Conséquences des hépatectomies Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Schématiquement, les conséquences des hépatectomies peuvent être divisées
en deux parties :
– les conséquences immédiates qui comprennent le retentissement
hépatique, les complications locales et les complications générales ;
– les conséquences tardives qui sont, essentiellement, les phénomènes de
régénération hépatique.
De la connaissance de ces conséquences, on peut décider si une hépatectomie
est réalisable ou non.
Le risque opératoire global est aisément calculé selon
des critères bien établis, que l’on ne détaillera pas.
Le risque hépatique est
évalué par des tests fonctionnels et par une étude morphologique, en fonction
de la maladie de base et des traitement reçus.
La décision, toutefois, reste
difficile, cette évaluation des fonctions hépatiques étant imprécise car elle
n’explore qu’un petit nombre de fonctions et ces tests sont influencés par des
facteurs extrahépatiques.
Chez le cirrhotique, l’évaluation de la réserve
fonctionnelle est d’autant plus compliquée à faire qu’il y a un
dysfonctionnement net avant l’hépatectomie et que la capacité régénératrice
est très faible après résection et mal appréciée.
Période postopératoire précoce
:
A - Conséquences d’ordre hépatique
:
1- Causes
:
Les répercussions précoces sur le foie sont secondaires aux lésions
d’ischémie-reperfusion hépatique (survenant après hypotension ou clampage
trop prolongé) ou à la quantité trop faible de parenchyme fonctionnel résiduel
laissé en place lors de l’hépatectomie (ablation, en fait, d’une partie trop
importante de parenchyme fonctionnel).
Elles se présentent sous forme de
dysfonctionnement hépatique pouvant aller jusqu’à l’insuffisance hépatique.
2- Ischémie-reperfusion
:
Normalement, l’ischémie en normothermie (sans refroidissement spécifique
du foie, mais, bien souvent, le foie est à 35 ou 34 °C du fait des climatisations
des blocs opératoires et de la durée de l’intervention) lors d’une exclusion
vasculaire complète peut être étendue à 60 minutes.
Un foie cirrhotique ou
modifié négativement par une chimiothérapie n’a pas les mêmes capacités de
tolérance à la durée de l’ischémie tiède.
Dans les lésions d’ischémie-reperfusion au niveau du foie, il semble, aussi
bien dans un modèle animal que chez le cirrhotique, que la lésion des cellules
endothéliales causée par l’interaction neutrophiles-endothélium soit
essentielle à la progression de la lésion des cellules parenchymateuses.
En
effet, lors de l’ischémie-reperfusion hépatique, on décrit deux phases de
lésion hépatique :
– une phase initiale (1 à 3 heures) associée à la synthèse de radicaux libres et
à l’activation de cellules de Kupffer ;
– une phase tardive (6 à 24 heures) associée à l’afflux de neutrophiles dans le
foie.
Après reperfusion, des radicaux libres sont synthétisés et libérés.
Ceux-ci
déclenchent la production de cytokines par les cellules de Kupffer et les cellules endothéliales.
Les cytokines peuvent stimuler leurs propres synthèses
et amplifier la réponse inflammatoire.
Elles peuvent également activer la
sécrétion par les cellules parenchymateuses et non parenchymateuses de
substances chimiques attirant les neutrophiles.
Les neutrophiles s’accumulent dans le foie avec une prépondérance le long
des veinules postsinusoïdales.
Ils vont adhérer à l’endothélium vasculaire en
présence de molécules d’adhésion.
C’est leur action sur l’expression de ces
molécules d’adhésion qui confère toute son importance à certaines substances
telle la prostaglandine E-1 (PGE1).
Une fois cette adhésion faite :
– les neutrophiles sont activés et sécrètent des anions de superoxyde qui
endommagent les cellules endothéliales par action et par stimulation de la
peroxydation des lipides et la formation de radicaux hydroxyles à l’intérieur
de la cellule ;
– les neutrophiles, par leur adhésion étroite et leur viscosité, peuvent obstruer
les capillaires après reperfusion et gêner l’accès d’oxygène au tissu.
3- Ablation du parenchyme hépatique
:
L’ablation d’une partie du parenchyme hépatique entraîne des modifications
des fonctions hépatiques dont l’intensité dépend :
– de la quantité de parenchyme enlevé ou, plus exactement, de parenchyme
restant ;
– de l’état préopératoire du parenchyme hépatique, de sa capacité
régénératrice et de la rapidité de cette régénération.
Chez le sujet à foie normal, c’est-à-dire non cirrhotique, les exérèses
segmentaires ou mêmes sectorielles, telle la lobectomie gauche, n’entraînent
que peu de conséquences métaboliques.
L’exérèse de plus de 50 % de la
masse parenchymateuse hépatique entraîne cependant des anomalies
indiscutables.
Bien que l’étendue de résection possible sans insuffisance
réactionnelle soit controversée, le risque d’insuffisance hépatique est
important si on garde moins de 20 %de foie fonctionnel ou un poids inférieur
à 0,8 % du poids corporel.
4- Hypertension portale
:
Elle apparaît immédiatement après une résection de plus de 70 % du volume
hépatique, présentant un pic au troisième jour postopératoire.
Cette
hypertension portale s’explique par un flux sanguin portal constant, passant
par un parenchyme hépatique résiduel.
B - Conséquences
:
1- Biochimie
:
La résection hépatique est suivie d’anomalies des tests hépatiques qui sont
maintenant bien caractérisées.
– Ainsi, il a été observé que l’élévation précoce et transitoire des
transaminases est corrélée avec la durée d’ischémie par clampage
pédiculaire.
Cette élévation débute à j1 postopératoire et ne revient à la
normale qu’à partir du septième jour postopératoire.
– Les phosphatases alcalines et la gammaglutamyl-transférase chutent à j1,
puis augmentent de façon progressive jusqu’à j7 postopératoire.
Ce taux
élevé persiste 2 ou 3 mois et semble être corrélé avec l’étendue de la résection
et refléter la régénération hépatique.
– Les perturbations du taux d’hémoglobine consistent en une chute notée à
j1 avec un retour à la normale à j7 postopératoire.
– Les globules blancs doublent à j1 pour également revenir à un taux normal
à j7 postopératoire.
2- Sécrétion biliaire
:
Dans la phase postopératoire, le taux de bilirubine, qui dépend de l’étendue
de la résection, a été considéré et surveillé comme étant un premier signe
d’insuffisance hépatique.
Son taux a tendance à augmenter jusqu’à
j3 postopératoire, puis retourne à la normale à j7. Cet ictère est d’habitude
de courte durée, s’il reste suffisamment de tissu hépatique fonctionnel.
Il apparaît constamment après ablation de plus de 50 % du parenchyme
hépatique.
La bilirubine totale s’élève rapidement et atteint son maximum dès
la 24e heure.
Parallèlement à cette élévation de la bilirubine, on observe, s’il
y a un drainage biliaire externe, une sécrétion biliaire faible pendant
48 heures.
Les jours suivants, le débit extériorisé par le drain biliaire (qui ne
reflète qu’une partie du débit biliaire total) varie de 30 à 200 mL/j.
La
bilirubinémie diminue ensuite progressivement et ne revient à la normale
qu’au-delà des 2 semaines postopératoires dans les foies normaux, plus
lentement chez les patients présentant des hépatites chroniques.
Un ictère qui apparaît tardivement, ou qui continue à augmenter après le
dixième jour, témoigne d’une complication mécanique ou infectieuse (s’il
existe un tableau infectieux) ou signe l’insuffisance hépatique, surtout chez le
patient cirrhotique.
L’ictère postopératoire physiologique est
généralement peu intense, surtout constitué de bilirubine conjuguée, même
s’il peut être majoré par une augmentation de bilirubine non conjuguée due à
l’hémolyse des transfusions massives.
Le mécanisme exact de cet ictère n’est pas expliqué.
Il s’agit ou d’un
problème au niveau du passage de la bilirubine conjuguée du réticulum
endoplasmique de l’hépatocyte au canalicule biliaire, ou d’une gêne ou
obstruction du flux biliaire à n’importe quel niveau entre le canalicule biliaire
et le duodénum.
Une des explications les plus plausibles pourrait être
l’apparition d’une congestion hépatique résultant de l’augmentation de la
vascularisation du parenchyme conservé avec, comme conséquence, un
ralentissement du flux biliaire, congestion des canalicules biliaires, rupture
de ceux-ci et passage de la bile dans la lymphe.
3- Protides totaux et albuminémie
:
Les protides totaux chutent et sont au plus bas aux environs du septième jour
postopératoire (proches de 48 g/L), puis remontent progressivement pour
atteindre environ 65 g/L, 3 semaines après l’intervention, et se normalisent
plus tardivement après le deuxième mois.
La diminution globale de la
protidémie est liée essentiellement à la diminution de l’albuminémie.
La
synthèse de l’albumine ayant lieu uniquement dans le foie, la diminution de
l’albumine sérique est un bon index de la diminution des fonctions
hépatiques.
L’albuminémie est minimale au cinquième jour (environ 28 g/L)
et revient à la normale après 2 à 3 mois.
Sa chute s’explique d’abord par une perte de sang et de plasma, une dilution,
une fuite de protéines par la tranche de section hépatique et, le plus important,
par une fuite transcapillaire et un défaut de synthèse.
Associée à un certain degré d’hypertension portale, également conséquence
de l’importance de la résection hépatique, se développe une hyperpression au
niveau des sinusoïdes hépatiques.
Cette augmentation de la pression
hydrostatique entraîne une fuite de liquide et d’albumine (vu que
l’endothélium des sinusoïdes est perméable à l’albumine) à travers
l’endothélium des sinusoïdes dans l’espace de Disse, d’où ils sont évacués
par le réseau lymphatique.
Quand la capacité de drainage des lymphatiques
est dépassée, ce liquide transpire à travers la surface hépatique dans la cavité
péritonéale.
Dans un deuxième temps, c’est l’hypoalbuminémie qui entretient cette ascite
par perte de liquide à départ du réseau splanchnique.
4- Modifications des facteurs de coagulation
:
La diminution des facteurs de coagulation de synthèse hépatique survient
précocement après l’hépatectomie.
La chute des facteurs de coagulation a été
corrélée avec le poids de la pièce opératoire et avec le nombre de segments
retirés.
On observe une chute du temps de prothrombine de l’ordre de 50 % dès le
premier jour postopératoire.
Cette chute est inversement corrélée avec le
poids hépatique réséqué.
Le retour à la normale se fait plus ou moins
rapidement selon les facteurs.
La baisse du facteur V est précoce, dès le
premier jour.
Elle est transitoire, son ascension s’amorce à la 48e heure, et des
taux normaux de 100 %sont obtenus dès le neuvième jour postopératoire.
En
revanche, la chute des facteurs II et VII + X est aussi importante (taux de
l’ordre de 30 %au premier jour) mais beaucoup plus lente à se normaliser.
La baisse du fibrinogène, avec un taux minimal entre le quatrième et le
sixième jour postopératoire, se voit dans les hépatectomies importantes et
serait en rapport avec une fibrinolyse.
Il existe également une chute du compte plaquettaire notée à j1 avec retour à
la normale à j7 postopératoire.
Cette chute des plaquettes est inversement
corrélée au poids du parenchyme réséqué.
Elle est apparemment sans
relation avec l’altération des fonctions hépatiques : on admet qu’il s’agit de
phénomènes de coagulation intravasculaire au niveau des foyers de section
du parenchyme hépatique.
Généralement, il n’y a pas de retentissement de cette diminution des facteurs
de coagulation et il n’est pas nécessaire de la corriger s’il n’y a pas de
complication hémorragique.
5- Métabolisme lipidique
:
Les anomalies portent sur les lipides totaux, les phospholipides, les
triglycérides et le cholestérol.
Elles sont en règle maximales à la fin de la
première semaine et se corrigent à la fin du premier mois.
6- Métabolisme glucidique
:
L’hypoglycémie ne se voit que dans les exérèses massives.
En clinique,
l’apport systématique de glucose dans les perfusions empêche de l’observer,
même si elle existe dans les exérèses partielles.
L’hypoglycémie n’est retrouvée qu’après des résections hépatiques étendues
ou en relation avec un sepsis.
Elle est due au retrait de parenchyme hépatique,
et donc de glycogène, en même temps qu’à une chute de capacité absolue de
gluconéogenèse et une déplétion de glycogène dans le foie restant qui, elle,
est induite chirurgicalement.
Cela peut être traité par l’administration de
solutions glucosées hypocaloriques pendant les premiers jours
postopératoires.
7- Métabolisme de l’ammoniac
:
Le foie est le site principal d’extraction de l’ammoniac du sang portal et sa
conversion ultérieure en urée ou bien en glutamine.
Une diminution de cette
extraction et biotransformation par souffrance et perte d’hépatocytes
fonctionnels peut mener à l’augmentation du taux d’ammoniac dans le liquide
céphalorachidien et dans le sang.
Il faut noter que, selon les connaissances scientifiques actuelles, l’ammoniac
ne semble pas être le seul produit responsable de l’apparition
d’encéphalopathie.
C - Complications locales
:
1- Hémorragie
:
Le saignement peropératoire important (> 4 culots) a été corrélé à un taux de
complications postopératoires élevé.
Ce saignement peropératoire est
corrélé à la pression de la veine cave inférieure avec un saignement important
(2 L) une fois que la pression était de 13 mmHg.
En postopératoire, une
hémorragie est, le plus souvent, due à un saignement de la tranche de section
et peut donc être prévenue lors de l’intervention par une résection
anatomique, une hémostase soignée, des ligatures montées sur les pédicules
vasculaires plutôt que des ligatures simples ou une coagulation.
Cela est
particulièrement important chez les patients porteurs d’une cirrhose.
Les
troubles de la coagulation après une hépatectomie peuvent aggraver ces
phénomènes.
Une coagulopathie apparaît après une transfusion massive.
La nécessité de
renouveler plus de la moitié de la masse sanguine en moins de 24 heures
définit la polytransfusion.
Elle est responsable d’altération de grandes
fonctions, cela d’autant plus gravement que la vitesse de restitution est rapide
et qu’elle est associée à la perfusion de grandes quantités de macromolécules
ou cristalloïdes.
L’hypothermie est constante en raison du volume sanguin
remplacé rapidement, car le réchauffement des concentrés est souvent au
deuxième plan des préoccupations des réanimateurs perfusés.
Par ailleurs, le
collapsus, la laparotomie, les drogues anesthésiques contribuent à
l’hypothermie initiale et à son aggravation.
L’hypothermie entraîne par ellemême
des troubles de l’hémostase, s’ajoutant à ceux induits par le collapsus,
la consommation locale de facteurs protéiques et la polytransfusion.
La
transfusion massive de sang conservé entraîne une baisse de la concentration
de certains éléments de la coagulation soit par dilution soit par leur disparition
lors de la conservation du sang.
Une thrombopénie est induite, elle est
rarement menaçante en l’absence de processus hémorragique, mais prend
toute son importance lorsqu’il existe un saignement actif.
La décroissance de
certains facteurs de coagulation labiles, en particulier le facteurVet le facteur
VIII, suit la même évolution.
La polytransfusion met aussi en jeu des processus de coagulopathie de
consommation liés à l’introduction de débris cellulaires jouant le rôle de
thromboplastines et d’activateurs de facteur contact, pouvant aller jusqu’au
déclenchement de coagulation intravasculaire disséminée.
Ces phénomènes,
associés à la thrombopénie de dilution, aggravent les troubles de l’hémostase
induits par le collapsus et l’anoxie hépatique.
Le citrate permettant la conservation des produits sanguins est d’autre part un
chélateur du calcium, pouvant induire des hypocalcémies, très nocives pour
la coagulation.
Sa substitution est indispensable au-delà d’une certaine
quantité transfusée (1 g de chlorure de calcium/4 unités globulaires).
Enfin, la polytransfusion aggrave l’anoxie tissulaire par de multiples
mécanismes parallèles : hyperkaliémie, acidose métabolique, hémoglobinémie
libre, altération de la synthèse du 2-3 DPG (2,3 disphosphoglycérate)
qui déplace vers la gauche la courbe de dissociation de l’hémoglobine et
défavorise ainsi le relargage périphérique de l’oxygène.
L’atteinte pulmonaire par oedème lésionnel est extrêmement fréquente et peut
passer au premier plan, engageant alors rapidement le pronostic vital.
Il est important de ne pas laisser s’installer ces troubles.
La décision d’une réintervention doit être rapide, dès la constatation d’une hémorragie en
postopératoire un peu importante.
2- Fistule biliaire
:
Issue de bile plus ou moins abondante (pouvant correspondre à 1 L), elle doit
être distinguée du cholépéritoine, collection de bile dans la cavité abdominale,
même si la cause est souvent la même.
Il s’agit, le plus souvent, de l’absence
de ligature de l’orifice d’un canal biliaire de petite taille, situé au niveau de la
tranche de section, qui n’a pas été identifié lors de l’opération.
L’augmentation de la pression dans la voie biliaire en postopératoire
immédiat favorise la fuite biliaire.
Le plus souvent, la fistule va se tarir spontanément s’il n’y a pas d’obstacle
sur la voie biliaire en aval et s’il n’existe pas de poche intermédiaire
susceptible de pérenniser la suppuration, le long du drainage.
Si la fistule
persiste et devient chronique, malgré un bon drainage, deux mécanismes
peuvent être en cause : soit elle correspond à un canal biliaire important
sectionné et se drainant en distal, soit il existe en aval une sténose qui fait
obstacle à l’écoulement biliaire.
Il faut réaliser une fistulographie afin de
comprendre les lésions : plaie distale ou proximale, complète ou non, sténose
associée...
En l’absence d’obstacle, le traitement de la fistule biliaire doit être seulement
un bon drainage.
Ce drainage doit être le plus direct possible, sans poche
intermédiaire.
L’orifice du drain doit être le plus près possible de l’orifice
biliaire.
La réalisation d’une sphinctérotomie endoscopique, qui est souvent
proposée, parfois associée à une endoprothèse temporaire, ne peut, en fait,
avoir d’effet sur les causes de persistance de la fistule : elle ne sert à rien pour
la guérison et fait courir les risques de la sphinctérotomie.
3- Cholépéritoine
:
C’est une complication grave de ces fuites biliaires.
Deux tableaux peuvent
être observés :
– l’ascite biliaire (cholépéritoine sans infection) est grave, en raison de la
séquestration liquidienne qu’elle entraîne par la transsudation due à la
concentration en sels biliaires et la réaction inflammatoire associée.
La
symptomatologie initiale est souvent insidieuse, marquée par une douleur et
une tension modérées de l’abdomen, parfois il existe une défense.
Au moindre
doute, il faut réaliser une ponction exploratrice, éventuellement échoguidée.
Le taux de bilirubine est très élevé dans ce liquide.
Souvent, la bilirubinémie
est élevée, témoin de la réabsorption de la bilirubine par le péritoine.
À
l’échographie, la constatation de liquide en plus ou moins grande quantité
dans l’abdomen doit faire évoquer systématiquement le diagnostic ;
– la péritonite biliaire, qui est très grave, traduit la surinfection du liquide,
avec un tableau clinique de péritonite.
La constatation d’un cholépéritoine impose une laparotomie ou une
coelioscopie.
4- Nécrose hépatique
:
Elle représente une complication très grave.
Elle peut être limitée ou diffuse.
* Nécrose hépatique diffuse
:
Les lésions diffuses sont dues à une durée trop importante des clampages du
pédicule hépatique et aggravées par des collapsus, éventuellement répétés.
Elle peut, également, être liée à des problèmes de vascularisation des
segments résiduels par :
– un flux hépatopète artériel ou portal insuffisant par thrombose de l’artère
ou de la veine porte ;
– un flux hépatofuge diminué et donc une congestion hépatique par torsion
de la portion de foie restant, entraînant une plicature de la ou des veines
sus-hépatiques.
Des taux très élevés de transaminases et de gammaglutamyl-transférases sont
observés.
Un échodoppler ou une artériographie sont les examens à faire afin
d’exclure l’une ou l’autre complication.
Autrefois, ces lésions entraînaient le plus souvent la mort dans un tableau
d’insuffisance hépatocellulaire et de sepsis généralisé.
Actuellement, une
transplantation hépatique a pu être proposée, avant que la situation ne soit trop
grave et irréversible.
Parfois, cette insuffisance hépatocellulaire est moins
grave : elle se manifeste par un ictère, une chute des facteurs de coagulation
et un sepsis.
Le diagnostic différentiel avec un ictère de septicémie peut être
très difficile mais, dans tous les cas, il faut s’efforcer de traiter l’infection.
* Nécrose localisée
:
Il s’agit, le plus souvent, de tissu ischémique le long de la tranche de section.
Celle-ci devrait être exceptionnelle si la résection hépatique est anatomique.
La compression du parenchyme sain par de larges points aveugles utilisés
pour l’hémostase peut entraîner de telles lésions.
Ces zones nécrotiques peuvent évoluer vers l’atrophie progressive ou vers
l’abcédation.
L’atrophie s’accompagne d’une hypertrophie compensatrice et
peut être considérée comme un mode de guérison.
Elle est, en général, assez
rare et, en fait, la constatation d’une zone importante dévitalisée sur la
tomodensitométrie est une indication à une réintervention d’exérèse limitée
de cette zone en raison du risque de surinfection.
En l’absence de sepsis
important, il semble préférable d’attendre quelques jours afin de bien
distinguer les limites entre le foie sain et le tissu nécrosé.
L’exérèse peut être
facilitée par l’utilisation d’un dissecteur ultrasonique qui détruit le tissu
nécrosé.
5- Abcès :
Il peut survenir en raison de la non-réabsorption de la bile du sang ou des
tissus nécrosés. Les organismes bactériens peuvent atteindre le foie à partir
de la bile et du sang artériel, ou du sang porte.
En fait, très souvent, les abcès
sont associés à des fistules biliaires qui favorisent la colonisation bactérienne.
Normalement, les germes sont séquestrés par les cellules de Kupffer dans le
foie, mais le parenchyme dévitalisé perd sa capacité à phagocyter les germes
et sera un facteur de persistance de l’infection.
Le patient se présente alors avec un contexte septique, dans un tableau de
véritable abcès sous-phrénique ou d’ictère, quelquefois associé à une fuite de
bile par les drains.
L’échographie, la fistulographie sous antibiotiques (risque
de choc septique), l’artériographie et le scanner sont indispensables afin de
bien localiser les lésions.
Le scanner avec injection artérielle permet de bien
voir les zones dévitalisées.
Si lors de la réintervention, l’idéal est de réséquer
les zones nécrotiques, en fonction de l’état du patient, on peut être amené à ne
réaliser qu’un simple débridement et un drainage.
Si l’abcès paraît isolé, sans nécrose associée intra- ou extrahépatique, la
ponction-drainage sous échographie ou sous scanner est le traitement de
choix, permettant de guérir dans près de 80 % des cas.
D - Complications d’ordre général
:
Le risque de complications après hépatectomie dépend de multiples facteurs :
expérience du chirurgien, état nutritionnel du patient, état fonctionnel du foie,
déroulement de l’intervention.
1- Rétention hydrique
:
La phase précoce postopératoire est souvent associée à une séquestration
hydrique extracellulaire, aussi bien au niveau péritonéal que pleural, dont le
traitement exige une perfusion adéquate et le maintien du volume intravasculaire.
L’apparition de cette ascite et de cet épanchement pleural est secondaire à :
– l’hypertension portale qui, ainsi que nous l’avons dit, apparaît
immédiatement après une résection importante et favorise l’accumulation de
liquide intrapleurale et intrapéritonéale ;
– la paralysie diaphragmatique postopératoire, s’expliquant par la traction peropératoire sur le diaphragme au niveau de l’incision sous-costale... ;
– l’insuffisance hépatique postopératoire dont on verra les détails
ultérieurement ;
– la synthèse de thromboxaneA2 urinaire qui entraîne une rétention d’eau et
de sodium.
2- Complications pulmonaires
:
Elles sont assez fréquentes.
Il s’agit d’épanchement pleural et d’atélectasie
lobaire qui s’expliquent par la diminution de la capacité vitale pendant les
48 à 72 premières heures après la chirurgie, due en partie à la paralysie
diaphragmatique transitoire.
Elles peuvent être aggravées par l’état
préopératoire du patient.
En effet, la malnutrition entraîne une diminution
de la force des muscles respiratoires par atrophie musculaire.
Ces infections pulmonaires postopératoires ont un pronostic particulièrement
sombre si elles sont associées à des fuites biliaires ou des ascites
irréductibles.
Une bonne analgésie et une kinésithérapie respiratoire
intensive sont donc primordiales.
3- Encéphalopathie hépatique
:
L’apparition d’une encéphalopathie aiguë chez un patient auparavant sans
problèmes doit faire penser à une cause précipitante, à savoir : infection,
ingestion excessive de protéines, déshydratation ou constipation.
Toutes ces
causes étant exclues, l’encéphalopathie est probablement secondaire à une
réserve hépatique inadéquate ou un défaut de régénération hépatique.
L’encéphalopathie aiguë se traduit, dans un premier temps, par un
endormissement anormal, une lenteur d’idéation puis par une confusion
mentale avec une désorientation temporospatiale.
À un stade plus important
apparaît un coma d’abord léger, puis profond. Le signe le plus caractéristique
est l’astérixis (flapping tremor).
L’ammoniémie veineuse et artérielle est
élevée.
Les anomalies à l’électroencéphalogramme sont un ralentissement du
rythme de base et l’apparition d’ondes plus lentes, parfois des pointes-ondes
triphasiques assez caractéristiques.
Elles ne sont toutefois pas spécifiques.
Période postopératoire tardive
:
A - Conséquences d’ordre général
:
L’évolution naturelle postopératoire à long terme se fait vers la normalisation
de tous les paramètres.
B - Conséquences d’ordre hépatique
:
Il s’agit essentiellement de la régénération hépatique.
Cette capacité de
régénération du foie restant après hépatectomie en fait un organe tout à fait à
part.
Elle est cependant dépendante de plusieurs facteurs, tels l’état du foie
avant la résection et le contexte clinique avant et après résection.
1- Régénération en fonction de l’état du foie ou du contexte clinique
:
Sur foie normal, une restitutio ad integrum en termes de volume peut être
observée dans les 3 à 6 mois qui suivent une hépatectomie majeure.
Les foies atteints de cirrhose ou d’hépatite chronique conservent une capacité
de régénérer après résection hépatique majeure, mais de façon moins
importante et moins rapide.
D’où l’importance de sélectionner pour
résection hépatique les patients porteurs d’un foie pathologique sur une base
quantitative et non qualitative.
Cela veut dire qu’une réserve hépatocellulaire
inadéquate, déterminée par la mesure de la clairance du vert d’indocyanine,
est une contre-indication à la résection hépatique plutôt que la cirrhose en
soi.
Certaines pathologies semblent avoir un effet délétère sur la régénération
hépatique sans que les raisons n’en soient connues.
Ainsi les patients souffrant
d’hépatome, qu’il y ait ou non association avec une cirrhose, semblent
présenter peu ou pas de régénération en postopératoire.
Il en est de même pour certains médicaments.
Ainsi le cycloheximide,
d’autres antimétabolites et le 5-fluoro-uracile (5-FU) inhibent la régénération
hépatique après résection chez l’animal.
La cimétidine est également
incriminée d’avoir un effet négatif sur la régénération par un mécanisme
inconnu.
La chimiothérapie préopératoire, même à 1 mois d’intervalle de
l’intervention, et postopératoire exercent un effet délétère sur la régénération
hépatique.
Le rôle joué par le glucose, utilisé comme principale source d’énergie dans
les lésions hépatiques, dans la régénération hépatique n’est pas clair.
Il semble
que le glucose augmente la toxicité des agents hépatotoxiques centrolobulaires par inhibition de la division cellulaire hépatique et de la
réparation tissulaire, permettant ainsi la progression des lésions.
Les acides
gras, en revanche, facilitent la division cellulaire hépatique, permettant ainsi
une réparation hépatolobulaire.
En termes de régénération hépatique, la
nutrition parentérale contenant des matières grasses jusqu’à concurrence de
20 %du total de calories est supérieure à la nutrition parentérale sans matières
grasses.
2- Marqueurs de régénération
:
Histologiquement, des signes de régénération active sont présents sous forme
d’une activité mitotique élevée à partir du dixième jour postopératoire pour le
foie normal, plus tardif pour le foie pathologique.
Sur le plan biochimique, la régénération se traduit par une élévation
persistante de la gammaglutamyl-transpeptidase et des phosphatases alcalines
qui constituent des marqueurs de régénération.
Ces propriétés n’ont pas été
vérifiées pour les taux sériques d’á-foetoprotéine.
3- Facteurs initiants
:
Les facteurs déclenchants de la régénération ne sont pas connus avec
certitude.
Plusieurs hypothèses ont été avancées :
– la redistribution du flux portal : l’hypertension portale apparaissant après
résection de 70 % du volume hépatique peut initier, par shear stress, non
seulement la régénération des hépatocytes mais aussi celles des cellules
endothéliales sinusoïdales ;
– des facteurs hépatotrophes (tels l’insuline) : la perfusion hépatique, par du
sang veineux splanchnique contenant des substances modulatrices de
croissance, semble être une des conditions primordiales à la régénération
hépatique.
Ces substances hépatotrophes, consommées dès leur premier
passage hépatique, paraissent contrôler la taille et la fonction hépatique.
La
liste de ces substances stimulant et inhibant la régénération hépatique s’est
allongée au fil des années.
4- Caractère et chronologie de la régénération
:
Le caractère de régénération hépatique est différent selon qu’il s’agit d’une
résection hépatique ou d’une agression chronique.
Lors d’une résection, la régénération se fait par prolifération d’hépatocytes
matures, donc essentiellement par hypertrophie des lobules restants.
Il s’agit
d’une régénération en quantité et non pas morphologique.
Cela entraîne une
désorganisation anatomique du foie, rendant une résection hépatique
ultérieure plus difficile.
Lors d’une agression chronique, l’absence de
remplacement hépatocytaire immédiat dans les zones de collapsus entraîne la
formation de septa délimitant des nodules de régénération.
Ces nodules de
régénération composés d’hépatocytes jeunes vont devenir hyperplasiques.
La chronologie de la régénération hépatique se fait en deux étapes :
– dans un premier temps, les hépatocytes prolifèrent et réoccupent les
lobules, la zone centrolobulaire étant occupée en dernier lieu (3 ou
4 semaines) ;
– puis l’architecture trabéculaire est restaurée entre le deuxième et le
troisième mois.
5- Régénération au niveau cellulaire
:
La régénération hépatique résulte de l’action combinée de multiples facteurs
activants et inhibants.
Sans vouloir entrer dans les détails, on peut résumer
que :
– la lésion hépatique entraîne la sécrétion de nombreux facteurs de croissance
capables de régler l’activité cellulaire proliférative.
Ces facteurs sont produits
par le foie et par d’autres tissus.
Ils agissent par l’intermédiaire de leur fixation
sur des récepteurs spécifiques de la membrane plasmique de l’hépatocyte ;
– l’occupation de ces récepteurs assure la transmission du signal mitogène
qui s’effectue par activation, en cascade de seconds messagers
intracellulaires.
Ces cascades de transmissions intracellulaires nombreuses se
croisent fréquemment, permettant ainsi l’amplification ou bien l’abolition du
signal régulateur.
Un des événements les plus précoces de la régénération
hépatique constitue l’activation de facteurs de transcription de gènes dits
« précoces », en relation avec l’activation de facteurs de transcription déjà
présents dans la cellule ;
– ces gènes codent pour des facteurs de transcription, des protéines sécrétées
ou des protéines de structure, et jouent un rôle important dans la régulation de
la prolifération et le passage des cellules hépatiques de la phase G0 vers la
phase G1, et les phases ultérieures du cycle cellulaire.
La progression des
cellules au sein du cycle cellulaire est contrôlée par la croissance spécifique
de protéines en relation avec le cycle cellulaire et leur activation pendant la
régénération.
Un autre aspect de la régénération hépatique est l’importance d’une bonne
coordination entre les différentes populations cellulaires du foie.
Cette
communication cellule à cellule se fait par l’intermédiaire de protéines
d’adhésion, protéines membranaires permettant une adhésion sélective entre
deux cellules voisines, ou entre une cellule et la matrice extracellulaire.
Conclusion
:
L’évolution postopératoire des résections hépatiques dépend d’un
bilan préopératoire le plus complet possible, permettant de déterminer
l’importance de la maladie hépatique et d’évaluer la capacité de
récupération du foie.
Le geste chirurgical doit être adapté au patient en
général et à son foie en particulier.
C’est la connaissance de la
physiopathologie, de l’anatomie et la compétence chirurgicale qui
permettront de traiter les complications postopératoires.