Les seules évocations de figures humaines qui nous soient
parvenues sont des « Venus ».
Sculptures réalisées en général sur
pierre dure, elles témoignent de peu de souci de l’esthétique faciale.
Le seul exemple d’une ébauche de visage est celui de la « dame de
Brassempouy ».
B - ANTIQUITÉ ÉGYPTIENNE ET GRECQUE
:
C’est en Égypte que se modèlent les images d’éternité des pharaons,
et des hauts dignitaires qui souhaitent renaître après la mort.
La
ressemblance est sans doute vague, car le visage est idéalisé, porteur
de l’idée de perfection, de grandeur, et d’équilibre.
Les faces sont
parfaitement symétriques, les profils sont généralement rectilignes
avec une biprotrusion labiale, car il s’agit de populations métisses :
négroïdes et caucasiennes.
C’est en Grèce que les philosophes Platon et Aristote élaborent un
concept de la beauté.
Elle est ressentie comme une forme
d’harmonie, engendrée par le respect de certaines lois géométriques,
de proportions plus heureuses que d’autres. L’idéalisation repose
sur la recherche de canons pour la tête et le corps.
C - RENAISSANCE :
Période particulièrement brillante en Italie dont l’esprit diffuse
progressivement au reste de l’Europe, elle est marquée sur le plan
artistique par le retour à l’antique et donc à la notion des
proportions et des canons comme en témoignent les travaux de
Léonard de Vinci et de Dürer.
Actuellement
:
Les psychologues ont démontré l’existence d’un « concept de
forme » : on ressent comme « beau » ce qui est conforme à ce qui est
le plus habituel dans les relations quotidiennes.
Il existe une base
commune de jugement de la beauté d’un visage quels que soient
l’âge, le sexe, la nationalité et les occupations professionnelles, ce
qui aboutit à une certaine uniformisation des goûts.
On parle du rôle des médias, dans l’évolution toujours plus rapide
des modes.
Les stéréotypes véhiculés, auxquels rêvent nos jeunes
patients, sont des composites de visages célèbres, de vedettes à
succès, de mannequins et autres prix de beauté.
Tout incline, dans
notre société, à la jeunesse, la sensualité, la liberté.
L’idéal de beauté
n’est plus vécu en termes philosophiques, mais en termes de bienêtre,
d’insertion et de réussite sociale, de santé.
Si on étudie la motivation des parents par rapport à ce problème
spécifique, on trouve un lien entre la recherche du bien-être
psychosocial de l’enfant et le niveau d’éducation. Pour les parents
les plus simples, la « santé » est invoquée.
Les « dents mal plantées »
sont ressenties comme une anomalie physique à corriger.
Une autre étude confirme que dans les classes sociales élevées, les
parents souhaitent que les enfants soient conformes à certains
standards (Peck et Peck).
Méthodes d’évaluation esthétique
:
A - ÉTUDE DES PHOTOGRAPHIES :
Méthode d’Izard :
La méthode d’Izard propose une classification des profils cutanés en
fonction de la situation des lèvres et du menton par rapport au
crâne.
Le profil optimal, orthofrontal, se situe à mi-chemin entre les plans
verticaux d’Izard et de Simon.
Il existe deux variations, selon qu’il
se déplace vers l’avant (transfrontal) ou vers l’arrière (cisfrontal) de
l’espace défini par les plans verticaux.
B - ÉVALUATION CÉPHALOMÉTRIQUE :
De 1937 à 1969, environ 35 études qui concernent la normalité des
rapports dentofaciaux, craniofaciaux et du profil cutané ont été
publiées dans la seule littérature orthodontique américaine.
Il est
hors de question d’en proposer l’inventaire, mais de choisir quelques
exemples parmi les méthodes les plus populaires, selon qu’elles
tiennent plus ou moins compte du nez.
1- Analyse de Ricketts :
Dans la méthode qu’il met au point dès 1954, les deux aspects
essentiels considérés sont la relation des lèvres avec les saillies du
visage et la forme générale du profil naso-labio-mentonnier.
Il choisit
« de scruter scientifiquement l’harmonie de la bouche et l’équilibre
des lèvres » en construisant une ligne appelée « E » comme
esthétique, qui joint le nez (pronasal) et au menton (pogonion
cutané).
Il concrétise ainsi une limite antérieure et définit un espace
à l’intérieur duquel se placent les lèvres dont on peut évaluer la protrusion relative.
La lèvre inférieure, plus proche de la ligne est
dominante.
Sa position reflète celle des deux arcades car elle est
soutenue par la relation interincisive.
La lèvre supérieure est
influencée plus simplement par la position des incisives maxillaires. Ricketts réalise l’importance de la saillie des joues.
Il imagine, en
1965, de tracer à partir du menton une ligne dite « C », tangente à
leur convexité.
Les lèvres se situent à mi-chemin entre les lignes E et
C.
Cette première étape franchie, Ricketts enrichit son analyse. Dès
1958, il pense en termes de volumes et donc de troisième dimension.
Il fait intervenir un nouveau paramètre : la largeur de la bouche.
Sur la photographie de face, il abaisse deux verticales à partir des
pupilles et se rend compte qu’en moyenne, les commissures se
situent à mi-chemin entre les ailes du nez et la verticale pupillaire.
La codification s’étend des bouches étroites, dont la largeur est
presque identique à la distance internarinaire, aux bouches larges
indiquant un traitement sans extractions pour éviter des angles
vides.
Dès 1970, Ricketts poursuivant sa quête d’équilibre et d’harmonie
reprend une technique classique : le recours à des « canons », et
parmi eux, le plus célèbre et universellement utilisé, la « divine
proportion » reposant sur le nombre d’or dont la formule
mathématique a été établie par Euclide et retrouvée à la Renaissance
par Fibonacci.
Après avoir fait fabriquer un compas, il « traque » l’existence de
cette « divine proportion » dans le visage de son mannequin favori.
Il la retrouve un peu partout, en particulier dans le sens vertical.
2- Analyse de Steiner
:
La ligne joint le menton au milieu de la columelle.
La règle est
simple : les lèvres sont tangentes en arrière de cette ligne.
Il retrouve
ainsi l’alignement du menton et des deux lèvres mis en évidence
par Riedel dans son échantillon des « jeunes reines de beauté »
de Seattle.
3- Analyse de Burstone :
La ligne est tracée du menton au point sous-nasal : elle élimine
complètement le nez, jugé trop individuellement variable.
Les deux
lèvres débordent naturellement d’une quantité évaluée par l’auteur
à 3,5 mm plus ou moins 1,4 mm pour la lèvre supérieure et à 2,2 mm
plus ou moins 1,6 mm pour la lèvre inférieure.
Avant d’aborder le problème de l’esthétique faciale sous un autre
point de vue, il convient de s’interroger sur la validité de ces
techniques et en premier lieu de rappeler les bases sur lesquelles
elles se fondent.
Il s’agit de cas isolés (Ricketts), de sujets présentant une bonne
occlusion et jugés satisfaisants sur le plan esthétique (Steiner), ou de
cas choisis uniquement sur leur valeur esthétique par des nonprofessionnels
: artistes, enseignants et ménagères (Burstone) ou par
le public d’un concours de beauté (Riedel).
Mais, la véritable question qui se pose est celle de l’existence d’un
lien entre les standards céphalométriques qu’utilisent les praticiens
pour établir leurs projets de traitement et le jugement du public,
donc des parents ou des patients eux-mêmes.
Une étude menée par Peck et Peck sur un échantillon de 52
adultes dont trois hommes, d’âge moyen 21 ans, de race blanche,
recrutés pour leur beauté reconnue par le public (mannequins, prix
de beauté, vedettes), valide les standards céphalométriques.
Les
auteurs notent chez les non-professionnels une légère tendance à
apprécier des caractéristiques dentofaciales un peu plus protrusives,
qu’il s’agisse de la convexité squelettique (de 0 à 3,4°) ou de la
position de la denture.
S’il était nécessaire de décrire les principales méthodes d’évaluation
que les praticiens utilisent quotidiennement lors de l’étude de leurs
dossiers orthodontiques, il est indispensable de prendre conscience
que l’analyse que l’on fait d’un visage s’effectue essentiellement en
observant le patient.
Avec un regard posé sur le visage tantôt de face, tantôt de profil,
l’analyse des formes doit conduire à attribuer simultanément aux
structures faciales une valeur plastique et fonctionnelle.
L’évaluation
esthétique est l’élément clef dans le choix des objectifs de traitement.
Facteurs de l’harmonie faciale
:
La beauté repose sur des éléments concrets : les proportions, l’état
de surface et l’expressivité (Philippe).
Seul le premier élément
relève de l’orthodontie.
Il se doit d’être détaillé car cette notion en
recouvre d’autres : équilibre des saillies et des dépressions et
harmonie du modelé.
A - PROPORTIONS EN ELLES-MÊMES
:
Ce sont des données fondamentales car elles fixent le cadre presque
irréductible en l’absence de recours orthopédique ou chirurgical,
dans lequel s’intègre la denture, et auquel il faudra s’adapter tout
en tentant de le valoriser si possible.
1- Symétrie
:
Les notions de frontalité et de symétrie du corps humain, y compris
celles du visage, sont inscrites dans l’inconscient collectif depuis la
plus haute Antiquité.
Toutes les figures sculptées des époques
archaïques puis classiques, qu’il s’agisse de dieux ou de rois, se
présentent de face.
Elles sont construites en équilibre autour d’un
axe principal de symétrie, le plan sagittal médian, qui du visage aux
pieds, marque leur verticalité, laquelle évoque le redressement
ancestral de l’homme dans la nature, symbole de sa dignité.
Reprise
au Moyen
Âge, avec les figures hiératiques des Majestés, la symétrie
accompagne le sacré et appartient à l’idéal de perfection.
La symétrie absolue, celle de l’image en miroir n’existe pas dans la
nature, elle est toujours relative, mais elle n’échappe pas au regard
et l’oeil enregistre intuitivement toutes ses perturbations.
Le plan sagittal médian du visage passe entre les deux yeux, franchit
la pointe du nez pour retomber au niveau de la gouttière filtrale et
s’achever au milieu du menton.
Il est rectiligne.
Les plans horizontaux joignent les pupilles, les ailes du nez et les
commissures de la bouche. Ils sont perpendiculaires au plan sagittal
médian et donc parallèles entre eux.
Tout est symétrie dans le plan
frontal.
Côté droit et côté gauche sont équivalents dans leur
développement transversal et vertical.
2- Hauteur de l’étage inférieur
:
De l’hypodivergence qui oblige les lèvres à s’éverser faute d’espace
pour se dérouler complètement à l’hyperdivergence qui les empêche
de se joindre sans effort, ses variations sont considérées avec une
certaine appréhension par les orthodontistes.
Des échecs essuyés lors
de tentatives de l’augmenter lorsqu’elle est trop faible, à
l’impuissance de la maîtriser lorsqu’elle est trop grande, ils ont vite
compris qu’il s’agissait d’un partenaire dont le manque de
coopération pourrait confiner à l’hostilité, face à toute manoeuvre
thérapeutique.
Tous les cliniciens chevronnés préconisent le contrôle
de cette dimension : maîtrise du plan occlusal, maîtrise de
l’égression et des versions des dents postérieures.
L’« indice
vertical » est au premier plan de l’évaluation du degré de difficulté
et du pronostic d’un cas.
La hauteur de l’étage inférieur de la face est certainement
déterminée, sous contrôle génétique, par l’équilibre des muscles
masticateurs répartis en élévateurs et abaisseurs de la mandibule.
Interviennent sans doute, bien que l’on ne sache réellement
comment, tonus, longueur des muscles et synchronisme des
contractions au cours des fonctions.
C’est une donnée
incontournable, quel que soit l’âge du patient, car elle signe une
typologie dont les conséquences sur la thérapeutique sont
considérables.
3- Équilibre sagittal des bases maxillaire
et mandibulaire :
Il détermine la forme du profil qui varie selon les patients, de la
convexité à la concavité en passant par une situation moyenne de
rectitude relative.
Au-delà des possibilités offertes par le tracé de
plans verticaux sur la photographie, tels que le préconisait Izard,
l’appréciation de la distance sous-mentale constitue un excellent
indice.
Si le menton fuit en direction des oreilles ou avance vers le
nez, le praticien perçoit une situation anormale, une disproportion
qui le gêne.
Il en évalue l’effet peu esthétique et la gravité de
l’obstacle qu’il constituera secondairement pour normaliser
l’occlusion dentaire.
Les grands déséquilibres interdisent toute solution de « compromis
acceptable » pour reprendre la formule de Steiner.
En aucun cas, on
ne pourra envisager de les masquer, il faudra les traiter.
C’est
l’analyse de la forme générale du visage, et des rapports labiaux en
position de repos et d’occlusion dentaire qui fonde un jugement,
lequel ne s’établira fermement qu’après étude de la téléradiographie.
B - MODELÉ DU PROFIL :
On n’écrira jamais assez que le visage d’un patient est constitué de
saillies et de dépressions dont la fonction majeure est de créer une
animation, en structurant un modelé.
Les saillies n’attirent la lumière
que grâce aux dépressions qui retiennent l’ombre.
Sur les
photographies en noir et blanc, comme sur un tableau, c’est le jeu
combiné des zones claires et sombres qui fait naître le relief de
l’image.
Les dégradés du gris suivent fidèlement le trajet de la
lumière et en facilitent la lecture.
L’axe médian est occupé par quatre saillies de valeurs différentes :
le front, le nez, les lèvres et le menton que viennent équilibrer
latéralement celles des pommettes et des joues.
Des zones de
dépressions les relient.
Au centre, il s’agit des jonctions frontonasale,
nasolabiale, et interlabiale, du sillon labiomentonnier, et de
chaque côté, des cavités orbitaires.
Toute la force ou la faiblesse des
traits du visage résulte de la valeur relative des unes et des autres.
De profil, l’ensemble constitue une série de S qui se répondent et
dont la valeur relative donne à la ligne du profil son caractère particulier.
C’est la ligne que gravent les médailleurs sur les
monnaies frappées par les princes et que reprendront les peintres à
la suite de l’école florentine, celle qui cerne le contour et définit la
forme en la détachant du fond sur lequel elle s’appuie.
Selon Peck et Peck, l’étude des photographies de leur échantillon
montre que dans 50 % des cas, Sn est plus marquée que Sm et que
dans 40 % des cas, ces dépressions sont équivalentes.
Ces deux
courbes sont plus marquées que N.
L’étude de Lines, Lines et Lines est très intéressante sur ce point,
car elle permet d’approfondir le rôle esthétique joué par chacun des
éléments du modelé considéré isolément, en tenant compte du sexe
du sujet.
Après la constitution d’un jury de 347 participants divisé en trois
groupes selon leur entraînement à juger de l’esthétique faciale, les
orthodontistes ont été considérés comme le groupe le plus entraîné,
suivi du groupe constitué de chirurgiens, d’omnipraticiens,
d’étudiants et d’hygiénistes et enfin du groupe non professionnel.
Des maquettes de profil permettent de faire varier saillies et
dépressions : sept séries de cinq maquettes sont proposées au jury
qui doit indiquer sa préférence en fonction du sexe.
Les résultats
sont très intéressants car des différences se marquent qui révèlent la
continuité, à travers les âges, de certains stéréotypes dans
l’inconscient collectif.
Ils montrent que la différenciation sexuelle
joue un rôle non négligeable tant en ce qui concerne les saillies que
les dépressions, ainsi que le montre la superposition des tracés
composites.
Ainsi, l’on souhaite des contours plus affirmés chez un
homme.
La forme du profil labial est plus rectiligne (+ 10°) avec une
proéminence relativement plus accentuée du nez et du menton et
les zones de jonction, qu’il s’agisse de l’angle nasolabial ou de la
zone labiomentonnière, sont plus aiguës.
Simultanément, les
propositions d’un orthodontiste comme Steiner et les choix de la
Grèce classique (IVe siècle avant JC) trouvent une confirmation.
Pour
les femmes, la préférence se porte sur un profil labial plus protrusif,
une proéminence plus faible du menton, et des angles de jonction
plus adoucis, que l’on considère la zone labiomentonnière ou l’angle
nasolabial qui s’ouvrira davantage. Les idéaux contemporains
voisinent avec les canons grecs à 5° près en moyenne, sauf l’angle
labiomentonnier et l’angle nasolabial qui sont moins aigus.
C - SOUPLESSE DES CONTOURS :
Si l’on commence par apprécier la répartition et l’équilibre des
saillies et des dépressions, qui structurent le visage, on perçoit
ensuite le rôle des lignes qui dessinent formes et contours.
La
souplesse des contours qui permet aux courbes et aux contrecourbes
de se succéder sans interruption, comme un mouvement
musical, crée un effet de douceur et de féminité.
Les ruptures avec
des angles vifs donnent en revanche de la vivacité et de l’énergie.
Elles sont les bienvenues dans tous les visages, mais surtout ceux
des garçons dont elles accentuent les caractères de virilité.
Normalement, les contours labiaux sont souples, les lèvres sont
détendues et la bouche est fermée sans effort.
La concavité légère de la partie cutanée de chaque lèvre se casse au
niveau d’un ourlet, pour devenir convexité, dans la zone vermillon cutanéomuqueuse.
Le profil labial s’ordonne donc
harmonieusement. La région sous-nasale et la zone
labiomentonnière offrent deux transitions douces avec les saillies du
nez et du menton.
Aucun angle vif, aucun méplat, aucun bombé ne
doivent rompre cette alternance régulière qui modèle le profil, en
créant le jeu d’ombres et de lumière qui lui confère sa qualité
plastique.
Tout étirement qui aplatit un contour ou brise sa
continuité, toute contraction qui s’exprime par un gonflement
trahissent l’effort musculaire et indiquent l’existence d’un
comportement d’adaptation.
L’évaluation esthétique fait largement appel au sens artistique du
praticien, manifesté essentiellement dans son sens des proportions.
L’harmonie fonctionnelle est perçue indirectement, à travers
l’analyse des mêmes formes.
Cette fois, l’interprétation des faits est
soumise au savoir et à l’expérience.
C’est le raisonnement
alternativement inductif et déductif qui transformera les observations en diagnostic.
Il importe donc d’évaluer l’équilibre au
repos, mais aussi les habitudes fonctionnelles, en essayant de
discerner ce qui se maintiendra car d’origine structurelle, donc
génétique et ce qui pourra évoluer car secondaire aux dysharmonies dentosquelettiques qui seront corrigées, aux obstacles ventilatoires
ou aux forces déformantes qui seront supprimés.
On entre déjà dans
le domaine du diagnostic étiopathogénique.
C’est à Burstone que l’on doit l’étude la plus passionnante et aussi
la plus significative concernant la posture labiale, dont toutes les
conclusions ne pourront être rapportées ici.
Examinant un échantillon de 32 sujets, filles et garçons âgés de 13 à
15 ans, de race blanche, sélectionnés sur la base de l’esthétique
faciale, dans un groupe de 3 000 enfants, par un jury non
professionnel (enseignants, artistes et ménagères), il établit
l’existence d’un espace interlabial moyen de 1,8 mm lorsque les
arcades dentaires sont en occlusion et de 3,7 mm, en position de
repos mandibulaire.
Le passage d’une position mandibulaire à
l’autre s’accompagne d’un mouvement imperceptible du menton, le
rôle de la lèvre inférieure est prédominant.
Le chemin de fermeture
connaît de grandes variations en fonction du surplomb interincisif,
de la protrusion ou de la rétrusion dentaire et de l’espace interlabial
au repos.
L’espace au repos est le produit de plusieurs facteurs : la hauteur de
l’étage inférieur, la longueur des lèvres et en particulier de la lèvre
supérieure, la protrusion dentaire.
Pour évaluer la longueur relative
des lèvres par rapport à la hauteur squelettique, l’auteur détermine
la hauteur totale de l’étage inférieur par une mesure linéaire
effectuée perpendiculairement au plan palatin.
Il divise en deux
parties cette distance : la partie supérieure est comprise entre le point sous-nasal et le stomion (point le plus bas de la lèvre supérieure), la
partie inférieure est comprise entre le stomion (point le plus haut de
la lèvre inférieure) et le gnathion.
Le rapport établi entre les deux
parties est de 2 : 1.
En moyenne, la longueur de la lèvre supérieure est de 24 mm chez
les garçons et de 20 mm chez les filles.
Si elle connaît des variations
importantes, elle n’est pas plus courte dans le cas de malocclusions
de la classe 2 division 1, comme le montre la comparaison avec un
échantillon de 20 filles et garçons âgés de 12 à 14 ans.
Dans ce type de malocclusion, la protrusion de la lèvre n’est pas
seulement liée à la version vestibulaire des incisives, mais aussi à
l’épaisseur des tissus mous au niveau sous-nasal et à l’adaptation
de la lèvre à la face vestibulaire de l’incisive maxillaire.
Enfin, l’étude d’un échantillon de jeunes édentés avec bourrelet
d’occlusion montre qu’il existe une position de repos des lèvres qui
est indépendante ou partiellement indépendante de la denture et du
support alvéolaire et qui varie considérablement entre les sujets.
Ces conclusions sont confirmées par une étude EMG de Gustafsson
et Alghren.
L’étude concerne un groupe de 20 enfants non traités
présentant différents types de malocclusions.
La moitié d’entre eux présentent une occlusion labiale non forcée et les autres une inocclusion labiale au repos.
Il est possible de mettre en évidence,
chez tous les sujets, une position lèvres détendues sans activité EMG
décelable.
Dans 80 % des cas, en position lèvres jointes, il existe une
légère activité de la zone mentonnière, même si les lèvres semblent
cliniquement compétentes.
Elle augmente de manière significative
dans les cas d’inocclusion labiale, avec une participation de
l’orbiculaire supérieur variable selon les sujets.
Il existe une
corrélation positive avec le décalage des bases et la version
vestibulaire des incisives.
Ricketts s’est concentré sur les dysfonctions labiomentonnières.
Sa classification, présentée à l’origine en cinq groupes : brièveté des
lèvres, tension labiale, contraction mentonnière, interposition labiale
et contracture labiomentonnière, a été remise à jour.
Les sujets sont
regroupés en trois classes présentant chacune trois subdivisions.
Le
passage d’une catégorie à l’autre traduit un effort grandissant pour
fermer la bouche, une extension de la participation de la
musculature péribuccale et une complexification des mécanismes
mis en oeuvre.
Le degré de difficulté est jugé différemment selon la
nature des causes invoquées.
Dans la classe I, la dysfonction est limitée aux lèvres.
Il peut s’agir d’une dysharmonie primaire, d’origine génétique (IA).
Si les deux lèvres sont courtes, la béance interlabiale est
considérable et la posture habituelle s’établit en permanence
« bouche ouverte « laissant apparaître la face vestibulaire des
incisives maxillaires.
Le rapport interincisif, privé du contrôle de la
lèvre inférieure, est plus largement soumis à la pression linguale.
Le
plus souvent, seule la lèvre supérieure est concernée.
Il s’agit de ces
lèvres « rebiquantes » dont J. Philippe déplorait l’indépendance de
caractère.
Prochéilie supérieure (I-B) ou inférieure (I-C) sont les deux
variations principales.
Dans la classe II, la dysfonction labiale s’accompagne d’une
hyperactivité de la musculature mentonnière.
Ricketts distingue trois
conditions de gravité croissante selon que s’ajoutent à la protrusion
dentaire, le décalage des bases de Classe II et l’excès vertical
antérieur.
La participation de la musculature mentonnière est alors
permanente.
Si la protrusion de la denture augmente, la tension labiale
permanente ne suffit plus, pour que les lèvres se rejoignent (II-A).
Il
faut adjoindre une contraction et l’élévation de la houppe du
menton.
L’angle nasolabial augmente et le sillon labiomentionner
s’efface.
Lorsque la tension de la lèvre supérieure est importante, on
note, de face, un effacement des sillons nasogéniens et un
gonflement de sa partie médiane qui trahit la contraction de
l’orbiculaire.
Ces mécanismes de compensation s’amplifient lorsque
les conditions squelettiques s’aggravent et que les facteurs se
cumulent : hauteur faciale inférieure augmentée (II-B), denture
protrusive et face longue (II-C).
Une « boule » de tissus mous vient
alors se masser en regard des apex des incisives mandibulaires ; le
contour symphysaire s’aplatit.
Le revêtement cutané du menton
prend l’aspect caractéristique d’une peau d’orange.
Dans la classe III, les conditions de l’occlusion labiale deviennent
difficiles, la musculature péribuccale intervient.
L’existence d’un important surplomb horizontal interincisif suscite
l’interposition de la lèvre inférieure entre les arcades dentaires.
Elle
s’enroule contre la face palatine des incisives maxillaires, ce qui
provoque son éversion et accentue la concavité de la zone labiomentonnière.
Le bord libre des incisives maxillaires apparaît
entre les lèvres non jointes.
La position de la lèvre supérieure
dépend de son tonus, de sa morphologie et de l’importance de la
version vestibulaire des incisives maxillaires (III-A).
Cette situation doit être différenciée de la contracture labiomentonnière (III-B).
La partie profonde de la lèvre inférieure
est plaquée contre l’arcade dentaire et s’applique comme une sangle
sur la région alvéolaire antérieure qui est, en général, rétrusive et
présente des signes d’encombrement.
L’action conjuguée du
buccinateur et de l’orbiculaire inférieur transforme la jonction labiomentonnière en un véritable sillon.
La saillie mentonnière se
trouve accentuée de manière peu esthétique.
L’hyperactivité et sans
doute l’hypertrophie du carré du menton sont d’origine génétique.
Cette disposition se rencontre fréquemment associée à des
malocclusions de classe II division 2 ou division 1, chez des sujets
présentant une rotation mandibulaire antérieure.
Enfin, la dernière
catégorie est celle où la contraction périorale implique les muscles
canins et triangulaires.
Les angles externes des narines se déplacent
en bas et en dehors (III-C).
Conclusion
:
La structure du visage s’apprécie différemment au repos et en
mouvement, lorsque la mimique reflétant les mouvements de la vie
intérieure fait alterner les expressions de la relation aux autres et du
repli vers soi-même.
Il faut donc prendre le temps d’une assez longue
consultation pour qu’à partir de la sensation globale de dysharmonie
puisse s’élaborer une compréhension de l’équilibre des constituants.
Si
la première se fonde sur une intuition que rien ne peut remplacer, la
seconde nécessite une éducation préalable du regard à l’analyse des
formes.
Il s’agit d’acquérir une technique qui permette de distinguer
dans un visage :
– ce qui ne doit pas être modifié, car c’est un des éléments de la
personnalité du patient ;
– ce qui ne peut être modifié, à cause d’une détermination génétique
ou simplement d’une situation hors de notre portée d’action ;
– ce qui devrait et pourrait être transformé de manière positive.
Toutes les méthodes, qualitatives ou quantitatives, sont valables si elles
conduisent à se poser des questions, à apprivoiser progressivement ces
notions si abstraites d’harmonie et d’équilibre, et à les transformer en
jalons pour l’établissement des plans de traitement.