Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Le remplissage vasculaire constitue la pierre
angulaire du traitement de l’hypovolémie,
qu’elle soit absolue ou relative, en
association avec d’autres techniques comme
la posture, le pantalon antichoc et surtout
l’utilisation d’amines sympathomimétiques.
Le choix d’un soluté de remplissage,
longtemps subjectif ou lié à l’habitude, a
évolué au cours des dernières années grâce
à la tenue de conférences de consensus
successives, de recommandations pour la
pratique clinique et à une réglementation
stricte de l’utilisation des colloïdes naturels.
Les circulaires ministérielles du 28 août 1987
et du 23 septembre 1992 établissent le
principe de traçabilité des dérivés sanguins
labiles et stables, et en restreignent
considérablement les indications,
essentiellement du fait du risque de
transmission d’agents infectieux, connus ou
non.
Les conférences de consensus de 1989,
de 1995 sur l’albumine et celle de 1997, ainsi
que de nombreuses études, permettent aujourd’hui de proposer des indications
clarifiées des différents solutés.
Cristalloïdes, hydroxyéthylamidons (HEA) et gélatines
trouvent chacun leur place dans la stratégie
du remplissage en fonction du tableau
clinique et sont souvent associés.
En
revanche, le sérum salé hypertonique qui a
suscité de nombreuses publications n’a pas
encore vu ses indications clairement établies.
Quant aux substituts du sang de type
transporteurs de l’oxygène (O2), les études
cliniques restent à faire.
Le choix rationnel des solutés dans la
conduite du remplissage vasculaire nécessite
tout d’abord le rappel des notions de
physiologie et la connaissance des propriétés
pharmacologiques d’expansion volémique
de chacun des solutés.
De plus, il faut
intégrer des facteurs économiques, le surcoût
n’étant pas justifié en dehors d’avantages
cliniques clairement démontrés.
Rappels physiologiques
:
Après administration intraveineuse, un
soluté va se répartir dans les différents
secteurs hydriques de l’organisme en
fonction de gradients de pression
hydrostatique et/ou osmotique.
A - SECTEURS HYDRIQUES
DE L’ORGANISME :
L’eau totale représente 60 % du poids du
corps chez un adulte moyen et se répartit en
trois compartiments :
– secteur intracellulaire (40 % du poids du
corps, soit les deux tiers de l’eau totale) ;
– secteur extracellulaire (20 % du poids du
corps, soit le tiers de l’eau totale), lui-même
réparti en :
– secteur interstitiel (15 % du poids du
corps, soit les trois quarts de l’eau
extracellulaire) ;
– secteur intravasculaire (5 % du poids du
corps, soit le quart de l’eau extracellulaire)
;
– secteur transcellulaire, inférieur à 1 %.
Il est
virtuel chez l’homme normal mais peut
considérablement augmenter dans certaines
situations pathologiques : c’est le cas lors
d’une occlusion intestinale qui réalise alors
un troisième secteur conséquent.
Le volume sanguin total, ou volémie,
d’environ 5 L chez un adulte, se distribue de
façon très inégale dans le système
circulatoire.
La plus grande partie se trouve
en effet dans le système capacitif à basse
pression, c’est-à-dire le système veineux
périphérique (65 %) et la circulation
pulmonaire (12 %), le reste étant partagé
entre les vaisseaux artériels (15 %) et les
cavités cardiaques en diastole (8 %).
Cette
répartition explique les effets de la posture
et du pantalon antichoc dans le traitement
de l’hypovolémie et les propriétés de
redistribution induites par les médicaments
vasoactifs.
Les secteurs
intra- et extracellulaire sont séparés par la membrane
cellulaire, perméable à l’eau mais imperméable aux grosses
molécules et aux ions pour lesquels il existe des mécanismes
actifs de transfert.
La
répartition de l’eau de part et d’autre de la membrane
cellulaire est régie par l’osmolalité extracellulaire, elle-même sous
la dépendance du sodium qui constitue le
squelette de ce secteur.
C’est la membrane capillaire qui sépare le
secteur intravasculaire du secteur interstitiel.
Elle est perméable à l’eau et aux ions,
imperméable aux grosses molécules dont
l’encombrement stérique dépasse 35 Å, qui
restent ainsi dans le secteur plasmatique et
sont à l’origine de la pression colloïdoosmotique
qui tend à retenir l’eau dans le
secteur vasculaire.
En fait, la membrane
vasculaire est loin d’être semi-perméable et
tous les colloïdes utilisés diffusent plus ou
moins largement au travers de celle-ci.
Au
niveau cérébral, la membrane microvasculaire
est particulière : c’est la barrière
hématoencéphalique, peu perméable aux
ions. Les mouvements hydriques y sont plus
dépendants des gradients osmotiques
qu’oncotiques.
Cette notion est très
importante dans le remplissage vasculaire
chez le patient présentant une situation
d’oedème cérébral ou neuronal potentiel
(traumatisme crânien, accident vasculaire
cérébral, atteinte médullaire aiguë...).
B - MOUVEMENTS D’EAU
ENTRE SECTEURS PLASMATIQUE
ET INTERSTITIEL
:
L’étude de la persistance d’un soluté de
remplissage dans l’espace vasculaire, but
premier de la thérapeutique, impose de
connaître les mouvements d’eau entre les
secteurs plasmatique et interstitiel.
La voie
d’administration habituelle est la voie
veineuse, mais une solution cristalloïde ne
contenant pas de macromolécules peut aussi
être administrée par voie sous-cutanée
(secteur interstitiel) : elle diffuse dans
l’ensemble du secteur extracellulaire,
volémie comprise.
1- Facteurs régissant
les mouvements d’eau
:
* Pressions oncotiques
:
+ Pression oncotique du plasma
:
Les protéines plasmatiques, particulièrement
l’albumine, qui en représente les deux tiers,
exercent une pression colloïdo-osmotique
qui tend à retenir l’eau dans les vaisseaux
(1g d’albumine exerce une pression de
0,4 mmHg).
Cette pression est liée à la
concentration en protéines exprimée en
nombre de molécules ; elle n’est donc pas
strictement proportionnelle à la protidémie,
surtout en urgence, en particulier en cas
d’inflation hydrique. Elle peut être mesurée
par un oncomètre, les valeurs normales se
situant entre 25 et 28 mmHg.
Ces chiffres
sont à comparer avec la pression osmotique
qui dépasse 6000 mmHg.
+ Pression osmotique de l’interstitium
:
La membrane microvasculaire n’est pas
strictement imperméable aux protéines.
Cette perméabilité relative est quantifiée par
un coefficient de réflexion osmotique r
variant de 0 (perméabilité totale) à 1
(imperméabilité complète).
Ce coefficient
compris normalement entre 0,8 et 0,9
descend entre 0,6 et 0,7 au niveau des
capillaires pulmonaires et même à 0,5 au
niveau du tube digestif ; il peut être inférieur
à 0,3 dans certaines situations pathologiques
(choc septique), traduisant une altération
grave de la perméabilité capillaire.
La
pression oncotique ainsi générée tend à
attirer l’eau dans le secteur interstitiel.
Il en résulte la notion de pression oncotique
efficace qui correspond à 90 % de la pression
oncotique plasmatique, mais à seulement
30 % au niveau pulmonaire et même 10 %
au niveau du tube digestif.
On observe donc
un passage physiologique d’albumine vers
le secteur interstitiel à un débit d’environ
140 g/24 h, puis celle-ci regagne le secteur
plasmatique par le biais du drainage
lymphatique qui est capable de s’accroître
considérablement, en particulier au niveau
pulmonaire.
En cas d’hypoprotidémie, la
concentration en protéines du secteur
interstitiel diminue également, entraînant
une baisse parallèle de la pression oncotique
interstitielle.
Au total, une solution cristalloïde diffuse
dans l’ensemble du secteur extracellulaire et,
en fonction de son osmolalité, elle se
distribue en partie dans le secteur
intracellulaire (solution hypotonique) ou au
contraire elle attire de l’eau intracellulaire
vers le secteur extracellulaire (solution
hypertonique).
Les solutions colloïdales
restent dans le secteur plasmatique, diffusent
en partie en interstitiel (solutions hypooncotiques)
ou attirent de l’eau de ce secteur
vers le secteur vasculaire (solutions
hyperoncotiques).
* Pression hydrostatique
:
La pression hydrostatique interstitielle est
faible et n’augmente significativement qu’en
cas d’hyperhydratation supérieure à 70 %.
La pression hydrostatique intravasculaire est
mieux connue ; elle décroît du pôle artériel
(35 mmHg) au pôle veineux (15 mmHg).
2- Équilibre de Starling
:
Il intègre les données précédentes qui
déterminent un flux vers le secteur
interstitiel au niveau du pôle artériel et un
flux inverse au niveau du pôle veineux.
Ceci
permet les échanges assurant les besoins
nutritionnels des tissus et contribue au
maintien de la volémie.
Le flux net est
d’environ 2 à 4 L/24 h vers le secteur
interstitiel et le drainage lymphatique en
assure le retour vers le secteur plasmatique.
Cet équilibre est modifié dans certaines
situations pathologiques :
– en cas d’hypoprotidémie (dénutrition ou
plus souvent hémodilution), la pression
oncotique plasmatique baisse, favorisant la
fuite liquidienne extravasculaire.
Le
phénomène est limité par la baisse parallèle
de la pression oncotique interstitielle et une
accélération du drainage lymphatique ;
– en cas d’altération de la perméabilité
capillaire (choc septique ou état de choc
prolongé), les pressions oncotiques
plasmatique et interstitielle tendent à se
rapprocher avec une baisse de la pression
oncotique efficace.
La fuite liquidienne est
encore compensable par une accélération du
drainage lymphatique qui met à l’abri de
l’oedème interstitiel ;
– en cas d’hypovolémie, la baisse de
pression hydrostatique capillaire entraîne un
passage immédiat d’eau de l’interstitium
vers le secteur plasmatique ;
– dans tous les cas, une augmentation de la
pression hydrostatique capillaire accroît la
fuite liquidienne car l’augmentation de la
pression hydrostatique interstitielle reste
modérée.
Ainsi, on n’observe pas d’augmentation
significative de l’eau intrapulmonaire et
donc de l’incidence de l’oedème pulmonaire
en cas d’hypo-oncocité, sauf si la pression
hydrostatique capillaire s’élève.
Il n’est donc
pas nécessaire de corriger la baisse de la
protidémie, sauf si la pression
hydrostatique s’élève : dans ce cas, le recours
aux colloïdes est justifié mais doit rester
prudent puisque l’apport de solutés
macromoléculaires est lui-même un facteur
d’augmentation des pressions de
remplissage.
C - RÉGULATION DE LA VOLÉMIE
:
Elle fait appel au rein qui régule les pertes
d’eau et d’électrolytes, particulièrement le
sodium.
Plusieurs mécanismes interviennent,
des mécanismes rénaux directs,
l’autorégulation, les mécanismes nerveux, le
système nerveux sympathique, des
mécanismes hormonaux, le système rénine-angiotensine-aldostérone, le facteur atrial natriurétique, l’hormone antidiurétique.
D’autres mécanismes sont impliqués en cas
d’hyperhydratation extracellulaire : l’espace
de diffusion des protéines augmente et
accroît le gradient de pression oncotique plasma-interstitium.
Il en résulte une
rétention d’eau dans le secteur interstitiel,
surtout si la pression hydrostatique
interstitielle s’élève.
Enfin, la lymphe joue
un rôle fondamental en ramenant vers le
système cave un flux de liquide interstitiel
comportant de l’albumine ; l’énergie qui
mobilise les flux provient des battements
artériels, des contractions musculaires et de
la compression respiratoire des septa
alvéolaires.
Le drainage lymphatique peut
être multiplié par dix dans les poumons,
alors qu’une pression veineuse centrale
(PVC) très élevée pourrait en limiter
l’ampleur.
En cas d’hypovolémie, la baisse
de pression hydrostatique microvasculaire
par fermeture du sphincter précapillaire
limite le flux d’eau vers le secteur interstitiel,
tandis que le drainage lymphatique se
poursuit.
La complexité des mécanismes de régulation
explique les difficultés d’établir la pharmacologie
précise des solutés de remplissage
dont l’effet dépend en ampleur et en durée
de la volémie initiale et des mécanismes
régulateurs mis en jeu.
Les données
pharmacodynamiques obtenues chez le
volontaire sain sont ainsi très différentes de
celles observées en pathologie.
D - PARAMÈTRES DE L’OXYGÉNATION
TISSULAIRE
:
La correction de la volémie a pour finalité
l’oxygénation tissulaire : l’objectif de la
circulation est représenté par le transport de
l’O2 dont les facteurs sont le débit cardiaque
et le contenu artériel en O2 (CaO2).
Sur un coeur sain, c’est le retour veineux qui
est le principal déterminant du débit
cardiaque (loi de Starling), les modifications
de contractilité intervenant peu.
Ainsi, c’est
le remplissage et/ou l’augmentation du
tonus vasomoteur qui augmentent le retour
veineux, donc le débit cardiaque.
Sur un
coeur défaillant, le remplissage vasculaire
nécessite cependant un soutien inotrope,
l’augmentation de la précharge pouvant être
mal tolérée si le ventricule ne peut en
assurer l’éjection.
Le contenu artériel en O2 dépend de
l’oxygénation sanguine (SaO2) et de la
quantité d’hémoglobine.
Le taux de
l’hémoglobine doit être pris en compte pour
optimiser le transport d’O2 et l’idéal réalise
un compromis entre la quantité de
transporteur d’O2 et la viscosité sanguine
permettant un bon cheminement dans la
microcirculation.
La baisse de l’hématocrite
facilite cette circulation et est mise à profit
dans les techniques d’hémodilution normovolémique.
Pharmacologie
des solutés
de remplissage
vasculaire :
A - CRISTALLOÏDES
:
Les cristalloïdes sont des solutés contenant
de l’eau et des ions. Leur utilisation dans le
traitement de l’hypovolémie est très
ancienne.
1- Solutés isotoniques
:
* Propriétés physicochimiques
:
On exclura d’emblée les solutés glucosés
dépourvus d’électrolytes qui ne sont pas des
solutés de remplissage : ils diffusent dans
l’eau totale et abaissent dangereusement
l’osmolalité plasmatique.
Il s sont
particulièrement délétères chez le traumatisé
crânien ou en situation d’ischémie cérébrale
ou neuronale, car ils génèrent un oedème
intracellulaire marqué.
La perfusion de 1 L
de glucosé correspond en effet, après
métabolisation du glucose, à l’apport de 1 L
d’eau qui passe librement les membranes.
Le sérum salé à 0,9 % est bien isotonique,
avec une osmolarité de 308 mOsm·L-1.
En
revanche, il porte assez mal sa dénomination
de sérum physiologique du fait d’une teneur
élevée en chlore qui expose à l’acidose hyperchlorémique.
Le cristalloïde isotonique de référence est la
solution dite de Ringer lactate, plus
équilibrée en chlore et qui apporte
indirectement un tampon bicarbonate par
métabolisation hépatique du lactate,
exposant en cas d’apports massifs à
l’alcalose métabolique.
Sa composition peut légèrement varier selon le
fabricant.
Il est en revanche discrètement
hypotonique à 273 mOsm·L-1.
Cette donnée
doit être prise en considération dans toutes les situations
potentielles d’oedème cérébral où il est contre-indiqué.
*
Pharmacodynamie :
Les
cristalloïdes isotoniques se distribuent en moins de 1 heure
dans l’ensemble du secteur extracellulaire.
Dans un
premier temps, l’apport de cristalloïdes isotoniques va
compenser la relative déshydratation du secteur interstitiel
dont le contenu s’est trouvé rapidement mobilisé vers le secteur
plasmatique au début d'une hypovolémie.
Pour un remplissage de faible volume, la
faible baisse de la pression oncotique
plasmatique liée à la dilution est compensée
par l’augmentation de la pression
hydrostatique interstitielle et la répartition
se fait pour 25 à 30 % dans le secteur
vasculaire contre 70 à 75 % dans le secteur
interstitiel.
Pour un remplissage plus important, le
secteur interstitiel va emmagasiner des
quantités d’eau considérables sans élévation
notable de la pression interstitielle, et seul
un faible pourcentage du volume perfusé
reste en intravasculaire ; l’inflation
interstitielle élève cependant le flux
lymphatique qui ramène ainsi de l’albumine
vers le secteur plasmatique.
La perfusion de 1 000 mL de cristalloïdes
isotoniques augmente la volémie de 170 à
300 mL selon le contexte volémique de
départ ; il faut donc administrer trois à cinq
fois le volume à compenser et prolonger cet
apport.
C’est le Ringer lactate qui
est utilisé préférentiellement, sauf en cas de
traumatisme crânien ou médullaire,
d’ischémie cérébrale, d’insuffisance
hépatocellulaire ou d’hyperkaliémie.
* Avantages. Inconvénients
:
+ Avantages
:
Ce sont le faible coût, l’absence de toute
réaction de type allergique et l’absence de
posologie maximale.
+ Inconvénients
:
Il s’agit essentiellement de l’inflation hydrosodée, particulièrement au niveau
sous-cutané avec apparition d’oedèmes
cliniques au-delà de 3 L de surcharge.
Les
effets délétères réels de cette inflation restent
à documenter, comme le retard de
cicatrisation ou le ralentissement du transit.
La comparaison colloïdes/cristalloïdes
isotoniques ne montre aucune différence
entre les types de solutés en ce qui concerne
mortalité, oedème pulmonaire et durée de
séjour.
Cependant, elle objective une
différence significative en faveur des
cristalloïdes sur la mortalité dans le groupe
des patients traumatisés.
Le risque d’oedème pulmonaire est
plus lié aux élévations de la pression
hydrostatique : la baisse de la pression
oncotique plasmatique a peu d’effets sur
l’eau intrapulmonaire car une perméabilité
augmentée de la membrane alvéolocapillaire
aux protéines abaisse le gradient oncotique
plasma/interstitium.
De plus, la pression capillaire y est basse par rapport au niveau
systémique et le drainage lymphatique est
capable de s’élever dans des proportions
considérables.
On observe également une hémodilution
avec baisse de l’hématocrite et des facteurs
de coagulation, commune à l’utilisation des
dérivés non sanguins en cas d’hémorragie.
L’aggravation d’une acidose lactique par
une perfusion de Ringer lactate n’est pas
étayée, mais ce soluté fausse l’interprétation
de la lactatémie au cours de l’état de choc.
Enfin, le pouvoir d’expansion réduit et assez
lent retarde la correction volémique donc
celle du choc et, pour des hypovolémies
importantes, les quantités à perfuser
deviennent considérables.
2- Solutés hypertoniques
:
Les premières études apparaissent en 1980
et portent sur le choc hémorragique
expérimental avec une efficacité identique
par rapport aux cristalloïdes isotoniques
pour des volumes perfusés moindres.
L’utilisateur est
donc contraint de le préparer à partir d’une
poche de 100 mL de sérum salé à 0,9 % par
retrait de 35 mL remplacés par 35 mL de
sérum salé hypertonique à 20 % (ampoule
de NaCl).
Un protocole écrit destiné aux
infirmières est de règle dans les services
utilisateurs.
En 2001, vient d’apparaître sur le marché
français une solution salée hypertonique à
7,5 % associée à du dextran 70 à 6 % (Rescue
Flowt).
Une solution à 7,2 % associée à un HEA 200/0,5 est déjà utilisée en Europe.
Pour une même osmolalité, les solutés de
NaCl se sont révélés supérieurs aux solutés
bicarbonatés ; quant à la concentration
optimale de NaCl, les études comparant
l’effet volémique des solutions à 1,2 %, 3,6 %,
7,5 % et 10 % ont conclu à un effet plateau
apparaissant à la concentration de 7,5 %.
Le sérum salé à 7,5 % est fortement
hypertonique donc agressif pour
les veines dans lesquelles il est administré.
Le rinçage par un soluté isotonique ou le
recours à la voie centrale sont recommandés.
Sa viscosité est en revanche identique à celle
de l’eau et il peut être administré facilement
à la seringue.
* Pharmacodynamie
:
L’action du sérum salé hypertonique est
complexe, associant un effet d’expansion volémique, des effets sur la microcirculation
et une action cardiaque propre.
L’expansion volémique obtenue est immédiate et
importante, de l’ordre de trois à sept fois le
volume perfusé, mais transitoire, de
moins de 1 heure.
Elle se fait aux
dépens d’un appel d’eau des secteurs
intracellulaire et interstitiel vers le secteur
plasmatique par le biais de l’hyperosmolarité.
Un appel d’eau a aussi lieu à partir
des globules rouges et de la cellule
endothéliale, créant des conditions
rhéologiques favorables au traitement de
l’état de choc.
De même, on n’observe pas
de modification de l’eau intrapulmonaire.
Il
s’y associe des mécanismes réflexes à
médiation vagale avec vasodilatation précapillaire au niveau des territoires
splanchnique, rénal et coronaire et
vasoconstriction musculocutanée.
La veinoconstriction avec une amélioration du
retour veineux par mobilisation du système
capacitif est plus contestée.
Enfin, le
sérum salé hypertonique augmente la contractilité myocardique par
l’intermédiaire des catécholamines et du
système sympathique.
Dans l’état de choc,
on observe également une diminution de
l’oedème intracellulaire myocardique et
l’amélioration de la circulation splanchnique
pourrait diminuer la sécrétion de myocardial
depressing factor (MDF).
* Avantages. Inconvénients
:
+ Avantages
:
L’expansion volémique obtenue est rapide
et importante pour un faible volume
perfusé, un coût très faible et un maniement
facile.
La tolérance sur une voie
veineuse périphérique est correcte malgré
l’hyperosmolarité considérable.
La
réalisation du groupage sanguin n’est pas
perturbée.
À effet volémique comparable,
chez le traumatisé crânien, le sérum salé
hypertonique élève moins la pression
intracrânienne par rapport au Ringer lactate
(hypotonique) et aux colloïdes.
Son utilisation est validée chez l’enfant
traumatisé crânien grave et la métaanalyse
de Wade avec l’association salé
hypertonique/dextran montre une
amélioration globale du pronostic chez des
traumatisés hypotendus.
+ Inconvénients
:
Le premier inconvénient est l’élévation de
l’osmolalité plasmatique et de la natrémie,
source de déshydratation intracellulaire avec
risque d’hémorragie cérébrale, voire de
myélinolyse centropontine.
En fait, il n’y a
pas de réel effet délétère pour une osmolarité ne dépassant pas 330 mOsm·L-1,
soit une natrémie restant inférieure à
155 mOsm·L-1.
Ceci correspond à une posologie
de 3 à 6 mL·kg-1 de NaCl à 7,5 % qui
devrait être considérée comme la posologie
maximale.
L’eff e t obtenu est éphémère mais
l’association avec un colloïde (dextran ou
HEA) le prolonge.
L’hémorragie persistante ou récidivante
constitue aussi une limite à l’utilisation du
sérum salé hypertonique, d’autant que la
restauration hémodynamique pourrait
contribuer à augmenter le saignement non
contrôlé.
Cependant, la même métaanalyse a montré chez des blessés à plaie
pénétrante une meilleure correction de la
pression artérielle sans augmentation du
saignement pré- et peropératoire.
Il existe un risque allergique théorique en
association avec le dextran (Rescue Flowt).
Enfin, le risque d’hypokaliémie doit être
rapidement détecté par la surveillance
biologique.
B - COLLOÏDES ARTIFICIELS
:
1- Gélatines
:
En France, les gélatines existent sous deux
formes : les gélatines à pont d’urée (GPU) : Haemaccelt, et les gélatines fluides
modifiées (GFM) : Plasmiont, Plasmagelt,
Plasmagel désodét, Gélofusinet.
* Propriétés physicochimiques
:
Il s’agit de polypeptides obtenus par
hydrolyse du collagène osseux de boeuf.
Leur poids moléculaire moyen en poids
(PMp) est d’environ 35 kDa, leur poids
moléculaire moyen en nombre (PMn) de
23 kDa. Les solutions sont légèrement
hypertoniques en dehors du Plasmagel
désodét et exercent un pouvoir oncotique
proche de celui du plasma.
Les gélatines
sont en solution soit équilibrée (Plasmiont,
Plasmagelt, Gélofusinet, Haemaccelt), soit
glucosée (Plasmagel désodét).
Certaines
gélatines contiennent une grande quantité de
calcium (6,25 et 13,5 mmol·L-1 pour
l’Haemaccelt et le Plasmagelt).
Le point de gélification des gélatines se situe
entre 0 et 4 °C, rendant difficiles le stockage
et leur utilisation aux basses températures
en médecine préhospitalière.
Cependant, en
dehors de ces difficultés, ces phénomènes de
gélification n’ont pas de conséquence
clinique, puisque la gélification est réversible
au réchauffement, sans altération de la
solution.
* Pharmacocinétique
:
La pharmacocinétique des gélatines est mal
connue devant l’absence de méthode de
dosage précis de leur concentration
sanguine.
Après perfusion de gélatines, trois devenirs
sont possibles en fonction du poids
moléculaire des molécules :
– la majeure partie (90 %) est éliminée par
le rein, dont 40 à 50 % en 6 heures et plus
particulièrement dans les 2 premières
heures, et 50 à 60 % en 24 heures ; les 10 %
restants le sont par le tube digestif ;
– les molécules de petite taille diffusent
immédiatement dans le secteur interstitiel
(20 % de la dose administrée) ;
– une faible fraction est catabolisée par des
enzymes protéolytiques (trypsine, plasmine,
cathepsine).
Leur demi-vie est d’environ 5 heures. Les
gélatines ne semblent pas s’accumuler dans
l’organisme puisque, après 48 heures, il n’y
a plus de trace de gélatine fluide modifiée
dans les tissus.
* Pharmacodynamie
:
Chez le malade hypovolémique, 500 mL de
gélatine augmentent le compartiment
vasculaire de 400 à 500 mL, mais il ne reste
au mieux que 300 mL 4 heures plus tard.
D’autres études rapportent des chiffres plus
bas.
* Effets secondaires
:
+ Réactions anaphylactoïdes
:
Les gélatines sont des produits de
remplissage avec un risque de réactions
anaphylactoïdes élevé (0,345 %), ce risque
étant six fois plus élevé qu’avec les HEA et
l’albumine.
Ces phénomènes sont plus
fréquemment observés avec les GPU ; de
plus, ils sont responsables des réactions
cliniques les plus graves.
Une
origine immunologique à ces réactions
allergiques par la détection d’anticorps antigélatines a été rapportée.
Dans d’autres
cas, il s’agit d’une histaminolibération non
spécifique.
En raison du risque allergique
à la fois maternel et foetal, les gélatines sont
formellement contre-indiquées chez la
femme enceinte.
+ Effets sur l’hémostase
:
Les gélatines retentissent de manière limitée
sur l’hémostase.
Les effets sur la coagulation
globale et sur l’agrégation plaquettaire sont
différents selon qu’il s’agit de GFM ou de
GPU.
In vitro, toutes les gélatines diminuent la
formation du caillot.
Cet effet est lié à la
formation d’un complexe résultant de la
liaison fibronectine-gélatine s’incorporant au
caillot en formation et interférant avec la
polymérisation des monomères de fibrine.
In vivo, les gélatines sont responsables de
modifications modérées du complexe de Willebrand qui se fixe sur les molécules de
la gélatine au niveau de sites collagéniques.
L’agrégation plaquettaire induite
par la ristocétine est diminuée avec les deux
types de gélatines.
En revanche, l’agrégation
induite par d’autres agents (acide adénosine diphosphate [ADP], adrénaline, collagène...)
est nettement diminuée avec la GPU et
non modifiée avec la GFM.
Cette différence
entre les deux types de gélatines est
principalement expliquée par la
concentration élevée de calcium contenue
dans la GPU.
Ainsi, les GPU pourraient
aggraver l’hémorragie, en particulier chez
des traumatisés présentant une
augmentation du calcium ionisé.
L’agrégation érythrocytaire est augmentée.
+ Risque rénal
:
Au niveau histologique, la perfusion de
gélatines peut entraîner des lésions
transitoires de « néphrose osmotique »
localisées aux cellules endothéliales des
tubes proximaux.
Cependant, quelques cas
d’insuffisance rénale aiguë ont été rapportés
avec les gélatines.
+ Autres effets
:
Des erreurs d’appréciation du facteur
Rhésus peuvent survenir en présence de
gélatines, d’où la nécessité du prélèvement
sanguin pour groupage avant la perfusion
de gélatines.
+ Risque de transmission d’agents non
conventionnels :
Le risque de transmission d’agents
pathogènes ne peut être formellement exclu,
compte tenu de l’origine animale de la
gélatine.
À ce jour, les gélatines n’ont jamais
été impliquées dans un accident de
transmission de virus pathogènes ou
d’agents transmissibles pathogènes non
conventionnels, grâce à l’application de
l’ensemble des mesures de sécurité.
D’après l’European Agency for the
Evaluation of Medical products (EMEA), la sécurité des solutions de gélatines
vis-à-vis du risque biologique est garantie si les critères
suivants sont impérativement réunis :
– origine :
l’origine doit exclure le Royaume-Uni ;
– procédé de
fabrication : les effets cumulés du lavage, de la
décalcification acide, suivis d’un traitement acide et alcalin
prolongé (6 semaines à pH 12), puis d’une filtration et
stérilisation sont suffisants pour éliminer tout risque ;
– source des
tissus : la source des tissus utilisés pour les produits
pharmaceutiques est classée comme n’ayant pas de risque
infectieux détectable (catégorie IV).
2- Dextrans
:
Les dextrans, largement utilisés pendant
40 ans, sont les produits pour lesquels il
existe le plus grand recul d’utilisation.
Leur
usage comme soluté de remplissage a
nettement décru dans la plupart des pays en
raison de la gravité de leurs effets
secondaires.
Les dextrans disponibles en
France sont l’Hémodext (solution à 6 % de
dextran 60) et le Rhéomacrodext (solution à
10 % de dextran 40).
* Propriétés physicochimiques
:
Les dextrans sont des polysaccharides
monocaténaires d’origine bactérienne.
Ces
molécules polydispersées sont caractérisées
par le poids moléculaire moyen.
On distingue le PMp qui correspond à la somme
arithmétique des poids moléculaires et le
PMn qui correspond au poids moléculaire
moyen des particules exerçant le pouvoir
colloïdo-osmotique.
* Pharmacocinétique
:
Après perfusion de dextran, trois devenirs
sont possibles en fonction du poids
moléculaire moyen :
– la majeure partie est éliminée par le rein ;
– une fraction moins importante passe dans
le secteur interstitiel, avec soit retour dans la
circulation sanguine par l’intermédiaire du
drainage lymphatique, soit métabolisation
dans certains organes ;
– une petite fraction est éliminée par le tube
digestif.
Ainsi, après la perfusion de dextran 40, la
moitié de la quantité est éliminée en 2 heures
et 80 % en 6 heures. Après la perfusion de
dextran 60, 50 % de la dose est éliminée en
24 heures.
* Pharmacodynamie
:
+ Effets d’expansion volémique
:
En situation de normovolémie, la perfusion
de 500 mL de dextran 40 à 10 % entraîne
une expansion volémique de 400 à 500 mL,
peu durable, réduite à 250 mL au bout de
1 heure.
L’effet du dextran 60 à 6 % a un
effet plus prolongé.
Chez le patient hypovolémique, la perfusion de dextran 40
à 10 % entraîne une augmentation de la
volémie de 700 à 1 000 mL, avec un effet
plus durable puisqu’elle est encore de
250 mL à la sixième heure.
Le dextran 60 à
6 % entraîne une expansion plus faible que
celle du dextran 40, mais l’effet est plus
prolongé puisque la moitié du volume
perfusé est retrouvée au bout de 8 heures.
+ Effets rhéologiques
:
Les dextrans 40 diminuent la viscosité
sanguine et augmentent le temps de
rouleau-formation érythrocytaire.
Ils
améliorent donc les conditions rhéologiques.
* Effets secondaires
:
+ Réactions anaphylactoïdes
:
Le mécanisme des réactions avec les
dextrans est lié à la présence d’anticorps
antidextrans de type immunoglobulines
(Ig)G.
Près de 70 % de la population
possède des anticorps circulants antidextrans, avec des concentrations élevées
dans 15 à 25 % des cas.
Ces anticorps sont
vraisemblablement induits par les dextrans
de haut poids moléculaire ingérés dans la
nourriture ou produits par les bactéries du
tube digestif.
La protection hapténique par
le dextran 1 000 Da (Promitt) injecté avant
la perfusion réduit considérablement
l’intensité et la fréquence des réactions :
Ljunstrom et al ont rapporté 35 fois moins
d’accidents aux dextrans depuis l’utilisation
de cette protection.
Cependant, il persiste
toujours un certain nombre de sujets qui
réagissent à l’administration de dextrans, y compris des réactions
anaphylactoïdes au Promitt.
Les dextrans
sont formellement contre-indiqués chez la
femme enceinte.
Les contraintes d’utilisation du Promitt sont
importantes :
– 20 mL de dextran 1 000 Da doivent être
injectés en 1 à 2 minutes avant toute
perfusion de dextran ;
– le délai entre l’injection de Promitt et le
début de perfusion de dextran doit être
inférieur à 15 minutes, sinon une nouvelle
dose doit être injectée ;
– dans les 48 premières heures, l’injection
de Promitt n’est pas nécessaire en cas de
réutilisation de dextran.
Ces contraintes expliquent leur utilisation
plus limitée.
+ Effets rénaux
:
La survenue d’une insuffisance rénale aiguë
par obstruction tubulaire est une éventualité
exceptionnelle, exclusivement avec les dextrans 40 à 10 %.
Des facteurs favorisants
tels que l’âge, un terrain artéritique, une
administration répétée sont retrouvés dans
la plupart des observations publiées.
+ Effets sur l’hémostase
:
Un allongement du temps de saignement est
classiquement observé avec des doses de
1,5 g·kg-1.
Les études ont permis de
rapporter les troubles de l’hémostase induits
par la perfusion de dextran à un syndrome
de Willebrand acquis de type I, réversible
par l’administration de desmopressine.
De plus, les dextrans sont susceptibles
d’altérer la polymérisation de la fibrine,
facilitant la lyse des caillots de fibrine par la
plasmine. L’adhésion plaquettaire est
diminuée ; celle-ci est en rapport avec la
diminution du facteur VIII.
Les recommandations d’utilisation suivantes
doivent être observées :
– la dose quotidienne de 1,5 g·kg-1(soit
environ 20 mL·kg-1) ne doit pas être
dépassée ;
– les dextrans sont contre-indiqués chez le
patient présentant une maladie de
Willebrand, une hémophilie, une diathèse hémorragique ou une thrombopénie et
chez la femme enceinte.
3- Hydroxyéthylamidons
:
Introduits en clinique en 1966 aux États-Unis et en Allemagne, les HEA n’ont été mis
sur le marché en France qu’en 1991, et seuls
ceux de poids moléculaire moyen y sont
actuellement disponibles (Elohest,
Heafusinet, Hesterilt).
La mise sur le
marché d’un nouvel HEA, de bas poids moléculaire, est très récente (Voluvent).
* Propriétés physicochimiques
:
Les effets des HEA dépendent de leur poids moléculaire in vivo qui détermine
l’expansion volémique et l’accumulation
tissulaire , d’où l’importance des
caractéristiques physicochimiques.
Les HEA sont des polymères naturels
modifiés du glucose composés de chaînes
polysaccharidiques, dérivées de
l’amylopectine d’amidons végétaux (le plus
souvent extrait du maïs).
Chez
l’homme, les solutions d’amidon naturel
sont rapidement hydrolysées par l’aamylase
plasmatique.
L’hydroxyéthylation
ou éthérification permet de stabiliser la
solution en augmentant l’hydrophilie de la
molécule et de ralentir l’hydrolyse
plasmatique.
Des groupements hydroxyéthyles (C2H4OH) substituant
les
groupements hydroxyles peuvent être placés
en position, soit C2, soit C3, soit C6, sur
chaque cycle hexose.
L’hydroxyéthylation en
C2 est celle qui confère à la molécule de
glucose la plus grande résistance à
l’hydrolyse. Ainsi, les solutions d’HEA sont
caractérisées par quatre variables :
– poids moléculaire moyen in vitro : les HEA
sont des solutions polydispersées, c’est-àdire
constituées d’un mélange de chaînes
saccharidiques de poids moléculaire
différent.
Comme pour les autres colloïdes,
on distingue le PMp et le PMn ;
– Concentration : le pouvoir oncotique est
déterminé par la concentration de l’HEA ;
– Taux de substitution molaire (TSM) ou degré
de substitution (DS) : le TSM correspond au
rapport molaire des concentrations de
radicaux hydroxyéthyles et de glucose.
Plus
le TSM est élevé, plus la quantité de
radicaux hydroxyéthyles est grande et plus
les chaînes polysaccharidiques résistent à la
dégradation par l ’a-amylase.
Cette
caractéristique détermine la durée de
persistance intravasculaire.
Des taux de
substitutions s’échelonnant de 0,45 à 0,70 ont
été utilisés dans différentes préparations
commercialisées à travers le monde ;
– rapport C2/C6, qui correspond au nombre
de carbones hydroxyéthylés en C2 divisé par
le nombre de ceux hydroxyéthylés en C6 sur
les molécules de glucose.
Plus le rapport
d’hydroxyéthylation C2/C6 est élevé, plus
la solution d’HEA résiste à l’hydrolyse
enzymatique par l’a-amylase et plus le
pouvoir d’expansion volémique se
maintient.
Ces variables, caractérisant les solutions
d’HEA, conditionnent leur comportement
intravasculaire.
* Pharmacocinétique
:
La pharmacocinétique des HEA est
complexe du fait de l’hétérogénéité de ces
solutions.
Après administration unique, la
pharmacocinétique des HEA dépend de
quatre processus plus ou moins simultanés :
– la diffusion dans le secteur interstitiel
(20 % environ comme tous les colloïdes) ;
– la filtration glomérulaire des petites
molécules (PM £ 60 kDa) ;
– la fragmentation progressive des grosses
molécules en intravasculaire par l’a-amylase
plasmatique. Pour certains, il pourrait s’agir
de la formation d’un complexe avec
l’enzyme, incapable d’agir en raison de
l’enveloppe hydrique qui entoure les
molécules d’HEA ;
– la phagocytose dans le système
réticuloendothélial des chaînes de poids
moléculaire haut et moyen où elles subissent
l’action d’enzymes lysosomiales (maltases,
isomaltases).
Cependant, les parts respectives de
l’hydrolyse intravasculaire et de la captation
par le système réticuloendothélial restent
controversées.
Les mécanismes précis de
l’élimination des HEA sont encore mal
élucidés.
Ainsi, le poids moléculaire in vitro
de la solution va rapidement tendre vers un
poids moléculaire in vivo inférieur, qui
dépend à la fois du poids moléculaire initial
et des caractéristiques d’hydroxyéthylation.
L’hydrolyse augmente le nombre des molécules osmotiquement actives.
Cette
caractéristique explique la stabilité de
l’expansion volémique du fait du maintien
de la pression oncotique développée.
Après l’administration répétée d’HEA,
l’élimination lente des molécules de haut
poids moléculaire conduit à leur
accumulation plasmatique puis tissulaire.
* Pharmacodynamie des HEA
:
+ Effets d’expansion volémique
:
Les HEA ont un pouvoir d’expansion
volémique à peu près identique à celui de
l’albumine à 4 %.
Comparativement aux gélatines, l’utilisation
d’HEA pourrait limiter les troubles de la
perméabilité capillaire et l’extravasation de
liquide, améliorant le rapport PO2/FiO2
dans le groupe HEA.
+ Propriétés rhéologiques
:
Expérimentalement, des effets rhéologiques
favorables ont été décrits.
Cependant, les
études cliniques n’ont pas permis d’observer
de modification de la viscosité sanguine, ni
de rouleau-formation érythrocytaire.
Certains auteurs retrouvent même une
augmentation de l’agrégation des hématies
avec de l’HEA 10 %.
* Effets secondaires
:
+ Effets secondaires observés après
administration unique
:
- Réaction anaphylactoïde
Tous les solutés de remplissage peuvent
entraîner des réactions anaphylactoïdes.
C’est avec les amidons qu’elles sont le plus
rarement observées, avec une fréquence
proche de celle observée avec l’albumine :
0,058 %.
Cependant, le mécanisme précis des
réactions aux HEA reste inconnu.
Dans la
littérature, un seul cas de réaction
anaphylactique induit par des anticorps
spécifiques anti-HEA a été publié.
Une
étude prospective incluant des patients
ayant bénéficié de l’administration d’HEA a
permis de retrouver un seul résultat positif
d’Ig anti-HEA (à faible concentration) sur
1 004 patients étudiés, sans conséquence
clinique lors d’exposition à plusieurs
reprises.
En revanche, dans cette même
étude, des réactions anaphylactoïdes de
moyenne importance suite à l’administration
d’HEA ont été observées, mais aucun
anticorps anti-HEA n’a pu être identifié.
Donc, un autre mécanisme immunologique,
indépendant des HEA, semble jouer un rôle
majeur dans l’anaphylaxie liée à
l’administration d’HEA ou par activation
directe du complément.
Les effets
secondaires observés après l’administration
des HEA pourraient être liés à une réaction
anaphylactoïde au latex contenu dans les
dispositifs de perfusion.
La bonne
tolérance des HEA est liée à leur structure
chimique dérivée de l’amidon et proche de
celle du glycogène présent dans toutes les
cellules humaines.
- Toxicité rénale
Les effets secondaires des HEA sur la
fonction rénale restent un sujet de
controverse.
Après l’administration d’HEA,
et plus particulièrement d’HEA 200/0,6 chez
les patients en mort encéphalique, des
vacuoles situées dans le cytoplasme des
tubules rénaux ont été mises en évidence
sur les biopsies de reins greffés.
Ces
lésions, appelées osmotic nephrosis like
lesions, sont tubulaires, présentes à la fois
dans les tubules proximaux et distaux.
En
revanche, aucune de ces études n’a permis
d’identifier de l’HEA dans ces vacuoles, ne
permettant pas d’établir une relation directe
entre ces lésions et l’administration d’HEA.
Dans une étude prospective comparant
l’administration préalable d’HEA 200/0,6 et
de gélatine fluide modifiée chez les patients
en mort encéphalique (69 patients), les
receveurs de transplants rénaux du groupe
traité par HEA (27 patients) étaient dialysés
six fois plus durant les 8 premiers jours
(33 % versus 5 %).
Leur courbe de
décroissance de la créatininémie était
beaucoup moins rapide.
Cependant, ce
résultat n’a pas été retrouvé dans une étude
rétrospective.
Une étude portant sur un
collectif plus important de patients reste
nécessaire.
Ainsi, dans le choix gélatines- HEA chez les patients en mort encéphalique,
il convient pour l’instant de préférer les
gélatines.
Plusieurs cas d’insuffisance rénale ont été
publiés chez des patients ayant reçu de
l’HEA 200/0,6.
La toxicité rénale reste
donc un problème d’actualité.
+ Effets secondaires en cas d’administrations
répétées :
- Réactions cutanées
Un effet secondaire fréquemment observé et
survenant uniquement après l’administration
chronique d’HEA est l’apparition
d’un prurit résistant aux diverses
thérapeutiques.
Ce prurit serait lié à un
dépôt extravasculaire d’amidon.
- Atteintes biologiques, pancréatiques et
hépatiques
Une augmentation de l’amylasémie pouvant
parfois atteindre cinq fois la valeur initiale a
été constatée après l’administration
d’HEA.
Cette réaction est liée à la
fixation de l’amidon sur l’amylase : ainsi, la
molécule échappe à l’excrétion rénale et
induit une hyperamylasémie.
Pendant
plusieurs jours après l’administration
d’HEA, les résultats de l’analyse
plasmatique ne peuvent donc pas être
utilisés comme l’unique critère diagnostique
d’une pancréatite.
Récemment, neuf cas de surcharge des
cellules de Kupffer ont été rapportés au
cours d’une enquête française de
pharmacovigilance, lors d’administrations
itératives d’HEA 200/0,6 chez des patients
présentant ou non des antécédents de
cirrhose hépatique.
L’examen histopathologique pratiqué chez ces patients
a révélé une hyperplasie des cellules de
Kupffer accompagnée ou non d’une
obstruction des sinusoïdes.
Des microvacuoles, pouvant correspondre à une
accumulation d’HEA, ont été retrouvées
dans le cytoplasme de ces cellules.
Cette
surcharge peut se traduire par une altération
de l’état général et un dysfonctionnement
hépatique et entraîner ou aggraver une
hypertension portale.
Ces accidents ont tous
été observés après utilisation d’HEA 200/0,6,
ceci étant probablement en rapport avec sa
longue demi-vie plasmatique. Par ailleurs,
une administration unique est sans
conséquence clinique.
+ Effets sur la coagulation
:
- HEA de haut poids moléculaire
Dès 1965, plusieurs études constatent un
effet délétère des HEA de haut poids
moléculaire sur l’hémostase, avec
diminution des facteurs de la coagulation,
diminution de la concentration du
fibrinogène, cette action étant indépendante
de l’effet de l’hémodilution.
Le risque
hémorragique est significativement plus
élevé à partir d’une quantité perfusée
supérieure à 20 mL·kg-1 de HEA 450. Dès
1981, la quantité perfusée a donc été limitée
à 20 mL·kg-1·j-1.
Cependant, l’utilisation de doses autorisées
d’HEA (Hetastarcht, Hespant) mais
répétées sur plusieurs jours, comme pour la
prévention ou dans le traitement du
vasospasme cérébral secondaire à une
hémorragie méningée, peut également être
responsable de troubles hémorragiques.
Ces troubles de la
coagulation sont proches de ceux observés
dans la maladie de Willebrand de type I.
De plus, ces colloïdes sont capables
d’aggraver une maladie de Willebrand
préexistante.
L’utilisation de desmopressine (à la dose de
0,3 μg·kg-1) en cas de troubles de la
coagulation secondaires à l’utilisation d’HEA
a été préconisée.
- HEA de moyen ou bas poids moléculaire
Les HEA de poids moléculaire moyen ont
des effets modérés, liés à l’hémodilution,
même à faible posologie.
À des
posologies supérieures (30 à 40 mL·kg-1), les
effets des HEA 200/0,5 ne sont pas différents
de ceux de l’albumine et des gélatines.
Ces études rassurantes expliquent
que la restriction d’utilisation, initialement
limitée à 20 mL·kg-1, a été portée à
33 mL·kg-1.
Cependant, deux cas de troubles sévères de
la coagulation après l’utilisation de grandes
quantités sur plusieurs jours d’HEA de
poids moléculaire moyen (200 kDa) ont
été rapportés.
Il existait une augmentation
du temps de thromboplastine activée avec diminution du facteur VIII et du facteur de
Willebrand.
De la même manière, les HEA
de poids moléculaire moyen (Pentastarcht,
264 kDa) entraînent des perturbations de
l’hémostase mais à un degré moindre que
l’Hetastarcht.
L’importance des effets
des HEA de poids moléculaire moyen sur la
diminution du facteur VIII et du facteur
Willebrand est corrélée au poids moléculaire
in vivo.
Ainsi, l’HEA de poids
moléculaire moyen in vitro avec un degré
de substitution bas et un rapport C2/C6 bas
(HEA 200/0,5) n’entraîne pas de chute
significative du taux du facteur VIII et du
facteur Willebrand, tandis que l’administration
répétée d’HEA 200/0,62 entraîne une
diminution du complexe facteur VIII/facteur
Willebrand.
Le mécanisme physiopathologique
précis demeure inconnu.
Le
syndrome de Willebrand acquis pourrait
résulter d’une inhibition de la synthèse ou
de la libération du facteur Willebrand par
les cellules endothéliales, d’une protéolyse
anormale du facteur Willebrand.
Une autre
hypothèse pourrait être la fixation du facteur VIII et du complexe Willebrand à la
molécule d’HEA avec une élimination
accélérée.
Dans le contexte périopératoire,
l’influence des HEA sur le facteur
VIII/facteur Willebrand est contrebalancée
par l’augmentation postopératoire des
facteurs de coagulation avec hypercoagulabilité
postopératoire et par l’augmentation
de ce complexe liée à l’activation des cellules
endothéliales qui le produisent.
Les taux des facteurs XI et XII sont
également réduits d’environ 50 % après
administration d’HEA 200/0,62 (contrairement
aux facteurs II et X).
Au total, l’HEA 200/0,6 se différencie très
nettement de l’HEA 200/0,5 et des HEA de
plus bas poids moléculaire.
Les
anomalies de la coagulation induites par
l’HEA sont directement liées au poids
moléculaire in vivo et au degré de
substitution.
Des accidents cliniques ont
donc été rapportés après une utilisation
répétée sur plusieurs jours d’HEA 200/0,6
comme pour l’HEA 450.
Ces résultats ont
été confirmés par la pharmacovigilance
française. Pourtant, ces accidents sont rares
en regard de l’utilisation large de cet HEA
en France.
Ainsi, les doses limites d’HEA doivent être
respectées.
Pour l’HEA 200/0,6, la dose
administrée doit être strictement limitée à
33 mL·kg-1 et la durée du traitement doit
être inférieure à 4 jours.
La dose maximale
administrée ne doit pas dépasser
80 mL·kg-1.
Une surveillance régulière de
l’hémostase par une mesure du TCA, du
cofacteur de la ristocétine et éventuellement
du facteur VIII C est impérative.
Cette
surveillance doit être renforcée chez les
patients recevant un traitement pouvant
retentir sur l’hémostase et chez les patients
de groupe sanguin O.
Pour les autres HEA, les mêmes règles de
surveillance s’imposent en cas de traitement
d’une durée supérieure à 4 jours et d’une
dose cumulée supérieure à 80 mL·kg-1.
L’administration des HEA est contreindiquée
en cas de maladie de Willebrand
connue ou suspectée, de troubles de
l’hémostase constitutionnels ou acquis,
d’hémophilie, d’insuffisance hépatique
sévère et chez les patients insuffisants
rénaux chroniques en cours d’hémodialyse.
Un nouvel HEA de faible poids moléculaire,
très récemment commercialisé, ne
présenterait pas d’effets secondaires sur la
coagulation même après administration
répétée.
- Influence sur les plaquettes
Après l’administration d’un seul flacon
d’HEA, une diminution de la concentration
plaquettaire en rapport avec l’effet de
dilution exercé par ces molécules a été notée
lors de plusieurs études.
Lors de l’administration répétée d’HEA de
moyen et bas poids moléculaires, une
diminution du nombre des plaquettes, due à
l’effet de dilution durant les 3 premiers
jours, est observée.
Puis une diminution
significative du volume plaquettaire est
observée ; celle-ci semble dépendre de la
concentration des HEA et du poids
moléculaire in vivo puisque la diminution
du volume plaquettaire la plus importante
est observée avec les HEA 200/0,62.
Cependant, ces perturbations ne sont pas
encore clairement expliquées et leurs
conséquences cliniques restent controversées.
Plusieurs études ont suggéré
l’existence d’une corrélation positive entre le
volume plaquettaire, la fonction plaquettaire
et le temps de saignement : la réduction
des fonctions plaquettaires au cours d’un
traitement prolongé par les HEA pourrait
favoriser les troubles de la coagulation.
+ Autres effets
:
Les HEA perturbent le groupage sanguin,
d’où la nécessité du prélèvement sanguin
avant leur perfusion.
* Nouvel HEA
:
Un nouvel HEA (Voluvent) est commercialisé
en France très récemment.
Cet HEA
est utilisé depuis quelques années en
Allemagne.
Les caractéristiques de cet HEA
sont un poids moléculaire moyen de
130 kDa, un TSM à 0,4, un rapport C2/C6 à
9 et une concentration à 6 %.
La demi-vie
plasmatique est de 3 heures avec une durée
d’action de 4 à 6 heures.
L’expansion volémique est de 100 % pendant 4 heures,
puis régulièrement décroissante.
Parmi les différents HEA, l’HEA 130/0,4
semble avoir le moins d’effet sur l’hémostase
avec potentiellement moins de risque
hémorragique.
C - DÉRIVÉS SANGUINS
:
1- Albumine
:
L’albumine, colloïde naturel, a longtemps été
utilisée comme soluté de remplissage
vasculaire en première intention.
Depuis les
conférences de consensus de 1989 et de 1995,
ses indications sont restreintes.
L’albumine est labélisée comme médicament
dérivé du sang (décret du 13 mars 1995).
Ainsi, ce colloïde d’origine humaine a été
soumis à de nouvelles réglementations sur
sa production, sa dispensation, sa traçabilité
et son autorisation de mise sur le marché
(AMM).
En tant que produit sanguin stable,
sa dispensation relève de la pharmacie.
Ce
produit est coûteux du fait de la complexité
de sa préparation et de sa production.
Deux
solutions d’albumine sont actuellement
disponibles en France : l’albumine à 4 % et
l’albumine à 20 %.
* Propriétés physicochimiques
:
L’albumine est une protéine dont le poids
moléculaire est de 68 000 Da.
C’est la
protéine plasmatique la plus abondante de
l’organisme.
Elle joue un rôle essentiel dans
les phénomènes de transport de nombreuses
substances endogènes (bilirubine non
conjuguée, acides gras, hormones) et
exogènes (médicaments).
Elle joue
également un rôle central dans la genèse et
le maintien de la pression oncotique ou colloïdo-osmotique plasmatique qu’elle
assure à 75 - 80 %.
L’albumine aurait des
fonctions d’agent d’élimination pour les
radicaux libres et d’agent de cohésion de la
membrane capillaire.
Les solutions d’albumine sont obtenues
après extraction et purification par
fractionnement du plasma humain.
La
fabrication intègre un nombre important de
contrôles, en cours de production et sur les
produits finis.
Ces contrôles permettent de
vérifier sur chaque lot la reproductibilité des
méthodes de fabrication, validées tant sur le
plan de la pureté protéique ou minérale que
sur celui de la sécurité : respect des
protocoles validés d’inactivation et/ou
d’élimination des virus et des agents non
conventionnels, sécurité bactériologique et
prévention de la contamination bactérienne.
L’albumine humaine peut être prescrite sous
forme de deux préparations de concentrations
différentes : l’albumine à 4 % qui
contient 4 g d’albumine pour 100 mL de
solution, et l’albumine à 20 % qui est cinq
fois plus concentrée.
Les deux types
d’albumine diffèrent par leur pouvoir
oncotique lié aux concentrations, et par la
charge sodée plus importante pour
l’albumine à 4 %.
L’albumine à 4 % est
légèrement hypo-oncotique, tandis que celle
à 20 % est hyperoncotique.
Les deux
solutions sont iso-osmotiques par rapport au
plasma. Pour une même quantité
d’albumine, la solution à 4 % apporte cinq
fois plus de chlorure de sodium (Na) et
d’eau (66 mmol de Na pour 500 mL de
solution à 4 % et 14,8 mmol de Na pour
100 mL de solution à 20 %).
* Pharmacocinétique
:
Après administration intraveineuse,
l’albumine se distribue lentement entre le
secteur vasculaire et le secteur interstitiel :
en 24 heures, 60 % de la masse injectée se
retrouve dans le secteur interstitiel.
Le
catabolisme (tube digestif, rein, système
réticuloendothélial) est d’environ 10 %.
La
demi-vie métabolique de l’albumine est de
18 à 20 jours.
* Pharmacodynamie
:
L’albumine est très hydrophile et très
soluble dans l’eau puisque 1 g d’albumine
retient environ 18 mL d’eau.
En pratique,
cette efficacité est moindre et moins durable
en cas d’hypoprotidémie ou de trouble de la
perméabilité capillaire.
Le pouvoir d’expansion volémique dépend
de la concentration de la solution.
L’albumine à 4 % permet d’obtenir une
expansion volémique initiale égale ou
légèrement inférieure au volume perfusé,
tandis que l’albumine à 20 % a un fort
pouvoir d’expansion volémique initial
puisqu’il atteint quatre fois le volume
perfusé.
Le pouvoir
d’expansion décroît progressivement sur une
durée de 24 heures.
Ainsi, à la 24e heure,
l’expansion volémique n’est plus que la
moitié de l’expansion initiale.
* Effets secondaires
:
+ Effets secondaires immédiats
:
Les effets indésirables de l’albumine
humaine préparée de façon rigoureuse sont
rares et consistent essentiellement en frissons-hyperthermie et d’exceptionnels
chocs anaphylactiques.
- Réaction frissons-hyperthermie
Ces réactions sont liées à la présence
d’endotoxines non décelées par les tests aux
pyrogènes.
Ces réactions ont été observées
dans un contexte de perfusion massive.
Il
n’a pas été rapporté de conséquence clinique
notable.
- Réactions anaphylactoïdes
Des réactions de type anaphylactoïde, bien
que le mécanisme IgE-dépendant n’ait pas
été formellement établi, peuvent être
exceptionnellement observées : elles vont de
l’érythème à l’hypotension et au collapsus
cardiovasculaire.
Une enquête
prospective multicentrique française
confirme que l’albumine est, avec les
amidons, le substitut plasmatique le moins
souvent associé à un accident anaphylactoïde
(0,01 %).
Les réactions
seraient liées aux agrégats protéiques
produits par le chauffage de la solution ou
au stabilisant contenu dans cette solution.
Quelques rares travaux ont permis
d’établir un mécanisme anaphylactique médié par les IgE.
+ Troubles de la coagulation
:
L’albumine n’exerce aucun effet sur
l’hémostase en dehors des effets de
l’hémodilution.
+ Effets secondaires retardés
:
Plusieurs auteurs ont signalé la
contamination de lots d’albumine par des
métaux (aluminium, chrome, nickel,
manganèse, fer, ammonium), celle-ci
pouvant être responsable d’accumulation
dans l’organisme et de conséquences
cliniques.
Ces contaminations
soulignent la nécessité d’une évaluation et
d’un contrôle rigoureux de la chaîne de
fabrication.
+ Effets secondaires liés à la contamination
par agents transmissibles de type virus ou par
agents non conventionnels :
Tout matériel d’origine humaine est associé
à un risque possible de transmission
d’agents pathogènes de type virus ou
d’agents transmissibles non conventionnels.
Ainsi, l’albumine, produit dérivé du sang,
bénéficie pour sa sécurité anti-infectieuse de
la sélection des donneurs de sang et, après
inactivation, d’un contrôle virologique du
produit fini réalisé sur chaque lot.
Cependant, le risque biologique ne peut pas
être considéré comme étant égal à zéro.
Compte tenu de son rapport coût-efficacité,
l’albumine ne doit pas être proposée comme
soluté de remplissage de première intention
sauf dans le traitement des hypovolémies de
la femme enceinte, du nouveau-né et de
l’enfant.
2- Plasma frais congelé
:
Le plasma frais congelé n’est pas considéré
comme un produit de remplissage.
Les
indications d’utilisation du plasma frais
congelé sont strictes et doivent être
respectées : coagulopathies graves de
consommation avec effondrement de tous
les facteurs de coagulation, hémorragies
aiguës avec déficit global de facteurs de
coagulation et déficits complexes rares en
facteurs de coagulation représentent les trois
indications d’utilisation du plasma frais
congelé.
Lors de la prescription de ce
produit, il est impérativement conseillé
d’indiquer le motif et d’informer le patient
étant donné qu’à l’heure actuelle, il n’est pas
possible d’éliminer la transmission des
prions par le plasma.
La distribution de ces
produits sanguins labiles est assurée par
l’Établissement français du sang.
D - TRANSPORTEURS D’OXYGÈNE
:
Les transporteurs artificiels comprennent les
émulsions de fluorocarbone et les solutions
modifiées d’hémoglobine.
Ce ne sont pas à
proprement parler des solutés de
remplissage mais ils exercent cependant une
certaine expansion volémique à côté de leur
pouvoir oxyphorique.
Les perfluorocarbones (PFC) sont des
molécules inertes, se présentant sous la
forme d’émulsions claires et incolores.
Ils ont
la capacité de dissoudre des quantités
importantes de nombreux gaz dont l’O2, le
dioxyde de carbone et l’azote, avec une
relation linéaire entre la pression partielle
d’O2 dans le sang et le contenu en O2.
La
capacité d’oxygénation de ces émulsions a
été démontrée et le Fluosolt a été approuvé
par la Food and Drug Administration (FDA)
américaine en décembre 1989.
Les effets
secondaires sont marqués par une inhibition
des leucocytes et de l’activation du
complément, des réactions fébriles.
Le
métabolisme de ces PFC n’est pas bien
connu, la demi-vie d’élimination est de 3 à
8 jours, jusqu’à 65 jours.
Les émulsions de
deuxième génération comme l’Oxygentt
sont caractérisées par une efficacité
supérieure à celle de la transfusion de sang
autologue ou de l’administration de
colloïdes.
Les solutions d’hémoglobine en cours
d’expérimentation fixent l’O2 selon un
mécanisme de type coopératif et présentent
les mêmes caractéristiques biochimiques que
l’hémoglobine contenue dans les globules
rouges.
Elles ont aussi, à volume égal, une
capacité d’expansion supérieure à
l’albumine.
L’utilisation des solutions
d’hémoglobine lors de la réanimation du
choc hémorragique d’origine traumatique a
fait l’objet d’études controversées.