Compression médullaire non traumatique Cours de Neurologie
On entend par compression médullaire non traumatique
tout syndrome clinique traduisant une lésion de la moelle
épinière par un processus, d’évolution lente ou rapide,
qui se développe dans un des compartiments suivants :
extradural, intradural extramédullaire ou intramédullaire.
La sémiologie clinique permet le plus souvent de prévoir
le niveau lésionnel et d’orienter ainsi les examens
complémentaires.
Le pronostic fonctionnel des compressions médullaires
en fait toute la gravité.
La lésion causale détermine le
degré d’urgence thérapeutique avant l’installation de
troubles irréversibles.
Ainsi, toute suspicion de compression
médullaire est une urgence diagnostique et, en
fonction de la cause et de l’évolution, bien souvent une
urgence thérapeutique.
Étiologie
:
A - Lésions extradurales : rachidiennes
et épidurales
1- Hématome épidural spontané
:
Le plus souvent de siège dorsal ou cervico-dorsal, l’hématome
épidural est à l’origine d’un tableau assez évocateur,
parfois favorisé par la prise d’anticoagulants :
rachialgie en coup de poignard, installation d’un déficit sensitivo-moteur après intervalle libre de quelques
heures à quelques jours. Une malformation vasculaire
sous-jacente est à rechercher.
2- Abcès épiduraux :
L’incidence de ces abcès est faible (~1/12 000), mais
tend à s’accroître avec l’augmentation de la toxicomanie
et la généralisation des cathétérismes périduraux.
Ils
sont responsables d’une compression médullaire grave
engageant rapidement le pronostic fonctionnel.
Le mode
d’infection privilégié de l’espace péridural se fait soit
par dissémination hématogène d’un foyer infectieux à
distance, le plus souvent cutané, soit par propagation
directe à partir d’une spondylodiscite, d’un abcès paravertébral
ou par inoculation septique après un geste
invasif rachidien ou postopératoire.
L’agent infectieux le
plus souvent responsable est le Staphylococcus aureus
(plus de 50 % des cas), viennent ensuite les bacilles
gram-négatifs (18 %), les autres coccus gram-positifs
(10 %) et les anaérobies (2 %).
3- Métastases vertébrales et épidurales :
Les métastases vertébrales et épidurales (épidurites
métastatiques) sont des complications fréquentes des
cancers viscéraux (5 à 10 % des cas), elles sont révélatrices
de la maladie dans plus de 30 % des cas.
Les cancers pourvoyeurs de métastases rachidiennes
sont largement dominés par le sein chez la femme (18 %),
le poumon (16 %) et la prostate (9 %) chez l’homme.
Une place à part doit être faite aux hémopathies
(leucémie, myélome, maladie de Hodgkin, lymphome
non hodgkinien) qui donnent préférentiellement des épidurites métastatiques isolées de toute atteinte osseuse
de contiguïté.
Dans près de 20 % des cas, il n’y a pas
d’orientation histologique précise.
Le rachis dorsal est le siège préférentiel de ces lésions
tumorales (plus de 60 %).
Une lésion unique vertébrale
est retrouvée dans près de la moitié des cas, mais les
atteintes pluri-étagées (3 corps vertébraux ou plus) ne
sont pas rares (20 %).
4- Tumeurs primitives du rachis :
Elles ne représentent que 10 à 20 % des tumeurs du rachis.
Elles sont classées en 3 groupes selon des critères anatomiques,
pronostiques et thérapeutiques :
– le 1er groupe correspond aux chordomes et aux tumeurs
malignes primitives de la trame osseuse tels que l’ostéoblastome,
le chondrosarcome ou le fibrosarcome, peu
sensibles à la chimiothérapie et (ou) la radiothérapie ;
– le 2e groupe concerne les tumeurs malignes du
« contenu osseux » telles que le sarcome d’Ewing,
le plasmocytome solitaire, le lymphome non hodgkinien,
très sensibles à la chimiothérapie et (ou) la
radiothérapie ;
– le 3e groupe correspond aux tumeurs osseuses primitives
bénignes telles que les tumeurs à cellules géantes
et les hémangiomes.
Leur aspect histologique bénin
n’est malgré tout pas toujours corrélé avec un bon pronostic.
Avant 18 ans, les tumeurs malignes l’emportent (chondrosarcomes
et plasmocytomes), sinon les deux tumeurs
les plus fréquentes sont les chordomes (20 à 30 %) et les
chondrosarcomes (environ 10 %).
Le chordome, tumeur embryonnaire, prédomine chez
l’homme après 50 ans ; malgré une évolution lente, on
doit le considérer comme une tumeur de mauvais
pronostic (médiane de survie de 2 ans au niveau du
rachis cervical).
Le chondrosarcome, développé aux dépens des cellules
cartilagineuses, s’observe surtout chez l’homme après
20 ans ; l’évolution se fait habituellement sur plusieurs
années en dehors des formes indifférenciées de pronostic
redoutable.
5- Neuroblastomes :
Les neuroblastomes et ganglioneuroblastomes font partie
des causes les plus fréquentes de compressions médullaires
chez l’enfant (43 %).
L’extension directe dans
l’espace épidural, par un trou de conjugaison, à partir
d’une tumeur extrarachidienne, est le mécanisme le plus
commun.
Les formes indifférenciées avec localisation
vertébrale, primitive ou secondaire, sont plus rares.
6- Hernies discales :
Dans le cadre des compressions médullaires, seules les
hernies discales cervicales ou dorsales sont incriminées,
alors que les hernies localisées à l’étage lombaire (les
plus fréquentes) ne donnent, elles, que des syndromes
radiculaires et, au maximum, un syndrome de la queue
de cheval.
Les hernies discales cervicales sont beaucoup plus fréquentes
que les hernies discales dorsales, qui restent rares
en raison de la faible mobilité de ce segment rachidien.
Elles se manifestent le plus souvent par une douleur
radiculaire isolée, mais peuvent aussi entraîner un syndrome
de compression médullaire, antérieur ou antérolatéral,
si elles sont volumineuses ou anciennes (calcifiées).
Ces hernies peuvent survenir en dehors de tout
traumatisme.
7- Myélopathies cervicales
:
Si les lésions d’arthrose cervicale touchent plus de la
moitié des individus après 50 ans, les complications
neurologiques comprises sous le terme de myélopathie cervicale sont en comparaison relativement rares.
Les
sténoses cervicales d’origine arthrosique correspondent
à l’association de lésions à type de dégénérescences
discales (C4-C5, C5-C6, C6-C7 notamment), d’hypertrophie
des massifs articulaires postérieurs et de formation
d’ostéophytes.
Toutes ces lésions tendent à réduire
le diamètre du canal rachidien et à comprimer la moelle
épinière.
Le tableau clinique de ces myélopathies associe,
à des degrés variables, des troubles de la marche, une
maladresse gestuelle et des sensations sensitives douloureuses
des membres supérieurs sans systématisation
radiculaire nette.
B - Lésions intradurales extramédullaires :
1- Méningiomes :
Les méningiomes spinaux sont responsables d’environ
20 % des compressions médullaires lentes. Ils prédominent
nettement chez la femme (5 fois plus fréquents
que chez l’homme) de 40 à 70 ans et se développent
préférentiellement au niveau thoracique (plus de 80%
des cas).
Ce sont des tumeurs bénignes d’évolution très lente qui
s’insèrent sur la dure-mère, le plus souvent en position
latérale ou antéro-latérale.
En général, les méningiomes
rachidiens restent purement intraduraux (90 %) et sont
très rarement multiples.
Sur le plan histologique, les formes endothéliales ou
fibromateuses prédominent.
2- Neurinomes :
Les neurinomes tiennent une place importante dans les
causes de compression médullaire puisqu’ils représentent
près d’un tiers des tumeurs intradurales, se répartissant
pour 80 % d’entre eux tout au long de la moelle et
pour 20 % au niveau de la queue de cheval.
Le terrain et la répartition topographique des neurinomes
les opposent en tous points aux méningiomes :
prédominance cervicale basse, fréquence rostro-caudale
croissante aux niveaux dorsal et lombaire.
La femme est
habituellement atteinte entre 40 et 60 ans, alors que
l’homme l’est entre 30 et 40 ans.
Les neurinomes de
l’enfant sont rares : 12 %.
Une longue période initiale
radiculaire pure caractérise le neurinome.
Il s’agit de tumeurs bénignes, nées aux dépens des cellules
de Schwann des racines rachidiennes (appelées
également « schwannomes »).
Généralement les neurinomes
sont des tumeurs uniques, ils peuvent cependant
être multiples dans le cadre d’une neurofibromatose de
types I ou II.
À ce titre, une forme particulière, le neurofibrome,
est à souligner, envahissant plusieurs racines et
dissociant les fibres nerveuses par hyperplasie des
éléments de soutien schwanniens et fibroblastiques du
nerf ; son pronostic est plus sombre.
La forme dite en « sablier » est assez typique du neurinome,
avec un développement de part et d’autre d’un trou
de conjugaison, qui apparaît agrandi sur les radiographies
standard.
3- Autres lésions, plus rares :
Les médulloblastomes, les pinéalomes, les épendymomes
et les glioblastomes intracrâniens peuvent donner
des métastases leptoméningées spinales.
Les tumeurs
viscérales ne donnent qu’exceptionnellement des métastases
de cette localisation.
Signalons les rares kystes arachnoïdiens rachidiens,
quasiment toujours localisés en région dorsale.
C - Lésions intramédullaires :
Hormis les exceptionnels abcès et tuberculomes (surtout
dans les pays industrialisés), les lésions intramédullaires
sont d’origine tumorale et représentent 5% des tumeurs
primitives du système nerveux central et 30 % des
tumeurs intrarachidiennes intradurales.
Leur incidence
est évaluée à 4 cas par million d’habitants et par année.
Les tumeurs primitives gliales représentent l’essentiel
des tumeurs intramédullaires (80 %) ; parmi celles-ci,
il existe 2 grandes variétés : l’astrocytome et l’épendymome.
1- Épendymomes :
Les épendymomes intrarachidiens représentent 15%
des tumeurs médullaires et environ 60 % des tumeurs
gliales médullaires.
La moitié d’entre eux se développent
au niveau médullaire, l’autre moitié au niveau de la
queue de cheval. L’âge moyen de découverte se situe
entre 40 et 50 ans.
Ils prédominent à la jonction cervicodorsale
s’étendant en moyenne sur 4 ou 5 segments
médullaires.
Certaines particularités distinguent les épendymomes des autres tumeurs gliales :
– les formes mixtes intra- et extramédullaires avec un
prolongement dans la queue de cheval au niveau du
cône terminal ;
– la possibilité de tumeurs géantes panmédullaires ;
– l’existence fréquente de kystes, soit intratumoraux,
soit surtout satellites intramédullaires sus- et sousjacents
à la tumeur.
Histologiquement, ces tumeurs se développent à partir
des cellules du canal épendymaire.
Elles sont en règle
bénignes, des variantes malignes n’étant rencontrées
que dans 10 à 20 % des cas.
2- Astrocytomes :
Les tumeurs astrocytaires représentent près de 40 %
des tumeurs gliales intramédullaires et gardent, en
raison de leur caractère plus volontiers infiltrant, un
pronostic à long terme moins favorable que l’épendymome.
Ils prédominent au niveau de la moelle cervicodorsale
(80%) s’étendant en moyenne sur 5 ou 6 segments
médullaires.
Ils peuvent contenir des zones
micro- ou macrokystiques intratumorales ou adjacentes
à la tumeur mais dans des proportions moindres que
l’épendymome.
L’astrocytome panmédullaire, exceptionnel
chez l’adulte, est fréquent chez les enfants
(plus de la moitié des cas).
Histologiquement, ils sont semblables aux astrocytomes
fibrillaires des hémisphères cérébraux.
Leur transformation
maligne est possible (7 à 8% d’entre eux sont
malins chez l’adulte).
L’âge moyen de découverte se
situe vers 30 ans.
3- Hémangioblastomes :
Les hémangioblastomes sont des tumeurs vasculaires
rares, puisqu’ils représentent environ 3% des tumeurs
rachidiennes.
Ils sont intraduraux intramédullaires, pour
la majorité, mais peuvent aussi être extramédullaires
extraduraux ou dépendre d’une racine.
La localisation intramédullaire de ces lésions, surtout si elle est plurifocale,
est l’indice d’une forme grave car diffuse de la
maladie (54 % des cas) réalisant une hémangioblastomatose
ou maladie de von Hippel-Lindau (autosomique
dominant à pénétrance et expression variables).
Les hémangioblastomes se répartissent sans site prépondérant
le long de l’axe médullaire et siègent presque toujours
dans la moitié postérieure de la moelle.
L’âge
moyen de survenue est autour de 30 ans.
4- Kystes dermoïdes et épidermoïdes :
Tumeurs congénitales rares (2 % des tumeurs de la
moelle et de ses enveloppes) et d’évolution très lente, les
kystes dermoïdes (dérivés du mésoderme et de l’ectoderme)
sont pour près de la moitié d’entre eux intramédullaires
avec un développement prédominant dans
le cône terminal et dans la moelle dorsale inférieure.
Dans l’autre moitié des cas, ils sont responsables du
syndrome de la queue de cheval.
L’association à des
malformations vertébrales (spina bifida) ou cutanées
(kyste pilonidal) est fréquente.
De même, une moelle se
terminant en position plus basse que la normale (dite
« moelle attachée ») est loin d’être exceptionnelle, surtout
chez l’enfant.
5- Lipomes médullaires :
Les lipomes sont des tumeurs bénignes rares puisqu’ils
représentent 1% des tumeurs médullaires chez l’adulte
et 5% chez l’enfant.
Ils peuvent être isolés ou associés
à un dysraphisme spinal.
Leur siège de prédilection
est cervico-dorsal supérieur, à la partie postérieure du
canal rachidien. Ces tumeurs d’évolution très lente
renferment du tissu adipeux mature sans signe de
malignité.
6- Métastases intramédullaires :
Les métastases intramédullaires de néoplasies viscérales
sont exceptionnelles (2 %).
Les plus fréquemment en
cause sont le poumon (80 % des cas) et le sein (13 %).
Ces lésions médullaires secondaires surviennent le plus
souvent dans un contexte polymétastatique, notamment
cérébral (près de 80 % des cas).
7- Lésions vasculaires intramédullaires :
Si les malformations artério-veineuses intramédullaires
sont rarissimes, les cavernomes (ou angiomes caverneux)
sont des lésions mises en évidence plus fréquemment avec la pratique courante d’examen par imagerie par
résonance magnétique (IRM).
Ces lésions ont comme
génie évolutif d’entraîner des saignements intramédullaires,
de petits volumes, à répétition.
Un tableau clinique
récidivant avec récupération plus ou moins complète
dans l’intervalle libre doit y faire penser.
L’aspect
d’imagerie par résonance magnétique est celui d’une
lésion associant hyper- et hyposignaux, témoignant des
saignements d’âge différent.
Physiopathologie
:
La physiopathologie des compressions médullaires est
directement liée au contenu rachidien et à l’anatomie de
la moelle épinière.
Le tableau clinique, son évolutivité et
son pronostic sont liés à la nature et à la localisation du
processus lésionnel incriminé.
Rappel anatomique :
1- Morphologie :
En continuité avec le tronc cérébral, la moelle épinière
s’étend du trou occipital à L1.
La limite supérieure est
déterminée par un plan horizontal passant par le milieu
de l’arc antérieur de l’atlas (C1) ; la limite inférieure par
un plan horizontal passant par le disque intervertébral L1-L2.
La moelle épinière, d’où se détachent 31 paires de
racines rachidiennes ainsi que les racines médullaires
des nerfs spinaux, présente deux renflements, cervical et
lombaire.
Elle se termine par le cône médullaire (ou
terminal) d’où se détache le filum terminal.
La moelle
cervicale donne 8 racines et s’étend jusqu’en C6-C7 ;
la moelle dorsale donne 12 racines et s’étend jusqu’en
D10-Dll ; la moelle lombaire donne 5 racines et s’étend
jusqu’à Ll ; la moelle sacrée et coccygienne donne respectivement
5 racines sacrées et 1 racine coccygienne et
s’étend jusqu’au disque L1-L2.
L’enveloppe durale qui
contient la moelle se prolonge jusqu’au sacrum (S2).
Ainsi, au niveau lombaire, le cul-de-sac ne contient plus
que les racines lombaires et sacrées dont la compression
réalise un syndrome de la queue de cheval.
Ce décalage
s’explique par la croissance plus rapide de la colonne
vertébrale par rapport à la moelle durant la vie embryonnaire
et a pour conséquence l’obliquité de plus en plus
importante des racines cervicales (où elles sont horizontales)
jusqu’au niveau lombaire (où elles sont verticales)
ainsi que le décalage entre les segments médullaires et
les segments vertébraux.
La moelle et son enveloppe durale sont contenues dans
le canal rachidien formé en avant par l’empilement des
vertèbres, réunies par les disques intervertébraux
et maintenues par les ligaments et les muscles paravertébraux.
La dure-mère rachidienne qui n’adhère pas
aux parois du canal rachidien laisse place à un espace
épidural, étroit en avant, plus large en arrière, occupé
par une graisse abondante et par les plexus veineux
intrarachidiens.
2- Systématisation médullaire :
Sur une coupe de moelle, on distingue la substance
grise, formée par les corps cellulaires et la substance
blanche, formée par les fibres de passage.
La substance
grise présente 2 cornes antérieures, motrices et 2 cornes
postérieures, sensitives. Au niveau des renflements cervical
et lombaire, ces cornes sont plus volumineuses du
fait de l’innervation des membres.
La substance grise est subdivisée en couches selon la
classification de Rexed.
La substance blanche quant à
elle, est divisée en cordons : les cordons antéro-latéraux et
les cordons postérieurs.
On y distingue les voies ascendantes,
sensitives, et les voies descendantes, motrices.
• Les voies sensitives sont organisées en 2 systèmes :
sensibilité tactile épicritique et profonde d’une part,
sensibilité thermique et douloureuse d’autre part.
Les fibres véhiculant la sensibilité tactile épicritique et
la sensibilité profonde cheminent dans les cordons
postérieurs homolatéraux et sont disposées selon un
arrangement somatotopique : on trouve, de dedans en
dehors, les fibres provenant des régions sacrée, lombaire,
thoracique et cervicale. Elles se croisent au niveau du
bulbe, après un relais dans les noyaux bulbaires de Goll
et de Burdach, pour former le lemnisque médian.
Les fibres véhiculant la sensibilité thermique et douloureuse,
après un relais dans les couches I, IV,V et VI de la
corne postérieure de la moelle, croisent la ligne médiane
au niveau médullaire et cheminent dans la
partie latérale du cordon antéro-latéral.
Ces fibres ont
également un arrangement somatotopique : on trouve,
de dedans en dehors, à l’inverse des cordons postérieurs,
les fibres provenant des régions cervicale, thoracique,
lombaire et sacrée.
Cette disposition somatotopique
permet d’expliquer qu’en cas de compression antérolatérale,
on puisse observer un décalage vers le bas du
niveau sensitif déficitaire par rapport au niveau lésionnel.
• Les voies motrices descendantes sont organisées schématiquement
également en 2 systèmes :
– le système latéral comprend la voie pyramidale proprement
dite, issue du cortex moteur, à laquelle vient
s’ajouter le faisceau rubrospinal, issu du noyau rouge
et le faisceau réticulospinal latéral, issu de la réticulée
latérale pontique.
Ce système occupe la partie postérieure
du cordon antéro-latéral et est disposé selon une
organisation somatotopique : on trouve, de dedans en
dehors, les fibres se distribuant aux régions cervicale,
thoracique, lombaire et sacrée ;
– le système médian comprend les voies interstitiospinale
(issue du noyau interstitiel de Cajal), tectospinale
(issue du colliculus supérieur), réticulospinale
médiale (issue de la réticulée médiale des 3 âges du tronc
cérébral) et vestibulospinale (issue des noyaux vestillaires).
Ce système occupe la partie médiale du cordon antéro-latéral avec le faisceau pyramidal direct.
• Les formations végétatives se situent au niveau de la
substance grise entre les cornes antérieures et postérieures.
Surtout développées au niveau de la moelle
thoracique, elles forment une corne latérale nettement
individualisée de C8 à L2.
Le système parasympathique est surtout individualisé de
S2 à S4 tandis que le système sympathique est retrouvé
surtout au niveau de la corne latérale de C8 à L2 (tractus intermédio-lateralis).
• Enfin, au niveau cervical, la pars caudalis du noyau
trigéminal spinal se termine au niveau des 2 premiers
segments cervicaux, se poursuivant par la substance
gélatineuse de Rolando.
Ainsi, une lésion située à ce
niveau peut entraîner une névralgie du trijumeau
intéressant le territoire ophtalmique (partie ventrale du
noyau trigéminal spinal) ou le territoire mandibulaire
(partie dorsale du noyau trigéminal spinal).
De même, la
racine médullaire du nerf spinal naît des cornes antérieures
des 5 ou 6 premiers segments cervicaux et peut
donc être lésée par une lésion se développant dans cette
région.
Notons également que le nerf phrénique naît de
la branche antérieure du nerf cervical (accessoirement
des 3e et 5e nerfs cervicaux).
3- Vascularisation :
• Afférences artérielles : la moelle reçoit son apport
artériel par des artères radiculomédullaires.
Ces artères
suivent le trajet des racines nerveuses, pénètrent dans le
canal médullaire par le trou de conjugaison et traversent la dure-mère.
On décrit des artères radiculomédullaires
antérieures et postérieures suivant la racine antérieure
ou postérieure qu’elles suivent pour pénétrer dans l’espace
intradural.
Les antérieures se rejoignent en avant
pour former l’axe spinal antérieur médian et les postérieures
en arrière dans le sillon collatéral pour former
l’axe spinal postéro-latéral.
Ce dernier a un flux longitudinal
prédominant parmi un réseau artériel pial.
Il existe en moyenne 6 à 8 artères radiculomédullaires
antérieures et une vingtaine de postérieures.
Cela rend
compte de la plus grande fragilité de l’axe spinal antérieur
par rapport au système postérieur dont les afférences
artérielles sont distribuées de façon beaucoup
moins systématisée.
En pratique, l’organisation métamérique initiale (à un
segment métamérique médullaire correspond une artère)
de l’embryon fait place au cours du développement,
avec l’involution des arcs aortiques, à une vascularisation
à 3 étages pour l’axe spinal antérieur :
– l’étage cervicothoracique (C1-T3), dont l’axe spinal
antérieur provient de la réunion des 2 artères spinales
issues des artères vertébrales intracrâniennes
(segment V4), puis schématiquement de 2 artères
radiculomédullaires antérieures issues pour l’une de
l’artère vertébrale en regard de C5-C6 et pour l’autre
de l’artère cervicale profonde en regard de C7-T1 ;
– l’étage thoracique moyen (T3-T9) avec une artère radiculomédullaire antérieure issue de l’artère intercostale
T4 ou T5, le plus souvent à gauche ;
– l’étage thoracolombaire (T10-L1) avec généralement une
afférence unique volumineuse, l’artère d’Adamkiewicz.
Son origine est située le plus souvent entre T9 et T12
à gauche.
Il est important de savoir que le réseau artériel intramédullaire
est constitué à 80 % de branches collatérales
(perforantes, centrales et sulco-commissurales) issues
de l’axe spinal antérieur.
Une place à part doit être faite
au cône terminal où il existe un système anastomotique
entre les axes spinaux antérieurs et postérieurs.
• Efférences veineuses : le drainage veineux médullaire
se fait suivant le même principe de veines spinales antérieures
et postérieures puis radiculomédullaires qui se jettent dans les plexus veineux
épiduraux.
À partir de ces
plexus, le drainage se fait à l’étage cervical vers la veine cave
supérieure via les veines vertébrales et jugulaires postérieures, à
l’étage thoracique vers les veines azygos, à l’étage lombaire vers
les veines lombaires ascendantes et à l’étage sacré vers la veine
cave inférieure via les veines sacrées et hypogastriques.
L’anatomie de la
moelle épinière mise en place, il devient logique que tout processus
lésionnel, venant la comprimer, sera responsable d’une sémiologie
dépendante du siège en hauteur et en largeur de la compression par
rapport à la moelle mais aussi de son mode évolutif.
On distingue toutefois, un tableau clinique « commun »,
associant un syndrome rachidien, un syndrome lésionnel
(en rapport direct avec la lésion) et un syndrome sous-lésionnel (en rapport avec la souffrance des voies
longues sous-jacentes).
Diagnostic
:
Il est avant tout clinique et doit être recherché méthodiquement.
Clinique :
1- Tableau clinique général :
• Le syndrome rachidien traduit la souffrance des composants ostéodiscoligamentaires.
On comprend aisément
qu’il soit surtout marqué dans les affections extradurales,
prenant naissance au niveau d’un corps vertébral (par
exemple en cas de métastase osseuse).
Ce syndrome, lorsqu’il est présent, est essentiellement
résumé par une douleur rachidienne localisée, spontanée
ou provoquée.
Une douleur rachidienne spontanée localisée,
inhabituelle, doit toujours entraîner la réalisation
d’examens radiologiques complémentaires qui permettront
de reconnaître une lésion vertébrale ou discale, et de
mettre en oeuvre un traitement avant que n’apparaissent
des signes de souffrance neurologique.
C’est la meilleure
façon de prévenir l’apparition d’un syndrome de compression
médullaire.
Sinon, en présence de signes neurologiques,
la recherche d’une douleur rachidienne
localisée provoquée soit par la palpation, soit par la percussion
des épineuses permet d’orienter les examens
radiologiques vers un niveau particulier, surtout si les
signes sensitifs déficitaires sont peu marqués.
Plus rarement,
le syndrome rachidien comporte une raideur d’un
segment vertébral ou encore une déformation de la
colonne vertébrale qui s’observe plus volontiers chez
l’enfant (association tumeur intramédullaire et scoliose).
• Le syndrome lésionnel est essentiellement sensitif et
radiculaire.
Si la compression siège dans le renflement
cervical ou lombaire, on peut observer un syndrome
moteur de type périphérique affectant les membres
supérieurs ou inférieurs.
Ce syndrome, s’il existe, peut également être le premier
signe rencontré.
Il traduit la souffrance du métamère
directement comprimé par la lésion en cause.
Il peut
s’agir de l’atteinte d’une racine (surtout si elle est le siège
de la lésion comme c’est le cas pour les neurinomes), soit
de l’interruption des voies sensitivo-motrices métamériques
(rencontrée alors plutôt lors des lésions intramédullaires).
Les caractères fixe, tenace, répondant à une systématisation
radiculaire, unilatérale au début, impulsive à la toux et
souvent nocturne caractérisent cette douleur lésionnelle.
L’examen clinique doit rechercher systématiquement
une hypoesthésie en bande et au niveau des membres un
déficit focalisé ou l’abolition d’un réflexe.
L’existence d’un syndrome lésionnel signe le niveau
médullaire à explorer sur le plan radiologique.
• Le syndrome sous-lésionnel traduit la souffrance des
voies ascendantes et descendantes encore appelées voies
longues.
En cas de compression médullaire d’évolution lente et du
fait de la répartition topographique des voies motrices et
sensitives, on comprend que les troubles intéressent
d’abord les derniers métamères sacrés puis, peu à peu, s’étendent, remontant progressivement jusqu’au niveau
de la compression pour rejoindre les troubles créés par le
syndrome lésionnel, s’ils existent.
Le syndrome sous-lésionnel au début peut être discret.
C’est, une fois encore, souligner l’importance de le
reconnaître dès les premières manifestations car son
intensité détermine le pronostic fonctionnel.
Il associe
des troubles sensitifs subjectifs et objectifs et des
troubles moteurs.
Les troubles sensitifs subjectifs sont : paresthésies, douleurs cordonales postérieures (sensation de striction en
étau, de broiement, de ruissellement froid et brûlant),
signe de Lhermitte (douleur en éclair irradiant le long de
la colonne vertébrale jusqu’aux membres inférieurs lors
de la flexion du cou).
Les troubles sensitifs objectifs sont : troubles du sens de
position des orteils et surtout une hypoesthésie de très
grande valeur localisatrice (mamelons = T4 ; base du
thorax = T7 ; ombilic = T10 ; pli de l’aine = T12).
Les troubles moteurs sont : au départ une simple fatigabilité
à la marche qui s’aggrave plus ou moins vite en
fonction de la nature de la lésion, les lésions d’évolution
lente se faisant vers une para- ou tétraparésie spastique
avec un syndrome pyramidal franc, les autres pouvant
évoluer vers un déficit flasque installé en quelques heures.
Des troubles sphinctériens à type de rétention s’associent
souvent, ils sont peu marqués au début et doivent
être systématiquement recherchés à l’interrogatoire.
Un peu plus tard, le syndrome sous-lésionnel est facilement
reconnu, associant une hypoesthésie à tous les
modes avec un niveau sensitif net, une para- voire tétraparésie
et des troubles génito-sphinctériens à type de
rétention ou d’incontinence avec impuissance.
Dans les formes d’aggravation rapide, un processus vasculaire, myélomalacique peut être évoqué, assombrissant
encore le pronostic.
2- Spécificité de certaines formes cliniques :
• Suivant le niveau en hauteur :
– les compressions cervicales hautes (C1-C4) entraînent
une tétraplégie.
À ce niveau, le syndrome rachidien est
le plus souvent franc, quelle que soit la cause, marqué
par une raideur douloureuse du cou.
Le syndrome
lésionnel peut entraîner une névralgie d’Arnold (C2)
[douleur occipitale pouvant irradier vers l’oreille ou
l’angle de la mâchoire] ou une atteinte de la musculature
diaphragmatique unilatérale (C4).
Les lésions se
développant au niveau du trou occipital peuvent bloquer
l’écoulement du liquide céphalo-rachidien
(LCR) [et être responsables d’une hydrocéphalie et
(ou) venir comprimer la région bulbomédullaire
(atteinte des derniers nerfs crâniens, nystagmus)],
voire le cervelet.
L’atteinte motrice des lésions du trou
occipital évolue classiquement en « U » : le membre
supérieur du côté de la tumeur est d’abord touché,
puis le membre inférieur ipsilatéral suivi du membre
inférieur controlatéral pour finir par le membre supérieur
controlatéral.
Rappelons que l’atteinte des 2 premiers
segments cervicaux peut venir intéresser le noyau trigéminal
spinal et être responsable d’un trouble de la sensibilité de la face dans le territoire du nerf ophtalmique
ou du nerf mandibulaire ;
– les compressions cervicales basses (C5-C7) ont une
présentation clinique marquée par la fréquence de
signes lésionnels francs avec atteinte motrice, sensitive
et abolition des réflexes correspondants [bicipital
(C5), stylo-radial (C6), tricipital (C7) et cubitopronateur
(C8)] ;
– Les compressions dorsales sont les plus fréquentes.
Le tableau clinique est marqué par des douleurs en hémiceinture ou en ceinture (correspondant à un
métamère).
Les compressions dorsales basses et lombaires
hautes abolissent les réflexes cutanés abdominaux
correspondants : supérieurs (T8), moyens (T12)
et inférieurs (Ll). Le syndrome sous-lésionnel entraîne
une paraparésie spasmodique.
Il faut rechercher une
hypoesthésie en bande, signe du niveau lésionnel, si
les douleurs sont absentes ;
– l’atteinte du cône terminal associe des troubles génitosphinctériens,
un syndrome lésionnel déficitaire
sensitivo-moteur avec abolition d’un réflexe [crémastérien
(L1-L2), rotulien (L3-L4) ou achilléen (S1)]
pouvant en imposer pour un trouble neurologique
périphérique d’autant que le signe de Babinski peut
manquer ;
– l’atteinte de la queue de cheval associe une paraplégie
flasque et une anesthésie en selle, et peut être associée
à une compression du cône terminal.
• Suivant l’atteinte transversale :
– les compressions antérieures se présentent sous une
forme motrice pure.
Le syndrome lésionnel se traduit
par une paralysie avec amyotrophie et fasciculations,
associée à un syndrome sous-lésionnel sous la forme
d’une paraparésie spastique.
De plus, ces lésions peuvent
être responsables d’accidents ischémiques dans
le territoire spinal antérieur ;
– les compressions postérieures entraînent des troubles
sensitifs profonds inauguraux, associés à des douleurs
de type « cordonales postérieures » (striction, broiement) ;
– les compressions latéro-médullaires sont appellées
syndrome de Brown-Séquard associant un syndrome
pyramidal et une atteinte sensitive profonde et tactile
épicritique du côté de la lésion et une atteinte sensitive
protopathique et thermo-algique du côté opposé.
– les compressions intramédullaires entraînent une
désorganisation ou une interruption des fibres commissurales,
d’où la possibilité d’un syndrome suspendu
type syringomyélique avec diminution de la sensibilité
thermo-algique et conservation du tact et de la sensibilité
profonde.
L’évolution d’un tableau de compression médullaire
étant fort peu prévisible et pouvant très rapidement se
décompenser (phénomènes ischémiques surajoutés par
atteinte de l’axe spinal), il convient dès qu’il est suspecté
d’établir rapidement un diagnostic étiologique.
Celui-ci
détermine le plus souvent le pronostic fonctionnel et
peut se révéler être une urgence thérapeutique.
Rappelons
qu’à ce stade de diagnostic clinique la ponction lombaire
doit être proscrite.
• Bilan neuroradiologique : une fois le diagnostic
clinique évoqué, le bilan radiologique doit être réalisé
le plus rapidement possible.
L’existence d’un syndrome lésionnel et (ou) d’anomalies
sur les radiographies standard du rachis, guide les explorations
autres que sont le scanner et l’imagerie par
résonance magnétique, notamment en ce qui concerne le
segment rachidien à explorer.
L’imagerie par résonance magnétique est l’examen de
choix pour l’évaluation des lésions rachidiennes ou
médullaires.
Différentes séquences d’acquisition des
images sont effectuées (T1, T2, T2*, sans et avec injection
intraveineuse de gadolinium).
Elle permet en outre une
excellente vision sagittale de la moelle épinière et du
rachis.
Sa résolution anatomique est précise.
En T1, la moelle apparaît bien limitée par l’hyposignal
des structures périmédullaires.
En T2, les espaces sousarachnoïdiens
apparaissent en hypersignal tout comme
les anomalies de signal du parenchyme médullaire.
Les
caractéristiques de signal de la lésion en fonction de la
séquence orientent le diagnostic étiologique.
L’injection
de gadolinium permet de visualiser des ruptures de
barrière membranaire (maladies tumorales ou inflammatoires
aiguës…).
Le plus souvent l’imagerie par résonance
magnétique permet un diagnostic topographique
et lésionnel précis.
La myélographie garde des indications en cas d’impossibilité
de réaliser une imagerie par résonance magnétique,
comme par exemple pour les patients porteurs de
pacemaker ou autres prothèses métalliques.
Le scanner (sans et avec injection intraveineuse de produit
iodé) est utile en première intention, ou en complément
de l’imagerie par résonance magnétique, pour le
bilan des lésions ostéodiscales et des régions périvertébrales.
Il permet une meilleure analyse du contingent
osseux et les reconstructions sagittales ou 3D, de pratique
régulière maintenant, rendent l’examen plus performant.
Lorsque le diagnostic clinique de compression médullaire
est posé et que le bilan neuroradiologique l’a
confirmé, il faut, sans plus tarder, adresser le patient en
milieu spécialisé (neurologie ou neurochirurgie) car il
peut s’agir d’une véritable urgence thérapeutique.