Exérèse totale du mésorectum et conservation de l'innervation autonome à destinée génito-urinaire dans la chirurgie du cancer du rectum Cours de Chirurgie
Introduction
:
L’exérèse totale du mésorectum est un des apports les plus importants
de ces dernières années dans le traitement chirurgical du cancer du
rectum.
Les résultats des promoteurs de cette technique ont montré que
le taux de récidive locorégionale pouvait être abaissé jusqu’à 4 %, ce qui
représente un progrès considérable par rapport aux taux de 15 à 40 %
observés après exérèse conventionnelle.
Dans sa description, cette
technique comporte la préservation de l’innervation autonome à
destinée génito-urinaire.
Les exérèses carcinologiques du rectum sont
souvent compliquées de lésions des plexus nerveux autonomes assurant
l’innervation urogénitale.
La fréquence en est très diversement
appréciée, de 10 à 70 % pour les complications urinaires, et de 40 à
100 % pour les complications sexuelles.
Il existe une grande disparité
dans la littérature, depuis ceux qui considèrent que l’impuissance est
inéluctable après ce type de chirurgie et qu’elle est même le garant d’une
exérèse carcinologiquement complète, jusqu’à ceux pour qui le respect
de cette innervation est possible sans pour autant compromettre la
qualité de l’exérèse.
Les études qui ont évalué de manière prospective
les résultats de la préservation ne sont pas nombreuses.
Enker et al,
dont les résultats carcinologiques sont très voisins de ceux de Heald, ont
récemment publié d’excellents résultats fonctionnels de cette
préservation. Parallèlement, les auteurs japonais ont décrit plusieurs
degrés de préservation de l’innervation en fonction de l’extension
locorégionale de la tumeur.
Le taux très élevé de séquelles
urogénitales qu’ils ont observé après les exérèses élargies latéralement
les ont amené à développer depuis le début des années 1980 des
interventions prenant en compte le respect de l’innervation autonome.
Après un rappel anatomique, nous décrirons la technique d’exérèse du mésorectum avec préservation de l’innervation autonome, avant
d’envisager à qui elle peut être appliquée.
Anatomie
:
A - Mésorectum
:
Le mésorectum est constitué de la graisse et des tissus
cellulolymphatiques qui entourent le rectum.
Il contient les
lymphatiques et les branches de division des vaisseaux et des nerfs à
destinée rectale.
Il est essentiellement développé en arrière, et sur les
côtés.
Il est entouré par une enveloppe assez fine, mais toujours
individualisable, qui est le feuillet viscéral du fascia pelvien ou fascia recti.
Les parois pelviennes sont elles recouvertes par le feuillet pariétal
de ce fascia pelvien, qui, en arrière, correspond au fascia présacré.
Ce
feuillet pariétal recouvre les vaisseaux pelviens et les branches
nerveuses du plexus sacrolombaire destinées aux membres inférieurs.
Il
existe entre ces deux feuillets, viscéral et pariétal, un espace de
glissement avasculaire, essentiellement présent en arrière.
C’est dans ce
plan que la dissection doit être menée, en respectant en permanence le
feuillet viscéral dont l’intégrité est le garant d’une exérèse complète du mésorectum.
À hauteur de la quatrième pièce sacrée, le feuillet présacré
fusionne en avant avec le feuillet viscéral qui enveloppe le mésorectum.
Cet accolement forme le ligament rectosacré dont la section ouvre la
partie terminale de la libération du mésorectum.
Sur les côtés, se
trouvent les ailerons ou ligaments latéraux.
Selon Heald et Enker, ils
ne correspondent pas à une réalité anatomique, mais à un artifice de
dissection : ils ne se trouvent individualisés que dans la traction du
rectum vers le haut.
Ils représentent cependant un certain point de fixité
latérale du mésorectum à la paroi latérale du pelvis, dû à des adhérences
fibreuses entre les feuillets viscéral et pariétal à cet endroit.
Le contenu
de ces « ailerons » est très variable. L’artère rectale moyenne n’y est
présente que dans moins d’un tiers des cas, et très souvent d’un seul côté.
On y trouve en revanche de manière beaucoup plus constante des
branches nerveuses à destinée rectale, issues des plexus pelviens
latéraux.
En dehors de ces quelques branches rectales, les nerfs et les
plexus pelviens ne pénètrent pas dans le mésorectum.
Ils cheminent en
dehors de celui-ci, contre le feuillet viscéral entourant le mésorectum.
B - Innervation autonome à destinée urogénitale
:
Elle est sous la dépendance des systèmes sympathique et
parasympathique, qui donnent chacun des branches qui fusionnent au
niveau des plexus pelviens.
De ces plexus pelviens naissent les
nerfs caverneux qui vont assurer l’innervation des corps caverneux.
– Le centre sympathique thoracolombaire T11, T12 et L1 donne des
branches somatiques et végétatives dont les fibres préganglionnaires
traversent les premiers ganglions de la chaîne sympathique lombaire
prévertébrale, puis vont rejoindre le plexus hypogastrique supérieur
situé devant l’aorte abdominale, entre l’origine de l’artère mésentérique
inférieure et la bifurcation aortique.
Ce plexus se divise dans l’angle de
la bifurcation aortique, un peu au-dessus du promontoire, en deux nerfs
hypogastriques droit et gauche, toujours parfaitement individualisables.
Ces deux nerfs relient le plexus hypogastrique supérieur aux plexus
pelviens.
Leur trajet est parallèle à celui des uretères, 1 à 2 cmen dedans
d’eux.
Ils cheminent au contact du mésorectum, mais en dehors de la
gaine postérieure de ce méso (fascia recti ou feuillet viscéral de ce méso)
dans lequel ils ne pénètrent pas.
Ils rejoignent de chaque côté le plexus
pelvien latéral.
– Du système parasympathique sacré naissent les nerfs érecteurs, issus
des branches antérieures des racines sacrées S2, S3 et S4.
Ceux-ci
cheminent sur la face antérieure des muscles pyramidaux, en arrière de
l’aponévrose pelvienne.
Ils sont moins faciles à voir que les nerfs
hypogastriques, sauf chez les sujets maigres.
Comme les nerfs hypogastriques, ils rejoignent de chaque côté le plexus pelvien latéral.
Cette réunion des nerfs hypogastriques, des nerfs érecteurs et des plexus
pelviens se fait sous la forme d’un Y inversé.
– Le plexus pelvien latéral ou hypogastrique inférieur est une lame
nerveuse située contre la paroi pelvienne latérale.
De forme
rectangulaire, étalé entre 5 et 11 cmde la marge anale, sa partie moyenne
est en regard du bord latéral des vésicules séminales.
Il correspond à ce
qui est décrit dans les traités d’anatomie sous le nom de lames sacrorectogénitales.
Il est en dehors du mésorectum, interposé entre ce
dernier et la paroi latérale du pelvis.
Il est traversé par l’artère rectale ou
hémorroïdale moyenne, branche de l’artère iliaque interne.
Le plan de
l’exérèse totale du mésorectum passe en dedans du plexus pelvien
latéral, alors que celui de l’exérèse élargie passe en dehors, contre la
paroi pelvienne latérale.
– Le nerf caverneux naît du plexus pelvien.
Il contient des fibres
sympathiques et parasympathiques.
Il a la forme d’un plexus de 12 mm
de large, qui diminue progressivement jusqu’à 6 mm au moment où il
rejoint le bord postérolatéral de la prostate.
Les fibres nerveuses sont
trop fines pour être vues, mais elles sont accompagnées à ce niveau par
l’artère capsulaire de la prostate et des veines prostatiques, formant les
bandelettes neurovasculaires de Walsh.
Ces vaisseaux satellites
permettent le repérage du trajet du nerf.
Le nerf caverneux chemine en
dehors de l’aponévrose de Denonvilliers, et il est ici très proche de la
face antérolatérale du bas rectum.
L’érection est sous la dépendance du parasympathique sacré.
L’éjaculation est sous la dépendance du sympathique lombaire.
En
assurant la contraction des muscles lisses de l’épididyme, du déférent et
des vésicules séminales, et en fermant le col vésical, il permet la
propulsion du sperme dans l’urètre prostatique.
Son traumatisme ou a
fortiori sa section entraîne une éjaculation rétrograde dans la vessie.
Les
fibres parasympathiques sacrées interviennent dans l’expulsion de
l’éjaculat par contraction des muscles périnéaux, de la musculature
urétrale et relâchement du sphincter strié.
Technique
:
Le premier temps de l’exérèse est représenté comme d’habitude par la
section de l’artère mésentérique inférieure.
Celle-ci est faite en
amont ou au niveau de la naissance des vaisseaux coliques supérieurs
gauches qui sont recoupés.
Il faut ménager les tissus celluloganglionnaires qui entourent le premier centimètre de l’artère, ce
qui n’empêche pas sa section au-dessus de l’origine de l’artère colique
supérieure gauche.
En effet, le plexus hypogastrique supérieur peut être
traumatisé lors de la section de l’artère mésentérique inférieure, si
celle-ci est faite trop près de sa naissance de l’aorte abdominale.
La
veine mésentérique inférieure est ensuite sectionnée au bord inférieur
du pancréas.
Bien que le bénéfice carcinologique d’une section haute des
vaisseaux mésentériques, au-dessus des vaisseaux coliques supérieurs
gauches, n’ait pas été démontré, celle-ci, avec la mobilisation
systématique et complète de l’angle gauche qui y est associée, est seule
à même de permettre un abaissement sans tension du côlon vers la partie
basse du pelvis.
L’intervention se poursuit par le curage ganglionnaire mésentérique
inférieur, préaortique.
Il existe un plan facile à trouver qui permet de
réséquer complètement le pédicule mésentérique inférieur et de faire un
curage ganglionnaire complet, sans pour autant racler la face antérieure
de l’aorte, car le plexus, qui chemine sur la face antérieure de l’aorte,
peut à nouveau être traumatisé lors de ce temps.
Le décollement rétrorectal est ensuite amorcé dans le plan qui sépare le
feuillet pariétal du fascia pelvien en arrière, du feuillet viscéral en
avant.
Ce dernier forme une enveloppe pour le mésorectum et ne
doit pas être ouvert sous peine de quitter le bon plan et de prendre le
risque d’une exérèse incomplète en pénétrant dans le méso.
L’origine
des nerfs hypogastriques peut être traumatisée lors de l’amorce du
décollement rétrorectal.
Une traction excessive du rectum vers le haut et
l’avant peut en effet entraîner une déchirure d’un des nerfs.
Il paraît donc
indispensable de suivre le plexus hypogastrique jusqu’à sa division et
de repérer dès cet instant dans la fourche de division aortique les deux
nerfs hypogastriques, le gauche étant souvent un peu plus difficile à voir
et donc plus à risque.
Il est en effet précroisé par le pédicule
mésentérique inférieur, alors que le droit est directement sous le
péritoine.
Le décollement rétrorectal n’est amorcé qu’une fois les deux
nerfs hypogastriques individualisés et éventuellement mis sur lacs.
Il
débute dans la fourche d’origine des nerfs et se poursuit sur la ligne
médiane, puis latéralement. Les nerfs hypogastriques doivent ensuite
être suivis sur tout leur trajet, de chaque côté, jusqu’au plexus pelvien
latéral.
En pratique, ce temps se fait de manière automatique avec la
libération du mésorectum des parois postérolatérales du pelvis.
La
visualisation des nerfs hypogastriques puis des plexus pelviens est le
garant que l’exérèse se fait dans le bon plan, sans ouverture du feuillet
viscéral qui enveloppe le mésorectum.
Cette libération doit simplement
être faite de la manière la plus atraumatique possible, en évitant
d’empaumer le rectum et de trouver le plan de dissection postérieur d’un
seul coup de main jusqu’à la pointe du coccyx.
Ce geste, certes rapide
mais quelque peu rustique, peut en effet traumatiser, plus bas et en
arrière, une ou plusieurs des branches du système parasympathique nées
des racines S2, S3 et S4, et qui cheminent à cet endroit juste sous le
feuillet pariétal représenté ici par l’aponévrose du pyramidal.
Celles-ci
peuvent être attirées avec le rectum lors d’une traction excessive de
celui-ci en avant et en haut.
Il faut au contraire privilégier la dissection à
vue aux ciseaux ou au bistouri électrique, qui permettra de suivre les
nerfs hypogastriques puis les plexus pelviens latéraux, et de ménager les
nerfs érecteurs.
On constate chemin faisant que cette dissection
se fait en permanence en dehors de la gaine du mésorectum qui n’est
ouverte à aucun moment.
Il n’y a pratiquement aucune hémostase à faire
en dehors de quelques petits vaisseaux aisément coagulés.
Il existe
quelques petites branches du plexus à destinée rectale qui sont
sectionnées.
Il n’est pas nécessaire de chercher à individualiser les
ailerons latéraux.
Au contraire, la section d’un aileron trop près de la
paroi pelvienne risque d’entraîner un traumatisme, voire la résection
involontaire du plexus pelvien homolatéral.
La dissection, qui se
prolonge au contact, mais en dedans des plexus pelviens latéraux,
rencontre une artère rectale moyenne, inconstante, qu’il peut être
nécessaire de lier de manière élective, sous contrôle de la vue, en
préservant le plexus.
Cette section doit être prudente, sans traction
sur les vaisseaux, car le plexus pelvien latéral est au contact, juste en
dehors.
Il arrive en fait assez souvent que le calibre de cette artère ne nécessite qu’une coagulation.
La dissection se poursuit ensuite jusqu’au
plan des releveurs de l’anus, sans préjuger du mode de rétablissement
ultérieur.
En regard de la quatrième pièce sacrée, les feuillets viscéral et
pariétal fusionnent sur la ligne médiane pour former le ligament rectosacré, dont la section ouvre la partie terminale de la dissection
postérieure qui va permettre de mettre à nu les releveurs de l’anus.
En avant, après incision du péritoine sur le versant antérieur du cul-desac
de Douglas, la dissection est menée comme à l’habitude au contact
des vésicules séminales, devant l’aponévrose prostatopéritonéale de
Denonvilliers, jusqu’à la base de la prostate où celle-ci est recoupée.
Au milieu, il n’existe aucun risque de traumatisme nerveux.
Ce risque est présent latéralement, en dehors de l’aponévrose de Denonvilliers, où chemine le nerf caverneux, qui est né du plexus
pelvien et qui se dirige vers la face postérolatérale de la prostate,
accompagné du pédicule capsulaire de la prostate (bandelettes
neurovasculaires de Walsh).
L’hémostase d’une plaie d’une veine
capsulaire peut entraîner un traumatisme de contact du nerf.
La
dissection est menée à cet endroit à proximité de la face antérolatérale
du rectum, en raison des rapports étroits de cette dernière avec les
bandelettes neurovasculaires.
Chez la femme, la dissection antérieure est menée contre la paroi
vaginale postérieure.
À la fin de cette dissection, le rectum pelvien et son méso se trouvent
ainsi complètement libérés de leurs attaches. L’aspect du mésorectum
est caractéristique, avec ses deux joues postérolatérales séparées par un
petit sillon médian.
Les nerfs caverneux sont également exposés lors du temps périnéal
d’une amputation du rectum.
Les bandelettes neurovasculaires sont
visibles, courant depuis la ligne médiane sur la face postérolatérale de la
prostate, en avant du rectum.
L’usage intensif du bistouri électrique ou
une dissection aveugle peuvent aboutir à un traumatisme des nerfs à cet
endroit.
À qui peut-on finalement proposer ce type
d’intervention ?
A - Exérèse totale du mésorectum
:
Elle trouve sa justification du fait de la présence de dépôts tumoraux
dans le méso, parfois sans continuité avec la tumeur, et qui dans 10 à
20 % des cas se trouvent situés à un niveau plus distal que le pôle
inférieur de la tumeur.
En pratique, ces éventuels îlots tumoraux ne sont
jamais situés à plus de 4 cmplus bas que la tumeur, si bien qu’une marge
de sécurité distale de 5 cmsur le méso est suffisante.
Une résection totale
du mésorectum ne se trouve donc pas justifiée pour les tumeurs du tiers
supérieur du rectum pour lesquelles la section distale du méso est faite
5 cm sous le pôle inférieur de la tumeur.
Ceci correspond en gros aux
tumeurs dont le pôle inférieur est au-dessus du cul-de-sac de Douglas.
En revanche, une résection totale du mésorectum est hautement
recommandée pour les tumeurs du moyen et du bas rectum, pour
lesquelles, du fait de la localisation basse de la tumeur, une marge de
sécurité distale de 5 cm sur le méso ne peut être obtenue, la distance
séparant la tumeur du plan des releveurs de l’anus étant inférieure à
5 cm.
Ceci correspond en gros aux tumeurs en partie ou totalement sous-péritonéales.
B - Préservation de l’innervation
:
La préservation ne doit pas se faire au détriment du risque de récidive
locorégionale.
Dans la technique d’exérèse totale du mésorectum avec
préservation de l’innervation, le taux de récidive locorégionale est de
4 % dans la série de MacFarlane et al, et de 7,8 % dans celle d’Enker
et al, qui n’ont retenu que les stades B2 et C, classiquement considérés
comme à haut risque de récidive pelvienne.
Ces taux très bas ont été
obtenus en l’absence de tout traitement néoadjuvant.
Ils montrent que
pour des tumeurs non fixées pour lesquelles une résection curative est
faite, la préservation de l’innervation est possible sans compromettre
pour autant les résultats carcinologiques.
Les auteurs japonais
préconisent une préservation plus ou moins complète de l’innervation
en fonction de l’extension de la tumeur et de la présence d’adénopathies.
Ainsi, pour Moriya et al, la préservation complète de toute
l’innervation autonome n’est justifiée que pour les tumeurs T2 de la
classification TNM, la résection des nerfs hypogastriques et la
préservation complète des seuls nerfs pelviens pour les tumeurs T3, et la
préservation partielle des nerfs pelviens quand il existe des adénopathies
métastatiques.
La préservation complète de l’innervation permet en
principe la conservation des fonctions d’érection, d’éjaculation et de
miction.
La préservation complète des seuls nerfs pelviens permet la
conservation de l’érection et de la miction, et leur préservation partielle
ne permet que celle de la miction.
La classification des patients est faite
sur l’échoendoscopie préopératoire, éventuellement complétée par une
imagerie par résonance magnétique (IRM) ou un scanner pelvien.
Cette attitude permet à ces auteurs d’obtenir un taux de récidive locorégionale
de 5,5 %.
Cette préservation « à la carte » des auteurs japonais repose
essentiellement sur la crainte d’un envahissement ganglionnaire latéral
qui les a amenés à réaliser dans ces cas des résections extensives
sacrifiant délibérément les nerfs.
Le bénéfice carcinologique de ces
résections élargies n’a cependant jamais été démontré par une étude
randomisée.
De même, il n’a jamais été démontré que le seul fait qu’une
tumeur dépasse l’épaisseur de la paroi rectale (T3) justifie en soi le
sacrifice délibéré des nerfs hypogastriques, ou qu’il ne faille conserver
que les branches S4 du parasympathique en présence d’une tumeur
s’accompagnant de métastases ganglionnaires (N+).
Il n’existe pas
d’études randomisées comparant le risque de récidive locorégionale en fonction du degré de préservation des nerfs.
Ainsi, s’il est évident que la
présence de métastases ganglionnaires augmente le risque de récidive
pelvienne, il n’est pas démontré pour autant que, dans ce cas, le fait de
réséquer les nerfs diminue ce risque de récidive.
La préservation de l’innervation autonome paraît donc indiquée pour
toutes les tumeurs peu développées localement, soit confinées à la paroi
rectale (T1, T2), soit même débordant dans le mésorectum (T3), mais
sans atteindre les limites latérales de celui-ci.
La présence
d’adénopathies ne paraît pas devoir modifier cette attitude, sauf si
celles-ci débordent latéralement les limites du mésorectum. Ceci est
donc applicable à la plus grande partie des tumeurs rectales mobiles au
toucher rectal.
La frontière entre exérèse curative et palliative est
représentée par le fascia recti entourant le mésorectum.
Quirke et al
ont souligné l’importance pronostique de la marge de sécurité
circonférentielle.
Lorsque celle-ci est nulle ou inférieure à 1 cm, le
risque de récidive locorégionale est considérable.
Ceci est le fait de
certaines grosses tumeurs T3 et des T4, fixées ou en voie de fixation au
toucher rectal, débordant les limites du mésorectum.
Dans ces cas,
même si le pronostic est dominé par le risque de survenue de métastases
à distance, la seule résection à visée curative envisageable est une
résection étendue emmenant les plexus.
Si le débordement se fait d’un
seul côté, la préservation controlatérale des nerfs est possible sans
compromettre l’évacuation vésicale et l’érection.
L’exérèse totale du mésorectum associée à la préservation de
l’innervation autonome dans la chirurgie du cancer du rectum est
devenue ces dernières années un sujet d’intérêt grandissant.
Les
résultats carcinologiques obtenus, et en particulier les très faibles taux
de récidive locorégionale, en font actuellement la technique de
référence pour les cancers du moyen et du bas rectum.
Ces résultats,
émanant d’équipes monocentriques très spécialisées, doivent être
validés à une plus large échelle. Un certain nombre de points restent à
préciser, notamment une plus grande corrélation entre l’anatomie, la
physiologie et la clinique.