La dysménorrhée est l’ensemble des douleurs pelviennes précédant
ou accompagnant les règles.
Elle revêt une dimension sociale et
économique évidente quand on sait la perturbation qu’elle engendre
dans la vie des femmes et l’absentéisme dont elle est responsable,
tant à l’école qu’au travail.
Parmi les douleurs chroniques de la
femme, la dysménorrhée est identifiée comme la plus douloureuse,
loin devant algies pelviennes et dyspareunie.
Souffrir n’est plus et ne doit plus être une fatalité car nous disposons
de traitements efficaces basés sur une physiopathologie originale.
On peut se demander pourquoi ce terme a été préféré par l’usage à
celui d’algoménorrhée (algos : douleur), pourtant plus conforme à la
nature du symptôme.
Mais Hippocrate expliquait la douleur par un
obstacle cervical rendant plus difficile l’écoulement menstruel …
La dysménorrhée est essentielle ou organique, primaire ou
secondaire.
La dysménorrhée essentielle est une pathologie propre
caractérisée par sa physiopathologie originale où l’hypersécrétion
de prostaglandines endométriales tient un rôle prépondérant.
La
dysménorrhée organique est un symptôme qui n’est généralement
pas isolé et témoigne d’une pathologie gynécologique sous-jacente,
le plus souvent une endométriose ou une adénomyose.
La
dysménorrhée est dite primaire lorsqu’elle débute à l’adolescence
dans les mois ou années suivant les premières règles.
La
dysménorrhée est secondaire (ou secondairement aggravée)
lorsqu’elle apparaît (ou s’aggrave) à distance de la puberté, le plus
souvent chez une femme âgée de plus de 30 ans.
En pratique, ces
deux classifications tendent à se superposer : une dysménorrhée
primaire est presque toujours essentielle, une dysménorrhée
secondaire est généralement organique.
Épidémiologie :
A - FRÉQUENCE :
Le seuil de la douleur étant variable, il est difficile d’en évaluer la
fréquence pendant les règles.
La dysménorrhée essentielle concerne
au moins une jeune fille sur deux.
Des données récentes
issues d’une enquête effectuée en France estiment que 66 % des
jeunes femmes et 55 % des adolescentes se plaignent mensuellement
de douleurs fortes ou très fortes.
La dysménorrhée n’est pas forcément constante, à chaque cycle.
Ainsi, dans une population où 90 % des femmes de 18 à 45 ans
signalaient à des degrés divers une pathologie dysménorrhéique
durant leur existence, 22 % des femmes seulement avaient des
douleurs à chaque période menstruelle.
B - FACTEURS DE RISQUE
:
Deux seulement paraissent indiscutables, les antécédents familiaux
de dysménorrhée, avec peut-être prédisposition génétique, et
la survenue des ménarches avant l’âge de 13 ans.
Le milieu socioculturel, l’environnement économique, l’origine
ethnique et le profil psychologique influencent diversement les
statistiques, mais ces facteurs n’interviennent probablement que
dans la mesure où ils peuvent moduler le comportement de
l’individu face à la douleur et les conséquences sociales de cette
dernière.
Ainsi, les patientes ayant vécu l’expérience d’un ou
plusieurs conflits sociaux (conflit « conjugal », problèmes familiaux
…) durant l’année précédente présentent significativement
plus de troubles menstruels et par conséquent de dysménorrhées
que celles n’ayant pas vécu de conflit.
Il en est de même pour le tabagisme qui est aujourd’hui plus
fréquent chez les jeunes femmes dysménorrhéiques alors que les séries anciennes lui prêtaient un effet protecteur.
La dysménorrhée
croît avec le nombre de cigarettes fumées.
Le tabagisme passif
augmente la fréquence de la dysménorrhée.
La sévérité de la dysménorrhée semble corrélée à l’abondance du
flux, mais pas à la durée du cycle ni au poids ou à la taille.
La
pratique du sport entraîne une diminution de la fréquence.
La consommation de fruits, poisson et oeufs diminue la
symptomatologie douloureuse.
Un régime végétarien diminue
significativement la douleur, sans doute en réduisant la
concentration en oestrogènes par augmentation de la sex-hormone
binding globulin, d’où limitation de la production de prostaglandines
endométriales.
C - DÉBUT :
Il est décalé de quelques mois ou années par rapport aux premières
règles, les premiers cycles étant le plus souvent anovulatoires.
La
dysménorrhée apparaît dans l’année suivant les premières règles
dans 38 à 72 % des cas, au cours de la deuxième année dans 19 à
21 % des cas.
Les douleurs apparaissent avec les règles
ou les précèdent de peu.
D - ÉVOLUTION :
La dysménorrhée essentielle tend à disparaître définitivement après
le premier accouchement, mais l’amplitude de ce phénomène n’est
que rarement chiffrée dans la littérature.
Quelques publications
récentes suggèrent que cette évolution est loin d’être constante : pour
Robinson 9 % des dysménorrhées sévères de la jeune femme
concernent des jeunes mères, pour Ng46 60 % des dysménorrhées
persistent après le premier accouchement et pour Sundell 9 % des
dysménorrhées sévères ne sont pas influencées par l’accouchement.
La dysménorrhée est souvent supprimée par la contraception orale
lorsque celle-ci bloque effectivement l’ovulation … ce qui est peutêtre
moins souvent le cas avec les pilules minidosées ; ainsi pour
Assor et Serfaty, 37 % des dysménorrhées ne sont pas ou peu
améliorées par la contraception orale et pour Andersch la
contraception orale diminue de moitié la prévalence des
dysménorrhées sévères mais ne modifie guère celle des
dysménorrhées légères et modérées.
Par ailleurs, les patientes sous
contraception orale coûtent chaque mois 1 dollar US de moins que
les femmes sans contraception orale par la réduction de la
consommation des antalgiques et de l’absentéisme.
À l’inverse, le port du stérilet augmente le taux de dysménorrhée
forte à sévère : selon Sundell, ce taux est de 41 % après mise en
place d’un dispositif intra-utérin contre 18 % chez les utilisatrices de
pilule.
Ce phénomène ne concerne pas les dispositifs intra-utérins
au lévonorgestrel qui diminuent les dysménorrhées : ainsi, les
douleurs menstruelles dans un groupe de 165 femmes âgées de 25 à
47 ans passent de 60 à 29 % après 3 ans d’utilisation du dispositif
intra-utérin.
E - RETENTISSEMENT SOCIAL :
La dysménorrhée est la première cause d’absentéisme scolaire et
professionnel chez l’adolescente et la jeune femme.
On estime que la
douleur entraîne un absentéisme répétitif chez 10 à 15 % des
scolaires et chez 5 à 10 % des jeunes femmes.
Cet absentéisme a été
chiffré pour l’industrie à 140 millions d’heures de travail par an aux
États-Unis, à 30 millions en France.
Même lorsqu’elle n’est pas
responsable d’absentéisme, la dysménorrhée entraîne chez 30 à 50 %
des personnes interrogées une diminution sensible de leurs
performances physiques et intellectuelles en période menstruelle.
Il s’agit donc bien d’un phénomène de société justifiant une prise en
charge de qualité.
Physiopathologie :
La douleur
menstruelle est l’expression d’une hypoxie tissulaire consécutive à
l’hypercontractilité du myomètre et à la vasoconstriction de ses
artérioles.
Trois familles d’agents utérotoniques et vasoconstricteurs
ont une responsabilité démontrée dans ce syndrome : les
prostaglandines dont le rôle est prépondérant dans 80 à 90 % des
cas, l’arginine vasopressine et les leucotriènes.
Le rôle de
l’innervation utérine est également probable mais encore mal
compris.
A - MÉCANISMES DE LA DOULEUR
:
On en connaît trois : l’hypercontractilité du myomètre, l’hypoxie
tissulaire et la sensibilisation des terminaisons nerveuses aux stimuli
nociceptifs.
L’hypercontractilité du myomètre est le phénomène essentiel. Dans
la dysménorrhée, le tonus de base de l’utérus est très augmenté, de
même que la fréquence et l’amplitude des contractions.
La vasoconstriction artériolaire est constante.
Elle peut être passive,
secondaire à l’hypercontractilité du myomètre, mais la plupart des
agents utérotoniques impliqués sont également de puissants
vasoconstricteurs.
L’enregistrement continu du flux sanguin endométrial chez des femmes dysménorrhéiques montre que le
débit diminue pendant les contractions et que l’acmé de la douleur
coïncide avec le moment où le débit est minimal.
Il en résulte une
hypoxie tissulaire qui libère des substances nociceptives capables
d’exciter les terminaisons nerveuses.
Enfin, parmi les agents utérotoniques et vasoconstricteurs impliqués,
les endoperoxydes et les prostaglandines paraissent responsables d’effets algogènes directs sur les fibres nerveuses sensitives dont le
seuil de sensibilité aux stimuli nociceptifs serait diminué.
B - FACTEURS ÉTIOLOGIQUES :
1- Hypersecrétion endométriale de prostaglandines
:
Les prostaglandines, médiateurs chimiques de répartition
ubiquitaire, sont des acides gras insaturés à 20 carbones obtenus par
transformation d’un précurseur commun, l’acide arachidonique,
stocké dans les phospholipides membranaires d’où il peut être libéré
par la phospholipase A2.
Un groupe d’enzymes
collectivement appelé cyclo-oxygénase convertit l’acide
arachidonique en endoperoxydes qui sont transformés à leur tour
par des enzymes spécifiques en prostaglandines (PG) E2, PGF2 a,
thromboxane A2 (TxA2) et prostacycline (PGI2).
L’endomètre humain synthétise des prostaglandines, en particulier
PGE2 et PGF2a, en quantité faible durant la phase folliculaire puis
progressivement croissante pendant la phase lutéale.
Les
concentrations les plus élevées sont observées en période
menstruelle.
Dans l’utérus, PGE2 et PGI2 sont utérorelaxantes et
vasodilatatrices, tandis que PGF2 a et TxA2 sont utérotoniques et
vasoconstrictrices.
De plus, la prostacycline inhibe l’agrégation
plaquettaire tandis que TxA2 la stimule.
On conçoit qu’une
production excessive de prostaglandines et/ou un déséquilibre entre
les différentes prostaglandines puisse être responsable de
phénomènes menstruels douloureux (dysménorrhée) ou
hémorragiques (ménorragies).
La responsabilité de l’hypersécrétion de prostaglandines endométriales dans la physiopathologie de la dysménorrhée
essentielle est un phénomène bien démontré :
– les concentrations en prostaglandines dans l’endomètre, le liquide
menstruel et le sang veineux utérin sont en moyenne trois à quatre
fois plus élevées chez les femmes dysménorrhéiques ; cette
augmentation porte préférentiellement sur la PGF2 a, d’où une
élévation sensible du rapport PGF2 a sur PGE2 ;
– cette augmentation des taux de PGF2 a, variable d’une patiente à
l’autre, est très significativement corrélée à l’intensité de la douleur ;
– en clinique, le passage vasculaire accidentel ou la perfusion
intraveineuse de prostaglandines est responsable d’effets
systémiques similaires à ceux rencontrés dans la dysménorrhée :
céphalées, asthénie, lipothymie, nausées, vomissements, diarrhée ;
– enfin, les antiprostaglandines sont devenues le traitement de
référence de la dysménorrhée essentielle et suffisent à supprimer la
douleur chez 80 à 90 % des patientes.
Seul un endomètre sécrétoire synthétise des prostaglandines en
quantité suffisante pour induire éventuellement une dysménorrhée.
Cette synthèse est très faible dans l’endomètre prolifératif d’une
phase folliculaire.
Elle l’est donc également lorsque le cycle est
anovulatoire.
Dans l’endomètre sécrétoire, la synthèse des
prostaglandines est augmentée par l’oestradiol et diminuée par la
progestérone.
Un déséquilibre oestroprogestatif, courant à
l’adolescence, avec augmentation relative ou absolue des taux
circulants d’oestradiol, est donc un facteur aggravant de la
dysménorrhée, mais ce n’est pas à proprement parler un facteur
étiologique : la plupart des femmes dysménorrhéiques ont un bilan
hormonal normal.
2- Rôle de l’arginine vasopressine et des leucotriènes :
Les prostaglandines sont les principaux mais non les seuls agents
utérotoniques et vasoconstricteurs impliqués dans la
physiopathologie de la dysménorrhée.
L’arginine vasopressine, anciennement appelée hormone
antidiurétique, est une neurohormone hypothalamique apparentée
à l’ocytocine.
Ses taux plasmatiques en début de menstruation sont
deux à cinq fois plus élevés chez les femmes dysménorrhéiques.
L’injection intraveineuse d’arginine vasopressine à des volontaires
est capable d’induire une douleur de type dysménorrhéique avec hypercontractilité du myomètre et l’administration secondaire d’un
antagoniste spécifique supprime cette douleur.
Les leucotriènes sont, comme les prostaglandines, des dérivés de
l’acide arachidonique mais leur synthèse mobilise une enzyme
différente, la 5 lipo-oxygénase.
Cette synthèse paraît augmentée dans
certains cas de dysménorrhée primaire essentielle où l’on a rapporté
dans le liquide menstruel des taux élevés de leucotriènes, en
particulier LT C4, LT D4 et LT E4.
Les leucotriènes urinaires sont
également augmentées chez les dysménorrhéiques.
L’intervention de l’arginine vasopressine et des leucotriènes paraît
secondaire dans la plupart des dysménorrhées essentielles, mais elle
permet peut-être d’expliquer que l’élévation des prostaglandines est
inconstante et que 10 à 20 % des patientes sont peu améliorées par
les antiprostaglandines.
3- Rôle de l’innervation utérine
:
Il permettrait d’expliquer notamment l’effet bénéfique de la première
grossesse sur la dysménorrhée.
En effet, la première grossesse
lorsqu’elle se solde par un avortement, volontaire ou spontané, n’a
pas d’influence sur la dysménorrhée.
En revanche, la régression de
la dysménorrhée est fréquente après le premier enfant et ce quel
que soit le mode d’accouchement, voie basse ou césarienne.
La
dilatation du col, évoquée par Hippocrate, ne paraît donc pas
impliquée dans ce phénomène.
En revanche, l’innervation autonome
de l’utérus est fortement, et souvent définitivement, altérée par la
grossesse lorsqu’elle évolue jusqu’au troisième trimestre.
Cette
dénervation utérine partielle, physiologique, est considérée comme
un facteur de régression de la dysménorrhée par un mécanisme qui
reste mal connu.
D’ailleurs, la neurectomie présacrée et la
dénervation utérine au laser ont souvent un effet antalgique efficace
dans les dysménorrhées rebelles au traitement médical.
4- Différences individuelles :
Il faut signaler que le seuil de perception douloureuse (nociception)
varie significativement selon les femmes.
La réponse à des stimuli
douloureux tactiles ou thermiques est plus élevé chez les femmes
dysménorrhéiques.
C - PROSTAGLANDINES ET DYSMÉNORRHÉE SECONDAIRE
:
L’hypersécrétion endométriale de prostaglandines est le principal
facteur étiologique de la dysménorrhée essentielle, mais elle est
également impliquée dans d’autres pathologies gynécologiques.
Elle
est notamment habituelle dans les ménorragies, que celles-ci soient
essentielles ou associées à une pathologie fibromyomateuse.
La
principale différence est qu’ici l’hypersécrétion de prostaglandines endométriales porte préférentiellement sur la PGE2 plutôt que sur la
PGF2 a.
La physiopathologie de la douleur dans les dysmorrhées organiques
est moins bien connue.
Un facteur mécanique est parfois évident
comme l’accumulation de sang menstruel dans un hémivagin
borgne, mais ce cadre étiologique est exceptionnel.
L’endométriose
externe et l’adénomyose sont des causes de dysménorrhée organique
bien plus fréquentes, mais le facteur mécanique est absent ou
secondaire dans la plupart des cas.
Une récente étude japonaise
apporte des éléments de réponse physiopathologique plus
convaincants en montrant dans ces deux situations une
hypersécrétion de prostaglandines.
Dans les kystes ovariens endométriosiques, toutes les prostaglandines ont été trouvées
augmentées (par rapport à des ovaires normaux), mais seule
l’élévation des métabolites de la prostacycline et du TxA2 est
significative dans cette étude.
Dans l’adénomyose, les concentrations
intramyométriales de toutes les prostaglandines ont également été
trouvées augmentées et cette hypersécrétion de prostaglandines est
significativement corrélée à la sévérité de la dysménorrhée.
Dans le
travail de Bulleti et Ziegler, la fréquence et l’amplitude des
contractions utérines sont environ deux fois supérieures dans un
groupe endométriose (n = 22) que dans un groupe témoin (n = 20).
La pression de base est également plus élevée dans le premier
groupe.
Enfin, une menstruation rétrograde a été objectivée dans
73 % du groupe endométriose contre seulement 6 % dans le groupe
témoin.
Il semble donc que l’excès de prostaglandines soit un dénominateur
physiopathologique commun à la dysménorrhée essentielle et à la
plupart des dysménorrhées organiques.
Diagnostic :
La démarche diagnostique est simple et bien codifiée :
– l’interrogatoire est le temps essentiel ;
– l’examen gynécologique est souvent inutile chez l’adolescente ;
– les examens complémentaires ont des indications précises et
limitées.
A - CONDUITE DE L’EXAMEN :
1- Interrogatoire en six questions :
* Quel âge ?
Moins de 25 ans : c’est l’âge de la pathologie dite fonctionnelle et
notamment celui de la dysménorrhée essentielle.
De 25 à 35 ans : c’est l’âge de la maternité et de l’endométriose
externe, associée dans 30 à 50 % des cas à une infécondité.
Plus de 35-40 ans : c’est l’âge de la pathologie utérine bénigne, adénomyose, fibrome, hyperplasie de l’endomètre, ménorragies
fonctionnelles.
* Primaire ou secondaire ?
C’est la question essentielle mais l’interrogatoire doit être précis :
– une dysménorrhée primaire masquée par la contraception orale et
réapparaissant à son arrêt ne doit pas égarer ;
– une dysménorrhée secondairement aggravée à distance de la
puberté a la même valeur sémiologique qu’une dysménorrhée
secondaire.
* Stable ou évolutive ?
La dysménorrhée essentielle se répète de mois en mois sans
tendance à l’aggravation.
Une douleur progressivement croissante dans son intensité est
suspecte d’organicité, même chez l’adolescente.
* Quelle intensité ?
Modérée ne gênant pas l’activité et requérant peu ou pas de
médication, forte perturbant l’activité et nécessitant des antalgiques
divers, ou intense entraînant un arrêt d’activité et mal calmée par
les analgésiques habituels.
Ce paramètre guide les choix thérapeutiques.
* Quels signes d’accompagnement ?
Il peut n’y en avoir aucun, mais la dysménorrhée essentielle est
souvent accompagnée d’un riche cortège neurotonique et digestif.
Deux études françaises retiennent plus de dix signes
fonctionnels associés : asthénie, céphalées, nausées, parfois
vomissements (de 7 à 30 %), diarrhée (9 %), lipothymies (17 %),
irritabilité (57 %), nervosité (36 %), etc.
La plupart de ces signes
fonctionnels sont aussi liés aux prostaglandines.
Une dyspareunie profonde et des douleurs pelviennes non cycliques
d’apparition progressive à distance de la puberté évoquent
l’endométriose externe.
L’association de la dysménorrhée à des ménorragies chez une
femme de plus de 40 ans est très suggestive d’une adénomyose.
L’expulsion de volumineux fragments d’endomètre parallèlement à
l’existence d’une dysménorrhée intense fait évoquer le diagnostic
de dysménorrhée « membraneuse » qui peut être spontanée ou
rançon d’un traitement progestatif comme dans l’observation de Rouanet avec l’acétate de cyprotérone.
* En début ou en fin de règles ?
La dysménorrhée essentielle est une douleur protoméniale ou de
précession ; elle apparaît avec les règles ou les précède de quelques
heures.
Sa durée dépasse rarement 24 à 36 heures.
La dysménorrhée organique est volontiers téléméniale, apparaissant
ou s’aggravant le deuxième ou le troisième jour des règles, et de
durée plus longue.
2- Examen gynécologique, volontiers facultatif
chez l’adolescente
:
Que peut apporter l’examen clinique ?
Il est normal dans la dysménorrhée essentielle.
Ailleurs, le toucher vaginal peut révéler une douleur provoquée :
– vive et précise à la racine des utérosacrés et à la mobilisation de
l’utérus dans l’endométriose externe ;
– plus sourde à la palpation d’un utérus modérément augmenté de
volume dans l’adénomyose ;
– bilatérale, mais exclusivement prémenstruelle, dans la dystrophie
ovarienne macropolykystique où le doigt entraîné perçoit facilement
deux gros ovaires bosselés qui s’estompent après les règles ;
– exceptionnellement, douleurs pelviennes basses unilatérales d’une
tuméfaction bombant dans le vagin et/ou juxta-utérine en cas de
malformation utérovaginale.
L’examen clinique est donc indispensable chaque fois que
l’interrogatoire oriente vers une dysménorrhée organique.
Ailleurs,
il n’est pas nécessaire au diagnostic mais garde toute son utilité chez une femme en période d’activité génitale en raison de la possibilité
de découvrir fortuitement d’autres pathologies gynécologiques.
En
revanche, il n’est pas souhaitable chez une jeune adolescente
présumée vierge dont la douleur a tous les caractères d’une
dysménorrhée essentielle.
Plutôt que d’imposer un examen
techniquement difficile et parfois traumatisant, mieux vaut dans ce
cas prescrire d’emblée un traitement médical antiprostaglandines
dont l’efficacité habituelle constitue un véritable test diagnostique et
thérapeutique.
3- Examens complémentaires : des indications précises
et limitées
:
Trois examens sont potentiellement utiles :
– l’échographie pour documenter une dystrophie ovarienne,
détecter un kyste endométriosique ou une adénomyose, vérifier la
position d’un stérilet, ou découvrir parfois une tuméfaction
utérovaginale ;
– l’hystérographie, examen de référence pour confirmer un
diagnostic d’adénomyose ;
– la coelioscopie, surtout pour faire le diagnostic d’endométriose
externe et le bilan d’une malformation utérovaginale.
Ces examens sont inutiles chez une adolescente ou une femme jeune
dont la douleur a tous les caractères d’une dysménorrhée essentielle.
Même lorsque la dysménorrhée paraît organique, les examens
complémentaires ne doivent pas être systématiques.
Leur indication
n’est légitime que dans la mesure où leurs résultats peuvent
influencer valablement la décision thérapeutique.
Le diagnostic de dystrophie ovarienne est un diagnostic clinique.
L’échographie est surtout utile pour en documenter les épisodes
graves avec kyste fonctionnel volumineux, douloureux, parfois
hémorragique, pouvant justifier une ponction échoguidée à visée
antalgique.
Chez une femme de plus de 40 ans présentant des ménorragies
douloureuses sans déformation myomateuse, le diagnostic
d’adénomyose est de loin le plus probable.
Une hystérographie
normale ne suffit pas à récuser ce diagnostic et le recours éventuel à
la chirurgie ne dépend pas des images radiologiques, mais de
l’importance de la symptomatologie clinique et de sa résistance aux
traitements médicaux.
La coelioscopie est plus qu’un examen complémentaire, c’est un acte
chirurgical avec son risque de complications.
Les indications de la
coelioscopie doivent donc être solidement argumentées.
Chez
l’adolescente, il faut savoir que les lésions sont volontiers atypiques
en coelioscopie, décrites sous forme de vésicules plus blanches que
rouges, plutôt superficielles.
La biopsie est souhaitable pour en
démontrer l’étiologie.
B - DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :
1- Dysménorrhée primaire
:
Une dysménorrhée primaire est presque toujours essentielle.
L’interrogatoire bien conduit est généralement suffisant au
diagnostic.
L’efficacité du traitement médical antiprostaglandine
et/ou oestroprogestatif est habituelle.
Il existe deux exceptions à cette règle.
Une dysménorrhée primaire apparue dès les premiers cycles et
d’intensité progressivement croissante doit faire redouter une
malformation utérovaginale, hémivagin borgne notamment.
L’endométriose juvénile est une entité rare, mais la méconnaître
pourrait être fâcheux pour la fertilité ultérieure.
Il faut y penser si la
dysménorrhée est rebelle aux différents essais thérapeutiques et si
elle s’accompagne de douleurs pelviennes non cycliques, bien
différentes de la dystrophie ovarienne macropolykystique.
En cas
de dysménorrhée rebelle, la fréquence d’endométriose va de 37 %
chez Audebert à 54 % pour Wolfman.
L’endométriose est plus
fréquente après 17 ans car il est admis qu’il faut environ 5 ans de
menstruations régulières pour le développement des lésions.
C’est dans ces rares situations que les examens complémentaires
trouvent leur pleine justification chez l’adolescente.
2- Dysménorrhée secondaire
:
D’assez nombreuses situations pathologiques ont été rendues
responsables de dysménorrhée secondaire organique chez la femme
adulte.
L’endométriose externe et l’adénomyose sont les plus fréquentes et
les moins discutables.
Les sténoses cervicales après chirurgie du col ont une responsabilité
réelle à condition que la sténose soit authentique et que la douleur
soit apparue dans les mois suivant l’intervention.
Le stérilet est parfois en cause.
C’est notamment le cas lorsqu’il est
déplacé.
Ailleurs, certaines études ont rapporté chez ces patientes
une hypersécrétion de prostaglandines endométriales en présence
du stérilet.
Cette hypothèse n’exclut pas la recherche des autres
causes de dysménorrhée, et en particulier d’une adénomyose chez
une femme qui est en principe mère de famille et le plus souvent
âgée de plus de 35-40 ans.
Parmi les fibromes, seuls les myomes intracavitaires ont parfois la
dysménorrhée secondaire comme mode d’expression, souvent
associée à des ménorragies.
Une dysménorrhée après ligature tubaire a été attribuée à une
menstruation rétrograde avec dilatation conséquente des deux
parties proximales des trompes utérines.
Ce phénomène demeure
exceptionnel : chez 900 femmes stérilisées, Harlow ne trouve pas
de différence significative avec un groupe de femmes non stérilisées.
En revanche, l’infection génitale subaiguë ou chronique et la
rétroversion utérine ont une place très discutable dans ce chapitre.
Leur responsabilité, évoquée dans le passé, ne paraît plus retenue à
l’heure actuelle.
Traitement :
Les propositions thérapeutiques découlent de la physiopathologie.
La douleur menstruelle est l’expression d’une hypoxie tissulaire
consécutive à l’hypercontractilité du myomètre et à la
vasoconstriction de ses artérioles.
Trois familles d’agents utérotoniques et/ou vasoconstricteurs ont une responsabilité
démontrée dans ce syndrome : les leucotriènes, l’arginine
vasopressine et surtout les prostaglandines, PGF2 a en particulier.
A - MÉTHODES :
Les principales méthodes sont les progestatifs (chez l’adolescente),
la contraception orale et les antiprostaglandines prescrits séparément
ou en association.
Les autres moyens médicamenteux sont soit de
simples traitements adjuvants (antispasmodiques), soit des
traitements de troisième intention (bêtamimétiques, anticalciques)
réservés à quelques cas particuliers.
La dilatation cervicale n’a plus
sa place dans le traitement de la dysménorrhée essentielle.
La neurectomie présacrée, intervention de Cotte, doit rester un
traitement d’exception mais connaît un petit regain d’intérêt par les
possibilités de la coeliochirurgie.
1- Progestatifs
:
Leur efficacité est connue de longue date.
Du 16e au 25e jour, ils agissent en diminuant la motricité utérine,
réduisant de manière significative les PGF2 a.
Ils s’avèrent
intéressants chez l’adolescente qui n’a pas de vie sexuelle, ce qui
rend peu logique la pilule.
Les progestatifs macrodosés administrés du 6e au 25e jour ont une
efficacité équivalente à la pilule par une action antigonadotrope (Luténylt, Surgestonet, Lutérant, Colpronet) mais leur
administration n’est peut-être pas sans conséquence sur le poids …
ce qui est bien peu prisé à l’adolescence.
2- Contraception orale
:
Le mécanisme d’action de la contraception oestroprogestative est
probablement l’inhibition indirecte de la synthèse des
prostaglandines endométriales sous-tendue par l’hypotrophie de
l’endomètre et l’absence d’ovulation, donc d’endomètre sécrétoire.
Toutefois, une étude récente de Ekstrom a également rapporté
chez les femmes dysménorrhéiques une diminution significative des
taux plasmatiques d’arginine vasopressine en période menstruelle
sous contraception oestroprogestative.
La contraception orale était en 1970 le traitement de référence avec
90 % de bons résultats, mais la minipilule a été minidosée, ce qui a
diminué son efficacité dans cette indication, selon un certain nombre
de publications.
Ainsi, pour Andersch en Suède, la contraception orale diminue de
moitié la fréquence de la dysménorrhée sévère mais n’a pas
d’influence sur la prévalence des dysménorrhées légères et
modérées.
Pour Robinson aux États-Unis, 43 % des adolescentes se plaignant
de dysménorrhée sévère sont pourtant déjà sous contraception orale.
À l’inverse, dans l’étude de Rabe faite avec une pilule triphasique
au gestodène, le taux de dysménorrhée légère de 20 % au début de
l’étude passe à 10 % à 1 mois et à 4 % à 6 mois, celui de
dysménorrhée sévère de 4,8 % au début de l’étude n’est plus que de
1,5 % à 1 mois et 0,5 % à 6 mois.
Quelle « pilule » choisir ?
Sûrement pas la micropilule qui n’empêche pas l’ovulation.
La base doit rester la minipilule.
Chez l’adolescente et la jeune femme, il vaut mieux choisir en
première intention un oestroprogestatif minidosé dont la tolérance
clinique et métabolique est le plus souvent excellente, en préférant
les pilules contenant un progestatif de troisième génération,
gestodène ou desogestrel, si la dysménorrhée résiste aux minipilules
remboursées.
La persistance de la dysménorrhée peut néanmoins conduire soit à
l’adjonction d’antiprostaglandines en période menstruelle, soit au
remplacement par un oestroprogestatif « normodosé » à 50 µg
d’éthinyloestradiol.
3- Antiprostaglandines :
Ce terme désigne l’acide acétylsalicylique, qui n’a pas d’efficacité
démontrée dans cette indication, et les anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) qui en sont devenus au contraire le traitement de
référence, avec 80 à 90 % de bons résultats.
* Mode d’action :
Ce sont des inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines.
Le
mécanisme principal est l’inhibition de la cyclo-oxygénase, donc de
la transformation de l’acide arachidonique en endoperoxydes.
Les
enzymes assurant la conversion des endoperoxydes en PG, Tx et
PGI sont également inhibées dans des proportions variables, mais
ce mécanisme est secondaire.
De plus, certains AINS sont également
des antagonistes des prostaglandines qui inhibent spécifiquement la
liaison à leur récepteur.
Il en résulte une diminution de la
concentration endométriale en prostaglandine et une inhibition de
l’activité contractile utérine.
* Mode d’administration :
C’est un traitement ponctuel, très limité dans le temps, qui se prend
de 1 à 3 jours par mois en période menstruelle.
Il doit être débuté
dès le premier jour des règles ou, en cas de dysménorrhée de
précession, dès le début des douleurs.
C’est selon le Vidalt un « médicament pour adulte et enfant de plus
de 15 ans » (12 ans pour l’acide méfénamique), or la dysménorrhée
commence souvent bien avant, ce qui réglementairement limite son
emploi.
* Résultats
:
Depuis 1974, de très nombreux essais cliniques ont évalué les
résultats des antiprostaglandines dans le traitement de la
dysménorrhée essentielle.
Beaucoup sont des études randomisées en
double aveugle contre placebo, mais aucune n’a comparé entre eux
les différents AINS et malheureusement aucune étude n’a cherché à
évaluer l’intérêt des antiprostaglandines dans le traitement
symptomatique de la dysménorrhée organique alors que le
raisonnement physiopathologique laisse présager un certain degré
d’efficacité.
Les données actuelles montrent que l’aspirine n’a pas
d’efficacité démontrée dans cette indication, alors que les AINS
permettent de 80 à 90 % de bons résultats sans que la supériorité de
l’un d’entre eux ait pu être démontrée.
* Effets secondaires et complications :
Présents dans 10 % des cas, mais difficilement acceptables pour une
pathologie bénigne, ils interviennent pour beaucoup dans le choix
de l’AINS.
Compte tenu de l’âge des patientes et de la durée
d’administration du produit, les authentiques complications
digestives, cardiovasculaires ou rénales sont rarissimes.
Peuvent se
voir en revanche des manifestations digestives (nausées,
vomissements, gastralgies, diarrhée) et neurosensorielles (céphalées,
vertiges, acouphènes) sans gravité mais désagréables, et des
accidents immunoallergiques (prurit, éruptions diverses, oedème de
Quincke), respiratoires (bronchospasme) et hématologiques
(cytopénie isolée, agranulocytose, aplasie).
Tous les AINS sont impliqués, mais la plupart des complications
sévères s’observent avec l’indométacine et la phénylbutazone.
Les
effets secondaires sont plus rares et les complications graves
exceptionnelles avec les autres AINS.
* Quelle antiprostaglandine choisir ?
Le traitement de la dysménorrhée nécessite une antiprostaglandine
efficace dans cette indication mais habituellement bien tolérée aux
posologies utilisées.
De plus, la durée de la douleur menstruelle
n’excédant pas en général 24 à 36 heures, il paraît logique de
préférer un produit à demi-vie plasmatique assez brève.
Ces
considérations conduisent à écarter l’aspirine, peu efficace,
l’indométacine et la phénylbutazone dont les effets secondaires sont
fréquents et importants, et à préférer les dérivés propioniques
(flurbiprofène, ibuprofène, kétoprofène, etc.) et les fénamates en
privilégiant ceux dont la demi-vie plasmatique est inférieure à six
heures.
* Une nouveauté : les anti-COX2 (inhibiteurs sélectifs
de la cyclo-oxygénase 2)
Le valdecoxibe a été évalué dans 60 études cliniques incluant plus
de 14 000 volontaires sains et patients présentant des pathologies
ostéoarticulaires ou des dysménorrhées.
Son efficacité est comparable à celle du naproxène à la dose de 20
mg deux fois par jour en termes d’antalgie, avec une très faible
proportion de complications digestives gastriques (de toute façon
rares avec des traitements très courts) et peu d’effet sur
l’agrégation plaquettaire, ce qui est dû à l’absence d’inhibition de
la COX1.
Ces produits n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché en
France dans l’indication dysménorrhée.
4- Tocolytiques :
Ce ne sont pas des traitements physiopathologiques car ils ne
corrigent ni l’excès de prostaglandines ni ses conséquences
systémiques.
En revanche, ils peuvent atténuer l’hypercontractilité
utérine et soulager la douleur pelvienne.
Les antispasmodiques sont des tocolytiques mineurs, mais sans effet
secondaire sérieux.
Ils ne sont qu’un traitement d’appoint, parfois
suffisant : Spasfont, Spasmoprivt, Viscéralginet et Avafortant, etc.
et sont couramment utilisés dans cette indication.
C’est aussi comme
antispasmodiques et myorelaxants qu’agissent la progestérone et les
progestatifs.
Les bêtamimétiques et les anticalciques sont des tocolytiques
puissants utilisés avec succès dans de petites séries de
dysménorrhées sévères, mais l’importance de leurs effets
secondaires en limite l’emploi.
5- Autres médicaments
:
D’autres produits ont été essayés avec des fortunes diverses mais
n’ont pas reçu d’indication pour la dysménorrhée :
– inhibiteur de la vasopressine et de l’ocytocine (SR 49059, atosiban) ;
– nitroglycérine pour ses propriétés myorelaxantes sur le muscle
utérin, dérivés nitrés en crème, supérieurs au placebo mais avec
des effets indésirables (céphalées, vertiges) ou en patch équivalent
à un AINS dans la première demi-heure d’administration, moins bon
ensuite ;
– vitaminothérapie B6, B1, E par action sur la protéine kinase
régulant la phospholipase A2.
6- Traitements physiques
:
Le stérilet au lévonorgestrel est un recours possible en cas de
dysménorrhée et de souhait contraceptif : 69 % des patientes
satisfaites dans un groupe de 69 femmes dont le dispositif intrautérin
a été placé une fois sur quatre pour dysménorrhée.
La stimulation nerveuse électrique transcutanée a été expérimentée
avec succès par plusieurs équipes.
Elle suffirait à soulager 30 %
des patientes et permettrait aux autres de diminuer sensiblement les
doses de médicaments.
Son mode d’action est incertain : saturation
des fibres nerveuses sensitives, libération d’endorphine ?
Ici, c’est la
nécessité d’un appareillage spécifique qui en limite l’emploi.
Une
étude de la Cochrane database relève neuf articles pertinents de 1985
à 1995 dont il ressort l’efficacité de la neurostimulation haute
fréquence versus placebo (quatre études), ainsi que l’efficacité de
l’acupuncture versus placebo (une étude) ou versus groupes témoins
(deux études).
Il y a malheureusement trop peu d’essais dans la
dysménorrhée pour conclure.
On peut rapprocher l’utilisation d’une gaine réalisant une acupression par l’intermédiaire d’électrodes pressant les points
anatomiques classiquement utilisés en acupuncture.
Dans un
essai, il a été obtenu un quart d’amélioration …, ce qui est peu
convaincant.
Les manipulations vertébrales proposées par certains n’ont pas
démontré une efficacité supérieure à celle d’un effet placebo.
La thermothérapie locale via un dispositif abdominal a été testée
avec une efficacité comparable à l’ibuprofène.
La thermocoagulation par ballonnet intra-utérin est surtout destinée
au traitement des ménorragies de la quarantaine rebelles aux
traitements médicaux.
Elle s’avère aussi efficace sur la
dysménorrhée : une amélioration de la douleur menstruelle est
signalée par 60 % des 69 patientes de 27 à 54 ans traitées par Byrd.
7- Traitements chirurgicaux
:
Les techniques de dénervation utérine (neurectomie présacrée,
vaporisation des ligaments utérosacrés) connaissent un regain
d’intérêt grâce au progrès de la coelioscopie opératoire.
Dans deux
séries, elles auraient permis d’apporter une amélioration sensible
dans 70 % des dysménorrhées essentielles sévères et 94 % des
dysménorrhées organiques avec endométriose.
Toutefois, la revue
de la Cochrane database conclut que ce type de traitement
apparaît clairement mal documenté et justifie d’autres études.
Les dilatations cervicales n’ont pas d’intérêt démontré en dehors des
sténoses cervicales authentiques.
Quelques auteurs leur prêtent
néanmoins une certaine efficacité, attribuée partiellement à la lésion
de fibres nerveuses péricervicales.
Dawood suggère de la réaliser
(jusqu’à la bougie de Hegar no 10) à l’occasion d’une coelioscopie de
bilan dans les dysménorrhées sévères rebelles aux traitements
médicaux.
8- Soutien psychologique
:
La dysménorrhée essentielle n’est pas une pathologie psychogène,
mais la douleur a toujours une composante affective.
L’information
des patientes, l’explication simple de la physiopathologie en
soulignant le caractère transitoire de la dysménorrhée et son
excellent pronostic, font partie intégrante de la thérapeutique.
Un
soutien psychologique spécialisé peut néanmoins être nécessaire
dans les dysménorrhées sévères rebelles aux traitements médicaux
et sans explication au terme du bilan coelioscopique.
B - INDICATIONS :
1- Un recours médical insuffisant
:
Il s’agit d’une symptomatologie qui, bien que pénible, ne déclenche
pas systématiquement le recours au médecin, sans doute du fait de
l’empreinte forte de fatalité attachée à ce symptôme.
2- Dysménorrhée essentielle
:
Ce n’est souvent qu’en cas d’insuccès d’antispasmodiques ou
d’analgésiques divers tout droit sortis de l’armoire familiale que la
patiente consulte habituellement avec et à la demande de sa mère.
On est en effet surpris de noter selon l’enquête d’Elia que chez
1 500 adolescentes, si 50 % n’utilisent aucune thérapeutique durant
la première année des règles, 50 % utilisent des moyens aussi variés
que, par ordre décroissant, aspirine, amidopyrine, antiinflammatoire,
vieux remèdes (bouillotes), pilule, paracétamol, etc.
* En première intention :
On prescrit pour une période d’essai de 4 à 6 mois :
– soit une antiprostaglandine, qui a pour lui la brièveté de son
administration et l’absence de conséquences hormonales, mais à
l’inverse qui est parfois responsable d’effets secondaires ;
– soit un oestroprogestatif minidosé s’il existe un désir de
contraception ; la nécessité de 3 semaines de médicament pour agir
1 ou 2 jours par mois peut à l’inverse rebuter la patiente… et sa
maman pas toujours ravie d’une prescription hâtive de la pilule ;
– soit un progestatif, en particulier chez l’adolescente, du 16e au 25e
jour.
* En seconde intention
:
L’amélioration incomplète de la dysménorrhée par les antiprostaglandines peut justifier l’adjonction d’antispasmodiques
ou la prescription de pilule.
La persistance de la dysménorrhée sous oestroprogestatifs minidosés
peut faire remplacer l’oestroprogestatif minidosé par une pilule à
50 µg d’éthinyloestradiol ou associer la pilule à une
antiprostaglandine.
* En troisième intention :
À ce stade, l’échec thérapeutique est rare.
La persistance d’une
dysménorrhée sévère doit faire discuter l’indication d’une
coelioscopie de bilan avant d’envisager le recours à des traitements
d’exception qui gagnent à être associés à un soutien psychologique :
– traitements tocolytiques, par bêtamimétiques ou anticalciques ;
– électrostimulation transcutanée ;
– dénervation utérine dont les rares indications doivent être posées
en centre spécialisé et qu’il peut être tentant de réaliser lors de la
coelioscopie de bilan si aucune étiologie n’a été retrouvée.
3- Dysménorrhées organiques :
Elles réclament un traitement étiologique approprié mais la
fréquente implication des prostaglandines dans leur
physiopathologie rend logique l’utilisation d’une antiprostaglandine,
en particulier dans le traitement symptomatique des dysménorrhées
sous stérilet (après vérification de la bonne position de ce dernier) et
des dysménorrhées accompagnant l’adénomyose (en association
avec les progestatifs).
Le stérilet au lévonorgestrel peut aussi être un
bon recours.
Conclusion :
La dysménorrhée, par sa fréquence et son intensité, mérite une prise en
charge de qualité. L’automédication y est fréquente et assez souvent
suffisante.
Il faut cependant mieux informer les femmes et tout
particulièrement les adolescentes de la possibilité d’une prise en charge
médicale très efficace dans la grande majorité des cas.