Diabètes insipides néphrogéniques Cours de Néphrologie
Introduction
:
Les connaissances moléculaires du fonctionnement rénal permettent
maintenant la classification précise des diabètes insipides néphrogéniques (DIN).
Les DIN héréditaires sont rares, mais leur
identification a permis de comprendre la fonction de protéines
indispensables à la réabsorption de l’eau comme les récepteurs de
type 2 à la vasopressine (AVPR2) et l’aquaporine 2 (AQP2).
Les
transporteurs/canaux-clés dans l’établissement du mécanisme de
contre-courant de la médullaire rénale incluent aussi le transporteur
Na-K-2Cl, le canal potassique ROMK, le canal chlorure et sa sousunité
ß, la barttine.
Les diabètes insipides néphrogéniques
héréditaires sont donc des équivalents cliniques des modèles
animaux d’invalidation de ces différents gènes (knock-out).
Le
dépistage précoce et la prévention des épisodes de déshydratation
sont les conséquences thérapeutiques de ces nouvelles données.
Définitions
:
A - DÉFINITION RESTREINTE
:
Le DIN inclut seulement les états de résistance à l’hormone
antidiurétique.
B - DÉFINITION ÉLARGIE
:
Le DIN inclut également les états pathologiques caractérisés par une
impossibilité d’établir un gradient osmolaire corticomédullaire
associé ou non à une résistance à l’hormone antidiurétique.
Mécanisme de concentration
des urines par contre-courant :
A - ANATOMIE FONCTIONNELLE
:
La concentration des urines n’est pas le résultat du transport actif
de l’eau.
Un tel système consommerait trop d’énergie. L’urine est
plutôt concentrée, à peu de frais métaboliques, par une série
d’interactions entre les anses de Henle, l’interstitium médullaire, les
vaisseaux sanguins médullaires ou vasa recta et les tubules
collecteurs.
Le mécanisme de contre-courant doit son nom à
l’arrangement anatomique particulier des tubules et des éléments
vasculaires.
En effet, dans le rein des mammifères, la partie médiane
des néphrons est repliée sur elle-même en forme d’épingle à
cheveux, appelée anse de Henle, du nom de l’anatomiste allemand
qui l’a décrite.
Les liquides tubulaires se déplacent du cortex à la
papille médullaire en empruntant les tubules proximaux puis les
branches de Henle descendantes.
Chaque anse de Henle se dirige
alors à « contresens » vers le cortex.
Le sang dans les vasa recta
descend, lui aussi, en direction de la papille avant de se diriger à
« contresens » dans le cortex.
Cet arrangement particulier des
segments tubulaires et des vasa recta permet l’établissement d’un
contre-courant échangeur et d’un contre-courant multiplicateur.
La production d’une urine concentrée ou diluée nécessite le contrôle
indépendant de la réabsorption d’eau et de chlorure de sodium.
Dans les conditions antidiurétiques habituelles, l’osmolalité de la
médullaire rénale est voisine de 300 mOsm/kg à la jonction
corticomédullaire, mais est de 1 400 mOsm/kg à l’extrémité de la
papille.
La moitié de cette hypertonicité médullaire dépend
du NaCl, l’autre dépend de la concentration en urée.
Dans ce
schéma, on présume que la sécrétion de vasopressine est intacte
ainsi que son action au niveau des cellules principales du tubule
collecteur.
B - AQUAPORINES
:
La perméabilité et les caractéristiques structurelles des éléments
tubulaires et vasculaires responsables du mécanisme de contrecourant
sont maintenant décrites à l’échelle moléculaire.
La présence
et l’abondance des canaux à l’eau, tous membres de la famille des aquaporines, déterminent la perméabilité à l’eau des structures
tubulaires et vasculaires impliquées dans le contre-courant.
La
localisation, la régulation, la structure et la fonction de
10 aquaporines ou canaux à l’eau identifiées chez les mammifères
ont été décrites dans de nombreuses revues récentes.
L’aquaporine 1 est insérée dans les membranes sous forme
d’homotétramère.
Chaque monomère est composé de six hélices
insérées de façon oblique dans la membrane. Ces hélices délimitent
le canal à l’eau.
Les aquaporines 1, 2, 4, 5 et 10 sont sélectives à l’eau,
tandis que les aquaporines 3, 7 et 9 sont des aquaglycéroporines
puisqu’elles transportent du glycérol et d’autres particules.
L’aquaporine 1 à distribution ubiquitaire (AQP1) fut la première
aquaporine à être caractérisée.
Au niveau du rein, elle est présente
à la fois au niveau des membranes apicales et basolatérales des
cellulaires tubulaires proximales et de la branche descendante mince
de l’anse de Henle.
L’AQP1 est aussi exprimée de manière
constitutive au niveau de l’endothélium des vasa recta descendants
de la médullaire externe.
L’AQP1 confère aux membranes des
tubules rénaux proximaux une perméabilité exceptionnellement
élevée puisqu’un flux unidirectionnel de 3 milliards de molécules
d’eau par seconde par monomère d’aquaporine est prédit.
La
sélectivité du transport à travers l’AQP1 est aussi remarquable : l’eau
passe mais les protons (ions H+) ne passent pas par suite :
– de la répulsion électrostatique imposée par l’arginine 195, un acide
aminé cationique ;
– de la réorientation du dipôle de la molécule d’eau : l’atome
d’oxygène va temporairement former des liens hydrogène avec les
groupes amides de l’asparagine 192 et de l’asparagine 76 qui font protrusion dans le pore.
Ceci réoriente les atomes d’hydrogène de la molécule d’eau : ils deviennent perpendiculaires
à l’axe du canal et ne peuvent plus former des liens hydrogène avec
les molécules d’eau adjacentes dans la chicane de constriction.
Aussi
le « câble de conduction des protons » est brisé. L’eau passe mais les
protons ne passent pas.
Il est probable que ce modèle s’applique
aux autres membres de la famille des aquaporines.
C - RÉABSORPTION SÉLECTIVE DU SODIUM DANS
LA BRANCHE ASCENDANTE DE L’ANSE DE HENLE :
NKCC2, ROMK, CLCNK ET BARTTINE :
Les branches ascendantes mince et large de l’anse de Henle sont
complètement imperméables à l’eau car elles n’expriment aucun
membre de la famille des aquaporines.
Le liquide isotonique (280 mOsm/kg) qui pénètre la branche
descendante de l’anse de Henle, extrêmement perméable à l’eau
(mais imperméable au Na+ et à l’urée) est concentré par soustraction
d’eau.
En conséquence, le liquide tubulaire qui pénètre dans la
branche ascendante fine de l’anse de Henle a une concentration plus
élevée en NaCl et une concentration plus basse en urée que
l’interstitium médullaire environnant.
Dans la branche fine
ascendante imperméable à l’eau, l’efflux de NaCl excède l’influx
d’urée, il en résulte une dilution du liquide tubulaire.
Cette dilution
avec hypotonicité progressive du liquide tubulaire se poursuit au
niveau de la branche large ascendante de l’anse de Henle
caractérisée par une imperméabilité à l’eau et un mécanisme
puissant de réabsorption sodée responsable de 30 % de la
réabsorption totale en NaCl du néphron.
Cette réabsorption
dépend d’une concentration intracellulaire basse en Na+ maintenue
par la Na+-K+-ATPase basolatérale (pompe à sodium).
L’entrée de
Na et K au niveau luminal est réalisée par le transporteur
(triporteur) Na+, 2Cl–, K+ (NKCC2).
Le K+ qui entre dans la cellule
est recyclé dans la lumière par le canal potassique ROMK.
Le
recyclage du K+ a deux conséquences physiopathologiques
majeures :
– la concentration du K+ luminale est restaurée et permet la
continuation du transport de NaCl à l’intérieur de la cellule puis
dans l’interstitium ; en l’absence de recyclage du K+, la quantité de
NaCl réabsorbée serait considérablement moindre (Bartter
de type II) ;
– le recyclage du K+ conduit à un voltage transépithélial avec
positivité à l’intérieur de la lumière, positivité qui facilite le transport
paracellulaire de Na+, Ca++, Mg++, K+, NH4
+.
Le chlorure quitte
la cellule par un canal (CLCNKB) dont la fonction dépend d’une sous-unité bêta appelée barttine.
Les identifications génétiques et fonctionnelles du cotransporteur
Na-K-2Cl, des canaux ROMK et CLCNK et de la barttine ont été
considérablement facilitées par le démembrement génétique et
moléculaire du syndrome de Bartter (OMIM601678), maladie
héréditaire caractérisée par une perte en NaCl, une alcalose
hypokaliémique et une incapacité à concentrer ou à diluer l’urine.
Les syndromes de Bartter anténataux avec hyperprostaglandinémie
sont tous caractérisés par des syndromes polyuriques
avec natriurèse et font partie des DIN congénitaux complexes.
D - ACTION DE LA VASOPRESSINE SUR LA RÉABSORPTION
DE L’EAU :
L’hormone antidiurétique chez l’homme est l’arginine vasopressine
(AVP).
En sa présence, le tubule collecteur devient perméable à l’eau.
Le transport transcellulaire de l’eau est facilité par le gradient de
pression osmotique entre l’interstitium médullaire concentré et le
liquide tubulaire dilué. Pour le rein humain adulte, la concentration
osmolaire maximale est de 1 200 mmol/kg ; l’excrétion osmolaire
(urée, sulfates, phosphates, électrolytes) étant voisine de 600 mmol/j,
le rein doit donc excréter un minimum de 0,5 l.
La première étape
de l’action antidiurétique de la vasopressine est sa liaison au
récepteur V2 inséré dans la membrane basolatérale des cellules
principales du tubule collecteur.
La liaison hormonerécepteur
est responsable de l’activation de l’adénylyl cyclase, enzyme membranaire dont l’activation permet l’hydrolyse de
l’adénosine triphosphate (ATP) en adénosine monophosphate
(AMP) cyclique.
L’activation de l’adénylyl cyclase résulte de
l’interaction du récepteur V2 activé avec une protéine Gs (guanine
nucleotide binding protein).
Les protéines G trimériques (a, b, c) ont
une fonction d’interrupteur moléculaire (switch).
Dans leur
conformation en association avec la guanosine diphosphate (GDP),
la sous-unité a est associée avec b c et la protéine est au repos en ce
qui concerne son interaction avec l’effecteur (l’adénylyl cyclase).
Le
récepteur V2 activé par son agoniste (l’AVP) agit de façon
catalytique pour libérer le GDP de la sous-unité a et permettre au
GTP de se lier.
Le GTP lié induit une conformation active (on) de
Gsa. Le cycle G-protéine GTPase retourne à l’état de repos quand le
phosphate terminal de GTP est clivé, que GDP est reformé et que la
sous-unité a retourne à l’état quiescent (off).
L’augmentation
intracellulaire de l’AMP cyclique conduit à la phosphorylation de
différents effecteurs par l’intermédiaire de PKA (protein kinase A) et
à la fusion de vésicules endocytaires contenant les canaux à l’eau de
type AQP2 à la membrane luminale.
L’AQP2 est le canal à l’eau
dépendant de la vasopressine, elle est exprimée exclusivement au
niveau des cellules principales du tubule collecteur.
Elle est
exprimée de manière diffuse dans le cytoplasme dans des conditions
de surhydratation (diurèse aqueuse). Au cours de la déshydratation
ou de l’administration de 1-désamino-8-D-arginine-vasopressine
(dDAVP), la localisation de l’AQP2 est surtout apicale, observation
qui confirme l’hypothèse de la navette des canaux à l’eau (navette
entre un compartiment cytoplasmique et un compartiment
membranaire apical) proposée il y a plus de 20 ans.
E - TRANSPORTEUR D’URÉE ET RECYCLAGE INTRARENAL
DE L’URÉE :
L’urée est synthétisée par le foie et excrétée par le rein.
L’urée
représente 40 à 50 % de l’osmolalité urinaire, et sa concentration
dans l’urine est remarquable (100 fois la concentration plasmatique
d’urée chez l’humain, 250 fois chez les rongeurs).
L’urée
s’accumule dans la médullaire rénale, elle contribue ainsi au
mécanisme de concentration urinaire et à la conservation de l’eau.
Il
existe deux grandes familles de transporteurs d’urée chez les
mammifères :
– les transporteurs d’urée de type tubulaire rénal (UTA) ;
– les transporteurs d’urée de type érythrocytaire et vasculaire (UTB).
Cinq isoformes de UTA sont identifiées, toutes dérivant, par épissage
alternatif, d’un seul gène.
UT-A1 est exprimé au niveau des
membranes apicales de la partie terminale du canal collecteur de la
médullaire interne.
L’expression de UT-A1 est augmentée par la
vasopressine.
UT-A2 est exprimé au niveau des branches
descendantes fines des anses de Henle courtes.
Le recyclage de
l’urée comprend les éléments suivants :
– l’urée est concentrée au niveau du tubule collecteur ;
– l’urée diffuse du tubule collecteur terminal vers l’interstitium
médullaire ;
– l’urée est reprise par les vasa recta ascendants ;
– l’urée est réintroduite dans les branches descendantes fines de
l’anse de Henle et les vasa recta descendants ;
– l’urée retourne ainsi à la médullaire interne.
F - DÉFAUTS DE CONCENTRATION URINAIRES
EXPÉRIMENTAUX PAR INVALIDATION GÉNIQUE
:
Il est maintenant habituel de déterminer la fonction physiologique
précise d’une protéine en utilisant des modèles d’invalidation
génique.
Dans ce but, des constructions géniques avec perte de
fonction des protéines suivantes :AQP1, AQP2, AQP3, AQP4, AQP3
et AQP4, CLCNK1, NKCC2, AVPR2, AGT, ou UT-B ont été réalisées
chez la souris.
Les souris knock-out Aqp3,
Aqp4, Clcnk-1 et Agt n’ont pas d’équivalents reconnus en pathologie
humaine, et les humains sans AQP1 n’ont qu’une altération très
minime de leur pouvoir de concentration urinaire.
Les souris avec
mutations Aqp2-T126M ont une présentation clinique
extrêmement sévère qui rappelle les caractéristiques phénotypiques
des patients AQP2-T126M.
Les souris avec invalidation du gène
NKCC2 ont aussi des manifestations polyuriques semblables à
celles observées chez les patients avec syndrome de Bartter.
G - STIMULATION OSMOTIQUE ET STIMULATION NON
OSMOTIQUE DE LA VASOPRESSINE :
La régulation osmotique de l’AVP dépend de cellules osmoréceptrices de la partie antérieure de l’hypothalamus qui
perçoivent les modifications de l’osmolalité extracellulaire, altèrent leur volume et modifient leurs influx nerveux dirigés vers les
cellules magnocellulaires productrices de vasopressine des noyaux
supra-optiques et paraventriculaires.
Le volume cellulaire des osmorécepteurs est modifié par des solutions salines hypertoniques
ou par du mannitol hypertonique.
Au contraire, l’urée hypertonique
n’est pas restreinte au milieu extracellulaire et pénètre rapidement
dans les cellules : l’urée hypertonique ne modifie ni le volume des osmorécepteurs, ni la sécrétion d’AVP.
Les données récentes sur
l’osmo- et la tonoréception ainsi que la description des canaux
cationiques membranaires inactivés par l’étirement responsable de
l’osmoréception ont fait l’objet d’une revue récente.
Les cellules osmoréceptrices sont très sensibles à des modifications minimes de
l’osmolalité extracellulaire : en cas de déshydratation, une
augmentation aussi faible que 1 % de l’osmolalité stimule la
libération d’AVP.
À l’inverse, suite à une ingestion d’eau, une
diminution de 1 % de l’osmolalité supprime la libération d’AVP.
L’AVP peut être stimulée de manière non osmotique par des
modifications importantes (> 10 %) du volume sanguin ou de la
pression artérielle.
La stimulation osmotique de l’AVP obtenue par déshydratation
et/ou par fusion de soluté salé hypertonique est utilisée pour
déterminer la capacité de sécrétion de vasopressine par l’hypophyse
postérieure.
Le test direct de capacité sécrétoire consiste à mesurer
l’AVP plasmatique à des niveaux variables de déshydratation et à
les comparer à des valeurs normales.
On corrèle ensuite les
concentrations plasmatiques d’AVP obtenues à l’osmolalité
urinaire.
Le test indirect de capacité sécrétoire de l’AVP consiste à mesurer
l’action de l’AVP sur l’osmolalité urinaire plutôt que l’AVP ellemême.
Pour ce faire, les osmolalités plasmatiques et urinaires sont
mesurées à intervalles réguliers pendant la déshydratation.
L’osmolalité urinaire maximale est alors comparée à l’osmolalité
urinaire obtenue après injection de pitressine ou de dDAVP.
Dans le diabète insipide central (neurogénique), la sécrétion de la
vasopressine sera insuffisante ou abolie ; au contraire une sécrétion
normale ou supra-normale d’AVP sera observée dans le diabète
insipide néphrogénique.
Les tests qui visent à explorer la sécrétion non osmotique
(barorécepteur-dépendante) de l’AVP ne sont pas utilisés comme
épreuves diagnostiques du diabète insipide central ou
néphrogénique, car ils n’apportent que peu de renseignements
supplémentaires et sont techniquement difficiles à réaliser.
Autres actions cellulaires
de la vasopressine
:
L’AVP se lie au moins à quatre sous-types distincts de récepteurs :
les récepteurs V1a, V1b, V2 et OT (ocytocine). Ces récepteurs sont
clonés et séquencés.
Ils appartiennent tous à la
très grande famille des récepteurs à sept passages membranaires
dont la signalisation se fait par l’intermédiaire d’une protéine G hétérotrimérique.
Les récepteurs V1a, V1b et OT interagissent
sélectivement avec les protéines G de la famille Gq11.
Ces protéines
activent des isoformes distinctes de la phospholipase Cß et
conduisent à l’hydrolyse du phosphatidyl-inositol-1,4,5 triphosphate
et à la formation d’inositol-1,4,5 triphosphate (IP3).
Cette petite
molécule hydrosoluble et diffusible est le messager intracellulaire
responsable d’une mobilisation du calcium à partir du réticulum
endoplasmique.
L’agrégation plaquettaire, la glycogénolyse
hépatique et les effets presseurs de l’AVP sont médiés par les
récepteurs V1a et par l’augmentation du calcium intracellulaire.
Les
récepteurs V1b sont exprimés au niveau de l’hypophyse antérieure.
Ces récepteurs sont responsables de la sécrétion d’adrenocorticotrophic
hormone (ACTH) par l’antéhypophyse.
Cette sécrétion
d’ACTH est sous le double contrôle de la corticotropin-releasing
hormone (CRH) et de l’AVP.
Comment exprimer de manière
quantitative l’excrétion de l’eau ?
A - POLYURIES OSMOTIQUES ET NON OSMOTIQUES
:
Le diabète insipide est caractérisé par l’excrétion de grandes
quantités (> 30 ml/kg/j) d’urine hypo-osmolaire (< 250 mmol/kg) :
il s’agit d’une polyurie non osmotique.
Au contraire, la diurèse est
osmotique (excrétion des solutés > 60 mmol/h) quand l’urine
contient de grandes quantités de substances osmotiques exogènes
(glycérol, mannitol, produits de contraste radiologiques) ou
endogènes (urée, glucose). Les diurétiques de l’anse peuvent aussi
induire une diurèse osmotique.
B - CLAIRANCE OSMOLAIRE, CLAIRANCE DE L’EAU LIBRE
ET ÉQUILIBRE DE LA TONICITÉ
:
Le débit urinaire peut être divisé en deux compartiments.
Le
premier compartiment est isotonique ; il est appelé clairance osmolaire (Cosm) : c’est le volume nécessaire pour excréter des
solutés à la même concentration que celle du plasma.
Le deuxième
compartiment est appelé clairance de l’eau libre (CH2O) : c’est un
volume théorique d’eau libre de soluté ; ce volume, positif ou
négatif, doit être ajouté (clairance de l’eau libre TC
H2O) à la portion
isotonique de l’urine (COsm) pour créer une urine hypo- ou
hypertonique.
Le calcul de l’équilibre de la tonicité (tonicity
balance) permet de démontrer que les hypernatrémies sont parfois
d’origine iatrogène et guide le traitement.
Clinique et biologie des diabètes
insipides néphrogéniques héréditaires
:
Quatre-vingt-dix pour cent des patients avec un DIN héréditaire
sont de sexe masculin avec un DIN à transmission liée à l’X (MIM
304800), en rapport avec des mutations dans le gène AVPR2 codant
le récepteur V2 de la vasopressine.
Ce gène est localisé en Xq28.
Dans moins de 10 % des familles étudiées, le diabète insipide néphrogénique héréditaire a une hérédité autosomique récessive ou
autosomique dominante (MIM 222000 et 125800). Dans ces cas, les
individus atteints portent des mutations dans le gène aquaporine-2
(AQP2).
Ce gène localisé dans la région chromosomique 12q13 code
le canal à l’eau AQP2 dont l’expression dépend de la vasopressine.
Le syndrome de Bartter (MIM 601678) et la cystinose (MIM
219800) sont aussi caractérisés par des syndromes polyuriques
d’intensité variable mais parfois très sévère.
Dans le syndrome de Bartter, le syndrome polyurique est impur car il s’accompagne d’un
défaut héréditaire de la réabsorption en chlorure de sodium. Dans
la cystinose, la polyurie fait partie d’un désordre tubulaire généralisé
de type Fanconi.
A - DIN HÉRÉDITAIRES LIÉS À
:
L’X
Le DIN lié à l’X est une maladie rare. Nous avons calculé une
fréquence de 8,8 par million d’habitants dans la province de Québec
(Canada).
Cependant, certaines communautés rurales de la
Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick dans l’est du Canada
ont une fréquence de cette maladie génétique beaucoup plus
élevée.
Le DIN lié à l’X est observé chez des familles
caucasiennes, afroaméricaines, africaines, iraniennes, asiatiques,
etc.
Il semble donc qu’aucun groupe ethnique ne soit
épargné.
B - CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES ET DIAGNOSTIC
DIFFÉRENTIEL AVEC LE DIABÈTE INSIPIDE CENTRAL
(NEUROGÈNE) AUTOSOMIQUE DOMINANT
:
Les caractéristiques cliniques « historiques » de la maladie sont
l’hypernatrémie, l’hyperthermie, le retard mental et les épisodes
répétés de déshydratation.
La détection précoce par diagnostic
génétique dès les premiers jours de la vie devrait permettre de
reléguer les caractéristiques ci-dessus mentionnées dans l’histoire de
la médecine et de ne conserver, au début du XXIe siècle, que la
difficulté d’hydrater et de nourrir ces patients pendant les premières
années de leur vie.
Pour nous, le retard mental, si abondamment
décrit dans la littérature antérieure, est une conséquence directe des
épisodes répétés de déshydratation méconnus ou traités trop
tardivement.
Donc, deux caractéristiques historiques suggérant un
diagnostic de DIN lié à l’X sont l’aspect héréditaire et le retard
mental lié chez les garçons atteints.
Ainsi la famille décrite en
1892 par McIlraith et discutée par Reeves et Andreoli avait
probablement un DIN lié à l’X.
Lacombe et Weil ont, en
revanche, décrit des diabètes insipides héréditaires à transmission
autosomique dominante et sans retard mental.
Les descendants de
la famille décrite par Weil ont un diabète insipide central
(neurogène) autosomique dominant.
Ces patients conservent une
capacité limitée pour sécréter de la vasopressine dans les premières
années de la vie et ainsi ne souffrent ni de déshydratation ni de
retard mental.
La capacité de concentration urinaire en réponse à la
vasopressine exogène est entièrement normale chez les patients avec
diabète insipide central autosomique dominant.
La polyurie et la polydipsie sont présentes très précocement et nous
avons observé des épisodes de déshydratation dès le 3e jour de vie.
La grossesse d’un enfant atteint ne s’accompagne jamais d’un polyhydramnios.
Le polyhydramnios est exclusivement observé
pendant la grossesse qui conduit à la naissance d’enfants avec
syndrome de Bartter.
Les enfants avec DIN lié à l’X sont
irritables, pleurent presque constamment et, bien qu’assoiffés,
vomissent fréquemment le lait qui leur est donné, sauf si le lait est
précédé par l’administration d’eau.
La constipation, la fièvre
inexpliquée, l’incapacité à prendre du poids, l’absence de sudation,
l’augmentation des symptômes en cas de temps chaud sont
fréquemment observées.
Les épisodes sévères de déshydratation
peuvent conduire à la mort. L’absorption de grandes quantités d’eau
et la restriction sodée et protéique peuvent conduire à un nanisme
hypocalorique.
L’évolution « historique » des enfants atteints est bien
décrite par Mathieu et Loirat.
Dans leur expérience, l’évolution
initiale restait dominée par la fréquence des accidents de déshydratation ; ultérieurement l’adaptation spontanée des boissons
aux besoins est excellente et la maladie devient compatible avec une
parfaite santé physique.
Nous estimons que les accidents de
déshydratation sévère peuvent être tous prévenus par une détection
et une surveillance autoritaires.
La dilatation de l’arbre urinaire est
secondaire à la polyurie.
Elle n’est pas spécifique de la maladie,
elle peut être observée quelle que soit l’étiologie de la polyurie, par
exemple dans les diabètes insipides centraux ou dans les polydipsies
psychogènes (ou potomanies).
L’insuffisance rénale peut être le
résultat d’épisodes répétés de déshydratation avec thrombose
glomérulaire.
C - DIAGNOSTIC CLINIQUE ET BIOCHIMIE
:
Il faut souligner l’importance d’une histoire familiale détaillée et de
la construction d’un arbre généalogique précis.
Des enfants de sexe
masculin morts avant l’âge de 1 an sans diagnostic défini avec une
mauvaise croissance staturopondérale et des vomissements répétés
peuvent indiquer l’existence antérieure de la maladie.
La
construction de l’arbre généalogique est orientée sur la transmission
liée à l’X.
Dans la plupart des cas (70 % dans notre expérience), une
histoire familiale est retrouvée mais plusieurs générations peuvent
s’être écoulées avant la naissance, à nouveau, d’un garçon atteint.
Donc la plupart des cas représentent des mutations ancestrales mais
de nombreux cas sporadiques peuvent correspondre à des mutations
de novo.
1- Diagnostic génétique et reconnaissance précoce
du DIN
:
Idéalement, dans toutes les familles où la maladie est bien
documentée par l’existence d’un garçon atteint du DIN, la mutation
du gène du récepteur V2 devrait être déterminée et toutes
les femmes à risque et en âge de procréer devraient avoir leur statut
identifié (transmetteur ou non-transmetteur).
Si une femme
transmetteur de la maladie est porteuse d’un enfant de sexe
masculin, il suffit d’obtenir rapidement à la naissance du sang du
cordon, d’extraire l’acide désoxyribonucléique (ADN) et de réaliser
une analyse mutationnelle.
Le résultat d’une telle étude
génétique peut prendre de 2 à 4 jours et il suffira, en parallèle,
d’évaluer les symptômes et de mesurer l’osmolalité urinaire et la
natrémie du nouveau-né à risque.
Si le DIN est affirmé par analyse
génétique et que l’osmolalité urinaire est inférieure à 100 mmol/kg,
d’autres tests ne sont pas nécessaires et l’hydratation attentive de
l’enfant et son traitement (hydrochlorothiazide, régime pauvre en
sel) doivent commencer immédiatement.
2- Diagnostic phénotypique avant l’âge de 1 an
:
La polyurie est nette, égale ou supérieure à 500 ml/24 heures, et
atteignant 1 à 21/24 heures chez le nourrisson, avec, en période
d’hydratation normale, une densité inférieure à 1005 et une osmolalité urinaire entre 50 et 100 mmol/kg.
Le rapport U/POsm est
toujours inférieur à l’unité. Ces caractéristiques sont bien différentes
de l’excrétion urinaire normale.
Si une sous-hydratation
chronique ou des accidents de déshydratation sont survenus, avec
une natrémie supérieure à 150 mEq/L et une osmolalité urinaire
inférieure à 300 mmol/kg, on peut démontrer la résistance tubulaire
à la vasopressine en administrant 1 µg de dDAVP (250 µl d’une
solution contenant 4 µg/ml) par voie sous-cutanée ou intraveineuse lente (dans
une poche à perfusion et en 20 minutes).
L’urine est
collectée toutes les 30 minutes au cours des 120 minutes suivantes. Dans le cas du DIN lié à l’X, aucune augmentation de
l’osmolalité urinaire n’est observée après dDAVP.
Pendant cette
épreuve de concentration urinaire à la dDAVP, l’eau ne doit pas être
restreinte.
L’épreuve de restriction hydrique est par ailleurs inutile
lorsqu’on a enregistré les données biologiques plasmatiques et
urinaires à l’occasion d’un accident aigu de déshydratation.
Son seul
but serait de faire le diagnostic différentiel avec la polydipsie
psychogène, qui ne s’accompagne jamais de déshydratation, ou avec
le diabète insipide central, exceptionnel à cet âge et répondant
d’emblée à la dDAVP.
3- Diagnostic phénotypique complet
(enfant et âge adulte) :
Ces épreuves ne sont indispensables ni au diagnostic ni au
traitement mais il est utile d’étudier au complet au moins un enfant
ou un adulte de sexe masculin atteint dans chaque famille.
Ces
épreuves et leur interprétation ont permis à mon équipe la
caractérisation phénotypique stricte des DIN liés à l’X.
Dans
toutes les familles étudiées jusqu’à présent, l’homogénéité
phénotypique va de pair avec l’homogénéité génotypique : nous
avons toujours trouvé dans ces familles des mutations dans le gène
du récepteur V2.
* Épreuve de déshydratation
:
Son but est de démontrer la résistance tubulaire rénale à la sécrétion
endogène de vasopressine, sécrétion stimulée par la déshydratation.
Cette épreuve doit toujours avoir lieu de jour, sous surveillance
médicale immédiate.
Elle ne doit jamais dépasser 4 heures.
Des
prélèvements plasmatiques (Na, Osm, vasopressine) sont pratiqués
chaque heure.
L’osmolalité et le volume urinaire sont mesurés toutes
les 30 minutes.
Les résultats de natrémie doivent être
immédiatement disponibles après chaque prélèvement de sang pour
éviter toute déshydratation sévère arbitrairement définie par une
natrémie > 150 mEq/l.
La soif doit être notée chaque heure en
s’aidant d’une échelle visuelle.
Par exemple, un garçon de 8 ans (poids corporel 31 kg) avec un
diagnostic clinique de DIN, continue à excréter 300 ml/h d’urine
diluée (UOsm = 85 mmol/kg) pendant une épreuve de
déshydratation de 4 heures.
Il s’est plaint d’une soif intense. Sa
natrémie maximale fut de 155 mEq/L (POsm = 310 mmol/kg).
Le
patient a reçu 1 µg de dDAVP en sous-cutané et on lui permit de
boire de l’eau.
Des mesures répétées d’osmolalité urinaire
confirmeront la résistance à l’hormone antidiurétique.
Il aurait été dangereux et inutile de continuer la déshydratation dans
notre expérience.
* Épreuve au dDAVP
:
Perfusion intraveineuse d’une dose pharmacologique de dDAVP
(0,3 µg/kg de poids corporel jusqu’à un maximum de 24 µg)/ son
but est de démontrer :
– la résistance urinaire à la dDAVP ;
– l’absence de réponse hémodynamique et coagulante à la dDAVP ;
– l’absence de stimulation de l’AMP cyclique plasmatique par dDAVP.
Ce test a lieu sans déshydratation.
Des prélèvements plasmatiques
et urinaires sont réalisés toutes les 30 minutes.
Après une période
témoin de 60 minutes, une perfusion lente de dDAVP (0,3 µg/kg de
poids corporel dans 100 ml de soluté salé physiologique perfusé en
20 minutes à l’aide d’une pompe proportionnelle) est réalisée et des
prélèvements plasmatiques et urinaires sont effectués toutes les
30 minutes pendant les 150 minutes qui suivent le début de la
perfusion.
La dDAVP ne doit jamais être administrée rapidement
par voie intraveineuse, car elle induit des hypotensions sévères chez
les individus normaux.
Chez les patients de sexe masculin avec DIN
lié à l’X, l’osmolalité urinaire et la clairance de l’eau libre resteront
inchangées ; ni la pression artérielle ni le facteur de von
Willebrand ne varieront; l’AMP cyclique plasmatique ne sera
pas stimulé.
Ces résultats indiquent une anomalie de
fonctionnement du récepteur V2 rénal et extrarénal (les récepteurs
V2 extrarénaux sont mal définis mais ils expliquent la stimulation
des facteurs de coagulation et l’hypotension observées après la
dDAVP administrée à dose pharmacologique). Ces données
indiquent également que le DIN lié à l’X est un défaut situé en
amont de l’AMP cyclique.
Cette hypothèse a été confirmée par la
découverte de mutations dans le gène du récepteur V2 chez les
familles avec DIN lié à l’X.
D - ANALYSE GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE : MUTATIONS
DU GÈNE DU RÉCEPTEUR V2, DÉTECTION
DES TRANSMETTRICES
Le clonage du gène humain du récepteur V2 de la vasopressine a
été publié en 1992.
Ce gène est appelé AVPR2, il est situé en Xq28
(la partie la plus distale du bras long du chromosome X).
La
découverte de mutations dans l’AVPR2, mutations qui déterminent
le phénotype DIN lié à l’X, a confirmé l’identification de ce gène. Ce
gène est petit (environ 2 kb), il contient trois exons et deux introns.
La séquence de l’ADN complémentaire prédit un polypeptide de
371 acides aminés (aa) avec sept domaines transmembranaires,
quatre domaines extracellulaires et quatre domaines intracellulaires.
La structure de ce récepteur est caractéristique de celle des
récepteurs membranaires liés aux protéines G, vaste famille
comprenant la rhodopsine, les récepteurs a et b adrénergiques, muscariniques, les récepteurs à la thrombine etc.
L’analyse
génétique de familles avec DIN lié à l’X est réalisée par séquençage
direct après amplification par polymerase chain reaction (PCR).
À ce jour, plus
de 183 mutations AVPR2 ont été identifiées dans 239 familles
d’origines ancestrales différentes.
La moitié de ces mutations sont des mutations faux-sens, c’est-àdire
qu’un seul aa sauvage est remplacé par un autre aa mutant.
Le
reste des mutations se répartit comme suit : 27 % sont des mutations
avec décalage du cadre de lecture par délétion ou insertion d’un ou
plusieurs nucléotides, 11 % sont des mutations non-sens, c’est-à-dire
qui génèrent un signal stop, 5 % sont des grandes délétions, 4 %
sont des délétions ou insertions en phase et 2 % sont des mutations
d’épissage.
Des mutations ont été identifiées affectant chaque
domaine du récepteur V2 de la vasopressine. Nous avons identifié
des mutations uniques (dites « privées »), des mutations récurrentes
et des mécanismes probables de mutagenèse.
Dix mutations
récurrentes (D85N, V88M, R113W, Y128S, R137H, S167L, R181C,
R202C, A294I, et S315R) ont été identifiées dans 35 familles
d’origines ancestrales indépendantes.
L’expression in vitro de ces
mutations AVPR2 indique que la majorité des récepteurs mutés sont
retenus dans le réticulum endoplasmique : incapables de s’insérer
dans la membrane plasmique, ils ont perdu leur fonction de
signalisation.
Ce défaut de transport intracellulaire est un
mécanisme général partagé par de nombreuses maladies héréditaires
dues à des mutations dans des gènes codant des protéines
membranaires.
Nous avons récemment démontré que des
antagonistes non peptidiques du récepteur de la vasopressine
pouvaient « replicaturer » les récepteurs AVPR2 mutants et
augmenter l’osmolalité urinaire chez des patients avec DIN lié à l’X
porteurs des mutations de l62-64, R137H et W164S.
E - DIABÈTES INSIPIDES NÉPHROGÉNIQUES
AUTOSOMIQUES RÉCESSIFS ET DOMINANTS
SECONDAIRES À DES MUTATIONS DU GÈNE AQP2
:
Des DIN avec transmission père-fils, défaut situé en aval de l’AMP
cyclique et stimulation normale des facteurs de coagulation par la
dDAVP chez des sujets de sexe masculin ont suggéré l’existence
d’un autre type de DIN héréditaire.
Un patient avec DIN
congénital et stimulation normale des facteurs de coagulation par la dDAVP fut trouvé porteur de mutations (hétérozygote composé
R187C et S217P) sur chaque allèle du gène AQP2. À ce
jour, 32 mutations AQP2 ont été identifiées chez 40 familles avec
DIN autosomique dominant ou autosomique récessif.
Ces mutations
se répartissent comme suit : 65 % de mutations faux-sens, 23 % de
mutations avec décalage du cadre de lecture secondaire à des
délétions ou insertions d’un petit nombre de nucléotides, 8 % de
mutations non-sens et 4 % de mutations d’épissage.
Les études d’expression des protéines mutantes AQP2 ont démontré,
comme pour l’expression in vitro des mutants AVPR2, leur rétention
intracellulaire et leur impossibilité d’atteindre une conformation
compatible avec leur maturation intracellulaire et leur insertion dans
des vésicules endocytaires.
Les mutations AQP2 responsables du DIN autosomique récessif sont
distribuées dans tout le gène AQP2 dans sa partie carboxylterminale.
La famille avec phénotype autosomique
dominant décrite par Ohzeki en 1984 fut séquencée et identifiée
comme hétérozygote pour la délétion carboxyl-terminale 721delG.
Le phénotype dominant de ces mutations spécifiques peut
s’expliquer par la formation d’hétérotétramères avec cheminement
intracellulaire altéré.
F - POLYURIE, POLYDIPSIE ET DÉSHYDRATATION
CHEZ LES PATIENTS AVEC CYSTINOSE :
La polyurie peut être minime et seulement induire une énurésie
persistante, ou, à l’opposé, être sévère et même contribuer au décès
par déshydratation chez des enfants avec gastroentérites.
G - POLYURIE ET TUBULOPATHIES HÉRÉDITAIRES
AVEC PERTES DE SEL ET DE POTASSIUM
:
Les enfants avec hypo- ou isosthénurie, hypercalciurie et dont la
grossesse menant à leur naissance a été caractérisée par un
polyhydramnios, ont une perte de fonction des transporteurs
tubulaires de la branche ascendante de l’anse de Henle ROMK (gène
KCNJ1) et NKCC2 (gène SLC12A1).
Les patients avec polyhydramnios, polyurie sévère, hyponatrémie, hypochlorémie,
alkalose métabolique et surdité neurosensorielle ont une perte de fonction de la barttine (gène BSND).
La barttine est la sousunité
ß du canal chlorure.
Elle est exprimée au niveau basolatéral de la branche ascendante de l’anse de Henle et dans
l’oreille interne.
Ces nouvelles données confirment l’importance
des protéines ROMK, NKCC2 et barttine pour transférer
suffisamment de NaCl dans l’interstitium médullaire et générer, en
conjonction avec l’apport d’urée, un milieu hypertonique-clé dans
l’établissement et le maintien du contre-courant.
H - TRAITEMENT
:
Les recommandations et les calculs théoriques réalisés par Mathieu
et Loirat sont toujours d’actualité.
Ces auteurs considèrent que
l’osmolalité urinaire des patients atteints étant fixe, leur débit
urinaire est en corrélation directe avec la charge osmotique. La
charge osmotique peut être calculée par la formule :
On s’aperçoit qu’un régime désodé (1 mEq/kg/24 h) avec une
restriction protéique limitée (2 g/kg/24 h) sont importants.
L’apport hydrique théorique est : QOsm /UOsm + pertesextrarenales
(UOsm étant l’osmolalité urinaire en dehors des épisodes de
déshydratation).
Une hydratation abondante et continue ainsi qu’une surveillance
très attentive du poids et de la température sont nécessaires.
On
doit offrir de l’eau toutes le 2 à 3 heures, y compris la nuit !
L’hospitalisation de ces enfants est parfois indispensable ainsi que
l’installation d’une sonde gastrique pour nutrition et hydratation entérale.
L’hydrochlorothiazide (1 à 2 mg/kg/j) et l’indométacine
(1,5 à 3,0 mg/kg) diminuent de 30 à 50 % l’excrétion de l’eau.
Les quantités considérables d’eau absorbées par ces patients
exagèrent le reflux gastrooesophagien physiologique des enfants et
beaucoup de jeunes patients vomissent après l’absorption de
grandes quantités d’eau.
L’utilisation de bloqueurs H2, de métoclopramide ou de dompéridone améliore ces symptômes.
La
majorité des patients adultes ne prennent aucun traitement.
I - DÉPISTAGE GÉNÉTIQUE PRÉCOCE DES PATIENTS
AVEC DIABÈTE INSIPIDE NÉPHROGÉNIQUE :
Le dépistage précoce des mutations AVPR2, AQP2 ou de celles
responsables du syndrome de Bartter (KCNJ1, SLC12A1, BSND)
dans les familles déjà caractérisées par la présence d’un enfant
atteint permet un diagnostic et un traitement précoces et évite, dans
la majorité des cas, la survenue d’épisodes sévères de
déshydratation (AVPR2, AQP2) ou de contraction de volume
(KCNJ1, SLC12A1, BSND).
Nous avons réalisé le diagnostic de DIN
lié à l’X à partir d’échantillons de villosités choriales (n = 4), de
cellules amniotiques cultivées (n = 5) ou de sang du cordon (n = 17).
Vingt-trois enfants furent testés, 12 garçons étaient atteints, sept
garçons étaient indemnes et quatre filles furent identifiées comme
non transmetteurs.
Les garçons atteints sont systématiquement
traités, dès la première semaine de vie, à l’aide d’un régime pauvre
en sel avec de l’hydrochlorothiazide.
Ces enfants nécessitent
cependant une attention soutenue pendant les premières années
pour éviter tout épisode de déshydratation et pour maintenir une
courbe de croissance adéquate.
Diabètes insipides néphrogéniques
acquis
:
Les formes secondaires de DIN sont rarement complètes.
Ainsi la
possibilité d’élaborer une urine concentrée faiblement est conservée
et la polyurie chez l’adulte est en général inférieure à 6 à 8 l/24 h.
L’étiologie la plus fréquente est l’administration chronique de
lithium pour maladie psychiatrique (essentiellement dans les
psychoses maniacodépressives).
Sous surveillance stricte et
répétée des lithémies, un régime pauvre en NaCl associé ou non à
l’hydrochlorothiazide ou à l’amiloride diminue la polyurie et permet
la diminution de la dose de carbonate de lithium nécessaire au
maintien d’une lithémie efficace (» 1 mmol/l).
La déméclocycline est utile dans le traitement des syndromes de
sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique, non contrôlés par
les manoeuvres habituelles (traitement de la cause, restriction en
eau).
Conclusion
:
La polyurie, la polydipsie et la résistance tubulaire à l’arginine
vasopressine sont les caractéristiques du DIN.
Les mutations avec perte
de fonction de l’AVPR2 ou de l’AQP2 entraînent un DIN pur classique
avec perte hydrique exclusive.
Les mutations avec perte de fonction du
transporteur Na, Cl, K (NKCC2), du canal potassique ROMK ou de la
sous-unité ß du canal chlorure, la barttine, induisent un DIN complexe
avec perte de sel, d’eau et d’autres électrolytes. Le lithium reste l’agent
exogène principal responsable des DIN secondaires.
Le traitement du
DIN s’appuie sur des mesures non spécifiques visant à diminuer la
quantité d’eau présentée au canal collecteur et à éviter la
déshydratation et la contraction de volume.