Les crises convulsives correspondent à des contractures
brusques, involontaires, permanentes ou rythmiques de
la musculature striée.
Elles sont la conséquence d’un
processus épileptique lié à une activité neuronale excessive,
paroxystique.
Selon le point de départ, on distingue les crises convulsives généralisées, intéressant d’emblée
les deux hémisphères cérébraux et les crises partielles,
dont les décharges initiales sont limitées à une partie
restreinte d’un hémisphère avec possibilité de diffusion
et de généralisation secondaire.
Si les termes crise
convulsive et crise épileptique peuvent être confondus,
une crise épileptique n’est pas obligatoirement synonyme
d’épilepsie.
De plus, l’épilepsie peut s’exprimer par
des formes non convulsives qualifiées d’absences.
L’épilepsie, affection chronique, se définit par la répétition
des crises ou par un risque potentiel de récurrence.
Une crise convulsive de nature épileptique peut être provoquée
par une affection aiguë systémique à retentissement
cérébral ou par une atteinte cérébrale directe.
On
parle alors de crise occasionnelle ou symptomatique
aiguë à différencier de crises épileptiques spontanées, en
relation avec une épilepsie.
Orientation diagnostique
:
L’orientation diagnostique devant une crise convulsive
chez l’adulte va dépendre du contexte.
La situation est
différente selon que l’on assiste à la crise ou que l’on
voit le patient après la crise, selon que l’épilepsie est
déjà connue ou qu’il s’agit d’une première crise
convulsive.
Le diagnostic est abordé en trois étapes
successives :
• affirmer la nature épileptique de la crise en éliminant
les manifestations paroxystiques non épileptiques ;
• préciser s’il s’agit d’une crise épileptique occasionnelle
et en rechercher la cause (traumatisme crânien,
accident vasculaire, infection cérébro-méningée, alcool,
toxique…), ou d’une crise spontanée à rattacher à une
épilepsie ;
• préciser le type d’épilepsie généralisée ou partielle et
son étiologie idiopathique ou symptomatique.
A - Diagnostic de crise convulsive épileptique :
1- Caractéristiques des différents types de crises :
• Les crises généralisées convulsives ont différentes
formes.
– Crise tonicoclonique, la plus courante chez l’adulte.
Elle se déroule en plusieurs phases : un début brutal
avec perte de conscience immédiate, émission d’un cri et chute parfois traumatisante ; une phase tonique de10 à
20 secondes avec contraction tonique des 4 membres,
des muscles axiaux et des mâchoires, entraînant une
morsure de langue, une apnée avec érythrocyanose ;
une phase clonique de 30 à 40 secondes avec des
secousses rythmiques massives et une hypersalivation ;
une phase stertoreuse de plusieurs minutes avec relâchement
musculaire, perte d’urines, respiration bruyante.
La reprise de conscience est progressive avec possibilité
d’état de confusion parfois prolongé.
L’amnésie de la
crise est totale.
Aux différentes phases cliniques, correspondent des
modifications électroencéphalographiques : début par
une activité rapide, diffuse, d’amplitude croissante, suivie
durant la phase clonique de décharges de polypointes
ondes et pointes ondes diffuses, de fréquence
décroissante, puis d’une dépression électrique massive,
à l’arrêt des clonies, prolongée en dernier lieu par une
activité d’ondes lentes lors de la période stertoreuse.
Le
retour à l’activité électroencéphalographique de base est
progressif.
– Crise tonique, marquée par un accès hypertonique global.
– Crise myoclonique, caractérisée par des secousses
brusques des membres, pouvant provoquer un lâchage
d’objet ou un sursaut avec parfois déséquilibre ou chute.
Les formes cloniques et hypotoniques sont rares chez
l’adulte.
• Les crises partielles d’expressions diverses en fonction
du point de départ et de la propagation des décharges :
– crise partielle simple, non accompagnée de troubles de
conscience.
Lorsque la crise intéresse la région centrale
motrice, l’expression clonique d’abord limitée à un segment
de membre peut s’étendre progressivement à l’ensemble
d’un membre ou à l’hémicorps, réalisant la
marche bravais-jacksonienne ;
– crise partielle complexe, avec altération de la
conscience et production d’automatismes moteurs,
amnésie plus ou moins complète de la crise ;
– crise secondairement généralisée : le début de la crise
est focal ; l’expression de la crise est soit simple soit
complexe avec survenue ultérieure d’une généralisation tonicoclonique.
L’expression focale peut passer inaperçue.
Elle doit être recherchée systématiquement en raison
de la valeur étiologique.
Toute crise partielle chez
l’adulte doit être considérée comme symptomatique.
• Les états de mal, définis par la durée prolongée (10 à
30 min) d’une crise ou leur répétition à intervalles rapprochés,
de type généralisé ou partiel.
L’état de mal
convulsif généralisé représente l’urgence la plus importante
en raison du risque vital ou de ses conséquences
cérébrales.
2- Éléments du diagnostic
:
Le médecin assiste rarement à la crise.
Le diagnostic de
crise convulsive est le plus souvent différé.
Il repose
sur :
• les données de l’interrogatoire du patient et des
témoins en insistant sur les arguments en faveur d’une
crise épileptique.
Les circonstances de survenue sont
précisées : facteurs déclenchants (stimulation lumineuse,
sommeil…) ou facteurs facilitants (privation de sommeil,
absorption ou sevrage d’alcool, de médicaments
antidépresseurs : benzodiazépines, neuroleptiques, théophylline)
;
• l’examen clinique et neurologique recherche des
signes focaux et méningés ; l’examen cardiovasculaire
est important pour le diagnostic différentiel.
3- Diagnostic différentiel :
Il concerne essentiellement les crises avec perte ou altération
de la conscience.
On doit éliminer :
• une syncope à partir d’éléments caractéristiques :
– la perte de conscience est généralement progressive, précédée
de lipothymie, vertiges, troubles visuels, nausées.
Elle peut toutefois être brutale, associée à des mouvements
convulsifs et à une urination ;
– certaines circonstances sont évocatrices : changement
brusque de position, douleur violente ou stress ;
– la perte de conscience de brève durée est accompagnée
de pâleur.
La reprise de conscience est rapide, sans confusion
post-critique. Le patient se souvient du début de la
crise ;
• les crises non épileptiques psychogènes regroupent un
ensemble de manifestations : crises conversives ou hystériques,
crises d’angoisse, crises d’hyperventilation,
crises simulées.
Le diagnostic est parfois facile devant
l’expression atypique spectaculaire et la provocation des
crises par suggestion.
Les difficultés diagnostiques sont
liées au fait que le sujet épileptique peut présenter des
crises épileptiques et des crises psychogènes, ou parce
que certaines épilepsies partielles, notamment d’origine
frontale, peuvent avoir une expression hystériforme.
B - Diagnostic syndromique :
Lorsque le diagnostic de crise épileptique est retenu, il
importe d’en connaître l’étiologie.
Deux situations sont à
distinguer : les crises provoquées ou occasionnelles liées à
une situation aiguë exceptionnelle, les crises spontanées à
rattacher à une épilepsie chronique.
1- Crises occasionnelles
:
Les principales situations et causes à identifier sont :
• la phase aiguë (dans les 7 premiers jours) d’un traumatisme
crânien, d’un accident vasculaire cérébral,
d’une infection du système nerveux central ;
• la prise de drogue (cocaïne), de médicaments (aminophylline,
imipramine), d’alcool ;
• les accidents de sevrage de médicaments (barbituriques,
benzodiazépines, antiépileptiques) ou d’alcool ;
Les crises occasionnelles peuvent parfois nécessiter un
traitement antiépileptique de « couverture » de courte
durée, jamais un traitement au long cours.
2- Épilepsies de l’adulte :
Toute crise épileptique chez l’adulte doit être a priori
considérée comme symptomatique, sauf s’il s’agit d’une
épilepsie généralisée idiopathique connue.
En effet, les
épilepsies généralisées idiopathiques débutent exceptionnellement
chez l’adulte ; on doit donc systématiquement
insister sur les antécédents.
Certaines épilepsies
notamment les épilepsies myocloniques juvéniles sont
diagnostiquées chez l’adulte jeune après une crise généralisée
tonicoclonique précédée pendant plusieurs
années par des épisodes de myoclonies que l’on retrouve
rétrospectivement par l’interrogatoire.
C - Stratégie des examens complémentaires :
Il n’y a pas d’attitude systématique.
Le type d’examens
et l’urgence dépendent du contexte. Certains examens
seront faits systématiquement et en urgence.
D’autres
seront différés selon les nécessités du diagnostic différentiel
ou de l’orientation diagnostique :
• les examens systématiques sont : électrocardiogramme,
bilan biologique (numération-formule sanguine,
vitesse de sédimentation, glycémie, dosages des antiépileptiques).
• l’électroencéphalogramme est indispensable pour
obtenir des informations sur la crise épileptique et son
étiologie.
En fait, seul l’électroencéphalogramme percritique
et immédiatement post-critique est réellement
informatif.
Des anomalies paroxystiques, décharges de
pointe ou de pointe-ondes, généralisées ou focales, peuvent
être observées sur l’électroencéphalogramme enregistré
à distance de la crise.
L’électroencéphalogramme
contribue dans ce cas au diagnostic d’épilepsie.
Toutefois un électroencéphalogramme intercritique peut
être normal même dans le cas d’épilepsie active.
• les autres examens sont fonction du contexte : tomodensitométrie,
imagerie par résonance magnétique
nucléaire, ponction lombaire, recherche de toxiques,
enregistrements électroencéphalographiques spéciaux :
sommeil, privation de sommeil, EEG-Vidéo.
Conduite à tenir
:
1- Au cours de la crise et au décours immédiat,
les gestes sont préventifs :
• Contre la morsure de la langue, si possible à l’aide
d’une canule, jamais avec les doigts ou avec un mouchoir.
• Contre des traumatismes, en plaçant un coussin ou
une couverture sous la tête et les membres et en retirant
lunettes, collier, etc.
• Contre une inhalation liquidienne (salive, vomissement)
en plaçant le sujet en décubitus latéral de sécurité.
Un traitement urgent est justifié lorsque la crise se prolonge
ou si d’autres crises surviennent après la première.
Il
consiste, pour prévenir un état de mal épileptique, à administrer une ampoule de 10 mg de diazépam (Valium) par
voie rectale ou par voie intraveineuse à raison de
2 à 5 mg/min avec une surveillance cardiorespiratoire, ou
une ampoule intrarectale ou intraveineuse de 1 mg de clonazépam
(Rivotril).
La voie intramusculaire est inadaptée.
• Si le patient est dans le coma :
– assurer la liberté des voies respiratoires et installer une
sonde à oxygène ;
– rechercher une éventuelle pathologie sous-jacente responsable
du trouble de conscience.
En période post-critique,
possibilité de confusion et de réaction agressive;
– éviter toute contention.
Lorsque débute un état de mal convulsif, dès la constatation
de 3 crises successives sans reprise de conscience
ou lorsqu’une activité convulsive se prolonge au-delà de
5 à 10 min après avoir renouvelé l’administration d’une
ampoule de diazépam ou de Rivotril, des mesures d’extrême
urgence doivent être prises : hospitalisation, transport
médicalisé, administration d’un antiépileptique
d’action prolongée, sous surveillance cardiorespiratoire
en dose de charge intraveineuse : phénytoïne (18 mg/kg)
à raison de 1 mg/kg/min ou phénobarbital à raison de
50 mg/min (10 mg/kg).
La poursuite de l’état de mal au-delà de 20 à 30 min
nécessite une prise en charge spécifique en réanimation
avec simultanément recherche de la ou des causes qui
seront traitées directement.
2- Au décours de la crise :
• Si la crise survient chez un patient dont l’épilepsie
est déjà connue et traitée, il importe : de s’assurer
du caractère épileptique de la crise et d’éliminer une
cause organique sous-jacente méconnue, en particulier
lorsqu’il y a un changement d’expression des
crises ; de rechercher les facteurs précipitants : rupture
du traitement, privation de sommeil, affection
intercurrente, prise de médicament ou d’alcool ;
le traitement en cours sera éventuellement modifié
soit en réadaptant la posologie en fonction du
contexte et des résultats des dosages plasmatiques
des antiépileptiques, soit en instaurant un nouveau
traitement, avec maintien d’une monothérapie si les
crises sont rares.
Si les crises sont fréquentes, peut se
poser le problème d’une bithérapie associant un antiépileptique
conventionnel, valproate ou carbamazépine
et un antiépileptique de nouvelle génération,
vigabatrin, lamotrigine, gabapentine, tiagabine, topiramate
dont le choix dépend du type d’épilepsie.
• S’il s’agit d’une première crise épileptique : être sûr
qu’il ne s’agit pas d’une crise non épileptique ou d’une
crise occasionnelle.
Dans le cas d’une épilepsie, la question
primordiale est de « traiter ou ne pas traiter ».
Un traitement chronique après une première crise n’est
justifié que dans certains cas : crise généralisée tonicoclonique
ayant entraîné un traumatisme, sujet exposé professionnellement,
notion d’épilepsie familiale, importantes
anomalies électro-encéphalographiques (le risque de récidive
est de 80 % , il n’est que de 30 % si l’électroencéphalogramme
est normal), antécédents neurologiques précis (traumatisme crânien, accident vasculaire cérébral…).
Dans tous les autres cas, il est préférable pour
traiter d’attendre une deuxième ou troisième crise, qu’il
s’agisse de crises partielles ou de crises généralisées.
3- Principes du traitement antiépileptique de
première intention :
Une monothérapie est systématique au début. La posologie
est progressive, propre à chaque médicament.
La prescription doit toujours être accompagnée d’informations,
en particulier sur la nécessité d’une observance
régulière, et la possibilité d’effets indésirables.
Une modification prématurée en cas de survenue de
crise ou d’effets indésirables doit être évitée.
Une consultation neurologique et un bilan biologique
(NFS, tests hépatiques, dosage des antiépileptiques)
sont justifiés en cours de titration et au cours des 3 premiers
mois.
Une durée minimale de 2 ans doit être annoncée au
patient.
En revanche, l’annonce d’un traitement à vie est
totalement injustifiée.
Des informations sur les précautions à prendre concernant
le sommeil, les boissons alcoolisées, la conduite
automobile, les bains sont nécessaires.
4- Choix du traitement :
• Plusieurs critères sont à prendre en considération :
le spectre d’action et la pharmacocinétique de l’antiépileptique,
les contre-indications (induction enzymatique
et pilule contraceptive), les effets secondaires spécifiques
(ralentissement psychomoteur), le coût du médicament.
• Les médicaments les plus utilisés en première intention
sont :
– le valproate de sodium (Dépakine) en raison d’un
large spectre avec efficacité dans tous les types d’épilepsie
et absence d’induction enzymatique.
La posologie
moyenne est de 25 mg/kg/j ;
– la carbamazépine (Tégrétol) est indiquée en première
intention pour les épilepsies partielles (10 mg/kg/j).
Le
risque d’aggravation (absences, myoclonies), dans certaines
épilepsies généralisées et l’induction enzymatique
doivent être pris en considération pour des prescriptions
élargies ;
– les nouveaux antiépileptiques ne sont pas utilisés en
première intention chez l’adulte ;
– les autres médicaments classiques (phénytoïne, phénobarbital)
ne sont utilisés qu’en deuxième intention, en
raison de leurs effets sur les fonctions cognitives.