Exérèse des tumeurs périampullaires Cours de Chirurgie
Introduction
:
L’exérèse des tumeurs périampullaires peut se faire par
duodénopancréatectomie céphalique qui constitue le traitement de
choix.
Le taux de résécabilité de ces tumeurs se situe entre 60 et 90 %,
alors qu’il ne dépasse guère 20 % pour les cancers céphaliques.
Le rapport de Marchal et Hureau présenté au 80e Congrès
français de chirurgie (1978) rapporte 556 cas de tumeurs oddiennes.
La duodénopancréatectomie céphalique avec conservation du pylore est
particulièrement indiquée dans ces tumeurs périampullaires car elle
permet de respecter les critères d’une exérèse carcinologique à visée
curative.
Les taux de survie sont nettement supérieurs à ceux observés
pour les cancers à point de départ pancréatique, puisqu’ils atteignent 30
à 50 % à 5 ans.
La résection des tumeurs ampullaires peut se faire également par une
exérèse locale.
Celle-ci est alors effectuée par une duodénotomie sur la
deuxième portion du duodénum.
Elle permet de réséquer les structures
concernées par le processus tumoral ampullaire : paroi duodénale, bas
cholédoque, terminaison du Wirsung.
Ces exérèses locales
peuvent être distinguées en deux groupes :
– les papillectomies qui s’adressent aux tumeurs à développement
muqueux et faciles à pédiculiser ;
– les duodénopapillectomies ou ampullectomies qui consistent en une
résection nettement plus large emportant une portion de la paroi
duodénale, la totalité de la zone sphinctérienne oddienne, sectionnant
cholédoque et Wirsung en amont des fibres sphinctériennes et
conduisant à une réinsertion des canaux biliaire et pancréatique dans le
duodénum.
Papillectomie ou papillectomie muqueuse
:
L’abord se fait par une laparotomie sous-costale droite.
Un premier
temps exploratoire permet le plus souvent de palper la tumeur à
travers la paroi duodénale, d’apprécier le degré de dilatation des
voies biliaires et de prélever des ganglions dans le pédicule
hépatique pour vérifier leur intégrité.
Dans le cas contraire, un geste
d’exérèse plus large doit alors être envisagé.
Une manoeuvre de
Kocher permet de mobiliser largement les deuxième et
troisième portions duodénales.
Dès lors, la palpation de la tumeur
entre le pouce en avant et l’index en arrière permet d’en apprécier la
consistance et les limites.
Si la lésion mesure plus de 2 ou 3 cm de
diamètre ou si elle infiltre la tête pancréatique, le geste d’exérèse
locale ne peut plus être retenu. Une duodénotomie habituellement
transversale sur le deuxième duodénum, après avoir bien repéré la
papille, est réalisée.
L’hémostase de la sous-muqueuse doit
être très soigneuse afin de ne pas être gêné par un suintement hémorragique.
La paroi duodénale, toujours fragile, est manipulée
avec beaucoup de douceur.
Des fils repères permettent de maintenir
la duodénotomie largement béante.
La pression douce de la vésicule
biliaire permet généralement de repérer la papille par l’émission
d’un jet de bile.
Nous préférons avoir recours à une cholécystectomie
première qui a l’avantage de permettre l’introduction d’un
explorateur dans la voie biliaire principale, soit par le canal cystique,
soit par une courte cholédochotomie sus-duodénale.
Un dilatateur de Bakès fin, une sonde de Fogarthy facilitent alors le repérage et
l’exposition de la papille.
Certains proposent d’infiltrer la sous-muqueuse duodénale autour de la papille avec quelques
centimètres cubes de sérum adrénaliné avant de procéder à la
résection de la papille.
La tumeur est attirée par deux ou trois fils
tracteurs placés à sa base, puis la muqueuse duodénale est incisée à
1 cmau moins des limites de la lésion ; l’exérèse est réalisée
de façon elliptique à l’aide d’un bistouri simple ou d’un bistouri
électrique à pointe fine, la musculeuse étant respectée.
Le
plan de clivage sous-muqueux conduit sur le canal commun ou
éventuellement sur l’extrémité distale du cholédoque et duWirsung
qui sont sectionnés sans être désinsérés de la paroi duodénale, en
l’occurrence de la musculeuse duodénale.
Un examen histologique
extemporané vérifie que l’exérèse est passée en tissu sain.
Cet
examen est plus facile à réaliser si la section a été réalisée à l’aide
d’un bistouri simple qui évite le traumatisme thermique des tissus.
Enfin, la duodénotomie est fermée à l’aide d’un surjet extramuqueux
en un plan de fil lentement résorbable.
Un drainage biliaire transcystique peut être maintenu en place pendant quelques jours.
Il
a l’avantage de décomprimer les voies biliaires en cas d’oedème au
niveau de la zone de résection et de permettre une opacification de
contrôle ultérieure.
Papilloduodénectomie
:
La papilloduodénectomie ou ampullectomie a été décrite par Halsted
en 1899.
Elle consiste à réséquer la région oddienne en emportant
une portion de paroi duodénale, la totalité de la zone sphinctérienne,
sectionnant cholédoque et Wirsung en amont des fibres
sphinctériennes, obligeant souvent à réséquer une petite zone de
parenchyme pancréatique au voisinage des canaux et de leur
confluence.
Chatelin a bien décrit cette technique en donnant la préférence à
une exérèse réglée, anatomique, plutôt qu’à l’ablation aveugle au
bistouri électrique.
Un décollement duodénopancréatique large
selon la manoeuvre de Kocher facilite cette exérèse.
Une duodénotomie transversale est effectuée ; elle est guidée par le
repérage de la papille comme décrit ci-dessus pour la papillectomie.
Quatre fils tracteurs maintiennent la duodénotomie largement
ouverte et deux fils tracteurs permettent d’exercer une traction sur la
base de la tumeur.
La muqueuse duodénale est incisée au bistouri
électrique, de manière elliptique, passant au moins à 2 cm de la
tumeur.
La paroi duodénale est alors sectionnée en zone saine.
Il vaut
mieux, chaque fois que cela est carcinologiquement réalisable, éviter
de sectionner le tissu pancréatique. Néanmoins, en cas de section
pancréatique, l’hémostase est réalisée à l’aide de points de
monofilament 5-0, résorbable.
La tumeur n’est plus retenue alors que
par les deux canaux qui sont sectionnés à 1 cm environ en amont de
la lésion : cholédoque d’abord puis Wirsung.
Des fils
repères sont placés sur le cholédoque et le Wirsung en vue de leur
réimplantation. Un examen histologique extemporané vérifie que
l’exérèse est passée en tissu sain.
Là encore, la section au bistouri
froid facilite cet examen par rapport à l’utilisation du bistouri
électrique qui brûle les tranches de section et rend leur analyse plus
difficile.
La réimplantation cholédocienne est généralement aisée à l’aide de
points séparés totaux affrontant bien muqueuse duodénale et lumière
cholédocienne, celle-ci étant souvent dilatée en raison de l’obstacle
tumoral.
Le temps le plus délicat est celui de la réimplantation
du Wirsung.
Son identification peut être rendue plus aisée en
l’intubant à l’aide d’un fin cathéter ; et si nécessaire après injection
intraveineuse de sécrétine.
Des points de monofilament 5-0 résorbable
affrontent la lumière du Wirsung et la muqueuse duodénale.
Les fils
sont passés puis tous noués à la fin.
Il est parfois possible de solidariser
cholédoque et Wirsung pour reconstituer un canal commun.
Le
drainage temporaire duWirsung peut se faire à l’aide d’un drain tuteur
fin, soit perdu, soit extériorisé à la Voelcker.
En revanche, le drainage biliaire, soit par drain transcystique, soit par drain de Kehr,
est pour nous la règle.
À son rôle décompressif s’ajoute la
possibilitéde réaliser des contrôles radiographiques ultérieurs.
La duodénotomie est fermée transversalement par un surjet
extramuqueux en un plan de fil lentement résorbable 3-0 ou encore
par un agrafage par suture automatique.
Au moindre doute, il
ne faut pas hésiter à soulager cette duodénotomie par une anastomose
gastrojéjunale isopéristaltique, voire par une gastrojéjunostomie avec
exclusion duodénale, généralement associée à une vagotomie
tronculaire bilatérale.
Indications
:
Une exérèse locale des tumeurs oddiennes est capable d’assurer leur
contrôle à condition d’être réservée aux tumeurs non infiltrantes et dont
le diamètre reste inférieur à 2 cm.
Cette technique s’adresse
habituellement aux patients dont l’état général ou l’âge rend un geste
d’exérèse plus large trop risqué.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue
que les tumeurs périampullaires bénéficient d’un pronostic nettement
meilleur que celui des cancers du pancréas céphalique et que la
duodénopancréatectomie céphalique constitue le traitement de choix,
même en présence d’adénopathies métastatiques lorsque celles-ci ne
concernent que les premiers relais péripancréatiques.