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Santé Publique
État grabataire
Cours de santé publique
 


 

Un malade grabataire est incapable de façon temporaire ou définitive de quitter seul son lit.

Cet état touche surtout les sujets âgés.

Ainsi, 0,2 % des malades âgés de 19 à 59 ans sont immobilisés au lit contre 5 à 10 % des plus de 85 ans ; 200 000 Français âgés de plus de 65 ans sont incapables de se mouvoir spontanément.

Le malade grabataire va subir un ensemble de détériorations musculaires, ostéo-articulaires, cutanées, neurologiques, psychiques, viscérales et métaboliques.

Ces complications surviennent rapidement et sont volontiers paucisymptomatiques, imposant une surveillance attentive.

La physiopathologie de chacune de ces complications est souvent multifactorielle, aggravée par les effets du vieillissement chez les malades âgés.

Leur prévention impose surtout des mesures d’ordre général sauf dans quelques cas où des mesures spécifiques ont prouvé leur efficacité.

Étiologie :

Toutes les maladies invalidantes chroniques peuvent provoquer un état grabataire.

Trois mécanismes principaux sont alors observés :

• les conséquences directes des maladies comme le déficit de la motricité d’origine neurologique, la perte de l’efficience musculaire ou de la souplesse articulaire, etc. ;

• les douleurs induites comme les affections articulaires, les métastases osseuses, etc. ;

• les insuffisances fonctionnelles comme l’insuffisance cardiaque ou respiratoire, les déficits sensoriels, la dénutrition, etc.

Dans un contexte de maladies chroniques, des facteurs favorisant peuvent précipiter l’évolution vers un état grabataire.

Citons parmi ceux-ci :

• des facteurs psychologiques comme l’anxiété, la dépression, l’isolement voire les bénéfices secondaires tirés par le malade de son handicap… ;

• des facteurs institutionnels parmi lesquels l’attitude des soignants ou de l’entourage, l’inadaptation des locaux de soins ou du domicile, l’absence de programme de rééducation…

Les affections aiguës ne devraient entraîner qu’une immobilisation transitoire.

Cependant, chez des malades âgés aux capacités motrices intactes, on peut voir s’installer très rapidement un état grabataire par perte de motivation, asthénie ou douleur.

Le syndrome postchute avec phobie de la marche en est un bon exemple qu’il faut combattre par la rééducation précoce.

Enfin, il faut également insister chez les malades âgés sur l’origine iatrogène de certains états grabataires : sédation excessive par des psychotropes, syndrome extrapyramidal des neuroleptiques, hypotension orthostatique, etc.

Quant au « repos au lit » employé comme thérapeutique, son efficacité n’a jamais été réellement démontrée.

Cette sensibilité des malades âgés à la perte de motricité tire son origine des effets cumulés du vieillissement et des pathologies multiples.

Cette « fragilité » commence à être bien connue et peut être mesurée à l’aide d’outils quantitatifs ou qualitatifs dans le cadre de l’évaluation gériatrique standardisée.

Divers index ont été validés par des études principalement nord-américaines permettant d’identifier des facteurs de risque de constitution d’un état grabataire lors d’une pathologie aiguë.

Complications :

Elles sont multiples et touchent la plupart des organes et systèmes.

Certaines complications surviennent précocement, d’autres nécessitent une immobilisation prolongée.

Les effets du vieillissement contribuent souvent à leur apparition prématurée.

A - Manifestations cardiovasculaires :

• Les complications thrombo-emboliques surviennent précocement.

Elles sont favorisées par la stase veineuse localisée au niveau des valvules antiretour.

Les modifications des volumes liquidiens provoquent une augmentation de la viscosité sanguine.

Les contractions musculaires jouent un rôle important sur la pompe de retour veinolymphatique surtout au niveau du réseau profond sural.

Ainsi, leur absence augmente le risque thrombogène.

Ce risque est bien connu lors d’une immobilisation entourant une intervention orthopédique des membres inférieurs.

S’ajoute chez le sujet vieillissant le ralentissement du temps de circulation dû à l’atonie des veines musculaires.

• L’hypotension orthostatique survient après une immobilisation d’au moins une semaine.

Après 6 semaines d’alitement, les mécanismes de compensation de jeunes adultes sains sont incapables de maintenir la pression artérielle et le volume sanguin, ce qui provoque une hypotension lors du lever.

C’est la résultante de plusieurs événements : la perte du tonus musculaire entraîne un pooling veineux aux membres inférieurs, les réflexes neurovasculaires impliqués dans l’orthostatisme sont altérés par adaptation des récepteurs périphériques aux conditions vasculaires du décubitus, et enfin l’alitement provoque une diminution précoce de l’activité rénine plasmatique, de l’aldostéronémie et de la sécrétion d’hormone antidiurétique, entraînant une augmentation de la diurèse et une diminution des volumes plasmatiques et interstitiels.

Les affections veineuses, la perte du tonus musculaire aux membres inférieurs et la perte de la sensibilité des barorécepteurs carotidiens amplifient le phénomène chez le vieillard.

B - Escarres :

Le facteur le plus important est la pression. Il suffit de 10 minutes d’appui sur une surface portante pour qu’une nécrose cutanée se développe.

Outre l’immobilisation, les déficits neurologiques moteurs et sensitifs ainsi qu’un état nutritionnel altéré avec une hypoalbuminémie favorisent leur apparition.

Chez le sujet âgé s’ajoutent l’atrophie des tissus sous-cutanés, le dessèchement cutané qui majore l’effet râpe avec augmentation des forces de cisaillement ainsi que la baisse de l’adaptation de la volémie efficace dans la microcirculation.

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs est un facteur de risque majeur d’escarre talonnière.

Une pathologie aiguë, telle une fièvre, une déshydratation, un choc ou une anémie, augmente encore les probabilités de survenue d’une escarre.

Les localisations à risque sont, en décubitus dorsal, le sacrum et les talons, en décubitus latéral, les trochanters et les malléoles externes, et, en position assise, la région sous-ischiatique.

C - Compressions de nerfs périphériques :

Les nerfs adoptant un trajet superficiel sont les plus vulnérables.

La compression se fait au niveau des gouttières entre l’os et le plan du lit. Les nerfs les plus menacés sont le nerf cubital dans la gouttière trochléoolécranienne et la loge de Guyon, le nerf radial dans la gouttière bicipitale externe, le nerf sciatique poplité externe dans l’arcade fibreuse d’insertion du long péronier latéral.

D - Infections respiratoires :

Les pneumopathies infectieuses représentent la cause de décès la plus fréquente chez les malades immobilisés.

Le décubitus entraîne plusieurs perturbations : une diminution du volume courant pulmonaire, des atélectasies, des troubles de la déglutition et une réduction des capacités d’épuration des voies aériennes.

L’amplitude des mouvements respiratoires diminue lors de l’alitement.

En effet, le matelas exerce une résistance à l’expansion postérieure de la cage thoracique et la pression abdominale limite l’excursion diaphragmatique.

Les muscles respiratoires accessoires sont moins efficaces.

Les inspirations profondes sont moins fréquentes, ce qui empêche la ventilation des alvéoles collabées et favorise l’apparition d’atélectasies.

Le réflexe de déglutition est moins fonctionnel d’où la fréquence des fausses routes alimentaires.

Enfin, avec l’avance en âge, la cage thoracique devient plus rigide.

La réduction des fibres élastiques et l’augmentation des fibres de collagène diminuent la vidange pulmonaire lors de l’expiration et réduisent encore le volume courant.

La réponse immunitaire locale est altérée par la baisse des propriétés rhéologiques du mucus, la baisse des radicaux libres et des immunoglobulines A sécrétoires.

E - Troubles digestifs :

• Au niveau des ingesta : après 6 à 10 jours d’immobilisation, on observe une inversion de la balance azotée avec augmentation du catabolisme. Cette fuite protéique s’accompagne aussi d’une diminution de l’appétit chez ces malades.

Avec le vieillissement, il existe une réduction de la sécrétion salivaire et du goût.

Des facteurs psychologiques et médicamenteux peuvent en outre augmenter l’anorexie.

Le risque de dénutrition protéinoénergétique est très important.

• Au niveau de l’excrétion : il y a une diminution générale du péristaltisme.

Le transit alimentaire s’allonge considérablement.

À cela s’ajoutent l’inconfort psychologique de déféquer dans un lit et les changements d’habitudes de vie.

La constipation est donc fréquente ainsi que le fécalome, le tableau pouvant parfois donner une subocclusion intestinale. Le toucher rectal permet de repérer les fécalomes bas situés.

Pour rechercher ceux plus haut situés, la radiographie de l’abdomen sans préparation est utile.

F - Manifestations urinaires :

Le décubitus favorise la stase urinaire dans le système pyélocaliciel rénal, puisque les hiles sont orientés vers le haut, entravant l’écoulement libre de l’urine vers l’uretère.

Cette position gêne aussi l’efficacité de la miction.

La coordination de la contraction vésicale, avec le relâchement du périnée et du sphincter externe, est moins facile.

Il en résulte un résidu post-mictionnel avec parfois une rétention urinaire avec atonie vésicale et incontinence par regorgement.

L’infection urinaire est également favorisée par cette stase.

De plus, la composition de l’urine se modifie avec l’immobilité.

On observe une alcalinisation et une excrétion accrue de calcium, d’azote, de soufre, de phosphore, de sodium et de potassium qui témoignent du catabolisme du décubitus.

Associé à la stase, à l’infection et à la déshydratation, cela favorise la lithiase calcique.

Chez l’homme âgé, l’hypertrophie prostatique peut majorer les signes de dysurie.

G - Manifestations concernant l’appareil locomoteur :

• L’ostéoporose : lors du décubitus, on observe une prépondérance relative de l’activité des ostéoclastes, avec résorption de calcium et de phosphore du tissu osseux.

Cette ostéoporose d’immobilisation touche plus rapidement l’os trabéculaire ou spongieux, l’os cortical ne subissant des changements significatifs qu’après 3 ou 4 mois d’immobilité. Des fractures spontanées surviennent alors sur les côtes, les vertèbres et même le col fémoral et les os longs.

• L’amyotrophie et les rétractions tendineuses : l’absence de mouvement conduit à une diminution précoce et rapide du volume des masses musculaires.

En une semaine sous plâtre, la force musculaire d’un quadriceps est réduite de 40 %.

Sur le plan macroscopique, il existe une involution des fibres musculaires avec dédifférenciation des fibres II et I, ces dernières devenant prédominantes.

Sur le plan microscopique, outre la perte cellulaire et la prolifération du tissu conjonctif, il y a une raréfaction des capillaires.

Au niveau biochimique, l’immobilisation associée au vieillissement entraîne un ralentissement des mouvements intracellulaires de calcium d’où un ralentissement de la mise en tension et un allongement du cycle contractile.

Lors de la relaxation, la capacité du réticulum sarcoplasmique pour rétablir un gradient de calcium est diminuée par une baisse de la Ca2+ATPase.

D’autre part, l’absence de mouvement entraîne une ankylose progressive avec limitation des amplitudes articulaires.

Trois à 4 semaines d’immobilisation suffisent à raccourcir la longueur d’un muscle du fait d’une réduction de 40 % de la longueur des sarcomères.

H - Manifestations métaboliques :

Rapidement, le métabolisme de base est diminué avec accélération du catabolisme.

La perte de poids survient vite.

L’immobilisation entraîne aussi une anorexie relative et une diminution de la tolérance au glucose.

La déshydratation est fréquente majorée par une transpiration excessive.

I - Manifestations psychologiques :

L’immobilisation constitue un stress psychologique.

Les réactions émotionnelles ont tendance à être exagérées ou inappropriées.

Chez le sujet âgé, la confusion mentale survient volontiers, favorisée également par d’autres complications du décubitus tels le fécalome ou la rétention aiguë d’urines.

J - Manifestations douloureuses :

La douleur est un symptôme fréquent, d’origines multiples, qui mérite une mention particulière.

Les douleurs des états grabataires sont insuffisamment prises en compte et traitées, voire insuffisamment exprimées par des malades dépressifs, repliés sur eux-mêmes ou atteints de maladies altérant la communication avec autrui.

Le traitement obéit aux règles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des traitements antalgiques, avec une attention toute particulière portée aux effets secondaires digestifs des morphiniques.

Prévention des complications :

• Le traitement préventif, surtout chez le sujet âgé, est essentiel et il faut agir en amont.

Les délais diagnostiques des pathologies aiguës doivent être brefs.

Il importe de contrôler les pathologies chroniques, notamment cardiovasculaires et respiratoires.

Il faut prévenir les chutes et utiliser de manière adaptée les médicaments, notamment les psychotropes.

Quand l’immobilité est présente, il faut dès les premiers instants prévenir les complications précédemment citées.

Cela nécessite une prise en charge globale dans le cadre d’une équipe multidisciplinaire.

D’une manière générale, il est important :

– d’assurer une hydratation correcte afin d’éviter les complications digestives (le fécalome), urinaires (les infections), l’hypotension orthostatique et les escarres ;

– de combattre la dénutrition par des apports adaptés ;

– de mobiliser rapidement le patient en passif et en actif avec une mise précoce au fauteuil ;

– d’assurer une installation adéquate au lit afin d’éviter les attitudes vicieuses ;

– de veiller à une antalgie efficace.

• La prévention des manifestations thromboemboliques préconise outre la mobilisation et la pose de bas ou bandes de contention dans certains cas (blessés médullaires, hémiplégiques…), un traitement préventif par héparines de bas poids moléculaire.

Elles ont prouvé leur efficacité en particulier dans l’alitement post-chirurgie orthopédique.

En cas d’alitement prolongé d’un malade âgé, leur emploi dépend principalement de la présence d’autres facteurs de risque de thrombose veineuse.

• L’hypotension orthostatique se prévient par une réadaptation progressive à l’orthostatisme avec passage au fauteuil, éventuellement verticalisation sur lit basculant.

La contention peut aussi être utile.

Enfin, il faut traquer toutes les thérapeutiques hypotensives.

• Un nursage approprié avec surveillance de la peau et changements fréquents de position doit éviter les escarres.

Parfois, on peut être amené à utiliser du matériel spécifique : matelas et coussins préventifs antiescarres.

• Contre les infections respiratoires, il faut privilégier la kinésithérapie, proposer le drainage postural en décubitus latéral afin d’éviter les atélectasies.

Dans certains services de réanimation, des lits avec bascule en ventral sont utilisés.

Il convient d’éviter au maximum les médicaments à effets anticholinergiques ou antitussifs.

La vaccination antigrippale doit être systématique.

• Un positionnement adéquat et une mobilisation passive et active (isométrique et isotonique) précoce évitent dans la plupart des cas les complications ostéo-articulaires.

Une manutention correcte des patients limite les risques de fractures.

Il convient de surveiller le bilan phosphocalcique et de rechercher d’une carence en vitamine D.

• Pour éviter la constipation, il faut proposer régulièrement le bassin ou l’urinal si l’installation sur les toilettes est impossible.

On est parfois obliger de faire appel à des laxatifs et (ou) des lavements évacuateurs, voire à la stimulation anorectale.

• En cas de troubles de la déglutition, il faut insister sur l’importance de l’alimentation en position assise.

Ces troubles se manifestent surtout avec les liquides, l’apport d’eau gélifiée peut être une parade efficace.

• Une incontinence doit toujours bénéficier d’une évaluation complète.

Il s’agit souvent de mictions par regorgement.

Il faut rechercher l’obstacle, notamment prostatique, et l’infection urinaire. Un bilan urodynamique peut s’avérer utile y compris dans les cas de rétention urinaire.

Si celle-ci est importante, elle s’accompagne de « claquage » de vessie et la pose d’une sonde à demeure est nécessaire pour une durée d’environ 3 semaines.

À défaut, il faut effectuer des sondages intermittents itératifs.

• En conclusion : la prise en charge d’un patient grabataire impose une surveillance régulière, même quand l’immobilisation est ancienne et, a fortiori, s’il est hospitalisé depuis longtemps dans un service.

Il faut former et motiver le personnel paramédical ou la famille s’il est à domicile.

Ce sont eux les responsables de l’hydratation, de la surveillance de l’élimination, d’un nursage correct, d’une manutention adéquate, d’une partie du soutien psychologique et d’une surveillance régulière de l’état de la peau. Ainsi, ils jouent un rôle clé dans la prévention des complications.

Le kinésithérapeute doit intervenir précocement mais doit aussi entretenir à long terme.

Cette prise en charge est multidisciplinaire et requiert donc l’établissement d’un plan de soin cohérent, traitant les complications présentes et prévenant celles qui demeurent absentes.

La surveillance médicale clinique reste primordiale.

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