Dermatose bulleuse de l’adulte
Cours de dermatologie
Diagnostic positif
:
La compréhension du mode de formation d’une bulle
cutanée repose sur la connaissance des structures dermo-épidermiques.
L’épiderme est constitué de divers types cellulaires
dont les mélanocytes, les cellules de Langerhans et les
kératinocytes.
Ceux-ci, qui représentent 90 % des
cellules épidermiques, sont reliés entre eux par des
desmosomes constitués de molécules d’adhérence de
type cadhérine.
La jonction dermo-épidermique est composée de
cellules basales exprimant à leur pôle basal des hémidesmosomes
surplombant une zone apparaissant claire
en microscopie électronique, la lamina lucida, et une
zone sombre, la lamina densa constituée de collagène
IV.
Sous ces structures sont situées les fibrilles d’ancrage
formées de collagène VII.
Cliniquement, une bulle se définit comme une collection
liquidienne arrondie à contenu clair ou hémorragique de
taille allant de 3 mm à 3 cm.
Au-dessous de 3 mm, il s’agit d’une vésicule ou d’une pustule, au-delà
de 3 cm, on parle de décollement bulleux.
Une bulle
peut reposer sur une peau saine ou érythémateuse, peut
être prurigineuse ou non.
Une bulle tendue est plus fréquemment
rencontrée dans les cas où le clivage est sousépidermique,
alors que dans les cas où le clivage est
intra-épidermique, le toit n’est constitué que de quelques assises kératinocytaires très fragiles au frottement et la
bulle apparaît flasque ou érodée.
Au niveau muqueux, la
bulle se présente le plus souvent sous la forme d’une érosion
superficielle.
Les bulles peuvent être localisées
(zones de contact avec un agent chimique ou zones photoexposées),
parfois muqueuses exclusives, ou diffuses
(maladies auto-immunes ou héréditaires).
Le
diagnostic de bulle peut être porté sur une lésion postbulleuse,
croûteuse, pigmentée ou atrophique.
L’interrogatoire doit rechercher des antécédents familiaux
de maladie bulleuse, la chronologie d’apparition
des bulles, le nombre de nouvelles bulles par jour, leurs
circonstances de survenue (décollement par simple friction
ou signe de Nikolsky), la présence d’éventuels
signes de déshydratation.
L’examen histologique d’une bulle non rompue précise
le niveau du clivage, intra-épidermique ou sous-épidermique,
la présence ou non d’un infiltrat inflammatoire
ou d’une nécrose cellulaire.
L’examen immunologique
de la peau péri-bulleuse par technique d’immunofluorescence
directe (IFD) permet de détecter d’éventuels
dépôts d’immunoglobulines IgG, IgM, IgA et (ou) de
complément.
L’identification et la caractérisation d’anticorps
circulants se font par la technique d’immunofluorescence
indirecte (IFI).
D’autres examens peuvent être nécessaires suivant
l’orientation étiologique fournie par les examens
précédents.
Il s’agit soit d’une technique d’immunofluorescence
sur peau clivée par NaCl 1 molaire pour
différencier les bulles sous-épidermiques formées dans la
lamina lucida de celles formées sous la lamina densa, soit
de techniques d’immunotransfert pour préciser le poids
moléculaire des anticorps reconnus par les auto-antigènes
soit plus rarement une étude en microscopie électronique
dans le cas des maladies bulleuses héréditaires.
Diagnostic étiologique des maladies
bulleuses de l’adulte :
Les bulles peuvent résulter de mécanismes divers, externe, phototoxique, infectieux, toxidermique, auto-immun,
héréditaire ou compliquer certaines dermatoses.
A - Bulles par agents externes
:
Les substances chimiques utilisées dans la vie courante,
certains médicaments topiques, notamment antiseptiques,
peuvent être responsables, en cas de mauvaise utilisation,
d’une action caustique conduisant à une bulle par séparation dermo-épidermique.
Il en est de même des brûlures
du 2e degré superficielles, des gelures, des phlyctènes de
frottement ou des piqûres d’insecte.
B - Bulles phototoxiques
:
Les bulles phototoxiques relèvent soit de mécanismes
externes soit de mécanismes internes médicamenteux ou
métabolique (porphyrie cutanée tardive, PCT).
• La phototoxicité externe peut être liée à une exposition
solaire exagérée, à une application de médicaments
topiques (ex. : Méladinine), à une phytophotodermatose
ou dermite des prés au contact de végétaux contenant
des flurocoumarines et reproduisant la forme du végétal.
• La phototoxicité interne d’origine médicamenteuse
n’est pas exceptionnelle.
Les médicaments en cause sont
surtout les cyclines, les sulfamides et les diurétiques
thiazidiques.
• La phototoxicité métabolique est représentée par la
porphyrie cutanée tardive qui se traduit par des bulles à liquide citrin ou séro-hémorragique de la face dorsale
des mains et doigts, plus rarement des avant-bras et des
régions découvertes.
Les bulles apparaissent spontanément
ou après un traumatisme minime ou une exposition
solaire.
S’y associent des ulcérations traumatiques
traduisant la fragilité cutanée, des microkystes, une
pigmentation, des macules atrophiques et une hypertrichose
des régions temporo-malaires.
La bulle se produit
par clivage sous-épidermique.
Il existe des manchons périvasculaires PAS + caractéristiques, retrouvés par la
technique d’immunofluorescence directe.
La porphyrie cutanée tardive est due à un déficit en uroporphyrinogène
décarboxylase érythrocytaire.
Cette
anomalie du métabolisme des porphyrines entraîne l’élimination
accrue d’uroporphyrines urinaires se traduisant
par des urines foncées, porto ou marc de café.
En dehors de la lumière, les facteurs responsables des
poussées sont l’alcool, des médicaments comme les
oestrogènes, le virus de l’immunodéfficience humaine et
le virus de l’hépatite C.
Le traitement repose sur les saignées (300 à 400 mL tous
les 10 j pendant 1 mois, puis mensuel pendant 6 à 12 mois).
C - Bulles infectieuses
:
• L’impétigo staphylococcique, moins fréquent que
l’impétigo streptococcique, comporte une ou plusieurs
bulles à contenu clair reposant sur une base érythémateuse.
Il n’y a pas de signes généraux ni d’adénopathies
superficielles.
Il se voit surtout chez l’enfant mais peut
se rencontrer occasionnellement chez l’adulte débilité
ou immunodéprimé.
Il est dû à un staphylocoque sécréteur
d’une toxine épidermolytique.
Le traitement repose
sur la prescription de pénicilline M ou de synergistines.
• La nécrolyse épidermique staphylococcique ou syndrome
des enfants ébouillantés (SSSS pour staphylococcal
scalded skin syndrome) survient chez le nouveau-né où
elle se manifeste par un décollement épidermique diffus
avec bulle par clivage au niveau de la couche granuleuse
épidermique.
Ce syndrome ne se voit pas chez l’adulte.
D - Toxidermies bulleuses
:
• L’érythème pigmenté fixe bulleux est toujours d’origine
médicamenteuse et récidive au même endroit après
chaque prise du médicament incriminé (antalgiques,
antibiotiques et barbituriques).
• L’érythème polymorphe bulleux se présente sous la
forme de cocardes dont le centre est bulleux.
Les lésions
sont symétriques, prédominent aux mains, coudes,
genoux et peuvent atteindre les muqueuses buccales,
conjonctivales ou génitales.
De nombreux médicaments
peuvent être en cause.
• La nécrolyse toxique épidermique ou syndrome de
Lyell est une des rares urgences dermatologiques mettant
en jeu le pronostic vital.
Elle se traduit par de larges
bulles à contenu clair reposant sur une zone érythémateuse avec positivité du signe de Nikolsky.
Le décollement
épidermique entraîne de profonds désordres hydro-électrolytiques nécessitant une prise en charge en
réanimation.
Les médicaments responsables sont surtout
les sulfamides, les antibiotiques, les anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS) et les barbituriques.
Le taux de
mortalité est élevé (30 %).
Les séquelles fonctionnelles
sont majeures et peuvent se compliquer de synéchies
notamment oculaires avec cécité.
E - Maladies bulleuses auto-immunes
:
Les maladies bulleuses auto-immunes se répartissent en
deux groupes : les pemphigus où la bulle se forme par
clivage intra-épidermique,
les pemphigoïdes, la dermatose à IgA linéaire, l’épidermolyse
bulleuse acquise (EBA) et la dermatite herpétiforme
où la bulle est sous-épidermique.
1- Pemphigus :
• Le pemphigus vulgaire atteint les adultes d’âge
moyen.
Le début de l’affection est souvent muqueux
avec érosions aphtoïdes buccales, mais peut atteindre le
cuir chevelu, l’ombilic ou les aisselles.
Il s’agit de bulles
flasques à contenu citrin reposant sur peau saine.
Le
signe de Nikolsky est positif.
Le prurit est absent.
Le
diagnostic est confirmé par la présence d’une acantholyse
suprabasale.
L’immunofluorescence directe objective un
dépôt intercellulaire d’IgG et de C3 avec présence d’anticorps
circulants.
En immunotransfert, les auto-anticorps
reconnaissent un antigène de poids moléculaire à
130 kDa correspondant à la desmogléine 3 constituant
du desmosome.
Les auto-anticorps sont directement
cytotoxiques, comme cela a été démontré dans des systèmes
de cultures de peau in vitro.
Le pemphigus vulgaire
peut être associé à un thymome qu’il conviendra de
rechercher systématiquement ou à d’autres maladie
auto-immunes, notamment le lupus érythémateux.
Non
traité, le pemphigus vulgaire atteint l’ensemble du tégument
et l’issue fatale est inéluctable.
La corticothérapie
générale (2 mg/kg/j) permet une réépidermisation progressive,
mais doit être poursuivie de façon dégressive
pendant plusieurs mois.
Des traitements immunosuppresseurs
peuvent être associés en cas de corticorésistance
ou de corticodépendance.
• Le pemphigus superficiel est caractérisé par un érythème
foliacé ou des lésions érythémato-squameuses
des régions séborrhéiques.
L’histologie montre une acantholyse de la partie superficielle de l’épiderme avec
un dépôt intercellulaire d’IgG et de complément prédominant
au niveau des zones acantholytiques. Les autoanticorps
reconnaissent un antigène de 160 kDa correspondant
à la desmogléine 1.
• Le pemphigus induit par les médicaments se présente
avec un grand polymorphisme clinique rappelant soit le
pemphigus superficiel soit le pemphigus vulgaire.
Le
prurit est constant, les lésions muqueuses sont inhabituelles
et le signe de Nikolsky n’est présent que proche des lésions. L’âge moyen de survenue est 60 ans.
La
durée moyenne du traitement inducteur est de 12 mois.
Les principaux médicaments en cause sont la D-pénicillamine,
le pyritinol, la tiopronine, le captopril, les
b-bloquants, les anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Dans 50 % des cas, l’arrêt du médicament n’empêche
pas l’autonomisation de l’affection.
Le traitement doit
alors être celui des pemphigus « classiques ».
• Le pemphigus paranéoplasique revêt également un
polymorphisme clinique avec des lésions de pemphigus
vulgaire, de gingivo-stomatite sévère et une éruption à
type d’érythème polymorphe.
L’histologie objective,
outre l’acantholyse, une vacuolisation des cellules
basales et des images de dyskératose.
L’immunofluorescence
directe montre un dépôt d’immunoglobulines
et de complément à la fois interkératinocytaire
et jonctionnel.
L’immunonofluorsecence indirecte sur
épithélium de vessie de rat confirme les aspects de l’immunofluorescence
indirecte.
L’immunotransfert précise
l’existence de 5 cibles antigéniques représentées par les
desmoplakines I et II (250 et 190 kDa), l’antigène de la
pemphigoïde bulleuse de 230 kDa, l’envoplakine
(210 kDa) et la périplakine (170 kDa).
Les patients
présentent soit des tumeurs solides, soit des cancers
hématologiques avec une nette prédominance de
tumeurs lymphoïdes.
2- Pemphigoïde bulleuse
:
C’est la plus fréquente des maladies bulleuses autoimmunes.
Elle survient chez le sujet âgé et se manifeste
par des placards pseudo-urticariens associés à des
lésions eczématiformes.
Le prurit est intense et peut
précéder l’éruption de plusieurs semaines.
À la phase
d’état, sur les placards pseudo-urticariens surviennent
des bulles tendues à contenu clair ou hémorragique
prédominant sur la face interne des cuisses, respectant
habituellement le visage et les muqueuses.
Une hyperéosinophilie
sanguine est souvent constatée.
L’histologie montre une bulle sous-épidermique riche en
polynucléaires éosinophiles associée à un infiltrat dermique
lymphocytaire et neutrophilique.
En immunofluorescence
directe, des dépôts linéaires d’immunoglobulines
et de complément sont présents le long de la
membrane basale et l’on retrouve des auto-anticorps
circulants de même spécificité mais sans valeur pronostique
ou évolutive.
En immunotransfert les antigènes
cibles sont représentés par un antigène de 230 kDa
contenu dans la plaque hémidesmosomiale (BPAg1) et
par un antigène de 180 kDa transmembranaire (BPAg2).
Ces anticorps ne sont pas directement cytopathogènes à
l’inverse du pemphigus.
Le traitement repose sur la corticothérapie
générale à la dose de 1 mg/kg/j en dose
d’attaque avec décroissance progressive sur plusieurs
mois.
Les formes localisées débutantes peuvent être
prises en charge par des dermocorticoïdes de classe I.
Le
taux de mortalité de l’affection est élevé (30 %), lié à la
pathologie, à l’âge, aux tares associées et aux complications
de la corticothérapie.
Il ne s’agit pas d’une affection
paranéoplasique.
3- Pemphigoïde de la grossesse
:
C’est une maladie bulleuse auto-immune transitoire et
rare (1/40 000 grossesses).
Elle peut se voir aussi au
cours de tumeurs trophoblastiques.
C’est une affection
de la femme multipare qui débute lors du 2e trimestre de
la grossesse.
L’aspect clinique ressemble à celui de la pemphigoïde bulleuse avec quelques nuances comme
l’atteinte initiale de l’ombilic et l’aspect polycyclique en
cible de certaines lésions.
Le diagnostic est confirmé par
la présence d’un dépôt linéaire isolé de C3 à la jonction dermo-épidermique et d’une IgG1 sérique appelée facteur
HG.
L’antigène cible est BPAg2 de 180 kDa, exprimé
non seulement au niveau de la peau mais également
au niveau du placenta.
La pemphigoïde gestationis peut
s’exacerber en post-partum, s’aggraver lors de grossesses
ultérieures et récidiver lors de la prise d’oestroprogestatifs.
Dans 5 % des cas, une éruption vésiculobulleuse
transitoire est observée chez le nouveau-né. Une
prématurité et une hypotrophie foetale sont fréquentes.
L’affection persiste 4 à 6 semaines après l’accouchement
et disparaît sans cicatrices.
Le traitement repose sur les dermocorticoïdes en cas de lésions localisées ou sur la
corticothérapie générale en cas de lésions diffuses.
4- Pemphigoïde cicatricielle
:
C’est une maladie bulleuse rare touchant préférentiellement
les muqueuses conjonctivales avec synéchies conjonctivo-palpébrales pouvant conduire à la cécité.
Les muqueuses buccales, nasales et génitales peuvent
aussi être concernées.
Une atteinte cutanée localisée ressemblant
à la pemphigoïde bulleuse se rencontre dans
un tiers des cas.
Histologiquement, la bulle est sous-épidermique.
L’immunofluorescence directe met en évidence
des dépôts linéaires d’immunoglobulines et de
complément le long de la membrane basale.
En immunofluorescence
indirecte, des auto-anticorps anti-membrane
basale ne sont détectés que dans moins de 10 %
des cas. Les cibles antigéniques sont multiples, BPAg
1 et 2, collagène VII ou laminine 5.
Le traitement de première
intention repose sur Disulone à la dose de 100 mg/j.
En cas d’échec, une corticothérapie générale peut être
conseillée.
5- Dermatose à IgA linéaire
:
C’est une maladie bulleuse sous-épidermique avec
dépôts linéaires d’IgA sur la jonction dermo-épidermique.
L’aspect clinique très polymorphe évoque la pemphigoïde bulleuse, la dermatite herpétiforme ou
l’épidermolyse bulleuse acquise. Les lésions muqueuses
sont fréquentes avec parfois synéchies conjonctivales.
Le diagnostic est confirmé par l’immunofluorescence
directe.
La dermatose à IgA linéaire représente soit un
variant isotypique de dermatoses à IgG comme la pemphigoïde
bulleuse ou l’épidermolyse acquise avec les
mêmes cibles antigéniques, soit une affection autonome
dans laquelle deux antigènes de 250 et 285 kDa sont
identifiables en immunotransfert.
Des associations avec
des affections néoplasiques et inflammatoires chroniques digestives ont été décrites.
Certains médicaments,
notamment la vancomycine, peuvent constituer
un facteur déclenchant de la maladie.
Le traitement de
choix est la dapsone (Disulone) à la dose de 100 mg ou
en cas de résistance à la dapsone, les corticoïdes à la
dose de 0,5 à 1 mg/kg/j.
6- Épidermolyse bulleuse acquise
:
C’est une dermatose bulleuse sous-épidermique qui se
présente cliniquement sous deux formes.
• La forme classique est caractérisée par la survenue de
bulles tendues claires ou hémorragiques avec érosions
en peau saine liées à une grande fragilité cutanée.
Les
lésions prédominent aux zones acrales (mains, visage,
cuir chevelu) et exposées aux traumatismes.
Les ongles
sont atrophiques ou pachyonychiques.
La guérison s’accompagne
de cicatrices atrophiques et de grains de milium.
• La forme inflammatoire est prurigineuse et prend
l’aspect clinique de la pemphigoïde bulleuse.
L’immunofluorescence directe en peau périlésionnelle
montre des dépôts linéaires d’IgG et de C3 à la jonction
dermo-épidermique.
Des anticorps circulants sont
retrouvés dans 50 % des cas.
En immunofluorescence
directe sur peau humaine clivée par le chlorure de
sodium 1 M, les anticorps se déposent sur le versant dermique
du clivage à la différence de la pemphigoïde
bulleuse où le dépôt se fait sur le versant épidermique.
En immunotransfert, deux antigènes de 145 et 290 kDa
sont identifiables, correspondant au collagène VII,
fibrille d’ancrage exprimée sous la lamina densa de la
jonction dermo-épidermique.
Cette affection peut s’associer
à la maladie de Crohn, mais a également été
décrite avec l’hépatite C, le lupus érythémateux systémique
et après greffe de moelle allogénique.
Le traitement
de l’épidermolyse bulleuse acquise reste très décevant.
Les corticoïdes associés ou non à des
immunosuppresseurs sont souvent peu efficaces.
La colchicine,
la ciclosporine et les immunoglobulines intraveineuses
ont été proposées, mais sur de faibles séries
de patients et en dehors d’études contrôlées. De rares
rémissions spontanées ont été décrites.
7- Dermatite herpétiforme :
C’est une dermatite entéropathique liée à une sensibilité
au gluten.
Elle diffère des maladies auto-immunes précédemment
citées dans le sens où il n’y a pas de cible
antigénique cutanée spécifique.
Elle se caractérise par
un prurit chronique et une éruption papulo-urticarienne
sur laquelle surviennent des vésiculo-bulles disposées
de façon symétrique sur les faces d’extension des
membres. Il n’y a en règle que peu ou pas de signes
fonctionnels digestifs.
En histologie standard, la bulle
est sous-épidermique avec présence au sommet des
papilles dermiques de micro-abcès riches en polynucléaires
neutrophiles.
En immunofluorescence directe,
il existe des dépôts micro-granuleux d’IgA et de C3 au
sommet des papilles dermiques respectant la jonction dermo-épidermique proprement dite.
Il n’y a pas d’anticorps
circulants anti-membrane basale. Les IgA se
déposent sur les structures dermiques collagéniques
sous formes de complexes immuns.
La biopsie duodénale,
très utile au diagnostic positif, objective dans 80 %
des cas une atrophie villositaire non homogène à la différence
de la maladie coeliaque.
On dénombre 90 % de
patients porteurs des antigènes d’histocompatibilité
HLA B8-DR3. Des anticorps anti-gliadine et anti-endomysium
sont fréquemment présents.
L’incidence accrue
de lymphomes intestinaux, rapportée dans la maladie
coeliaque, n’est pas retrouvée dans la dermatite herpétiforme.
Le traitement repose en premier lieu sur Disulone dont l’efficacité constitue un véritable test diagnostique.
La prescription d’un régime sans gluten, cher
et astreignant, est justifiée mais souvent mal acceptée.
F - Maladies bulleuses héréditaires
:
Elles constituent une vaste
famille de génodermatoses caractérisées par une fragilité
de la jonction dermo-épidermique.
Elles affectent un
nouveau-né sur 50 000.
Leur gravité varie selon le type,
compatible avec une vie subnormale ou létale dès les
premiers jours de vie. On distingue, selon le niveau de
clivage, 3 formes d’épidermolyses bulleuses (EB), épidermolytiques
dominantes, jonctionnelles récessives et
dermolytiques dominantes ou récessives.
1- Épidermolyse bulleuse épidermolytique
:
Elle se traduit par des lésions bulleuses des zones de
frottement guérissant sans laisser de cicatrices.
Les
muqueuses, les ongles, les dents sont épargnés.
Certaines formes prédominent aux régions plantaires où
elles se manifestent par des phlyctènes à répétition lors
de marches prolongées. Cette forme est liée à une mutation
des kératines 5 ou 14 exprimées dans les cellules
basales épidermiques.
2- Épidermolyse bulleuse jonctionnelle :
L’épidermolyse bulleuse jonctionnelle récessive (maladie
de Herlitz) est une affection souvent létale avant la
2e année de vie, la mort survenant par atrésie pylorique,
asphyxie, surinfection ou septicémie.
Il existe des
formes non létales évoluant à l’âge adulte où les lésions
bulleuses peuvent être minimes et conduisant à des cicatrices
atrophiques.
La maladie d’Herlitz et les formes de
l’adulte sont liées à des mutations de la laminine 5, protéine
d’attache de la jonction épidermique.
3- Épidermolyse bulleuse dermolytique
dominante
:
Elle se traduit par des bulles traumatiques, des cicatrices
atrophiques en pelure d’oignon au niveau des coudes et
des genoux, des grains de milium, un épaississement
unguéal, une kératodermie palmoplantaire, une hyperhidrose
et, dans 20 % des cas, une atteinte muqueuse.
4- Épidermolyse dermolytique récessive
:
C’est une affection grave qui se caractérise par des
bulles hémorragiques spontanées, des cicatrices atrophiques,
des grains de milium, une atrophie phanérienne
intéressant ongles, dents et cheveux, des palmures des
extrémités conduisant à des mutilations et des synéchies
muqueuses notamment digestives.
Cette forme d’épidermolyse
peut se compliquer d’anémie ferriprive, de carcinomes spinocellulaires et parfois d’amylose.
Les épidermolyses bulleuses dermolytiques dominantes
et récessives sont liées à des mutations du gène codant le
collagène VII.
Le diagnostic anténatal peut être proposé aux familles chez lesquelles est déjà survenue une forme
grave d’épidermolyse bulleuse.
Il n’y a aucun traitement
des épidermolyses bulleuses hormis symptomatique.
L’espoir réside dans la thérapie génique.
Enfin, il faut savoir que certaines dermatoses peuvent
avoir une évolution bulleuse comme le lupus érythémateux,
le lichen plan ou l’urticaire.
Cela peut traduire soit
l’exacerbation de phénomènes inflammatoires entraînant
un décollement au niveau de la jonction dermo-épidermique,
dans le cas de l’urticaire ou du lichen plan,
soit à une auto-immunisation secondaire contre un des
constituants de cette jonction, comme l’immunisation
anti-collagène VII dans le lupus érythémateux.