficit isolé en l’un des facteurs de coagulation explorés
spécifiquement par le TCA (facteurs XII, XI, prékallikréine, KHPM,
VIII, IX).
Si l’anomalie est liée à un déficit, le TCA d’un
mélange de plasma normal et du plasma du patient est normal. Si
l’anomalie est liée à la présence d’un ACC, le TCA du mélange reste
anormalement long.
Les ACC sont des anticorps de deux types : ils
peuvent être dirigés contre les phospholipides (ACC de type
lupique) ou spécifiquement contre l’un des facteurs de coagulation
explorés spécifiquement par le TCA, le plus souvent contre le facteur
VIII.
Les ACC de type antiphospholipides interfèrent avec tous les
tests qui utilisent des phospholipides, mais peuvent ne pas allonger simultanément le TQ, moins sensible à ce type d’inhibiteur que le
TCA.
Les ACC de type antiphospholipides s’accompagnent d’une
augmentation du risque thrombotique, alors que le risque
hémorragique lié aux inhibiteurs spécifiques d’un facteur de
coagulation (exemple : anti-VIII) est très élevé.
Des épreuves
spécifiques doivent être réalisées pour différencier les deux types
d’ACC.
Une fois la présence d’un ACC éliminée, l’allongement isolé du TCA
doit faire envisager un déficit isolé en l’un des facteurs de
coagulation explorés spécifiquement par le TCA (facteurs XII, XI,
prékallikréine, KHPM, VIII, IX) : le dosage spécifique de chacun de
ces facteurs permet le diagnostic.
Les déficits constitutionnels en
facteur VIII (hémophilie A) ou facteur IX (hémophilie B)
s’accompagnent de manifestations hémorragiques qui sont de
gravité variable en fonction de la sévérité du déficit.
On distingue
les hémophilies sévères (facteurs VIII ou IX < 1 %), les hémophilies
modérées (taux de 1 % à 5 %) et mineures (taux > 5 % et < 40 %).
Ces formes mineures plus difficiles à dépister ne sont pas
responsables de manifestations hémorragiques dans la vie courante,
mais peuvent saigner abondamment lors d’une intervention
chirurgicale.
Les déficits constitutionnels en facteur XI sont plus
rares ; la gravité des manifestations hémorragiques ne dépend pas
uniquement du taux de facteur XI et varie d’un sujet à l’autre.
Les
déficits en facteurs de la phase contact (facteur XII, prékallikréine,
KHPM) sont également très rares et n’entraînent jamais d’incidents
hémorragiques, même lorsqu’ils sont sévères.
En conséquence, dans
la mesure où la présence d’un ACC ou d’héparine a été
éliminée, les dosages spécifiques peuvent se limiter aux facteurs
VIII, IX et XI pour dépister un risque hémorragique en cas
d’allongement isolé du TCA.
Dans un contexte clinique évocateur (hémorragies essentiellement cutanéomuqueuses), un déficit isolé en facteur VIII, même s’il n’est
pas associé à un allongement du temps de saignement, doit amener
à explorer le facteur Willebrand.
B - ALLONGEMENT ISOLÉ DU TEMPS DE QUICK
:
Un allongement isolé du TQ, sans allongement du TCA, évoque
l’existence d’un déficit isolé en facteur VII, exceptionnellement
constitutionnel, plus souvent observé au début d’un traitement par
les AVK ou d’une hypovitaminose K.
Cet effet précoce est dû à la
courte durée de vie du facteur VII.
Une insuffisance cellulaire hépatique modérée entraîne des déficits
modérés des facteurs de coagulation synthétisés dans le foie avec
un allongement du TQ qui peut très bien ne pas être accompagné
d’un allongement du TCA parce que ce test a une moindre
sensibilité.
C - ALLONGEMENT ASSOCIÉ DU TEMPS DE CÉPHALINE +
ACTIVATEUR ET DU TEMPS DE QUICK
:
Un allongement associé du TCA et du TQ s’observe dans une
hypovitaminose K et chez les sujets traités par les AVK au long cours :
les taux de facteurs II, VII et X sont diminués ; le taux de facteur V
est normal ; le nombre des plaquettes est normal.
En cas d’insuffisance hépatocellulaire et en fonction de la sévérité de
l’atteinte hépatique, les taux de facteurs II, VII, X et V diminuent et
le déficit entraîne un allongement du TQ et à un moindre degré du
TCA.
Le taux de fibrinogène est variable, comme le nombre de
plaquettes.
Le taux de facteur VIII n’est pas diminué puisque la
synthèse de cette protéine n’est pas majoritairement hépatocytaire.
Dans un contexte clinique particulier (septicémies, néoplasies,
brûlures étendues, pathologie obstétricale, chirurgie…),
l’allongement du TQ et du TCA peut traduire l’existence d’une
coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) : ce processus associe
une thrombopénie, une diminution du taux de fibrinogène et des
autres facteurs de coagulation consommés au cours du processus de
coagulation, et la présence de produits de dégradation de la fibrine
(D-dimères).
Les ACC de type antiphospholipides allongent
simultanément le TCA et le TQ, s’ils sont puissants.
L’absence de
correction du TCA par le plasma normal prouve la présence de
l’inhibiteur.
Un ACC dirigé spécifiquement contre les facteurs V, X
ou II allonge également à la fois le TCA et le TQ.
Les déficits isolés en fibrinogène, facteur II, V ou X, sont
exceptionnels.
Les inhibiteurs de la fibrinoformation allongent le temps de thrombine,
mais peuvent aussi, s’ils sont en concentration élevée, allonger le
TCA et le TQ : ce sont des inhibiteurs de la polymérisation de la
fibrine (dysglobulinémies) ou des produits de dégradation de la
fibrine (CIVD, fibrinolyse aiguë, traitements thrombolytiques).