Le syndrome de cytolyse hépatique témoigne de l’atteinte de
l’intégrité de la membrane hépatocytaire.
Il se traduit en pratique
par une augmentation de l’activité sérique des aminotransférases.
Le diagnostic d’une cytolyse aiguë passe par plusieurs étapes :
– affirmer la nature hépatique de la cytolyse, ce qui ne pose pas de
problème dans les élévations importantes des aminotransférases
mais impose, en cas d’augmentation modérée, d’écarter une cytolyse
musculaire ;
– affirmer son caractère aigu, ce qui nécessite de s’enquérir d’une
perturbation des bilans biologiques hépatiques antérieurs et de
rechercher d’éventuels signes cliniques témoignant d’une maladie
chronique du foie ;
– en rechercher la cause : bien que les hépatites virales, toxiques ou
médicamenteuses soient les étiologies les plus fréquentes, une
pathologie biliaire ou vasculaire hépatique peut être en cause.
Il est
important de rechercher des signes de gravité de l’atteinte hépatique
qui peuvent être présents d’emblée ou survenir en cours d’évolution.
Il faut s’assurer de la guérison de l’épisode afin de ne pas
méconnaître l’installation d’une maladie chronique du foie.
Syndrome de cytolyse
:
Il traduit l’atteinte de l’intégrité de la membrane de l’hépatocyte et
définit le concept de nécrose hépatocytaire.
Il correspond en pratique
à l’élévation de la concentration sérique des aminotransférases.
A - AUGMENTATION DES AMINOTRANSFÉRASES
:
Les aminotransférases (ou transaminases) sont des indicateurs
sensibles de nécrose hépatocytaire.
L’alanine aminotransférase (ALAT) et l’ASAT sont des enzymes normalement présentes dans le
sérum à une faible concentration qui varie selon la méthode de
dosage et la définition de la limite supérieure des valeurs
normales.
La limite supérieure de la normale varie entre 20 et
60 UI/L et est plus élevée chez l’homme que chez la femme.
L’ASAT est retrouvée à des concentrations élevées dans les cellules
du foie, du myocarde, et des cellules musculaires.
Elle est également
présente dans le rein, le pancréas et les globules rouges.
Elle existe
sous forme de deux isoenzymes différentes dont la proportion
respective est variable : 80 % de l’activité hépatocytaire de l’ASAT
est mitochondriale, alors que 90 % de l’activité sérique est d’origine
cytosolique.
L’ALAT est localisée uniquement dans le cytosol.
Sa
concentration dans les tissus non hépatiques est très faible et
l’augmentation de sa concentration sérique est donc plus spécifique
d’une atteinte de l’hépatocyte.
La demi-vie de l’ASAT (17 heures)
est plus courte que la demi-vie de l’ALAT (45 heures).
Ceci
explique la possibilité du croisement des deux courbes retraçant
l’évolution des taux enzymatiques en fonction du temps en cas de
cytolyse prédominant initialement sur l’ASAT.
Il n’y a pas
d’élimination biliaire ni urinaire significative.
Les transaminases sont
probablement catabolisées par les cellules du système des
phagocytes mononucléés et notamment les macrophages du foie.
La
corrélation entre l’étendue de la nécrose hépatocytaire et le niveau
d’élévation des transaminases est mauvaise.
L’importance de
l’hypertransaminasémie est donc un mauvais indicateur pronostique
dans les hépatites aiguës graves.
B - AUTRES ENZYMES
:
De nombreuses autres enzymes sériques ont été étudiées.
En
pratique clinique, aucune n’a fait la preuve d’une supériorité par
rapport aux transaminases, bien que certaines d’entre elles ne soient
présentes que dans le foie et devraient être plus spécifiques de
l’origine hépatique d’une nécrose cellulaire.
– Les glutathions S transférases (GST) sont des enzymes impliquées
dans les processus de détoxification.
La forme GST-B, hépatique,
serait plus sensible que les transaminases à la nécrose hépatocellulaire.
Sa demi-vie plasmatique est courte. Un taux
sérique élevé permettrait donc de préjuger de la persistance du
processus de nécrose.
– La glutamate déshydrogénase est une enzyme mitochondriale
présente dans le foie, le coeur, les muscles et les reins.
Dans le foie,
elle est localisée préférentiellement dans la zone centrolobulaire ce
qui, en théorie, explique son élévation prédominante dans les
atteintes centrolobulaires telles que l’insuffisance cardiaque droite et
l’hépatite alcoolique aiguë.
Sa sensibilité et sa spécificité comme
marqueur d’hépatite alcoolique n’ont pas été confirmées.
– La lactate déshydrogénase (LDH) est une enzyme cytoplasmique
répandue dans de nombreux tissus de l’organisme.
Sa concentration
sérique s’élève modérément (généralement moins de deux fois la
limite supérieure de la normale) en cas d’hépatite virale.
Cinq isoenzymes sériques peuvent être séparées par techniques
d’électrophorèse.
L’élévation de la LDH-5 est plus sensible et plus
spécifique d’une atteinte hépatique que la mesure de la LDH totale.
C - AUTRES PERTURBATIONS BIOLOGIQUES
:
La concentration plasmatique de nombreuses substances est
augmentée en cas de lésion hépatocellulaire.
– Le fer sérique, la saturation de la transferrine et la ferritinémie
sont augmentés en cas de lésion hépatocellulaire, indépendamment
de toute modification du stock de fer de l’organisme.
Cette élévation
ne doit en aucun cas faire évoquer la responsabilité d’une
hémochromatose dans la cytolyse.
En effet, en cas
d’hémochromatose massivement surchargée en fer, on n’observe
qu’une élévation chronique discrète des transaminases, inférieure à
deux fois la limite supérieure de la normale.
– La concentration sérique de vitamine B12 augmente chez de
nombreux patients ayant une maladie hépatique.
Certains
arguments suggèrent qu’elle est libérée par les hépatocytes lésés.
En pratique, le syndrome de cytolyse se traduit par une
augmentation des transaminases dont la découverte impose une
démarche diagnostique rigoureuse visant à écarter une pathologie extrahépatique et à confirmer le caractère aigu de l’affection en
cause.
Affirmer la nature hépatique
de la cytolyse
:
Affirmer la nature hépatique de la cytolyse ne pose pas de problème
en cas d’élévation importante et conjointe des deux transaminases.
Devant une élévation modérée des transaminases prédominant sur
l’ASAT, il importe d’éliminer une cytolyse non hépatique.
A - ÉCARTER UNE CYTOLYSE MUSCULAIRE OU CARDIAQUE
:
Bien que le niveau d’hypertransaminasémie atteigne rarement celui
des affections hépatiques, certaines rhabdomyolyses aiguës peuvent
être responsables d’activités élevées.
Le contexte clinique bien
différent, la prédominance de l’élévation des ASAT sur les ALAT, et
l’élévation des enzymes musculaires telles que la créatine-kinase
permettent aisément le diagnostic. Un effort musculaire intense et
prolongé peut être responsable d’une élévation mineure des ASAT.
Enfin, une rhabdomyolyse peut être associée à une cytolyse
hépatique aiguë (« coup de chaleur » ou convulsions chez un malade
alcoolique, par exemple).
Une hémolyse peut augmenter de façon
mineure les transaminases.
B - ÉVOQUER UN COMPLEXE MACROENZYMATIQUE
:
L’existence d’un complexe macroenzymatique doit être évoquée
lorsque les ASAT sont élevées en l’absence de tout autre signe
d’atteinte hépatique et que le taux d’ALAT est normal.
Les macroenzymes sont des enzymes normales complexées à une
immunoglobuline (Ig).
Ce complexe augmente la demi-vie de
l’enzyme et provoque une élévation persistante de son activité
sérique.
La macroamylase en est l’exemple le plus connu.
Des cas
de macro-ASAT ont été rapportés et identifiés par électrophorèse
mettant en évidence une bande de migration anormale, entre la
fraction mitochondriale et la fraction cytosolique de l’enzyme.
Affirmer la nature aiguë de la cytolyse
:
Ceci peut être facile dans un contexte évocateur et lorsqu’il s’agit
d’une élévation majeure (supérieure à 20 fois la limite supérieure de
la normale) des transaminases.
Ailleurs, la distinction est plus
difficile parce que l’élévation des transaminases est moins
importante et du même ordre de grandeur que celle qui est
retrouvée dans les hépatopathies chroniques (et ce d’autant plus que
nombre de maladies chroniques du foie, notamment virales B ou
immunologiques, peuvent se révéler par des poussées de
réactivation d’allure aiguë).
Il est donc essentiel :
– de s’enquérir de la normalité d’éventuels dosages enzymatiques
antérieurs ;
– de rechercher soigneusement tout signe clinique évocateur de
maladie chronique du foie : angiomes stellaires, érythème palmaire,
ascite, circulation veineuse collatérale sous-cutanée, splénomégalie,
atrophie cutanée et musculaire, signes cliniques évoquant une
consommation excessive de boissons alcoolisées ;
– d’apprécier la consistance et l’importance d’une hépatomégalie
éventuelle : un foie ferme ou dur ou ayant un rebord inférieur
tranchant doit faire évoquer d’emblée une maladie chronique.
S’il
existe des arguments pouvant faire évoquer une maladie chronique
du foie, il est inutile (et parfois dommageable) de prendre un recul
évolutif (qui est arbitrairement de 6 mois) pour établir la chronicité
de la cytolyse.
Rechercher la cause de la cytolyse
:
Une cytolyse aiguë oriente préférentiellement vers une hépatite,
qu’elle soit virale, toxique ou médicamenteuse, mais il faut garder à
l’esprit qu’elle peut être rencontrée en cas d’obstacle d’installation
brutale sur les voies biliaires ou de pathologie vasculaire.
Un autre
écueil peut être représenté par l’association d’une cytolyse à une cholestase où il peut être plus difficile d’orienter la démarche
diagnostique.
A - OBSTACLE AIGU SUR LES VOIES BILIAIRES
:
L’obstruction des voies biliaires est responsable d’une cholestase.
Lorsque l’obstacle s’installe de façon brutale, ce qui en pratique est
réalisé par l’enclavement d’une lithiase de la voie biliaire principale,
les transaminases peuvent s’élever de façon isolée et importante
(pouvant atteindre le niveau de l’hypertransaminasémie observée
en cas d’hépatite virale).
Une élévation des ALAT est retrouvée dans
environ 80 % des obstacles lithiasiques de la voie biliaire principale
et est supérieure à dix fois la limite supérieure de la normale dans
environ 10 % des cas.
Souvent, l’hypertransaminasémie disparaît
même si l’obstacle persiste, alors que la cholestase s’installe et
s’accentue.
L’augmentation brutale de pression, au niveau des parois
de l’arbre biliaire, qui provoque la cytolyse, est symptomatique, se
manifestant par des douleurs (évocatrices lorsqu’il s’agit d’une
colique hépatique) et/ou de la fièvre (caractéristique lorsqu’elle est
de type bactériémique).
En cas de difficulté diagnostique (douleur
peu évocatrice, fébricule), l’échographie fait le diagnostic en mettant
en évidence la dilatation de la voie biliaire principale.
Il faut
cependant garder en mémoire que 20 % des lithiases de la voie
biliaire principale n’induisent pas de dilatation biliaire et que la
vision directe du calcul n’est possible que dans environ la moitié des cas. Une échoendoscopie, une cholangiographie par résonance
magnétique nucléaire, ou une cholangiographie rétrograde
endoscopique peuvent être indiquées dans les cas difficiles.
B - CYTOLYSE VASCULAIRE
:
Deux mécanismes peuvent induire une cytolyse :
– une congestion veineuse sus-hépatique telle que peuvent la
réaliser une insuffisance ventriculaire droite, un obstacle au drainage
veineux sus-hépatique (syndrome de Budd-Chiari), ou une maladie
veino-occlusive ;
– une ischémie artérielle hépatique accompagnant une insuffisance
circulatoire générale ou une atteinte de l’artère hépatique.
1- Foie congestif
:
Devant une cytolyse, outre le contexte clinique, c’est l’installation
rapide d’une ascite, d’une hépatomégalie volontiers douloureuse, en
l’absence de tout signe de cirrhose, qui doit faire évoquer un foie
congestif.
Plusieurs mécanismes peuvent être en cause.
L’examen le
plus contributif au diagnostic est alors l’échographie-doppler
hépatique.
* Blocs supra-hépatiques
:
L’obstruction au drainage veineux sus-hépatique est responsable
d’une augmentation de la pression sinusoïdale qui provoque une
dilatation du sinusoïde et une congestion prédominant dans la
région centrale du lobule.
L’augmentation de la pression sinusoïdale
augmente la filtration de liquide interstitiel.
Lorsque les capacités
de drainage lymphatique hépatique sont dépassées, s’installe une
ascite qui a la caractéristique d’être riche en protéines (concentration
de protéines souvent supérieure à 25 g/L) en raison de la grande
perméabilité des parois du sinusoïde.
Ensuite, l’augmentation de la
pression sinusoïdale est transmise à la veine porte et conduit à une
hypertension portale.
La diminution de la perfusion sinusoïdale
provoque une ischémie hépatocytaire qui prédomine dans la région
centrolobulaire, et dont l’intensité est variable et dépend de la
brutalité d’installation de l’obstacle.
Le caractère aigu peut être lié à
un obstacle complet d’installation brutale, mais aussi révéler une
maladie jusqu’alors asymptomatique qui se manifeste brutalement
à l’occasion d’une extension de l’obstacle.
Environ 20 % des blocs supra-hépatiques ont une révélation aiguë.
L’augmentation des
transaminases dépasse alors cinq fois la limite supérieure de la
normale et s’accompagne fréquemment d’une chute du taux de
prothrombine inférieur à 50 %.
Le diagnostic est apporté par
l’échographie-doppler dans la plupart des cas.
La nécrose évolue
souvent favorablement dans les semaines suivantes du fait du
développement d’une circulation collatérale.
La forme fulminante
avec augmentation majeure des transaminases, insuffisance
hépatique grave, et insuffisance rénale est exceptionnelle.
La
recherche d’une affection thrombogène est essentielle. Dans les
formes fulminantes, une transplantation hépatique en urgence doit
être envisagée.
Dans les autres cas, le traitement vise à rétablir le
flux veineux dans les territoires obstrués en cas de thrombose
récente, ou à décomprimer le secteur sinusoïdal à l’aide d’une
dérivation portosystémique.
* Insuffisance cardiaque droite
:
Le retentissement hépatique des insuffisances cardiaques droites se
révèle habituellement sur un mode chronique.
Cependant, une
présentation aiguë est possible à l’occasion d’une décompensation
brutale de la maladie cardiaque.
Les veines sus-hépatiques sont
dilatées en échographie, l’échographie cardiaque assure le
diagnostic.
Le foie cardiaque aigu est rare et se manifeste par une
cytolyse importante souvent supérieure à 20 fois la limite supérieure
de la normale.
Il accompagne les insuffisances ventriculaires droites
de l’embolie pulmonaire massive, des épanchements péricardiques
aigus avec tamponnade.
2- Foie ischémique
:
* Hypoxie hépatique
:
L’ischémie hépatique fait partie du tableau de foie de choc.
L’atteinte hépatique est provoquée par la conjonction, à des degrés
divers, d’une ischémie, d’une stase veineuse hépatique et d’une
hypoxémie artérielle.
La cytolyse survient de façon retardée, 1 à
3 jours après l’épisode d’insuffisance circulatoire, alors que la
condition hémodynamique a été corrigée, et précède les
manifestations d’insuffisance hépatocellulaire.
L’élévation des
transaminases est supérieure à dix fois la limite supérieure de la
normale dans 20 % des cas.
Une hépatomégalie sensible est notée
dans 75 % des cas.
Une insuffisance rénale associée est très
fréquente.
L’évolution est variable.
Elle dépend autant de l’évolution
de l’affection initiale, et de celle des lésions viscérales associées, que
de celle de la nécrose hépatique.
Le décès survient dans un tableau polyviscéral dans plus de la moitié des cas.
Dans les cas d’évolution
favorable, la cytolyse régresse en quelques jours, l’ictère et les signes
d’insuffisance hépatocellulaire se corrigent en 1 à 2 semaines.
Ce
syndrome n’apparaît qu’après un état de choc intense et durable.
Il
est d’autant plus fréquent qu’il existe des lésions athéromateuses
préexistantes.
Une hépatite hypoxique secondaire à la
décompensation respiratoire aiguë de malades ayant une
insuffisance respiratoire chronique peut survenir en l’absence de
défaillance cardiaque gauche.
On en rapproche les tableaux
observés au cours des exercices physiques intenses et prolongés
(coups de chaleur d’exercice) et lors des hyperthermies malignes où
la physiopathologie et le tableau histopathologique sont voisins.
* Atteinte artérielle hépatique
:
Elle survient dans un contexte évocateur : embolisation de l’artère
hépatique dans le cadre du traitement d’un carcinome
hépatocellulaire, thrombose aiguë après transplantation hépatique
nécessitant une retransplantation en urgence, plaie postopératoire.
Les embolies de l’artère hépatique sont exceptionnelles du fait de la
configuration anatomique en arc de cercle de l’ostium.
Les
thromboses de l’artère hépatique sont rares et surviennent
fréquemment sur une pathologie préexistante, athéromateuse ou
anévrismale.
La symptomatologie dépend alors du siège de
l’obstacle (les obstacles de l’artère hépatique commune sont moins
graves que ceux de l’artère hépatique propre, du fait de la
revascularisation distale possible par l’artère gastroduodénale).
C - HÉPATITES INFECTIEUSES
:
1- Hépatites aiguës virales
:
Les hépatites aiguës virales et médicamenteuses constituent les
causes les plus fréquentes de cytolyse aiguë.
* En cas d’élévation importante des transaminases
(supérieure à dix fois la limite supérieure de la normale) :
On évoque essentiellement une hépatite virale A, B ou C.
L’élévation
des transaminases, prédominant sur les ALAT, est précoce et
présente dès le début de la phase clinique. L’ictère est rare et
survient dans moins de 10 % des cas.
Outre le contexte
épidémiologique, le diagnostic virologique repose sur la mise en
évidence des IgM antivirus de l’IgA (VHA) en cas d’hépatite A, des
IgM anti-HBc dans les hépatites aiguës B, et des anticorps antivirus
de l’hépatite C en cas d’hépatite aiguë C.
En cas d’hépatite aiguë C,
même avec les tests les plus récents, l’apparition des anticorps peut
être retardée de plusieurs semaines par rapport à la cytolyse, chez
10 à 20 % des malades, et la recherche sérique de l’acide
ribonucléique (ARN) du virus de l’hépatite C (VHC) permet alors
un diagnostic précoce.
En présence de l’antigène HBs, l’absence
d’IgM anti-HBc écarte le diagnostic d’hépatite aiguë B.
Il convient
alors d’évoquer une réactivation aiguë de la maladie ou une
surinfection par le virus de l’hépatite delta (VHD).
L’antigène Delta
est détectable de manière transitoire pendant quelques semaines au début de la phase clinique aiguë.
Le diagnostic repose sur
l’apparition des anticorps anti-VHD (l’IgM antidelta apparaît plus
tôt que l’anticorps antidelta total mais persiste au long cours et peut
être détectée dans les formes chroniques de la maladie où son taux
est globalement corrélé au niveau de réplication du virus) ou la mise
en évidence de l’ARN VHD circulant.
La co-infection B-delta peut
être distinguée de la surinfection par la présence de l’anticorps anti-HBc de nature IgM.
Une élévation massive des transaminases, une fièvre élevée, une
leucopénie, chez une femme enceinte, un nouveau-né ou un malade
immunodéprimé sont évocateurs d’une hépatite herpétique à Herpès
simplex virus (HSV) qui s’associe en règle à une infection disséminée
(pneumopathie, kératite, méningoencéphalite). L’évolution est
souvent fatale.
L’efficacité du traitement antiviral (aciclovir) est
conditionnée par la rapidité de sa mise en oeuvre.
Il faut insister sur
le fait que la conduite qui consiste à rechercher systématiquement
des anticorps dirigés contre le HSV devant toute cytolyse
inexpliquée asymptomatique de bas niveau, en l’absence de tout
contexte clinique, a une rentabilité diagnostique nulle.
Le virus de la
varicelle et du zona (VZV) peut donner un tableau voisin chez le
malade immunodéprimé.
* En cas d’élévation modérée des transaminases
:
De nombreux virus peuvent être en cause. Leur recherche n’est pas
indiquée de façon systématique mais doit être orientée par le
contexte clinique.
Un syndrome mononucléosique doit faire évoquer une
mononucléose infectieuse provoquée par le virus d’Epstein-Barr ou
une hépatite à cytomégalovirus (survenant habituellement chez un
malade immunosupprimé, d’évolution volontiers prolongée, et
presque constamment associée à un état fébrile persistant).
Des rapports sexuels à risque ou une toxicomanie intraveineuse
active doivent conduire à rechercher une primo-infection par le virus
de l’immunodéficience humaine (VIH), qui comporte fréquemment
à ce stade une élévation transitoire et asymptomatique des
transaminases.
D’autres virus peuvent être responsables d’élévations discrètes et
fugaces des transaminases : adénovirus (à évoquer en cas de
conjonctivite ; existence de formes graves chez l’immunosupprimé),
entérovirus (Coxsackie ou Echovirus, responsables de diarrhée),
virus de la rougeole ou de la rubéole.
Un séjour en zone endémique doit faire évoquer une hépatite virale
E, une fièvre jaune ou une autre hépatite à virus exotique.
2- Hépatites bactériennes
:
Les atteintes bactériennes du foie s’expriment habituellement par
une cholestase.
Une cytolyse peut être associée. Dans certaines
étiologies (leptospirose, rickettsioses), l’élévation des transaminases
peut être importante.
Le contexte clinique permet d’orienter le
diagnostic.
D - HÉPATITES MÉDICAMENTEUSES ET TOXIQUES
:
Les hépatites médicamenteuses sont particulièrement fréquentes
surtout chez le sujet âgé du fait de la multiplicité des prises
médicamenteuses.
De nombreux médicaments peuvent être en
cause.
Imputer de façon formelle une hépatite aiguë à un
médicament peut être facile en cas d’intoxication volontaire, par
exemple lors d’une ingestion suicidaire de paracétamol (le dosage
de la paracétamolémie systématique peut être utile lorsque la prise
est dissimulée), ou lorsque l’atteinte hépatique récidive lors de la
réadministration involontaire du médicament.
Ailleurs, il s’agit d’un diagnostic de probabilité pour lequel des
critères d’imputabilité ont été proposés :
– survenue de l’atteinte hépatique entre 8 jours et 3 mois après le
début du traitement ;
– évolution régressive de l’hépatite à l’arrêt du médicament, avec
diminution de l’activité des aminotransférases d’au moins 50 % en 8
jours) ;
– récidive du tableau lors de la réintroduction involontaire du
médicament ;
– absence d’autre cause potentielle d’hépatotoxicité.
Par convention, le caractère cytolytique de l’hépatite est défini par
une élévation isolée des transaminases supérieure à deux fois la
limite supérieure de la normale ou par un rapport entre activité
sérique des transaminases et activité sérique des phosphatases
alcalines (toutes deux exprimées en multiple de la limite supérieure
de la normale) supérieur ou égal à 5.
De très nombreuses molécules
peuvent être en cause.
La fréquence et le type de l’hépatotoxicité
des différentes drogues sont précisés dans une base de données
régulièrement mise à jour.
Il faut mentionner à part les hypertransaminasémies discrètes que l’on découvre fréquemment
(dans environ 30 % des cas) lors des traitements par héparine, et qui
ne semblent pas liées à la dose utilisée.
Ce phénomène ne dépend
pas du type d’héparine employée (les modifications seraient
cependant plus nettes avec les héparines d’origine porcine) et est
également signalé avec les héparines de bas poids moléculaire.
Il
n’a pas de traduction clinique. Le mécanisme en cause est
inconnu.
Cet effet biologique est important à connaître pour d’éviter
des investigations étiologiques inutiles.
Enfin, on rapproche de ce cadre les hépatites toxiques liées aux
produits industriels ou domestiques qui surviennent dans un
contexte d’intoxication accidentelle ou volontaire et souvent en
milieu professionnel, ainsi que les intoxications par ingestion de
champignons hépatotoxiques.
E - MALADIES CHRONIQUES DU FOIE POUVANT
SE RÉVÉLER DE FAÇON AIGUË
:
1- Hépatite alcoolique aiguë
:
Malgré son nom, elle fait partie des maladies chroniques du foie
induites par une consommation excessive d’alcool.
Il est en effet
exceptionnel que sa présentation soit aiguë, et l’histologie hépatique,
lorsqu’elle est réalisée, met très souvent en évidence une fibrose de
gravité variable.
L’interrogatoire, l’examen clinique et la biologie
hépatique apportent des éléments prouvant le caractère chronique
de l’intoxication.
La cytolyse prédomine classiquement sur les ASAT.
2- Hépatites auto-immunes
:
Elles peuvent avoir un début aigu.
Des antécédents d’affections dysimmunitaires, l’existence d’une hypergammaglobulinémie
portant sur les IgG, la mise en évidence d’anticorps antinucléaires,
antimuscle lisse de type actine ou anti-LKM doivent faire évoquer le
diagnostic.
3- Maladie de Wilson
:
Affection métabolique héréditaire à transmission autosomique
récessive, secondaire à une anomalie d’un gène situé sur le
chromosome 13 codant pour une protéine appartenant à la famille
des ATPases, la maladie de Wilson est caractérisée par
l’accumulation excessive de cuivre dans l’organisme, en rapport avec
un défaut d’excrétion biliaire.
Bien que de constitution progressive,
les lésions hépatiques de la maladie de Wilson peuvent avoir une
révélation aiguë du fait de la redistribution brutale du cuivre
intracellulaire à l’origine d’une nécrose hépatocytaire et d’un
relargage massif de cuivre dans le sang circulant.
L’évolution de ces
formes aiguës se fait souvent vers l’insuffisance hépatocellulaire.
Une hémolyse aiguë est constamment associée.
Classiquement, les
transaminases sont peu élevées malgré une nécrose massive et la
cytolyse prédomine sur les ASAT.
Le cuivre sanguin et urinaire est
très élevé, la céruloplasminémie est inférieure à 0,20 g/L chez 95 %
des malades.
L’anneau cornéen de Kayser-Fleischer peut être absent.
Les signes neurologiques sont inconstants.
Rechercher les signes de gravité
:
Il n’y a pas habituellement de parallélisme entre l’intensité de
l’élévation des transaminases et la gravité de la nécrose
hépatocellulaire, sauf dans des situations très particulières comme les hépatites toxiques par ingestion d’amanite phalloïde.
Si la chute
des transaminases est habituellement un signe d’évolution favorable,
elle peut avoir une signification péjorative et refléter la gravité de
l’atteinte de la masse fonctionnelle hépatique.
Il est donc
indispensable d’évaluer la fonction hépatique clinique (rechercher
les signes d’encéphalopathie hépatique) et biologique (taux de
prothrombine et dosage du facteur V), lors de la prise en charge et
au cours de la surveillance.
Il est habituel, en cas de nécrose sévère,
d’observer une insuffisance hépatocellulaire modérée (taux de
prothrombine supérieur à 50 %).
La chute du taux de prothrombine
en dessous de 50 % définit l’hépatite grave.
La survenue de signes
cliniques d’encéphalopathie hépatique définit l’hépatite fulminante.
Enfin, il faut s’assurer de la stricte normalisation du chiffre des
transaminases.
La persistance d’une hypertransaminasémie au-delà
de 6 mois définit classiquement le passage à la chronicité de la
cytolyse, dont la prise en charge nécessite souvent la réalisation
d’une biopsie hépatique.