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Hématologie
Cytokines : médiateurs de la réponse immunitaire, de la réaction inflammatoire et de l'hématopoïèse
Cours d'hématologie
 


 

Définitions :

Découvertes il y a une vingtaine d’années dans des surnageants de cultures cellulaires comme des molécules protéiques capables de faire proliférer diverses cellules in vitro, les cytokines furent d’abord perçues comme un grand progrès méthodologique.

Progressivement cependant, au fur et à mesure que se sont enrichies nos connaissances sur les propriétés de ces nouvelles molécules, s’est formé le concept que les cytokines n’étaient pas seulement des outils commodes pour le cultivateur de cellules mais devaient être les médiateurs physiologiques des communications intercellulaires concourant à l’homéostasie et utilisables en clinique.

Les cytokines sont des messagers chimiques de la communication intercellulaire : fabriquées par les cellules (kine : facteur ; cyto : cellules), les cytokines servent aux cellules à communiquer entre elles.

Le terme « cytokine » a été consensuellement adopté par la communauté des spécialistes au Congrès d’Ermatingen (Suisse) en 1979.

Il s’agit d’une définition recouvrant une quarantaine de protéines impliquées dans de multiples fonctions de l’organisme, mais tout particulièrement dans le développement de la réponse immune normale ou pathologique, dans la physiologie ou la pathologie de l’inflammation et dans l’hématopoïèse.

Ces molécules portent des noms variés : soit interleukines (IL), numérotées au fur et à mesure de leurs découvertes (IL1 à IL18), soit des noms dérivant de leurs fonctions, interférons (IFN), tumor necrosis factor (TNF), colony stimulating factor (CSF), etc.

Les cytokines sont des protéines glycosylées composées d’une centaine d’acides aminés, sécrétées par une grande variété de cellules productrices, généralement après stimulation par un signal activateur.

Les cytokines exercent leurs actions sur un nombre élevé de cellules cibles différentes (actions pléiotropiques) qui peuvent être les cellules productrices ellesmêmes (situation autocrine), des cellules voisines (situation paracrine) ou des cellules éloignées (situation endocrine).

Les cytokines agissent sur leurs cellules cibles en se liant avec une forte affinité à des récepteurs spécifiques composés d’un assemblage de sousunités formant un complexe multimérique exprimé à la surface des cellules répondeuses.

L’interaction cytokine/récepteur à la surface extérieure de la membrane cytoplasmique induit une suite d’événements biochimiques intracellulaires comportant l’activation séquentielle d’enzymes, principalement des protéines kinases.

L’aboutissement de cet enchaînement séquentiel d’événements moléculaires est la régulation du fonctionnement de certains gènes : régulation positive comme l’activation de la transcription, ou régulation négative comme le ralentissement ou l’arrêt de cette transcription.

Les cytokines jouent un rôle capital pour la protection de l’intégrité du « soi ».

L’organisme humain, comme tous les organismes complexes, est constamment exposé dans l’environnement à des micro-organismes qui menacent son intégrité.

La protection du « soi » est assurée par plusieurs systèmes de défenses qui, avec plus ou moins de succès, empêchent la pénétration et la prolifération de ces agresseurs étrangers que sont les bactéries, les levures, les virus, les parasites.

Les défenses sont aussi responsables de l’élimination des cellules anormales dont la prolifération pourrait être la cause d’un cancer.

Deux systèmes de défense jouent un rôle essentiel :

– d’une part, les défenses myélomonocytaires non spécifiques, dont les acteurs principaux sont les polynucléaires et les macrophages capables de phagocyter les produits étrangers.

L’activation de ces cellules provoque la réaction inflammatoire ;

– en second lieu, les défenses immunitaires spécifiques dont le fonctionnement repose principalement sur le couple lymphocytes-cellules présentatrices d’antigène.

Le fonctionnement de ces deux systèmes complémentaires de défense est ainsi assuré par diverses cellules leucocytaires présentes dans le sang et dans les tissus.

Ces cellules sont toutes fabriquées dans la moelle osseuse à partir des cellules souches hématopoïétiques (hématopoïèse).

Les cytokines sont les messagers solubles permettant la mise en place et le fonctionnement de tous ces systèmes cellulaires.

Les cytokines sont schématiquement regroupées en trois groupes d’activités : les cytokines de la réponse immunitaire, les cytokines de l’inflammation et les cytokines de l’hématopoïèse.

Cette distinction en trois classes tient compte de l’activité principale actuellement connue des cytokines.

Il est clair cependant que ces molécules ont des activités multiples rendant cette classification certainement arbitraire ; elle a toutefois le mérite de clarifier l’exposé.

Cytokines de la réponse immunitaire :

Les caractéristiques essentielles de la réponse immunitaire sont la spécificité et la mémoire.

Les acteurs principaux forment un couple : lymphocyte/cellule présentatrice d’antigène.

Les cytokines interviennent à différents stades du développement de cette réponse immune.

– La pénétration d’un produit étranger comme un agent infectieux (antigène) dans l’organisme aboutit à l’activation des lymphocytes T auxiliaires.

Ce sont ces lymphocytes T auxiliaires qui contrôlent le déroulement ultérieur de la réponse immune et notamment la génération des lymphocytes immuns protecteurs de l’organisme.

Les lymphocytes T auxiliaires exercent cette fonction centrale en envoyant les messages biochimiques que sont les cytokines à toute une pléiade de lymphocytes spécialisés qui vont assurer ces missions de protection.

De ce fait, les lymphocytes T auxiliaires sont les véritables chefs d’orchestre de l’immunité.

– Les lymphocytes qui reçoivent les messagers cytokiniques produits par les lymphocytes T auxiliaires sont les lymphocytes B et les lymphocytes T cytotoxiques.

Ces deux types cellulaires sont les effecteurs immuns.

Ces deux populations possèdent des fonctions complémentaires : les lymphocytes B produisent des anticorps capables de se lier aux agents infectieux et de les neutraliser dans le milieu sanguin ou interstitiel extracellulaire.

Les lymphocytes T cytotoxiques (« tueurs ») entrent en contact avec les cellules de l’organisme dans lesquelles l’agent étranger a pu pénétrer, et les détruisent.

Les deux types de défenses se développent simultanément, sont complémentaires et concourent à l’élimination de l’agresseur étranger : par exemple, en cas d’infection virale, la neutralisation des particules virales (par les anticorps) et la destruction des cellules infectées hébergeant le génome viral (par les lymphocytes tueurs) permettent, le plus souvent, l’élimination de l’agent infectieux et la guérison.

Le développement des lymphocytes B et des lymphocytes T cytotoxiques est strictement dépendant de l’action des cytokines produites par les lymphocytes T auxiliaires.

La preuve de cette stricte dépendance est donnée a contrario par l’absence totale de défenses immunes chez les nourrissons de sexe masculin congénitalement déficients en une sous-unité réceptrice (deltac : gamma commune) partagée par les récepteurs des cytokines IL2, IL4, IL7, IL9 et IL15 (syndrome de déficience immune combinée sévère liée au chromosome X [X-SCID], lié à un défaut du gène de la sous-unité delta du récepteur de l’IL2).

On note au passage, mais ces notions sont détaillées, que plusieurs des cytokines utilisant un récepteur dont un élément est cette sous-unité réceptrice deltac, sont celles qui permettent le développement de la réponse cellulaire (responsables des défenses antivirales, des défenses contre certaines bactéries comme le bacille de Koch et enfin sont responsables du rejet de greffe allogénique).

A - Cytokines intervenant dans la réponse immune cellulaire :

La réponse immunitaire « cellulaire » est l’ensemble des événements concourant au développement des différents types d’effecteurs cellulaires cytotoxiques qui ont pour fonction de détruire les cellules cibles infectées ou étrangères grâce à l’établissement de contacts membranaires directs entre les effecteurs cellulaires et les cellules cibles.

Divers types de cellules effectrices peuvent posséder une activité cytotoxique :

– les lymphocytes T cytotoxiques spécifiques sont équipés d’une structure de reconnaissance, le récepteur spécifique d’antigène (T-cell receptor : TCR) qui reconnaît sur les cellules cibles l’antigène sous la forme d’un peptide associé aux molécules d’histocompatibilité ;

– trois autres types de cellules, rangés dans la catégorie des effecteurs cytotoxiques « non spécifiques », interviennent dans la réponse cellulaire et associent leurs actions à celles des lymphocytes immuns spécifiques TCR +.

Ce sont les lymphocytes cytotoxiques « tueurs naturels » (NK : natural killer), les lymphocytes « tueurs activés par les cytokines » (lymphokine activated killers : LAK) et les macrophages « activés » doués de propriétés cytotoxiques antitumorales et bactéricides.

La participation de ces différents effecteurs cellulaires est évidente lorsqu’on examine l’histologie d’une réponse immune cellulaire typique comme la réaction tuberculinique déclenchée par l’inoculation intradermique d’extraits de bacille de Koch chez un sujet vacciné (aussi appelée : réaction d’hypersensibilité retardée car elle est observée après 48 heures de délai) : monocytes/macrophages sont étroitement mêlés aux lymphocytes T dans l’infiltrat polymorphe sous-cutané qui entoure le point d’injection de l’antigène.

Cette réaction tuberculinique illustre l’intervention conjointe des lymphocytes T et des macrophages et permet de comprendre comment et pourquoi la réaction immune cellulaire et l’inflammation sont très étroitement associées.

Les principales cytokines impliquées dans la réponse cellulaire d’hypersensibilité retardée sont l’IL2 et l’IFN delta produits par les lymphocytes T auxiliaires, et l’IL12 principalement produite par les macrophages.

1- Interleukine 2 :

L’IL2 est l’une des cytokines les plus anciennement identifiées (1976) pour son activité comme facteur de prolifération des lymphocytes T et B.

Elle est produite exclusivement par les lymphocytes T, principalement par les lymphocytes T auxiliaires, sous forme d’une protéine glycosylée de 133 acides aminés.

L’IL2 est la seule cytokine dont l’action soit exclusivement lymphocytaire.

En effet, seuls les lymphocytes peuvent répondre à l’IL2 (lymphocytes T, lymphocytes B et NK) car seuls ces lymphocytes peuvent exprimer un récepteur pour cette cytokine.

Les lymphocytes au repos n’expriment quasiment pas de récepteur IL2 fonctionnel.

Ce n’est qu’après qu’une fraction d’entre eux aient reconnu spécifiquement un antigène (en cas d’infection ou de greffe) que les lymphocytes sont activés et acquièrent un récepteur pour l’IL2 de très forte affinité.

Seul le petit nombre des lymphocytes ayant spécifiquement reconnu l’antigène devient capable de fixer l’IL2, entre en division et se multiplie.

La prolifération des seuls lymphocytes équipés d’un récepteur d’antigène (TCR) capable de reconnaître un antigène donné (expansion clonale), explique la spécificité de la réponse immune.

La situation est différente avec les lymphocytes NK car ces cellules expriment constitutivement une sous-unité du récepteur IL2. En présence de cette cytokine, les cellulesNKsont activées en lymphocytes « supertueurs » que l’on désigne sous le nom de LAK.

L’IL2 agit donc sur ses cellules cibles en se fixant sur un récepteur composé par l’assemblage de trois sous-unités réceptrices (alpha, bêta et deltac).

Les sous-unités bêta et deltac modifiées par le contact avec leur ligand IL2 transmettent (transduisent) le message d’activation et de division au noyau via des seconds messagers cytoplasmiques.

Comme indiqué plus haut, la sous-unité deltac du récepteur de l’IL2 est partagée par toute une série de récepteurs de cytokines lymphocytaires (IL2, IL4, IL7, IL9 et IL15).

2- Interleukine 15 :

Il s’agit d’une cytokine produite par des cellules de multiples tissus (macrophages, cellules épithéliales, fibroblastes, muscle), mais non par les lymphocytes T activés.

Cette IL15, bien que structurellement différente de l’IL2, exerce son action en se fixant sur les sous-unités bêta et delta du récepteur de l’IL2. L’activité biologique de l’IL15 est identique à celle de l’IL2 : stimulation de la prolifération des lymphocytes T et B.

Le rôle physiologique de l’IL15 dans l’organisme est encore mal compris, mais on signale sa production dans les articulations de patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde, une pathologie auto-immune chronique affectant les articulations.

3- Interférons :

Les IFN furent initialement identifiés comme facteur de résistance aux virus.

En réalité, ces protéines, composées d’un peu moins de 200 acides aminés, sont de véritables cytokines et interviennent dans la communication intercellulaire.

Pour simplifier, indiquons que les IFN alpha et bêta, produits par les cellules hématopoïétiques pour le premier et par les fibroblastes pour le second, constituent les IFN de type I.

Ils se fixent tous deux sur le même complexe de « sous-unités réceptrices » exprimées sur les cellules cibles et possèdent donc la même activité biologique.

Ils induisent l’augmentation de l’expression des molécules d’histocompatibilité de classe I et possèdent, comme l’IL2, la propriété de stimuler les lymphocytes NK en LAK.

L’IFN delta (IFN de type II) est une cytokine lymphocytaire, bien distincte des IFN précédents, qui se fixe sur un complexe récepteur particulier.

L’IFN delta est sécrété par les lymphocytes T auxiliaires et par d’autres cellules comme les lymphocytes T cytotoxiques et surtout les cellules NK, notamment après activation par l’IL2 et/ou l’IL12.

L’IFN delta induit l’expression des molécules d’histocompatibilité, est un puissant activateur des macrophages, stimule la cytotoxicité antitumorale des cellules NK et des macrophages (stimulation de la production du monoxyde d’azote NO), stimule la production d’immunoglobulines (Ig) de classe IgG2a par les lymphocytes B, inhibe la prolifération des lymphocytes producteurs d’IL4.

4- Interleukine 12 :

L’IL12 est la seule cytokine ayant une structure hétérodimérique.

Elle est produite par les monocytes/macrophages activés.

Elle possède une activité synergique puissante avec l’IL2 pour induire la sécrétion d’IFN delta par les lymphocytes NK.

L’IL12, directement ou via l’induction d’IFN delta, joue un rôle très important dans l’immunité et l’inflammation.

Son rôle est essentiel dans la protection de l’organisme contre les bactéries ou parasites ayant un développement intracellulaire qui sont normalement éliminés par les macrophages activés (mycobactéries, Listeria, toxoplasmes, Plasmodium, Leishmania).

De nombreux arguments expérimentaux indiquent que cette cytokine est un des acteurs majeurs au cours des pathologies auto-immunes dans lesquelles les lymphocytes T exercent une action destructrice contre les propres tissus de l’organisme (diabète, arthrite, thyroïdite).

Cette action résulte en partie de l’augmentation de la production des cytokines responsables de la réaction inflammatoire (appelées pro-inflammatoires), IFN delta, IL1,TNF et de l’augmentation du développement des effecteurs autoagressifs.

Les mêmes effets dirigés contre des cellules tumorales confèrent à l’IL12 des propriétés intéressantes pour s’opposer à la croissance des cellules cancéreuses.

L’IL12 a la propriété très particulière de favoriser le développement d’un certain type de lymphocytes T auxiliaires, les lymphocytes Th1, qui produisent les cytokines favorisant le développement de la réponse immune cellulaire.

On reviendra plus loin sur la place de l’IL12 dans la dichotomie fonctionnelle des lymphocytes T auxiliaires.

L’IL2, l’IFN delta et l’IL12 sont les trois principales cytokines qui stimulent le développement de la réponse immune dite « cellulaire ».

B - Cytokines intervenant dans la réponse humorale :

La réponse immune dite « humorale » est l’ensemble des interactions cellulaires concourant à la sensibilisation des lymphocytes B, à leur prolifération et enfin à leur maturation-différenciation aboutissant à la formation des plasmocytes sécrétant des Ig anticorps de diverses classes.Très succinctement, les étapes sont les suivantes.

À la suite de leur première rencontre avec l’antigène, les lymphocytes B fabriquent essentiellement des anticorps de type IgM.

Lors d’un second contact avec l’antigène, les lymphocytes B subissent une modification génétique conduisant à la production d’Ig de sous-classes IgG et IgE.

Cette maturation est dénommée « commutation isotypique ».

Les différentes étapes initiales de ce processus se déroulent dans les centres germinatifs des ganglions lymphatiques et requièrent les messagers chimiques que sont les cytokines fabriquées par les lymphocytes T auxiliaires.

Les principales cytokines intervenant dans ces processus sont l’IL4, l’IL13, l’IL10 et l’IL6.

1- Interleukine 4 :

L’IL4, produite par différentes cellules comme les basophiles, les mastocytes et certaines sous-populations de lymphocytes T auxiliaires, fut initialement décrite comme un facteur de prolifération des lymphocytes B.

Cette cytokine possède en fait un large spectre d’activités biologiques.

Quatre fonctions essentielles sont dépendantes de l’IL4.

– Cette cytokine induit la commutation isotypique des lymphocytes B.

En effet, ces cellules, après rencontre avec l’antigène, synthétisent d’abord des IgM comportant des chaînes lourdes µ.

En présence d’IL4, les lymphocytes B « commutent » et utilisent des chaînes lourdes delta et e.

L’IL4 est donc essentielle pour la production d’Ig de type IgG1 (comportant les chaînes delta) et IgE (comportant les chaînes e).

– En second lieu, l’IL4 exerce deux types d’effets sur les macrophages : l’IL4 inhibe la synthèse par les macrophages des cytokines de l’inflammation (appelées cytokines pro-inflammatoires) comme l’IL1, le TNF et l’IL6, ainsi que plusieurs cytokines qui sont attractives pour diverses cellules effectrices (elles sont appelées cytokines chimiotactiques ou chimiokines).

Par ailleurs, l’IL4 stimule la synthèse des inhibiteurs physiologiques des cytokines proinflammatoires (antagoniste compétitif du récepteur de l’IL1 : IL1ra, inhibiteurs du TNF).

Par l’ensemble de ces effets sur les macrophages, l’IL4 est donc une cytokine anti-inflammatoire.

– En troisième lieu, l’IL4 inhibe la production d’IFN delta par les lymphocytes NK stimulés.

– Enfin, l’IL4 est un facteur de prolifération de certains lymphocytes T.

On reviendra plus loin sur la place de l’IL4 dans la dichotomie fonctionnelle des lymphocytes T auxiliaires.

2- Interleukine 13 :

L’IL13, produite par les lymphocytes T activés, partage avec l’IL4 les effets sur la synthèse d’Ig de type IgE et les effets anti-inflammatoires sur les macrophages.

L’IL13, cependant, n’a pas d’effets directs sur les lymphocytes T et n’a pas d’effets inhibiteurs (voire stimule) la production d’IL12 par les macrophages et la production d’IFN delta par les lymphocytes NK.

3- Interleukine 10 :

Cette cytokine a été initialement reconnue par ses propriétés inhibitrices sur la sécrétion d’IFN delta et par le fait qu’elle est synthétisée par certains lymphocytes T auxiliaires (Th2 chez la souris).

Il s’est rapidement avéré que l’IL10 a une large palette d’activités.

D’une part, elle est essentiellement produite par les monocytes.

En second lieu, l’IL10 intervient dans la différenciation des lymphocytes B en plasmocytes sécréteurs d’Ig.

L’IL10 inhibe la fonction présentatrice d’antigène des cellules accessoires (diminution de l’expression des antigènes d’histocompatibilité de classe II).

Enfin, l’IL10 inhibe la production d’IL12 par les macrophages et possède plusieurs activités anti-inflammatoires (comme la diminution de la production des cytokines pro-inflammatoires IL1, TNF, IL6 et des cytokines chimiotactiques, accompagnée de la stimulation de la production des inhibiteurs de l’IL1 et du TNF).

L’ensemble de ces propriétés font de l’IL10 une cytokine très intéressante pour moduler négativement la réponse immune cellulaire et l’inflammation, avec des applications thérapeutiques potentielles.

4- Interleukine 6 :

Cette cytokine possède un large spectre d’activités.

Son rôle dans la réponse immune ne représente qu’une facette de ses activités et on verra plus loin son rôle considérable dans l’inflammation.

L’IL6 joue néanmoins un grand rôle dans la réponse immune comme facteur physiologique de prolifération des lymphocytes B et des plasmocytes.

Elle est éventuellement responsable de diverses proliférations lymphocytaires pathologiques : lymphome et myélome.

C - Dichotomie fonctionnelle des cytokines de l’immunité :

Depuis quelques années, on a compris que les lymphocytes T auxiliaires ne sont pas tous capables de fabriquer simultanément toutes les cytokines impliquées dans les réponses cellulaires et humorales.

L’identification de la palette de cytokines produites par différents clones de lymphocytes T auxiliaires de souris permit à Mossmann et Coffman, en 1986, de faire une découverte très importante : les lymphocytesTauxiliaires, selon les cytokines qu’ils produisent, peuvent être classés en deux groupes fonctionnels distincts, les lymphocytes T auxiliaires de type 1 (T helper 1 : Th1) et les lymphocytes T auxiliaires de type 2 (T helper 2 : Th2).

Chez la souris, les lymphocytes Th1 produisent de l’IL2 et de l’IFN delta, alors que les lymphocytes Th2 sécrètent de l’IL4, de l’IL5, de l’IL10 et de l’IL13.

Chez l’homme, la dichotomie décrite ci-dessus a été également retrouvée.

Elle est particulièrement claire lorsqu’on examine des lymphocytes provenant de sujets dont le système immunitaire est soumis à des stimulations antigéniques répétées ou prolongées.

Chez ces sujets, on retrouve, comme chez la souris, une production d’IFN delta par des clones Th1, et une production d’IL4 et d’IL5 par des clones Th2.

Toutefois, la production des cytokines IL2, IL10, et IL13 n’est pas considérée comme très spécifique de l’une ou l’autre des sous-populations.

Les lymphocytes Th1 sont ainsi les principaux effecteurs de l’immunité à médiation cellulaire spécifique d’antigènes : réaction d’hypersensibilité retardée, rejet des allogreffes et des tumeurs, défenses contre les microorganismes intracellulaires.

Ces lymphocytes Th1, de plus, activent les macrophages, soit directement (via des interactions de surface lymphocytes activés-macrophages), soit par l’intermédiaire de cytokines comme l’IFN delta, conduisant au développement d’une réaction inflammatoire.

Les lymphocytes Th2, via les cytokines qu’ils produisent, exercent un rôle prépondérant dans la prolifération et la différenciation des lymphocytes B en plasmocytes sécréteurs d’anticorps : de plus, ces cytokines contrôlent la « commutation isotypique » et notamment la production des Ig de classe IgE impliquées dans l’allergie.

Cette dichotomie fonctionnelle des lymphocytes T auxiliaires est le fondement de nouvelles stratégies d’intervention basées sur deux propriétés fondamentales reconnues récemment.

– Les deux populations Th1 et Th2 sont mutuellement antagonistes : les cytokines Th1 inhibent le développement des lymphocytes Th2 ; réciproquement, les cytokines Th2 inhibent le développement d’une réponse Th1.

Cet antagonisme réciproque est une opportunité pour le thérapeute qui peut tirer partie de cette balance pour manipuler la réponse immunitaire : par exemple, l’augmentation de la réponse Th1 peut être souhaitée pour améliorer des défenses anti-infectieuses ou antitumorales ; inversement, l’augmentation d’une réponse Th2 peut être souhaitée pour augmenter certaines défenses antiparasitaires ou pour inhiber une réaction inflammatoire ou autoimmunitaire.

– La réponse immunitaire peut être intentionnellement polarisée vers une réponse, soit Th1 (en présence d’IL12), soit Th2 (en présence d’IL4), par l’utilisation de ces cytokines correspondantes ou des anticytokines appropriées in vitro et dans des modèles expérimentaux in vivo.

Cytokines de l’inflammation :

Classiquement définie par Hippocrate comme associant la tétrade symptomatique : rougeur, tumeur, douleur, chaleur, la réaction inflammatoire implique, comme la réponse immunitaire, des interactions cellulaires multiples, soit par contacts cellules-cellules, soit par le biais de médiateurs (au premier rang desquels figurent les cytokines).

Les acteurs de la réaction inflammatoire sont les monocytes et les macrophages (deux types cellulaires voisins trouvés dans le sang pour les premiers, dans les tissus pour les seconds), les polynucléaires et les cellules de la paroi vasculaire.

Les causes de l’inflammation peuvent être diverses comme évidemment l’intrusion dans l’organisme d’agents infectieux provoquant une infection aiguë ; mais l’inflammation peut être beaucoup moins intense, par exemple lorsqu’elle accompagne une réaction immunitaire (à la suite de la reconnaissance par les lymphocytes T auxiliaires d’un antigène étranger comme non « soi ») ou autoimmunitaire (situation pathologique au cours de laquelle la réponse immunitaire est dirigée contre des antigènes du « soi »).

Pour la clarté de l’exposé, c’est l’inflammation aiguë bactérienne qui nous servira de modèle, en envisageant son déroulement au plan local, puis régional et enfin général.

A - Modèle « inflammation aiguë bactérienne » :

Les cytokines de l’inflammation sont activement synthétisées quand des macrophages, par exemple dans un tissu à la suite d’une blessure, sont stimulés par des produits bactériens.

Cette situation est caricaturale car les constituants des parois bactériennes comme le lipopolysaccharide (LPS), composant principal de la paroi des bactéries à Gram négatif, et le Staphylococcus aureus souche Cowan (SAC), composant des parois des bactéries à Gram positif, sont des stimulants extrêmement puissants des macrophages.

L’activation macrophagique comporte toute une série d’événements cellulaires comme l’explosion oxydative, la synthèse de radicaux libres et de NO, la synthèse de toute une série de molécules parmi lesquelles les dérivés de l’acide arachidonique (prostaglandines [PG]), diverses protéases et, bien entendu, plusieurs cytokines.

L’inflammation peut rester limitée et ne pas dépasser le stade local.

Cependant, pour cet exposé, on décrira une réaction inflammatoire sévère comportant une diffusion des agents infectieux (septicémie) et des conséquences générales graves pouvant réaliser un choc septique.

Dans ce scénario catastrophe, la sécrétion des cytokines et les événements qui en résultent dépassent le plan local.

Les phénomènes deviennent régionaux et généraux.

Tous ces événements qui se succèdent en « cascade » peuvent survenir en quelques heures.

1- Interleukine 1 et facteur de nécrose des tumeurs :

Au site de l’inflammation, les macrophages stimulés par le LPS sécrètent un grand nombre de cytokines dont les principales, quantitativement, sont l’IL1 et le TNF.

Ces deux cytokines, considérées ici globalement puisqu’il existe en fait au moins deux IL1 (IL1 alpha et bêta) et deux TNF (TNF alpha et bêta), ont des caractères particuliers qui les distinguent des autres cytokines.

Ces cytokines sont en effet synthétisées sous forme d’un précurseur qui est coupé par protéolyse pour libérer la protéine mature.

Le TNF alpha est synthétisé dans le cytoplasme des macrophages activés sous forme d’un précurseur membranaire possédant déjà une activité biologique pro-inflammatoire puissante.

Le précurseur est ensuite coupé et le TNF alpha soluble, lui aussi actif, est libéré dans le milieu extracellulaire.

Dans le cas des IL1 alpha et bêta, la préprotéine synthétisée dans le cytoplasme des macrophages a une taille d’environ 30 kDa.

Ce précurseur cytoplasmique est coupé par protéolyse en fragments dont l’un est la protéine mature de 14-15 kDa.

Seule l’IL1 bêta est sécrétée (l’essentiel de l’IL1 alpha reste intracellulaire, du moins tant que les cellules productrices restent intactes).

L’enzyme responsable de la maturation de l’IL1 bêta a été identifiée, il s’agit de l’« enzyme de conversion de l’IL1 bêta » (IL1 bêta converting enzyme : ICE).

L’inhibition pharmacologique de cette ICE est la base d’un nouveau concept de molécules douées d’activités anti-inflammatoires et fait l’objet d’investigations intenses par l’industrie pharmaceutique.

Le TNF alpha et l’IL1 bêta ont une régulation physiologique coordonnée dans les macrophages stimulés car les mêmes signaux induisent l’activation de leurs gènes respectifs.

Ces deux cytokines agissent en synergie, se potentialisant l’une l’autre de manière remarquable.

Les cellules cibles, en effet, expriment simultanément des récepteurs spécifiques pour l’une et l’autre.

On observe notamment que l’IL1 bêta et le TNF alpha libérés par les macrophages stimulés se lient à leurs récepteurs spécifiques situés sur les cellules endothéliales et musculaires lisses des capillaires du site de l’inflammation et induisent une intense sécrétion d’IL6 et de chimiokines par ces cellules.

En fait, toutes les cytokines appelées « pro-inflammatoires » peuvent être produites par les macrophages activés.

Cependant, l’IL6 et les chimiokines sont bien davantage synthétisées par les cellules de la paroi vasculaire des capillaires avoisinant le site inflammatoire que par les macrophages eux-mêmes.

2- Chimiokines :

Les chimiokines sont de petites cytokines constituées d’un peu moins d’une centaine d’acides aminés, que l’on peut rassembler en une famille de molécules structurellement apparentées.

Les chimiokines possèdent la propriété d’attirer, de favoriser le déplacement de diverses cellules vers leur site de production.

Cette propriété est appelée « chimiotactisme ».

La famille des chimiokines est divisée en deux sous-groupes constitués d’une dizaine de membres chacun.

Les chimiokines du sous-groupe CC (ainsi nommé parce que les deux premières cystéines sont contiguës), dont le prototype est l’IL8, sont chimiotactiques pour les polynucléaires et certains lymphocytes (et non pour les macrophages).

Les chimiokines du sous-groupe CXC (ainsi nommé parce qu’un acide aminé est intercalé entre les deux premières cystéines), dont le prototype est le MCP-1 (monocyte chemoattractant protein n° 1), sont chimiotactiques pour les monocytes-macrophages et certains lymphocytes (mais non pour les polynucléaires).

La sécrétion de ces deux types de chimiokines par les cellules vasculaires attire les polynucléaires et les macrophages sur le site de l’inflammation, ce qui explique l’infiltration cellulaire polymorphe régulièrement retrouvée histologiquement dans un tissu enflammé.

Les récepteurs des chimiokines ont une structure particulière, avec sept domaines transmembranaires (caractéristique des récepteurs liés aux protéines G).

Plusieurs récepteurs possédant une spécificité particulière pour plusieurs chimiokines à l’intérieur de chacun des deux sous-groupes ont été identifiés ; ils sont nommés respectivement CC-R et CXC-R.

L’actualité vient d’attirer l’attention sur deux récepteurs particuliers, chacun pour l’un des sous-groupes de chimiokines.

En effet, le récepteur CC-R5 et le récepteur CXC-R4 ont été reconnus récemment comme des corécepteurs capables d’interagir avec la molécule CD4 pour conditionner l’entrée du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) dans les macrophages (via le récepteur CC-R5) ou dans les lymphocytes (via le récepteur CXC-R4).

3- Interleukine 6 :

L’IL6 est une cytokine extrêmement importante car elle intervient dans de nombreux systèmes : la réponse immunitaire (facteur de prolifération des lymphocytes B), l’hématopoïèse (facteur thrombopoïétique), la prolifération des ostéoclastes et la mobilisation du calcium osseux (négativement contrôlé par les estrogènes), etc.

Le présent exposé sera volontairement limité aux effets de l’IL6 se rapportant le plus directement à l’inflammation.

L’IL6, dans l’inflammation, est sécrétée par les macrophages activés et bien davantage encore, par les cellules vasculaires à proximité du site inflammatoire.

L’IL6, comme d’autres cytokines inflammatoires produites localement (TNF et IL1), peut gagner la circulation générale et déclencher des effets régionaux et généraux.

4- Manifestations régionales de l’inflammation :

Le foie est la cible principale de l’IL6.

Cette cytokine, en effet, stimule la sécrétion par les hépatocytes de toute une série de protéines collectivement nommées « protéines de la phase aiguë » (APC : acute phase proteins).

Il s’agit d’une cinquantaine de protéines différentes : protéines du complément, de la coagulation, protéine fixant les métaux, inhibiteurs des enzymes protéolytiques (protéases) et bien d’autres encore comme la C-reactive protein (CRP) dont le dosage est un moyen fiable d’évaluer une réaction inflammatoire chez un patient.

Par ailleurs, l’élévation des protéines de la phase aiguë provoque l’accélération de la vitesse de sédimentation (VS) érythrocytaire in vitro.

C’est pourquoi la mesure de laVS constitue un moyen simple, efficace, peu onéreux de détecter ou d’apprécier un état inflammatoire chez un patient.

5- Manifestations générales de l’inflammation :

L’inflammation est un phénomène non seulement locorégional, mais aussi général.

L’inflammation s’accompagne de fièvre et d’un ralentissement de l’activité cérébrale.

Trois cytokines principales sont indirectement responsables de ces effets généraux.

L’IL1, le TNF et l’IL6, sécrétées localement dans le tissu infecté, peuvent diffuser dans le torrent circulatoire.

Par cette voie, ces trois cytokines principales gagnent le cerveau (ou induisent la production de neuromédiateurs périphériques qui gagnent le cerveau).

Au niveau cérébral sont déclenchés les phénomènes qui aboutissent à l’élévation thermique.

L’effet pyrogène des cytokines IL1, TNF et IL6 est en fait secondaire à l’induction de synthèse, probablement à l’étage hypothalamique, de ces dérivés lipidiques que sont les PG et particulièrement les PG de type E2 (PGE2).

Ceci explique que les inhibiteurs de synthèse des PGE2 (inhibiteurs de l’enzyme cyclo-oxygénase : COX), comme l’indométacine ou l’aspirine, bloquent les effets pyrogènes induits par l’injection systémique d’IL1 ou de LPS.

Ces notions bien établies ne doivent pas cacher néanmoins que les mécanismes précis d’action des cytokines sur le cerveau (et d’une manière générale les relations entre le cerveau, les cytokines et le système immunitaire) sont encore très mal connus.

B - Inflammation subaiguë et chronique :

Dans de nombreuses circonstances, les manifestations de l’inflammation ont un caractère moins aigu.

L’inflammation subaiguë ou chronique met en jeu des mécanismes physiopathologiques probablement similaires à ceux décrits plus haut.

Une différence essentielle est que cette seconde variété d’inflammation, si elle peut avoir aussi des origines infectieuses, résulte le plus souvent de causes différentes ; notamment, être associée à une réponse immunitaire : on a vu plus haut les macrophages infiltrant une réaction d’hypersensibilité retardée tuberculinique.

De plus, plusieurs travaux récents indiquent que la production de cytokines inflammatoires et le recrutement de cellules phagocytaires accompagnent systématiquement un conflit autoimmun.

Dans beaucoup de pathologies auto-immunitaires, on observe un infiltrat inflammatoire de l’organe touché : synovite de l’arthrite rhumatoïde, insulite du diabète juvénile.

Il est en fait possible que les destructions tissulaires, au cours de ces processus auto-immuns (notamment les lésions articulaires dans la polyarthrite rhumatoïde ou la destruction des cellules bêta des îlots de Langerhans dans le diabète), soient grandement amplifiées (sinon causées) par le recrutement d’effecteurs cytotoxiques non spécifiques et la production locale de facteurs cytotoxiques (NO, protéases), résultant d’une cascade de phénomènes voisins de ceux provoqués par l’inflammation bactérienne.

Les mécanismes précis par lesquels la réponse immune et la réaction inflammatoire sont associées commencent à être élucidés.

On observe que les lymphocytes T activés par la reconnaissance de l’antigène (l’autoantigène) deviennent capables de donner un puissant signal de stimulation aux macrophages (soit par interactions membranes-membranes, soit via une sécrétion de cytokines comme l’IFN delta et l’IL12).

Ainsi, les lésions inflammatoires pourraient relayer et amplifier le conflit immunologique.

Celui-ci ne serait que le facteur initiateur des événements de « type inflammatoire », ces derniers seraient en fait les responsables directs des destructions tissulaires.

C - Régulation physiologique de l’inflammation : inhibiteurs physiologiques

Les mécanismes mis en oeuvre par l’organisme pour se protéger contre les effets délétères de l’inflammation ou l’« emballement » de la réaction inflammatoire sont de plusieurs types et peuvent être la base de stratégies d’intervention.

Les macrophages et les polynucléaires stimulés par les produits bactériens d’une part, et les cellules endothéliales vasculaires stimulées par les cytokines TNF ou IL1 d’autre part, libèrent une série de facteurs qui sont des inhibiteurs physiologiques des cytokines inflammatoires.

La plupart de ces inhibiteurs ont été retrouvés dans les urines de patients fébriles, et particulièrement au cours de l’arthrite juvénile.

Trois types d’inhibiteurs physiologiques ont été identifiés.

– Antagoniste du récepteur de l’IL1 : l’inhibiteur compétitif de l’IL1, nommé « IL1 receptor antagonist » (IL1ra), est une molécule de structure biochimique voisine des IL1 alpha et IL1 bêta.

Cette IL1ra est capable de se fixer aux récepteurs des IL1 avec la même affinité que les ligands fonctionnels IL1 alpha et IL1 bêta.

Cependant, la fixation de l’IL1ra sur le récepteur des IL1 n’entraîne aucun signal d’activation cellulaire.

Ainsi, l’IL1ra, occupant le site de fixation des ligands agonistes, se comporte comme un antagoniste fonctionnel.

L’efficacité thérapeutique anti-inflammatoire de cette IL1ra, produite sous forme d’une protéine recombinante par génie génétique, est en cours d’évaluation.

– Récepteur de type II de l’IL1 : l’IL1 peut se fixer sur deux types de récepteurs exprimés sur la membrane des cellules cibles : les récepteurs de type I et de type II.

Le récepteur de type I s’associe à une protéine accessoire, l’IL1 accessory protein (IL1AP), et transmet les signaux d’activation aux cellules cibles après fixation de son ligand.

Le récepteur de type II est au contraire antagoniste des effets pro-inflammatoires de l’IL1 pour deux raisons : d’une part, ce récepteur de type II possède une portion intracytoplasmique très courte ne transmettant pas, après fixation de l’IL1, de signaux d’activation aux cellules (au contraire de la sous-unité réceptrice de l’IL1 de type I) ; en outre, le récepteur de type II peut être activement libéré de la membrane des cellules porteuses par protéolyse enzymatique.

Le récepteur de type II libéré en solution est alors capable de fixer l’IL1 bêta libre et de la neutraliser.

En raison de ses propriétés particulières, le groupe de Mantovani a proposé d’appeler ce récepteur de type II, le récepteur « leurre » (decoy receptor).

Les recherches sont en cours dans plusieurs laboratoires pour déterminer si ce récepteur de l’IL1 de type II possède bien les propriétés anti-inflammatoires que l’on attend.

– Inhibiteurs du TNF, formes solubles du récepteur : le TNF se fixe sur les cellules sensibles par le biais de récepteurs trimériques ancrés dans la membrane.

Il existe deux types de récepteurs de structure générale apparentée mais néanmoins différents : le récepteur TNF p55 et le récepteur TNF p75.

Ces deux types de récepteurs peuvent être libérés de la membrane des cellules porteuses par protéolyse enzymatique, donnant naissance à des formes solubles du récepteur du TNF.

Ces récepteurs du TNF libérés en solution sont capables de fixer le TNF libre et de le neutraliser.

Grâce à la biologie moléculaire, plusieurs industriels ont fabriqué des molécules recombinantes hybrides associant ces récepteurs solubles du TNF à des portions Fc d’Ig.

Les molécules recombinantes hybrides sont dimériques et neutralisent avec une grande efficacité le TNF en solution in vitro.

Une efficacité thérapeutique très prometteuse de ces différentes constructions a été observée dans le traitement des poussées de polyarthrite rhumatoïde.

Cytokines de l’hématopoïèse :

La fabrication des cellules du sang à partir des cellules souches localisées dans la moelle osseuse constitue l’hématopoïèse.

La différenciation des cellules souches et la prolifération des précurseurs des différentes lignées sanguines pourvoient au renouvellement continuel des cellules du sang dont la durée de vie est limitée.

De plus, l’hématopoïèse peut être quantitativement modulée pour faire face à des besoins exceptionnels comme en cas d’hémorragie, d’inflammation ou après un traitement temporairement myélotoxique (chimiothérapie ou radiothérapie anticancéreuse).

La découverte de l’érythropoïétine, qui régule la formation des cellules de la lignée érythrocytaire (globules rouges), remonte à 1906.

Cependant, l’identification des facteurs modulant la production des globules blancs et des plaquettes est beaucoup plus récente. Ces médiateurs solubles font tous partie de la famille des cytokines.

Ils furent en premier lieu identifiés in vitro grâce à la technique de formation de colonies en milieu semi-solide, développée par Bradley et Metcalf d’une part, et Pluznik et Sachs d’autre part (1965, 1966).

Ils sont capables de soutenir la formation de colonies à partir de progéniteurs médullaires et c’est pourquoi ils furent appelés CSF pour colony stimulating factor.

On en connaît actuellement huit : le G-CSF induit la prolifération et la différenciation des polynucléaires neutrophiles (granulocytes), le M-CSF a le même effet sur les macrophages, le GM-CSF induit la formation de colonies mixtes granuleuses et monocytaires, l’IL3 est un multi-CSF, l’IL5 agit sur les éosinophiles, l’IL7 stimule la lymphopoïèse, l’érythropoïétine contrôle la formation des érythrocytes.

Le dernier facteur, tout récemment identifié, est la thrombopoïétine qui stimule la production des mégacaryocytes et la formation des plaquettes. Le G-CSF et le GM-CSF sont en réalité les deux cytokines dont l’utilisation thérapeutique est la plus avancée.

Ils sont tous deux disponibles et abondamment prescrits, notamment en cancérologie pour hâter la reconstitution hématologique après traitement myélotoxique.

Molécules protéiques capables de faire proliférer diverses cellules in vitro, les cytokines furent d’abord utilisées comme des outils expérimentaux.

L’IL2, par exemple, permettait de faire proliférer commodément et en grand nombre les lymphocytes T in vitro, ce qui permit des découvertes très importantes.

Par exemple, en immunologie fondamentale, la multiplication des lymphocytes T en culture en présence d’IL2 permit l’expansion de populations monoclonales de lymphocytes T spécifiques d’antigènes et l’identification moléculaire du récepteur particulier (TCR) qu’ils utilisent.

L’IL2 fut aussi utilisée pour faire proliférer in vitro des lymphocytes ganglionnaires de patients atteints d’une pathologie curieuse associant déficit immunitaire et lymphoadénopathie.

Dans les blastes lymphocytaires T activés obtenus, Luc Montanier et Françoise Barré-Sinoussi purent identifier le VIH. Je rappelle ces deux exemples pour illustrer l’immense intérêt des cytokines, ne serait-ce que comme outil de recherche en biologie cellulaire.

Progressivement, les chercheurs prirent conscience que les cytokines sont les médiateurs physiologiques des communications intercellulaires concourant à l’homéostasie et utilisables en clinique.

Cette prise de conscience, commencée à propos de l’IL2, s’élargit à l’ensemble des cytokines, bientôt compris comme un réseau interactif complexe.

Les applications cliniques suivirent, rendues possibles par les progrès de la biologie moléculaire et de l’ingénierie génétique permettant de disposer de grandes quantités de molécules de cytokines recombinantes purifiées.

De multiples domaines d’application des cytokines sont aujourd’hui explorés en cancérologie, hématologie, immunologie, pathologies auto-immunes, rhumatologie, infectiologie, etc.

Quelques-unes de ces molécules ont déjà atteint le statut de drogue disponible sur prescription médicale.

Nombre d’entre elles n’en sont encore qu’au stade d’essais cliniques ou sont en cours d’analyse au laboratoire dans des modèles expérimentaux.

Il paraît clair que de nouvelles cytokines et beaucoup de nouvelles applications sont encore à découvrir.

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