Embryologie génétique et développement des muscles masticateurs
Cours de Médecine Dentaire
Historique
:
André Vésale (1514-1564), anatomiste et médecin flamand, est l’un
des premiers à pratiquer la dissection du corps humain, dont les
observations permirent de corriger des notions erronées qui
prévalaient depuis l’Antiquité, et de fonder l’anatomie moderne.
Aux XVe et XVIe siècles, l’Église ayant levé timidement son interdit,
la connaissance anatomique du muscle prend naissance avec la
dissection et le dessin des cadavres humains.
Puis l’imprimerie
diffuse rapidement les images de cette anatomie.
Au XVIIe siècle, la compagnie des chirugiens hollandais commande
à Rembrandt de peindre la Leçon d’anatomie pour décorer sa salle de
réunions (1632).
Au XVIIIe siècle, le modèle anatomique en cire est un objet de
contemplation associant l’art et la science.
Au début du XIXe siècle, le modèle anatomique devient alors un outil
de connaissance préparant le geste du chirurgien (Calenzuali, 1824,
Florence).
À la fin du XIXe siècle, WC Roentgen invente le rayon X
qui rend l’homme vivant transparent pour les tissus durs.
Au début du XXe siècle, les recherches s’intensifient, en particulier
pour les muscles de la tête, dans les domaines de la phylogenèse, de
l’embryologie, de la physiologie.
À la fin du XXe siècle, GN
Mounfield invente le scanner à rayon X, en 1972. Les années 1980
voient l’apparition de l’imagerie par résonance magnétique (IRM).
Cette méthode explore la tête dans tous les sens de l’espace, en
particulier l’articulation temporomandibulaire (ATM) et les muscles,
en position statique et dynamique.
Ces dernières années, à l’aide du
scanner spiralé 3D, l’écran de l’ordinateur affiche des coupes
anatomiques des muscles de la tête en les différenciant par la
couleur et en les isolant.
L’origine et l’organisation des
muscles de la tête ont fait l’objet de nombreuses polémiques.
L’embryologie, la phylogenèse, l’anatomie comparée ont présenté
un certain nombre de réponses.
Ces dernières années, l’émergence
rapide de la génétique moléculaire et de la biologie du
développement apporte sa contribution à l’explication du
développement des muscles du pôle céphalique.
Lors d’une manipulation chirurgicale expérimentale, des
segments du tube neural de poulet ont été remplacés par leurs
équivalents provenant d’un embryon de caille au même stade.
Les
résultats de cette expérience ont montré qu’un flux dense de cellules issues des crêtes neurales dorsales migrait en position sousectodermique
pour venir s’accumuler dans la région de la face.
Finalement, ces cellules se différencient et se mêlent aux cellules des
muscles striés de la face, pour en constituer la composante
conjonctive.
Noden, en 1983, avait montré que la
morphogenèse des muscles dépend d’une information présente dans
la composante conjonctive et dans les tendons qui les fixent aux
pièces squelettiques.
La configuration spatiale du muscle, adaptée à
sa fonction, dépend donc, au cours de sa morphogenèse, de
l’information de sa composante conjonctive et tendineuse.
Génétique et développement
des muscles masticateurs :
A - FORMATION, MÉTAMÉRISATION :
Chez l’homme, pour la mise en place des muscles et des mâchoires,
le cerveau est le premier architecte, par l’intermédiaire des cellules
des crêtes neurales.
La formation de celles-ci, et leur régionalisation
au niveau des vésicules cérébrales, sont sous l’influence des Gènes
du Développement qui se manifestent dès le 15e jour de la vie
embryonnaire.
Dans la région craniofaciale, après la neurulation, les muscles, pour
se former, ont besoin d’une masse de cellules embryonnaires.
Ainsi,
ces muscles dérivent-ils du mésoblaste paraxial et d’un
rassemblement cellulaire spécifique : la plaque préchordale située en
avant de la partie antérieure de la chorde.
Les muscles externes de
l’oeil dérivent du mésoblaste préchordal ; les muscles
branchiomériques dérivent du mésoblaste paraxial, lui-même
segmenté en sept somitomères.
Ces muscles branchiomériques seront à l’origine des muscles
masticateurs, des muscles laryngés et pharyngiens, puis des muscles
peauciers et hyoïdiens.
Ces deux masses cellulaires, préchordale et paraxiale, gardant une
allure mésenchymateuse sont enrichies, à partir du 15e jour, par des
cellules ayant migré depuis les crêtes neurales.
Les muscles de
la langue ont pour origine particulière les somites les plus antérieurs
de l’axe vertébral.
Au niveau du pôle céphalique, l’organisation métamérisée sous le
contrôle des gènes maîtres du développement, comme les gènes Hox
au niveau des vésicules rhombencéphaliques, et non-HOX dans les
parties mésencéphaliques de la plaque neurale puis des crêtes
neurales, ainsi que du tissu épithélial de recouvrement, impose des
relations topographiques entre le mésoblaste, la répartition des
cellules des crêtes neurales, de l’innervation et des ganglions
sensoriels.
Nous nous attachons plus particulièrement à l’étude des muscles
masticateurs élévateurs et abaisseurs de la mandibule.
Dans le premier arc branchial, le mésoblaste paraxial se trouve
enrichi des cellules des crêtes neurales provenant des rhombomères
R1, R2, R3 et du mésencéphale.
Les limites des différentes
populations cellulaires du tube neural ne coïncident pas exactement
avec les limites anatomiques de celles des crêtes neurales.
Le
mésoblaste paraxial est situé au niveau du somitomère 4 (S4).
Ce
dernier sera à l’origine d’une concentration cellulaire autonome,
destinée à devenir les muscles masticateurs proprement dit : le
masséter, le temporal, les ptérygoïdiens médial et latéral, puis les
muscles masticateurs accessoires : le mylohyoïdien et le ventre
antérieur du digastrique.
Il est vraisemblable que les gènes maîtres régulateurs au niveau rhombencéphalique et mésencéphalique interviennent en colinéarité
précocement pour informer et positionner les cellules des crêtes
neurales correspondant à la localisation d’origine des futures cellules
chondroblastiques et ostéoblastiques du premier arc branchial, mais
aussi des futures cellules conjonctives intra- et extramusculaires des
muscles masticateurs.
L’expression de ces différents gènes à homéobox, sur les cellules des
crêtes neurales céphaliques, laisse à penser qu’il existe entre eux des
phénomènes de régulation qui peuvent établir des relations précoces
entre le tissu embryonnaire des futures structures squelettiques et le
conjonctif intra- et extramusculaire.
B - LOCALISATION ET SPÉCIFICITÉ DES ATTACHEMENTS
SUR LE SQUELETTE VISCÉRAL
:
Selon Noden, les cellules des crêtes neurales migrent et
transportent la même information ou code génétique détenu par les
cellules rhombomériques et mésencéphaliques.
Elles déterminent
ainsi la distribution finale des cellules des tissus intra- et extramusculaire c’est-à-dire des futurs tissus aponévrotiques et
tendineux qui architectureront le muscle.
À partir de le 5e semaine, chez l’homme, la localisation en blastèmes
des populations myoblastiques et aponévrotiques est associée à
l’expression des gènes MSX, DLX interagissant avec les gènes
régulateurs dans les étapes précédant la différenciation terminale au
cours de ce développement anténatal.
Selon Kontges, le tissu conjonctif intra- et extramusculaire est à
l’origine de la formation des muscles craniofaciaux.
Ces populations
cellulaires des crêtes neurales interagissent avec les tissus
embryonnaires voisins pour créer un champ ou système cohérent qui
permet de mettre en place les attaches musculaires (aponévroses) et
leurs insertions osseuses (crêtes).
Ces connexions musculosquelettiques se font par les mêmes populations de cellules
des crêtes neurales.
Ainsi, l’aponévrose du ptérygoïdien latéral qui s’insère sur la crête interne condylienne a la même origine
embryonnaire que cette dernière, au cours de la localisation des
cellules des crêtes neurales qui les constituent.
Il en est de même au
niveau des crêtes goniaques externes et internes mandibulaires.
Cette association combinatoire a des conséquences structurales et
fonctionnelles, car elle fournit les bases mécaniques à une intégration
des différents muscles branchiaux et plus particulièrement des
muscles masticateurs, tous innervés par le nerf trigéminal, lui aussi
issu des mêmes populations cellulaires.
C - GÈNES MAÎTRES EN ACTION
:
D’une façon générale, le mécanisme d’action des gènes maîtres
régulateurs est assez simple ; ils codent pour des facteurs de
transcription, c’est-à-dire des protéines qui se fixent en amont sur
d’autres gènes (A, B, C) et régulent leur expression.
Ici les facteurs
de transcription émanant des gènes maîtres sont associés à MSX1
pour provoquer l’expression d’autres gènes aboutissant à la
différenciation conjointe des cellules osseuses des crêtes et des
cellules aponévrotiques à proximité.
Différenciation
:
Toutes les étapes anténatales du développement musculaire sont
sous le contrôle d’une série de gènes.
Nous développerons et ferons
une synthèse des données très probablement incomplètes connues à
ce jour, au stade de la différenciation.
Nous savons que la myogenèse, au sens large, est contrôlée par une
série de facteurs de transcription et de facteurs de croissance qui
interagissent.
Les premiers facteurs de transcription étudiés ont été ceux de la
famille Myo D, des protéines de liaison à l’acide désoxyribonucléique
(ADN).
Le marqueur le plus précocement détectable, chez
la souris, est Myf 5, une protéine de cette famille, qui est le
déterminant myogénique au niveau du tronc.
Au niveau du tronc, alors que l’induction de Myf 5 requiert des
signaux de la notochorde et du tube neural, l’induction de Myo D
requiert des signaux de l’ectoderme dorsal.
Le délai observé entre
l’action tardive de Myo D et de Myf 5 serait dû à un effet négatif du
mésoblaste latéral.
Au niveau du pôle céphalique, le mésoblaste latéral est largement
repoussé, donc considéré comme absent. Les cellules myoblastiques
ne dérivent pas des somites, mais du mésoblaste paraxial céphalique
et du mésoblaste préchordal.
Ainsi, si au niveau des somites troncaux, l’expression de Myo D semble contrôlée positivement par
Myf 5 et par PAX 3 dans le futur tissu musculaire du squelette, en
revanche, dans le mésoblaste paraxial et préchordal crânien, des
expériences de Tajbakhsh, en 1997, montrent que l’activation des
cellules somitomériques ne dépend pas de PAX 3, ni de Myf 5.
Ceci
souligne, encore une fois, la singularité des muscles céphaliques.
Avant la différenciation de la cellule myoblastique, l’un des
principaux facteurs, qui stimule la multiplication cellulaire
somitomérique et probablement aponévrotique, est le facteur de
croissance fibroblastique (FGF : fibroblast growth factor) ; celui-ci est
à ce stade capable d’inactiver la protéine de transcription Myo D.
La
différenciation ne se réalisera qu’après la perte des récepteurs
membranaires aux facteurs de croissance fibroblastique sur ces
cellules embryonnaires.
Les protéines de la famille Myo D engagent la cellule indéterminée
vers la différenciation myoblastique ; elles activent ensuite les gènes
qui sont à l’origine des protéines spécifiques du muscle.
La différenciation est ensuite contrôlée par un autre facteur de
transcription, membre de la famille Myo D : la myogénine ; celle-ci
est tout à fait indispensable à la fusion des myoblastes aboutissant
aux myotubes primaires.
Ainsi expérimentalement chez la souris myogénine -/-, les fibres
musculaires ne se forment qu’en petit nombre.
À ce stade du développement foetal, l’hormone thyroïdienne
(triiodothyronine = T3) active la synthèse des deux facteurs
myogéniques Myo D et myogénine à un moment précis de la
différenciation des myoblastes.
Remarque : MFR4 est une protéine myogénique nécessaire à la
différenciation du myoblaste en myotube (en culture).
À la fin de la période embryonnaire, l’innervation des muscles
masticateurs se réalise par l’arrivée des terminaisons du tronc trigéminal dans le périmysium. Ces cellules axonales sont à l’origine
d’un facteur de croissance (NGF : nerve growth factor) qui entraîne, à
proximité dans le faisceau, une multiplication de cellules
myoblastiques.
Rôle de l’innervation dans la différenciation
:
* Formation des myotubes
:
Les embryologistes Ontell et al, Gros et al, avaient souligné
l’hétérogénéité des populations myoblastiques : ainsi, si les premiers
myotubes se forment progressivement par fusion des myoblastes,
une seconde génération de myoblastes est nécessaire à la
différenciation d’une seconde génération de myotubes.
Après la formation des myotubes primaires par fusion avec les
myoblastes, ces derniers voient leur nombre diminuer rapidement
jusqu’à la fin de la période embryonnaire.
À ce moment, et pour un
laps de temps court, le nombre des myoblastes augmente
brusquement ; ceux-ci seront par adjonction ou intégration
progressive à l’origine des myotubes secondaires.
Cette augmentation du nombre de myoblastes coïncide avec
l’arrivée du tronc nerveux dans le faisceau musculaire, et se réalise
à proximité de la terminaison axonale.
Le rôle de l’innervation dans la morphogenèse du muscle est peu
connu.
Il est admis que les premiers myotubes, formés chez les
vertébrés, se différencient même en l’absence d’innervation motrice.
Cependant, celle-ci est nécessaire à la formation ultérieure de myotubes secondaires.
* Rôle de l’innervation
:
Fredette et Landsmesser ont montré qu’un certain nombre de
myotubes secondaires pouvaient cependant se former en l’absence
d’innervation.
Des recherches ont montré qu’une innervation active stimule la
production ultérieure de myoblastes compétents, et permet la
différenciation d’un nombre normal de myotubes secondaires.
Dans les muscles masticateurs ou dans un faisceau bien défini : superficialis lamina du ptérygoïdien médian SL1, chez le lapin,
Benoît et al démontrent, dans une recherche morphométrique,
qu’après la formation des myotubes primaires, à la fin de la période
embryonnaire, l’innervation provoque dans le faisceau une
augmentation rapide du nombre des myoblastes à proximité du
tronc nerveux, au début de la période foetale (correspondant à la
8e-9e semaine chez l’homme).
Ce rebond de myoblastes se
produit en même temps que l’apparition de nouveaux myotubes
secondaires de chaque côté de l’axe nerveux.
Au début de la période foetale, le rebond de myoblastes représente
la seconde génération de myoblastes nécessaires à la différenciation de myotubes secondaires ; ceci résulte de la diffusion du
facteur de croissance NGF, in vivo, qui se fait approximativement
dans un champ intercellulaire représentant le double de la section
du tronc nerveux.
Cette nouvelle population de myotubes secondaires est seule
capable de fournir le nombre définitif de fibres musculaires
nécessaire aux faisceaux des muscles masticateurs à la naissance.
Cette nouvelle population fournit probablement l’ensemble des
différents types de fibres, en particulier, les fibres de petit diamètre
blanches et rapides nécessaires à l’ouverture et à la fermeture
buccale lors des premiers mouvements.
Les fibres de type I, rouges
et volumineuses, sont produites par la première génération de myotubes.
En outre, cette seconde génération de myoblastes serait à l’origine
des cellules satellites.
Les études de Yablonka et Renveni suggèrent que les cellules
satellites (CS) apparaissent bien au début de la période foetale.
Leur
différenciation est régulée par des facteurs de croissance PDGF
provenant des cellules sanguines à proximité.
Ce facteur de croissance serait particulièrement actif durant les
phases de croissance et de régénération.
L’ensemble des recherches récentes, en génétique moléculaire,
montre la grande diversité des signaux de régulation interagissant
avec des facteurs de croissance qui conduisent à l’activation de la
myogenèse.
Ces recherches soulignent, en outre, la diversité et la
singularité de l’origine des cellules du complexe musculoaponévrotique des muscles masticateurs.
Croissance générale, développement
et vieillissement
:
Après la naissance, des résultats expérimentaux montrent que
l’action de l’hormone thyroïdienne L-thyroxine (T4) circulant dans
le sang, a un effet positif sur le développement des muscles
masticateurs.
Cet effet disparaît à l’âge de 1 an chez l’homme.
L’influence de l’innervation est aussi nécessaire à la différenciation
et à la croissance postnatale des fibres musculaires ; celles-ci se
réalisent sous l’effet des facteurs de croissance NGF émanant des
cellules nerveuses.
À cette époque, la différenciation des fibres musculaires est
complète, et leur composition moléculaire est terminée.
À 2 ans, lorsque la denture temporaire est en place, les mouvements
mandibulaires évoluent progressivement de la succion-déglutition à
la séquence incision-trituration-déglutition.
L’architecture des
muscles masticateurs se modifie, en particulier au niveau des
faisceaux profonds, alors plus sollicités pour renforcer les relations
dentaires interarcades et contenir les articulations temporomandibulaires.
De 1 an à 4 ans, l’activation des muscles antagonistes (élévateurs,
abaisseurs) se dissocie progressivement au cours de la fonction.
Finalement, s’établit une bonne synchronisation des muscles
élévateurs avec une diminution du temps de leur activation, et de
ce fait une augmentation de leur efficacité.
À 6 ans, l’augmentation du diamètre et de la longueur de chaque
fibre se traduit par de plus grandes dimension et force de celles-ci.
L’augmentation de diamètre est le résultat de la différenciation de
myofibrilles, et l’augmentation en longueur provient de l’intégration
de nouvelles cellules myoblastiques et finalement de l’adjonction de
nouveaux sarcomères aux extrémités.
Dans le muscle, le diamètre de la fibre est atteint à l’âge de 12 à
15 ans.
Les cellules satellites ne se divisent plus et deviennent
quiescentes. Ceci est le signe que le muscle a atteint sa croissance
normale.
Seules 15 fibres musculaires sur 100 posséderaient une CS
capable de donner de nouvelles fibres musculaires en cas de
traumatisme ou de fonction musculaire augmentée.
À la puberté, l’augmentation du volume musculaire est rapide ; cette
augmentation est plus rapide chez l’homme que chez la femme.
Les
hormones sexuelles et les hormones de croissance, ainsi que l’activité
masticatrice jouent un rôle dans la maintenance de la masse
musculaire.
Au cours de cette croissance, ou lors de l’adaptation à
des forces biomécaniques thérapeutiques, l’interface muscle aponévrose-tendon reste un site extrêmement actif.
Dans les
mêmes situations, des remaniements se produisent aussi à l’interface os-muscle, tant au niveau des fibres et du périoste qu’au niveau du
tendon et des crêtes osseuses.
Au cours de la croissance, les remaniements musculoaponévrotiques
et périostés sont progressifs et dispersés.
Si l’on peut penser que les
tissus aponévrotiques et musculaires participent à la croissance, cette
participation diffère suivant que l’on considère les muscles comme
le digastrique ou le masséter où la contribution aponévrotique
est différente.
Les aponévroses et les tendons se modèlent en incorporant des
fibroblastes quiescents à proximité, qui participent alors à
l’élaboration des protéines nécessaires pour de nouvelles fibres de
collagène.
À l’interface muscle-os, les attachements fibreux se modifient par
allongement de la fibre, après incorporation de CS, créant de
nouveaux sarcomères en rapport avec le périoste et la croissance
aponévrotique au niveau de l’insertion tendon-crête osseuse.
Il se
produit, en outre, des migrations de diverses insertions pour
accompagner la croissance des pièces squelettiques.
Structures et organisation
:
Dans les muscles masticateurs, les fibres musculaires sont
cylindriques avec des variations de diamètre de 20 à 60 μm suivant
leur composition et de 15 à 40 mm de longueur suivant le muscle et
l’endroit considérés.
Entre ces fibres, l’endomysium est une fine
couche de tissu conjonctif parcourue par de nombreux capillaires
bien répartis.
Ces fibres sont groupées en faisceaux de 10 à 100 fibres
entourés d’un tissu conjonctif plus épais : le périmysium.
Ces
faisceaux sont reliés à l’os par des tendons dont la forme terminale
est variable.
Le tissu musculaire abrite un grand nombre de récepteurs
sensoriels : fuseaux neuromusculaires, récepteurs tendineux de
Golgi, qui fournissent au cerveau des informations sur la longueur
et la tension des muscles.
Muscles et tendons, pourvus ainsi de
récepteurs très subtils, constituent, en outre, des organes sensoriels
complétant ceux de la cavité buccale pour modeler « l’image du bol
alimentaire ».
Des récepteurs disséminés dans les articulations temporomandibulaires complètent ce maillage.
Responsabilité des cellules satellites
:
Les cellules satellites produisent 30 % des noyaux des fibres
musculaires en croissance chez le nouveau-né ; mais ce nombre
diminue avec l’âge.
Ces cellules ne sont plus que 4 % chez l’enfant
et 2,4 % chez l’adulte.
Ainsi dans un muscle, la population de CS
reflète la production de noyaux en vue de leur incorporation dans la
fibre durant la période de croissance.
Pendant le jeune âge, si
leur multiplication cellulaire est importante, elle est accompagnée,
en outre, d’une sécrétion de protéines, pour la matrice
extracellulaire, dont le rôle est inconnu.
En réponse à une augmentation de la fonction musculaire et en
raison d’une lésion, les CS se multiplient et fusionnent avec la fibre.
L’augmentation du poids musculaire et l’augmentation du diamètre
des fibres sont en rapport avec l’augmentation du nombre de CS.
La croissance et la régénération des muscles masticateurs sont sous
la dépendance des CS. Elles-mêmes dépendent de leur origine
embryologique ainsi que de nombreux facteurs de transcription, de
croissance et d’innervation.
Après blessure d’un muscle, ou chirurgie réparatrice, se produit une
multiplication des CS qui intègrent alors la myofibre, au cours de la
réparation.
Pour une remise en fonction, ce sont ces CS qui, après
intégration, sont responsables de l’élaboration des différentes
chaînes de myosine, lentes et rapides, nécessaires au rétablissement
de l’intégralité des possibilités fonctionnelles.
Récemment, l’isolement de cellules souches, à partir de différents
tissus comme la moelle osseuse, le tissu nerveux ou le tissu
musculaire, ouvre des perspectives thérapeutiques nouvelles.
Ces
cellules, en réponse à des signaux de l’environnement, pourraient
aussi se différencier en cellules musculaires.
Par le moyen de la
circulation sanguine, ces cellules souches seraient introduites dans
les muscles malades de certaines myopathies ou dystrophies, et
participeraient à leur régénération et à leur croissance.
Cependant,
ces capacités de croissance et de régénération sont moins
importantes dans les muscles masticateurs que dans les muscles
squelettiques.
La croissance des muscles masticateurs est
particulièrement perturbée dans les dystrophies musculaires, les
myopathies, les dysfonctions temporomandibulaires et les fractures
condyliennes.
Après 50 ans, la masse musculaire décroît chez l’homme ; cette
décroissance est plus marquée chez la femme à partir de la
ménopause.
Ceci se traduit par une atrophie partielle des fibres
musculaires et une diminution de leur nombre.
Croissance musculaire :
exemples cliniques
A - EXEMPLE CLINIQUE 1 : CROISSANCE MUSCULAIRE
NORMALE
Patient traité en orthodontie de 8 ans à 18 ans pour une Cl III
squelettique et dentaire.
Le développement et la croissance des muscles masticateurs
(masséter et ptérygoïdien médian) se sont réalisés en progression
corrélée avec le tissu osseux des branches montantes mandibulaires,
et en rapport avec leurs insertions osseuses par l’intermédiaire des tendons et des aponévroses.
Noter, cependant, qu’il existe un côté
préférentiel pour la mastication, se traduisant par un volume plus
important de la joue droite.
B - EXEMPLE CLINIQUE 2 : CROISSANCE MUSCULAIRE
ET FACTEURS ENVIRONNANTS
Petite fille ayant fait une chute sur la face à l’âge de 18 mois,
occasionnant une fracture du condyle gauche, passée alors
inaperçue.
Un contrôle au scanner 3D à l’âge de 8 ans a permis de mettre en
évidence une consolidation anormale du condyle au milieu de la
branche montante.
Cette situation a entraîné une déviation
mandibulaire et une difficulté dans sa mobilisation.
La mastication
s’effectue du côté droit, et la sous-utilisation des muscles
masticateurs gauches (MS, PTM) a joué un rôle important dans
l’atrophie de leurs fibres au cours du développement.
Le développement osseux plus important de l’apophyse
coronoïde gauche, ainsi que le déplacement de l’arcade zygomatique
vers l’extérieur signifient un développement du muscle temporal qui
a suppléé la déficience des autres muscles élévateurs.
C - EXEMPLE CLINIQUE 3 : CROISSANCE MUSCULAIRE
ET ANOMALIE GÉNÉTIQUE (GÈNE TREACLE
CHROMOSOME 5)
Parmi les syndromes du premier arc, avec hypoplasie ou agénésie
des dérivés de la crête neurale antérieure rhombencéphalique et
mésencéphalique, ce patient présente un syndrome de Treacher
Collins ou dysostose mandibulofaciale.
Dans ce syndrome, on
rencontre des hypoplasies osseuses affectant les malaires, les arcades
zygomatiques, les condyles, les branches montantes mandibulaires,
ainsi qu’une réduction volumétrique des muscles élévateurs.
L’anomalie génique osseuse a entraîné la même anomalie
musculaire.
Les deux muscles MS et PTM, schématisés selon Giohaku, sont
hypoplasiés et de croissance réduite à 3 ans, 10 ans et 13 ans.
Une distraction osseuse mandibulaire, en avant de l’insertion du
masséter superficiel a été réalisée à 10 ans, sans pour autant agir de
façon sensible sur la croissance musculaire.
Un
traitement orthodontique pré- et postchirurgical a accompagné et
complété cette intervention.