Il y a dénutrition lorsque le bilan protéique, influencé
négativement par un bilan énergétique négatif, devient
insuffisant pour répondre aux besoins métaboliques de
l’organisme.
Elle s’accompagne d’une diminution de la
masse maigre (MM), notamment de la masse dite
« cellulaire active », de la masse musculaire et d’une
altération de fonctions physiologiques notamment
musculaire, immunitaire, de cicatrisation et de la vie
de relation ou psychique.
Ces altérations dépendent
plus de la réduction nette des ingesta, si la durée est
supérieure à 7 jours, que de la masse proprement dite ;
elles peuvent donc être observées de façon précoce au
cours de la dénutrition.
Étiologie, physiopathologie
:
La dénutrition résulte d’un bilan négatif, entre apports
nutritionnels et besoins métaboliques, notamment protéino-énergétiques.
Elle est le plus souvent la conséquence
d’une diminution des apports avec mobilisation
des réserves énergétiques et utilisation de la masse
maigre musculaire à des fins énergétiques.
L’existence
de besoins augmentés et (ou) de pertes accrues accélère
la vitesse de survenue de la dénutrition et en modifie
l’expression clinique dans le sens d’une dénutrition à
prédominance protéique.
A - Dénutrition par réduction des apports
:
Il existe 2 formes de dénutrition, l’une globale, protéinoénergétique
ou marasme, d’évolution chronique, l’autre
à prédominance protéique ou kwashiorkor, d’évolution
subaiguë.
Dans les pays occidentaux, la carence d’apport
« isolée » la plus caractéristique est représentée par
l’anorexie mentale non compliquée : elle entraîne une
dénutrition de type « marasme ».
La réduction des
apports conduit à une érosion de la masse maigre et à
une diminution de la masse grasse, d’autant plus rapide
que la carence est importante.
En cas de jeûne total
(grève de la faim), la synthèse accrue de corps cétoniques
supplée partiellement aux besoins des tissus gluco-dépendants, notamment du cerveau et de la moelle
osseuse.
Les situations caractérisées essentiellement par la réduction
des apports, dites anorexiantes, se rencontrent dans :
• de nombreuses pathologies chroniques telles que les
syndromes algiques, dépressifs, de maldigestion ou de
malabsorption, la cirrhose, l’alcoolisme, le sida, les
cancers, la bronchopneumopathie, l’insuffisance
rénale… ;
• comme conséquence de thérapeutiques lourdes telles
la chimiothérapie, la radiothérapie ou la chirurgie ;
• chez les personnes âgées et dans le quart monde :
isolement social, denture, polymédication, escarres,
insuffisance de ressources…
B - Dénutrition par hypermétabolisme :
L’hypermétabolisme est une caractéristique des états
d’agression : brûlure, polytraumatisme, infection,
syndromes inflammatoires, suite de chirurgie lourde…
La dénutrition est alors plus protéique que calorique et
la perte de masse musculaire, accélérée par l’immobilisation,
est de survenue étonnamment rapide.
L’hypermétabolisme
est relayé par une réaction immuno-neuroendocrine.
Il a pour but de satisfaire
l’augmentation des besoins énergétiques secondaire à la
redistribution de la synthèse protéique, notamment vers
les protéines de l’inflammation, l’hématopoïèse et la
réparation des tissus lésés. Le bilan protéique négatif est
dû au déséquilibre entre la synthèse protéique et celle,
plus forte, de la protéolyse.
L’utilisation des acides
aminés à des fins néoglucogéniques entraîne une
azoturie qui peut atteindre 20 g/j, soit un équivalent
protéique de 125 g (20 x 6,25), soit l’équivalent de
500 g de masse musculaire.
Ces situations hypermétaboliques
entraînent également une consommation
accrue de certains acides aminés, de minéraux et de
micronutriments (vitamines et oligo-éléments).
Clinique de la dénutrition
:
A - Interrogatoire :
L’anamnèse pondérale (données déclaratives) semirécente
(3 à 6 derniers mois) et récente (2 dernières
semaines) précisant le poids de référence personnel prémorbide,
ainsi que le recueil du niveau semi-quantitatif
(médical) récent des ingesta (normaux, réduits, nuls)
sont des données clés faisant partie de l’évaluation de
l’état nutritionnel.
Il est également nécessaire
de disposer de l’enquête alimentaire quantitative
diététique en macronutriments, jugée sur la prise orale
des 3 à 7 derniers jours.
Une modification de l’activité
physique et des signes de carence en minéraux et en
micronutriments (crampes, paresthésies, douleurs
osseuses, etc.) sont recherchés.
B - Poids et taille
:
Le poids (en kg, mesuré avec une balance de qualité
médicale) et la taille (en cm) sont notés.
Le degré
d’amaigrissement, non volontaire, est alors exprimé en
pourcentage du poids usuel.
Toute perte de poids égale
à 5% est significative ; elle traduit une dénutrition
modérée et sévère lorsqu’elle atteint respectivement
10 % et 20 %.
L’existence d’oedèmes surestime le poids
et sous-estime le degré de dénutrition.
Même en leur
absence, il existe une augmentation de l’eau extracellulaire,
parallèle au degré de sévérité de la
dénutrition chronique.
Le poids (en kg) divisé par la taille (en m2) constitue
l’indice de masse corporelle (IMC) de Quetelet de
valeurs normales comprises entre 20 et 25 kg/m2.
Associé à un amaigrissement, un indice de masse corporelle
entre 20 et 18,5 traduit un risque de dénutrition ;
entre 18,5 et 16 une dénutrition modérée ; entre 16 et
13 une dénutrition sévère et en dessous de 13 une
dénutrition grave avec augmentation significative du
risque de décès à court terme.
Chez le vieillard,
la taille peut être difficile à déterminer : on peut utiliser à
la place de celle-ci la hauteur du genou ou l’envergure sterno-digitale ; chez l’enfant, la courbe de croissance
est un bon marqueur de l’état nutritionnel.
C - Examen clinique
:
Il permet de reconnaître plusieurs facteurs.
• Le risque de dénutrition peut être évoqué en présence
d’une pathologie chronique, devant une réduction des ingesta O 50 % des besoins et O 7 j.
Dans ce cas,
la perte de poids involontaire et récente peut ne pas
dépasser 5 à 10 % du poids usuel.
• Dans la dénutrition « établie », l’index clinique le
plus utile qui permet d’évaluer l’état nutritionnel est
celui dit « de Detsky ».
Il s’agit d’un index subjectif
clinique global qui classe les patients en 3 catégories
d’état nutritionnel (normal, dénutri sévère et état intermédiaire
ou dénutrition modérée).
Cet index a, après
apprentissage, une bonne reproductibilité entre observateurs
indépendants pour le diagnostic de ces 3 classes ;
il a une meilleure valeur prédictive positive et négative
de complications postopératoires que des variables
biologiques nutritionnelles, isolées ou associées à l’anthropométrie.
L’examen cardiaque, neurologique, cutanéomuqueux
et des phanères (perte des cheveux, ongles
striés, desquamation, hyperpigmentation cutanée, folliculite,
chéilite, muqueuses [gencives hémorragiques…])
et l’état dentaire apportent des arguments pour des
carences minérales, en vitamines ou oligo-éléments.
Des oedèmes et une hépatomégalie molle (stéatose)
sont 2 signes cardinaux d’une dénutrition protéique
prédominante et leur absence, en présence d’un amaigrissement
notable, est en faveur d’une dénutrition à
prédominance énergétique.
D - Complications de la dénutrition
:
Une dénutrition significative est responsable d’une
morbidité et d’une mortalité accrues, indépendamment
du diagnostic étiologique de la dénutrition.
Cela se traduit
par une prolongation du séjour hospitalier, source d’une
augmentation des dépenses de santé :
– défaut de cicatrisation avec l’absence de prise de
greffe de peau (brûlé), des fistules… ;
– immunodépression avec des infections plus fréquentes
et plus sévères majorant la dénutrition ;
– défaillance musculaire respiratoire, cardiomyopathie,
retard de la vidange gastrique, état grabataire avec
escarres… ;
– altération des fonctions intellectuelles, irritabilité,
dépression ;
– et, selon la cause de la dénutrition, les carences minérales
ou en micronutriments peuvent être au 1er plan :
iléus paralytique dû à une hypokaliémie, maladie de Gayet-Wernicke à cause du déficit en vitamine B1,
pancytopénie due au déficit en folates, acrodermatite
entéropathique liée à un déficit sévère en zinc, neuropathie
périphérique et (ou) centrale due aux carences
vitaminiques (B1, B12), fractures pathologiques par
déficit prolongé en calcium et en vitamine D…
E - Diagnostic différentiel
:
Il faut attirer l’attention sur 2 pièges diagnostiques :
– les faux positifs ; en effet, la maigreur dite constitutionnelle
n’est pas synonyme de dénutrition car l’indice
de masse corporelle est certes bas, compris entre
20 et 16, mais il n’y a ni amaigrissement, ni réduction
patente des ingesta, ni signes carentiels objectifs ;
– les faux négatifs sont plus nombreux, car l’indice de
masse corporelle peut rester supérieur à 20 et l’amaigrissement,
non volontaire (musculaire), peut être
masqué par la persistance d’une masse adipeuse souscutanée
normale ou augmentée.
Composition corporelle
:
Des mesures de la composition corporelle peuvent
objectiver une diminution de la masse musculaire et
de la masse grasse (MG) au cours de la dénutrition :
en pratique clinique, elles sont surtout utiles à évaluer
l’efficacité d’une renutrition par des mesures séquentielles.
Il faut remarquer que la masse musculaire comporte
environ 75 % d’eau.
Ce secteur se subdivise en eaux
extra- et intracellulaire dont le rapport usuel est de
2 tiers/1 tiers et dont l’estimation est possible au lit du
malade par impédancemétrie.
La masse grasse est
estimée par la mesure des 4 plis cutanés (bicipital, tricipital, sus-scapulaire et supra-iliaque) et la masse
musculaire par la mesure de la circonférence musculaire
brachiale (CMB) ou la créatininurie.
Signes biologiques
:
A - Protéines marqueurs de l’état nutritionnel
:
L’albumine, la transthyrétine (TTR ou préalbumine), la
transferrine et la retinol binding protein (RBP) sont des
protéines exclusivement synthétisées par le foie.
Leur
synthèse est dépendante de l’état nutritionnel, leurs
concentrations circulantes diminuant lors d’une dénutrition
et augmentant à nouveau lors de la renutrition.
Leur
sensibilité à la dénutrition, et surtout à la renutrition, est
d’autant meilleure que leur demi-vie est courte (48 h
pour la transthyrétine, 20 j pour l’albumine).
Cependant,
les syndromes inflammatoires, les maladies hépatiques
et les modifications des secteurs hydriques de l’organisme
peuvent faire varier ces marqueurs.
Ces protéines
marqueurs de l’état nutritionnel voient leur synthèse
inhibée par les cytokines, dont les sécrétions sont
augmentées lors de processus inflammatoires, même en
l’absence de dénutrition.
Ainsi, le dosage d’une protéine
marqueur de l’état nutritionnel doit être systématiquement
associé à celui d’une protéine de la réaction inflammatoire.
En pratique clinique, il faut retenir :
– l’albuminémie, marqueur pronostique global dont la
diminution (< 35 g/L) fait passer le degré de dénutrition
de modéré à sévère ;
– la transthyrétine est un marqueur d’anabolisme qui
indique ce déficit pour un seuil < 0,2 g/L.
La transthyrétine
augmente dès le 5e j d’une renutrition efficace ;
– une protéine de la réaction inflammatoire telle que
l’a1-glycoprotéine acide (orosomucoïde) et surtout la
protéine C réactive qui est un très bon marqueur de
l’existence d’un syndrome inflammatoire ;
– il est utile d’analyser la créatininurie selon, bien
entendu, la fonction rénale, mais aussi à l’aune de la
masse musculaire.
Elle diminue parallèlement au
degré d’amyotrophie.
Le dosage de la transferrine n’a aucun intérêt car
l’existence fréquente d’une anémie ferriprive et (ou)
d’une inflammation contrebalance ses variations secondaires
à la dénutrition.
B - Bilan azoté :
La détermination du bilan azoté (différence entre l’azote
absorbé ou perfusé et l’azote excrété) est utile au cours
des états cataboliques.
Schématiquement, la balance est
positive en cas de rétention azotée, négative en situation
de perte nette d’azote, par carence d’apport et (ou) par
pertes accrues.
Sa détermination est, en pratique clinique,
difficile (erreurs dans la mesure des entrées et des
sorties).
Elle peut contribuer, avec la détermination de la transthyrétine, à l’évaluation de l’efficacité de la renutrition.
Le dosage de l’azote est pratiqué sur les urines et, en cas
de diarrhée par malabsorption, sur les selles (recueil
complet de 3 j).
Il est réalisé par la méthode de Kjeldahl
ou par chimioluminescence.
À défaut, on dose l’urée
mais cela conduit à des erreurs liées à la variabilité des
pertes azotées sous forme d’ammoniaque.
C - Immunité
:
La lymphopénie (< 1 200/mm3) est un marqueur très
simple mais non spécifique de la dénutrition.
Les tests
cutanés d’immunité cellulaire (Multitest) sont étroitement
liés à l’état nutritionnel, avec hypoergie ou anergie, qui
s’améliorent lors de la renutrition.
D - Statut en minéraux et en micronutriments :
La détermination des concentrations plasmatiques des
minéraux (calcium, phosphore, magnésium) et, plus
rarement, celle des oligo-éléments (fer, zinc, sélénium)
et des vitamines (25-OH-D3, B12, acide folique…) sont
pratiquées selon l’orientation clinique.
En situation de
désordres hydro-électrolytiques et de pertes réduites ou
accrues, les bilans sodé et potassique doivent être mesurés.
Traitement
:
A - Principes et bénéfices attendus
:
La prise en charge diagnostique et thérapeutique du
patient dénutri doit être faite par une équipe de nutrition
(CLAN) qui seule peut obtenir les meilleurs résultats,
c’est-à-dire un taux minimal d’iatrogénicité et un
meilleur rapport efficacité-coût.
Le traitement de la
dénutrition est complémentaire du traitement de la
maladie causale dont il améliore le pronostic en en
réduisant la morbi-mortalité.
Le diagnostic et le
traitement précoces de la dénutrition (avant le 5e j
d’hospitalisation) réduisent la durée du séjour hospitalier
et de la convalescence.
La correction des désordres hydro-électrolytiques et en minéraux est une urgence
thérapeutique ; celle-ci augmente l’efficacité de la
renutrition, de même que son caractère « complet »
incluant électrolytes, vitamines et oligo-éléments, et ce
quelle que soit la durée du traitement par nutrition
artificielle.
La prescription du traitement de la dénutrition
par nutrition artificielle et sa surveillance doivent être
faites par un CLAN sur documents spécifiques, préétablis,
adaptés à la catégorie de patients traités.
Normonutrition
protéino-énergétique et nutrition complète préviennent
le « syndrome de renutrition », parfois mortel, secondaire
aux déficits en nutriments, notamment en phosphore,
magnésium, potassium, sélénium, zinc et vitamines.
Une renutrition bien conduite doit être efficace en 1 à 2
semaines avec améliorations fonctionnelles, musculaires,
immunitaires et psychologiques, bilan azoté positif,
augmentation de la transthyrétine et bilan hydrosodé
équilibré ou négatif (hyperdiurèse et fonte des oedèmes).
Ainsi, le bénéfice initial de la renutrition ne se juge pas
sur le gain de poids qui, s’il dépasse 250-300 g/j, traduit
une rétention hydrosodée.
Les techniques de nutrition
artificielle ne doivent pas contraindre à l’immobilisation
du patient et l’on doit encourager une reprise prudente et
progressive de l’activité physique avec l’aide d’une
kinésithérapie adaptée.
B - Indications :
Une assistance nutritive est formellement indiquée chez
le patient ayant une dénutrition sévère définie par l’un
de ces facteurs :
– une perte de poids, involontaire et récente, dans les
3 à 6 mois qui précèdent, égale à 20 % du poids de
référence usuel antérieur (donnée déclarative) ; ou,
maigreur constitutionnelle exclue :
– un indice de masse corporelle o 16 ;
– un stade «C» à l’évaluation clinique subjective
globale de Detsky.
Le patient ayant une dénutrition modérée associée à un
taux d’albumine sérique de 35g/L doit aussi bénéficier
d’une assistance nutritive.
Ce « stade modéré » est
défini par l’un des paramètres suivants :
– une perte de poids, involontaire et récente dans les 3 à
6 mois qui précèdent, de 10 à 19 % du poids usuel ;
– un indice de masse corporelle égal à 18,5 ;
– un stade «B» à l’évaluation clinique subjective
globale de Detsky.
Une assistance nutritive peut être aussi indiquée chez le
patient à risque de dénutrition.
Ce risque est difficile à
quantifier ; il semble raisonnable de poser l’indication
en présence de l’association des 3 valeurs « seuils »
suivantes :
– une perte de poids, involontaire et récente, de 5 à 9%
du poids usuel ;
– une situation médicale « anorexiante », quelle qu’elle
soit ;
Ils sont indiqués en 1re intention en cas d’ingesta bas
chez les patients à risque de dénutrition ou ayant une
dénutrition modérée.
Le niveau calorique des suppléments
est habituellement limité à 1 000 kcal/j.
Ils sont
prescrits pour une durée de 1 mois, renouvelable une
fois et, en règle générale, ils ne s’accompagnent pas de
la réduction des ingesta spontanés.
2- Nutrition artificielle
:
Elle est indiquée dès lors que le malade ne peut pas ou
plus s’alimenter suffisamment :
– en préopératoire avec une dénutrition sévère avant une
chirurgie lourde programmée (l’assistance nutritive est
poursuivie en postopératoire) ;
– en postopératoire et en réanimation, chez les malades
à risque de dénutrition ou ayant une dénutrition
modérée ; la nutrition entérale précoce diminue la
fréquence des infections ;
– en présence d’une insuffisance intestinale aiguë transitoire
(2 semaines) ou prolongée (malabsorption
sévère de cause médicale ou chirurgicale), la nutrition
parentérale est indiquée.
3- Détermination des besoins
:
Les besoins énergétiques peuvent être calculés à l’aide
de la formule de Harris et Benedict qui prend en compte
le sexe, la taille, le poids et l’âge.
Les valeurs obtenues
doivent être corrigées pour tenir compte du niveau
d’agression : x 1,1 en période postopératoire, x 1,1 à
1,3 en cas de fractures multiples, x 1,3 à 1,6 dans les
infections sévères, x 1,5 à 2,1 chez le brûlé, en fonction
de la surface corporelle lésée.
Cependant, leur application
aboutit souvent à une surestimation des dépenses énergétiques
vraies.
Les besoins énergétiques peuvent être
mesurés par la calorimétrie indirecte qui permet
d’approcher les dépenses réelles du malade.
Cette
méthode repose sur la détermination de la consommation
d’oxygène et de la production de gaz carbonique.
De réalisation relativement simple, elle nécessite
cependant des précautions méthodologiques.
La
dépense énergétique de repos est ainsi d’environ
30 kcal/kg/24 h chez l’homme et 25 kcal/kg/24 h chez
la femme.
Elle est réduite dans les états de dénutrition
chronique et chez les malades normométaboliques
sédatés sous ventilation mécanique ou hypothermiques.
Elle est augmentée chez les malades agressés, d’un
facteur variable selon la maladie.
En
pratique, la majorité des patients peut être correctement
nourrie avec 1 600 à 2 400 kcal/j.
Les besoins azotés se situent entre 150 et 350 mg
d’azote/kg/j.
D’un point de vue qualitatif, on utilise des
protéines de bonne valeur nutritionnelle (nutrition entérale)
ou des mélanges d’acides aminés reproduisant la
composition des protéines de valeur nutritionnelle
élevée (nutrition parentérale).
Certains acides aminés,
tels que la glutamine (Dipeptiven), l’arginine (Impact,
Hyperamine) et l’alpha-cétoglutarate d’ornithine, précurseur
des 2 précédents (Ornicétil, Cétornan) possèdent
des propriétés pharmacologiques (sur le métabolisme
protéique, la cicatrisation, l’immunité) lorsqu’ils sont
apportés en quantités importantes (de l’ordre de 10 à
30 g/j).
Leur utilisation est justifiée chez les patients
sévèrement dénutris et (ou) cataboliques, lorsqu’une
nutrition conventionnelle est inefficace.
Parce que l’accrétion azotée a un coût énergétique, le
rapport entre apports caloriques et apports azotés doit
être optimal : 1 g d’azote pour 200 calories glucidolipidiques
chez les malades dénutris chroniques et
1 pour 100 à 1 pour 125 chez les patients agressés.
L’administration d’eau et d’électrolytes doit être adaptée
à la pathologie.
Les apports en sodium doivent être limités
à 3 mmol/kg/j.
Au contraire, les besoins en potassium
sont augmentés (de l’ordre de 6 mmol/g d’azote) car cet
élément est nécessaire à l’utilisation du glucose et de
l’azote.
Les besoins en phosphore sont élevés chez les
malades agressés.
Ceux en magnésium sont augmentés
dans les entéropathies.
Les apports en vitamines et
oligo-éléments doivent être systématiques.
4- Nutrition entérale
:
La voie entérale doit être utilisée dès lors que l’état
anatomique et fonctionnel du tube digestif le permet.
En
effet, pour une efficacité nutritionnelle identique, elle
est moins onéreuse et plus sûre que la voie parentérale.
Cette voie d’abord digestive implique l’utilisation d’une
sonde, mise en place le plus en amont possible afin de
tirer profit au mieux de la fonctionnalité digestive :
– la sonde naso-gastrique est la méthode la plus adaptée
du fait de sa simplicité ;
– la sonde naso-duodénale ou naso-jéjunale est moins
bien tolérée mais permet une nutrition entérale en cas
de gastroparésie ou de pancréatite aiguë.
– pour la gastrostomie perendoscopique, les indications
préférentielles de ce geste réalisable sous anesthésie
locale sont les cancers des voies aérodigestives
supérieures et les troubles de déglutition ;
– la jéjunostomie chirurgicale.
• Modalités d’administration : elle se fait de manière
continue sur le nycthémère au moyen d’une pompe péristaltique.
Le débit initial est augmenté toutes les 24 à 48 h
en fonction de la tolérance digestive.
La plupart des produits sont iso-osmolaires et contiennent
1 kcal/mL.
On préfère les produits polymériques
(nutriments non dégradés : protéines, polysaccharides,
triglycérides à chaînes longues : Normoréal, Nutrison…).
Lorsque les capacités intestinales de digestion-absorption
sont réduites (entéropathies), on utilise des produits
semi-élémentaires (peptides, dextrines, triglycérides à
chaîne moyenne) [Réabilan].
• Parmi les complications mécaniques, les plus fréquentes
sont les déplacements secondaires de la sonde.
Leur prévention passe par sa mise en place par un
personnel entraîné et la vérification régulière du bon
positionnement de son extrémité.
Les obstructions sont
prévenues par son rinçage régulier.
• Les régurgitations avec risque d’inhalation sont un
autre type de complications.
La pneumopathie d’inhalation
est la complication la plus grave.
Sa fréquence est
augmentée dans les maladies neurologiques et est
diminuée en position semi-assise.
• L’intolérance digestive n’est pas rare, surtout chez le
patient agressé chez qui la motricité gastro-intestinale
est altérée.
Les nausées et vomissements (10 à 20 % des
patients) imposent l’arrêt ou la modification de la technique
de nutrition.
Des ballonnements et des crampes
abdominales peuvent survenir.
La diarrhée est une complication
fréquente (40 % des patients), en rapport avec
l’osmolalité des produits, la vitesse d’infusion (elle doit
être inférieure à 180-240 mL/h), une infection nosocomiale
favorisée par une antibiothérapie.
• Certaines complications sont liées à la sonde ; il
s’agit des oesophagites et de l’érosion de l’aile du nez.
5- Nutrition parentérale
:
Ses indications sont les contre-indications et impossibilités
de la nutrition entérale : sténose digestive haute, occlusion
intestinale chronique, colites sévères (notamment
maladie de Crohn), syndromes de malabsorption chroniques
sévères (insuffisance intestinale) qui répondent à
une indication au long cours et est réalisée le plus
souvent au domicile du patient.
• La voie d’abord vasculaire (nutrition par veine périphérique)
est réservée à une nutrition de courte durée
(< 2 à 3 semaines) et suppose un capital veineux
suffisant.
L’osmolarité des solutions ne doit pas dépasser
800 mOsm/L.
Dans la nutrition par voie centrale, le cathéter est placé
dans la veine sous-clavière ou dans la veine jugulaire
interne.
Dans tous les cas, la nutrition parentérale nécessite des
cathéters biocompatibles et inertes.
• En ce qui concerne les modalités d’administration,
on peut utiliser des flacons séparés pour chaque macronutriment
(acides aminés, glucides, lipides) et perfusés
simultanément en Y.
Il existe des poches où les 3 macronutriments
sont prémélangés (mélanges ternaires :
Vitrimix…) ou doivent l’être extemporanément (poches
bi- ou tri-compartimentées ; Aminomix, Clinomel).
Chez les malades agressés, on préfère une perfusion 24 h
sur 24 ; sinon, une nutrition cyclique nocturne, sur 12 h
à 16 h sur 24, est la plus adaptée.
Les besoins énergétiques sont couverts par un apport
mixte glucido-lipidique.
Les glucides sont apportés sous
forme de glucose qui fournit 4 kcal/g.
L’apport est
compris entre 3 et 4 g/kg/j.
Les émulsions lipidiques
(9 kcal/g) sont administrées à la dose de 1 à 2 g/kg/j,
perfusées sur au moins 6 h, idéalement sur 12 à 16 h.
Les émulsions lipidiques contiennent :
– des triglycérides à chaînes longues (TCL) [Intralipide] ;
on préfère les émulsions à 20%;
– un mélange équilibré triglycérides à chaînes longues/
triglycérides à chaînes moyennes (TCM) [Médialipide].
Les triglycérides à chaînes moyennes présentent
l’avantage de pénétrer dans les mitochondries sans
recourir à un transporteur, la carnitine, qui pourrait
être déficient chez les malades agressés ;
– les émulsions à base d’huile d’olive (Clinoléic) sont
riches en acide oléique et en vitamine E, leur conférant
des propriétés antioxydantes.
De nombreuses solutions d’acides aminés cristallisés
existent.
La plupart reproduisent la composition de
protéines de référence (Vintène,Vamine, etc.).
Certaines
sont plus riches en acides aminés non essentiels
(Nutrilamine).
• Les complications pouvant survenir sont de différents
ordres :
– acidose, désordres métaboliques et autres désordres hydro-électrolytiques.
Leur surveillance nécessite la
mesure régulière de l’ionogramme sanguin et urinaire
et de la glycémie ;
– thrombose veineuse sur cathéter ;
– la survenue d’une fièvre chez un malade porteur d’un
cathéter central doit faire systématiquement suspecter
son infection et réaliser une hémoculture périphérique
et sur le cathéter ;
– hépatiques (stéatose, cholestase) ;
– osseuses (en cas de nutrition parentérale au long cours).