Les endophtalmies, de par leur gravité potentielle, suscitent toujours
un intérêt soutenu de la part des ophtalmologistes et des
infectiologues.
Ainsi, une recherche bibliographique dans la base de
données Medline sur les 5 dernières années permet de retrouver
environ 1 000 références pour une recherche sur le simple mot
« endophtalmies ».
Depuis 5 ans les présentations cliniques de cette
maladie redoutable et redoutée sont demeurées à peu près
constantes.
Un progrès appréciable est venu de la publication des
résultats d’une grande étude américaine Endophthalmitis
Vitrectomy Study (EVS) qui nous permettent de mieux prendre en
charge les endophtalmies et de mieux préciser les modalités
thérapeutiques.
Malgré tout, les précautions visant à respecter les
règles d’hygiène élémentaires sont les meilleurs garants contre cette
terrible maladie qui touche plusieurs centaines de patients par an
dans notre pays.
Les progrès réalisés en matière de détection des germes par biologie
moléculaire, de nouvelles substances modulant la toxicité des microorganismes,
le raffinement continuel de nos techniques chirurgicales
ainsi que la mise en place de protocoles et de procédures dans le
cadre de l’accréditation des établissements de santé permettront sans
doute de diminuer le nombre des endophtalmies.
Définition et classification
:
Les endophtalmies constituent des présentations cliniques différentes
et répondent à des étiologies variées.
En pratique clinique, le terme endophtalmie est souvent synonyme d’infection oculaire profonde
survenant principalement en postopératoire et menaçant gravement
la fonction visuelle et parfois l’anatomie du globe oculaire.
Ces catégories ne sont
pas étanches et les présentations cliniques et les étiologies peuvent
se superposer ; l’essentiel étant qu’en cas de doute l’on ne passe pas
à côté d’une infection profonde dans la période postopératoire.
Les endophtalmies endogènes ou encore métastatiques sont dues à
la dissémination par voie hématogène des agents infectieux : elles
surviennent dans des circonstances particulières en dehors de la
chirurgie oculaire.
Dans les endophtalmies exogènes, la date d’apparition des signes
permet de situer l’endophtalmie aiguë pendant la première
semaine postopératoire, la forme subaiguë allant de la deuxième à
la fin de la quatrième semaine postopératoire alors que la forme
chronique débute après le premier mois.
Cette classification, outre
qu’elle n’est pas partagée par tous les auteurs, est un peu arbitraire
car l’intensité des signes cliniques est également à prendre en
compte.
D’autre part, le caractère infectieux des endophtalmies repose
souvent sur la clinique plutôt que sur la bactériologie puisque,
avec les moyens actuels de détection, il n’est pas retrouvé de
germe dans plus d’un tiers des endophtalmies présumées
infectieuses.
Incidence
:
Elle dépend essentiellement de la date des études prises en compte,
du pays considéré et du type de chirurgie.
La fréquence globale de
l’endophtalmie postopératoire est passée de 10 % au début du
XXe siècle à un peu moins de 1 ‰ aujourd’hui.
Une enquête prospective réalisée en France en 1989 a permis
d’établir un taux d’endophtalmie après chirurgie réglée de 32 pour
10 000 interventions.
Pour la chirurgie réglée, la fréquence de l’endophtalmie varie
suivant le type de chirurgie réalisé.
Agents responsables
:
A - ORIGINE :
Les sources de contamination sont nombreuses mais les plus
fréquentes sont la contamination aérienne, celle en rapport avec les
solutés et les médications utilisées pendant la chirurgie, les tissus
du patient et du chirurgien, et enfin la contamination des
instruments utilisés pendant la chirurgie.
B - NATURE :
1- Flore conjonctivale du sujet sain :
Comme pour la peau, la flore microbienne à la surface oculaire est
extrêmement riche.
Ces germes appelés saprophytes vont en fait
coloniser les milieux intraoculaires à la faveur d’une chirurgie à
globe ouvert ou d’un traumatisme perforant.
Les germes à Gram
positif sont de très loin prédominants, et l’on note la fréquence des
germes saprophytes tels que corynébactéries et Propionibacterium
acnes.
Les champignons représentent sur la conjonctive saine un
faible pourcentage global, de l’ordre de 2 % chez le sujet jeune à 5 %
chez le sujet âgé.
Chez les jeunes enfants, les germes respiratoires et oto-rhinolaryngologiques
tels que streptocoques et Haemophilus influenzae
sont beaucoup plus fréquents que chez l’adulte.
2- Germes retrouvés dans les endophtalmies :
Les prélèvements endoculaires ont permis de dresser
l’épidémiologie des agents responsables.
Dans les endophtalmies
postchirurgicales, les germes à Gram positif viennent en tête avec
une fréquence d’environ 70 %, partagés en 40 % pour Staphylococcus
epidermidis, 10 % pour les staphylocoques dorés, 10 % pour les
streptocoques et 10 % pour les autres germes à Gram positif.
Les
germes à Gram négatif représentent environ un tiers et même moins
des étiologies avec Pseudomonas, Proteus et les klebsielles, pour ne
citer que les plus fréquents.
Les mycoses sont exceptionnellement
rencontrées après chirurgie de la cataracte.
Le caractère relativement
spécifique de la flore pour une intervention donnée a été souligné
ces dernières années.
Ainsi, dans la chirurgie de la cataracte, les
staphylocoques à coagulase négative sont retrouvés dans près de 50
à 60 % des cas d’endophtalmie aiguë.
Ils sont également cultivés
dans les endophtalmies dites chroniques mais à un degré moindre
que Propionibacterium acnes.
Dans la chirurgie des glaucomes et de
la greffe de cornée, les streptocoques sont les germes le plus souvent
isolés.
Enfin, il faut savoir que dans le domaine oculaire, comme dans bien
d’autres spécialités, de nombreux Staphylococcus epidermidis
habituellement peu virulents sont maintenant résistants aux
thérapeutiques classiques.
B - FACTEURS FAVORISANTS :
La virulence et l’importance de l’inoculum, la qualité des tissus et
l’altération des défenses de l’opéré (immunosuppression) sont
difficiles à apprécier en pratique.
La qualité de la cicatrice joue un rôle prépondérant, des anomalies à
ce niveau dans les endophtalmies du pseudophaque sont souvent
rapportées.
Il faut y rattacher les endophtalmies survenant après
ablation de sutures cornéennes.
L’issue de vitré multiplierait le taux d’endophtalmie par quatre selon
une étude rétrospective.
Elle peut être associée à l’incarcération
de vitré dans la cicatrice.
Le diabète, qu’il soit insulinodépendant ou non, a été retenu comme
un facteur de risque avec un taux d’endophtalmie également
multiplié par quatre.
La chirurgie de seconde intention dans la cataracte s’accompagnerait
d’un taux plus élevé d’infection, 0,30 % contre 0,072 % dans la
chirurgie de première intention.
Les implants intraoculaires à anses en prolène conduiraient quatre
fois plus souvent à une endophtalmie que les implants monobloc en
PMMA, l’adhérence des staphylocoques aux anses en prolène
étant deux fois plus importante que pour les anses en PMMA.
Diagnostic
:
A - CLINIQUE :
Ils sont plus ou moins bruyants et associés entre eux.
Aucun n’est pathognomonique et ils peuvent manquer, notamment
la douleur.
Le problème est en fait d’établir un diagnostic très
précoce pour mettre en route le traitement adéquat, gage d’un
pronostic acceptable.
Dans l’EVS, une tentative de corrélation entre
les signes cliniques et les germes a montré que les diabétiques
étaient plus volontiers infectés par Staphylococcus epidermidis alors
que les infiltrats cornéens, les anomalies de la cicatrice, la perte du
reflet pupillaire, l’acuité visuelle initiale égale aux perceptions
lumineuses et le début des signes dans les 2 jours après la chirurgie
répondaient plutôt à des germes à Gram négatif ainsi qu’à Gram
positif autres que les staphylocoques à coagulase négative.
L’hypopion était plus marqué pour les germes à Gram négatif que
pour les staphylocoques à coagulase négative.
Ces associations sont
intéressantes à connaître mais ne permettent pas de guider un
traitement spécifique d’emblée.
B - PRÉLÈVEMENTS :
Ils sont réalisés avant tout traitement mais ne doivent en aucun cas
différer sa mise en route. Ils supposent une excellente collaboration
avec le laboratoire.
L’examen direct (humeur aqueuse et vitré) est réalisé sur deux lames
après avoir mis une goutte du prélèvement sur chacune d’elles.
Les
colorations le plus souvent employées sont le Gram et le Giemsa.
Dans l’EVS, un résultat positif a été obtenu dans 18,9 % des cas.
La culture est réalisée après avoir inoculé les milieux suivants :
gélose au sang, gélose chocolat et Sabouraud pour les milieux
solides.
Les milieux anaérobies sont propres à chaque laboratoire.
Les prélèvements conjonctivaux et au niveau de la plaie sont de peu
de valeur, de même que ceux de la cicatrice.
La ponction de chambre antérieure est négative une fois sur deux.
Le prélèvement vitréen est le plus contributif et peut revenir positif
dans plus de 75 % des cas.
Dans l’EVS, l’humeur aqueuse a permis
une culture positive et non équivoque dans 22,5 % des cas contre
54,9 % pour le vitré pur.
Il doit être réalisé par une voie d’abord
à la pars plana au vitréotome pour éviter les tractions vitréennes.
Cependant, le prélèvement à l’aiguille ne conduit pas forcément à
des complications rétiniennes.
En cas de vitrectomie, il est
nécessaire de filtrer le liquide de perfusion endovitréen.
En pratique,
il faut souvent reconnaître un taux de culture positive beaucoup plus
bas, voisin de 37 %.
La polymerase chain reaction est de plus en plus utilisée mais
demande des moyens en temps et en argent.
Elle peut identifier
jusqu’à 100 % de germes contre 0 % avec les cultures traditionnelles,
ce qui est fort utile dans les endophtalmies chroniques.
En
revanche, il est difficile actuellement d’obtenir un antibiogramme
ou son équivalent avec cette technique.
C - EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :
L’échographie oculaire est utile pour apprécier des condensations
vitréennes, un épaississement de la choroïde et des débris
cristalliniens dans le vitré.
Elle peut mettre en évidence un
éventuel décollement de rétine avant la vitrectomie.
Formes cliniques
:
A - ENDOPHTALMIES ENDOGÈNES :
La présentation clinique de ces endophtalmies, dites aussi
métastatiques, est assez semblable aux autres endophtalmies.
En
revanche, c’est surtout le terrain sur lequel elles surviennent qui est
différent.
Suivant les études, la fréquence varie de 2 à 8% de
toutes les endophtalmies.
On retiendra la plus grande fréquence
sur l’oeil droit et les formes bilatérales.
Les arguments en faveur
sont :
– l’absence de chirurgie ou de traumatisme oculaire antérieurs ;
– un foyer septique tel que endocardite, infection gastro-intestinale,
septicémie ;
– une intervention récente sur les voies intestinales ou urinaires
(lithotripsie) ;
– une diminution des défenses chez le diabétique, par exemple, ou
l’immunodéprimé par les traitements administrés ou la maladie ellemême,
enfin chez les drogués.
Les germes le plus souvent retrouvés sont Staphylococcus aureus, les
streptocoques, Bacillus cereus, Escherichia coli et Klebsiella.
Les
mycoses sont plus fréquentes dans ce groupe que dans les endophtalmies exogènes, notamment chez les héroïnomanes.
Les
hémocultures et le prélèvement du foyer infectieux initial s’ajoutent
aux prélèvements endoculaires.
Les modalités thérapeutiques
sont les mêmes que pour les autres types d’endophtalmie.
Le fluconazole par voie systémique a montré son intérêt.
En Asie, les infections hépatobiliaires à Klebsiella pneumoniae
survenant chez le diabétique en sont la principale source, alors que
les bactéries à Gram positif d’origine cardiaque, cutanée ou
articulaire frappent plutôt la population occidentale.
Le pronostic
est le plus souvent très sévère.
B - ENDOPHTALMIES CHRONIQUES SEPTIQUES :
Ici, les manifestations inflammatoires débutent après un intervalle
libre postopératoire d’au moins 1 mois et se prolongent bien audelà,
évoluant sur un mode torpide, égarant ainsi le diagnostic et
retardant d’autant le traitement.
Elle surviennent essentiellement
après chirurgie de cataracte et de glaucome, et sont parfois
favorisées par la discision de la capsule postérieure au laser YAG, libérant
ainsi le contenu capsulaire.
1- Endophtalmies chroniques et germes anaérobies
:
Si environ dix cas d’endophtalmie seulement étaient attribués à des
bactéries anaérobies jusqu’en 1977, pendant l’année 1987 environ
22 cas ont été rapportés. Depuis, la littérature n’a cessé de s’enrichir
de nouvelles descriptions.
Les germes anaérobies à Gram positif,
comme ceux du genre Propionibacterium, correspondent à une
symptomatologie le plus souvent torpide sur le plan clinique chez
le pseudophaque.
Néanmoins, plusieurs cas survenant après des
traumatismes oculaires, au décours d’une chirurgie filtrante ou de
kératoplasties, ont pu se présenter sous le masque d’une endophtalmie bactérienne aiguë.
Peptostreptococcus, autre germe
anaérobie, mais cette fois non obligatoire, a été également rapporté.
Propionibacterium acnes est une bactérie anaérobie obligatoire à Gram
positif pléomorphe non sporulée, dont la virulence est faible, et qui appartient à la flore commensale de la peau et des muqueuses.
Lors
de l’implantation, le cristallin artificiel est très facilement contaminé
par les germes conjonctivaux résiduels.
Or, le milieu anaérobie que
représentent la capsule postérieure et le vitré est très propice au
développement de ces germes.
Ce germe pourrait agir comme un adjuvant lors de certaines
réactions immunitaires.
Sa présence, alliée à la conjonction de
masses cristalliniennes négligées, permettrait alors à la réaction
inflammatoire de s’amorcer sur le mode d’une uvéite phacoantigénique.
Le tableau clinique est celui d’une inflammation torpide survenant
après une période postopératoire tout à fait calme, sous la forme
d’une iridocyclite granulomateuse.
La douleur, la rougeur, la
photophobie sont modérées et on peut alors observer des précipités
blanchâtres à la face postérieure de la cornée, de même que sur la
capsule postérieure du cristallin, qui peut être biopsiée.
L’hypopion
est fréquent.
La bonne réponse aux corticoïdes locaux donnés pour
ce que l’on pense être un problème aseptique est la règle et retarde
d’autant le traitement.
L’examen direct à la coloration de Gram et de Giemsa est le plus
souvent négatif.
Les résultats anatomopathologiques de débris capsulaires enlevés
ont montré des macrophages, des cellules géantes et épithélioïdes
qui ne sont pas caractéristiques de cette affection mais que l’on
trouve aussi bien dans l’uvéite phacoantigénique.
Il faut avertir les
bactériologistes de cette recherche de germes anaérobies pour qu’ils
conservent les cultures au moins 2 semaines car Propionobacterium
acnes met souvent 7 à 8 jours pour commencer à pousser.
Les prélèvements vitréens, contrairement aux endophtalmies
septiques aiguës, sont le plus souvent négatifs par rapport aux
prélèvements aqueux, cette infection étant localisée à la capsule
postérieure et au sac capsulaire.
2- Autres endophtalmies septiques chroniques
:
De nombreux germes on été isolés depuis ces dernières années.
Ce
sont des bactéries saprophytes à faible virulence comme Staphylococcus epidermidis, les corynébactéries, et certains
champignons comme Candida torulopsis ou Candida parapsilosis, mais
également des germes à Gram négatif.
Récemment une épidémie
d’endophtalmies chroniques a été rapportée après l’utilisation de
viscoélastique contaminé par Bacillus, germe plus fréquemment
rencontré après traumatisme avec une évolution fulminante.
La
clinique et l’évolution sont semblables, mais la variété des germes
mis en cause rend compte de l’intérêt de l’identification de l’agent
pathogène, bien que souvent très difficile à cause du faible inoculum
et des multiples traitements déjà reçus.
C - ENDOPHTALMIES APRÈS CHIRURGIE CORNÉENNE
:
1- Chirurgie réfractive
:
Si les infections de surface peuvent poser des problèmes
thérapeutiques difficiles, les cas d’endophtalmie après chirurgie
réfractive et notamment la kératotomie radiaire sont exceptionnels.
Après LASIK (kératomileusis in situ) et PKR (photokératectomie
réfractive), l’endophtalmie est encore plus rare.
Cependant, la chirurgie à globe ouvert comme dans les implants myopiques expose au risque d’endophtalmie.
2- Kératoplasties :
Les endophtalmies après greffe de cornée peuvent survenir très
rapidement après la chirurgie ou plus à distance.
* Incidence :
Elle est évaluée classiquement entre 0,2 et 0,4 %.
En analysant de
façon rétrospective le taux de réhospitalisation pour endophtalmie
après kératoplastie transfixiante, Javitt, sur une cohorte de plus de
40 000 cas sur 3 ans, a mis en évidence un taux d’endophtalmie de
0,77 % dans les 6 mois après la chirurgie.
Ce taux monte à 1,03 %
quand une vitrectomie antérieure est associée.
Les anomalies de
la surface oculaire sont des facteurs favorisants, de même que les
sutures et leur ablation.
* Nature et origine des germes
:
Les bactéries retrouvées sont souvent des germes à Gram positif :
parmi celles-ci, les streptocoques posent des problèmes
thérapeutiques difficiles avec un mauvais pronostic.
Certains germes
à Gram négatif comme Pseudomonas et Klebsiella, de même que des
champignons comme Candida albicans sont également cultivés.
Dans un peu plus de la moitié des cas, le même germe est retrouvé
sur le donneur et le receveur, ce qui permet d’affirmer une
contamination par le greffon.
Le risque de développer une endophtalmie est de l’ordre de 12 à 22 fois plus grand quand la
culture de l’anneau cornéoscléral est positive.
* Conséquences pratiques :
La décontamination du globe donneur demeure essentielle et la
culture systématique de l’anneau cornéoscléral du greffon permet
d’identifier les sujets greffés à risque de contamination.
La
conservation en culture d’organe est actuellement le moyen le plus
sûr pour diminuer ce risque infectieux.
D - ENDOPHTALMIES APRÈS CHIRURGIE DE GLAUCOME
:
1- Facteurs favorisants :
La bulle de filtration pourrait être une voie d’entrée des germes.
Une
conjonctive fine, ischémique, dont les systèmes de défenses sont
modifiés par les instillations répétées d’antiglaucomateux est
vulnérable aux agressions des micro-organismes.
De plus, la fuite
de la bulle augmente par 26 le risque d’infection de la bulle de
filtration.
Les conjonctivites : elles sont potentiellement dangereuses et
plusieurs cas d’endophtalmies ont été rapportés après des épisodes
de conjonctivite.
Le patient doit en être averti.
Les lentilles de contact : l’irritation chronique locale que peut
provoquer la lentille et les risques de surinfection font déconseiller
ce mode de correction chez les patients porteurs d’une bulle de
filtration.
Les antimétabolites : leur utilisation de plus en plus intensive ces
dernières années a contribué à la formation de bulles exubérantes,
avec un risque de surinfection non négligeable, aussi bien avec le
5 fluoro-uracile (5FU) qu’avec la mitomycine C.
Si des rapports ont
montré que l’incidence de l’endophtalmie n’augmente pas avec
l’usage des antimétabolites, la plupart des auteurs signalent un
taux plus élevé d’endophtalmies après usage de 5FU et de
mitomycine C.
Pour Solomon, le taux d’endophtalmie en
l’absence d’antimétabolites est de 0,3 %, pour atteindre 0,8 % avec le
5FU donné en postopératoire et 1,3 % pour la mitomycine
administrée en peropératoire.
Ainsi, sur une période d’environ 5
ans, les patients ayant reçu du 5FU par voie sous-conjonctivale
avaient un taux d’infection oculaire de 11,5 % contre 2,7 % chez ceux
qui avaient bénéficié d’une trabéculectomie sans antimétabolites.
L’infection de la bulle, l’usage des antimétabolites et le diabète ont
été reconnus comme les facteurs principaux des endophtalmies
après chirurgie filtrante.
Les sutures relargables sont également une source potentielle
d’endophtalmie.
Le site de la trabéculectomie : après l’utilisation de mitomycine, une
trappe de trabéculectomie placée à 6 heures augmente le risque
d’endophtalmie par 8 par rapport à une trappe située sur le
méridien de 12 heures.
2- Germes en cause
:
Dans les formes aiguës, Staphylococcus epidermidis, comme dans les
endophtalmies après chirurgie de cataracte, est souvent identifié.
Les germes le plus fréquemment cultivés dans les formes à début
retardé (parfois plusieurs dizaines d’années après la chirurgie
initiale) sont le streptocoque et Haemophilus influenzae d’origine
pulmonaire et de la sphère oto-rhino-laryngologique.
Ces streptocoques sont très virulents et produisent des dégâts
tissulaires rapidement importants.
Le pronostic des endophtalmies
à streptocoques est très mauvais.
3- Infections superficielles :
Les infections superficielles après chirurgie du glaucome se
rencontrent sous la forme d’ulcères cornéens, notamment après
l’injection de 5FU, et de conjonctivites qui n’ont rien de
spécifique, mais qui peuvent conduire à une endophtalmie.
Une
forme particulière est l’infection isolée de la bulle de filtration
(blebite) qui peut alors contenir un liquide grisâtre, voire purulent.
Les antibiotiques fortifiés sont ici indiqués et l’évolution, si la prise
en charge est rapide, est le plus souvent favorable.
4- Infections profondes :
* Endophtalmie aiguë et subaiguë
:
Au décours de la chirurgie ou très à distance (plusieurs années), le
point de départ est souvent la bulle infectée.
Rapidement, les
signes sont bruyants et l’évolution très rapide.
* Endophtalmie chronique
:
La présentation et l’évolution se manifestent sous un masque
torpide, comme lors d’une intervention de cataracte.
Le pronostic
est souvent très mauvais ; pourtant, dans la plupart des cas, des
signes d’inflammation sont notés plusieurs jours, voire plusieurs
semaines avant, et une meilleure attention de l’ophtalmologiste
associée à une bonne éducation du patient permettraient
d’intervenir plus tôt.
E - ENDOPHTALMIES APRÈS CHIRURGIE DE CATARACTE
:
Malgré tous les raffinements de la chirurgie de la cataracte,
l’endophtalmie après cette chirurgie à tort banalisée peut encore
venir détruire les espoirs du patient et la crédibilité du chirurgien.
1- Contamination
:
Depuis qu’une étude utilisant la biologie moléculaire a prouvé que
dans plus de 80 % des cas les germes responsables des endophtalmies proviennent de la conjonctive du patient, il apparaît
que la contamination conjonctivale joue un rôle prépondérant, bien
que non exclusif, dans le développement d’une endophtalmie.
Ainsi, la chirurgie extracapsulaire s’accompagne forcément d’une
contamination de l’humeur aqueuse, évaluée de 5 % à plus de
40 %, ce qui ne correspond pas évidemment à autant
d’endophtalmies.
La chirurgie extracapsulaire manuelle avec
pression négative par aspiration au niveau de la berge sur un globe
non étanche est propice à cette contamination.
En revanche, la phacoémulsification qui utilise une pression positive autoriserait une
contamination moindre.
Mais les machines utilisées peuvent
constituer en elles-mêmes un réservoir de germes.
2- Incidence
:
Elle est liée aux progrès des techniques d’asepsie et chirurgicales.
Il est intéressant de considérer cette incidence selon la
technique employée.
En fait, à partir de publications sur un grand
nombre de cas, la fréquence de l’endophtalmie après chirurgie
de cataracte est à peu près la même après extraction intracapsulaire,
extraction extracapsulaire manuelle ou en phacoémulsification.
Il est
utile de rappeler que ce taux est multiplié par quatre après vitrectomie antérieure et après implant de seconde intention.
Sur une cohorte de plus de 120 000 patients ayant bénéficié de
chirurgie de cataracte extracapsulaire manuelle ou en phacoémulsification
avec hospitalisation classique, le taux de
réhospitalisation pour endophtalmie à 1 an était de 0,12 %.
Pour
le même type de chirurgie et pour la période de 1986 à 1987, ce taux
passait à 0,08 % lorsque les interventions étaient réalisées en
ambulatoire.
Cette différence statistiquement significative
s’expliquerait par des progrès techniques et la soustraction des
patients aux risques des infections nosocomiales liées à
l’hospitalisation classique.
3- Facteurs de risque
:
Le rôle du diabète, de l’issue de vitré et des anses en prolène a déjà
été mentionné.
* Incisions sans sutures
:
Plusieurs cas d’endophtalmies ont été rapportés sur certains types
d’incision sans sutures utilisés en phacoémulsification.
La dissection
d’un volet scléral trop fin accompagné de nécrose sclérale a pu
favoriser ce type d’infection.
L’incision en cornée claire non suturée
bien réalisée est sûre quant aux risques d’endophtalmie.
* Implants et adhésions des germes :
La mise en place des cristallins artificiels pose le problème de
l’inoculation de germes de la conjonctive dans la chambre
antérieure.
L’adhésion des bactéries constitue la première étape qui conduit
ensuite à la formation d’un biofilm ; elle dépend des matériaux
utilisés.
Cette première étape est médiée par des forces
physicochimiques, des protéines de surface, notamment les
adhésines.
La deuxième dépend d’un antigène appelé polysaccharide intercellular adhesin dont la production dépend d’un gène appelé ica.
Or, il a été montré que l’adhérence de germes habituellement
retrouvés dans les endophtalmies est plus grande quand ce gène est
présent.
* Prothèses :
Sur l’oeil non opéré, on aura soin de repérer l’existence d’une lentille
à port permanent, par exemple, ou d’une prothèse oculaire, car les
germes à Gram négatif colonisent avec élection ces corps étrangers
et peuvent conduire à des contaminations controlatérales
catastrophiques.
* Chirurgie simultanée des deux yeux
:
La chirurgie des deux yeux dans le même temps n’augmente pas en
elle-même le risque d’endophtalmie.
Néanmoins, si l’infection survient dans les deux yeux à la fois, la situation n’en est que plus dramatique. Il faut reconnaître que, grâce aux progrès de
l’anesthésie, le nombre d’indications de chirurgie de cataracte
bilatérale est rare ; il doit de toute façon être pesé face au risque
majeur d’une infection bilatérale.
4- Germes
:
* Bactéries :
La responsabilité de Staphylococcus epidermidis, germe dit
saprophyte, dans les endophtalmies aiguës aussi bien que
chroniques ne cesse d’augmenter.
Il est retrouvé dans plus de 50 %
des cas, voire 90 %.
Dans l’EVS, sur 69,3 % de cultures positives,
les germes à Gram positif représentent 94,2 % et ceux à Gram négatif
6,5 %.
Parmi les 323 germes isolés (flores mixtes y compris), les
staphylocoques à coagulase négative comptent pour 70 %,
Staphylococcus aureus pour 10 %, les streptocoques pour 9 %, les
entérocoques pour 2,6 % et les autres germes à Gram positif pour
3 %.
Les germes à Gram négatif ne représentent que 5,9 %.
Tous les
germes à Gram positif étaient sensibles à la vancomycine alors que
10 % des germes à Gram négatif étaient résistants à l’amikacine et à
la ceftazidime.
* Mycoses :
Les endophtalmies mycotiques après chirurgie de cataracte sont
exceptionnelles.
Ainsi, de 1969 à 1986, Plugfelder rapporte 19 cas
d’endophtalmies exogènes mycotiques dont cinq cas après chirurgie
réglée ; parmi ces cinq cas, trois sont survenus après chirurgie
extracapsulaire en première intention et deux cas étaient dus à une
contamination du liquide d’irrigation intraoculaire.
5- Présentation clinique :
S’il existe encore des endophtalmies aiguës dans les tout premiers
jours postopératoires après chirurgie de cataracte, la
plupart des cas se manifestent par des formes chroniques à début
retardé.
Cette nouvelle présentation est étroitement liée à la chirurgie
« dans le sac », et encore souvent mal connue des cliniciens.
Plus récemment, l’EVS a montré que les signes les plus fréquents
après chirurgie de cataracte et implantation secondaire sont la vision
trouble, la rougeur et l’infection conjonctivale, la douleur et l’oedème
palpébral. Mais l’hypopion et la douleur manquaient chez un patient
sur quatre.
F - ENDOPHTALMIES APRÈS TRAUMATISME PERFORANT
:
La virulence des germes rencontrés, les dégâts tissulaires associés,
font que le pronostic de ces endophtalmies est plus sombre qu’après
chirurgie réglée.
Enfin, le diagnostic n’est pas aisé, notamment à
cause de la douleur qui peut être liée au traumatisme lui-même.
La
fréquence de l’infection endoculaire après traumatisme perforant est
difficile à déterminer.
L’existence d’un corps étranger intraoculaire
(CEIO) multiplie environ par deux le risque infectieux, de 5,2 à
10,7 %.
Pour d’autres auteurs, les chiffres retrouvés après CEIO
varient de 4,7 à 13,3 %.
Le délai de prise en charge est à prendre en compte ; ainsi, dans les
traumatismes oculaires avec CEIO, le risque de développer une
endophtalmie est de 3,5 % si la réparation chirurgicale initiale est
effectuée dans les 24 heures.
Ce taux passe à 13,4 % après 24 heures. Cependant, le délai idéal d’ablation du CEIO reste encore
discuté.
Diagnostic :
L’interrogatoire peut orienter vers une mycose si des éléments
végétaux sont en cause, alors que des souillures en provenance du
sol ou des particules métalliques peuvent faire suspecter la présence
de Bacillus.
Les prélèvements microbiologiques sont très utiles. Réalisés sur les
berges de la plaie, ils peuvent déjà rechercher un germe, avec un
rendement assez faible, de l’ordre de 26 % de cultures positives pour
les CEIO.
Les germes à Gram positif représentent environ 75 % des germes.
Le plus fréquent parmi les germes à Gram positif est Staphylococcus
epidermidis.
Ensuite vient Bacillus cereus dont la fréquence a
considérablement augmenté ces dernières années dans les
publications anglo-saxonnes, atteignant 25 à 30 % suivant les
séries.
Rapidement se développe une douleur très importante avec des
réactions inflammatoires marquées.
Un anneau oedémateux périphérique au niveau de la cornée serait assez caractéristique et
entraînerait un abcès cornéen.
De plus, des signes généraux ont été
décrits, avec fièvre modérée et hyperleucocytose, ce qui est très rare
dans les endophtalmies.
L’association de ce germe à un CEIO
métallique a été souvent mentionnée.
Les streptocoques sont notés dans la proportion d’environ 10 % et
les germes à Gram négatif, tels que Pseudomonas, Proteus, Serratia,
sont cultivés dans environ 10 à 20 % des cas.
Pour les mycoses après
traumatisme, la fréquence oscille entre 2 et 15 %.
G - ENDOPHTALMIES APRÈS CHIRURGIE
RÉTINOVITRÉENNE :
La chirurgie de la rétine et du vitré est généralement plus longue
que la chirurgie du segment antérieur.
Elle utilise différents fluides
(solutés, gaz expansifs, silicone, perfluorocarbones), et exige bien
souvent l’introduction dans la cavité vitréenne de nombreux
instruments spécifiques (notamment pour la chirurgie maculaire).
De plus, le vitré est quasiment dépourvu de moyens de défense
contre l’infection.
Malgré tous ces éléments a priori favorables au
déclenchement d’une endophtalmie, le taux d’infection après ce type
de chirurgie est relativement bas.
L’emploi systématique de filtres
millipores pour l’injection des gaz, de même que l’utilisation
fréquente des antibiotiques ajoutés au liquide de perfusion endoculaire permettent peut-être d’expliquer ces faits.
Là encore, les patients diabétiques sont des sujets particulièrement à
risque.
Le pronostic de ces endophtalmies est souvent mauvais, car
le diagnostic est difficile à établir sur un oeil déjà inflammatoire, ce
qui retarde souvent le traitement.
H - ENDOPHTALMIES CHEZ L’ENFANT :
L’endophtalmie sévit également après chirurgie du strabisme lors
de points perforants. Les traumatismes à globe ouvert touchent
surtout les jeunes garçons.
Enfin, l’utilisation des antimétabolites,
nécessaires bien souvent dans les glaucomes congénitaux, fait peser
un risque non négligeable bien qu’inévitable sur cette population à
durée de vie longue.
I - ENDOPHTALMIES DE CONTIGUÏTÉ
:
Des kératites bactériennes ou des anomalies de la surface oculaire
(syndrome sec, dystrophie du pseudophaque) peuvent conduire, en
l’absence de traitement adéquat, à d’authentiques endophtalmies.
J - ENDOPHTALMIES NON INFECTIEUSES :
Ici le terme uvéite remplace souvent le mot endophtalmie.
Le
diagnostic de ces uvéites n’est pas facile, ce qui peut être lourd de
conséquences.
En effet, passer à côté d’une endophtalmie infectieuse
peut aboutir a une catastrophe tant le retard au diagnostic et au
traitement est un facteur capital dans le pronostic des
endophtalmies.
Il est classique de distinguer les inflammations dites toxiques
(cristallin artificiel, rupture de la barrière hématorétinienne, solutés,
substances intracamérulaires) et les inflammations liées au cristallin
lui-même.
1- Inflammations toxiques :
Les signes cliniques rapportés sont classiquement plus modérés que
dans une endophtalmie septique, avec notamment l’hypopion stérile
du troisième jour.
Le traumatisme chirurgical, la réaction à corps
étrangers due aux implants eux-mêmes, la toxicité éventuelle des
monomères de PMMA, les haptiques, les procédés de manufacture
et de stérilisation, ont été décrits comme la source de ce toxic lens
syndrome il y a une vingtaine d’années.
Une forme particulière et
ancienne associait une uvéite, un glaucome et un hyphéma (UGH
syndrome) à l’époque des premiers implants de chambre antérieure.
Aujourd’hui, la qualité des procédés de fabrication et leurs contrôles
ont grandement contribué à la quasi-disparition de toutes ces
réactions.
Elles doivent de nos jours être considérées comme rares,
après avoir éliminé toutes les autres causes d’inflammation
postopératoire.
2- Inflammations dues au cristallin :
Elles seraient dues à une modification de la tolérance immunitaire
aux protéines du cristallin.
Trois grands tableaux sont
habituellement décrits : le glaucome phacolytique, l’uvéite
phacotoxique et l’uvéite phacoanaphylactique, plus justement
appelée uvéite phacoantigénique.
Les signes cliniques n’ont rien de spécifique et sont très peu corrélés
à la définition histologique de la maladie, c’est-à-dire une réaction granulomateuse à corps étrangers avec des cellules géantes
multinucléées bordées par une couche monocellulaire non
spécifique.
L’uvéite phacoantigénique se présente sous le masque d’une uvéite
granulomateuse qui peut survenir dès le premier jour
postopératoire.
Une forme moderne de cette affection est représentée
par les réactions inflammatoires observées après luxation de matériel
cristallinien dans le vitré lors de la phacoémulsification.
Le
traitement en est l’ablation des résidus cristalliniens et l’usage d’antiinflammatoires
puissants.
Après un traumatisme perforant, elle
est suspectée devant un oeil inflammatoire après rupture de la
capsule antérieure.
L’uvéite phacotoxique en est une variante anatomopathologique.
Le glaucome phacolytique survient avec des cataractes
hypermatures.
Cliniquement, le tableau est celui d’un glaucome aigu
avec oeil rouge et pression oculaire élevée, mais l’angle iridocornéen
est ouvert.
La chirurgie de la cataracte et les anti-inflammatoires
ramènent le calme rapidement mais pas forcément le contrôle du
tonus oculaire.
L’implication des germes comme adjuvants a été évoquée plus haut
et il est possible que les progrès de la biologie moléculaire
permettront d’attribuer une étiologie infectieuse à ce que l’on croyait
aseptique.
La place restante pour ces uvéites présumées non
infectieuses serait donc fortement diminuée au profit des endophtalmies chroniques.
La période postopératoire est donc riche
en complications potentielles car les étiologies possibles de
l’inflammation sont multiples.
Traitement
:
Il comporte deux volets, l’aspect préventif et le traitement curatif.
A - TRAITEMENT PRÉVENTIF :
Le traitement le plus gratifiant des endophtalmies postopératoires
demeure le traitement préventif, avec une attention particulière pour
l’asepsie et l’antisepsie.
1- Asepsie :
C’est l’ensemble des moyens qui permettent de diminuer la
contamination par les germes de façon non spécifique.
La vigilance
est exigée de tout le personnel du bloc opératoire qui doit être
idéalement réservé à la chirurgie oculaire (salles et personnels).
L’attention porte sur :
– les locaux : aménagement, circulation, contrôle de l’eau, de l’air ;
– la stérilisation des instruments : nettoyage, stérilisation ou
décontamination dans le respect des procédures ;
– le matériel à usage unique : champs, drapage des cils, tubulures
de machines utilisées pour la chirurgie.
2- Antisepsie :
C’est l’utilisation de substances toxiques non spécifiques pour les
micro-organismes et nécessitant des concentrations locales
importantes pour être efficaces.
La polyvidone iodée à 10 % permet une antisepsie soignée de la peau
et la concentration à 5 % est utilisée sur les culs-de-sac
conjonctivaux.
De nombreux travaux ont montré l’intérêt d’une telle pratique et son
innocuité pour la surface oculaire.
Il a même été proposé une application oculaire après la chirurgie.
3- Antibioprophylaxie :
L’antibiothérapie prophylactique est encore largement utilisée par
les ophtalmologistes avant, pendant ou après la chirurgie.
Néanmoins, les produits employés ainsi que les voies
d’administration sont très variés, et ne répondent pas toujours à une
approche rationnelle de ce problème complexe, dont l’efficacité n’a
jamais été prouvée en ophtalmologie.
Pour la chirurgie réglée, il n’est pas raisonnable de proposer une
prophylaxie antibiotique systématique si les conditions d’asepsie et
d’antisepsie énoncées plus haut sont respectées.
Notamment, il n’est
plus possible pour des raisons de résistances à l’échelon du pays
et pour des notions de cinétique de proposer la vancomycine en
perfusion oculaire qui a pourtant connu un grand succès ces
dernières années.
En revanche, dans les traumatismes perforants, l’usage permet de
recommander une prophylaxie antibiotique, le plus souvent réalisée
par voie systémique.
Les produits utilisés sont identiques à ceux du
traitement curatif (quinolone et imipenem), mais ils sont donnés en
flash à dose unique ou pendant une très courte période.
B - TRAITEMENT CURATIF :
La rapidité de mise en oeuvre du traitement d’une endophtalmie
garantit au patient ses meilleures chances de récupération.
Dans
l’urgence, il n’est pas possible d’improviser à la hâte des dilutions
d’antibiotiques, c’est pourquoi il est nécessaire que la conduite à
tenir devant une endophtalmie aiguë soit consignée sous forme de
procédure dans chaque établissement où se pratiquent des
interventions à globe ouvert.
Si l’on doit référer le patient, il faut
s’assurer que le correspondant pourra le traiter sans délai.
1- Moyens :
Ce sont par ordre d’importance les injections intraoculaires, la vitrectomie, les corticoïdes, les antibiotiques locaux fortifiés, les
antibiotiques systémiques.
* Injections intraoculaires :
Sous anesthésie locorégionale ou sous simple anesthésie topique, les
injections sont réalisées à la pars plana par voie transconjonctivale
avec une aiguille 30 G montée sur une seringue à tuberculine sous
un volume final de 0,1 mL ou de 0,05 mL, en utilisant une aiguille et
une seringue différentes pour chaque produit, pour éviter des
problèmes de précipitation dans la seringue.
Ces injections
peuvent et doivent être répétées dans un certain nombre de cas.
L’unanimité est faite sur la nécessité de deux antibiotiques.
La vancomycine à la dose de 1 mg est le produit de référence sur les
germes à Gram positif.
Pour lutter contre les germes à Gram négatif,
la gentamicine était le produit recommandé mais des phénomènes
toxiques ont été décrits, à type d’infarctus maculaire.
La ceftazidime (Fortumt), active contre les germes à Gram négatif à la
dose de 2,25 mg, a remplacé les aminosides.
Dans les endophtalmies fongiques, l’amphotéricine B (Fungizonet),
qui couvre à la fois les formes levuriques et filamenteuses, est
utilisée par injection intravitréenne à la dose de 5 μg.
* Vitrectomie :
Précocement, il faut éviter un geste trop complet, car l’adhérence du
vitré avec les vaisseaux rétiniens peut aboutir à des déchirures, pour
préférer une vitrectomie centrale.
Des manoeuvres au niveau du segment antérieur, comme l’ablation d’une membrane pupillaire, la
mise en place des écarteurs d’iris, sont souvent nécessaires.
Dans les endophtalmies aiguës, l’ablation de l’implant intraoculaire n’est pas
recommandée et n’améliore pas le pronostic.
La vitrectomie à ciel
ouvert peut être tentée dans les cas les plus graves avec opacification
cornéenne majeure.
La vitrectomie permet d’obtenir un échantillon vitréen pour les
cultures bactériologiques et elle supprime le cloisonnement de
certains abcès vitréens, permettant ainsi la meilleure distribution des
antibiotiques.
Cependant, le risque de décollement de rétine n’est
pas négligeable.
* Corticoïdes
:
Les travaux expérimentaux chez l’animal ont montré l’intérêt des
corticoïdes dans les endophtalmies.
Chez l’homme, les données sont
contradictoires, les corticoïdes étant favorables pour les uns et
sans effet pour les autres.
Il est vrai que les différentes voies
d’administration sont variées : topique, en injection sousconjonctivale
ou rétrobulbaire ou sous-ténonienne, en injection
intravitréenne (400 μg) et par voie systémique.
Les produits sont
également différents tant dans leurs conservateurs, leur puissance
anti-inflammatoire et leur galénique (formes retard).
Toutes ces
différences rendent toute comparaison et évaluation fort difficiles.
Dans une étude récente prospective randomisée comparant la dexaméthasone en injection intravitréenne à un groupe contrôle, il
n’y avait pas de différence pour l’acuité visuelle au troisième mois
et, en ce qui concerne l’inflammation, il y avait une supériorité du
groupe cortisoné à 1 semaine et à 1 mois, mais pas à 3 mois.
Une
autre étude publiée à la même époque a même montré l’effet
délétère des corticoïdes en injection intravitréenne dans les
endophtalmies postopératoires.
L’intérêt des injections sous-conjonctivales de dexaméthasone est à
retenir car cette voie permet d’atteindre des taux aqueux et vitréens
tout à fait satisfaisants avec malgré tout un passage systémique non
négligeable.
La dexaméthasone est proposée à la dose de 400 μg à 1 mg.
L’injection intravitréenne de corticoïdes, si elle est réalisée, doit être
accompagnée de l’injection d’antibiotiques dans le même temps ;
cette injection n’est généralement pas recommandée lors d’une
endophtalmie mycotique.
* Antibiotiques systémiques :
Là encore, les résultats de l’EVS ont modifié nos pratiques.
Certes,
le choix des antibiotiques est discutable dans cette étude sur le plan
de la pénétration intraoculaire, cependant, si l’on utilise des
antibiotiques systémiques dans le traitement d’une endophtalmie
postopératoire il faut savoir qu’il s’agit seulement d’un adjuvant qui
ne peut en aucun cas remplacer les injections intravitréennes
d’antibiotiques.
Nous retiendrons les fluoroquinolones associées soit à l’imipenem,
la pipéracilline, la fosfomycine, la ceftazidime et la ceftriaxone.
Les fluoroquinolones ne sont pas employées seules ; de
plus en plus, les résistances de germes oculaires aux quinolones sont
rapportées.
Ce traitement dure en moyenne 7 jours.
Il nécessite une
hospitalisation puisqu’un au moins des deux antibiotiques est
obligatoirement donné par voie veineuse.
* Antibiotiques fortifiés :
Les antibiotiques fortifiés sont capables de donner de bonnes
concentrations en chambre antérieure et sont également à considérer
comme des adjuvants des injections intravitréennes.
Les
antibiotiques habituellement prescrits sont la vancomycine pour son
excellente activité sur les germes à Gram positif à la concentration
de 50 mg/mL et la ceftazidime active sur les germes à Gram négatif,
à la concentration de 20 mg/mL.
D’autres préparations peuvent être
effectuées suivant la nature du germe isolé.
La posologie est de
1 goutte toutes les 30 minutes, voire moins en alternance avec
chacun des produits, au début du traitement puis 1 goutte 8 fois par
jour.
La toxicité locale de ces préparations est bien réelle, ce qui
limite leur usage à 2 ou 3 jours.
Ensuite, ces antibiotiques fortifiés,
dont l’usage n’est pas démontré dans cette indication, sont
remplacés par un collyre classique associant dexaméthasone et
antibiotique.
Les cycloplégiques sont donnés dès le début du
traitement.
2- Indications :
* Endophtalmies aiguës postopératoires
:
Les injections intravitréennes d’antibiotiques sont indiquées dans
tous les cas.
Avant 1995, les indications de la vitrectomie étaient fort
discutées mais, depuis la publication des résultats de l’EVS, sa place
dans l’arsenal thérapeutique est plus clairement établie.
Dans
l’endophtalmie aiguë postopératoire après chirurgie de cataracte ou
d’implantation secondaire, elle est bénéfique chez les patients dont
l’acuité visuelle est égale mais pas supérieure à des perceptions
lumineuses.
Les antibiotiques fortifiés et systémiques sont prescrits
ou pas suivant les habitudes des ophtalmologistes.
Les corticoïdes
par voie intravitréenne sont rarement injectés d’emblée, mais plus
volontiers à la deuxième injection d’antibiotiques.
* Endophtalmies chroniques postopératoires
:
Il s’agit d’une stratégie en fonction des signes cliniques observés
plutôt que d’un traitement stéréotypé.
En effet, la baisse d’acuité
visuelle et l’oedème maculaire sont les conséquences de cette uvéite
chronique.
Si dans environ la moitié des cas un traitement local
antibiotiques et corticoïdes au long cours (plusieurs mois) et
dégressif permet de contenir l’inflammation, il faut bien souvent,
sous peine de pérenniser l’oedème maculaire avec pour conséquence
une baisse d’acuité visuelle irréversible, recourir à des manoeuvres
chirurgicales.
Dans un premier temps, l’injection intravitréenne
d’antibiotiques et particulièrement de vancomycine est indiquée.
Si
le geste est insuffisant, on peut recourir à un lavage du sac capsulaire
à la vancomycine à la concentration de 40 μg/mL.
En cas d’échec,
il faut enlever la partie centrale de la capsule postérieure et faire
une vitrectomie postérieure centrale, ce qui a l’intérêt de cultiver le
vitré et surtout la capsule postérieure.
Dans les cas sévères, il faut y
associer l’ablation de la capsule en entier et de l’implant, ce qui
permet de venir à bout de cette inflammation chronique.
Un
implant de chambre antérieure ou suturé à la sclère est alors une
bonne alternative chez le patient devenu aphaque après
l’explantation.
* Endophtalmies après traumatismes
:
À l’infection s’ajoutent les dégâts tissulaires, ce qui fixe un pronostic
beaucoup plus sombre que pour les endophtalmies après chirurgie
réglée.
Le problème est centré sur la prophylaxie antibiotique qui
est réalisée sur un consensus professionnel, alors qu’il a été montré
que cette antibioprophylaxie n’évite pas une endophtalmie dans 7 %
des cas de traumatismes perforants ; ce taux est identique sans
antibiotiques.
Bien souvent, cette antibiothérapie est à cheval
entre la prophylaxie et le curatif et se prolonge plusieurs jours, les réopérations dans un laps de temps rapproché étant très fréquentes.
3- Résultats
:
Les facteurs essentiels de mauvais pronostic sont le délai de prise en
charge, la virulence et le type du germe, la taille de l’inoculum, le
type de chirurgie et ses complications, et les défenses du patient.
Ce
dernier point est toujours difficile à évaluer ; par exemple, le diabète
n’a pas été apprécié comme un facteur de risque dans une étude
récente, ce qui a été pourtant bien décrit dans plusieurs études, alors
que les immunosuppresseurs contribuaient à augmenter la
fréquence de l’endophtalmie.
Globalement, en cas de cultures positives, l’acuité visuelle égale ou
supérieure à 1/10 est retrouvée chez 22 à 77 % des patients suivant
les séries.
Dans cette même étude, sur 27 cas d’endophtalmie
postopératoire, 44 % ont pu retrouver une acuité visuelle égale ou
supérieure à 2/10.
Une acuité visuelle finale à 1 an de 2/10 a été obtenue chez 84 %
des patients présentant une endophtalmie à staphylocoques à
coagulase négative, 50 % pour les staphylocoques dorés, 30 % pour
les streptocoques, 14 % pour les entérocoques et 56 % pour les
germes à Gram négatif.
Les causes de baisse d’acuité visuelle
étaient surtout des oedèmes maculaires et des remaniements
pigmentaires.
C’est surtout l’acuité visuelle initiale qui est le plus étroitement
corrélée avec l’acuité visuelle finale, ce qui souligne encore
l’importance de la prise en charge la plus précoce possible.
En effet,
cette acuité visuelle initiale reflète la virulence des micro-organismes,
la durée de l’infection et la qualité des réponses de l’hôte.
Conclusion
:
Ces cinq dernières années ont été marquées par la publication des
résultats de l’EVS.
Si les indications du traitement des endophtalmies
après chirurgie de cataracte et d’implantation secondaire étaient
respectées, cela permettrait d’économiser à l’échelle de notre pays de 1,5
à 8 millions d’euros par an.
La discussion sur le choix des
antibiotiques systémiques demeure un problème ouvert.
De plus,
l’extrapolation des résultats de cette étude à des endophtalmies
survenant après traumatisme ou après d’autres chirurgies que la
cataracte et l’implantation secondaire est pour l’instant difficile à
réaliser [Sternberg P, Martin FM Arch Ophthalmol 2001 ; 119 :
754-755].