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Réanimation-Urgences
Diarrhées aiguës infectieuses
Cours de réanimation - urgences
 

 

 

Introduction :

La diarrhée se définit comme l’apparition brutale de selles trop nombreuses (dépassant trois exonérations non moulées/j) et trop abondantes (dépassant en théorie 300 g/j).

Son caractère aigu est affirmé par le début brutal, un volume de selles important, son évolution le plus souvent favorable en quelques jours (spontanément ou sous traitement), l’épisode ayant duré moins de 14 jours en général.

Au-delà, elle est considérée comme diarrhée persistante. Cette notion de durée des diarrhées aiguës est encore débattue, certains auteurs retenant un délai maximal de 1 mois.

Dans la majorité des cas, elles sont d’origine infectieuse, principalement bactériennes et virales.

Les autres étiologies, parasitaires et fungiques, sont plus rares. Le nombre de germes impliqués ne cesse d’augmenter au fil des années.

Nous nous limitons à la conduite à tenir pratique face à une diarrhée aiguë infectieuse, sans détailler les germes incriminés qui ont fait l’objet de mises au point détaillées dans ce traité de maladies infectieuses.

Étiopathogénie :

A - FLORE INTESTINALE :

Le tube digestif humain est colonisé par une population de 1014 micro-organismes (cent mille milliards).

Elle est représentée par plus de 400 espèces et peut être subdivisée en flore normale ou résidente, et en flore de passage ou de transit.

La flore résidente est souvent divisée en flore dominante et sous-dominante.

La flore dominante regroupe une vingtaine d’espèces anaérobies (1010 ufc/g de selles) (ufc : unités formant colonies) et est constituée essentiellement de bacilles à Gram négatif non sporulés où le genre Bacteroides prédomine.

Des bacilles à Gram positif (Eubacterium, Clostridium perfringens...) et des coccis à Gram positif (Peptostreptococcus...) sont également retrouvés.

La flore sous-dominante est constituée de bactéries aéro-anaérobies facultatives (107 ufc/g de selles), incluant entérobactéries et streptocoques.

À côté de cette flore résidente, la flore de transit, d’une densité bien inférieure (105 -106 ufc/g de selles) à l’état normal, regroupe des espèces variées : entérobactéries (Citrobacter, Proteus, Klebsiella...), Pseudomonas, Staphylococcus aureus et epidermidis, Candida albicans. En dehors de tout phénomène pathologique, cette flore n’exprime pas de pouvoir pathogène.

La flore commensale représente un véritable écosystème où coexistent des interactions entre les micro-organismes et entre les micro-organismes et l’hôte qui les héberge.

Cet écosystème intestinal, outre de nombreuses fonctions, possède la capacité de s’opposer à l’implantation et à la multiplication des bactéries exogènes à l’origine du concept d’effet barrière ou de résistance à la colonisation.

En effet, au sein de cette flore, de nombreux phénomènes synergiques et inhibiteurs coexistent : compétition pour les substrats et les sites d’attachements, production de bactériocines, de métabolites toxiques, d’acides gras volatils par les anaérobies pouvant inhiber d’autres bactéries, synergie par l’échange de métabolites et de facteurs de croissance.

Il convient de ne pas restreindre ce rôle de barrière microbiologique par rapport au rôle des autres barrières et de leur interactivité : barrière physicochimique et barrière immunologique (immunoglobulines [Ig] sécrétoires et cellules immunocompétentes regroupées en tissu lymphoïde).

B - MÉCANISME :

Schématiquement, pour qu’un micro-organisme puisse exercer un pouvoir pathogène, il est nécessaire qu’un inoculum minimum infectant de l’agent soit ingéré.

Pour parvenir au niveau de la cellule cible, cet agent pathogène doit ensuite vaincre la flore de barrière, franchir le film de mucus et posséder l’information nécessaire pour ensuite adhérer aux entérocytes.

L’adhérence, outre des phénomènes physiques, se matérialise par la fixation de fimbriae, codées par des gènes le plus souvent plasmidiques, sur des récepteurs adéquats.

Cette étape franchie, la muqueuse épithéliale peut être colonisée, et l’agent pathogène a la possibilité d’exprimer ses facteurs de pathogénicité spécifiques.

Les agents entéropathogènes, en fonction de l’information génétique dont ils disposent, vont interférer dans les mécanismes physiologiquement normaux de régulation des mouvements d’eau et d’électrolytes, en prenant le contrôle intracelullaire de la régulation de la concentration en adénosine monophosphate cyclique (AMPc), de la guanosine monophosphate cyclique (GMPc), de la concentration intracellulaire en ions Ca++, ou en modifiant l’architecture du cytosquelette de l’entérocyte.

Les manifestations cliniques sont liées soit à un phénomène purement invasif avec envahissement des cellules intestinales, multiplication in situ et destruction de celles-ci, et/ou production de toxines cytotoniques altérant temporairement les cellules et ayant un effet sécrétoire ou de toxines cytotoxiques altérant ou tuant la cellule.

1- Phénomène d’intoxination :

Il correspond au phénomène d’absorption d’une toxine préalablement formée dans l’aliment avant son ingestion.

2- Facteurs d’adhésion :

L’adhésion est un mécanisme général qui permet aux microorganismes, dans un biotope donné, de survivre et d’utiliser de manière optimale les nutriments, mais aussi d’exprimer leurs facteurs de virulence.

Les bactéries peuvent adhérer aux entérocytes au moyen de structures ou adhésines sous forme de fimbriae (appendice filamenteux rigide), de fibrillae (appendice filamenteux non rigide) ou d’adhésines non filamenteuses.

Elles sont très nombreuses, particulièrement étudiées chez Escherichia coli, et peuvent être désignées sous différentes appellations : colonization factor antigen (CFA), coli surface antigen (CSA).

Elles sont codées et régulées par des gènes organisés en opéron et le plus souvent portés par un plasmide. Hétérogènes, elles peuvent être distinguées morphologiquement, sérologiquement, et par la spécificité du récepteur.

Si certaines fimbriae sont ubiquitaires, d’autres sont spécifiques à certains tissus. Les fimbriae sont constituées de la répétition de plusieurs sous-unités protidiques dont certaines sont des composants structuraux majeurs alors que d’autres, en minorité, interviennent dans la reconnaissance du récepteur cellulaire.

Au niveau de la cellule cible, les ligands reconnus par les adhésines fimbriaires sont des oses ou des osamines (résidus contenant du D-mannose) impliquées dans la structure de glycopeptides ou de glycolipides de la membrane cytoplasmique. Pour les E. coli entéropathogènes (EPEC), l’adhésion aux cellules épithéliales se fait par le biais d’un enchevêtrement de pili flexibles, les bundle forming pili (BFP), suivi d’une destruction des microvillosités (phénomène d’attachement-effacement A/E).

Un des intérêts de la connaissance de la structure des adhésines bactériennes est leur rôle potentiel d’antigènes capables d’induire une immunité protectrice.

3- Toxinogenèse :

Les mécanismes de pathogénicité de certaines bactéries adhérentes aux entérocytes impliquent la sécrétion de toxines de différents types.

* Entérotoxines :

Celles qui sont directement impliquées dans les diarrhées aqueuses dues aux E. coli entérotoxinogènes (ETEC) appartiennent à deux catégories : les entérotoxines thermolabiles (LT) ou thermostables (ST).

Les entérotoxines LT (LT I et LT II) des ETEC sont des entérotoxines cytotoxiques voisines de la toxine produite par Vibrio cholerae et de celles produites par d’autres bactéries comme Aeromonas hydrophila, Campylobacter jejuni, Salmonella typhimurium.

Ces toxines agissent au niveau de la cellule cible en augmentant la production d’AMPc.

Les entérotoxines LT des ETEC sont des protéines formées d’un polypeptide A, portant l’activité enzymatique et lié de façon non covalente à un pentamère de sous-unités B responsable de la fixation de la toxine avec le récepteur membranaire.

Le récepteur membranaire est le monosialoganglioside GM1 (comme pour la toxine cholérique) qui est exprimé sur de nombreux tissus, mais en particulier à la surface des entérocytes.

Après pénétration, la sousunité A est clivée et la libération d’un fragment A1 va catalyser l’acide adénosine diphosphate (ADP), ribosylation NAD-dépendante de la cible cellulaire.

L’activation du système adénylcyclase a pour corollaire la transformation d’acide adénosine triphosphate (ATP) en AMPc, avec pour conséquence une augmentation de la sécrétion d’ions Cl- et une absence de résorption d’ions Na+ et Cl- à l’origine d’une fuite passive d’eau vers la lumière intestinale.

Les gènes codant pour les toxines LT sont situés sur des plasmides. Les entérotoxines ST (ST I et ST II) des ETEC, dont les gènes codants sont situés sur des plasmides, sont des polypeptides riches en cystéine et en pont disulfure.

En se fixant au niveau de la bordure en « brosse » des cellules épithéliales du jéjunum et de l’iléon, elles stimulent une guanylate cyclase cellulaire, avec pour conséquence une augmentation de la sécrétion des ions Cl- et une inhibition de l’absorption des ions Na+ se traduisant par une fuite hydrique importante. Contrairement aux entérotoxines LT, elles sont peu immunogènes.

Des entérotoxines ST ont été également décrites pour V. cholerae non O1, Yersinia enterocolitica et Citrobacter freundii et pour certaines souches d’E. coli entéroagrégatifs (toxines EAST-1).

* Cytotoxines :

Les E. coli entérohémorragiques (EHEC) synthétisent deux toxines ayant un support génétique d’origine phagique (contrairement à la toxine Shiga).

En raison de leur homologie avec la toxine de Shiga dysenteriae, elles sont appelées Shiga-like toxin I et II (SLT I, SLT II), mais aussi vérotoxines car elles sont cytotoxiques in vitro pour les cellules Véro.

Elles sont formées d’une sous-unité A et d’une sous-unité B, cette dernière étant responsable de la fixation de la toxine sur un récepteur de la membrane cellulaire, le dimère Galb1-4Glc-céramide, rentrant dans la composition du glycolipide Gb3.

Après fixation de la sous-unité B, les toxines sont endocytées et la sous-unité A est clivée, libérant un fragment A1 dans le cytoplasme cellule cible ; il en résulte une inhibition de la synthèse des protéines de la cellule cible par une N-glycosidase qui va hydrolyser l’acide ribonucléique (ARN) ribosomal 28S.

Le glycolipide Gb3 est non seulement présent sur les entérocytes, mais également sur d’autres cellules endothéliales rénales, vasculaires, pancréatiques, ainsi qu’au niveau du système nerveux central, expliquant les différents signes cliniques.

Clostridium difficile produit une entérotoxine A mais aussi une cytotoxine B.

Après pénétration intracellulaire, elles vont provoquer une désorganisation du cytosquelette et modifier le fonctionnement de la jonction intercellulaire.

4- Invasion des cellules de l’hôte :

Elle représente un moyen d’accès à l’organisme et d’échappement à ses défenses.

Certains micro-organismes ont le potentiel d’envahir les cellules et de les détruire (Shigella), d’autres n’utilisent la cellule que comme moyen de transport pour être pris éventuellement en charge ensuite par les macrophages (Salmonella, Yersinia).

* Invasion cellulaire suivie d’une destruction :

Shigella possède un grand plasmide de virulence qui code pour un phénotype de type invasif.

Après adhésion aux cellules épithéliales coliques, l’activation du système Mxi/Spa permet la libération de plusieurs protéines, et particulièrement des protéines IpaB et IpaC qui sont à l’origine d’une réorganisation massive du cytosquelette.

Cette réorganisation est à l’origine de l’entrée de la bactérie dans la cellule par pinocytose.

Dans la cellule, la bactérie lyse la vacuole d’endocytose et est libérée dans le cytoplasme.

À ce stade, l’expression à un pôle de la bactérie d’une protéine de membrane externe (IcsA), permet de provoquer la polymérisation de l’actine, ce qui se traduit par une colonisation du cytoplasme de la cellule épithéliale.

L’utilisation ensuite comme transporteurs des composants de la jonction intercellulaire permet le passage d’une cellule à une autre.

Cette multiplication intracellulaire rapide et l’accès aux cellules adjacentes entraînent la mort de la cellule hôte.

Il s’ensuit une importante inflammation de la muqueuse, accompagnée d’une diarrhée sanglante et mucopurulente. Dans la shigellose, l’inflammation débute très précocement.

Dès que Shigella est phagocytée par les macrophages, la bactérie déclenche chez ceux-ci la libération d’interleukine (IL) 1b qui altère l’imperméabilité de la barrière intestinale et provoque la mort des macrophages par phénomène d’apoptose.

* Invasion cellulaire sans destruction :

Après adhésion sur les entérocytes et les épithéliums associés aux follicules lymphoïdes, en particulier les cellules M, certaines bactéries comme les salmonelles sont internalisées par un système actine-dépendant.

Elles se multiplient peu dans le cytoplasme, ne lysent pas leur vacuole de phagocytose, et accèdent à la lamina propria.

À ce niveau, elles sont phagocytées par les macrophages dans lesquels elles survivent, se multiplient et rejoignent les ganglions mésentériques. Selon certains auteurs, S. typhimurium induirait une production d’IL, ainsi qu’un phénomène d’apoptose chez les macrophages qu’elle infecte.

Une des conséquences pourrait être l’altération de la barrière intestinale favorisant ainsi le processus invasif.

Yersinia enterocolitica traverse de même les cellules M par endocytose, mais résiste à la phagocytose et permet la multiplication de la bactérie dans les tissus grâce à la présence d’un plasmide de virulence pYV.

Sur ce plasmide, les gènes (gènes yop) sont un des supports de la pathogénicité de la bactérie (résistance au complément, inhibition de la phagocytose et cytotoxicité).

Physiopathologie :

Les diarrhées aiguës témoignent d’une infection du tube digestif par divers modes : soit par une contamination directe féco-orale (par manuportage) à partir de selles (animales ou humaines selon les germes en cause) qui constituent le réservoir habituel de germes pathogènes ; soit par l’ingestion de denrées alimentaires et/ou d’eau contenant des micro-organismes (ou leur toxine).

Sous les tropiques, les mouches constituent un facteur de contamination de l’alimentation considéré comme secondaire.

L’homme contaminé ne va pas systématiquement présenter une diarrhée.

L’expression clinique va dépendre en pratique de deux facteurs :

– d’une part, de la virulence du germe et donc de la dose infestante.

Certains germes, tels que les shigelles, très virulentes, provoquent une infection du tube digestif avec quelques centaines de germes seulement, tandis qu’il faut un inoculum moyen de 109 salmonelles pour entraîner une infection du tube digestif dans près de 100 % des cas. Pour d’autres germes, notamment E. coli, l’inoculum est variable ;

– d’autre part, de l’organisme qui dispose de moyens de défense, notamment la flore de barrière, l’acidité gastrique, la motricité intestinale qui s’oppose à l’adhésion des germes, le système lymphoïde.

Pour un même inoculum, la présentation clinique et l’évolution sont très variables selon le terrain.

Le jeune enfant est donc particulièrement sensible aux infections du tube digestif, particulièrement entre 6 et 11 mois, soit après la période où il est protégé par les anticorps maternels.

La fréquence des diarrhées diminue ensuite au fur et à mesure qu’il grandit, par maturation du système immunitaire.

La personne âgée (de plus de 75 ans) est particulièrement vulnérable à l’infection, du fait à la fois des modifications physiologiques induites par le vieillissement et des maladies fréquentes à cet âge.

De nombreux germes sont responsables de diarrhées aiguës par des mécanismes variables permettant ainsi de distinguer schématiquement deux formes anatomocliniques :

– les diarrhées dites « invasives » entraînent des lésions muqueuses (ulcérations superficielles, oedèmes et hémorragies).

Le mode d’action est soit direct (la bactérie envahit la muqueuse et la détruit, par exemple au cours d’infections à shigelles ou à E. Coli entéroinvasif [EIEC]), soit indirect par le biais de toxines (infections par exemple à EHEC ou à C. difficile).

L’évolution locale dépend ensuite de sa virulence et de la réponse de l’hôte qui, si elle est insuffisante, permet le franchissement de la lamina propria et l’atteinte pariétale.

La nécrose cellulaire conduit à la formation d’abcès de parois et donc à des ulcérations responsables de diarrhées sanglantes, avec parfois fausses membranes.

Ces formes affectent principalement le côlon.

Certains germes, notamment les salmonelles, peuvent avoir un passage systémique (salmonelloses mineures-typhoïde) par phénomène d’invasion cellulaire et gagnent la circulation générale.

Ces diarrhées sont typiquement responsables d’émissions glairosanglantes avec des selles peu nombreuses et comportent presque toujours un syndrome fébrile.

Elles peuvent être précédées de diarrhées fécales sans émission anormale mais comportant des leucocytes et des hématies à l’examen microbiologique dès lors qu’il existe suffisamment de lésions muqueuses.

Les principales bactéries en cause sont Shigella sp., Salmonella, Campylobacter sp. et Yersinia.

D’autres germes peuvent provoquer des diarrhées invasives, mais par le biais de toxines (notamment Shigella, E. coli avec SLT, C. difficile par libération de toxines A et B) ;

– les diarrhées dites « hydriques » sont dans la majorité des cas de type sécrétoire, toxinogènes, plus rarement exclusivement de type osmotique (chez l’enfant) et souvent mixtes.

Elles traduisent dans les deux cas un mode d’action essentiellement sur la partie proximale du grêle, notamment le jéjunum.

Elles résultent soit de l’adhésion du micro-organisme sur l’entérocyte, permettant l’action de sa toxine (V. cholerae, ETEC, infections à S. aureus ou à Bacillus cereus), soit de l’envahissement de l’entérocyte par le germe, phénomène observé avec les virus (rotavirus, virus Norwalk) ou les parasites (Giardia, cryptosporidies).

Dans ce cas, les virus infectent les entérocytes matures qui vont être détruits et peu à peu remplacés par des entérocytes jeunes n’ayant pas terminé leur processus de maturation. Ceux-ci ont alors une capacité d’absorption moindre, ce qui tend à entretenir la diarrhée et donc la déshydratation.

En effet, il existe normalement une sécrétion et une absorption de plus de 10 L/j à partir des villosités de l’intestin grêle. Seuls 100 mL environ sont perdus par jour dans les selles.

Les diarrhées sécrétoires témoignent d’un profond déséquilibre entre ces deux mécanismes, responsable d’une sécrétion très importante, dépassant les mécanismes d’absorption, expliquant des pertes liquidiennes supérieures à 200 g/j (en pratique dépassant souvent 1 L/j).

Les selles sont ainsi riches en électrolytes (la concentration de sodium est de 60 à 120 mEq/L et au maximum proche de la concentration plasmatique).

Les diarrhées par malabsorption sont liées à des lésions de l’entérocyte (au niveau des villosités).

La nonabsorption de nutriments est à l’origine de la concentration en sodium plus faible (environ 30 à 40 mEq/L) et de l’osmolalité plus élevée de la selle.

Ces formes se traduisent cliniquement par des diarrhées hydriques sans fièvre, avec parfois des vomissements, des douleurs abdominales (liées à l’« inondation » brutale de l’intestin grêle, particulièrement visible chez l’enfant).

Elles exposent à un risque de déshydratation, d’acidose (par perte des bicarbonates), avec parallèlement une hypokaliémie. Cette distinction très théorique n’est pas utilisable en pratique, car non spécifique du mécanisme.

En effet, des diarrhées invasives peuvent prendre parfois le « masque » de diarrhées hydriques, avec quelquefois des co-infections.

Enfin, certains germes ont un mode d’action « mixte », tel que les shigelloses qui peuvent provoquer dans un premier temps une diarrhée de type sécrétoire au niveau du jéjunum, et dans un second temps de type invasif par effet cytopathogène direct sur la muqueuse colique.

Enfin, la recherche de leucocytes à l’examen microscopique des selles au cours de diarrhées invasives peut être négative, quelquefois lorsque ceux-ci sont détruits dans la lumière intestinale.

Ce phénomène a été observé avec certains germes, notamment les shigelles et C. difficile, ainsi qu’au cours d’amibiases coliques (Entamoeba histolytica histolytica).

Épidémiologie :

Les caractéristiques épidémiologiques des diarrhées infectieuses sont mieux connues dans les pays développés où la fréquence des diarrhées est faible et les moyens épidémiologiques importants, que dans les pays en voie de développement où leur grande fréquence et l’absence de moyens amènent souvent à des estimations.

En pratique, beaucoup de facteurs vont influencer les résultats des études, notamment le niveau d’hygiène et d’éducation sanitaire de la population, le type de climat, la saison au cours de laquelle l’étude est effectuée, le type d’alimentation, la tranche d’âge étudiée et surtout la périodicité du recueil des informations (bihebdomadaire, hebdomadaire).

Les deux principaux facteurs sont le niveau d’hygiène de la population étudiée et le type de climat.

Ils expliquent la grande fréquence des diarrhées dans les pays chauds au sein d’une population souvent polyparasitée, leur répartition différente (50 % sont d’origine bactérienne dans les pays en voie de développement contre un tiers dans les pays développés), leur expression parfois modifiée du fait de l’endémie.

Les shigelloses provoquent des diarrhées aiguës, quelquefois sévères, pour un inoculum assez faible.

Dans les pays de haute endémicité, elles peuvent être totalement asymptomatiques chez l’enfant (après l’âge de 2 ans).

La cible principale des diarrhées aiguës infectieuses est la personne fragilisée, donc particulièrement le jeune enfant de moins de 5 ans et les sujets âgés.

Globalement, l’incidence des diarrhées est particulièrement élevée chez le jeune enfant, maximale entre 6 et 11 mois, atteignant dans les pays développés cinq épisodes par an, et décroît ensuite avec l’âge (pour une moyenne de un à deux épisodes par an).

Celle-ci est beaucoup plus importante dans les pays en voie de développement, voisine de plus de dix épisodes par an chez l’enfant de moins de 2 ans (et jusqu’à cinq fois supérieure dans certaines zone rurales du Brésil).

L’ensemble de ces données explique les importantes différences de mortalité observées entre pays développés et en voie de développement, surtout au cours de la première année de la vie, atteignant respectivement des chiffres moyens de 3,9 décès pour 100 000 aux États-Unis contre 8 à 50 décès pour 1 000, soit un rapport de plus de 1 000.

L’analyse des données de plusieurs séries dans la décennie 1980-1990 montre une décroissance progressive de la mortalité moyenne depuis 20 ans, essentiellement chez les enfants de moins de 5 ans, en Afrique, en Amérique du Sud en en Asie du Sud-Est.

Le taux reste toutefois stable dans certains pays tels que le sud du Soudan.

Cette mortalité a considérablement diminué grâce au traitement précoce de la déshydratation de l’enfant, facteur essentiel de mortalité infantile, démontrée au Brésil.

La mortalité dans les pays développés est à l’inverse relativement stable.

Démarche diagnostique :

L’approche d’une diarrhée aiguë impose dans un premier temps d’affirmer le diagnostic par l’interrogatoire, puis de rechercher les signes de gravité avant d’envisager l’approche de son étiologie.

A - APPROCHE CLINIQUE :

L’aspect des selles est variable selon le type de diarrhée : hydrique, sous forme de selles liquides fécales ou aqueuses, ou bien glaireuse et/ou sanglante, avec parfois présence de pus témoignant d’un mécanisme invasif.

Leur abondance est estimée par le nombre de selles par jour (élevé à partir schématiquement de six émissions).

Elle est surtout utile pour apprécier le risque de déshydratation.

Enfin, il faut préciser la date de début qui permet d’estimer sa durée et son lien éventuel avec un repas.

La symptomatologie associée définit la forme clinique de diarrhée.

– Les vomissements sont observés dans les gastroentérites aiguës virales et les diarrhées par phénomène toxinique (diarrhées à staphylocoques ou à B. cereus).

Ils augmentent considérablement le risque de déshydratation.

– Les douleurs abdominales, lorsqu’elles sont localisées, constituent un élément d’orientation.

Ainsi, celles qui prédominent à la fosse iliaque droite orientent plutôt vers une infection à Y. enterocolitica ou à S. typhi.

– La présence d’émissions glaireuses et/ou sanglantes avec parfois du pus, accompagnées de douleurs abdominales, d’épreintes et de ténesme, définit le syndrome dysentérique.

Il est fréquemment observé au cours d’infections à Shigella sp., à Campylobacter et sous les tropiques en cas d’amibiase colique.

– La présence de fièvre, bien que non spécifique du type de mécanisme, est plus volontiers observée dans les diarrhées invasives.

Elle apporte un élément supplémentaire en faveur de la sévérité de l’infection et aggrave la déshydratation. Elle est observée dans divers type de diarrhées, qu’elles soient bactériennes (notamment à shigelles, salmonelles ou à Campylobacter) ou virales (notamment virus Norwalk).

L’environnement dans lequel survient cette diarrhée est un élément déterminant dans la prise en charge.

La présence d’un contexte particulier tel qu’un séjour outre-mer récent, la prise d’antibiotiques, la notion de toxi-infection alimentaire (TIA), l’homosexualité, la présence d’un déficit immunitaire, conduisent à proposer des explorations complémentaires, notamment microbiologiques.

Leur rentabilité est meilleure et surtout leurs résultats sont susceptibles de modifier l’attitude thérapeutique.

Certaines tares viscérales peuvent favoriser certaines infections digestives qu’il faut alors privilégier : déficit en IgA et lambliase, achlorydrie et salmonellose, patient transplanté et infection à cytomégalovirus (CMV), syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et cryptosporidies, drépanocytose et salmonelloses.

Dès cette étape, certains diagnostics doivent être écartés, de par leur fréquence ou leur urgence, avant de retenir le diagnostic de diarrhées infectieuses aiguës par infection entérale :

– chez le jeune enfant ou le nourrisson, une méningite, une otite ou une infection urinaire ;

– chez le voyageur au retour des tropiques, l’accès palustre, même si une chimioprophylaxie a été correctement suivie ;

– chez le sujet âgé, beaucoup d’affections peuvent prendre le « masque » d’une diarrhée aiguë infectieuse, notamment la colite ischémique, responsable de plus de douleurs abdominales avec rectorragies, les « ventres chirurgicaux » trompeurs du sujet âgé (péritonite) avec « pseudodiarrhées » ;

– enfin, les causes médicamenteuses, très fréquentes, notamment les médicaments à visée cardiaque (digitaliques, quinidiniques), vasculaire (ticlopidine, Cyclo 3t), digestive (cisapride), rhumatologiques (anti-inflammatoires non stéroïdiens, diacerhéine).

B - SIGNES DE GRAVITÉ :

La gravité de la diarrhée dépend de sa forme clinique et du terrain sur laquelle elle survient.

Les diarrhées hydriques abondantes exposent à un risque de déshydratation, surtout aux extrêmes de la vie.

Elles comportent en général peu ou pas de fièvre, des douleurs abdominales modérées, parfois des vomissements, inconstants, qui aggravent la déshydratation.

Celle-ci est essentiellement extracellulaire.

Elle associe une hypotonie bilatérale et inconstante des globes occulaires, une fontanelle déprimée (chez le nourrisson), un pli cutané (région sous-claviculaire, face interne des cuisses, région sous-orbitaire) et une oligurie (davantage liée à la déshydratation qu’à une insuffisance rénale vraie).

Les formes sévères comportent une tachycardie et une hypotension artérielle, témoignant de l’hypovolémie.

Elle peut s’associer à une déshydratation intracellulaire (sensation de soif, sécheresse de la langue et dans les formes sévères, troubles de conscience jusqu’au coma).

L’évaluation de la perte pondérale est capitale chez l’enfant car elle constitue un repère important pour le traitement.

Une perte pondérale de 0 à 5% traduit une déshydratation modérée, autorisant une réhydratation orale.

Entre 5 et 10 %, la réhydratation orale est urgente (parentérale en cas de vomissements), et enfin, au-delà de 10 %, la réhydratation parentérale est urgente.

Ces données doivent en pratique suffire pour débuter une réhydratation.

Les examens complémentaires, lorsqu’ils sont possibles, montrent une hémoconcentration avec insuffisance rénale fonctionnelle, et dans les formes plus sévères une acidose avec hypokaliémie.

Ces examens ne doivent pas retarder le début de la réhydratation, notamment en cas de diarrhée sécrétoire (choléra) où la déshydratation est rapide.

L’évolution peut être émaillée, malgré une réhydratation, d’une hypoprotidémie et d’une malabsorption transitoire.

Les diarrhées dysentériformes sont d’autant plus sévères qu’il existe un contexte fébrile.

Elles sont secondaires dans la majorité des cas à des bactéries entéro-invasives.

Malgré une évolution souvent bénigne, elles peuvent se compliquer de sepsis infectieux avec bactériémie, voire à un choc toxi-infectieux ou à une hémorragie digestive.

Le syndrome hémolytique et urémique est observé au cours des shigelloses et surtout des infections à E. coli O157-H7.

Ces diarrhées justifient en pratique des explorations microbiologiques (coproculture-hémocultures en cas de fièvre), un hémogramme, et une rectoscopie qui montre des ulcérations dans plus de 60 % des cas en cas d’émissions glairosanglantes.

Ces deux formes peuvent se compliquer d’une colite aiguë sévère associant des diarrhées fébriles souvent sanglantes, des douleurs abdominales, une altération importante de l’état général, un météorisme douloureux.

Elles imposent la réalisation en urgence d’un cliché d’abdomen sans préparation, à la recherche d’une colectasie (distension du côlon transverse ou du côlon droit dépassant 6 cm), d’explorations microbiologiques des selles, des examens biologiques dont un hémogramme (polynucléose fréquente), des hémocultures, une rectoscopie en urgence.

La prise en charge thérapeutique doit être précoce (comportant en outre une antibiothérapie large, associée ou non selon contexte à des amoebicides).

La gravité des diarrhées aiguës est liée enfin à la présence d’un terrain fragilisé, notamment aux extrêmes de la vie ou bien en raison de tares viscérales susceptibles d’être décompensées à l’occasion de cet épisode infectieux.

Elle impose une adaptation de la surveillance et l’élargissement éventuel des explorations biologiques (contrôle de la glycémie...).

C - DEUX GRANDS CADRES NOSOLOGIQUES :

– La diarrhée de type hydrique (incluant ici la gastroentérite aiguë), isolée, sans signe de gravité et bien tolérée, est la plus fréquente.

Son évolution est presque toujours favorable et ne justifie en pratique qu’un traitement symptomatique.

S’ils étaient demandés, les résultats des prélèvements microbiologiques des selles parviendraient au clinicien alors que l’épisode diarrhéique a totalement régressé.

Les explorations microbiologiques ne sont justifiées que si cette diarrhée persiste plus de 3 jours.

– La diarrhée de type invasif (ou survenant sur terrain fragile ou dans un contexte particulier) nécessite des explorations notamment microbiologiques car susceptibles de modifier l’attitude thérapeutique.

Modalités et place des examens complémentaires :

A - EXPLORATIONS DE LABORATOIRE :

La qualité du résultat final passe dans tous les cas par des modalités de prélèvement et de transport adéquates.

Les échantillons sont recueillis dans un pot stérile et acheminés rapidement au laboratoire.

Idéalement, les ensemencements doivent être réalisés dans les 2 heures ; à défaut, ils peuvent être conservés à + 4 °C au maximum durant 12 heures.

Un délai dans la réalisation des ensemencements et une conservation à température ambiante favorisent une acidification nocive à de nombreux micro-organismes ou peuvent entraîner la prolifération de certains agents de la flore commensale.

Dans certains cas (suspicion d’amibiase intestinale aiguë), il est préférable que la selle soit recueillie directement au laboratoire.

Si une recherche particulière est envisagée à l’aide d’outils de biologie moléculaire, il convient de prendre préalablement contact avec le laboratoire spécialisé afin de connaître les modalités de conservation et de transport.

Dans tous les cas, les éléments cliniques et/ou épidémiologiques doivent être précisés afin d’orienter utilement les recherches.

Par ailleurs, le coût est un autre élément qui doit être pris en compte, en sachant que depuis le 1er juillet 1999, la valeur du B est de 1,76 F.

1- Diagnostic bactériologique des diarrhées infectieuses aiguës :

* Coproculture :

– Coproculture standard (B180).

Elle comprend de manière systématique la réalisation d’un état frais, d’une coloration de Gram et/ou au bleu de méthylène.

Ils permettent de visualiser l’absence ou la présence de leucocytes, traduisant dans ce dernier cas une infection liée à des germes invasifs ou à des germes non invasifs altérant la muqueuse par le biais de toxines, la présence d’une flore déséquilibrée (à l’état normal, la flore est constituée par un quart de bactéries à Gram négatif et trois quarts de bactéries à Gram positif).

Par ailleurs, la présence de certains germes ayant une mobilité ou une morphologie évocatrice peut orienter la coproculture.

En l’absence de renseignements clinicoépidémiologiques particuliers, un ensemencement systématique est réalisé sur milieux sélectifs pour rechercher les bactéries suivantes : Salmonella sp., Shigella sp., Campylobacter sp. et Yersinia sp.

– Coproculture orientée (B60 par bactérie supplémentaire).

En fonction du contexte clinique et/ou épidémiologique, des cultures spécifiques peuvent être demandées : recherche de E. coli O157-H7, de C. difficile, de Klebsiella oxytoca, de V. cholerae...

Si la coproculture ne pose pas de problème technique particulier, elle peut se révéler faussement négative car l’agent pathogène n’est plus présent dans la flore fécale ou est sous-dominant, et qu’il n’existe pas de méthodes d’enrichissement disponibles.

Par ailleurs, nos connaissances en matière de bactéries entéropathogènes sont certainement partielles et certaines bactéries réputées commensales, donc non retenues sur une coproculture, peuvent être incriminées (C. freundii producteur de toxines STa, Enterobacter cloacae producteurs de cytotoxines SLT II).

De même, la coproculture ne représente pas la méthode la plus adaptée pour faire le diagnostic des différents pathovars d’EPEC.

* Recherche d’antigènes bactériens :

Elle peut être réalisée dans certains cas (C. difficile) à l’aide de méthodes immunoenzymatiques (B70) directement au niveau des selles, mais la présence d’un antigène n’est pas nécessairement corrélée avec la pathogénicité de la souche.

Des tests enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) sont commercialisés pour détecter au niveau des selles l’antigène O157 des EHEC.

Pour d’autres E. coli, la recherche des antigènes O et H ne doit pas être utilisée comme marqueur isolé d’identification, car si la présence de certains de ces antigènes est parfois corrélée avec certaines symptomatologies cliniques, ils ne signent pas un processus de virulence.

D’autre part, l’extrême variabilité de certains sérotypes (ETEC), et l’instabilité de certains plasmides portant les gènes de pathogénicité ont été à l’origine du développement d’autres méthodes de diagnostic.

* Recherche des facteurs de virulence :

L’utilisation des anticorps monoclonaux, l’essor des techniques de biologie moléculaire, ont permis des avancées rapides au niveau du diagnostic par la recherche des facteurs de virulence.

Certaines techniques sont directement applicables sur les selles, d’autres passent par un isolement bactérien préalable.

– Détection de toxine : diverses toxines peuvent être recherchées, toxine A (voire A et B) de C. difficile par méthode immunoenzymatique, toxines STa et LT-1 des ETEC par agglutination sur billes de latex ou Elisa, toxines Stx1 et 2 des EHEC par Elisa, entérotoxine de C. perfringens, entérotoxines staphylococciques A, B, C et D, toxines de B. cereus par agglutination passive reverse de particules de latex.

– Détection de plasmides de virulence comme le plasmide EAF des EPEC.

– Détection de gènes codant pour les toxines : polymerase chain reaction (PCR) et hybridation pour recherche des gènes codant pour les toxines STa et LT-1 des ETEC, PCR pour les gènes stx et du eae des EHEC.

– Détection de gènes codant pour des invasines par PCR : gènes ipa des EIEC.

D’autres techniques peuvent être utilisées pour mettre en évidence des facteurs de virulence : recherche de l’activité cytotoxique sur culture cellulaire Véro ou HeLa et séroneutralisation (E. coli producteurs de SLT, C. difficile), mais ces techniques sont lourdes à mettre en oeuvre.

* Sérologie :

Si les sérologies sont le plus souvent inutiles dans le diagnostic des diarrhées aiguës, dans certains cas de diarrhée infectieuse aiguë, la responsabilité d’un agent pathogène peut être obtenue de manière indirecte par la recherche d’IgA, d’IgM ou d’IgG.

Dans le cadre du diagnostic du syndrome hémolytique et urémique chez l’enfant, une réponse significative en anticorps dirigés contre les sérogroupes d’E. coli producteurs de vérotoxines (VTEC) peut être mise en évidence.

2- Diagnostic parasitologique des diarrhées infectieuses aiguës :

* Examen parasitologique des selles :

L’examen parasitologique standard (B60 à B145) est fondé principalement sur l’examen direct des selles à l’état frais, suivi d’une méthode de concentration, et complété d’une méthode de coloration lors de la recherche de formes kystiques.

Cet examen est à même de mettre en évidence une majorité de protozoaires ou d’helminthes agents de maladies diarrhéiques.

Si les examens parasitologiques des selles ont une excellente valeur diagnostique, un examen négatif doit pouvoir être rapporté au caractère intermittent des éliminations parasitaires et faire renouveler l’examen.

La recherche de certains agents parasitaires relève de méthodes ou de colorations particulières ou nécessite un examinateur averti (microsporidies), et leur réalisation demande une orientation clinicoépidémiologique de la part du clinicien : méthode d’extraction de Baermann (B25) pour les larves d’anguillules, recherche de Cryptosporidium sp. après coloration par la technique d’Henriksen (B60) ou immunofluorescence.

* Autres méthodes :

Des tests immunologiques (immunofluorescence, méthodes immunoenzymatiques) ont été commercialisés pour la recherche des cryptosporidies et de Giardia lamblia.

Par technique Elisa, il est possible de porter directement sur les selles un diagnostic d’amibiase et de différencier E. histolytica et Entamoeba dispar.

Les techniques de biologie moléculaire ont pu être développées, en particulier chez les sujets immunodéprimés dans le cadre de pauciparasitémie : méthode d’amplification génique par PCR pour la détection de Cryptosporidium, de E. histolytica, des microsporidies (Enterocytozoon sp., Encephalitozoon sp.).

Ces méthodes de détection basées sur la PCR ne sont pas encore standardisées et n’ont pas souvent fait l’objet d’études comparatives.

* Examens sérologiques :

Ils sont d’un intérêt limité en particulier pour les parasites localisés dans la lumière intestinale.

Parmi les helminthiases, ces méthodes concernent les trichinoses et les bilharzioses.

3- Diagnostic virologique des diarrhées infectieuses aiguës :

* Culture cellulaire :

La culture (B150) n’est pas une méthode utilisable pour le diagnostic en routine car de nombreuses souches sont difficilement cultivables (adénovirus entériques, astrovirus), ou non cultivables sur systèmes cellulaires (calicivirus).

* Microscopie électronique :

L’utilisation de la microscopie électronique (B200) ou de l’immunomicroscopie électronique (B250) nécessite un matériel coûteux et reste l’apanage de centres spécialisés.

Outre les contraintes techniques, elle nécessite que le virus soit présent dans les selles en quantité suffisante (supérieure à 105 particules/mL).

Cette technique n’est pas envisageable dans le cadre d’un diagnostic de routine.

* Méthodes immunologiques :

L’utilisation des anticorps monoclonaux ou polyclonaux représente certainement la méthode la plus abordable en pratique courante.

Différentes techniques commercialisées permettent la recherche directe d’antigènes viraux dans les selles : test d’agglutination à l’aide de particules de latex sensibilisées (B20) pour les rotavirus et les adénovirus ; réactions immunoenzymatiques (Elisa) pour les rotavirus, adénovirus, astrovirus et calicivirus ; techniques d’immunofluorescence.

D’une manière générale, les tests d’agglutination sur particules de latex possèdent une sensibilité moins élevée que celle obtenue à l’aide des tests immunoenzymatiques.

Certains latex, en particulier pour la recherche des antigènes des adénovirus, ne sont pas spécifiques des adénovirus entériques de sérotypes 40 et 41.

* Biologie moléculaire :

Les techniques d’hybridation sont peu développées et restent moins sensibles que les tests. Elisa.

L’amplification du génome viral par PCR ou par rétrotranscription avant amplification pour les virus à ARN (RT-PCR) reste possible à des fins diagnostiques (rotavirus, adénovirus, astrovirus, calicivirus, coronavirus), mais ne relève pas encore de la pratique courante (les PCR ou RT-PCR pour les virus entéropathogènes sont hors nomenclature).

4- Indications :

Si une recherche étiologique était faite dans tous les cas de diarrhées aiguës, il en résulterait une dépense d’environ 2 milliards de francs par an, avec un rendement diagnostic inférieur à 1 %.

D’autre part, de nombreuses diarrhées sont spontanément résolutives, d’autres ne relèvent que d’un traitement symptomatique, d’où la nécessité de prescrire un examen de selles sur des bases rationnelles.

Les indications sont les suivantes :

– sujet ayant des signes cliniques évocateurs de diarrhée invasive (syndrome dysentérique, émissions sanglantes), diarrhée accompagnée d’une fièvre élevée (supérieure à 38,5 °C) ;

– diarrhée survenant dans un contexte particulier : diarrhée du voyageur, diarrhée après prise d’antibiotiques, diarrhée de l’homosexuel ;

– diarrhées dans un contexte épidémique ou anadémique dans lesquelles des mesures correctives peuvent résulter : diarrhées nosocomiales, diarrhées communautaires (crèches..), toxi-infection alimentaire collective (TIAC) ;

– diarrhée chez des patients fragiles (grand âge, baisse des défenses telles que l’achlorhydrie) ou de tares viscérales sous-jacentes évoluées ;

– terrain d’immunodépression (sida, hémopathies, corticothérapie générale, traitements immunosuppresseurs) ;

– diarrhée hydrique persistant plus de 3 jours malgré un traitement symptomatique bien conduit.

5- En pratique :

Si de nombreuses techniques ont été actuellement développées (méthodes immunologiques, PCR), les méthodes traditionnelles (coproculture standard et/ou orientée, examen parasitologique des selles) restent encore les méthodes « piliers » du diagnostic.

Depuis quelques années, des tests immunologiques viennent progressivement s’intégrer parmi les méthodes du diagnostic en routine.

D’autres méthodes, surtout les méthodes de biologie moléculaire, restent encore d’utilisation confidentielle, même si elles commencent à se démocratiser, dans le diagnostic des agents entéropathogènes, et demeurent pour le moment l’apanage des centres de recherche ou des centres spécialisés.

Peu de trousses diagnostiques sont actuellement commercialisées et il reste encore des mises au point à faire pour déterminer les amorces et les conditions optimales d’utilisation.

B - ENDOSCOPIE ET PRÉLÈVEMENTS :

La rectosigmoïdoscopie au tube souple est un geste simple, peu invasif, qui permet l’exploration du rectum et du sigmoïde, la progression au-delà étant souvent douloureuse.

Elle est indiquée en cas de diarrhées glairosanglantes ou en cas de suspicion de diarrhées des antibiotiques. Au cours des diarrhées fébriles, elle est utile lorsque les prélèvements microbiologiques sont négatifs.

Cet examen méconnaît par conséquent toutes les atteintes du côlon droit observées au cours de colites à K. oxytoca, à EHEC, à Y. enterocolitica, et enfin à C. jejuni.

Dix pour cent des colites pseudomenbraneuses (CPM) sont localisées au côlon droit.

La coloscopie est un examen nécessitant une préparation colique préalable, réalisé dans la majorité des cas sous anesthésie générale et non dénué de risques (notamment de perforation).

Elle est donc proposée en seconde intention (en l’absence de mégacôlon toxique), lorsque les premiers examens ne sont pas contributifs et/ou qu’il existe un doute sur une colite inflammatoire à son début.

Les aspects endoscopiques sont très variables, allant de la muqueuse normale, érythémateuse, purpurique, jusqu’aux ulcérations plus ou moins confluentes (de tout type, avec même quelquefois des aspects aphtoïdes), avec ou sans fausses membranes.

La rentabilité de la rectosigmoïdoscopie et de la coloscopie est variable.

Des ulcérations sont notées chez 65 % des malades présentant des émissions glairosanglantes et dans 30 % des diarrhées fébriles.

Toutefois, l’isolement d’une entérobactérie dans les selles n’est pas corrélé à la présence de lésions muqueuses.

Ces lésions ne sont pas spécifiques d’une étiologie, sauf en cas de CPM qui atteste d’une infection à C. difficile, ou dans de rares cas d’ulcérations en « coup d’ongle » évocatrices d’amibiase colique.

Enfin, certains aspects endoscopiques observés au cours de colites infectieuses peuvent simuler une entérocolite inflammatoire à son début : maladie de Crohn iléale et infection à Y. enterocolitica, ou bien rectocolite hémorragique et infection, notamment à Shigella.

Divers types de prélèvements sont possibles lors de l’endoscopie, imposant d’une part d’orienter l’endoscopiste et d’autre part de prévenir le laboratoire afin que les prélèvements soient exploités dès leur arrivée en biologie.

Les biopsies destinées à une étude histologique sont mises dans du liquide de Bouin (ou dans le formol neutre) ; celles pour enquête bactériologique et donc pour mise en culture, dans un flacon stérile ; celles destinées à une étude parasitologique dans du sérum physiologique.

La rectoscopie au tube rigide permet un écouvillonnage rectal utile à la recherche d’amibes.

Les données histologiques sont surtout utiles pour différencier une colite infectieuse d’une colite inflammatoire.

Parmi celles-ci, l’infiltrat à polynucléaires du chorion et l’absence de désorganisation architecturale constituent les éléments les plus caractéristiques d’une colite infectieuse par des germes entéroinvasifs.

L’atteinte du collet des glandes est évocatrice. Les autres aspects histologiques sont moins spécifiques.

Les lésions épithéliales associant une « cryptite » (présence de polynucléaires entre les cellules sans destruction de la crypte) et des abcès cryptiques sont plus rares qu’au cours de la rectocolite hémorragique et prédominent dans la moitié supérieure de la muqueuse.

Bien souvent, l’histologie est moins évocatrice, se résumant à l’extrême à un aspect inflammatoire non spécifique.

Les prélèvements doivent donc être multipliés, les lésions étant inégalement réparties.

L’importance des lésions histologiques n’est pas corrélée à la présence de germes à la coproculture.

Dans les cas douteux avec une colite inflammatoire, c’est le suivi endoscopique qui apporte des arguments en faveur d’une origine infectieuse, les lésions disparaissant alors en général en moins de 3 semaines (et toujours en moins de 3 mois).

Lorsqu’une infection à CMV est suspectée, il faut rechercher les inclusions cytomégaliques intranucléaires caractéristiques en histologie.

Sur le plan microbiologique, l’écouvillonage rectal et le prélèvement de sérosité au fond d’une ulcération permettent la mise en évidence d’E. histolytica histolytica, seule forme pathogène d’amibiase.

Ils imposent leur acheminement rapide au laboratoire pour pouvoir observer des formes vivantes.

Concernant les prélèvements à visée bactériologique, la culture de biopsies est surtout rentable pour rechercher des germes rarement mis en évidence par coproculture tels que K. oxytoca et les germes intracellulaires.

Ces prélèvements permettent aussi la mise en évidence d’entérobactéries avec un bon rendement diagnostique.

L’endoscopie haute n’est pas indiquée dans l’exploration courante des diarrhées infectieuses aiguës et a un rendement faible.

Elle est utile à la recherche de parasites, notamment de lamblia, d’anguillules et de cryptosporidies (par des biopsies duodénales).

Ambiance dans laquelle survient la diarrhée et bilan étiologique :

A - DIARRHÉE SPORADIQUE :

Les diarrhées hydriques sont en majorité d’origine virale (rotavirus chez l’enfant et virus Norwalk chez l’adulte), ou bactérienne, sécrétant une entérotoxine.

Ces diarrhées peuvent être fébriles et évoluent le plus souvent favorablement en quelques jours.

Elles ne justifient donc initialement aucune exploration microbiologique.

En cas de diarrhée fébrile de plus de 3 jours, de syndrome dysentérique, une coproculture est indiquée à la recherche de salmonelles, shigelles, Yersinia, Campylobacter.

En cas de diarrhée sévère, une coproculture peut être discutée, son rendement étant dans ce cas toutefois médiocre.

B - DIARRHÉE AIGUË DANS UN CONTEXTE ÉPIDÉMIQUE :

Une coproculture est dans ce cas toujours nécessaire afin d’essayer d’en limiter l’extension, principalement dans les collectivités.

1- Épidémies dans les petites collectivités :

Des épidémies de gastroentérites sont plus fréquemment observées dans les petites collectivités.

Chez l’enfant, elles sont fréquentes dans les écoles, les crèches, les services de pédiatrie.

Elles sont essentiellement d’origine virale (rotavirus).

Le diagnostic est posé par l’utilisation de trousses de détection immunoenzymatiques (Elisa). Chez les sujets âgés, environ 34 à 40 % des épidémies seraient d’origine virale, principalement à rotavirus et virus Norwalk.

2- Toxi-infections alimentaires :

Les TIA témoignent d’une infection du tube digestif par des aliments contaminés.

Le diagnostic est le plus souvent posé devant la survenue de plusieurs cas définissant les TIAC (apparition d’au moins deux cas groupés, similaires, d’une symptomatologie digestive dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire).

La fréquence des TIA est très probablement sousestimée en France.

En 1992, 732 foyers ont déclaré une TIAC, ce qui représentait une population de 12 020 personnes. Les aliments le plus souvent en cause sont classiquement les aliments crus, le lait, les volailles, les oeufs, les crudités.

Certaines modes culinaires expliquent l’émergence de cas de TIA à partir de lait non pasteurisé, de coquillages ou de crustacés, de poissons crus ou peu cuits.

Les tableaux cliniques observés relèvent des deux mécanismes précédemment décrits, avec dans ces formes une prédominance de formes toxiniques.

L’enquête étiologique repose sur l’analyse de la forme clinique, du délai de survenue entre la diarrhée et le repas supposé contaminant, les denrées consommées.

En cas de diarrhées avec vomissements survenant dans un délai de 6 heures après le repas, il faut suspecter une ingestion de la toxine de S. aureus ou de B. cereus.

Le même tableau survenant 8 à 14 heures après le repas évoque une infection à C. perfringens.

Lorsque la symptomatologie survient dans un délai dépassant 14 heures, avec vomissements au premier plan, il s’agit plutôt d’une entérite virale (essentiellement à rotavirus).

Enfin, la présence de fièvre ou de diarrhées sanglantes impose la recherche en priorité d’une diarrhée à germes invasifs tels que Shigella, Salmonella ou Campylobacter sp.

Les infections à EHEC entraînent des diarrhées sanglantes mais en général sans fièvre.

Dans les grandes collectivités, l’analyse bactériologique des produits utilisés permet une documentation bactériologique qu’il faut ensuite confronter à la présentation clinique.

Dans 66 % des cas en moyenne, l’origine est bactérienne.

Plus rarement, il s’agit de TIA d’origine parasitaire (lamblia, cryptosporidies).

En cas de TIAC, une déclaration aux autorités sanitaires est obligatoire, soit par téléphone en cas d’urgence, soit par courrier (envoi d’un formulaire anonyme) adressé à la direction départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS).

Cette déclaration fournit des renseignements cliniques concernant les patients affectés, leur nombre, les symptômes présentés, les examens biologiques réalisés et les données concernant le ou les modes possibles de contamination.

Enfin, des diarrhées aiguës peuvent être observées à la phase d’invasion d’une trichinose.

Elles surviennent environ 7 jours après l’ingestion de porc cru ou mal cuit.

Elles s’accompagnent de nausées, de vomissements, de fièvre, et d’une importante hyperéosinophilie.

Le diagnostic repose la sérologie qui se positive à partir de la deuxième semaine.

La recherche de parasites dans les selles est exceptionnellement positive.

C - DIARRHÉES AU COURS OU AU DÉCOURS D’UNE ANTIBIOTHÉRAPIE :

Elles constituent la première cause de diarrhées aiguës d’origine médicamenteuse.

Elles sont secondaires à C. difficile et plus rarement K. oxytoca.

Elles sont observées dans 5 à 30%des cas au cours ou au décours d’une antibiothérapie dont le spectre inclut les entérobactéries et les germes anaérobies et dont les concentrations dans la lumière intestinale sont élevées.

Les diarrhées à C. difficile sont de loin les plus fréquentes.

Cette bactérie a pour propriétés une survie prolongée dans l’environnement, une résistance à la plupart des désinfectants hospitaliers et donc un risque élevé de transmission notamment à l’hôpital (par voie manuportée ou par du matériel souillé).

L’infection est en général acquise à l’hôpital.

Le portage asymptomatique est fréquent, estimé de 50 à 70 % des nourrissons (colonisation néonatale), 1 à 3 % de adultes, et environ 10 à 25 % des adultes sous antibiotiques.

Les diarrhées surviennent dès que s’associent un déséquilibre de la flore intestinale (par une antibiothérapie par exemple qui va sélectionner le germe) et la production des deux toxines A et B par des souches pathogènes de C. difficile.

La toxine A est une entérotoxine qui agit en se liant à un récepteur sur la bordure en « brosse » des entérocytes et provoque ainsi des lésions inflammatoires.

La toxine B exerce en synergie une activité cytotoxique qui va amplifier les lésions muqueuses.

Les antibiotiques en cause sont, par ordre de fréquence : les bêtalactamines, principalement (ampicilline/amoxicilline et céphalosporines) ; la clindamycine (assez rarement utilisée en France) ; moins souvent les autres pénicillines et les macrolides (29 %) ; rarement les quinolones, les sulfamides et les tétracyclines.

Les manifestations cliniques surviennent dans un délai moyen de 4 à 9 jours après le début de l’antibiothérapie, mais peuvent être retardées de plusieurs semaines.

La forme typique (mais la moins fréquente) est la CPM, observée classiquement chez le sujet âgé hospitalisé en réanimation, en chirurgie ou en long séjour, où elle constitue d’ailleurs la première cause de diarrhées.

Elle se traduit par une diarrhée liquide, parfois verdâtre, non sanglante, associée à des douleurs abdominales, une fièvre modérée (proche de 38 °C), une hyperleucocytose modérée et quelquefois une hypoalbuminémie.

La rectosigmoïdoscopie montre typiquement, au niveau du rectum et du sigmoïde, des dépôts blanchâtres adhérents, de 2 à 10mm, reposant sur une muqueuse congestive et parfois purpurique.

Ces lésions endoscopiques très évocatrices suffisent pour évoquer le diagnostic.

Il est confirmé par la mise en évidence des toxines dans les selles.

Divers tests existent, parmi lesquels les tests Elisa qui peuvent déceler l’une des deux toxines ou les deux en moins de 2 heures, avec une sensibilité de 80 à 90 % et une spécificité de 98 à 99 %.

Ce test a surtout une valeur prédictive négative de 99 %.

L’analyse de l’effet cytotoxique de la toxine B par culture cellulaire, test de référence, est peu utilisée en pratique car délicate, coûteuse, et nécessitant un délai de 48 heures.

Il existe de nombreuses autres formes cliniques, dont la forme modérée, se traduisant simplement par : une diarrhée isolée sans colite, la colite associée aux antibiotiques sans pseudomembranes en endoscopie, et enfin la forme sévère qui comporte un syndrome dysentérique fébrile, des dépôts beaucoup plus étendus en endoscopie (par coalescence des fausses membranes), et expose au risque de colectasie.

La colite hémorragique à K. oxytoca est observée 2 à 7 jours après un traitement par ampicilline ou l’un de ses dérivés.

Son mécanisme pathogène est encore discuté.

Il s’agit d’un germe saprophyte retrouvé dans 30 à 40 % des selles de sujets sains.

Cette forme comporte la survenue brutale d’une diarrhée rapidement sanglante avec des douleurs abdominales, parfois de la fièvre et une polynucléose.

L’atteinte en endoscopie prédomine au niveau du côlon droit ou du côlon transverse et se traduit par la présence de suffusions hémorragiques et des érosions sans fausses membranes.

Les prélèvements de selles sont peu contributifs. Le germe peut être isolé par culture de biopsies.

La symptomatologie rétrocède en moyenne en 1 à 3 jours après l’arrêt de l’antibiothérapie.

D - DIARRHÉE DU VOYAGEUR ET AU RETOUR D’UN SÉJOUR SOUS LES TROPIQUES :

Chaque année, 20 millions de voyageurs passent d’un pays à haut niveau d’hygiène à un pays de niveau d’hygiène inférieur. Parmi ceux-ci, environ 50 % présenteront une diarrhée appelée « diarrhée des voyageurs » ou souvent « tourista ».

Ces diarrhées n’ont pas d’expression clinique particulière et régressent le plus souvent en 2 à 4 jours.

Elles sont liées à un défaut relatif d’immunité du voyageur face aux multiples germes (parfois nouveaux) auxquels il est exposé, aux conditions d’alimentation.

Elles sont principalement liées à une contamination des aliments et de l’eau par les matières fécales de personnes infectées.

Le rôle du contact direct par les mains, ou celui indirect des mouches apparaît secondaire.

La qualité de l’hôtellerie ne semble pas un élément protecteur.

Leur pronostic est essentiellement fonction du terrain sur lequel elles surviennent.

Leur étiologie est essentiellement infectieuse, dominée par les causes bactériennes, notamment EPEC et Shigella sp.

En pratique, une exploration microbiologique des diarrhées est indiquée en cas de diarrhée aqueuse dépassant six selles par jour avec déshydratation, de diarrhée survenant sur un terrain fragilisé, de diarrhée fébrile et en cas de syndrome dysentérique.

Dans ces formes, le traitement de première intention comporte une antibiothérapie (le plus souvent une fluoroquinolone durant 3 jours), associée à la réhydratation.

Le traitement antidiarrhéique (notamment par lopéramide) est contre-indiqué en cas de syndrome dysentérique. Un avis médical est recommandé en cas de syndrome dysentérique ou d’inefficacité du traitement.

Toutefois, il faut toujours penser à une éventuelle primo-infection palustre (pendant ou bien après séjour en zone impaludée) qui peut prendre le masque trompeur d’une diarrhée aiguë hydroélectrolytique avec fébricule et céphalées : la symptomatologie est souvent abâtardie par une chimioprophylaxie antipalustre.

Au moindre doute, un frottis sanguin permet le diagnostic, aidé au besoin par un test à l’acridine orange en cas de négativité.

Le voyageur est rarement confronté au choléra, même en zone d’endémie.

Outre la forme typique avec diarrhée aqueuse, non fébrile et abondante, il existe des formes atténuées, fréquentes, se résumant à une diarrhée ou à une gastroentérite banale non fébrile et d’évolution en général spontanément favorable.

La contamination s’effectue le plus souvent soit par de l’eau de boisson contaminée par les matière fécales, soit par des porteurs sains, nombreux en zone d’endémie, ou au contact des malades par des déjections très riches en vibrions.

Le traitement repose principalement sur la réhydratation orale (ou intraveineuse dans les formes sévères).

Enfin, l’amibiase colique est une cause classique de diarrhées aiguës lors d’un séjour sous les tropiques : selon la topographie prédominante des lésions, elle peut se traduire par une diarrhée non fébrile ou bien des émissions glairosanglantes.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’E. histolytica histolytica sur des selles fraîchement émises ou sur l’écouvillonnage rectal.

La rectoscopie montre rarement des ulcérations en « coup d’ongle ».

Les bilharzioses peuvent être à l’origine de diarrhées aiguës à la phase d’invasion, sous forme de diarrhée aiguë fébrile accompagnée d’un cortège clinique très riche (manifestations urticariennes, signes pulmonaires, etc).

Il existe une hyperéosinophilie et le diagnostic repose sur la sérologie.

E - DIARRHÉES CHEZ L’HOMOSEXUEL :

Elles sont principalement liées à une contamination orofécale, responsable d’infections plurimicrobiennes auxquelles il faut ajouter les fréquentes infections vénériennes, et parfois un terrain immunocompromis pouvant modifier la présentation clinique.

Nous ne détaillons pas les maladies sexuellement transmissibles (MST) anorectales, ces dernières ayant fait l’objet d’une récente mise au point dans ce même traité.

Il faut distinguer en pratique les diarrhées de l’homosexuel masculin en dehors du sida et en cas de sida, cette situation rejoignant, pour les diarrhées aiguës, la situation des diarrhées de l’immunodéprimé.

Dans tous les cas, le recours aux examens de laboratoire, notamment microbiologiques, est indispensable chez l’homosexuel, du fait du caractère plurimicrobien de ces infections et de la fréquence élevée de formes asymptomatiques.

La prise en charge thérapeutique doit, dans la mesure du possible, être élargie aussi aux sujets contacts, avec en outre une enquête sérologique (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], virus B, treponema pallidum hemagglutination [TPHA], venereal disease research laboratory [VDRL] principalement).

Le risque d’infection digestive chez l’homosexuel masculin (en dehors du sida), est d’autant plus important qu’il y a plusieurs partenaires (avec souvent des liaisons éphémères), et qu’au sein de petits groupes il existe fréquemment une banalisation de rapports anorectaux (non protégés) et de la fellation après coït.

Une infection entérale doit être suspectée lorsque s’associe à la diarrhée aiguë ou au syndrome dysentérique une symptomatologie digestive (douleurs abdominales, météorisme) ou générale (fièvre notamment).

La rectosigmoïdoscopie montre des lésions non spécifiques, pouvant parfois simuler une colite inflammatoire (type rectocolite ulcérohémorragique [RCH] ou maladie de Crohn).

Le diagnostic repose sur les données microbiologiques (coproculture, recherche de parasites dans les selles) qu’il faut confronter à la présentation clinique et endoscopique.

Les trois principales infections bactériennes observées chez l’homosexuel sont les salmonelloses, les shigelloses et les campylobactérioses.

Les infections à salmonelles sont très fréquentes, allant du portage asymptomatique aux formes sévères à type de septicémie ou de colectasie.

Les shigelloses sont une cause fréquente de diarrhées aiguës. Aux États-Unis, une étude relativement ancienne notait que 30 à 70 % des malades ayant une shigellose étaient des homosexuels.

La présentation clinique est volontiers bruyante, sous forme d’une diarrhée sanglante, parfois fébrile, avec en endoscopie une muqueuse congestive, voire ulcérée, nécessitant toujours une antibiothérapie. Les infections à Campylobacter sont assez fréquentes, mais sans particularité chez l’homosexuel.

Les infections à CMV constituent les infections virales le plus fréquemment observées, favorisées par la transmission par voie sexuelle.

Elles entraînent une rectocolite avec, en endoscopie, la présence d’ulcérations de taille variable (lésions punctiformes jusqu’aux ulcérations larges atteignant jusqu’à 20 mm et souvent profondes, jusqu’à la sous-muqueuse).

Contrairement aux malades au stade de sida, ces formes ne sont pas graves.

La prévalence élevée d’anticorps anti-CMV chez l’homosexuel (dépassant 94 %) impose une preuve histologique (mise en évidence d’inclusions virales sur les biopsies rectales ou coliques).

L’amibiase et la lambliase sont les deux parasitoses le plus fréquemment observées, celles-ci étant d’ailleurs souvent associées.

La lambliase peut provoquer une diarrhée aiguë lors de la phase d’invasion.

Les amibes sont le plus souvent non pathogènes.

Elles sont mises en évidence par examen des selles à l’état frais ou sur les biopsies rectales.

Leur éradication est toutefois recommandée.

F - DIARRHÉES DES ÉTATS D’IMMUNODÉPRESSION :

L’altération de l’immunité explique une grande diversité des germes observés.

Leur étiologie dépend de l’importance et de la durée de l’immunodépression.

Les diarrhées sont en règle de courte durée en cas d’immunodépression transitoire (par exemple au décours d’une aplasie après greffe de moelle), et d’évolution subaiguë, récidivante, voire chronique en cas d’immunodépression prolongée.

L’atteinte de l’immunité humorale est à l’origine d’infections plus fréquemment bactériennnes, tandis qu’un déficit portant sur l’immunité cellulaire est plutôt à l’origine d’infections bactériennes à germes intracellulaires, virales (CMV, adénovirus) ou parasitaires (cryptosporidies, giardiases).

Le sida constituait il y a quelques années le modèle le plus accompli de cette dernière forme.

L’arrivée des bi- ou trithérapies antirétrovirales, très efficaces, a modifié le « visage » du sida, et par voie de conséquence, les circonstances au cours desquelles des diarrhées (aiguës et chroniques) sont observées

– diarrhées observées lors d’un phénomène d’échappement du traitement, ou révélatrices d’une affection opportuniste, l’origine infectieuse ne représentant actuellement que 50 à 85 % des cas.

Concernant le sida, le taux de lymphocytes CD4 et la charge virale constituent des paramètres assez fiables de la sévérité de la maladie et donc de l’importance du déficit immunitaire.

L’enquête étiologique face à une diarrhée aiguë (de moins de 4 semaines) est guidée par le taux de CD4.

Lorsqu’il est supérieur à 200/mm3, les affections opportunistes sont rares et les diarrhées sont en règle secondaires aux germes retrouvés chez l’immunocompétent (entérobactéries ou virus).

Elles sont souvent aiguës, mais peuvent être prolongées et récidivantes.

Lorsque ce taux est inférieur à 200/mm3, il faut rechercher une infection opportuniste à cryptosporidies et quand il est inférieur à 100/mm3, une infection à microsporidies ou à CMV.

Dans ce cas, ces diarrhées sont en règle chroniques.

Il existe une co-infection par deux ou plusieurs germes opportunistes dans 10 à 11 % des cas, rendant plus difficile l’isolement du germe responsable.

La démarche doit dans ce cas être très pragmatique, en raison des contraintes importantes liées à la maladie VIH.

Les prélèvements de selles doivent être systématiques, comportant une coproculture et trois recherches successives de parasites dans les selles, en mentionnant au laboratoire la recherche en outre de protozoaires opportunistes (microsporidies, cryptosporidies, I. belli).

Certains auteurs ne recommandent qu’un seul prélèvement à la recherche de parasites, à répéter deux fois seulement en cas de négativité.

La recherche de toxine de C. difficile est indispensable en cas d’antibiothérapie récente ou de prophylaxie contre un germe opportuniste. Lorsque les prélèvements sont négatifs chez le patient très immunodéprimé (CD4 inférieure à 100/mm3) ou en cas de suspicion de diarrhée à CMV, la rectosigmoïdoscopie apporte un complément d’information utile à la démarche par l’analyse de la muqueuse et les données histologiques.

Les biopsies permettent la mise évidence d’inclusions intranucléaires typiques d’une colite à CMV dans environ 50 % des cas.

Sur le plan étiologique, de nombreux agents pathogènes peuvent être isolés, parmi lesquels le CMV.

Il témoigne en fait d’une réactivation virale chez des patients très immunodéprimés.

Il est à l’origine de diverses formes cliniques dont les entérites et colites associant une diarrhée souvent non sanglante, des douleurs abdominales, une fièvre inconstante.

Le diagnostic repose sur l’endoscopie avec prélèvements biopsiques.

Les lésions endoscopiques sont variables, allant de l’érythème aux ulcérations creusantes, atteignant exclusivement le côlon droit dans 10 à 40 % des cas.

La rectosigmoïdoscopie est l’examen en première intention, la coloscopie étant réservée en cas d’examen normal ou peu contributif.

Le diagnostic repose sur l’histologie (lésions typiques dans 40 à 60 % des cas seulement), complétée en cas de négativité par un immunomarquage par des anticorps anti- CMV.

La recherche d’acide désoxyribonucléique (ADN) cytomégalique sur les biopsies semble la technique d’avenir la plus prometteuse avec une sensibilité et une spécificité de plus de 90 %.

Les infections parasitaires (notamment Cryptosporidium sp., Microsporidium) occasionnent en règle des diarrhées chroniques.

Un tableau de diarrhée aiguë peut être observé en cas d’infection aiguë à lamblia ou très rarement à un protozoaire récemment décrit du genre Cyclospora (germe habituellement observé chez les voyageurs).

Dans les autres cas, le diagnostic peut se poser devant une diarrhée récente, en règle hydroélectrolytique, pouvant être en rapport avec une infection à Cryptosporidium, à microsporidies, ou à I. belli.

Les levures enfin (C. albicans, Histoplasma capsulatum), n’entraînent en règle pas de diarrhées aiguës.

Enfin, les infections bactériennes, observées à tous les stades d’immunodépression (notamment à salmonelles, shigelles, Campylobacter, Y. enterocolitica et aeromonas), sont cinq à 20 fois plus fréquentes que dans la population générale.

Elles sont à l’origine d’un tableau de gastroentérite fébrile, avec souvent une bactériémie et une évolution souvent récidivante.

Ces germes peuvent entraîner des lésions muqueuses assez importantes.

G - DIARRHÉES DU JEUNE ENFANT ET DU NOURRISSON :

Les diarrhées aiguës sont en règle plus sévères que chez l’adulte car elles affectent un organisme en pleine croissance, sensible à la déshydratation et présentant un système immunitaire en plein développement au cours des 5 premières années.

Les diarrhées aiguës constituent l’une des premières causes de mortalité avant 3 ans.

Le risque de déshydratation est beaucoup plus élevé que chez l’adulte, imposant une estimation clinique précoce des pertes.

Le contrôle du poids est l’un des moyens les plus fiables de la sévérité de la déshydratation, appréciée différemment en France ou aux États-Unis.

En France, la sévérité de la déshydratation est appréciée en trois catégories : inférieure à 5 %, de 5 à 10%, et dépassant 15 %.

Les auteurs américains distinguent quatre groupes : moins de 3 %, de 3 à 6%, de 6 à 9%, et au-delà).

Globalement, la conduite thérapeutique est la même, l’utilisation de la voie parentérale étant indispensable à partir d’une perte de poids de 9 à 10%.

Récemment, certains auteurs ont utilisé le temps de recoloration capillaire comme autre moyen d’estimer cette déshydratation.

Il consiste à mesurer le délai de recoloration du lit de l’ongle après une pression suffisante pour qu’il devienne blanc.

Un temps de recoloration capillaire supérieur à 3 secondes correspond à une déshydratation de l’ordre de 10 %, tandis qu’un temps inférieur à 1,5 seconde traduit une déshydratation inférieure à 5%.

Ces éléments vont guider la réhydratation, principal traitement des diarrhées aiguës de l’enfant et du nourrisson.

Une hypoglycémie peut survenir dans tous les types de diarrhées, chez l’enfant jeune autour de 36 mois.

Elle survient préférentiellement au cours de diarrhées abondantes de survenue brutale, inconstamment fébriles, et ne semble pas corrélée à l’état nutritionnel préalable de l’enfant.

L’analyse des selles montre inconstamment des leucocytes et souvent l’isolement de shigelles.

Cette complication potentielle impose de maintenir chez l’enfant un apport de glucides parallèlement à la réhydratation.

Étiologie :

Sur le plan étiologique, les infections virales sont de loin la première cause de diarrhées aiguës, particulièrement avant 2 ans.

Les infections à rotavirus sont les plus fréquentes, observées en hiver et au printemps, principalement dans les petites collectivités (crèches, services de pédiatrie).

La contagiosité est extrême, la transmission étant orofécale et manuportée.

Ces diarrhées sont abondantes, parfois massives, avec douleurs abdominales (par stagnation liquidienne dans les anses grêles qui, de plus, sous-estime la déshydratation).

Le diagnostic repose sur l’isolement du virus dans les selles par technique immunoenzymatique (Elisa).

Concernant les infections bactériennes, les germes le plus souvent observés sont les salmonelles mineures et les Campylobacters de présentation clinique identique à celle du grand enfant.

La décision de traitement antibiotique en cas de salmonellose mineure ne fait pas l’objet de consensus chez l’enfant.

Toutefois, le très jeune âge ou la présence d’une tare viscérale (principalement drépanocytose et immunodépression) sont des éléments décisifs de traitement.

Les yersinioses réalisent à cet âge un tableau de diarrhée aiguë fébrile avec douleurs abdominales et vomissements.

La forme pseudoappendiculaire est habituellement observée chez l’enfant plus âgé.

Il faut ajouter à cette liste les diarrhées à EPEC, fréquentes dans les pays en voie de développement.

Leur diagnostic est difficile, ce germe étant un germe commensal du tube digestif.

Enfin, chez le nourrisson, la colonisation des selles par C. difficile, parfois sécréteur de toxines, est très fréquente, contrastant avec la rareté des symptômes.

La CPM étant exceptionnelle à cet âge, le diagnostic impose l’association d’un contexte clinique, des données microbiologiques et endoscopiques.

Certaines infections parasitaires peuvent enfin entraîner un tableau de diarrhée aiguë : lambliase, Cryptosporidium (sans déficit immunitaire), sans expression clinique propre au jeune âge. Sous les tropiques, le risque de choléra apparaît surtout après 2 ans.

Avant cet âge, l’allaitement maternel protège le nourrisson grâce aux anticorps maternels, alors qu’un portage digestif du germe est toutefois possible.

Concernant l’amibiase colique (E. histolytica histolytica), la présentation clinique est superposable à celle de l’adulte.

H - DIARRHÉES DU SUJET ÂGÉ :

Le sujet âgé est particulièrement sensible aux diarrhées aiguës.

Le taux de décès est d’ailleurs particulièrement élevé dans cette tranche d’âge, dépassant la mortalité observée chez l’enfant de 1 à 11 mois.

Cette susceptibilité est due à plusieurs facteurs :

– baisse des barrières naturelles anti-infectieuses (notamment diminution de la sécrétion acide gastrique, baisse du péristaltisme intestinal, souvent favorisées par les morphiniques ou les neuroleptiques).

L’immunité à cet âge est relativement conservée, sauf en cas de dénutrition dite « protéinoénergétique », observée chez un patient sur deux en institution, qui entraîne un déficit de l’immunité à médiation cellulaire ;

– existence de tares viscérales susceptibles d’être décompensées lors d’un épisode infectieux (diabète, cardiopathie..), avec fréquente polymédication ;

– fréquents séjours hospitaliers où une contamination (même asymptomatique) est possible par C. difficile.

L’hébergement en institution augmente le risque de contamination interhumaine ;

– présence de troubles sévères des fonctions supérieures qui expose à un risque accru de transmission orofécale.

Cette fragilité explique la survenue d’épisodes parfois sévères évoluant vers une colectasie ou une perforation.

Le pic de mortalité survient souvent avec un retard moyen de 8 à 10 jours par rapport à l’épisode initial : il est attribué en fait à la défaillance d’organes vitaux victimes d’une hypoperfusion à la phase aiguë de la diarrhée.

La sévérité de la diarrhée peut être sous-estimée, les critères cliniques et biologiques étant pris en défaut.

La présence d’un pli cutané est possible sans déshydratation, simplement lié à la perte d’élasticité de la peau avec l’âge.

La sécheresse de la langue peut s’expliquer par une respiration la bouche ouverte (il faut alors rechercher cette sécheresse anormale sur la face latérale de langue).

L’hématocrite peut enfin paraître normal chez un patient déshydraté mais antérieurement anémié.

La coproculture doit en pratique être effectuée plus tôt que chez le jeune adulte, dès lors que la diarrhée est abondante et/ou fébrile, ou si elle survient sur un terrain particulièrement fragile.

Traitement :

La prise en charge thérapeutique d’une diarrhée aiguë infectieuse repose principalement sur les mesures hygiénodiététiques, le respect des règles d’hygiène (lavage des mains en cas de contact avec le sujet atteint).

Le traitement étiologique, notamment l’antibiothérapie, n’est pas détaillé car abordé dans d’autres chapitres de ce traité en fonction du germe en cause.

A - MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES :

1- Réhydratation :

La réhydratation constitue le principal traitement des diarrhées aiguës, surtout hydroélectrolytiques.

Elle a permis une diminution très significative de la mortalité infantile dans les pays en voie de développement (de 30 à 3 % au cours d’épidémies de choléra au Bangladesh en 1971).

Son efficacité est liée à l’utilisation de solutés de réhydratation par voie orale depuis maintenant deux décennies, adaptés aux pertes liquidiennes.

En effet, les diarrhées hydroélectrolytiques entraînent une perte de d’eau, de sodium, de potassium et de bases.

Le mécanisme d’absorption reste parallèlement conservé, expliquant le recours aux solutés oraux de réhydratation.

L’administration d’eau et de sodium par voie orale est d’autant plus efficace qu’elle est associée à du glucose.

Leur absorption dépend en effet d’un mécanisme couplé et actif au niveau du pôle apical de l’entérocyte.

L’absorption de sodium est ainsi maximale à des concentrations de 100 à 120 mEq/L et à des concentrations de glucose de 110 mmol/L (soit 2 %), soit un rapport proche de 1.

Il faut enfin apporter du potassium, du chlore et des bases (sous forme de citrates ou de bicarbonates) avec une osmolalité définie.

Le soluté de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a un rapport sodium-glucose voisin de 4/1.

Il comporte 90 mmol/L de sodium.

Il est particulièrement efficace dans les diarrhées sévères, notamment le choléra, et les diarrhées secondaires à une toxine de type cholérique.

Dans les autres cas, un apport complémentaire d’eau ou de soluté pauvre en sodium est recommandé pour prévenir le risque d’hypernatrémie

– risque en fait rare, peu documenté mais redouté , expliquant la mise au point de solutés plus pauvres en sodium dans les pays développés, avec un rapport sodium/glucose de 2/1 en moyenne.

Ceux-ci comportent en moyenne 60 à 75 mmol/L de sodium et 75 à 100 mmol/L de glucose et s’avèrent très efficaces dans les diarrhées aiguës survenant dans les pays développés.

Des solutés encore moins riches en sodium (45 à 60 mmol/L) ont été récemment utilisés et sont avérés efficaces pour des diarrhées faibles à modérées aux États-Unis.

La reprise de l’alimentation étant souvent retardée, des préparations ont récemment été proposées dans le but de prévenir la dénutrition.

Elles associent le soluté de réhydratation et l’utilisation de 50 à 80 g de poudre de riz (ou bien d’autres céréales).

Le volume ainsi proposé est plus important pour garder une osmolalité proche du soluté classique de réhydratation.

L’absorption intestinale est bonne et l’efficacité identique.

Leur préparation est simple, permettant leur réalisation dans les pays en voie de développement, associant pour deux tasses d’eau, une demi-tasse de riz et une demi-cuillère à café de sel (ou huit cuillères à café de sucre, trois quarts de cuillère de sel de table, une cuillère de bicarbonate de sodium cuit, une tasse de jus d’orange et un litre d’eau).

Ces préparations imposent de plus une stricte observance des quantités recommandées, sous peine d’entraîner des troubles ioniques ou bien une mauvaise acceptabilité du produit. Une préparation commerciale a été proposée récemment aux États-Unis.

Son acceptabilité serait très médiocre, inférieure aux solutés classiques de réhydratation qui sont actuellement préférés en pays développés.

Cette réhydratation orale doit être débutée le plus tôt possible afin de limiter la déshydratation.

Elle reste possible en cas de vomissements chez le petit enfant, en proposant une cuillère à café (5 mL) toutes les 1 à 2 minutes, permettant un apport de 150 à 300 mL/heure.

Malgré les contraintes apportées par cette méthode, elle reste efficace, sous surveillance étroite de l’évolution du poids.

Elle est contre-indiquée en cas de choc, de troubles de conscience obligeant à un apport parentéral.

La réhydratation orale permet d’éviter le recours à la voie parentérale dans 96,4 % des cas en moyenne.

La prise en charge d’une diarrhée aiguë du petit enfant ou du nourrisson impose dans un premier temps une hydratation « à volonté » tant que l’enfant réclame ; dans un second temps, elle doit être maintenue sur la base théorique de l’apport de 150 mL/kg/j, en ajoutant 10 mL/kg et par selle diarrhéique, et 2 mL/kg et par vomissement.

La reprise de la diurèse constitue un critère simple pour apprécier l’efficacité de la réhydratation.

2- Régime alimentaire :

L’alimentation doit être reprise très tôt, dès que l’état le permet (soit dès la quatrième heure après hydratation orale chez le petit enfant en cas de diarrhée modérée).

Elle a pour but de limiter la dénutrition, très fréquente en cas de diarrhée aiguë.

Les régimes classiquement recommandés (notamment riz, bananes, jus de pomme, carottes, pâtes) n’ont pas fait la preuve de leur efficacité chez l’enfant, mais restent encore conseillés par certains auteurs.

Certaines denrées doivent être privilégiées car elles réduisent la durée de la diarrhée (notamment pâtes, pain et plats à base de farine de froment).

Concernant la suspension de l’alimentation lactée, les études récentes n’ont pas montré de bénéfice chez le nourrisson, l’enfant ou l’adulte.

La poursuite d’un régime normal chez des sujets de 3 à 70 ans ne modifie pas la durée de la diarrhée.

L’alimentation lactée (y compris l’allaitement) doit être poursuivie sans dilution des produits.

Elle entraîne une augmentation non significative de la diarrhée, ce phénomène disparaissant en cas d’alimentation variée.

Le risque d’intolérance au lactose et surtout d’atrophie muqueuse par phénomène d’allergie est faible.

La suspension de cet apport lacté n’est donc indiquée qu’en cas d’aggravation, de diarrhées persistant 3 à 4 jours après leur début, ou bien de selles devenant acides.

En cas de déficit en lactase, des yaourts peuvent être proposés comme substituts du lait, en raison des bactéries qu’ils contiennent (Lactobacillus notamment).

Dans les pays en voie de développement, la supplémentation en zinc (20 mg/j) diminuerait la durée des diarrhées chez les enfants dénutris.

3- Mesures d’hygiène :

Elles comportent d’une part l’isolement du malade, et d’autre part le lavage des mains.

À l’hôpital et dans les institutions de personnes âgées, il faut recommander de plus l’usage de gants et de tabliers à usage unique pour la toilette et les changes des malades infectés.

Dans les pays en voie de développement, une éducation sanitaire est indispensable auprès des populations, comportant en outre l’aménagement du terrain permettant de séparer les excreta de la chaîne de l’alimentation et de l’eau.

B - TRAITEMENTS MÉDICAUX :

1- Antibiotiques :

L’évolution des diarrhées aiguës étant le plus souvent favorable, leur prescription systématique n’est pas justifiée.

Les antibiotiques ont pour but de réduire le risque de diffusion extracolique donc de bactériémie, de diminuer la contagiosité des selles (salmonelloses, shigelloses, infections à E. coli, à C. difficile ou choléra), et enfin de limiter la durée de la diarrhée sur des terrains fragilisés.

Ils sont donc indiqués, après prélèvements, en cas de diarrhées invasives avec symptômes sévères, de terrain fragile et de persistance (ou d’aggravation) de la diarrhée après 3 jours d’évolution spontanée.

L’apparition de résistances bactériennes aux antibiotiques conduit à privilégier les fluoroquinolones en traitement de première intention chez l’adulte.

L’azithromycine s’avère efficace sur les diarrhées à Campylobacter ou à shigelles.

Le cotrimoxazole est l’antibiotique utilisé habituellement chez l’enfant, les fluoroquinolones étant déconseillées.

Enfin, seule l’ampicilline peut être utilisée sans risque chez la femme enceinte.

L’antibiothérapie est ensuite adaptée en fonction des résultats des coprocultures et de l’antibiogramme.

Concernant les diarrhées parasitaires, l’amibiase et la giardiase sont sensibles au métronidazole, l’isosporose au cotrimoxazole et les schistosomiases au praziquantel.

Concernant la diarrhée du voyageur, l’antibiothérapie (fluoroquinolone en général) est le plus souvent empirique.

Elle s’adresse au même type de diarrhée que précédemment.

Cependant, elle est de plus en plus utilisée au cours de déplacements à caractère professionnel (où aucun absentéisme n’est possible) sous forme de traitement « minute », dès les premières selles liquides, et s’avère efficace.

Cette attitude ne doit pas être systématique car elle expose à terme aux effets secondaires de ces traitements.

2- Antidiarrhéiques :

Il existe deux grandes classes d’antidiarrhéiques : le lopéramide (et ses dérivés) et les antisécrétoires purs.

* Lopéramide :

Il possède à la fois un effet antisécrétoire et un effet antipéristaltique en augmentant les contractions segmentaires coliques qui permettent alors l’augmentation de l’absorption.

Ce mode d’action explique sa remarquable efficacité (réduction de 80 % du nombre de selles et de la durée des diarrhées par rapport au placebo).

Il est de fait contreindiqué devant tout syndrome dysentérique, de météorisme abdominal important au cours de diarrhées aiguës, car expose à un risque de mégacôlon toxique.

De plus, il accroît le risque de diffusion bactérienne systémique chez les sujets fragiles.

Il est dénué d’effet sur le système nerveux central. L’oxyde de lopéramide (Arestalt) est faiblement absorbé au niveau de la partie proximale de l’intestin, ce qui explique sa plus grande efficacité en aval, à la fois antipéristaltique et antisécrétoire.

Il se présente en comprimés à 1 mg et est administré à la dose d’un comprimé après chaque selle liquide, sans dépasser huit comprimés par jour.

Sa tolérance est bonne.

* Antidiarrhéiques antisécrétoires purs :

Ils se répartissent en deux groupes : les inhibiteurs de l’enképhalinase (ou acétorphan) et le maléate de zaldaride (non commercialisé en France).

Ces antidiarrhéiques s’avèrent en pratique très efficaces et n’exposent pas au risque de mégacôlon toxique du lopéramide.

Leur tolérance est excellente.

La posologie de l’acétorphan est de trois gélules par jour chez l’adulte, et celle du méléate de zaldaride de quatre gélules de 20 mg par jour.

Ils sont tous deux déconseillés chez la femme enceinte.

Le sous-salicylate de bismuth, non disponible en France, réduit de 50 % le nombre de selles au cours des diarrhées aiguës.

Il présente de plus un effet antibactérien.

3- Antiseptiques :

Le plus utilisé en France est le nitrofuroxazide, qui réduirait de 24 heures la durée des diarrhées aiguës.

Son action est essentiellement bactériostatique sur les bactéries à Gram positif (staphylocoques et streptocoques) et surtout sur les bactéries à Gram négatif (salmonelles, shigelles, Yersinia, Campylobacter, vibrions).

En pratique, leur place est discutée car d’efficacité modeste.

Les dérivés de la quinoléine (Intétrixt principalement) sont utilisés aussi comme amoebicide de contact.

4- Pansements adsorbants :

Les argiles tels que la smectite et dérivés, entraînent chez l’enfant une amélioration de la consistance des selles.

Ils sont contre-indiqués en cas de mégacôlon toxique et de troubles du péristaltisme.

5- Probiotiques :

Ils ne sont pas efficaces en cas de diarrhées aiguës. L’administration de Saccharomyces boulardii a un rôle préventif.

Au cours de la diarrhée des antibiotiques, elle est utile pour prévenir la récidive de la diarrhée après traitement curatif par vancomycine ou métronidazole.

Elle est indiquée en cas de rechute après un premier traitement curatif : son administration, commencée pendant le traitement et poursuivie 2 mois, permet une réduction significative du risque de rechute.

La prophylaxie de la diarrhée des antibiotiques s’adresse aux patients fragiles (souvent sujets âgés).

Elle consiste en l’administration de 200 mg/j chez le patient ambulatoire et de 1 g/j chez les malades hospitalisés, dès que l’antibiothérapie a été débutée.

Elle réduit ainsi significativement le risque de diarrhée.

Conclusion :

Problème de santé publique, les diarrhées infectieuses aiguës exigent une prise en charge bien codifiée.

Le bon sens clinique permet de rechercher les signes de gravité et de compenser une éventuelle déshydratation.

La connaissance du caractère invasif de la diarrhée ou d’un terrain fragile grâce à l’interrogatoire induit la prescription d’examens paracliniques pour mettre en évidence l’agent pathogène responsable et appliquer éventuellement un traitement curatif adapté.

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