A - Quelles consommations ou dépenses
pour la santé ?
Décrire isolément quelques productions du secteur santé
est facile mais l’organisation et la systématisation est
moins aisée.
Du plus simple au moins évident, on peut
successivement envisager plusieurs analyses.
• Les soins achetés par les consommateurs (le « ménage »
au sens économique) : le ménage peut utiliser ou
consommer des services ou des biens.
La différence
entre les deux provient de la matérialité du produit : s’il
est matériel, c’est un bien, par exemple un médicament ;
s’il est immatériel, c’est un service, par exemple une
consultation.
Cette différence est fondamentale en
économie mais, dans le domaine de la santé, on parle
concurremment de « soins », ce qui laisse bien percevoir
la difficulté de classement de certaines des activités du
système de soins. Ces soins «consommés » sont classés en :
– soins hospitaliers publics et privés et soins effectués
en section médicalisée ;
• Les soins fournis à l’individu, sans qu’il ait besoin de
les acheter.
Il s’agit là, de façon simple, de la médecine
préventive avec ses différentes composantes :
– médecine du travail (financée par l’employeur) ;
– médecine scolaire et universitaire (financée par l’État) ;
– PMI (Protection maternelle et infantile) et planning
familial (financés par les collectivités territoriales) ;
– dépistage, examen de santé (financés par l’État et
l’assurance maladie) ;
– programmes spécifiques de santé publique : toxicomanie,
alcoolisme, tabagisme (financés par l’État).
• Les préventions plus collectives qu’individuelles
(contrôle de la qualité des viandes par exemple, contrôle
des eaux, de l’air…), c’est-à-dire que ces actions visent
des mesures générales dont tous les individus sont
bénéficiaires sans être obligatoirement concernés.
• Les dépenses concourant au fonctionnement du
système de soins :
– subventions au fonctionnement du système de soins ;
– administration générale de la santé ;
– formation des personnels médicaux et soignants dans
leur ensemble ;
– recherche médicale.
• Les indemnités journalières : il s’agit d’un revenu de
remplacement donné au malade lorsqu’il est en arrêt de
travail et se substituant au salaire perçu.
Seuls les soins achetés et les soins fournis à l’individu
font partie de ce que l’on appelle la consommation
médicale mais l’ensemble des productions du secteur
santé est intégré dans des agrégats du compte satellite de
la santé.
B - Prise en charge des consommations de soins
:
• Par le système de protection sociale :
– par l’assurance maladie traditionnelle : il s’agit du
remboursement des biens et services achetés par le
consommateur ou de leur prise en charge directe partiellement
ou totalement (tiers payant) ;
– par la Couverture maladie universelle (CMU) : créée
le 1er janvier 2000 pour les non-assurés sociaux (remplaçant
l’aide médicale gratuite accordée par l’État et
la collectivité territoriale) et pour certains assurés
sociaux aux revenus faibles.
• Par le consommateur seul, il s’agit : du ticket modérateur
(part variable du prix des soins laissés à la charge
du consommateur) ; du forfait journalier ; de l’automédication
; des soins non remboursés, par non-envoi des
feuilles de soins ; des tarifs de prestation pour les nonassurés sociaux.
C -
Consommation médicale totale :
La consommation
médicale totale (CMT) est l’agrégat représentatif de la consommation
de soins.
Elle regroupe
deux agrégats : la consommation de soins et biens médicaux,
c’est-à-dire l’ensemble des biens et services médicaux
essentiellement achetés ou financés par l’assurance maladie et la
consommation des services de médecine préventive.
• En 1998 , elle représentait 726 milliards, soit environ
12 000 F par habitant dont plus de 97 % sont attribués à
la CSBM.
• Évolution : en 1950, la CMT représentait environ
2,5 % du PIB (produit intérieur brut).
En 1998, elle est
supérieure à 8,5 % du PIB.
Cette augmentation est absolue, mais aussi relative,
c’est-à-dire que dans une période de croissance économique
sans précédent, la santé a augmenté bien plus vite
que les autres consommations ou fonctions dans le PIB.
Or, les soins de santé sont financés en France grâce à la
protection sociale (essentiellement l’assurance maladie)
ce qui implique que les recettes suivent les dépenses ;
mais les nombreux « déficits » de l’assurance maladie
ont nécessité d’augmenter le taux des cotisations ou de
créer la CSG (Contribution sociale généralisée) pour
augmenter l’assiette de façon à accroître les recettes
parallèlement aux dépenses.
• Comparaison internationale en 1997 : les dépenses
de santé/PIB. Cet agrégat est plus large que la CMT.
La
France se situe environ au 4e rang des pays de l’OCDE
(Organisation pour la coopération et le développement
économique) avec environ 9%.
Les pays dépensant plus que la France, par rapport au
PIB, sont les États-Unis, avec une dépense proche de
14 %, puis l’Allemagne et la Suisse, supérieure ou égale
à 10 %.
À noter que la Turquie est proche de 4% du
PIB ; mais dans les pays en voie de développement le
taux est encore plus bas, alors que le PiB est dans ces
pays extrêmement faible par rapport aux pays de
l’OCDE. Certains pays ne consacrent que 100 F par an
et par habitant à la santé.
L’inégalité d’accès aux soins est donc très importante au
niveau mondial.
1- Consommation de soins et biens médicaux
:
Les soins hospitaliers comprennent d’une part, les établissements
publics et les établissements privés à but
non lucratif participant au service public hospitalier,
financés par le budget global et, d’autre part, les établissements
privés à but lucratif, financés selon l’activité
réalisée pour chaque patient.
Les soins en section médicalisée
sont définis par les soins médicaux effectués en
maison de cure médicale ou en long séjour pour
personnes âgées).
Pour les soins ambulatoires, chaque ligne correspond
à l’ensemble des services (honoraires + actes) ; les
auxiliaires médicaux regroupent essentiellement les
infirmiers et les masseurs kinésithérapeutes.
Les biens médicaux comprennent les médicaments et
autres biens (prothèses, lunettes et petits matériels).
L’évolution en pourcentage de la CSBM, depuis 1970,
montre :
– une croissance de la part de l’hôpital dans la CSBM
passant d’environ 40 % en 1970 à 54 % en 1983, date
à laquelle est mis en place le budget global, puis une
diminution progressive ; 47% en 1998
– la part de médecine ambulatoire baisse en pourcentage
de la CSBM entre 1970 et 1983 puis remonte jusqu’en
1990 ; 27 % en 1998 ;
– la part des biens médicaux dans la CSBM a diminué
passant de 27 % en 1970, à 20 % en 1983 ; 24 % en 1998.
Ces évolutions contrastées proviennent des mécanismes
très hétérogènes de la régulation des dépenses de santé,
mis en place pour chaque secteur.
En effet, il est important de souligner que l’évolution en
chiffres bruts, ou en pourcentage, dépend de 3 éléments :
du prix unitaire des produits, du volume et de la valeur
(cet élément dépendant des 2 précédents).
C’est sur ces
éléments que s’exerce la maîtrise des dépenses de santé
avec un 4e élément : l’optimisation des dépenses.
2- Consommation de service de médecine
préventive :
La CSMP représente une très faible part de la consommation
médicale totale : 2,2 % essentiellement composée
de la médecine préventive et du dépistage.
D - Financement des secteurs
:
Le financement des soins et biens médicaux est assuré
par 4 acteurs :
– le consommateur lui-même, c’est-à-dire le ménage ;
– l’État qui prend en charge les indigents, non assurés
sociaux (avant la CMU). Il s’agit de l’aide médicale
gratuite, qui est faible, car il y a une obligation de
principe à cotiser à la Sécurité sociale ;
– les assurances, comprenant les mutuelles et les assurances
privées : en France, les assurances jouent un
rôle complémentaire pour la part non remboursée par
la sécurité sociale ;
– l’assurance maladie et la Sécurité sociale.
Pour la CSBM, depuis 1990, la prise en charge de
l’assurance maladie, diminue de 0,5 %, essentiellement
en conséquence de la hausse du ticket modérateur pour
les soins ambulatoires le 1er juillet 1993, mais la structure
reste assez stable sur cette période ; à noter que la France
est environ au 13e rang des pays développés pour son
niveau de prise en charge par la Sécurité sociale.
En 1998, 75,5 % de la CSBM a été financé par la
Sécurité
sociale, mais chaque secteur a une structure de prise en
charge très différente :
– les patients hospitalisés sont le plus souvent pris en
charge à 100 % en raison des soins coûteux, ce qui
explique une participation de l’assurance maladie de
90 % dans le secteur hospitalier ;
– la médecine ambulatoire est de moins en moins remboursée
par l’assurance maladie et les ménages ont
réagi en développant une stratégie de couverture
complémentaire (mutuelles et assurances privées) ;
– en revanche, les biens médicaux offrent un contraste
entre des remboursements à 100 % et des médicaments
de confort remboursés à 35 %, ou des médicaments
non remboursés.
Le chiffre est assez stable sur longue
période.
Facteurs déterminant
la consommation de soins
:
Les individus ont des besoins et entraînent la « demande » ;
le système de soins crée des biens et services et propose
« l’offre ».
En micro-économie, dans le cadre de la
concurrence pure et parfaite, la confrontation, entre
l’offre et la demande, détermine les volumes échangés
et le niveau des prix.
En santé, le marché est régulé par
deux acteurs extérieurs, la sécurité sociale et l’État ;
toutefois, les comportements des consommateurs et des
producteurs aboutissent aux facteurs de la consommation.
A - Facteurs agissant sur la demande
de soins
:
1- Besoin ressenti par le consommateur
:
Il dépend :
– de la prise de conscience de l’état morbide (par
exemple†: sensibilité à la douleur) ;
– du crédit accordé au système de soins : la confiance
n’a jamais été aussi élevée même si la demande est de
plus en plus exigeante ;
– de la connaissance des signes pathologiques grâce à
la médiatisation de la santé (émissions télévisées,
périodiques, livres…).
2- Facteurs démographiques
:
• La consommation médicale varie en fonction de
l’âge ; c’est le facteur le plus important :
– elle est élevée dans les 2 premières années de la vie ;
– elle est à un faible niveau jusqu’à l’âge de 20 ans environ
;
– puis elle s’accroît de façon constante avec l’âge.
Trois éléments vont jouer sur cette demande dans l’avenir :
– l’espérance de vie qui augmente de 2 mois par an ;
– la proposition des personnes âgées dans la population
générale ;
– le nombre relativement important des personnes âgées
de plus de 85 ans estimé entre 1,5 à 2 millions en
2040.
• Le sexe féminin est plus consommateur pendant la
période de fécondité.
3- Facteurs psychosociologiques
:
Ces tendances ont été décrites par les études du CREDES.
• Niveau d’instruction : il favorise la consommation
mais son effet est maximal au niveau bac, bac + 2.
Le
recours aux soins est différent, les « sans diplôme »
ayant un recours à l’hospitalisation plus important que
les diplômés plus consommateurs de soins externes.
• Revenu : il suit également le niveau de consommation
de soins de santé ; mais cet aspect est de moins en moins
marqué depuis 50 ans, en raison du développement de la
protection sociale ; seuls les soins peu remboursés
dépendent des possibilités financières et du choix de
consommation des individus (exemple : les frais de
prothèse dentaire, de lunetterie).
• Domicile : la consommation est plus importante dans
les villes que dans les campagnes, or la population
française est de plus en plus urbaine.
• Taille de la famille : la consommation par personne
diminue relativement par tête dans les familles nombreuses,
or la tendance actuelle est d’avoir moins de
deux enfants par famille.
• Catégories socioprofessionnelles : elles représentent
le cumul des éléments précédents :
– les manoeuvres et les ouvriers spécialisés sont plus
consommateurs d’hospitalisation et en médecine
ambulatoire, le recours se fait essentiellement aux
généralistes ;
– les ouvriers professionnels ont une consommation
centrée sur le généraliste ;
– les cadres moyens et les employés recourent nettement
plus à tous les soins de médecine ambulatoire ;
– les cadres supérieurs et les professions libérales, en
médecine de ville, ont recours aux spécialistes, les
soins dentaires sont plus fréquents, surtout pour les
prothèses mal couvertes par la Sécurité sociale.
4- Protection sociale
:
Elle favorise la consommation de soins de santé des
individus en diminuant le coût résiduel des soins à leur
charge. Elle rend de fait la clientèle solvable.
On assiste :
– d’une part, à une certaine diminution de la prise en
charge sociale concernant les soins peu coûteux,
initiée, il y a plus de 30 ans, par une augmentation
du ticket modérateur pour favoriser l’équilibre de
l’assurance maladie ;
– d’autre part, à l’augmentation des prises en charge à
100 %, ce qui laisse globalement une stabilité dans la
part que représente l’assurance maladie.
La couverture maladie universelle, créée à partir du
1er janvier 2000, devrait favoriser l’accès aux soins des
personnes couvertes.
5- Morbidité
:
• La prédominance de pathologies chroniques nécessitant
un traitement spécialisé et coûteux est caractérisée
par les affections cardiovasculaires, tumorales, traumatiques
et accidentelles, le sida.
Les insuffisances rénales
chroniques nécessitent des traitements (hémodialyse)
dont le coût représente plus de 1,5 % de l’assurance
maladie (or cela concerne plus de 20 000 personnes
actuellement).
• L’augmentation des pathologies induites par la
société entraïne une surconsommation dont une part
pourrait être évitée :
– nuisances collectives (pollutions diverses) ;
– nuisances individuelles : toxicomanies, alcool, tabac,
entraînant pour ces 2 dernières plus de 60000 morts
prématurées par an.
B - Facteurs agissant sur l’offre
:
L’offre de service sanitaire est la base de la consommation
de soins de santé, car la demande ne peut être satisfaite
s’il n’existe pas de structures de soins.
La réduction de l’offre peut être le mécanisme le plus
radical permettant une maîtrise des dépenses de santé,
mais est-on certain de bien cerner les besoins ?
1- Progrès technique
:
• Développement des actes diagnostiques : que ce soit
en imagerie diagnostique – numérisation, scanographe,
résonance magnétique nucléaire – ; en biologie, hématologie,
biologie génétique, ou en actes médico-techniques,
les projets sont constants, et sont souvent plus coûteux
même s’ils offrent des informations plus précises et plus
spécifiques, apportant une qualité pour le suivi du
patient.
• Développement des actes thérapeutiques : hémodialyses,
prothèses chirurgicales, plasmaphérèses,
remplacements d’organes (coeur, foie, pancréas, coeurpoumons,
greffes de moelle…).
Outre le progrès, c’est
également sa diffusion auprès d’une population âgée
qui, auparavant, aurait été jugée trop fragile pour
permettre ces soins : la prise en charge s’améliore et permet
une vie.
2- Multiplication des centres de soins
:
• Le centre de soins est considéré dans son sens large :
médecin installé dans le privé, centre hospitalier,
appareils lourds.
• La règle, il y a 10 ans encore, indiquait que « l’offre
créait la demande » : cette notion était basée sur des
exemples précis montrant que dès la création d’offre
supplémentaire, celle-ci trouvait immédiatement une
clientèle, et son fonctionnement était par conséquent
satisfaisant.
• À l’heure actuelle, cette loi paraît dépassée, comme
si elle n’était valable qu’en dessous d’un certain seuil,
ce qui explique que certaines structures hospitalières
aient des coefficients d’occupation des lits très bas, ou
que la création d’une clientèle en médecine libérale soit
si longue.
• Quant à la maîtrise des dépenses de santé, c’est en
particulier à ce niveau que l’on peut agir :
– instauration d’un numerus clausus pour les étudiants
en médecine, en chirurgie dentaire, en pharmacie…
– carte sanitaire pour limiter le nombre de lits d’hôpitaux
et indices lits/populations ;
– liste des équipements lourds établie par des services
spécialisés du ministère.
Schéma régional d’organisation sanitaire ajoute une
composante qualitative à des normes quantitatives.