Conduite à tenir devant un traumatisme du rachis Cours de
réanimation - urgences
Prise en charge
d’un traumatisme
du rachis
:
A - SUR LES LIEUX DE L’ACCIDENT :
Il faut rechercher systématiquement un
traumatisme rachidien, sauver la vie du
blessé et ne pas aggraver les lésions.
1- Dépister le traumatisme rachidien
:
Dans le cas où le patient est conscient, le
diagnostic est relativement facile.
L’interrogatoire succinct précise le
mécanisme lésionnel, l’existence de douleurs
rachidiennes spontanées et la notion de
paresthésies des membres supérieurs et/ou
inférieurs au décours immédiat du
traumatisme.
La signification de ces
paresthésies n’est pas formelle, mais elles
doivent attirer l’attention vers une atteinte
du rachis, surtout si elles persistent.
L’examen clinique recherche une douleur
provoquée à la palpation du rachis.
Au
niveau cervical, la palpation est facile sans mobiliser le patient, l’examen des gouttières
carotidiennes en avant permet parfois de
retrouver un hématome ou une douleur
provoquée.
Aux niveaux dorsal et lombaire,
il est plus difficile de passer une main au
contact des épineuses pour mettre en
évidence outre la douleur provoquée, une
mobilité anormale d’une épineuse, une
cyphose locale, voire une baïonnette.
Une
étude rapide de la sensibilité superficielle et
de la mobilité volontaire des membres
permet d’objectiver une complication
neurologique grave immédiate.
2- Sauver la vie du blessé
:
Dans le cas d’un blessé grave, polytraumatisé
ou dans le coma, il faut traiter en
urgence une détresse cardiorespiratoire, un
état de choc ou une hémorragie extériorisée,
mais il faut aussi systématiquement redouter
une lésion vertébrale avec traumatisme de
la moelle épinière et prendre les précautions
nécessaires.
La rapidité d’intervention des
équipes mobiles d’urgence et de réanimation
(SAMU) explique aujourd’hui la fréquence
relative des patients tétraplégiques par une
lésion du rachis cervical supérieur, audessus
de C3, arrivant en centre hospitalier.
L’assistance ventilatoire et parfois cardiaque
extrêmement rapide a permis la survie de
blessés qui habituellement décédaient sur les
lieux de l’accident.
3- Ne pas aggraver
une éventuelle lésion :
Qu’une atteinte neurologique soit manifeste
ou non, il faut observer des précautions
identiques en évitant toute mobilisation du
rachis, ce qui ne veut pas dire éviter toute
mobilisation du blessé, rendue parfois
urgente et nécessaire (extraire un blessé
d’une voiture).
Le patient doit être manipulé
par quatre ou cinq personnes.
Une traction
douce dans l’axe du corps est obtenue en
maintenant la tête à deux mains et en
exerçant une traction dans l’axe sur les
membres inférieurs ou le bassin.
Deux ou
trois autres personnes soulèvent alors le
blessé en positionnant leurs mains en arrière
du dos, des fesses et des cuisses.
Le
déplacement doit se faire sans aucune
rotation de l’axe rachidien et sans aucune
inflexion latérale.
B - TRANSPORT DU BLESSÉ
:
Il repose sur un triple impératif : il doit être
effectué sur un sujet bien immobilisé, par
une équipe médicalisée, vers un centre
spécialisé.
1- Sujet bien immobilisé
:
L’idéal est en fait le transport dans un
matelas à dépression qui moule les
différentes courbures rachidiennes, donnant une parfaite immobilisation du rachis et
permettant un transport sans risque ni
difficulté.
En cas de lésion cervicale
manifeste ou très suspecte, la mise en place
d’un collier ou d’une minerve plastique
complète et améliore la qualité de
l’immobilisation.
2- Par une équipe médicalisée
:
Elle est indispensable en cas de tétraplégie,
de coma ou de polytraumatisme, pour
maintenir les fonctions vitales.
Elle doit par
ailleurs débuter le traitement médical d’un
éventuel traumatisme médullaire :
– en assurant le maintien d’une perfusion et
d’une oxygénation les plus correctes
possibles au niveau médullaire.
Il est
fondamental que la pression artérielle soit
maintenue à un niveau suffisant
(remplissage, amines vasoactives), de
rechercher une hémodilution pour faciliter
la microcirculation et permettre un transport
d’oxygène suffisant par enrichissement de
l’air inhalé (ventilation mécanique si
besoin) ;
– en administrant d’emblée des
médicaments pour essayer de limiter
l’extension secondaire de la lésion
médullaire initiale.
De multiples molécules
sont actuellement testées chez l’homme dans
cette indication (corticoïdes à fortes doses, lazaroïdes, gangliosides, phencyclidines).
Aucune, pour l’instant, n’a toutefois encore
fait la preuve formelle de son efficacité ;
– en évitant toute sédation excessive du
blessé qui risque de perturber les données
de l’examen clinique, voire même de faire
totalement négliger, pendant les premières
heures, une atteinte neurologique majeure.
3- Vers un centre spécialisé
:
L’existence ou le risque potentiel d’un
traumatisme médullaire associé nécessite, en
effet, de transporter d’emblée le plus
rapidement possible le patient vers un centre
possédant à la fois le plateau technique
permettant un diagnostic lésionnel précis
(scanner, imagerie par résonance magnétique
[IRM]) et les équipes chirurgicales et de
réanimation entraînées à la prise en charge
de ce type de traumatisme.
La mise en place
récente (1992) d’une coordination nationale
multicentrique (SAMU, centres spécialisés) a
transformé la prise en charge de ces blessés
médullaires en permettant une analyse plus
précise et plus rapide des lésions
anatomiques pour guider une chirurgie
spécialisée dont le but est de restituer une
« moelle libre » dans un rachis stabilisé.
C - EXAMEN EN CENTRE SPÉCIALISÉ
:
1- Examen clinique
:
L’examen est conduit sur un patient
déshabillé.
Il reprend les éléments déjà cités
en précisant les mécanismes du
traumatisme, la notion de douleurs
rachidiennes, de dysesthésies, paresthésies
ou hypoesthésies.
La palpation doit être méthodique. Elle est
antérieure dans les gouttières carotidiennes,
mais aussi abdominale, à la recherche d’un
météorisme ou de tout autre signe évoquant
un hématome rétropéritonéal.
Il faut
dépister les signes abdominaux (défense,
contractures) d’une lésion viscérale due au
traumatisme (lésions de décélération,
contusions hépatiques, spléniques).
La palpation des épineuses en arrière est
conduite de façon habituelle sur un patient
en décubitus dorsal.
En l’absence de lésion
manifeste et donc de signes neurologiques,
il est licite sur un patient coopérant de
pratiquer l’examen du dos en décubitus
latéral, à la recherche d’une ecchymose,
d’une déformation localisée, d’une
contracture des muscles paravertébraux.
L’examen clinique est complété par un bilan
neurologique complet et la recherche de
lésions associées (crâne, thorax, abdomen,
bassin, membres, traumatisme vasculaire)
dont la symptomatologie pourrait être
masquée par l’atteinte rachidienne.
2- Examen neurologique
:
Il est soigneux et conduit de façon
systématique, consigné par écrit pour servir
de base de référence évolutive.
Il a pour
objectif de rechercher une atteinte
neurologique, de préciser le niveau moteur
et sensitif de la lésion et son caractère,
complet ou incomplet.
Cet examen
neurologique a été codifié par l’American
Spinal Injury Association (ASIA), ce qui
permet d’établir un score moteur et un score
sensitif ASIA.
L’étude de la motricité volontaire impose
une étude de tous les groupes musculaires
qui sont testés par fonction.
Leur intégrité
ou leur absence permet rapidement de
déterminer un niveau lésionnel.
Les muscles
et les groupes musculaires sont testés
séparément en suivant la cotation habituelle
de 0 à 5, de l’absence de contracture
musculaire volontaire jusqu’à la contracture
musculaire normale dans sa force.
Au niveau des membres, l’étude des
groupes musculaires est facile, d’autant plus
que les différentes fonctions inhérentes à
chaque articulation et à chaque groupe
musculaire sont bien systématisées.
Au niveau du tronc, les repères
sont moins précis.
Les muscles abdominaux
sont testés en faisant tousser le patient : le
déplacement de l’ombilic, vers le haut ou
vers le bas, témoigne d’une lésion sus- ou
sous-jacente à D10.
La sensibilité est testée pour les trois
principaux modes qui sont la sensibilité
superficielle (tact, piqûre), la sensibilité
profonde (sens de position des orteils,
diapason), la sensibilité thermoalgique
(chaud-froid, douleur).
D’un point de vue
pronostique (score sensitif ASIA), l’analyse
de la sensibilité superficielle est la plus
importante. Pour la sensibilité à la piqûre,
l’examen est fait de préférence avec une
épingle de nourrice (jetée après usage).
Si le
sujet ne peut pas reconnaître la piqûre (ne
fait pas la distinction entre le tact et la
piqûre), la sensibilité à la piqûre est cotée à
0 car la perception doit être douloureuse et
pas seulement tactile.
On recommande de
procéder en débutant par le toucher, puis
d’effectuer la piqûre en remontant des
extrémités vers le tronc et la région cervicale.
Pour chaque dermatome droit et gauche, les
deux modes de sensibilité (tact et piqûre)
sont cotés de 0 à 2.
La recherche des réflexes ostéotendineux et
des signes pyramidaux est effectuée
parallèlement à celle de la motricité et
contribue à établir un niveau lésionnel.
L’existence de signes
pyramidaux signe une compression
médullaire qui associe réflexes vifs, diffusés, polycinétiques, trépidation épileptoïde du
pied, clonus de la rotule, signe de Hoffmann
aux membres supérieurs et de Babinsky aux
membres inférieurs.
Ils sont exceptionnels en
cas de lésion médullaire aiguë.
L’examen du périnée est une étape
essentielle et obligatoire de cet examen
neurologique, avec étude de la sensibilité et
de la motricité des sphincters anal et vésical.
Cet examen impose la recherche des
réflexes bulbocaverneux et clitoridoanal.
Le
réflexe bulbocaverneux est recherché par un
doigt endorectal associé à une traction sur la
sonde urinaire qui va déclencher une
contraction du sphincter anal.
L’appréciation
de la motricité volontaire du sphincter anal
est tout aussi importante.
En effet, après une
contusion médullaire, les lésions évoluent au
sein de l’axe neural de façon longitudinale,
mais également centrifuge vers la périphérie.
Les cordons innervant le périnée sont les
plus périphériques et ils sont donc atteints
en dernier lieu.
Leur intégrité traduit, sur le
plan anatomique, le caractère incomplet de
la lésion médullaire, de meilleur pronostic.
Il en est de même chaque fois qu’il persiste
le moindre groupe musculaire ou la moindre
zone de sensibilité, même très minime, qu’il
faut savoir mettre en évidence.
Il est alors possible d’effectuer une
classification de l’atteinte neurologique en
fonction du score établi par Frankel.
Cette
classification, originaire du Stoke Mandeville
Hospital, est encore aujourd’hui utilisée à
peu près par tous.
– Groupe A : atteinte complète.
Il n’y a pas
de fonction motrice ni sensitive au-dessous
du niveau lésé.
– Groupe B : atteinte motrice complète, mais
il existe une conservation de la fonction
sensitive, y compris périnéale.
– Groupe C : il y a une conservation motrice,
mais la force musculaire n’est pas utilisable.
– Groupe D : la force musculaire motrice est
suffisante pour autoriser une marche avec
ou sans aide.
– Groupe E : il n’y a pas d’atteinte
neurologique, pas de faiblesse musculaire,
pas de troubles sensitifs ni de troubles
sphinctériens.
D - EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
:
Il existe une échelle à respecter dans la
prescription des différents examens
complémentaires qui ne doivent en aucun
cas être demandés dans un but purement
iconographique et retarder un geste
thérapeutique urgent.
Que la lésion rachidienne soit évidente ou
simplement suspectée, la plus grande
prudence est de rigueur lors de la
mobilisation du blessé, dans le double but
de ne pas aggraver une atteinte
neurologique existante, et surtout de ne pas
provoquer l’apparition de signes
neurologiques jusque-là absents.
1- Radiographies standards
du rachis :
Elles sont souvent suffisantes pour permettre
un diagnostic topographique et lésionnel
précis, conduisant à une indication
thérapeutique.
Leur qualité est donc
primordiale. L’indication de ces clichés est
systématique de première intention, notamment chez le blessé grave, pour ne pas
méconnaître une lésion rachidienne, non ou
peu symptomatique.
* Technique
:
Elles sont toujours possibles, même en cas
de lésion rachidienne grave.
Le blessé est
mobilisé avec des précautions identiques à
celles prises lors de son ramassage, en
traction, en évitant de le vriller sur luimême,
et manipulé par plusieurs personnes.
Il est préférable de faire les clichés sur une
table de radiographie plutôt que sur un
brancard, pour optimiser leur qualité, éviter
la superposition d’un matelas à dépression
qui, malgré sa radiotransparence, peut
fausser l’interprétation et éviter de soulever
le patient pour glisser les plaques
radiographiques.
Pour l’incidence de profil,
l’utilisation d’un tube mobile permet
d’obtenir des clichés en rayon horizontal de
bonne qualité.
* Incidences
:
Le centrage des clichés peut être déterminé
par la topographie des douleurs et surtout
l’existence d’un niveau neurologique
déficitaire.
Dans les autres cas, des clichés
de débrouillage systématiques peuvent
permettre de localiser une lésion.
Il est impératif d’obtenir :
– au niveau du rachis cervical : une face
bouche ouverte, une incidence de face et de
profil qui doit toujours dégager la charnière cervicodorsale (siège fréquent de lésions
souvent mal visualisées).
Plusieurs artifices
sont possibles : il faut pratiquer une traction
sur les deux membres supérieurs afin
d’abaisser les épaules le plus possible ; il est
parfois nécessaire de recourir à des clichés
dits en position du « nageur », les deux bras
étant relevés de chaque côté de la tête ;
– pour le rachis dorsal : une incidence de
face et de profil.
Il faut rappeler qu’un cliché
pulmonaire ne permet pas l’analyse des
structures osseuses rachidiennes ;
– pour le rachis lombaire : une incidence de
face et de profil. Un cliché de sacrum de
profil est souvent nécessaire.
La fréquence
de la méconnaissance des fractures du
sacrum (notamment chez les défenestrés) et
l’importance des signes neurologiques
associés justifient la pratique systématique
de ce cliché chez tout blessé grave.
Ainsi, l’examen radiologique de l’ensemble
du rachis, même lorsqu’il existe une lésion
évidente, est tout à fait justifié par la
fréquence des lésions étagées qui peuvent
être négligées ou méconnues.
En général, les
incidences de trois quarts ne sont pas
nécessaires dans le bilan initial.
* Principaux critères d’analyse
des clichés standards
:
+ Incidences du rachis cervical
:
- Cliché de face, bouche ouverte.
Il permet l’analyse des masses latérales de
C1, du corps de C2 et de l’odontoïde.
L’ouverture de la bouche supprime les
superpositions avec les maxillaires inférieur
et supérieur, et notamment avec les dents.
Outre l’existence d’un trait sur l’odontoïde
et un déplacement frontal éventuel, il permet
d’apprécier une perte des rapports normaux
entre les masses latérales de C1 et le corps
de C2, qu’il s’agisse d’une fracture de
Jefferson ou d’une luxation rotatoire
unilatérale de C1 sur C2.
- Incidence de face du rachis cervical.
Le sujet doit être strictement de face en
décubitus dorsal.
Le cliché permet d’étudier
la hauteur des corps vertébraux, les plateaux
supérieurs et inférieurs, les uncus, les deux
colonnes des massifs articulaires, et
d’analyser la ligne des épineuses à la
recherche d’un pincement discal, d’une
fracture d’un corps ou d’un massif
articulaire et, surtout, d’une désorganisation
de la ligne des épineuses.
- Radiographies de profil du rachis cervical.
C’est l’incidence la plus importante au
niveau cervical. Elle doit impérativement
bien visualiser C7 et si possible l’interligne
C7-D1.
La lecture doit être rigoureuse et se
fait d’abord dans un plan sagittal où il est
nécessaire de tracer et d’examiner six lignes
d’avant en arrière.
– La ligne limitant en avant l’espace prévertébral correspond aux parties molles
rétrooesophagiennes.
L’épaisseur de ces
parties molles est au maximum de 4 mm en
avant de C4 ; toute augmentation de celle-ci
est la traduction d’un hématome ou d’un
oedème et signe l’existence d’une lésion
sous-jacente osseuse ou ligamentaire.
En
dessous de C4, cet espace est physiologiquement
plus important en raison de la
présence des muscles prévertébraux.
– La deuxième ligne verticale joint les bords
antérieurs des corps vertébraux.
Elle peut
mettre en évidence un glissement vertébral
par lésion du segment mobile rachidien.
– La troisième ligne est celle qui joint le
bord postérieur des corps vertébraux.
Elle
part du bord postérieur de l’odontoïde, se
prolonge derrière le corps de C2, puis
derrière le corps de toutes les vertèbres du rachis cervical inférieur. Tout recul ou toute
baïonnette à son niveau est pathologique.
– La quatrième ligne a moins d’importance.
Il s’agit de celle unissant les bords
postérieurs des massifs articulaires.
– En revanche, la cinquième ligne, unissant
les bases des apophyses épineuses, est
importante.
En effet, entre la troisième ligne
joignant le bord postérieur des corps
vertébraux et la cinquième ligne joignant la
base des épineuses est matérialisée la
dimension du canal vertébral qui peut ainsi
être mesurée sur un cliché standard.
– La sixième ligne a une importance
moindre.
Il s’agit de celle qui joint la pointe
des épineuses de chaque vertèbre.
Elle est
souvent irrégulière en raison de la forme
variable des épineuses.
La lecture, initialement sagittale, doit être
complétée par une lecture horizontale, en
analysant à chaque niveau la forme des
vertèbres, le corps vertébral, les massifs
articulaires, les lames puis les épineuses.
Il en est de même pour le segment mobile
rachidien qui est constitué par les
éléments d’union entre deux vertèbres
(disque et ligaments).
Il faut apprécier la
hauteur du disque, l’espace interapophysaire
postérieur et l’espace interépineux à chaque
niveau intersomatique.
- Clichés du rachis cervical, trois quarts droit
et gauche.
Ils ne sont pas systématiques.
Ils permettent
de visualiser les trous de conjugaison qui
sont limités en haut et en bas par les
pédicules, en avant par le bord postérieur
du disque des vertèbres sus- et sousjacentes,
et en arrière par l’empilement
postérieur des lames vues de profil.
L’examen des massifs articulaires à la
recherche d’une éventuelle fracture ou
luxation est plus facile sur des incidences
prises en faux trois quarts, c’est-à-dire avec
un rayon incliné à 30° qui permet de
visualiser l’empilement des massifs
articulaires les uns sur les autres.
En pratique, quelle que soit l’obliquité du
rayon, on ne doit jamais, sur un même
cliché, voir un segment rachidien de profil
et un autre segment de trois quarts.
Un tel
aspect de rotation vertébrale est tout à fait
pathologique et doit faire évoquer l’existence
d’une luxation unilatérale.
+ Rachis dorsal, face et profil
:
- Cliché de face.
Il permet la visualisation des corps
vertébraux, de leurs plateaux, de tous les
pédicules qui correspondent aux « yeux de
la vertèbre » et d’apprécier l’alignement des
épineuses.
En dehors des lésions à grand
déplacement, l’interprétation en est souvent
difficile.
- Cliché de profil.
Il est d’interprétation délicate du fait de la
superposition des côtes et des épaules pour
la charnière cervicodorsale.
Les atteintes des
pédicules ou des arcs postérieurs sont
beaucoup plus difficiles à objectiver qu’un
éventuel tassement corporéal, d’où la
nécessité, au niveau du rachis dorsal, de
recourir souvent à d’autres examens.
+ Rachis lombaire (face et profil)
:
- Cliché de face.
La visualisation des corps vertébraux et de
leurs plateaux est de bonne qualité,
permettant de suspecter, voire de
diagnostiquer, un tassement même minime.
Les pédicules (les yeux de la vertèbre) sont
volumineux et l’existence d’une divergence
par rapport aux pédicules sus- et sousjacents
traduit une atteinte du segment
vertébral moyen.
L’analyse de la position
des épineuses sur la ligne médiane présente
une moins grande valeur qu’au niveau du
rachis cervical.
- Cliché de profil.
Il est essentiel pour apprécier un tassement
vertébral et la hauteur des disques.
Il permet
des mesures (hauteur et angulation) qui
guident les indications thérapeutiques.
L’étude de l’alignement du mur vertébral
postérieur doit être systématique pour
rechercher un éventuel recul localisé
entraînant une saillie dans le canal rachidien.
Cette saillie est le plus souvent le fait du
coin postérosupérieur d’une vertèbre.
+ Sacrum :
L’analyse radiologique du sacrum doit
compléter tout bilan du rachis chez un
polytraumatisé.
Le cliché de profil permet
de visualiser une éventuelle fracture dont le
diagnostic est souvent méconnu sur
l’incidence de face.
* Anatomopathologie des lésions du rachis
:
L’analyse radiologique d’une lésion
rachidienne doit préciser et décrire trois
éléments qui sont, comme pour toute lésion
traumatique, la solution de continuité ou le
trait de fracture, le déplacement et le
pronostic de stabilité.
+ Solution de continuité
:
– Elle siège ou prédomine sur l’os.
Plusieurs types sont possibles suivant la
topographie du trait de fracture au niveau
du corps vertébral :
– un trait horizontal intéresse le plateau
supérieur plus souvent que l’inférieur ;
– un trait sagittal sépare le corps vertébral
en deux fragments, droit et gauche ;
– un trait frontal correspond à l’impaction
du corps vertébral sus-jacent ;
– un trait en « croix » associe plusieurs
des traits précédents et réalise au
maximum une véritable comminution
fracturaire.
– L’atteinte du segment vertébral moyen
induit plus ou moins directement l’existence
de signes neurologiques.
Il comprend la
partie de la vertèbre correspondant au mur
vertébral postérieur avec le disque et ses
attaches ligamentaires postérieures, les
pédicules, les isthmes et les facettes
articulaires.
– Elle siège dans les parties molles discoligamentaires
intervertébrales.
Elle lèse le segment mobile rachidien dont
l’expression maximale est la luxation.
Le
segment mobile rachidien correspond à tous
les éléments unissant deux vertèbres entre
elles, d’avant en arrière : le ligament
vertébral antérieur, le disque, le ligament
vertébral postérieur, les capsules articulaires,
le ligament jaune et le ligament interépineux.
+ Déplacement
:
Il est double : régional et local.
- Déplacement régional.
D’importance variable, il peut se faire dans
les trois plans de l’espace.
Il correspond au
déplacement des segments sus- et sousjacents
à la lésion l’un par rapport à l’autre.
La cyphose est probablement le déplacement
le plus fréquent.
Deux paramètres sont à
prendre en compte :
– le tassement horizontal du corps vertébral,
témoin de la lésion osseuse ;
– le tassement des disques sus- et/ou sousjacents,
témoin de la lésion discale associée.
Le déplacement peut se faire aussi en
inclinaison latérale, en « baïonnette » ou en
rotation.
- Déplacement local.
Il correspond au déplacement d’un fragment
osseux ou discal au niveau du foyer
lésionnel.
Plus que le tassement du corps
vertébral lui-même, c’est surtout l’existence d’une lésion du segment vertébral moyen
dont nous avons vu le risque de
retentissement neurologique.
Il peut s’agir :
– du déplacement du coin postérosupérieur
du corps vertébral qui vient faire saillie dans
le canal médullaire ;
– d’une lésion retentissant sur le diamètre
d’un trou de conjugaison (luxation unitalérale, fracture d’une articulaire).
+ Pronostic de stabilité
:
Le potentiel évolutif du déplacement est
aussi important que la simple notion
d’instabilité.
Il faut distinguer :
– les lésions stables où le risque de
déplacement est nul ;
– les lésions instables où le risque de
déplacement peut être progressif et régulier
ou soudain et incontrôlable.
L’instabilité d’une lésion rachidienne a
longtemps été attribuée à la seule atteinte
du mur vertébral postérieur.
En fait, c’est
l’existence de lésions discoligamentaires qui
est la source des déplacements secondaires
et l’élément déterminant de l’instabilité.
Leur
importance et celle des lésions osseuses
associées déterminent le caractère évolutif de
cette instabilité :
– les lésions stables ne se déplacent jamais :
il s’agit des lésions à trait simple osseux isolé
ou ligamentaire isolé ;
– les lésions instables qui risquent de se
déplacer (déplacement en cyphose, en
inclinaison latérale ou en rotation)
correspondent à des lésions à trait simple
mais intéressant à la fois l’os et les éléments
ligamentaires, ainsi que les lésions globales
du segment mobile rachidien (disque et
ligaments) qui peuvent exister sans
déplacement initial.
Au terme des examens radiographiques
simples, le diagnostic topographique et
lésionnel peut être suffisant pour poser
l’indication thérapeutique.
Mais, dans un
certain nombre de cas, les examens ne sont
pas formels.
La déformation peut être minime, voire
absente, mais accompagnée d’un syndrome
douloureux et/ou neurologique majeur.
Au contraire, la déformation majeure peut
ne s’accompagner que de signes déficitaires
minimes, voire même absents.
Il est nécessaire de recourir à d’autres
examens complémentaires : scanner et/ou IRM.
Ces deux examens ne peuvent être faits
en urgence que dans certains centres
spécialisés et il est important de savoir qu’ils
ne doivent en aucun cas retarder un acte
chirurgical urgent ou la réduction
orthopédique d’un grand déplacement.
2- Scanner ou tomodensitométrie
(TDM) :
L’examen TDM est de plus en plus facile à
obtenir, même en urgence. Sa réalisation
nécessite peu de manipulations du blessé.
Il permet un triple bilan, osseux, discal et
médullaire :
– osseux : visualise le corps vertébral et ses
traits de fracture, les pédicules, les massifs
articulaires, l’arc postérieur.
Fractures et
déplacements sont analysés, dans un plan
horizontal mais aussi sagittal, grâce aux
possibilités de reconstruction électronique de
l’image ;
– discal : possibilité de hernie discale avec
saillie intracanalaire ;
– médullaire : la moelle peut être comprimée
par les déformations du canal rachidien ou
par un séquestre intracanalaire.
La
visualisation des structures nerveuses est
obtenue par une injection intraveineuse de
produit de contraste.
Ses indications doivent toutefois rester
limitées :
– il peut être utile pour confirmer une
fracture corporéale ou une atteinte du mur
vertébral postérieur douteuse sur les clichés
radiographiques (stabilité) ;
– il représente l’examen de choix en cas de
fragments osseux déplacés dans le canal
rachidien pour préciser le diamètre
rachidien restant et guider le geste
chirurgical de décompression (nombre de
fragment, taille, localisation).
3- Imagerie par résonance
magnétique (IRM)
:
C’est certainement l’examen le plus adapté à
la pathologie rachidienne traumatique.
Tout
comme le scanner, il ne nécessite pas de
mobilisation importante du blessé.
Il permet
une analyse aussi bien dans le plan frontal
que sagittal ou transversal.
Il visualise les
zones difficilement accessibles aux
radiographies standards (charnière cervicodorsale, rachis dorsal).
Il autorise une
étude des tissus mous (lésions des disques
et ligaments).
C’est surtout le seul examen
qui renseigne sur la structure de la moelle
épinière.
Toutefois, l’interprétation des
modifications du signal médullaire reste
encore à préciser ; elle peut peut-être
permettre d’apprécier, dans l’avenir, le type
anatomique de l’atteinte médullaire, en
dissociant transsection, contusion et
sidération.
4- Autres types d’investigations
:
* Clichés dynamiques
:
Ils sont tout particulièrement utiles dans
l’exploration du rachis cervical traumatique.
Ils permettent une incidence de profil en
flexion, position neutre et en extension, et
ainsi de détecter une hypermobilité masquée
par l’absence de déplacement initial de la
lésion.
Ils n’ont que peu de valeur en
urgence où la contracture des muscles paravertébraux et la douleur gênent leur
réalisation.
Il est parfois préférable
d’immobiliser provisoirement le blessé et
d’attendre le dixième jour, après traitement
médical de la contracture musculaire, pour
les réaliser dans de meilleures conditions.
Les mouvements de flexion et d’extension
doivent être pratiqués en actif, avec la plus
grande amplitude, par le blessé lui-même.
* Tomographies
:
Elles peuvent être utiles en l’absence de
scanner et/ou d’IRM lorsque la lésion siège
dans une zone mal visualisée par les clichés
standards et particulièrement la charnière cervicodorsale et le rachis dorsal haut.
Elles sont simples à effectuer pour les
incidences de face, mais imposent pour le
profil la mise en décubitus latéral du blessé.
Chez un blessé conscient, le passage en
décubitus latéral pose peu de problèmes.
En
présence d’un blessé neurologique ou dans
le coma, il faut immobiliser le patient par
des coussins et des sangles de façon à le
fixer strictement sur le côté.
La tête doit être
posée sur un coussin pour éviter toute
inclinaison latérale.
De profil, elles doivent
être réalisées systématiquement sur les deux
colonnes des articulaires droite et gauche,
sous peine de méconnaître une lésion
unilatérale.
* Tomomyélographie
:
Elle ne peut être indiquée qu’en l’absence
d’IRM pour rechercher une compression
neurologique par saillie ou présence de
fragments osseux intracanalaires.
La compression peut être d’origine osseuse,
discale, ou plus rarement liée à un
hématome intra-rachidien.
* Artériographie médullaire
:
Elle permet de rechercher une pathologie
des artères à destinée médullaire pour
expliquer un tableau neurologique sans
lésion osseuse ou discoligamentaire patente
(IRM).
Cet examen très spécialisé de
neuroradiologie n’est fait que très rarement
dans le cadre de l’urgence.
* Potentiels évoqués
:
L’analyse des potentiels évoqués somesthésiques appliquée de façon
périphérique aux membres supérieurs ou
aux membres inférieurs et recueillie au
niveau du cortex encéphalique a été
proposée dans un but diagnostique et
pronostique des lésions médullaires.
Elle est
de réalisation simple et rapide aujourd’hui
avec des appareils portatifs.
Toutefois, la
valeur de cet examen reste encore à préciser.
En effet, sur le plan diagnostique, en dehors
d’un contexte de coma ou de polytraumatisme,
l’examen clinique minutieux permet
d’affirmer le caractère complet ou incomplet
de l’atteinte médullaire.
De même, sur le
plan pronostique, l’évolution clinique est le
plus souvent suffisante.
Ses indications
principales demeurent actuellement le bilan
et la surveillance des patients non
coopérants (coma, réanimation) et le contrôle peropératoire d’un geste chirurgical.
Cas particuliers
:
A - POLYTRAUMATISÉ
:
En cas de polytraumatisme, l’existence d’une
lésion rachidienne peut être masquée par
des lésions associées.
Ainsi, il faut
systématiquement rechercher une lésion du
rachis et demander les examens
complémentaires nécessaires sans retarder
un geste thérapeutique urgent (neurochirurgical,
thoracique, abdominal ou vasculaire).
À l’inverse, la présence d’une lésion
rachidienne peut parfois faire méconnaître
une lésion viscérale ou thoracique associée.
En pratique, parallèlement aux investigations
cliniques et radiologiques, il faut
apprécier la qualité de la fonction ventilatoire et hémodynamique (un geste de
réanimation pouvant être nécessaire à tout
moment) et connaître les arguments
diagnostiques entre les facteurs dus à une
atteinte médullaire et ceux dus aux lésions
associées.
Sur le plan cardiovasculaire, l’atteinte
médullaire entraîne la disparition de
l’activité sympathique et la perte des réflexes
d’adaptation dans le territoire souslésionnel.
Les conséquences cardiovasculaires
sont d’autant plus importantes
que la lésion médullaire est haut située, en
pratique au-dessus de D6.
La disparition du
tonus sympathique est responsable d’une vasoplégie sous-lésionnelle et donc d’une
hypovolémie relative avec baisse des
résistances systémiques, du retour veineux
et du débit cardiaque.
De plus, il existe une
diminution des possibilités d’adaptation aux
variations volémiques.
La persistance d’un
système parasympathique efficient,
notamment cardiaque, explique la
bradycardie habituelle de ces patients.
Cette
bradycardie existe surtout chez les
traumatisés cervicaux et est maximale au
quatrième jour.
L’hypertonie parasympathique
peut être responsable de bradycardies
extrêmes, voire d’arrêts cardiocirculatoires
au cours de stimulations telles qu’une
aspiration bronchique.
La probabilité d’un
arrêt cardiocirculatoire brutal est d’autant
plus grande que le patient est hypoxique,
hypovolémique et hypothermique.
L’atteinte
cervicale haute (C1-C2) est fréquemment
responsable d’un arrêt cardiaque au moment
du traumatisme.
L’atteinte médullaire haute s’accompagne
d’une moindre tolérance aux surcharges volémiques.
Le risque d’oedème pulmonaire
devient majeur en cas d’association à une
contusion pulmonaire ou myocardique.
Sur le plan ventilatoire, l’atteinte est
également étroitement dépendante du
niveau lésionnel.
Au-dessus de C4,
émergence des nerfs phréniques, il existe
une paralysie diaphragmatique et la
dépendance ventilatoire est complète,
nécessitant une ventilation contrôlée.
Dans
les atteintes cervicales basses (C4 à C7) et
dorsales hautes, la conservation de l’activité
diaphragmatique permet une autonomie ventilatoire.
En raison de la disparition de
tout ou d’une partie des muscles
intercostaux et de l’absence d’abdominaux,
cette autonomie est relative et précaire.
En
cas de lésion médullaire C4-C7, la capacité
vitale est réduite (50 % de la normale) par
diminution du volume de réserve expiratoire
plus que du volume de réserve inspiratoire,
tandis que le volume résiduel est augmenté
(+ 50 %) et la capacité résiduelle
fonctionnelle diminuée.
Surtout, il y a une
amputation majeure des principaux muscles
expiratoires (abdominaux, intercostaux) qui
permettent une toux efficace pour éviter
l’encombrement bronchique et les
atélectasies.
Dans les atteintes dorsales
basses et lombaires, les problèmes ventilatoires sont mineurs : les muscles
abdominaux sont intacts pour des atteintes
en dessous de D12.
L’intubation des patients
est rarement nécessaire lorsqu’il existe un
traumatisme rachidien isolé.
Si elle est
justifiée, notamment en préopératoire
immédiat, elle est faite, en cas de lésion
cervicale, avec une grande prudence pour
éviter toute mobilisation intempestive du
rachis cervical ou dorsal haut, risquant de
provoquer l’aggravation de signes
neurologiques existants, voire entraîner leur
apparition chez un patient indemne de toute
lésion médullaire.
L’intubation est volontiers
faite par le nez avec un contrôle endobuccal.
Si elle n’est pas possible, une intubation par
la bouche est réalisable, en ayant soin de ne
pas mobiliser l’ensemble tête et rachis
cervical.
Sur le plan abdominal, l’hématome rétropéritonéal, toujours présent lors d’une
fracture du rachis lombaire ou de la
charnière dorsolombaire, peut provoquer
une défense et une réaction séreuse
intrapéritonéale suspecte à l’échographie ou
lors d’une dialyse péritonéale qui est alors
rosée.
Seule une surveillance régulière
répétée clinique et paraclinique (hématocrite,
numération, échographie, voire scanner)
permet d’arriver au diagnostic positif de
lésion intrapéritonéale.
Par ailleurs, un
problème essentiel réside dans la perforation
d’un organe creux ou une ischémie digestive
par désinsertion mésentérique, notamment
chez les patients ayant subi une décélération
brutale (accident à haute vitesse, chute de
grande hauteur).
Les clichés d’abdomen sans
préparation permettent de rechercher un
pneumopéritoine ; chez un polytraumatisé,
ce cliché peut être effectué de profil en
décubitus dorsal.
La TDM est nettement
supérieure pour mettre en évidence des
pneumopéritoines volontiers minimes.
Une
telle surveillance peut contre-indiquer
provisoirement un geste chirurgical
rachidien long qui interrompt toute
possibilité de surveillance et qui impose
dans la majorité des cas un décubitus
ventral.
À l’étage thoracique, une fracture du rachis
peut s’accompagner d’un hémothorax mais
aussi d’un élargissement du médiastin qui
doit faire suspecter une lésion vasculaire.
L’appréciation d’un élargissement du
médiastin est délicate chez un patient en
décubitus dorsal.
Seule l’angiographie (gerbe
aortique) permet de faire le diagnostic de
désinsertion isthmique de l’aorte qui impose
un geste chirurgical urgent.
En cas
d’hémothorax, le drainage doit précéder toute chirurgie rachidienne.
Il peut être
secondaire à une fracture du rachis ou à une
lésion pleuroparenchymateuse nécessitant
une hémostase chirurgicale passant alors
avant le traitement de la lésion rachidienne.
La difficulté, chez ces patients polytraumatisés,
est de ne pas perdre la notion de la
hiérarchie des gestes de réanimation et des
gestes chirurgicaux.
Il faut savoir déjouer les
nombreux pièges diagnostiques.
Seule une
attitude systématique et rationnelle guidée
par l’expérience du traitement de ce type de
patient permet d’agir au bon moment sur la
bonne lésion.
B - BLESSÉ DANS LE COMA
:
L’examen neurologique est difficile, mais pas
impossible.
Il faut savoir apprécier une
motricité volontaire et le tonus musculaire
présents lors d’un coma vigile, étudier les
réactions aux stimuli douloureux, rechercher
les réflexes ostéotendineux et l’existence de
signes pyramidaux.
L’appréciation du tonus
anal est un des meilleurs signes lors de cet
examen.
L’abolition de la tonicité avec un
sphincter béant chez un patient qui n’est pas
endormi par des barbituriques permet
d’affirmer l’existence d’une atteinte
médullaire.
Les réflexes bulbocaverneux sont
d’appréciation plus litigieuse.
En cas de
coma profond, l’examen est difficile et
l’atteinte médullaire peut parfaitement être
méconnue d’où l’importance, chez ces
patients, de dépister et de rechercher une
atteinte rachidienne par l’examen clinique
soigneux, mais surtout par des clichés
radiologiques de l’ensemble de la colonne
rachidienne.
Dans un certain nombre de cas,
notamment lors de traumatismes craniofaciaux, il est difficile d’apprécier le
caractère périphérique ou central de
l’atteinte neurologique, d’où l’intérêt d’une
TDM crânienne en urgence pour éliminer
un hématome extradural (imposant un geste
chirurgical immédiat), objectiver une
souffrance encéphalique expliquant le coma
(oedème cérébral) et analyser le rachis
cervical haut.
C - DIFFÉRENTS SYNDROMES
NEUROLOGIQUES OBSERVÉS :
1- Lésions médullaires complètes
:
Dans certains cas, en urgence, il est difficile
de dissocier de façon formelle une atteinte
médullaire complète d’une lésion
incomplète. Une atteinte neurologique
complète est toujours associée à une phase
initiale de choc spinal.
Ce dernier apparaît
au décours immédiat du traumatisme et se
caractérise par une abolition de tous les
réflexes au-dessous de la lésion médullaire.
Celle-ci est transitoire jusqu’à l’installation
de la phase d’automatisme médullaire avec
récupération d’arcs réflexes autonomes.
Une
telle phase doit être distinguée d’une
sidération médullaire où la rapidité de la
récupération neurologique en quelques
minutes ou quelques heures permet de faire
le diagnostic.
Il n’y a pas de lésion
anatomique de la moelle ni apparition
secondaire d’un automatisme dans ce
dernier cas.
* Tétraplégies
:
Le tableau est stéréotypé, avec disparition
de toute motricité volontaire et du tonus
musculaire.
Les troubles sensitifs sont
complets avec une atteinte de tous les
modes.
Il y a une abolition de tous les
réflexes, aussi bien ostéotendineux que
bulbocaverneux.
Il n’y a pas de signe
d’irritation pyramidale.
Il s’agit d’une
atteinte flasque.
À ce stade, la signification
d’un priapisme n’est pas complètement
élucidée, mais nous verrons qu’il s’agit
plutôt d’un élément de mauvais pronostic.
L’existence d’un réflexe bulbocaverneux
dans un tel tableau est probablement plus
significative d’un automatisme précoce que
d’une lésion incomplète.
Il faut dissocier les lésions du rachis cervical
supérieur de celles du rachis cervical
inférieur.
L’élément majeur de l’atteinte
neurologique au-dessus de C4 est la perte
de l’autonomie respiratoire par paralysie
diaphragmatique.
Les troubles neurovégétatifs
y sont extrêmement fréquents,
notamment par dysrégulation avec hypo- ou
hypertension, hypo- ou hyperthermie.
En
cas de lésion haute, au-dessus de C2,
l’atteinte des paires crâniennes IX, X, XI est
possible, liée à une atteinte osseuse par
compression au niveau de l’émergence des
nerfs de la base du crâne dans le trou
déchiré postérieur.
La lésion est ici
radiculaire et non pas directement
secondaire à l’atteinte médullaire.
* Paraplégies
:
Elles constituent un tableau neurologique
identique à celui d’une tétraplégie mais
n’intéressant pas les membres supérieurs.
Quelques points méritent d'être
individualisés :
– l’atteinte respiratoire chez ces patients
n’est pas négligeable, si la lésion est haut
située ; ainsi, pour une lésion de D1, seuls le
diaphragme et les scalènes sont présents
comme muscles respiratoires ; pour des
lésions plus basses, les intercostaux sont
recrutés au fur et à mesure, les muscles
abdominaux n’étant que partiellement
conservés pour des lésions et des atteintes
inférieures à D7 ; ils sont intacts pour des
lésions au-dessous de D12 ;
– la zone de sensibilité entre C7 et D5 est
mal systématisée entre la base du cou et les
faces supérieures des deux épaules ; elle
peut donc induire des erreurs de niveau et
égarer un diagnostic topographique déjà
difficile dans le cadre des lésions de la
charnière cervicodorsale.
2- Lésions neurologiques
incomplètes :
Dans le cadre des tableaux de tétraplégie et
de paraplégie incomplètes, différents
syndromes ont été décrits en fonction du
siège anatomique de la lésion médullaire ou
radiculaire.
Leur connaissance est
indispensable.
Elle permet parfois d’orienter
vers le mécanisme de la lésion et de
déterminer un élément du pronostic évolutif.
* Syndrome de Brown-Séquard
:
Il est observé à la suite d’une lésion
unilatérale de l’axe médullaire.
Il associe une
perte de la sensibilité profonde et une
hémiplégie du même côté mais, en revanche,
une anesthésie thermoalgique de l’autre
côté.
Il est plus ou moins net. Il est très
fréquent lors des lésions cervicales
incomplètes.
Il est rare au niveau dorsal où
les lésions incomplètes sont d’ailleurs
exceptionnelles.
* Syndrome de contusion antérieure
de la moelle (syndrome de Kahn-Schneider)
:
Il est de mécanisme volontiers discal avec
expulsion d’une hernie qui comprime les
faisceaux antérieurs de la moelle. Il se
caractérise par une atteinte motrice complète
avec conservation d’une sensibilité tactile
plus ou moins complète.
L’évolution en est
variable, mais des récupérations ont pu
s’observer.
* Syndrome de contusion centrale de la
moelle (syndrome d’Alajouanine-Schneider)
:
Il est plutôt observé chez les sujets âgés à
l’occasion d’un traumatisme sur un canal
cervical étroit.
Il réalise une tétraplégie
incomplète avec une atteinte discrète des
deux membres inférieurs mais, en revanche,
une atteinte majeure au niveau des membres
supérieurs.
L’évolution est habituellement
favorable ; cependant, la récupération est
rarement totale.
* Syndrome de contusion postérieure de la
moelle (syndrome de Roussy-Lhermitte)
:
Les atteintes sensitives dominent largement
le tableau, leur gravité est fonction de
l’importance de la lésion.
Les troubles
sensitifs peuvent se traduire par une
hyperesthésie superficielle, une anesthésie épicritique et parfois, simplement, par une
perte de la sensibilité profonde.
L’évolution
est en général favorable.
Ce tableau
s’observe plutôt en cas de traumatisme
direct sur le rachis au niveau des éléments
postérieurs.
* Monoplégies
:
Elles peuvent exister.
Le diagnostic
différentiel avec une atteinte plexique en
urgence n’est pas toujours facile.
* Lésions du cône médullaire
:
Elles se caractérisent par l’atteinte de la
portion terminale de l’axe neural.
Il est
extrêmement fragile à ce niveau où sont
regroupés les derniers dermatomes
lombaires L1-L5 et les racines sacrées.
Le
cône terminal est situé habituellement en
regard d’une zone qui va du bord inférieur
de L1 au bord inférieur de L2.
La position
du cône est variable avec la position en
flexion du rachis.
La gravité d’une telle
lésion est réelle car la récupération
sphinctérienne est habituellement de
mauvaise qualité, sans possibilité de
récupération d’un automatisme puisqu’il y a
une destruction des centres réflexes.
* Atteintes de la queue de cheval
:
Il s’agit d’une atteinte radiculaire qui, selon
le niveau lésionnel, intéresse plus ou moins
toutes les racines de L2 à S5.
La sensibilité
des racines au traumatisme étant moindre
que celles des structures médullaires
(notamment du cône terminal), les
possibilités de récupération sont bien
meilleures.
En fait, l’atteinte associe
fréquemment une atteinte radiculaire et une
lésion du cône, et le diagnostic lésionnel
précis n’est alors fait le plus souvent qu’au
stade des séquelles.
La récupération
sphinctérienne motrice et sensitive est
habituellement observée en cas de lésion
radiculaire ; elle est de bien moins bonne
qualité pour une atteinte du cône.
3- Pronostic neurologique
:
Nous avons vu la difficulté, à la phase de
choc spinal, de distinguer une atteinte
complète d’une possible sidération
médullaire.
En cas d’atteinte médullaire,
certains signes présentent une valeur de
mauvais pronostic.
* Priapisme
:
Sa signification reste controversée mais il
paraît être un signe de gravité certain.
* Disparition des réflexes crémastériens,
bulbocaverneux et béance du sphincter anal
:
Ce sont des signes très fiables en faveur
d’une section médullaire, à condition que le
patient ne soit pas en coma profond, ni sous
traitement sédatif important.
Un réflexe bulbocaverneux peut être présent
précocement, lors de l’examen initial.
Il est
alors beaucoup plus souvent la traduction
d’un début d’automatisme médullaire et
d’une atteinte grave que d’une lésion
incomplète avec conservation isolée de ce
réflexe.
* Signes neurovégétatifs
:
Déjà détaillés, ils signent des lésions hautes.
Le syndrome vagotonique avec hypotonie,
bradycardie et hypotension artérielle est de
mauvais pronostic, traduisant une atteinte
grave.
* Évolution de la récupération neurologique
:
C’est le dernier élément : plus celle-ci est
précoce, meilleure est la qualité fonctionnelle
de la récupération.
Traitement
:
Nous étudions, dans un premier temps, les
possibilités thérapeutiques, puis nous
détaillons plus spécifiquement les points
propres à chaque type de lésion et à leur
traitement.
A - MÉTHODES ET TRAITEMENT
:
1- Méthodes orthopédiques
:
* Repos, physiothérapie, avec ou sans
immobilisation complémentaire :
Ce traitement fonctionnel n’est justifié que
pour des lésions ayant fait la preuve de leur
bénignité.
Le repos permet d’observer la
régression des phénomènes douloureux
L’entretien de la musculation paravertébrale
par une rééducation statique posturale, aussi
bien en cervical qu’en lombaire, est
indispensable.
Au niveau lombaire, la
rééducation des muscles abdominaux
complète le traitement.
* Immobilisation
:
Elle est habituelle au niveau cervical.
Elle
est confiée à un collier rigide qui bloque
essentiellement les mouvements de flexionextension
et de latéralité, mais très peu les
rotations qui se font au niveau du rachis
cervical supérieur.
Au niveau dorsal et lombaire, elle n’est pas
obligatoire.
Si elle est nécessaire, elle est
habituellement réalisée par un corset trois
points (sternum, crêtes iliaques, pubis).
Il
empêche les mouvements de flexionextension
et d’inclinaison latérale.
Au niveau
dorsal haut, D1-D6, il faut y adjoindre un
appui occipitomentonnier pour bloquer
efficacement la flexion.
Le recours à une immobilisation, quel qu’en
soit le type, ne dispense pas d’une
gymnastique statique posturale, faite avec le
corset ou le collier.
Elle seule permet d’éviter
l’atrophie musculaire, les douleurs et
l’appréhension lors de l’ablation de la
contention.
* Réduction orthopédique
:
Les lésions du rachis cervical ou
dorsolombaire sont souvent accessibles à
une réduction orthopédique.
Si les
indications sont extrêmement variables et
fonction d’école, surtout au niveau cervical,
les méthodes de réalisation sont assez
similaires.
Elles sont généralement faites sur
un patient conscient et éveillé pour dépister
toute modification de l’état neurologique.
La
manoeuvre tend à reproduire en sens inverse
le mécanisme à l’origine de la lésion.
Pour le
rachis cervical, les manipulations directes
sont peu utilisées et il est largement préféré
la traction continue par halo crânien ou
étrier.
Celle-ci est probablement moins
dangereuse que les manipulations directes.
La traction est maintenue en place ou
relayée par une immobilisation de type
minerve avec appui occipitomentionnier
jusqu’à consolidation (45 jours à 3 mois).
Bien souvent, la réduction orthopédique ne
constitue en fait que le premier temps du
traitement chirurgical qui donne la
stabilisation définitive du rachis.
Au niveau dorsolombaire et lombaire, toutes
les techniques visent à redonner à la vertèbre
tassée sa hauteur normale.
Une traction,
associée à une hyperlordose qui fait bailler
le corps vertébral tassé en cyphose, donne
d’excellents résultats.
La réduction est suivie par la confection
d’un corset plâtré trois points pour
maintenir le résultat.
Une surveillance
radiologique stricte est indispensable tout au
long des différentes étapes de la réduction
et dans les premières semaines chez ce
patient traité orthopédiquement.
* Méthode de Guttmann
:
Originale, elle mérite d’être citée et mise à
part. Elle a été proposée pour des patients
ayant d’importants signes neurologiques et
de grandes déformations du rachis.
Extrêmement astreignante, elle permet une
réduction progressive de la déformation par
postures régulièrement modifiées à l’aide de
coussins en mousse.
Elle peut réduire des
déplacements importants.
L’absence de
réduction rapide pour libérer la moelle
épinière, son caractère contraignant,
l’importance et la compétence du personnel
paramédical qu’elle requiert expliquent son
abandon actuel.
2- Traitement chirurgical
:
Quatre grands principes doivent êtres
respectés dans le traitement chirurgical des
lésions du rachis, qu’il y ait ou non des
troubles neurologiques.
Il faut :
– réduire la déformation ;
– lever une compression directe, radiculaire
ou médullaire ;
– réaliser une exploration intracanalaire en
cas de déficit neurologique ;
– stabiliser le rachis.
* Réduire la déformation
:
Une telle réduction est possible à deux
moments :
– en préopératoire, elle est parfois effectuée
par manipulations directes ou mise en
traction ;
– le plus souvent, elle se fait lors de la mise
en place du blessé en décubitus ventral sur
la table d’opération.
En l’absence de réduction, elle est faite en peropératoire par manipulation directe, soit
au niveau des épineuses, soit directement
sur les massifs articulaires en utilisant des
manoeuvres de type « démonte-pneus ».
* Lever une compression directe radiculaire
ou médullaire éventuelle :
Le premier stade de cette décompression est
la réduction de la déformation rachidienne
qui rend au canal rachidien sa forme
normale et libère ainsi la moelle.
Lorsqu’il
existe un élément compressif intracanalaire,
il nous paraît essentiel de l’aborder
directement pour le supprimer.
Lors d’une
voie postérieure, abord de loin le plus utilisé
pour le traitement des lésions du rachis
dorsal et lombaire en urgence, la
laminectomie permet ce geste.
Celle-ci n’est
qu’une voie d’abord des éléments intracanalaires et non pas, comme cela a été
longtemps préconisé, le principal élément de
la décompression.
Dans un certain nombre de cas, l’abord
antérieur est préféré.
Il est facile au niveau
du rachis cervical, plus difficile au niveau
du rachis dorsal et lombaire en urgence.
La corporectomie donne cependant une bonne
décompression de l’axe neural mais est
limitée en hauteur.
* Réaliser une exploration intracanalaire
:
Elle permet l’ablation des fragments
compressifs mobiles, voire de repousser un
volumineux fragment de corps vertébral
faisant saillie dans le canal en avant.
Elle est
habituellement effectuée par une
laminectomie lors d’un abord postérieur.
Un
tel geste au-dessous de L1 et du cône
terminal ne pose pas de problème et le
risque iatrogène est minime.
Au-dessus, en
revanche, pour explorer latéralement et en
avant de la moelle, il est nécessaire de
réséquer les éléments osseux latéraux, le
massif articulaire et le pédicule, permettant
ainsi par cette voie postérolatérale de faire
le tour de l’axe neural sans le toucher ou le
traumatiser.
* Stabiliser le rachis
:
+ Méthodes d’ostéosynthèse du rachis cervical
:
- Ostéosynthèses postérieures.
– Plaques vissées dans les massifs
articulaires (Roy-Camille) : la fixation à ce
niveau est aisément obtenue en implantant
des vis de 16 à 19 mm de longueur dans les
massifs articulaires.
La solidarisation entre
les vertèbres se fait par l’intermédiaire de
deux plaques.
Un tel montage a de
nombreux avantages.
Sa réalisation est
simple, les risques de lésion d’un élément
noble (racine, moelle, artère vertébrale) sont
pratiquement nuls pour celui qui maîtrise
cette technique.
La solidité du montage est
excellente, surtout chez les sujets jeunes.
Une
laminectomie est aisée à réaliser, les plaques
étant posées de part et d’autre de celle-ci.
– Fixation postérieure par fil d’acier : lors
d’un abord postérieur, plusieurs méthodes
ayant recours à des laçages au fil métallique
ont été proposées.
Le fil peut simplement
fixer les épineuses l’une par rapport à
l’autre, passant autour de celles-ci, ou il peut
s’agir de montage plus complexe en utilisant
notamment des trous transarticulaires.
Ces
fixations restent imparfaites sur le plan
mécanique. Le fil peut parfois sectionner les
éléments osseux plus ou moins solides.
La
qualité de la réduction et de synthèse est
souvent médiocre, les démontages sont
fréquents.
Ces méthodes, proposées dans un
but de simplification et de moindre danger,
ne font pas aujourd’hui la preuve de leur
efficacité ni même de leur particulière
innocuité.
- Ostéosynthèses antérieures.
Nous avons vu que l’abord antérieur du
rachis cervical était fréquemment réalisé,
notamment pour des lésions corporéales.
Il
est simple et la corporectomie donne
habituellement la décompression de l’axe
neural.
La reconstruction est alors
obligatoire.
Elle se fait par une greffe de
crête iliaque, tricorticale. Les procédés de
synthèse sont nombreux, mais finalement
assez similaires dans leur principe.
Il s’agit
soit d’une petite plaque vissée antérieure
(Senegas, Fuentes et Gaspar), soit d’une
agrafe antérieure (Roy-Camille). La
stabilisation mécanique ainsi obtenue est de
bonne qualité.
+ Méthodes d’ostéosynthèses du rachis dorsal,
dorsolombaire et lombaire
:
Les méthodes sont encore loin de faire
l’unanimité aujourd’hui.
Cependant,
l’ensemble des auteurs tend à privilégier, en
urgence, l’abord postérieur par rapport à
l’abord antérieur et l’utilisation de montage
avec implantation de vis pédiculaires,
méthode de loin la plus fiable.
- Plaques vissées dans les pédicules selon Roy-
Camille.
Le pédicule vertébral est un cylindre d’os
cortical qui constitue la partie la plus solide
de la vertèbre.
Il est aisément accessible par
une voie postérieure, les repères étant assez
constants d’un malade à l’autre.
Ses
dimensions, aussi bien en hauteur qu’en
largeur, permettent aisément d’implanter
une vis de diamètre 4 à 4,5 mm et parfois
deux vis à l’étage lombaire où ils sont
particulièrement volumineux.
Les plaques
sont prémoulées de façon à s’adapter aux
différentes courbures du rachis.
Elles sont
perforées par une série d’orifices dont la
distance a été déterminée à partir de la
mesure de la distance moyenne entre deux
pédicules.
Celle-ci est assez constante, aussi
bien au niveau lombaire que dorsal.
Les
montages obtenus présentent une excellente
qualité mécanique.
Ils intéressent de façon
habituelle pour la charnière dorsolombaire
et le rachis lombaire deux vertèbres audessus
et deux au-dessous de la vertèbre
lésée.
Au niveau dorsal, où les conséquences
d’une perte de mobilité sont moins
importantes, les montages intéressent le plus
souvent trois vertèbres au-dessus et trois
vertèbres au-dessous de la lésion.
La
laminectomie reste tout à fait possible, de
même que la résection des éléments
latéraux, pour effectuer un abord postérolatéral.
La mise en place d’une greffe
osseuse postérolatérale sur les transverses ne
pose pas non plus de difficulté particulière.
- Instrumentations de type Cotrel-Dubousset
et dérivés du matériel de Harrington.
Initialement utilisé pour la mise en
distraction du rachis dans le traitement des
scolioses, ce matériel est aujourd’hui utilisé
pour la fixation des lésions traumatiques du
rachis.
Des crochets viennent s’appuyer sur
les bords supérieurs ou inférieurs des lames
des vertèbres adjacentes à la vertèbre
fracturée.
Entre les crochets sont mises en
place des tiges qui pontent le foyer de
fracture et maintiennent le rachis, soit en
distraction, soit en compression, selon le
type de la lésion.
La réalisation d’une
laminectomie n’est pas toujours facile.
Cette
méthode a été adaptée et modifiée par
plusieurs auteurs qui ont essayé d’améliorer
la fixation obtenue avec ce matériel.
– Les Rod Sleeves sont des manchons
plastiques coulissant le long de la tige et venant s’appuyer au niveau maximal de la
déformation pour réaliser un montage à trois
points d’appui.
– La technique de Luque fixe chacune des
vertèbres à la tige par un cerclage métallique
qui passe sous chacune des lames.
+ Greffe osseuse
:
Les méthodes de synthèse effectuées par
voie postérieure donnent une stabilité
immédiate.
Celle-ci est reprise à long terme,
soit par la consolidation de la fracture, soit
par la fusion d’une greffe osseuse ajoutée au
moment de l’acte opératoire.
Cette greffe
n’est pas obligatoire ; elle est indiquée en
cas de lésion discoligamentaire
prédominante dont la cicatrisation est
rarement de bonne qualité.
L’indication
d’une greffe complémentaire est donc
directement dépendante du type de lésion
rencontrée, osseuse ou discoligamentaire.
Par voie antérieure, la corporectomie est
systématiquement suivie d’une reconstruction
par greffe.
+ Immobilisation postopératoire
:
Le problème est différent selon l’existence
ou non de troubles neurologiques.
En
l’absence de signes neurologiques, le but
poursuivi est la déambulation la plus rapide
possible des blessés. Le lever est donc
autorisé dans les jours qui suivent la fixation
chirurgicale.
Il s’agit, selon les cas, d’un corselet-minerve avec appui occipitomentonnier
qui bloque les rotations du rachis
cervical supérieur, d’une minerve simple ou
d’un collier pour des lésions du rachis
cervical inférieur, d’un corset avec appui
occipitomentonnier dans les lésions dorsales
hautes, d’un corset trois points dans les
lésions dorsolombaires et lombaires.
Cette
immobilisation est maintenue pendant les 3
à 4 mois nécessaires à la consolidation de la
lésion osseuse ou de la greffe.
En présence de signes neurologiques et
notamment sensitifs, le port d’un corset pose
le problème du risque d’escarres.
Néanmoins, l’immobilisation postopératoire,
associée à l’ostéosynthèse par plaque,
permet de débuter rapidement le
programme de rééducation et éventuellement
de verticalisation en plan incliné du
blessé neurologique.
3- Indications et heure
de la chirurgie :
* Généralités
:
Pendant longtemps, la chirurgie dans le
cadre des lésions traumatiques du rachis a
eu mauvaise réputation du fait des risques
anesthésiques , hémorragiques et
neurologiques.
Ainsi, le traitement
orthopédique était souvent proposé, quelle
que soit la lésion rachidienne ou médullaire,
malgré le risque de séquelles invalidantes
osseuses (cal vicieux, pseudarthrose,
déstabilisation) ou neurologiques (avec
persistance d’une compression médullaire
résiduelle).
De nombreux facteurs ont permis
aujourd’hui le développement de la
chirurgie des traumatisés rachidiens pour
permettre en urgence la restitution d’une
moelle libre dans un rachis réduit et
stabilisé :
– l’augmentation des centres spécialisés en
chirurgie rachidienne ;
– les progrès des techniques d’anesthésie et
de réanimation ;
– l’utilisation peropératoire de procédés
permettant la récupération du sang (cell
saver) ;
– l’apport des potentiels évoqués pour
surveiller l’évolution neurologique pendant
les manoeuvres de réduction et de
décompression ;
– enfin, la pratique de l’échographie peropératoire pour s’assurer d’une façon
atraumatique de l’absence de compression
résiduelle au niveau de la moelle épinière.
* Heure de la chirurgie
:
+ Lésions sans signes neurologiques
:
Le geste chirurgical peut être retardé.
Ce
délai a en effet plusieurs avantages :
– il permet de faire un bilan lésionnel précis
et indispensable pour mieux prendre une
décision thérapeutique ;
– il permet d’avoir un champ opératoire
moins hémorragique que lors d’une
intervention pratiquée en urgence.
Ce délai ne doit cependant pas être à
l’origine d’une aggravation clinique avec
apparition de signes neurologiques
initialement absents.
+ Lésions avec signes neurologiques
:
Tout traumatisme du rachis avec des signes
neurologiques associés à un déplacement
vertébral relève d’un traitement chirurgical
urgent. Ces indications larges sont étayées
par plusieurs arguments.
En cas de syndrome incomplet, la chirurgie
a l’avantage de lever la compression et
surtout de stabiliser le rachis pour éviter une
éventuelle aggravation secondaire du
tableau neurologique et pour se mettre dans
les meilleures conditions de récupération.
Dans certains cas, il est parfois justifié de
reporter le geste chirurgical de quelques
heures afin de compléter un bilan lésionnel
imparfait.
Toute aggravation du tableau
neurologique chez un blessé soigneusement
surveillé impose, bien entendu, une
stabilisation en urgence.
En cas de syndrome
neurologique complet, seule la levée urgente
de la compression permet d’espérer une
récupération et la fixation chirurgicale de la
lésion rachidienne d’autoriser un nursing
des blessés para- ou tétraplégiques.
Il faut cependant noter l’attitude de certains
auteurs pour qui l’existence d’une atteinte
neurologique complète rend le geste
chirurgical inutile ou du moins non urgent.
La déformation est soit négligée, au risque
de voir apparaître des complications locales
(escarres sur une saillie osseuse), soit réduite
selon la technique de Guttmann, dont il faut
connaître le caractère astreignant et
contraignant du nursing et des soins.
Rappelons que la réduction par manoeuvre
directe d’une lésion cervicale à grand
déplacement ou la mise en traction par halo
crânien ou étrier sont des gestes simples,
faciles à faire dès le diagnostic de lésion
rachidienne à grand déplacement, et ce par
tout chirurgien.
Particularités anatomocliniques
et indications
thérapeutiques
en fonction de la lésion
rachidienne rencontrée
:
Nous allons voir successivement les lésions
du rachis cervical supérieur et inférieur, puis
les problèmes posés par le rachis dorsal,
dorsolombaire et lombaire.
A - LÉSIONS DU RACHIS CERVICAL
SUPÉRIEUR
:
Cette région anatomique comprend
l’articulation occipitocervicale et les deux
premières vertèbres cervicales C1-C2.
Il
s’agit d’une entité fonctionnelle mobile
permettant en particulier les mouvements de
rotation de la tête.
Les structures
ligamentaires limitant l’extension et la
translation verticale de l’occiput sont la membrana tectoria et le faisceau apical du
ligament occipito-odontoïdien.
L’inclinaison et la rotation sont limitées par
les ligaments alaires (faisceaux latéraux des
ligaments occipito-odontoïdiens) et les
capsules articulaires occipitoatloïdiennes.
Par ailleurs, la flexion est limitée par le
contact osseux entre l’apex de l’odontoïde et
le bord marginal antérieur du trou occipital,
et l’extension est limitée par le contact
osseux entre l’occiput et l’arc postérieur de
C1.
D’un point de vue physiopathologique, il
existe des mécanismes associant flexionextension,
compression ou distraction et
rotation, entraînant des lésions associées
osseuses et discoligamentaires.
Les mécanismes en distraction-rotation
expliquent les lésions ligamentaires
prédominantes : luxation occipitocervicale
ou instabilité C1-C2 souvent létale.
Les mécanismes en compression expliquent
les lésions osseuses prédominantes : fracture
de l’atlas, fracture de l’odontoïde et des
pédicules de C2.
1- Dislocations occipitocervicales
:
C’est une lésion exceptionnelle car elle est le
plus souvent mortelle.
En cas de survie, le
diagnostic doit être évoqué devant une tétraplégie haute, des signes bulbaires et/ou
déficitaires de paires crâniennes.
La
déformation clinique n’est pas évidente et
seul le cliché de profil centré sur la charnière occipitocervicale permet de retrouver deux
signes évocateurs qui sont :
– la rupture du cintre occipito-odontoïdien
antérieur ;
– la projection du condyle des mastoïdes en
avant ou en arrière d’une ligne passant par
l’aplomb des masses latérales de l’atlas.
En cas de doute, le scanner en urgence
confirme le diagnostic et visualise la perte
des rapports habituels entre le trou occipital,
l’odontoïde et C2.
Son diagnostic impose une réduction
immédiate par halotraction (inférieure ou
égale à 2 kg) si possible chez un malade
éveillé.
La fixation chirurgicale précoce
paraît indispensable (en tenant compte des
lésions associées, notamment aux étages
C1-C2 et C2-C3), le plus souvent par une
arthrodèse occipito-C4.
2- Entorses et luxations atloïdoaxoïdiennes
:
Les entorses et luxations atloïdoaxoïdiennes
peuvent être à l’origine d’une instabilité
sagittale, verticale ou rotatoire en fonction
des ligaments lésés (ligaments transverses,
ligaments en « Y » ou ligaments alaires).
En
l’absence de complications vitales
immédiates, elles ont une faible incidence
de complications neurologiques graves.
Le diagnostic est radiologique :
– en cas d’instabilité sagittale, il existe, sur
le cliché de profil centré sur C1-C2 et parfois
seulement sur un cliché dynamique en
flexion, un diastasis supérieur à 4 mm entre
la face postérieure de l’arc antérieur de C1
et la face antérieure de l’odontoïde ;
– en cas d’instabilité verticale, on observe
un diastasis vertical C1-C2 ;
– en cas d’instabilité rotatoire, c’est
l’existence sur le cliché bouche ouverte d’un
débord externe d’une masse latérale de
l’atlas par rapport à l’axis qui affirme la
luxation, à condition que C2 soit de face
stricte.
Sinon, un scanner est nécessaire pour
apprécier les rapports articulaires et le
ligament transverse.
La classification des entorses graves et
luxations atloïdoaxoïdiennes et l’analyse de
la réductibilité des déplacements sur les
clichés dynamiques permettent de codifier
l’attitude thérapeutique.
Le traitement
chirurgical par une arthrodèse C1-C2 est le
traitement de choix dès qu’il existe une
rupture du ligament transverse.
En
revanche, en cas d’intégrité du ligament
transverse, un traitement orthopédique peut
être proposé par corselet-minerve.
3- Fractures de l’atlas
:
Elles sont rares et dues le plus souvent à un
mécanisme de compression axiale
prédominant.
Le diagnostic est parfois difficile sur un bilan
radiologique standard en l’absence de
divergences bilatérales des masses latérales
de C1 par rapport à C2 sur le cliché de face
bouche ouverte (fracture de Jefferson).
C’est
le plus souvent le scanner qui visualise au
mieux les différents traits de fracture et/ou
les arrachements ligamentaires et qui permet
de définir le potentiel d’instabilité en
fonction du nombre et de la topographie des
traits, de l’existence de lésions ligamentaires
ou d’autres lésions instables du rachis
cervical.
Ainsi, on considère comme instable la
fracture de Jefferson à quatre traits de
fracture ou ses équivalents à trois ou deux
traits en demi-anneau homolatéral,
controlatéral et bifocal sur l’arc antérieur.
Les
autres fractures sont considérées comme
stables et ne nécessitent qu’un traitement
orthopédique.
Le traitement chirurgical (plaque ou vissage
C2-C1) est en revanche nécessaire si la
fracture est instable, non réduite après halotraction ou associée à d’autres lésions
instables du rachis cervical supérieur
(fracture de l’odontoïde ou fracture en tear
drop de C2).
Si le risque neurologique de ce
type de fracture est faible, les séquelles
douloureuses sont fréquentes et imposent
une réduction la plus anatomique possible
pour en diminuer le retentissement
fonctionnel.
4- Fractures de l’odontoïde
:
Elles sont observées chez deux groupes de
patients tout à fait stéréotypés.
– Le premier est constitué de sujets jeunes
dans le cadre d’un polytraumatisme.
Bien
souvent, seul l’examen systématique des
clichés du rachis cervical, voire du scanner
avec reconstruction du rachis cervical
supérieur, permet d’objectiver la lésion.
– Le deuxième groupe est tout aussi
particulier.
Il s’agit de sujets âgés qui, à la
suite d’une chute de leur hauteur, présentent
des cervicalgies plus ou moins importantes.
Une telle lésion peut être méconnue et la
fracture n’être découverte qu’au stade de
pseudarthrose.
Là encore, c’est la recherche
systématique de la lésion sur un bilan
radiologique orienté qui l’objective.
Les tableaux neurologiques sont variables.
Environ deux tiers des patients ne souffrent
d’aucune atteinte neurologique.
Le tiers
restant va présenter, en revanche, des
anomalies allant de la simple irritation
pyramidale à la tétraplégie haute complète,
de pronostic évolutif effroyable.
Sur le plan radiologique, les clichés
standards permettent le plus souvent non
seulement le diagnostic positif, mais
également de préciser le type anatomopathologique
(trait et direction) et la stabilité de
cette fracture qui déterminent les indications
thérapeutiques.
L’incidence de face, bouche ouverte, dégage
l’odontoïde des superpositions du
maxillaire.
Elle permet ainsi de fixer le
niveau en hauteur du trait qui peut siéger
au niveau de la pointe, du col ou du corps
de l’odontoïde (classification en trois types
selon Anderson et Alonzo).
Il faut apprécier
l’importance de l’écart interfragmentaire,
mais également l’asymétrie du trait de
fracture qui peut en effet partir d’un côté du
col de l’odontoïde et se perdre de l’autre
côté au niveau du massif articulaire,
évoquant un mécanisme rotatoire et
associant, le plus souvent, des lésions du
système ligamentaire.
Sur le cliché de profil centré sur C1-C2, il
faut préciser non seulement le siège du trait,
mais également sa direction qui détermine
le sens du déplacement à l’origine de la
classification de Roy-Camille, en trois types :
– OBAV, correspondant à un trait oblique
en bas et en avant, se déplaçant
classiquement en avant ;
– OBAR, correspondant à un trait oblique
en bas et en arrière et se déplaçant
normalement en arrière ;
– les fractures à trait horizontal, qui peuvent
présenter un déplacement soit en avant, soit
en arrière.
En cas de difficulté d’analyse des clichés
radiologiques standards, un scanner avec
reconstruction tridimensionnelle, ou à
défaut, des tomographies peuvent être
nécessaires.
L’étape ultérieure, avant de poser
l’indication thérapeutique, est de définir la
stabilité de la lésion.
Si elle est d’emblée
déplacée, l’instabilité ne fait pas de doute ;
inversement, sur une fracture non déplacée
initialement, seuls des clichés dynamiques,
réalisés dès que la mobilité active du rachis
cervical du patient est compatible,
permettent d’affirmer la stabilité ou non de
la lésion.
Au total, l’analyse anatomopathologique
d’une fracture de l’odontoïde doit faire
appel à une description très précise des traits
de fracture et impose une étude
tridimensionnelle des lésions.
Le diagnostic
de lésions ligamentaires associées est basé
sur la constatation d’une inflexion, d’une
asymétrie dans le positionnement de
l’odontoïde par rapport à l’arc antérieur de
C1 ou d’une fracture de toute évidence
associée à un mécanisme rotatoire.
La classification de Roy-Camille présente un
intérêt capital dans la mesure où elle peut guider les choix thérapeutiques en
complément des renseignements
topographiques donnés par la classification
d’Anderson.
La déstabilisation entraînée par
les lésions osseuses et ligamentaires doit
conduire à une stratégie thérapeutique
visant à réduire la fracture et à obtenir une
stabilisation parfaite pour éviter la
pseudarthrose.
Toutes les lésions stables sont traitées orthopédiquement par un corselet-minerve.
Les lésions instables justifient, dans la
plupart des cas et quelle que soit la hauteur
du trait, une stabilisation chirurgicale qui est
fonction d’école.
Il existe en effet différentes possibilités
thérapeutiques chirurgicales :
– laçages : ils sont faits par voie postérieure
et solidarisent les arcs postérieurs de C1 et
C2, sans rechercher une véritable fusion
entre eux.
L’immobilisation C1-C2 permet
d’attendre la consolidation de l’odontoïde.
Il
en existe deux types, en fonction des
déplacements à réduire vers l’avant ou
l’arrière.
Les laçages sont faits au fil de
Nylon ou au fil métallique ;
– arthrodèses postérieures : elles visent à
donner une fusion définitive entre les arcs
postérieurs de C1 et de C2.
Elles sont faites
soit par un cerclage métallique ou Nylon,
soit par un vissage des massifs articulaires
C2-C1 avec un greffon corticospongieux qui
s’intercale entre les arcs postérieurs de C1 et
C2 où la fusion osseuse est recherchée.
Elles
bloquent les rotations du rachis cervical
supérieur de façon définitive ;
– laçages sur prothèse en polyéthylène (Roy-Camille) : ils constituent un intermédiaire
entre les deux méthodes précédentes,
puisqu’un greffon en polyéthylène, et non
pas un greffon osseux, va venir s’interposer
entre les arcs postérieurs de C1 et C2.
Celui-ci peut donc être retiré après
consolidation de l’odontoïde, avec
récupération de mobilité de C1 sur C2 ;
– vissage antérieur : il est effectué
par une voie antérieure, une ou deux vis
pénétrant dans la partie antéro-inférieure de
C2 assurent une ostéosynthèse directe du
foyer de fracture en compression.
Cette
méthode a l’avantage de ne pas modifier la
mécanique complexe du rachis cervical
supérieur.
Dans tous les cas, quelle que soit la méthode
choisie, une immobilisation par corseletminerve
permet d’attendre la consolidation
de l’odontoïde ou de la greffe qui se fait en
3 à 4 mois.
Malgré le traitement chirurgical,
le risque de pseudarthrose à distance reste
présent, ce qui fait la difficulté du traitement
de ces lésions.
5- Fracture des pédicules de C2
:
Elle est provoquée le plus souvent par un
traumatisme en hyperextension, mais parfois
en hyperflexion.
La cervicalgie est le
principal signe d’appel, car les signes
neurologiques déficitaires sont rares en cas
de fracture isolée qui a tendance à ouvrir
l’anneau cervical déjà naturellement large à
ce niveau.
Les clichés radiologiques standards de profil
centrés sur C1 et C2 permettent le
diagnostic.
Il faut apprécier l’importance du
déplacement (en sachant que c’est le corps
de C2 qui part en avant) et l’atteinte du
disque et du segment mobile rachidien
(SMR) C2-C3.
Au maximum, l’arc postérieur
de C2 peut suivre le corps en avant ; la
fracture est alors associée à une luxation des
articulaires C2-C3.
De telles lésions avec un
très grand déplacement s’accompagnent de
signes neurologiques.
Le scanner avec reconstruction tridimensionnelle,
ou à défaut les tomographies,
permettent de mieux visualiser le siège du
trait de fracture sur les deux pédicules qui
est souvent asymétrique (mécanisme en
rotation).
Le traitement dépend du déplacement et de
la stabilité de la fracture analysés au mieux
par des clichés dynamiques.
Roy-Camille a classé les fractures des
pédicules de C2 en quatre types de gravité
croissante :
– type I : fractures stables non déplacées ;
– type II : fractures déplacées ou instables ;
– type III : fractures des pédicules avec
luxation articulaire C2-C3 ;
– type IV : fractures des pédicules associées
à une fracture de l’odontoïde.
Une fracture stable ou peu déplacée relève
d’un traitement orthopédique par corseletminerve.
Au contraire, toute fracture instable
sur les clichés dynamiques en flexionextension
ou très déplacée d’emblée,
notamment en cas de luxation C2-C3, relève
d’un traitement chirurgical.
Deux méthodes sont proposées :
– le vissage des pédicules de C2 : un abord
postérieur permet de visser directement les
pédicules de C2 mais la fixation C2-C3 par
plaque est le plus souvent nécessaire pour
traiter l’atteinte du SMR et du disque C2-C3
associé.
La réduction ainsi obtenue est
anatomique et solide. Le risque opératoire
de lésion de l’artère vertébrale existe et
demande une parfaite connaissance de cette
technique, de loin la plus satisfaisante ;
– les arthrodèses antérieures entre le corps de
C2 et de C3 immobilisent C2 sur C3 et donc
évitent toute accentuation du déplacement.
Les pédicules consolident du fait de
l’immobilisation ainsi obtenue, mais l’abord
cervical haut est difficile et la réduction est
rarement anatomique.
Une immobilisation
jusqu’à consolidation par corselet-minerve
pendant 3 à 4 mois est justifiée dans les deux
cas.
B - LÉSIONS DU RACHIS CERVICAL
INFÉRIEUR
:
La solution de continuité peut siéger au
niveau de l’os ou au niveau des éléments discoligamentaires.
1- Fractures du corps vertébral
:
Elles représentent environ 10 % des lésions
du rachis cervical inférieur.
Les cervicalgies
dominent habituellement le tableau. Le
traumatisme est toujours important.
Les
signes neurologiques sont d’intensité
variable.
Le bilan radiologique standard
permet le diagnostic et l’analyse des
principaux traits de fracture. Les fracturestassements
sont les plus fréquentes.
Les fractures comminutives sont rares et de
telles lésions sont volontiers associées à
d’importants signes médullaires.
Dans le cas d’un tassement horizontal, c’est
l’importance du tassement et de la
déformation, avec ou sans recul du mur
postérieur, qui guide l’indication entre le
traitement orthopédique par corseletminerve
et le traitement chirurgical.
Si un
abord chirurgical est justifié, l’abord
antérieur de corporectomie synthèse permet la résection du corps vertébral et la
suppression de l’élément compressif en
arrière vers la moelle.
L’abord postérieur est
moins licite dans ce type de lésion.
Une
immobilisation postopératoire de 3 mois
permet d’attendre la consolidation et la
fusion de la greffe.
2- Luxations bilatérales
:
Elles surviennent le plus souvent à
l’occasion d’un traumatisme violent en
flexion du rachis avec translation vers
l’avant.
Elles sont observées dans environ
8 % des cas des lésions du rachis cervical
inférieur.
Les signes neurologiques sont
fréquents, à type de tétraplégie, mais parfois
ces lésions impressionnantes sont isolées,
sans signe neurologique.
Les clichés standards sont suffisants pour
faire le diagnostic de luxation.
La
localisation fréquente au niveau des
dernières vertèbres cervicales C5-C6, C6-C7
justifie une exploration soigneuse de la
charnière cervicodorsale.
Le traitement est toujours chirurgical.
La
réduction, nous l’avons vu, peut être
obtenue en préopératoire par manipulations
directes ou par mise en traction, ou obtenue
en peropératoire.
Les partisans de la
réduction préopératoire préfèrent effectuer
une fixation chirurgicale par un abord
antérieur pour réséquer le disque lésé et arthrodéser cet étage.
Pour ceux, au
contraire, qui préfèrent pratiquer cette
réduction au moment de l’acte opératoire,
l’abord postérieur paraît plus justifié
puisque la réduction se fait, soit par simple
mise en place sur la table d’opération, soit
par manipulation au niveau des interlignes
luxés.
Une fois la réduction obtenue, la
fixation chirurgicale est confiée à deux
plaques postérieures.
Chacune de ces méthodes présente ses
avantages et ses inconvénients propres,
l’indication est plus souvent une question
d’école.
3- Luxations unilatérales
:
Le tableau clinique est moins marqué que
précédemment.
Les cervicalgies sont
fréquentes mais peuvent être modérées.
Le
patient présente rarement une atteinte de
type médullaire.
En revanche, l’atteinte
radiculaire est fréquente et oriente d’emblée
vers le niveau lésé.
Nous avons observé de
telles lésions dans environ 15 % des lésions
du rachis cervical.
Le déplacement se fait
par un mouvement de rotation axiale autour
du massif articulaire intact.
Le bilan
radiologique n'est pas toujours
d’interprétation aisée.
Sur l’incidence de
face, il y a un décalage au niveau de la ligne
des épineuses.
Sur le profil, il existe
volontiers un antélisthésis de la vertèbre susjacente
par rapport à la vertèbre sousjacente.
Sur un même cliché de profil, un
élément est significatif quoique inconstant :
la portion sus-lésionnelle à la lésion est vue
de profil, alors que la portion souslésionnelle
est vue de trois quarts ou vice
versa.
Pour ces lésions, le diamètre du canal
médullaire est peu modifié, au contraire du
trou de conjugaison homolatéral à la lésion
qui est déformé et rétréci, expliquant la
symptomatologie radiculaire.
Le traitement, là encore, est chirurgical.
La
réduction est habituellement obtenue en peropératoire, soit par simple installation sur
la table d’opération, soit par manoeuvres
directes dans l’interligne articulaire luxé.
La
voie postérieure avec synthèse par deux
plaques de Roy-Camille est de loin la plus
simple et la plus anatomique.
La voie
antérieure ne permet pas une action directe
au niveau de la lésion.
Elle est cependant
prônée par certains auteurs qui font une discectomie et une arthrodèse antérieure
sans réduction de la luxation.
L’encastrement
d’un greffon entre les deux corps vertébraux
ouvre le trou de conjugaison par distraction.
La décompression radiculaire est obtenue
par l’agrandissement du t rou de
conjugaison.
Une immobilisation par corselet-minerve s’impose jusqu’à la fusion
de la greffe.
4- Luxations avec fracture
des articulaires
:
Ce sont de loin les plus fréquentes des
lésions du rachis cervical inférieur,
puisqu’elles représentent à elles seules un
peu plus de 30 % de ces lésions.
Lors de la
réalisation de la luxation uni- ou bilatérale,
il se produit fréquemment une fracture
associée d’une articulaire.
Il peut s’agir :
– d’une fracture de l’articulaire supérieure
dont le fragment se déplace en avant, venant
obstruer le trou de conjugaison et
comprimer directement la racine à ce
niveau ;
– d’une fracture de l’articulaire inférieure :
dans ce cas, le fragment reste en place,
solidaire de la vertèbre sous-jacente ;
– d’une fracture-séparation du massif
articulaire : elle se caractérise par un trait
situé sur la lame et un deuxième trait situé
sur le pédicule homolatéral, entraînant une
véritable séparation du massif articulaire.
Ce
dernier va se trouver isolé ; il peut basculer
et s’horizontaliser, permettant ainsi le
déplacement de la vertèbre sus-jacente par
rapport à la vertèbre sous-jacente et un
aspect de luxation unilatérale.
Les fractures de l’articulaire supérieure ou
inférieure sont généralement facilement
visibles sur le profil ou le faux trois quarts
(30°).
Parfois, seules les tomographies
montrent la solution de continuité
articulaire, surtout si le déplacement est
petit.
La fracture-séparation se caractérise
sur le cliché de face par un trait sur la lame ;
sur le cliché de profil, on peut constater que
les deux massifs articulaires ne sont plus
superposés, mais que l’un est horizontalisé.
Le traitement est au mieux effectué par un
abord chirurgical postérieur.
Il permet un
geste local, directement au niveau du foyer
de fracture, pour retirer un fragment
d’articulaire lorsqu’il comprime la racine et
pour réduire la luxation.
La synthèse est
confiée à deux plaques postérieures.
Le traitement par voie antérieure de ces
lésions paraît peu logique. Une arthrodèse intersomatique stabilise les corps vertébraux
les uns par rapport aux autres et supprime
tout risque médullaire, mais le risque
radiculaire subsiste identique lorsqu’il existe
un fragment dans le trou de conjugaison.
5- Entorses graves
:
L’entorse grave est une lésion purement discoligamentaire du rachis qui correspond
à une atteinte du segment mobile rachidien,
c’est-à-dire des éléments d’union entre deux
vertèbres.
Les signes neurologiques sont
rares. Le risque de cette lésion est d’être
méconnue car initialement peu symptomatique
et le bilan radiographique standard fait
en urgence est le plus souvent normal.
Elle
représente 20 % des traumatismes du rachis
cervical inférieur.
C’est le mécanisme même de l’accident,
l’importance des douleurs et de la limitation
de la mobilité du rachis qui doivent attirer
l’attention et faire suspecter la lésion.
Le
diagnostic positif n’est fait, le plus souvent,
que vers le dixième jour après l’accident, sur
les clichés dynamiques demandés
systématiquement.
Il existe de façon
caractéristique, d’arrière en avant, une
augmentation de l’écart interépineux, un
déchaussement des articulaires supérieures
à 50 %, un antélisthésis de la vertèbre susjacente
à la lésion par rapport à la vertèbre
sous-jacente, et un bâillement du disque
dans sa partie postérieure.
Cette déformation est habituellement
complètement réductible en hyperextension.
L’examen rétrospectif des clichés initiaux
retrouve parfois une partie de ces anomalies,
mais moins marquées.
Le traitement est
obligatoirement chirurgical car l’évolution
inéluctable, même au décours d’une
immobilisation prolongée, se fait vers
l’aggravation progressive de la déformation
en cyphose majeure.
L’arthrodèse est faite
par voie antérieure ou par voie postérieure.
Une immobilisation postopératoire par un
collier simple est habituellement suffisante
dans le cas des synthèses postérieures
pendant 45 jours.
Dans le cas d’une fusion
antérieure, il faut attendre la consolidation
de la greffe (3 mois).
6- Fractures de type « tear drop »
:
Elles doivent être étudiées avec les entorses
graves car les lésions prédominent sur le
système discoligamentaire.
Elles représentent environ 10 % des cas.
La
solution de continuité est horizontale,
partant en arrière dans le ligament interépineux, sectionnant le ligament jaune,
les capsules des massifs articulaires, le
ligament commun vertébral postérieur et le
disque.
À ce niveau, le trait s’épuise dans le
corps vertébral, le plus souvent sus-jacent, mais parfois sous-jacent.
Il va détacher un
petit fragment osseux constituant une
véritable goutte de larme, tear drop, qui reste
solidaire du corps vertébral adjacent par un
segment de disque resté sain.
La lésion
osseuse visible n’est qu’un épiphénomène
traduisant la lésion discoligamentaire
majeure.
Les radiographies standards sont en général
suffisantes pour faire le diagnostic positif.
Le traitement est chirurgical une fois encore,
du fait de l’importance des atteintes discoligamentaires et de la difficulté de
consolidation de celles-ci.
La solution est une
arthrodèse entre les deux vertèbres
intéressées qui se fait, selon les écoles, soit
par une voie antérieure, soit par une voie
postérieure.
C - LÉSIONS DU RACHIS DORSAL
:
Il est classique d’affirmer que les
traumatismes du rachis dorsal obéissent sur
le plan pronostique à la loi du « tout ou
rien ».
En effet, le plus souvent, la lésion siège au
niveau des corps vertébraux, entraînant un
tassement corporéal antérieur, parfois sur
plusieurs niveaux, mais sans atteinte du mur
vertébral postérieur et des éléments
capsuloligamentaires postérieurs.
Dans ce
cas, il n’y a pas de complications
neurologiques ni de risques de déstabilisation
secondaire.
Ces lésions sont donc peu
chirurgicales ; le traitement est
essentiellement orthopédique par
immobilisation. Il entraîne rapidement la
sédation des douleurs et permet la
consolidation en 2 à 3 mois.
Il faut rappeler
la nécessité d’immobiliser correctement les
lésions au-dessus du sommet de la cyphose
dorsale D6-D7 où il est impératif de recourir
à l’utilisation d’un corset-minerve avec
appui occipitomentonnier.
Au-dessous de ce
niveau, l’immobilisation se fait par
l’intermédiaire d’un corset trois points de
type Boelher.
Toutefois, l’aggravation d’une
cyphose préexistante déjà importante peut
faire discuter une réduction avec fixation
chirurgicale.
À l’opposé, il existe de véritables fracturesluxations
du rachis dorsal avec des lésions
osseuses et discoligamentaires intéressant
plusieurs niveaux et entraînant des
déplacements en « baïonnette » ou
chevauchement, à l’origine non seulement
de complications neurologiques graves mais
également d’hémothorax important qui
conditionne le pronostic vital.
Dans ce cas, une stabilisation chirurgicale
par plaques postérieures est indispensable
pour permettre un nursing immédiat et une
réadaptation secondaire.
Toutefois, l’heure
de la chirurgie doit tenir compte plus du
risque anesthésique que du pronostic
neurologique qui est irréversible en cas de
paraplégie complète d’emblée.
D - CHARNIÈRE DORSOLOMBAIRE
ET RACHIS LOMBAIRE :
Les indications thérapeutiques dépendent de
l’existence de signes neurologiques
déficitaires, de la stabilité de la lésion et de
l’importance de la déformation, à la fois
dans le plan frontal et sagittal.
Le bilan
radiologique effectué en urgence comporte
au minimum des clichés centrés de face et
de profil.
Grâce à ces deux clichés, il est
possible de déterminer le caractère stable ou
instable de la lésion et l’importance de la
déformation.
En cas de doute sur un
fragment endocanalaire, un scanner avec
reconstruction dans le plan sagittal est
pratiqué.
Il permet l’analyse du fragment,
de sa taille, de sa position dans les trois
plans de l’espace et de déterminer alors, non
seulement l’indication, mais également la
technique opératoire.
1- Anatomopathologie
:
Les fractures peuvent être analysées selon la
classification de Roy-Camille, complétée par
la classification de Magerl.
Ces classifications
divisent les fractures en trois groupes en
fonction du mécanisme : groupe A, en
flexion ou compression ; groupe B, en
extension ou distraction ; groupe C, en
rotation.
Ces trois groupes, dans la classification de Magerl, se divisent en sous-groupes :
– Pour le groupe A, on distingue trois souscatégories
qui ont en commun une atteinte
du segment vertébral antérieur pur :
– groupe A1 : c’est la fracture-tassement
du corps vertébral, avec une cyphose
vertébrale importante et une atteinte du
disque supérieur fréquente.
Il n’existe
aucune atteinte des éléments postérieurs ;
– groupe A2 : fracture-séparation du
corps vertébral, avec un trait de refend
dans le corps (sagittal, frontal ou diabolo).
Les deux disques sont le plus souvent
atteints ;
– groupe A3 : fracture-éclatement du
corps vertébral. Cette fracture a la
particularité d’avoir un recul du mur
postérieur (burst fracture) ;
– Pour le groupe b, on distingue :
– groupe B1 : lésion postérieure à
prédominance ligamentaire et atteinte du
segment mobile rachidien (type tear drop) ;
– groupe B2 : lésion postérieure à
prédominance osseuse ; fracture
horizontale intéressant les trois segments
verticaux (type Chance) ;
– groupe B3 : atteinte antérieure à travers
le disque intervertébral par lésion en hyperextension ;
– pour le groupe C, on distingue :
– groupe C1 : lésion de type A avec
rotation ;
– groupe C2 : lésion de type B avec
rotation ;
– groupe C3 : lésion par cisaillement avec
translation plus ou moins rotation.
2- Analyse de la déformation
:
Cette classification doit être complétée par
l’analyse des déformations dans le plan
sagittal en étudiant :
– la cyphose vertébrale (CV), mesurée en
prenant l’angle formé par deux droites
parallèles aux plateaux vertébraux de la
vertèbre fracturée ;
– l’angulation régionale (AR), mesurée en
prenant l’angle formé par deux droites
parallèles au plateau vertébral supérieur de
la vertèbre sus-jacente et au plateau
vertébral inférieur de la vertèbre sousjacente
à la vertèbre fracturée.
Il est possible alors de définir une angulation
régionale corrigée (ARC) pour tenir compte
des variations physiologiques de l’AR en
fonction de l’étage lombaire.
Ainsi, l’ARC
correspond à la pondération de l’AR en
fonction de l’étage fracturé, en tenant
compte des valeurs physiologiques qui ont
été rapportées par Stagnara.
L’ARC s’obtient
de la façon suivante : ARC (pour un niveau
donné) est égale à AR (mesurée)
– valeur
moyenne de l’AR (selon Stagnara).
Ainsi, il
est tenu compte du fait qu’une même AR en
cyphose a des conséquences tout à fait
différentes entre le rachis lombaire (lordose
physiologique) et la charnière dorsolombaire
(cyphose physiologique).
3- Indications thérapeutiques
:
En fonction du bilan anatomopathologique,
il faut distinguer plusieurs types de lésions.
* Lésions stables
à type de tassement corporéal :
Elles bénéficient généralement d’un
traitement orthopédique qui est guidé par
l’importance de la déformation et de son
siège (ARC).
En cas d’ARC inférieure à 15°, la réduction
n’est pas nécessaire.
Si la lésion est minime,
l’immobilisation n’est pas non plus
obligatoire.
Le repos au lit pendant les
premiers jours permet la sédation des
phénomènes douloureux.
Il est suivi par une
physiothérapie et un renforcement
musculaire qui autorisent rapidement le
lever.
La reprise de l’activité quasi normale
se fait en quelques semaines.
Lorsque la
douleur est importante, l’utilisation d’un
corset à titre antalgique peut être justifiée,
mais il est toujours associé, dans ces cas, à
une rééducation des muscles paravertébraux
et abdominaux pour éviter l’atrophie
musculaire.
La consolidation de telles lésions
se fait en 2 à 3 mois.
En cas d’ARC supérieure à 15° ou de CV
supérieure à 20°, il faut réduire la
déformation.
Cette réduction e s t
habituellement obtenue par traction hyperlordose ou technique de Boehler.
Les
meilleurs résultats de ce traitement
orthopédique sont obtenus au niveau de la
charnière dorsolombaire (D12 et L1) où la
qualité de la réduction obtenue est bien
maintenue par le plâtre.
Elle est contrôlée
régulièrement par des radiographies et le
plâtre est conservé un minimum de 4 mois.
Au-dessous de L1, le maintien de la
réduction par la technique de Boehler est de
relativement mauvaise qualité, ce qui doit
faire discuter d’emblée une réduction et une
stabilisation chirurgicales.
* Lésions instables avec risque de tassement
progressif et régulier :
Certaines lésions, telle une fracture
horizontale de type Chance, purement
osseuse, où le trait sectionne transversalement
le corps, les pédicules et l’arc
postérieur, peuvent parfaitement consolider
par un traitement orthopédique à type de
corset pour une durée de 4 mois.
Au contraire, les fractures à trait frontal ou
sagittal traduisent le plus souvent des
lésions discoligamentaires prédominantes
qui, compte tenu du faible potentiel de
cicatrisation, doivent imposer une fixation
chirurgicale associée à une greffe osseuse.
* Lésions instables avec risque
de déplacement soudain et incontrôlable :
Il s’agit de fractures comminutives des corps
vertébraux ou des rares luxations.
Elles sont
habituellement associées à des signes
neurologiques. Elles relèvent d’un traitement
chirurgical.
Ce traitement est conduit le plus
souvent par voie postérieure pour permettre
une laminectomie en cas de signes
neurologiques déficitaires , e t une
stabilisation par plaque plus ou moins
étendue mais toujours symétrique par rapport à la solution de continuité et
associée à une greffe osseuse limitée en
regard de la solution de continuité.
4- Problèmes liés aux fragments endocanalaires
:
La constatation de fragments endocanalaires
au cours des fractures dorsolombaires et
lombaires pose plusieurs problèmes.
D’abord sur le plan de l’analyse des lésions :
l’étude doit comporter non seulement des
clichés standards permettant d’apprécier
globalement le recul du mur postérieur, mais
également des scanners en acquisition
horizontale et en réformation d’images
sagittale et frontale.
Ceci permet de détecter
les fragments osseux qui restent attachés à
un pédicule fracturé et d’apprécier les
phénomènes de bascule qui permettent de
déduire les attaches discales restantes.
Ensuite, sur le plan stratégique : l’effet du ligamentotaxis par le ligament commun
vertébral postérieur est aléatoire, à la fois en
raison de sa fragilité anatomique, de la
dilacération traumatique et des phénomènes
de bascule des fragments endocanalaires
mieux analysés sur les reconstructions
sagittales du scanner.
La réintégration des
fragments est alors aléatoire, d’autant qu’il
s’agit de fragments directs, non basculés, de
fractures en « T » où le resserrement des
pédicules rend illusoire une réincarcération
durable par impaction. Beaucoup de ces
fragments sont en outre latéraux ou
dédoublés de part et d’autre de la zone
d’attache la plus solide du ligament
commun vertébral postérieur. En revanche,
l’exérèse par voie postérieure garde encore
des indications, à condition que les
fragments soient libres et de taille
suffisamment petite pour que leur ablation
ne risque pas d’entraîner de dégâts
neurologiques complémentaires, même par
voie postérieure élargie.
L’intérêt
neurologique de l’ablation de certains
fragments endocanalaires ne peut
néanmoins être démontré.
Les risques
neurologiques sont en revanche mis en
évidence, en particulier en cas de mauvaise
analyse anatomoradiologique des lésions.
Si
l’échographie peropératoire semble un
moyen fiable pour contrôler la libération
canalaire, les scanners postopératoires sont
indispensables à titre de référence pour
chiffrer l’obstruction résiduelle et évaluer les
possibilités de remodelage ultérieur.
L’indication d’un abord antérieur peut alors
être nécessaire pour réaliser l’exérèse de
fragments volumineux, combler un vide
osseux antérieur et pallier des lésions discoligamentaires antérieures.
5- Indications des abords
antérieurs
:
Le but du traitement des fractures du rachis
dorsolombaire et lombaire est d’obtenir la
restauration de la stabilité mécanique, de
corriger les déformations et de permettre, en
cas d'atteinte neurologique, une
récupération optimale.
Les burst fractures
posent le plus de problèmes thérapeutiques.
En effet, elles associent le plus souvent une
atteinte au moins des colonnes antérieures
et moyennes, entraînant également un recul
du mur postérieur avec des fragments endocanalaires.
Pour le traitement de ces
fractures, deux écoles s’opposent : les
partisans de l’abord antérieur premier et
ceux partisans d’un abord postérieur
premier, la chirurgie antérieure étant utilisée
alors comme moyen de décompression et de
stabilisation complémentaires.
L'essor de nouvelles techniques vidéoassistées, permettant des miniabords et
une morbidité moindre, doit permettre, dans
l’avenir, d’étendre les indications de la voie
antérieure pour, non seulement réaliser
l’exérèse de fragments endocanalaires
volumineux, mais également améliorer la
stabilisation des fractures instables par un
double abord qui autorise alors des
ostéosynthèses postérieures moins
extensives.